DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Le décès de Cherry Kingsley
7 décembre 2021
Honorables sénateurs, comme une étoile filante, Cherry Kingsley brillait de mille feux, mais, la semaine dernière, elle s’est éteinte trop tôt, malgré sa volonté de vivre. Nous nous sommes rencontrées en 1988. Quelques minutes à peine après que nous nous soyons présentées, je lui ai offert ce qu’elle a décrit comme son premier emploi légitime. C’est ainsi qu’elle est devenue une membre fondatrice de l’Alberta Youth In Care and Custody Network, le réseau des jeunes en foyer d’accueil de l’Alberta, et le moteur derrière la conférence des défenseurs de la jeunesse de 1988.
Lorsqu’elle a perdu son logement, elle a déménagé chez moi et s’est jointe à ma famille. Son fils bien-aimé Dakota s’est ajouté plus tard à notre cercle. Lorsque Cherry était âgée de 11 ans, elle s’est enfuie du domicile familial avec sa sœur pour échapper aux mauvais traitements de leur beau-père. Comme elles étaient des jeunes filles autochtones, elles ont été prises en charge puis aussitôt abandonnées dans la rue. Comme tant d’autres, elle a été exploitée, maltraitée et traumatisée à maintes reprises et a été victime de la traite de personnes entre Calgary et Vancouver. Elle nous a mis au défi de reconnaître la misogynie, le racisme et les préjugés fondés sur la classe sociale des hommes ordinaires — des pères, des époux, des grands-pères, des oncles et des frères — et, en particulier, des hommes jouissant d’un privilège considérable, qui traitent les enfants et les jeunes femmes comme des objets, de manière dégradante et déshumanisante, les exploitent et les maltraitent. Elle a mis au défi des policiers, des travailleurs sociaux, des politiciens et les Nations unies, de faire respecter les droits des femmes et des enfants.
Cherry était une femme brillante, éloquente, courageuse, généreuse et bienveillante. Elle s’est servie de son expérience pour ouvrir les yeux et les esprits de bien des gens. Elle a exigé que toute la société reconnaisse que des enfants étaient victimes de la traite et de l’exploitation des personnes et participaient contre leur gré au commerce du sexe. Grâce à elle, des organismes internationaux de protection des droits de la personne ont changé leur vocabulaire et cessé d’employer le terme « enfant prostitué ».
En 1996, Cherry et la sénatrice Pearson ont assisté au premier Congrès mondial contre l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. En 1998, elles ont coprésidé le sommet international Sortir de l’ombre, qui portait sur l’exploitation sexuelle de la jeunesse. Elles ont présenté les résultats d’un programme d’intervention aux Nations unies. La même année, Cherry a corédigé le rapport Sacred Lives avec Melanie Mark, qui allait devenir ministre et députée de l’Assemblée législative de la Colombie-Britannique.
Elle a également fait cause commune avec l’ancien sénateur Roméo Dallaire et l’ancienne ministre Ethel Dorothy Blondin-Andrew, qui a proposé la candidature de Cherry pour le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne » en 2000. Sur la Colline du Parlement, lorsqu’un membre du personnel de sécurité lui a demandé pourquoi on lui avait décerné une médaille, elle a aussitôt lancé cette boutade : « Pour qu’on m’empêche d’avancer! »
Je suis très reconnaissante d’avoir eu la chance de connaître et d’aimer Cherry. Je ne peux pas décrire à quel point elle me manque. Merci.