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Le Code criminel

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat

2 décembre 2021


L’honorable Mobina S. B. Jaffer [ - ]

Propose que le projet de loi S-213, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux), soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du projet de loi que j’ai présenté concernant l’abrogation des peines minimales obligatoires et le respect du précieux principe du pouvoir discrétionnaire des juges pour la détermination des peines.

Avant de vous exposer les raisons pour lesquelles ce projet de loi est aussi crucial, je m’en voudrais de ne pas commencer par reconnaître et remercier du fond du cœur la sénatrice Pate d’avoir porté si haut le flambeau de ce projet de loi et de bien d’autres causes.

Sénatrice Pate, j’aimerais vous remercier pour votre travail exceptionnel concernant ces enjeux et pour m’avoir aidé à rédiger ce projet de loi.

Chers collègues, j’ai vu la sénatrice Pate visiter des prisons et je peux vous dire que les prisonniers partout au pays croient en elle pour protéger leurs droits. Elle a acquis tant de crédibilité à ce sujet qu’ils lui font confiance pour défendre leurs droits au Sénat.

Sénatrice Pate, je voue une admiration sans bornes à votre travail et je vous remercie pour tout.

Malgré leur nom, les peines minimales obligatoires vont directement à l’encontre du pouvoir discrétionnaire des juges, qui ne disposent que d’une solution unique. L’approche unique adoptée pour déterminer les peines, comme les peines minimales obligatoires, nuit à la capacité des juges à déterminer des peines appropriées en fonction des circonstances particulières de chaque individu.

Honorables sénateurs, dans le confort de cette salle, il est facile pour nous de créer des lois qui nous semblent justes. Nous créons des lois que nous pensons bénéfiques pour la société, et pourtant, la plupart d’entre nous ne côtoient jamais les personnes les plus concernées par ces lois.

Par contre, partout au pays, les juges rencontrent ces personnes. Ils finissent par connaître leur situation, une situation sur laquelle ils s’appuient pour déterminer les peines. Chaque jour, les juges se retrouvent face à ces personnes lorsqu’ils prennent la décision ou non de les envoyer en prison pour une période déterminée.

Dans leur forme actuelle, les peines minimales obligatoires lient les mains des juges. Elles leur laissent peu d’autres choix que de regarder la personne en face et lui imposer une peine sans tenir suffisamment compte des circonstances.

Nous, les parlementaires, sans être au fait de ces cas individuels, avons décidé que leur peine va à l’encontre des principes de détermination de la peine. Ce faisant, nous, les parlementaires, empêchons directement les juges de faire le travail pour lequel ils ont été nommés.

En résumé, le projet de loi à l’étude autorise les tribunaux à décider, s’ils l’estiment juste et raisonnable, de ne pas rendre l’ordonnance d’interdiction obligatoire prévue par une disposition du Code criminel, ou d’ajouter des conditions ou de modifier toute condition prévue dans cette disposition. Il exige des tribunaux qu’ils donnent les motifs de leur décision à cet égard.

Qui plus est, l’imposition de peines minimales obligatoires fait d’office abstraction des circonstances aggravantes et atténuantes.

Ainsi, les peines minimales ne respectent pas les principes fondamentaux de détermination de la peine énoncés à l’article 718 du Code criminel, c’est-à-dire :

Le prononcé des peines a pour objectif essentiel de protéger la société et de contribuer, parallèlement à d’autres initiatives de prévention du crime, au respect de la loi et au maintien d’une société juste, paisible et sûre par l’infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants [...]

Comme beaucoup d’entre vous le savent sans doute, je fais valoir depuis longtemps l’importance de l’indépendance des tribunaux. Or, l’un des éléments fondamentaux de cette indépendance est la capacité des juges d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour trancher correctement les affaires dont ils sont saisis.

Honorables sénateurs, ceux d’entre vous qui sont au Sénat depuis quelque temps sauront également que j’ai toujours appuyé l’élimination des injustices qui persistent en raison des peines minimales obligatoires. J’ai présenté un projet de loi concernant le recours aux peines minimales obligatoires non pas une fois, non pas deux fois, mais bien trois fois.

En juin 2013, j’ai présenté le projet de loi S-221, Loi modifiant le Code criminel (exception à la peine minimale obligatoire en cas d’homicide involontaire coupable ou de négligence criminelle causant la mort).

En novembre 2013, j’ai présenté le projet de loi S-209, du même nom.

En février 2014, j’ai présenté le projet de loi S-214, toujours du même nom.

Comme l’exprime clairement le titre des trois projets de loi, mon intention était de traiter de l’imposition de peines minimales obligatoires pour ce qui est des changements liés aux peines touchant l’homicide involontaire et la négligence criminelle causant la mort. Je sais maintenant que je ne suis pas allée assez loin.

Honorables sénateurs, c’était les solutions que je proposais mais maintenant, c’est différent. Je comprends maintenant que mon projet de loi aurait dû avoir une portée plus large.

Lors de la précédente session parlementaire, le gouvernement fédéral a présenté le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ce projet de loi représentait un premier pas, puisque le gouvernement reconnaissait enfin les problèmes liés aux peines minimales obligatoires et semblait vouloir rapidement mettre fin à leur utilisation systématique.

Malgré ces efforts louables, le projet de loi n’allait pas assez loin. Plutôt que de rejeter en bloc les peines minimales obligatoires et de rétablir entièrement le pouvoir discrétionnaire des juges, le projet de loi a supprimé le recours à ces peines dans le cas de seulement 19 infractions. Ce nombre est d’autant plus insuffisant si on pense au fait que, à ce jour, au moins 43 — je le répète, honorables sénateurs —, 43 peines minimales obligatoires ont déjà été invalidées par les tribunaux de différents ordres au pays.

À l’heure où l’on se parle, les tribunaux continuent de déclarer que la façon d’appliquer les peines minimales obligatoires est inconstitutionnelle et disproportionnée et de souligner qu’elle contribue à renforcer le racisme systémique.

Honorables sénateurs, le titre des projets de loi, les discours prononcés à leur sujet et la rhétorique politique ici et à l’autre endroit font qu’il peut être facile d’oublier que des humains sont directement concernés par les décisions que nous prenons, peu importe les enjeux.

En fait, quand le projet de loi C-22 a été présenté à l’autre endroit, je l’ai appuyé vigoureusement et j’ai soutenu avec certains d’entre vous que nous devions encourager son adoption, étant donné qu’il était important de mettre quelque chose en place. Il était important d’obtenir une certaine reconnaissance du gouvernement. Pour moi, c’était une avancée, et ce l’est toujours.

Cela dit, nous savons que le gouvernement prévoit présenter de nouveau un projet de loi sur les peines minimales obligatoires. Avant qu’il le fasse, honorables sénateurs, nous avons maintenant l’occasion d’envoyer un message très fort en renvoyant ce projet de loi à l’autre endroit. Nous pouvons envoyer un message selon lequel, cette fois-ci, nous n’accepterons pas seulement de cocher une case. Nous n’accepterons pas de régler le quart ou la moitié de la question.

Chers collègues, nous avons l’occasion de dire à l’autre endroit que le moment est venu de rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges et de faire respecter la justice pour tous les Canadiens. Honorables sénateurs, ce projet de loi est très important parce que les mesures législatives bancales ont une incidence directe sur la vie des gens.

Le plus souvent, ce sont les personnes laissées pour compte et qui sont obligées de trouver des moyens de survivre qui entrent en conflit avec les lois existantes.

Certains d’entre vous ont peut-être entendu parler de l’histoire de Cheyenne Sharma, une jeune autochtone. Lorsqu’elle a été condamnée, elle avait 23 ans et était monoparentale. La grand-mère de Mme Sharma est une survivante des pensionnats qui s’est retrouvée enceinte après avoir été violée à l’âge de 13 ans. Sa mère s’est retrouvée prise dans les griffes du système de placement en famille d’accueil.

Cheyenne Sharma n’avait que 5 ans lorsque son père a été déporté à Trinidad. Elle a fugué à 13 ans, puis à 15 ans. Elle a alors été obligée de commencer à se prostituer. Elle a dit que c’était parce qu’elle avait besoin d’argent pour payer son loyer, sinon elle risquait d’être expulsée. Honorables sénateurs, songeons un instant à nos propres enfants. Où étaient-ils à 13 ans et à 15 ans? Que faisaient-ils? Étaient-ils à l’école? Pratiquaient-ils leur sport favori? Passaient-ils beaucoup de temps à jouer avec leurs amis? Cheyenne Sharma n’a pas eu la possibilité de faire la moindre de ces choses. À 17 ans, elle avait déjà tenté de se suicider à plusieurs reprises.

Dès sa naissance, Cheyenne s’est retrouvée malgré elle dans des circonstances tout à fait indépendantes de sa volonté.

Honorables sénateurs, les peines minimales obligatoires ne permettent pas à un juge de tenir compte des circonstances de Mme Sharma. Il peut seulement prendre en compte le fait qu’elle a commis un crime.

Heureusement, dans ce cas-ci, le juge Casey Hill de la Cour supérieure de l’Ontario, qui présidait l’affaire, a conclu que la peine minimale obligatoire de deux ans qu’il était chargé d’imposer « […] ne serait pas compatible avec la dignité humaine » et violerait la Charte canadienne des droits et libertés.

Dans le cas trop rare de Mme Sharma, un semblant de justice a prévalu. Toutefois, honorables sénateurs, nous ne pouvons pas laisser la justice reposer sur la bonne volonté de quelques juges bien intentionnés et compatissants. Honorables sénateurs, j’aurais vraiment aimé que cette décision crée un précédent, mais elle ne l’a pas fait. Malheureusement, les autres juges au Canada ne sont pas tenus de suivre l’excellent exemple du juge Hill. Bien trop souvent, ce n’est pas ce qui se produit.

Cet été, je me suis rendue dans des prisons canadiennes en compagnie de la sénatrice Pate et j’ai été très secouée de voir de mes propres yeux la réalité dans ces établissements après deux ans de pandémie. La société a l’impression que les prisonniers sont très bien traités. Eh bien, sénateurs, ce n’est pas ce que j’ai vu. J’ai également été révoltée par le nombre disproportionné d’hommes et de femmes racisés qui se trouvent dans les prisons à sécurité maximale.

À l’Établissement de Fraser Valley pour femmes, la cote de sécurité des détenues va de minimale et moyenne jusqu’à maximale.

La première fois que nous avons rencontré le personnel dans le gymnase de la prison, nous avons appris que les femmes autochtones comptaient pour 61 % des détenues et pour 89 % de celles qui étaient classées au niveau de sécurité maximale. Ces chiffres illustrent, encore une fois, la surreprésentation des Autochtones, en particulier des femmes, dans les prisons canadiennes.

Nous sommes aussi allés à l’établissement de Kent, la seule prison fédérale à sécurité maximale pour hommes située dans la région du Pacifique. À notre arrivée, nous avons rencontré les cadres supérieurs de la prison. Ils nous ont dit que parmi les 240 détenus, 88 — soit environ le tiers — étaient autochtones et que 22 étaient noirs. Rappelons que les Autochtones représentent moins de 5 % de la population canadienne. Nous avons aussi appris que, selon certains prisonniers, la prison est devenue un environnement raciste et toxique. Cela nous rappelle, une fois de plus, qu’il y a du racisme et de la discrimination tous les jours dans les prisons.

Honorables sénateurs, ces gens souffrent, mais très peu de personnes sont à l’écoute. Lorsque la durée d’une peine est établie en appliquant aveuglément la loi sur les peines minimales obligatoires que nous avons adoptée, on ne devrait pas considérer qu’on impose une sanction puisqu’on fait tout simplement preuve de cruauté. Cette approche a pour résultat, d’après les données du Bureau de l’enquêteur correctionnel, que 30 % des détenus et 42 % des femmes qui purgent une peine fédérale sont des Autochtones. Ce taux a augmenté de 43 % depuis 2010. Or, au cours de la même période, le taux d’incarcération chez les non-Autochtones a diminué de 14 %. Le Bureau de l’enquêteur correctionnel a souligné que l’incapacité du système de justice pénale de tenir compte des besoins, de l’histoire et des réalités sociales des peuples autochtones est à l’origine de ce fort taux de criminalisation.

Les peines minimales obligatoires posent un autre problème. Elles empêchent les tribunaux de respecter l’alinéa 718.2e) du Code criminel qui exige l’application des principes énoncés dans l’arrêt Gladue. Essentiellement, ces principes garantissent que le juge tient compte du fait que les Autochtones ont rarement le même accès à la justice que les non-Autochtones, ce qui a souvent des répercussions sur l’issue de leur cause. L’arrêt Gladue incite également les juges à faire preuve de davantage de circonspection à l’égard des affaires judiciaires qu’ils traitent et, s’il y a lieu, lors de la détermination de la peine. Honorables sénateurs, comment les juges peuvent-ils respecter ces principes s’ils sont obligés d’imposer des peines minimales obligatoires?

Pour plus de clarté, je précise que l’application des principes de l’arrêt Gladue signifie que le juge doit prendre en compte les éléments suivants de la situation du contrevenant :

• la perspective des membres de votre communauté par rapport à la situation, leurs besoins et ce qu’ils proposent comme solution de rechange à la prison. Votre communauté peut être votre communauté autochtone d’origine ou celle où vous habitez, mais elle est aussi votre réseau de soutien ou les personnes avec qui vous interagissez. Si vous vivez à l’extérieur d’une communauté autochtone ou que vous n’êtes pas lié à l’une d’elles, vous avez quand même une communauté;

• les lois, les pratiques, les coutumes et les traditions juridiques de votre Nation ou de la Nation dans laquelle le crime allégué à été perpétré;

• les manières de rendre une décision qui sont appropriées et adaptées à votre culture.

Au final, les principes ont pour but de documenter les injustices quotidiennes et probablement systématiques auxquelles sont confrontés les Autochtones dans le système de justice.

Ainsi, ce projet de loi est clairement aligné sur les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que les appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.

En 2015, la plateforme électorale du gouvernement promettait de mettre en œuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. En 2019, la lettre de mandat du ministre de la Justice a réitéré le besoin de faire des progrès en vue de réaliser cet objectif en plus de donner suite à l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Ces deux documents recommandent de mettre fin aux peines minimales obligatoires.

Parallèlement, le gouvernement fédéral a lui-même souligné que le pourcentage des populations autochtones dans le milieu carcéral fédéral a presque doublé dans les 10 dernières années à cause des peines minimales obligatoires; 39 % des détenus noirs et 20 % des détenus autochtones ont été reconnus coupables d’un crime assujetti à des peines minimales obligatoires.

Honorables sénateurs, comment peut-on s’attendre à ce que les gens puissent réintégrer nos collectivités de façon satisfaisante et sécuritaire quand on s’acharne à les remettre derrière les barreaux de plus en plus longtemps, sans s’attarder aux circonstances qui les y ont menés la première fois?

À ce jour, les tribunaux du Canada ont déterminé qu’un grand nombre de peines minimales étaient invalides pour de tels motifs. Près de la moitié de ces peines, soit environ 31 des 72 peines minimales obligatoires imposables actuellement, ont été jugées inconstitutionnelles par au moins un tribunal. Environ 25 de ces peines ont été invalidées dans diverses provinces. Dans 11 cas, le tribunal qui a invalidé la peine minimale obligatoire était une cour d’appel ou la Cour suprême du Canada.

Dans la décision qu’elle a rendue en 2016 dans l’affaire R. c. Lloyd, la Cour suprême s’est penchée sur la position précaire du Canada en ce qui concerne les peines minimales obligatoires et elle a formulé la suggestion suivante au législateur :

[...] recourir à un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans les cas exceptionnels où elle constituerait une peine cruelle et inusitée.

Cette exemption est liée à l’application des peines minimales obligatoires.

Honorables sénateurs, je répète que la Cour suprême du Canada a parlé des cas où l’application des peines minimales obligatoires constituerait une peine cruelle et inusitée.

Sans l’adoption de mesures législatives comme celles du projet de loi dont nous sommes saisis, les peines minimales obligatoires doivent être contestées devant les tribunaux une à la fois, ce qui mobilise des ressources judiciaires et gouvernementales considérables et oblige des Canadiens à porter le lourd fardeau d’une contestation constitutionnelle. Trop souvent, ceux qui encourent une peine minimale obligatoire qui pourrait s’avérer inconstitutionnelle n’ont tout simplement pas les moyens de défendre leurs droits. Parallèlement, pour ceux qui ont le plus de moyens pour se défendre, les peines minimales obligatoires encouragent les contestations sans fin, notamment les contestations constitutionnelles.

Un individu n’a rien à perdre et a tout à gagner s’il affronte la justice en exécutant toutes les manœuvres que lui suggère son avocat pour éviter d’écoper de lourdes peines, plutôt que de voir adopter un règlement rapide.

Honorables sénateurs, vous vous souviendrez peut-être que le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur les délais dans le système judiciaire fait état des pressions que les peines minimales obligatoires exercent sur les ressources limitées des tribunaux ainsi que de la question pressante des délais dans les procès. Au cours de l’étude, au moins 11 criminalistes ont pointé du doigt les peines minimales obligatoires en tant que facteur contribuant à l’engorgement et à l’inefficacité du système judiciaire. Pis encore, de tels principes contrastent fortement avec ce qui se passe dans les cas où des peines minimales obligatoires s’appliquent. Les peines minimales obligatoires ont souvent pour effet de transférer le pouvoir discrétionnaire des juges à d’autres personnes, sans que celles-ci aient à rendre des comptes au public ou à la procédure d’appel.

Honorables sénateurs, ces autres personnes, c’est nous. Par exemple, les procureurs de la Couronne sont souvent appelés à déterminer quelles accusations porter et s’il convient de porter une accusation assortie d’une peine minimale obligatoire. Trop souvent, leurs motifs ont peu à voir avec les principes juridiques. Dans certains cas, ces pouvoirs sont utilisés comme monnaie d’échange pour inciter la personne à plaider coupable à l’égard d’une accusation de gravité moindre afin d’éviter la peine minimale obligatoire dont elle serait passible si elle est reconnue coupable d’une accusation plus grave.

Honorables sénateurs, aujourd’hui nous avons la possibilité d’envoyer une autre fois le message clair que nous ne soutenons pas cette approche défaillante pour la détermination des peines dans le système fédéral de justice. Ce projet de loi donne enfin une autre possibilité aux juges que les peines minimales obligatoires. En fait, il donne aux juges toute la latitude voulue pour exercer leurs compétences et décider s’il est approprié ou non de choisir les peines minimales obligatoires. Ainsi, cela permet aux juges de choisir librement une autre peine que les peines minimales obligatoires, en particulier s’ils considèrent ces dernières comme inappropriées ou injustes.

Ce projet de loi ne permet pas pour autant aux juges d’agir de façon injuste ou arbitraire en toute impunité. En fait, les pouvoirs que ce projet de loi donnerait aux juges existent déjà et correspondent à ce qui est inscrit dans le Code criminel. Comme beaucoup d’entre vous le savent, l’article 726.2 du Code criminel stipule :

Lors du prononcé de la peine, le tribunal donne ses motifs et énonce les modalités de la peine; les motifs et les modalités sont consignés au dossier de la poursuite.

Il en découle donc que tous les juges doivent justifier les raisons qui les ont conduits à déterminer une peine. En outre, leurs décisions doivent être conformes aux principes juridiques et elles sont assujetties à l’examen minutieux du grand public, du milieu juridique et des autres juges au moyen des processus d’appel.

Honorables sénateurs, je sais que nous prendrons au sérieux ces principes de transparence et d’équité. C’est intentionnellement que le projet de loi ne va pas jusqu’à empêcher les juges d’imposer des peines minimales. Il oblige simplement les juges qui imposent une peine minimale obligatoire à y réfléchir, à se justifier et à faire preuve d’équité.

En 1987, la Commission canadienne sur la détermination de la peine a constaté que 9 juges sur 10 estimaient que les peines obligatoires avaient nui à leur capacité de prononcer une sentence juste. De plus, toujours en 1987, alors qu’il existait 10 peines minimales obligatoires et que l’approche avait été reportée afin qu’il y ait moins d’accusations portées, 57 % des juges approuvaient leur utilisation. Ils sont allés jusqu’à déclarer que leur utilisation nuisait à leur capacité de déterminer des peines justes et appropriées adaptées aux circonstances entourant le crime.

Depuis, les choses ont continué à empirer. Dans les décennies qui ont suivi, le recours aux peines minimales obligatoires au Canada a connu une croissance alarmante. Le projet de loi s’inspire des spécialistes selon lesquels il faut permettre aux juges de ne pas imposer de peines minimales obligatoires.

Je vous demande à tous de réfléchir à cette question : honorables sénateurs, qu’attendons-nous?

La réalité canadienne doit être mise en contraste avec les expériences vécues dans d’autres États démocratiques dont les lois comprennent des peines minimales obligatoires. Dans plusieurs cas, comme en Angleterre et au pays de Galles, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud, en Australie et même dans certains États américains, des mesures ont été prises pour assurer l’intégrité et la constitutionnalité des lois et des droits des citoyens tout en accordant un certain pouvoir discrétionnaire aux juges. La plupart du temps, ce pouvoir discrétionnaire s’applique même aux peines d’emprisonnement à vie les plus graves.

Honorables sénateurs, j’aimerais vous faire part de ce que m’a dit un homme de l’établissement William Head, en Colombie-Britannique, avec qui j’ai eu le privilège de discuter l’été dernier : « Le système carcéral fédéral n’est qu’une machine à détruire les gens. » Je n’arrive pas à m’enlever ces mots de la tête : « machine à détruire les gens ».

Nous avons maintenant l’occasion de changer ces habitudes de longue date.

Honorables sénateurs, lorsque j’étais une jeune avocate de la défense, je me rendais souvent devant les tribunaux avec mon collègue d’expérience, l’honorable Patrick Dohm, qui est devenu juge avant de prendre sa retraite. Il m’a appris que lorsqu’un juge impose une peine à quelqu’un, il doit s’assurer de tout mettre en balance. Il doit tenir compte du genre de personne qui retournera vivre en société. Il avait l’habitude de me dire :

Nous ne devons pas simplement les enfermer à double tour et jeter la clé. Tôt ou tard, ces prisonniers seront libérés, et il faudra les réintégrer à la société.

Honorables sénateurs, quand un détenu de William Head nous dit au sujet du système actuel que c’est une machine à détruire les gens, peut-on dire que nous ayons le bon système?

Je me demande sérieusement si nous accomplissons quelque chose qui peut réellement préparer les prisonniers à réintégrer la société.

Honorables sénateurs, je vous invite, comme moi, à vous opposer aux peines minimales obligatoires, qui sont inutiles, et à défendre la discrétion judiciaire.

Honorables sénateurs, nous sommes censés nous occuper des personnes les plus marginalisées. Il est temps de corriger cette injustice. Il est temps d’agir pour que tous soient traités de façon réellement juste et équitable. Il est temps d’intervenir ensemble.

J’espère, honorables sénateurs, que vous accorderez toute l’attention nécessaire à ce projet de loi. Merci.

Honorables sénateurs, je prends la parole pour donner mon appui au projet de loi S-213 afin que des mesures concrètes soient prises au sujet de toutes les peines minimales obligatoires, pas seulement quelques-unes.

Merci, sénatrice Jaffer, d’avoir généreusement pris l’initiative de marrainer cette mesure législative, qui vise à corriger les injustices et les iniquités créées et perpétuées par les peines minimales obligatoires.

Les peines minimales obligatoires violent la Charte et les droits de la personne, particulièrement ceux des Autochtones, des Afro-Canadiens et d’autres personnes racialisées, des femmes, des personnes handicapées et des personnes vivant sous le seuil de la pauvreté.

Quand une peine minimale obligatoire s’applique, le juge ne peut pas respecter les principes de la détermination de la peine pour imposer une peine juste et proportionnée en exerçant son pouvoir discrétionnaire. Notamment, les peines minimales obligatoires empêchent les juges de s’acquitter de leur obligation d’envisager des solutions de rechange aux peines d’emprisonnement, surtout comme moyen de remédier au racisme systémique et à l’incarcération massive des Noirs et des Autochtones.

Comme la sénatrice Jaffer l’a si bien souligné, jusqu’à maintenant, les propositions du gouvernement pour s’attaquer aux peines minimales obligatoires prévoyaient seulement d’abroger un très petit nombre d’entre elles. D’ailleurs, elles font fi des peines les plus sévères qui causent trop souvent les torts les plus flagrants.

Pour les femmes autochtones victimes de violence et de mauvais traitements, la peine minimale obligatoire la plus longue du Canada, soit la peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour meurtre, a donné lieu à d’innombrables erreurs judiciaires.

Les histoires de ces femmes montrent à quel point il est important d’adopter une approche globale à l’égard de toutes les peines minimales obligatoires incluses dans le projet de loi S-213 et soulignées par la Commission de vérité et réconciliation, l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et le Caucus des parlementaires noirs.

Malheureusement, il arrive trop souvent que les histoires de ces femmes ne soient jamais racontées.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité renforcent le racisme et la misogynie au sein d’un système de justice criminelle qui minimise les inquiétudes des femmes autochtones à propos de leur sécurité, qui ne fait rien quand elles sont à risque, qui blâme et stigmatise ces femmes quand elles sont victimes de violence, leur refilant ainsi la responsabilité de se protéger elles-mêmes avant de s’empresser de les accuser d’être criminellement responsable quand elles agissent pour se protéger ou protéger leurs enfants.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité transfèrent le pouvoir discrétionnaire des juges aux policiers et aux procureurs. Derrière des portes closes, les femmes sont accusées de crimes assortis de peines rigides et sans fin. Les juges ignorent donc — ou se voient forcés d’ignorer — le contexte des accusations, mais aussi la violence subie par ces femmes.

Dans un système raciste et misogyne, les femmes placées devant des peines désespérément longues et très sévères plaident trop souvent coupables dans l’espoir d’obtenir des peines plus légères, même si elles ne sont pas légalement responsables. Elles renoncent à des arguments de défense valides et à leur droit d’avoir un procès juste.

Quels sont les enjeux liés aux peines maximales obligatoires? Elles piègent, isolent et étiquettent faussement les mères, les filles, les sœurs, les tantes et les grands-mères en les qualifiant de personnes dangereuses; elles détruisent des familles et des communautés; elles étendent les ravages causée par les politiques coloniales qui ont mené à la séparation forcée des Autochtones et à leur institutionnalisation.

Deux sœurs issues des Premières Nations — appelons-les « O » et « N » — ont passé presque 30 ans derrière les barreaux pour purger une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité. Comme leurs frères et sœurs, leurs parents et leurs grands-parents, elles sont des survivantes des pensionnats autochtones. « O » a été agressée sexuellement dans l’un de ces pensionnats et a par la suite développé une dépendance à la drogue.

Lorsqu’elles étaient adolescentes, « O » et « N » ont été accusées du meurtre du concierge non autochtone d’un pensionnat. Il avait la réputation d’offrir aux jeunes un endroit où faire la fête, consommer de l’alcool et gagner de l’argent, habituellement en échange de faveurs sexuelles. Il a fait des avances à « O » et « N » et leur a offert de l’argent lorsqu’elles ont refusé. « O » avait honte, mais elle était aussi en colère et voulait protéger sa jeune sœur. Elle aussi avait honte de dévoiler ces détails à son avocat.

Le cousin de 14 ans de « O » et « N » a confessé le meurtre de l’homme, mais a déclaré avoir subi des pressions de la part de la police et de la Couronne, qui étaient déterminées à ce que « O » et « N » soient les principales responsables, afin qu’il témoigne contre ses cousines.

Les sœurs ont été reconnues coupables de meurtre au deuxième degré en Saskatchewan par un jury composé uniquement de Blancs. En choisissant de porter des accusations entraînant une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, la Couronne et la police ont exercé un pouvoir décisionnel important au sujet des peines imposées à ces femmes. Le juge, habituellement chargé de déterminer si une peine est juste au regard des circonstances, n’a rien pu faire en l’occurrence.

Ce que personne n’a envisagé, et encore moins adéquatement contextualisé, c’est la violence raciste et misogyne dont ces deux sœurs ont été victimes. De plus, personne n’a remis en question les mythes et les stéréotypes liés au genre qui ont incité les gens à les juger davantage coupables que leur cousin.

Chaque année, entre 40 % et 50 % des femmes condamnées à la prison à perpétuité sont des Autochtones, et 91 % d’entre elles ont été victimes de sévices physiques et sexuels.

« S », une autre survivante des pensionnats autochtones, a aussi subi de terribles sévices physiques, sexuels et psychologiques. Elle s’est tournée vers les drogues pour s’engourdir et oublier les traumatismes qu’elle avait vécus. La première fois qu’elle s’est retrouvée en prison, c’était pour avoir été complice du trafic de drogues d’un partenaire violent.

Pendant son emprisonnement, « S » s’est déclarée coupable d’un meurtre, alors que le personnel correctionnel et les détenues affirmaient avec vigueur qu’il s’agissait de toute évidence d’un suicide. La femme qui est morte était comme une sœur pour « S ». Elle avait des problèmes de santé incapacitants, et le personnel carcéral ne lui laissait pas d’autre choix que de compter sur l’aide d’autres détenues pour accomplir des activités de base comme se laver, s’habiller et manger.

L’enquête menée après son décès a déterminé que la cause du décès était inconnue. « S », qui se sentait responsable de cette mort, a toutefois plaidé coupable près de quatre ans plus tard, alors qu’elle subissait un énorme stress psychologique en isolement. Son plaidoyer de culpabilité a été accepté, malgré les divergences concernant les faits du décès, et malgré le fait que son plaidoyer était motivé par un intense sentiment de responsabilité personnelle, et non par une responsabilité légale.

Comme beaucoup d’autres gens, « S » avait été hyper-responsabilisée : à cause de la misogynie et du racisme qui existent dans la société et dans le système de justice pénale, elle avait été habituée à s’excuser et à se sentir responsable de tout, y compris de choses qu’elle n’avait pas faites ou dans lesquelles elle n’avait joué qu’un rôle négligeable.

Du fait de son hyper-responsabilisation, le système de justice pénale n’a pas pris le temps de déterminer les circonstances réelles de la mort d’une détenue autochtone et a agi sans réfléchir. C’est ainsi qu’une autre femme autochtone s’est retrouvée à purger une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité.

Comme « S », « Y » est une autochtone qui a survécu à des agressions sexuelles. Elle a été accusée avec plusieurs autres personnes du meurtre d’un homme soupçonné d’avoir agressé des enfants dans leur communauté en Alberta.

Bien que « Y » ait joué un rôle limité dans la mort de l’homme, la police et les procureurs de la Couronne se sont concentrés sur elle. Étant donné qu’elle était la mère d’une des victimes présumées et avait survécu à des agressions sexuelles, ils ont laissé entendre, en l’absence totale de preuve, qu’elle avait un mobile plus puissant et devrait donc assumer une plus grande responsabilité que les autres accusés, y compris le père de son enfant.

La maternité et les agressions subies par le passé par « Y » n’ont pas été prises en compte. Elles ont plutôt été utilisées contre elle pour suggérer qu’elle avait un mobile.

« Y » a été la seule personne à subir un procès pour meurtre au premier degré. En raison de la peine minimale obligatoire d’emprisonnement à perpétuité et la période minimale obligatoire d’inadmissibilité à la libération conditionnelle qui en découlent, elle a reçu la peine la plus sévère, et de loin, parmi les autres auteurs du crime, lesquels étaient autant, sinon plus, coupables.

Les femmes autochtones font face à de nombreuses barrières lorsqu’il s’agit d’expliquer comment le colonialisme, la marginalisation, les antécédents de mauvais traitements ou de violence qui précèdent leurs tentatives de se protéger ont façonné leur criminalisation. Un trop grand nombre n’en sont jamais capables, en raison de la honte, des préjugés et de la discrimination systémique. D’autres, beaucoup trop nombreuses, sont accueillies avec incrédulité si elles arrivent à s’exprimer.

Les peines obligatoires d’emprisonnement à perpétuité empêchent de prendre ces facteurs en considération lors de la détermination de la peine. Ainsi, il y a des cas où une femme peut être condamnée pour meurtre alors qu’elle a réagi à une situation violente ou qu’elle a été poussée à intervenir ou à assumer la responsabilité des gestes d’un coaccusé ou d’une autre personne qui s’en est pris à elle.

« C » est aussi une femme autochtone qui a été abandonnée à la rue dans sa jeunesse. Elle a reçu une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité pour le meurtre au deuxième degré d’une femme qui a contribué à son exploitation, notamment en produisant des vidéos et des photos des agressions sexuelles dont elle a été victime. « C » a réagi avec force pour tenter de se protéger. Elle avait vécu des traumatismes et des agressions dans son enfance, mais elle avait trop peur de parler de ces antécédents avec ses avocats de sexe masculin.

La menace d’une peine d’emprisonnement à perpétuité peu aussi pousser bien des femmes à plaider coupable à des accusations moins graves au lieu de faire valoir qu’elles tentaient de se défendre ou de défendre quelqu’un d’autre.

En 1996, lors de son étude sur l’autodéfense, le ministère de la Justice a examiné les cas de 98 femmes condamnées pour avoir employé une force mortelle afin de se protéger ou de protéger des enfants contre un agresseur. La plupart d’entre elles ont plaidé coupable à des accusations d’homicide involontaire ou même de meurtre au deuxième degré, même si leur situation pouvait être considérée comme un cas de légitime défense.

Face à une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans, beaucoup de femmes acceptent de plaider coupables. Elles le font principalement parce qu’elles ont des ressources financières limitées, parce qu’elles évoluent dans un système juridique qui ne les a pas protégées de la violence et parce qu’elles craignent de faire subir à leurs enfants l’épreuve de témoigner devant une cour pénale. Dans un système qui trop souvent ne croit pas les femmes, s’il y a des témoins, ce sont souvent leurs enfants.

Dans le système carcéral, les autorités utilisent le fait qu’une femme a reçu une peine d’emprisonnement à perpétuité pour la qualifier de dangereuse, ce qui a pour effet de camoufler encore davantage son expérience de personne marginalisée et de victime, sans oublier son besoin vital d’un soutien culturel et communautaire et de services en santé. Qualifiée à tort de personne violente en raison de sa peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, « S » a passé des dizaines d’années en isolement et a subi des dommages psychologiques dont elle pourrait ne jamais se remettre.

Une autre Autochtone, « SN », a été transférée du système pour adolescents à celui pour adultes. Elle a maintenant passé plus de 30 ans derrière les barreaux alors qu’elle purge une peine obligatoire d’emprisonnement à perpétuité, la plupart du temps dans des conditions d’isolement brutal. Cet isolement prolongé a grandement détérioré sa santé mentale.

Pour toutes ces femmes autochtones et pour bien d’autres, les peines d’emprisonnement à vie demeurent un fardeau qu’elles doivent porter pendant toute leur vie. Même avec une libération conditionnelle, elles doivent vivre sous surveillance en respectant des conditions qui favorisent l’isolement, comme l’interdiction de voyager pour aller rendre visite à leur famille ou d’entreprendre des relations d’amitié, d’emploi et ainsi de suite. Des femmes retournent en prison non pas parce qu’elles ont récidivé, mais parce que, même pour des infractions administratives mineures, elles peuvent être remises en prison pendant des années.

Si on ferme les yeux et qu’on s’imagine les personnes qui posent le plus grand risque pour le public, en particulier pour la sécurité publique au Canada, voit-on une mère autochtone insuffisamment instruite et sous-employée qui vit dans la pauvreté et qui souffre de traumatismes passés? Ou une victime des pensionnats autochtones arrachée à sa famille par les services de protection de l’enfance? Ou alors une personne qui se démène pour s’occuper de ses enfants et pour les protéger, en plus de vivre avec la crainte d’un conjoint violent? L’inflexibilité des peines minimales obligatoires, qui constitue un incitatif aux plaidoyers de culpabilité pour des crimes de gravité moindre, fait en sorte que ces femmes sont surreprésentées parmi ceux qui purgent les plus lourdes peines au Canada.

Ceux qui appuient les peines minimales obligatoires le font habituellement parce qu’ils veulent réduire la criminalité et rehausser la sécurité de tous. Je ne connais personne, peu importe l’idéologie ou l’allégeance politique, qui ne partage pas cet objectif.

Après des décennies passées à s’accrocher aux faux espoirs suscités par les peines minimales obligatoires, il est de notre devoir en tant que représentants des personnes les plus marginalisées, au nom de la justice et de l’égalité, d’affirmer clairement que tout cela n’est que du vent. Les peines minimales obligatoires ne tiennent pas la route. Elles sont brutales pour les personnes les plus marginalisées qui en sont victimes. Elles n’enrayent pas le crime. Elles constituent un autre échec du système de justice pénale, qui ne protège pas les personnes racialisées et qui ne leur rend pas justice, en particulier pour les femmes qui ont subi des épisodes de violence. Elles exigent que l’on paie entre 200 000 $ et 600 000 $ ou plus chaque année pour chacune de ces femmes emprisonnées.

Le projet de loi S-213 constitue une étape visant à réparer le racisme et le colonialisme, qui ont été tolérés dans le système juridique et qui nous nuisent à tous en rendant le Canada moins équitable et moins juste. Ce projet de loi nous permettra de faire mieux. Meegwetch. Merci.

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