La Loi sur l'assurance-emploi—Le Règlement sur l’assurance-emploi
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
3 mars 2022
Propose que le projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-236, Loi modifiant la Loi sur l’assurance-emploi et le Règlement sur l’assurance-emploi (Île-du-Prince-Édouard). Ce sera la toute dernière fois où je parlerai d’un projet de loi au Sénat en tant que sénatrice. Ce projet de loi sert de coda pour mon travail de défense de l’Île-du-Prince-Édouard, mais, plus important encore, il représente une occasion pour les sénateurs de faire avancer une cause pour la plus petite province du Canada.
Au printemps dernier, j’ai pris la parole au sujet de l’interpellation du sénateur Gold sur le budget fédéral de 2021. Je voulais attirer l’attention du Sénat sur la politique déficiente selon laquelle l’Île-du-Prince-Édouard compte deux régions aux fins de l’assurance-emploi. La Loi d’exécution du budget de 2021 a inscrit dans la loi cette division injustifiée de ma province. Depuis 2015, la grande majorité des habitants de l’île ont réclamé à maintes reprises un changement en s’appuyant sur un simple mantra : « une île, une zone ».
Le découpage de l’Île-du-Prince-Édouard en deux zones économiques crée une injustice fondamentale pour les travailleurs, en particulier pour ceux qui vivent dans la zone de Charlottetown, mais qui travaillent à l’extérieur de la région de la capitale. Par exemple, en février dernier, les travailleurs qui vivaient dans la région de la capitale avaient droit à un minimum de 14 semaines de prestations alors que ceux qui vivaient à l’extérieur de celle-ci en avaient 20. Beaucoup de gens qui travaillent pour la même entreprise auront droit à des prestations très différentes simplement en raison d’une ligne arbitraire qui sépare leur lieu de résidence.
Honorables sénateurs, je vous remercie de l’appui collectif que vous m’avez manifesté le printemps dernier et je remercie plus particulièrement le sénateur Mockler qui, en tant que président du Comité des finances nationales, a invité les maires de Charlottetown, de Stratford et de Cornwall à venir parler de cette question lors de l’étude préalable menée par le comité au sujet de la Loi d’exécution du budget. Dans l’esprit de la collaboration bicamérale, nos travaux ont inspiré la députée du Parti vert Elizabeth May à proposer un amendement au Comité des finances de la Chambre des communes au sujet de l’unification de l’Île‑du‑Prince‑Édouard en une seule région économique de l’assurance‑emploi. Même si la motion d’Elizabeth May n’a pas recueilli suffisamment de votes pour être adoptée, la discussion a permis de mettre de nouvelles informations en lumière.
Le gouvernement a donné plusieurs raisons pour expliquer son refus d’appuyer l’amendement à la Loi d’exécution du budget l’année dernière. La première raison est la désuétude des systèmes informatiques d’Emploi et Développement social Canada, qui est responsable du programme d’assurance-emploi. À l’époque, les fonctionnaires avaient mentionné qu’il n’était pas possible, dans le système de l’assurance-emploi, d’avoir une seule zone pour les travailleurs saisonniers et deux zones pour les autres demandeurs de l’assurance-emploi. En outre, dans le cahier d’information ministériel, le gouvernement affirme que, en raison des mesures temporaires liées à la COVID qui font gonfler de manière artificielle les taux de chômage, il n’était pas nécessaire d’apporter des changements aux deux régions au printemps 2021, parce qu’elles étaient de facto les mêmes de façon temporaire.
Honorables sénateurs, ces mesures temporaires ont pris fin, et le projet de loi à l’étude réglerait le problème avec le système informatique en modifiant à la fois la Loi sur l’assurance-emploi et son règlement d’application. De plus, il empêcherait le Cabinet fédéral d’apporter des modifications réglementaires à la zone de l’assurance-emploi sans l’approbation du Parlement.
Depuis plus de sept ans, le gouvernement fédéral a promis aux insulaires de revenir à une seule zone d’assurance-emploi. Il a souvent prétexté qu’il le ferait dans le cadre d’un examen élargi du système d’assurance-emploi. Plus récemment, soit en décembre 2021, Emploi et Développement social Canada a précisé que cet examen était en cours, mais n’a pas mentionné de changement aux régions de l’assurance-emploi.
Dans un rapport de juin 2021, le Comité des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées, présidé par le député de Charlottetown Sean Casey, a formulé la recommandation distincte qu’Emploi et Développement social Canada « rétablisse une seule région économique de l’assurance-emploi pour l’Île‑du‑Prince‑Édouard dans un délai de 12 mois ». Huit mois se sont écoulés depuis, et nous n’avons toujours pas obtenu de réponse du gouvernement.
Honorables sénateurs, même dans les meilleures circonstances, il est difficile d’amener le Cabinet fédéral à prendre des décisions sur des questions touchant l’Île-du-Prince-Édouard. Je n’ai qu’à vous rappeler la façon dont le gouvernement fédéral continue de faire la sourde oreille quand les agriculteurs et le gouvernement de cette province lui réclament d’intervenir plus directement pour mettre fin à l’interdiction d’exporter les pommes de terre de l’Île‑du‑Prince‑Édouard, qui a été imposée par le Canada. Comme c’est souvent le cas, la Chambre des communes, dont la taille ne cesse d’augmenter, réduit progressivement l’influence exercée par les quatre députés de la province.
Des intérêts politiques locaux contrecarrent aussi toute tentative de revenir à une seule zone d’assurance-emploi. En effet, la circonscription le plus à l’ouest de l’Île-du-Prince-Édouard, Egmont, est la seule exclusivement à l’extérieur de la zone de Charlottetown. Il est donc compréhensible que tout député représentant cette circonscription, peu importe son allégeance politique, veuille défendre le statu quo parce que le retour à une seule zone pourrait entraîner une baisse des prestations versées à ses concitoyens. L’absence d’unanimité chez les députés de l’Île‑du‑Prince‑Édouard a compliqué le retour à une seule zone. Le Cabinet ne souhaite pas provoquer de remous politiques et, jusqu’à présent, n’a pas pris de mesures malgré les nombreuses promesses électorales faites à ce sujet.
Cette question n’est peut-être pas la plus importante pour le pays, mais elle est importante pour le locataire de Charlottetown, pour le nouvel immigrant de Cornwall et pour le travailleur saisonnier qui habite à Stratford mais travaille dans une usine de transformation du poisson à l’extérieur de la région. Par conséquent, cette question est importante à mes yeux.
Pourquoi le Sénat est-il saisi de ce projet de loi? Comme l’a dit le sénateur Plett un peu plus tôt aujourd’hui, le Sénat n’a pas à subir le poids quotidien des considérations électorales. Nous pouvons examiner le retour à une seule zone d’assurance-emploi de façon plus détaillée en comité et modifier le projet de loi pour faire en sorte que son entrée en vigueur soit compatible avec les systèmes informatiques d’Emploi et Développement social Canada. En choisissant de renvoyer ce projet de loi à la Chambre des communes, le Sénat obligera pour la première fois cette dernière à se pencher sur l’idée d’une seule zone d’assurance-emploi pour l’Île-du-Prince-Édouard par le biais d’un vote par oui ou par non, sans avoir à tenir compte d’autres priorités nationales.
J’appuie sans réserve la sénatrice Pate dans son objectif de mener un projet pilote sur le revenu de base garanti suffisant à l’Île‑du‑Prince‑Édouard. En attendant que ce jour arrive, l’assurance-emploi est la seule protection sociale pour les habitants; non pas par choix, mais par nécessité. Par conséquent, nous avons l’obligation morale — ici, au Parlement fédéral — de veiller à ce que l’assurance-emploi soit juste pour tous les habitants de l’île.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit plus tôt, j’ai le grand privilège d’avoir siégé avec vous pendant les cinq dernières années et un tiers. J’ose espérer que le projet de loi S-236 servira de rappel — longtemps après ma retraite — concernant cet enjeu important de l’Île-du-Prince-Édouard.
L’Île-du-Prince-Édouard est notre plus petite province, mais elle est aussi une partenaire égale au sein de la Confédération. J’invite tous les sénateurs à défendre cette importante cause provinciale, dans l’objectif de renvoyer ce projet de loi à la Chambre des communes. Il s’agit là d’une des missions constitutionnelles du Sénat, soit de se faire l’écho des intérêts de nos régions, en particulier de celles qui sont moins peuplées. Je vous remercie.
La sénatrice Griffin accepterait-elle de répondre à une question?
Très certainement.
Sénatrice Griffin, j’aimerais vous exprimer ma reconnaissance pour vos années de service auprès de l’Île-du-Prince-Édouard et dans cette enceinte. Nous vous remercions chaleureusement de votre contribution et de tout votre travail, et nous aimerions étendre nos remerciements à votre famille.
Venant moi-même d’une région peu peuplée du Canada, j’avoue que vos arguments m’ont profondément touchée. L’injustice de la situation dans notre pays me semble insoutenable. Votre travail renforce encore davantage les arguments du sénateur Downe en faveur de la décentralisation, afin que les personnes qui conçoivent des programmes aient une connaissance intime de leur région; car en fin de compte, il n’est pas dit qu’une même solution convienne à tout le monde.
Sans plus tarder, voici ma question, sénatrice Griffin. Comment pouvons-nous vous aider? À qui confierez-vous la mission de poursuivre ce travail?
Je me suis départie de bien des dossiers, mais je n’ai pas encore assigné celui-ci. La question fera l’objet de discussions. Aimeriez-vous vous porter volontaire?
Vous devez poser une question, et non répondre à la question.
Je vais poser une question. Si la sénatrice Griffin consent à me déléguer cette responsabilité, ce serait pour moi un honneur et un privilège de l’accepter.
Pour répondre à la question, j’accepte. Ce serait merveilleux. Merci beaucoup.
La sénatrice Griffin accepterait-elle de répondre à une autre question?
Certainement.
Merci beaucoup. Avant de poser ma question — à laquelle vous avez en quelque sorte déjà répondu, mais comme je suis parfois un peu lente, je veux m’assurer d’avoir bien compris —, j’aimerais saisir l’occasion pour dire quelques mots.
En plus de jouer au golf, d’observer les oiseaux, de donner d’incroyables dîners d’oie et de homard, de faire preuve d’un grand esprit collégial et d’avoir gentiment et généreusement offert à chacun de nous de vous rendre visite — offre que j’ai acceptée plusieurs fois, comme vous le savez —, vous avez toujours fait un travail incroyable à l’Île-du-Prince-Édouard et je tiens à vous en remercier. Lorsque j’ai visité la province, je me suis rendu compte que c’était vous qui étiez à l’origine de tout ce recyclage qui, à bien des égards, a servi d’exemple au pays et que c’était vous qui aviez dirigé bon nombre des initiatives environnementales. Quelle œuvre fantastique! Sans compter tout le travail que vous avez fait à l’échelle municipale, provinciale, régionale et nationale. Quel privilège et quel honneur d’avoir été votre collègue au cours des cinq dernières années! D’ailleurs, je sais que tous les sénateurs partagent ce sentiment.
Je voulais confirmer quelque chose, seulement par souci de clarté. Vous êtes très vive d’esprit, je pense, et ma question est la suivante : espérez-vous que Charlottetown et l’Île‑du‑Prince‑Édouard seront les endroits où sera déployé pour la première fois un autre grand projet national, qui pourrait servir d’exemple pour l’ensemble du pays? Espérez-vous que la province sera vue comme une visionnaire assez perspicace pour demander, la première, un revenu de base garanti suffisant?
Merci de votre question. Oui. Le premier ministre et l’assemblée législative de la province ont appuyé à l’unanimité ce concept consistant à éliminer la pauvreté en mettant en place, en collaboration avec le gouvernement fédéral, un revenu de base garanti suffisant. C’est à l’Île-du-Prince-Édouard que le système serait mis à l’essai et rodé. Il suffirait ensuite, comme l’aurait préconisé le sénateur Deacon, de l’appliquer à l’échelle du pays.