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Le commissaire à la protection de la vie privée

Réception de Philippe Dufresne en comité plénier

14 juin 2022


La présidente [ + ]

Honorables sénateurs, le Sénat s’est formé en comité plénier afin de recevoir M. Philippe Dufresne relativement à sa nomination au poste de commissaire à la protection de la vie privée.

Honorables sénateurs, durant un comité plénier, les sénateurs s’adressent à la présidente, mais ne sont pas obligés de se lever. Conformément au Règlement, le temps de parole est de 10 minutes — questions et réponses y comprises — mais, tel qu’il est ordonné, si un sénateur n’utilise pas tout son temps de parole, il peut céder le temps qu’il lui reste à un autre sénateur. Le comité accueillera M. Philippe Dufresne, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes, et je l’invite maintenant à nous rejoindre.

(Conformément à l’ordre adopté par le Sénat, Philippe Dufresne prend place dans la salle du Sénat.)

La présidente [ + ]

Monsieur Dufresne, j’ai le plaisir de vous accueillir au Sénat. Je vous invite à faire vos observations préliminaires d’au plus cinq minutes.

Philippe Dufresne, candidat proposé au poste de commissaire à la protection de la vie privée [ + ]

Honorables sénateurs, c’est un grand honneur et un privilège pour moi de comparaître devant vous aujourd’hui afin de discuter des qualifications et des compétences qui me serviront à assumer le rôle important de commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Je profite de l’occasion pour vous remercier pour tout le travail que vous accomplissez à titre de parlementaires, qu’il s’agisse de légiférer, de délibérer ou de demander des comptes au gouvernement.

Je dirai d’entrée de jeu que j’ai consacré ma vie professionnelle au renforcement des institutions publiques du Canada ainsi qu’à la protection et à la promotion des droits fondamentaux des Canadiens.

J’ai œuvré en ce sens pendant 15 ans dans le contexte des droits de la personne à la Commission canadienne des droits de la personne. Je poursuis ce travail depuis sept ans dans le domaine du droit administratif et constitutionnel en ma qualité de légiste et conseiller parlementaire de la Chambre des communes. J’ai l’intention de continuer dans cette voie si je suis nommé commissaire à la protection de la vie privée.

Avant d’être nommé légiste de la Chambre des communes en 2015, j’ai occupé le poste d’avocat général principal à la Commission canadienne des droits de la personne. J’étais responsable des activités juridiques et opérationnelles de la commission en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de la Loi sur l’équité en matière d’emploi, de la Loi sur l’accès à l’information et de la loi régissant la protection de la vie privée.

J’ai agi comme avocat principal pour la commission dans l’affaire historique concernant l’aide à l’enfance des Premières Nations qui a été portée devant le Tribunal canadien des droits de la personne, laquelle a débouché sur le plus gros règlement du genre de l’histoire du Canada. Auparavant, j’ai été avocat principal dans l’affaire Chambre des communes c. Vaid devant la Cour suprême du Canada. Cette cause fait aujourd’hui jurisprudence en droit canadien en ce qui a trait au privilège parlementaire.

En plus de l’affaire Vaid, j’ai plaidé devant la Cour suprême à 14 occasions distinctes, dans des affaires portant sur des questions telles que le partage des compétences, l’impartialité des tribunaux, les mesures d’accommodement pour les personnes ayant des déficiences, la liberté d’expression, et l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits de la personne.

Il existe des corrélations directes entre mon expérience à la commission et le rôle de commissaire à la protection de la vie privée. Mon travail consistait notamment à promouvoir et à protéger les droits fondamentaux et à faire enquête sur des plaintes de manière rapide et équitable sur le plan procédural. Il exigeait d’assurer un juste équilibre entre droits fondamentaux et considérations d’intérêt public et d’être en mesure d’expliquer des concepts complexes en termes simples et de manière accessible. Il impliquait également de travailler avec les secteurs public et privé dans le but de trouver des solutions constructives et d’instaurer une culture axée sur les droits fondamentaux; de prendre en considération les normes et les comparateurs internationaux; et de collaborer avec les homologues provinciaux.

Dans mon rôle actuel de légiste et conseiller parlementaire, je suis le conseiller juridique principal de la Chambre des communes et je dirige le bureau chargé de fournir les services juridiques et législatifs à la Chambre et à ses députés. J’ai défendu avec succès les privilèges de la Chambre des communes dans l’affaire Boulerice et al. c. Bureau de régie interne, et al. et j’ai dirigé l’équipe d’avocats qui a représenté le Président de la Chambre des communes dans le contexte de la demande de contrôle judiciaire l’an dernier portant sur les pouvoirs de cette Chambre d’exiger la production de documents.

De multiples comités m’ont chargé d’interpréter et d’appliquer les principes du droit en matière de protection de la vie privée. Tout récemment, on m’a demandé d’examiner les caviardages proposés dans des documents dont des comités avaient exigé la production dans le cadre de leur étude.

J’ai joué un rôle clé dans l’élaboration de codes et de politiques de prévention du harcèlement sur la Colline et pour ce qui est de garantir un environnement sûr et inclusif pour les députés et les employés. J’ai été fier d’être le champion de la diversité et de l’inclusion à l’Administration de la Chambre durant les cinq dernières années.

Plus récemment, j’ai eu le plaisir et le privilège de témoigner en compagnie de mon collègue légiste et conseiller parlementaire du Sénat devant le Comité mixte spécial sur la déclaration de situation de crise.

Tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé la plus haute importance au service public et trouvé qu’il était essentiel de donner en retour à la collectivité et à ma profession.

Ainsi, j’ai occupé diverses fonctions au sein de l’Association du Barreau canadien, notamment à titre de président de la Section du droit constitutionnel et d’administrateur au comité exécutif de la Division du Québec. J’ai également été président de la Commission internationale de juristes Canada, une institution qui vise à promouvoir l’indépendance judiciaire au Canada et à l’échelle internationale.

Je crois en l’importance de l’éducation et du mentorat. J’ai enseigné à temps partiel dans plusieurs facultés de droit et je suis juge chaque année au concours bilingue de plaidoirie en droit administratif Laskin.

Dans toutes mes fonctions, j’ai été animé par les valeurs que sont l’équilibre, l’impartialité, l’équité, l’excellence, la primauté du droit, l’intérêt public et le respect des processus démocratiques et législatifs. Si je suis nommé à ce poste, ce sont les valeurs que je compte véhiculer dans l’exercice de mes fonctions de commissaire à la protection de la vie privée du Canada.

Pour toutes ces raisons, j’estime que je peux apporter au poste de commissaire à la protection de la vie privée un éventail vaste et unique d’expériences et de connaissances, de même que la conviction fondamentale que les droits fondamentaux des Canadiens en matière de droit à la vie privée exigent qu’on déploie des efforts vigoureux et constants pour les défendre, les protéger, en faire la promotion et les faire connaître. À titre de commissaire à la protection de la vie privée, ma vision serait de faire valoir que la protection de la vie privée est un droit fondamental, que la protection de la vie privée est un moyen pour favoriser l’intérêt public et appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada, et que la protection de la vie privée est un moyen pour accentuer la confiance des Canadiens dans leurs institutions et dans l’économie numérique.

En terminant, je veux remercier Daniel Therrien de son travail et de son leadership exceptionnels au cours des huit dernières années. J’ai été impressionné par l’excellent travail réalisé par le commissariat durant son mandat. Si je suis nommé à ce poste, je me réjouis à la perspective d’œuvrer avec ce groupe de professionnels dévoués pour protéger et promouvoir le droit à la vie privée des Canadiens. C’est avec plaisir que je répondrai à vos questions.

Le sénateur Plett [ + ]

Bienvenue, monsieur Dufresne, et félicitations pour votre nomination. J’ai quelques questions à vous poser. Je tenterai d’être le plus concis possible. Je vous demanderais d’en faire de même dans vos réponses afin que je puisse vous en poser le plus grand nombre possible avant que notre présidence très compétente ne m’interrompe.

En premier lieu, pouvez-vous nous expliquer brièvement quel a été le processus qui vous a mené — et ma question a trois volets — dans cette enceinte aujourd’hui? Quelles ont été les étapes? Avez-vous postulé ce poste ou est-ce que l’on vous a demandé de poser votre candidature? Pourquoi avez-vous décidé de solliciter cette nomination? Qui a procédé à votre entretien pour le poste et quels examens avez-vous faits?

M. Dufresne [ + ]

Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Comme c’est le cas pour toutes les nominations par le gouverneur en conseil, je crois, ce poste a été affiché sur le site des nominations avec les autres postes, et on pouvait voir une liste des exigences et des responsabilités associées à chaque poste. J’ai pris l’initiative de postuler parce que je voyais que c’était l’un des rares postes qui pourrait m’amener à quitter le poste de légiste de la Chambre, que j’adore. J’y voyais aussi une bonne façon de combiner ma carrière à titre d’avocat, mon travail de défenseur et de protecteur des droits fondamentaux, et mon rôle de conseiller de la Chambre. J’ai donc considéré que mes compétences seraient importantes pour ce rôle crucial. J’ai aussi constaté que, comme on s’apprête à moderniser les deux lois, nous vivons un moment important pour la protection de la vie privée, que je considère comme une valeur fondamentale. J’ai donc posé ma candidature.

Pour ce qui est du processus de recrutement, il y a eu un processus de présélection à la suite duquel j’ai été invité à une entrevue à laquelle participaient des représentants de divers ministères, du Cabinet du premier ministre et du monde universitaire. On m’a donc posé beaucoup de questions. À l’étape suivante, il y a eu une évaluation psychométrique à la suite d’une discussion avec le ministre. La décision du Cabinet est venue ensuite.

Le sénateur Plett [ + ]

Comme vous le savez, M. Dufresne, l’utilisation sans précédent de la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement Trudeau plus tôt cette année fait l’objet d’une étude par un comité mixte spécial et par la Commission sur l’état d’urgence. Que pensez-vous des répercussions de l’utilisation de la Loi sur les mesures d’urgence sur la protection de la vie privée, que ce soit par votre expérience en tant que légiste de la Chambre des communes ou par votre point de vue en tant que nouveau commissaire à la protection de la vie privée? En tant que commissaire à la protection de la vie privée, vous engagez-vous à effectuer une analyse des répercussions sur la vie privée du recours à la Loi sur les mesures d’urgence ou à rendre publique toute analyse qui aurait déjà été effectuée par le bureau?

M. Dufresne [ + ]

Sénateur, la loi prévoit des processus de révision des déclarations d’urgence, qui comprennent un examen parlementaire. La commission d’enquête Rouleau qui a été créée en fait partie. Ils ont donc des objectifs complémentaires. Je sais que le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre se penche également sur ces questions en ce qui concerne l’invocation, etc.

Pour ce qui est des répercussions en matière de protection de la vie privée, si je suis confirmé dans mon rôle, j’examinerai les questions qui sont soumises au commissariat sous forme de plaintes et nous les traiterons individuellement.

Le sénateur Plett [ + ]

En 2015, le commissaire sortant a établi quatre priorités stratégiques en matière de vie privée. Voici l’un de ses objectifs :

Aider à créer un environnement en ligne où les gens pourront se servir d’Internet pour explorer leurs intérêts et se développer comme personnes sans craindre que leur trace numérique n’entraîne un traitement injuste.

Adhérez-vous à cet objectif? Comment pensez-vous qu’il soit réalisable?

M. Dufresne [ + ]

Quand je parle de ma vision en tant que commissaire à la protection de la vie privée, en ce qui concerne la protection de la vie privée comme droit fondamental, et l’équilibre entre l’intérêt public et la confiance, je veux dire que j’estime que les Canadiens devraient avoir suffisamment confiance, quand ils participent à l’économie numérique et quand ils utilisent Internet, que leur vie privée est protégée. En d’autres mots, qu’ils n’ont pas à choisir entre leur droit à la vie privée et leur utilisation d’Internet et de l’économie numérique, dont nous nous servons tous et dont nous tirons des avantages.

En ce qui concerne la protection de la vie privée, j’espère, si ma nomination est confirmée, que je pourrai travailler en vue de faire moderniser les lois tant pour le secteur public que le secteur privé, pour faire en sorte que la vie privée soit protégée d’une façon qui permet aussi d’appuyer l’innovation et l’économie. Encore une fois, l’objectif est que les Canadiens n’aient pas à renoncer à leurs droits pour participer en tant que citoyens numériques.

Le sénateur Plett [ + ]

Un autre objectif de l’ancien commissaire à la protection de la vie privée était de :

Promouvoir le respect de la vie privée et de l’intégrité du corps humain comme véhicule de nos renseignements personnels les plus intimes.

Est-ce que cet enjeu serait aussi l’un de vos objectifs? Dans l’affirmative, quelles sont vos réflexions sur les mesures prises par le gouvernement fédéral pendant la pandémie, c’est-à-dire de forcer les Canadiens à se faire vacciner et à en montrer la preuve? S’ils doivent en montrer la preuve, c’est loin de respecter la vie privée.

M. Dufresne [ + ]

En ce qui concerne le dernier aspect de votre question, qui a trait à la pandémie, l’ancien commissaire à la protection de la vie privée, M. Therrien, ainsi que ses homologues provinciaux, n’ont pas tardé à publier des lignes directrices indiquant les pratiques à adopter pour que les mesures soient proportionnelles et conformes au cadre législatif, pour qu’on ne recueille pas plus d’information que nécessaire, et pour que les mesures ne soient pas maintenues plus longtemps que nécessaire. Je souscris donc à ces principes, et la protection de la vie privée touche au deuxième élément de ma vision, soit l’idée de défendre l’intérêt public. On ne devrait pas prendre des mesures qui protègent la vie privée au détriment de l’intérêt public ou de la compétitivité du Canada. Ces aspects vont de pair, et je considère que la protection de la vie privée y contribue, mais que ces efforts doivent être menés de manière à ce que la vie privée soit au cœur des préoccupations et à ce que l’on développe une culture de respect de la vie privée dès la conception. Ainsi, peu importe ce qu’on veut faire, qu’il s’agisse de protéger la santé des Canadiens ou de faire preuve d’innovation, on se demandera comment procéder sans nuire à la vie privée des Canadiens.

Le sénateur Plett [ + ]

J’aimerais avoir votre avis sur les mesures de protection de la vie privée qui concernent les applications qui se trouvent dans nos téléphones multifonctions. Je sais que tout le monde, moi y compris, clique sur le bouton « J’accepte » qui se trouve à la fin du texte de l’entente de services qui apparaît au moment de télécharger une application, et ce, sans que l’on soit bien au fait des concessions à faire sur le plan de la vie privée en échange du droit d’utiliser l’application. J’ai fait cela à plusieurs reprises, et je pense que c’est aussi le cas de bon nombre d’entre nous, voire de tout le monde. J’aimerais donc avoir votre avis sur le consentement dans ces circonstances. Selon vous, ce genre de consentement est-il essentiel, ou est-ce inutile? J’aimerais connaître votre avis à ce sujet. Je suis inquiet lorsque je clique sur quelque chose sur mon téléphone multifonctions.

M. Dufresne [ + ]

Vous soulignez un des véritables problèmes, qui a été décrit par certains experts comme étant une culture du « J’accepte », dans laquelle on clique sans nécessairement comprendre. Il arrive souvent que l’on soit pressé au moment d’utiliser ces applications. Il nous faut l’information. Nous y sommes confrontés et nous cliquons dessus sans être d’accord. Moi‑même, il m’arrive souvent de ne pas comprendre ces clauses. Si cela s’avère et qu’un Canadien sans formation juridique examine ces clauses, il n’est pas réaliste de croire qu’il les comprendra bien. Voilà un des éléments qu’il faut examiner du point de vue de ces clauses. Il faut les rendre plus conviviales. Dans certains cas, le consentement pourrait ne pas être requis parce que les fins sont socialement bénéfiques et qu’il n’existe aucune façon pratique d’obtenir de consentement. Les conditions doivent donc être très précises. Il pourrait aussi arriver que les fins ne soient pas justifiées ou proportionnelles et que les individus n’aient pas à y consentir. Nous nous éloignons donc de la délégation aux particuliers pour protéger leur droit à la vie privée pour plutôt veiller à ce que nous disposions de tout un système pour le faire.

Le sénateur Plett [ + ]

Il me reste moins d’une minute, mais je vais poser une question très rapidement. Vous aurez peut-être le temps d’y répondre. Le gouvernement fédéral oblige les Canadiens à utiliser l’application ArriveCAN lorsqu’ils entrent au pays. Pensez-vous que les Canadiens devraient avoir le droit de refuser le recours à une application pour plutôt utiliser des formulaires papier?

M. Dufresne [ + ]

Je n’ai pas étudié cette question en particulier. À mon avis, certaines attentes concernant la vie privée sont différentes à la frontière, ce qui devrait faire partie d’un tel examen. Cependant, je peux dire que pour cet outil ou tout autre type d’activité gouvernementale, il importe d’inclure la protection de la vie privée dès la conception. Il est important de se poser la question et de concevoir les outils afin qu’il n’y ait pas de répercussions indues sur la vie privée au-delà de ce qui est nécessaire pour des fins légitimes.

Le sénateur Plett [ + ]

Merci de vos réponses concises. Je crois avoir écoulé mon temps de parole.

La sénatrice Jaffer [ + ]

Je vous remercie d’avoir présenté votre candidature et d’avoir accepté la nomination. Lorsque j’ai vu vos compétences, je me suis réjouie de votre candidature parce que je pense que vous comprenez les rouages du Parlement et que vous avez travaillé sur des dossiers liés aux droits. Je crois que le temps est tout indiqué pour une personne de votre expérience qui comprendra les droits de tous les Canadiens.

À ce sujet, quelle optique adopterez-vous ou quelle formation sur la diversité prévoyez-vous pour faire en sorte que votre personnel qui examine les questions liées à la protection de la vie privée tienne compte des différents aspects touchant tous les Canadiens?

M. Dufresne [ + ]

Merci, madame la sénatrice. Il est extrêmement important pour moi d’adopter la bonne optique. Je préconise une optique axée sur la protection de la vie privée — la protection de la vie privée dès la conception —, c’est-à-dire l’examen de tous les gestes posés par le gouvernement ou le secteur privé, la détermination de leurs répercussions et la prise en considération de ces répercussions dès la conception afin qu’elles ne donnent pas lieu à des préoccupations à la fin du processus qu’on devrait ensuite régler.

Je pense que c’est aussi très important sur les plans de la diversité et de l’inclusion. Cela peut également avoir des liens avec la protection de la vie privée. Si les décisions prises par des algorithmes donnent lieu à du profilage ou à des préjugés, entre autres, cela peut soulever quelques inquiétudes.

Parlons maintenant de l’équipe, du personnel. Dans mon poste actuel de légiste de la Chambre, j’ai été champion de la diversité et de l’inclusion et, à ce titre, je suis à la tête d’un groupe d’employés dévoués provenant de tous les secteurs de la Chambre et de tous les échelons, notamment de la direction. Quand j’ai été nommé champion, je leur ai dit que je voulais que nous devenions tous des ambassadeurs de l’inclusion afin que peu importe ce que nous fassions — peu importe notre rôle —, nous nous posions les questions suivantes : quelles sont les répercussions de cette décision que je prends, de cette politique ou de ce comportement que j’adopte? Quels effets cela a-t-il sur la diversité et l’inclusion? Si ce n’est pas quelque chose de positif, nous devrions remettre en question ce comportement, et y mettre fin s’il n’est pas essentiel. J’adopterai cette même approche, si ma nomination est confirmée.

La sénatrice Jaffer [ + ]

Merci beaucoup de votre réponse. Ma question serait de savoir si vous allez respecter le même modèle de diversité et d’inclusion dont vous avez parlé plus tôt. En fait, je ne vous poserai pas cette question, car je pars du principe que vous le ferez.

Je ne sais pas si vous avez eu l’occasion d’étudier certaines des recommandations de l’ancien commissaire à la protection de la vie privée. L’une d’entre elles portait sur la prise de notes réalisée par les agents de sécurité à la frontière. Il a étudié six plaintes à ce sujet, et ses conclusions indiquaient que ces prises de notes n’étaient pas adéquates. Si vous n’avez pas encore lu ces recommandations, je suis disposée à attendre votre réponse. Grâce à votre perspective des droits de la personne en particulier, mais aussi de vos connaissances dans ce domaine, je voudrais savoir si vous allez vous assurer que les agents de sécurité à la frontière prennent des notes de façon adéquate, en particulier à la lumière du nouveau projet de loi S–7 que le ministre a présenté.

M. Dufresne [ + ]

Le projet de loi S-7 fait l’objet de discussions, notamment en ce qui concerne les normes en vigueur. On s’est interrogé quant à savoir si le recours à cette pratique pouvait avoir des répercussions et mener à des décisions défavorables à l’endroit de certains groupes ou individus par rapport à d’autres. Ce sont les axes que nous étudierons et nous devons nous assurer que nous disposons des renseignements nécessaires afin d’apporter des correctifs à toute méthode qui aurait des répercussions discriminatoires ou des répercussions négatives en matière de protection de la vie privée.

Je pense qu’il faut étudier nos pratiques sous cet angle pour faire en sorte que celles-ci respectent aussi bien la vie privée que les droits de la personne, notamment pour ce qui est de la non-discrimination, car même si cet aspect ne relève pas à proprement parler de ma responsabilité, c’est un principe auquel j’adhère.

La sénatrice Jaffer [ + ]

Merci beaucoup.

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Monsieur Dufresne, je vous souhaite la bienvenue au Sénat. Il y a de fortes chances que vous superviserez la plus grande refonte des lois sur la protection des renseignements personnels que le Canada ait connue depuis plusieurs décennies, ainsi que l’augmentation des pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée. Pendant ce temps, l’économie des données a connu une croissance exponentielle. La façon dont le Canada réglemente l’utilisation des données stimulera l’innovation, la croissance de la productivité et la prospérité. Ou pas.

De toute évidence, le rôle du nouveau commissaire à la protection de la vie privée consiste à trouver le juste équilibre. Il doit renforcer et protéger les droits relatifs aux données — ce pour quoi vous êtes éminemment qualifié — tout en favorisant les activités commerciales novatrices et concurrentielles à l’échelle mondiale.

Dans cette optique, pourriez-vous nous dire dans quelle mesure vous jugez important que les lois sur la protection des renseignements personnels favorisent l’innovation dans notre économie? Comment feriez-vous pour que votre équipe possède de l’expérience avec les technologies en rapide évolution, les questions de concurrence, les différents modèles d’affaires et l’interopérabilité mondiale?

J’espère pouvoir poser une deuxième série de questions, mais on verra.

M. Dufresne [ + ]

Je vous remercie de la question. Cela fait partie intégrante de ma vision à l’égard de mon rôle de commissaire à la protection de la vie privée, si ma nomination est confirmée. J’ai parlé de trois éléments. Le premier est la protection de la vie privée comme droit fondamental. Le deuxième est la protection de la vie privée comme moyen pour favoriser l’intérêt public et appuyer l’innovation et la compétitivité du Canada. Donc, cela fait absolument partie de ma vision. Nous devons adopter un régime qui ne sacrifie pas l’innovation et la compétitivité du Canada, ni la capacité de prospérer de l’industrie canadienne.

Je crois qu’il est possible d’y arriver. Pour ce faire, il faut un régime fondé sur des principes qui respecte la vie privée tout en tenant compte des réalités et des défis de l’industrie canadienne. Selon moi, la protection de la vie privée générera de la confiance et permettra aux Canadiens d’avoir le sentiment de pouvoir participer davantage à l’économie numérique, ce qui, à son tour, sera avantageux pour l’industrie. Je crois qu’il sera bénéfique d’avoir des normes et des règles qui permettent l’interopérabilité pour uniformiser les règles du jeu de sorte que les entreprises canadiennes comprennent les rôles en matière de communication, d’éducation et d’information. D’ailleurs, mon bureau — s’il devient mon bureau — pourra les aider à cet égard.

Pour ce qui est de la composition de l’équipe, dans toutes les fonctions que j’ai assumées, j’ai toujours accordé une grande valeur à la diversité des opinions et des points de vue. Mon point de vue est influencé par mes origines et mon vécu, et j’ai toujours voulu m’entourer de personnes ayant parcouru un chemin différent et possédant une expertise différente pour que nous ayons les meilleurs conseils autour de la table.

Au sein de mon équipe à la Chambre, j’avais recruté des personnes du Sénat — qui sont fantastiques —, des personnes du ministère de la Justice, des personnes du secteur privé et des personnes de la Bibliothèque du Parlement, simplement pour diversifier les points de vue.

C’est en ce qui concerne l’équipe interne, qui est très importante. Je crois cependant également que les liens externes avec les intervenants, les liens avec les industries, que ce soit dans le cadre d’une structure officielle comme un conseil consultatif ou d’une structure informelle, permettent de garder ouverts les canaux de communication. La communication d’informations entre le commissaire et le bureau est utile, mais il faut le faire en tenant compte des défis auxquels l’industrie doit faire face. Je crois que c’est une chose que je suis en mesure de faire grâce à mon parcours d’avocat dans le domaine des droits de la personne, mais également grâce au fait que je suis un employeur et le chef d’une organisation. J’ai donné des conseils au sujet du respect des lois, mais j’ai également eu à respecter ces lois moi-même. Je comprends donc les défis de l’industrie relatifs à ces pressions et priorités concurrentes; cela doit être fait dans le respect des obligations envers les intervenants, les parlementaires et les Canadiens.

Ce sont les éléments qui comptent pour moi. Je mettrai en place les réseaux et les structures requis pour...

Le sénateur C. Deacon [ + ]

Merci, c’est bon à savoir. En ce qui concerne les consultations, le gouvernement du Canada a plutôt eu tendance à communiquer plutôt qu’à consulter véritablement. J’espère que vous aurez l’ambition voulue pour établir une nouvelle norme à ce sujet en raison de la transition en cours.

Enfin, j’aimerais que vous parliez un peu de ce que vous ferez pour gérer le fardeau de l’application lié à la mise en œuvre de la nouvelle législation en matière de protection des renseignements personnels afin que cette mise en œuvre ne nuise pas à l’innovation, à la croissance de la productivité et à la compétitivité.

M. Dufresne [ + ]

Vous abordez un certain nombre d’éléments.

Évidemment, ce sera le Parlement, et non moi, qui déterminera le contenu du projet de loi. Le Commissariat à la protection de la vie privée jouera un rôle en formulant des avis et des conseils. Bien sûr, l’industrie a également un rôle à jouer pour fournir des avis au Parlement, mais aussi au Commissariat à la protection de la vie privée dans le cadre de ce processus.

Je travaillerai avec le projet de loi que le Parlement décidera d’adopter, et avec l’équipe, pour veiller à ce qu’il soit aussi convivial que possible pour les Canadiens et l’industrie. Nous parlions de la difficulté de comprendre les dispositions sur le consentement et de la façon dont elles peuvent constituer un fardeau pour les individus. Je pense que c’est également vrai en ce qui concerne le fardeau qui pèse sur les organisations qui doivent se conformer aux cadres juridiques. Les obligations sont nombreuses.

Dans mon rôle à la Chambre, j’ai dû superviser la conformité au projet de loi C-65 sur la santé et la sécurité, la conformité à l’équité salariale et aux régimes proactifs d’équité salariale, la conformité à l’accessibilité proactive et à la divulgation proactive de renseignements financiers. Ce sont toutes des tâches fondamentales, mais qui demandent du travail. Elles imposent un fardeau aux organisations et aux dirigeants qui sont déjà surchargés.

Toute mesure que les régulateurs peuvent prendre pour faciliter les choses — pour orienter les incitatifs dans la bonne direction — constitue une étape positive.

La sénatrice Bellemare [ + ]

Merci d’être parmi nous, monsieur Dufresne. Je sais que vous avez une longue expérience avec les parlementaires canadiens.

Ma question consiste en une mise en situation. Supposons que vous êtes confirmé dans le poste que vous sollicitez actuellement, et supposons également que le gouvernement qui est au pouvoir en ce moment appuie un projet de loi ou présente un projet de loi qui fait l’objet d’une dénonciation, sur le plan d’un manquement à la protection de la vie privée, de la part de plusieurs personnes et organismes. Que feriez-vous si le comité responsable de faire l’étude des projets de loi vous invitait à témoigner et à participer à l’étude de ce projet de loi?

M. Dufresne [ + ]

Merci, sénatrice. Évidemment, je vais toujours, dans mon rôle de commissaire à la protection de la vie privée, donner mon avis aux comités parlementaires qui me le demanderont. Je crois que c’est l’un des éléments importants du rôle du commissaire à la vie privée.

Grâce à mon expérience de légiste à la Chambre des communes, j’ai eu l’occasion, à plusieurs reprises, de comparaître et donner des avis aux comités parlementaires dans plusieurs domaines de droit. Je continuerai à le faire comme commissaire à la vie privée, avec l’optique de donner le meilleur avis possible et l’avis le plus équilibré possible conformément aux valeurs que je vais véhiculer, c’est-à-dire en reconnaissant les droits à la vie privée comme des droits fondamentaux, mais en comprenant également l’intérêt public et la nécessité d’avoir des lois pratiques et réalistes, qui peuvent susciter la confiance des Canadiens.

Dans une situation où il y aurait de l’opposition, je me demanderais si c’est une opposition que mon bureau et moi devrions partager, en entendant évidemment les points de vue divergents et en donnant le meilleur avis possible, tout en étant conscients du poids que les représentations du commissaire à la vie privée peuvent avoir. Je le ferais avec la responsabilité qui vient avec cette influence.

La sénatrice Bellemare [ + ]

J’aurais une question complémentaire.

Dans cette mise en situation, est-ce que vous commenteriez publiquement un projet de loi de votre propre initiative si vous jugiez qu’il enfreint la vie privée des Canadiens et des Canadiennes?

M. Dufresne [ + ]

Je pense que c’est une situation qui doit être évaluée au cas par cas. Cependant, je dirais qu’à première vue, le mandat du commissaire à la vie privée est de protéger la vie privée des Canadiens et d’en faire la promotion. Je pense que ce serait une réflexion très importante à faire. Y aurait-il des circonstances qui feraient en sorte que ce n’est pas approprié de le faire de manière proactive? À première vue, cela me semble être une des responsabilités d’un mandataire du Parlement de faire des commentaires, que ce soit dans un rapport annuel ou dans un rapport spécial. J’aime croire que le commissariat est et restera un centre d’excellence en matière de vie privée et qu’on nous invitera à commenter des projets de loi en la matière.

La sénatrice Bellemare [ + ]

Merci, monsieur Dufresne.

La sénatrice Gerba [ + ]

Je vais aller dans le même sens que mon collègue le sénateur Deacon. Monsieur Dufresne, Shopify était autrefois une petite entreprise en démarrage; c’était un détaillant de planches à neige fondé par un néo-Canadien. Cette entreprise s’est transformée pour devenir une vitrine pour les entrepreneurs du monde entier. Elle s’est développée si rapidement qu’elle a été l’entreprise canadienne qui a atteint le plus rapidement un milliard de dollars de ventes annuelles à l’échelle mondiale. Nous souhaitons, bien entendu, avoir plus d’entreprises comme celle-là. Cependant, ce genre d’entreprise utilise essentiellement des données personnelles, ce qui requiert une vigilance accrue.

Monsieur Dufresne, comment pensez-vous que votre bureau pourra protéger les données personnelles des Canadiens sans nuire à la prospérité des entreprises canadiennes innovantes comme Shopify?

M. Dufresne [ + ]

Merci de votre question. Je pense que c’est important d’avoir cet équilibre, et ce n’est pas une situation où l’on devrait sacrifier l’un au profit de l’autre. Il faut assurer la protection de la vie privée comme un droit fondamental et le faire de manière à stimuler et à encourager l’innovation et l’industrie. Je le ferai en m’assurant, dans la mesure où je peux commenter les lois, que le point de vue et les réalités de l’industrie sont pris en compte et font partie de l’analyse. Il faut que ce soit possible et réaliste pour l’entreprise de le faire, mais il ne faut pas que cela se fasse au détriment des droits fondamentaux. C’était la même chose en ce qui a trait aux droits de la personne. Je crois qu’il est possible de le faire et je crois que le commissaire à la vie privée peut jouer un rôle de guide et d’interlocuteur auprès de l’industrie. Le commissariat a un mandat de protection et de promotion.

Vous donnez l’exemple d’une entreprise plus petite qui entre dans le marché. Le commissariat peut peut-être avoir des gabarits et de l’information. Il peut accompagner les industries. Dans le projet de loi C-11, on parle de l’approbation de codes de pratique par le commissariat, d’audits et de vérification proactive. Je pense que c’est important d’avoir ces échanges dès le début et de générer cette culture de vie privée, mais de ne pas le faire au détriment de l’efficacité et de la bonne opération des entreprises.

Ainsi, on a un régime juridique qui est à la hauteur et il est compatible avec les régimes internationaux et les régimes provinciaux. À ce moment-là, on nivelle vers le haut, à la fois en matière de protection de la vie privée, mais aussi en matière d’innovation. C’est quelque chose qui a toujours été très important pour moi, que ce soit dans mon rôle à la Commission des droits de la personne ou à la Chambre des communes : les principes fondamentaux ne devraient pas être protégés au détriment de l’intérêt public, à moins que ce ne soit impossible. Il faut mettre tous nos efforts là-dessus : les incitatifs à cheminer dans la bonne direction, la communication, l’identification des enjeux et travailler ensemble pour trouver des solutions.

La sénatrice Gerba [ + ]

Merci.

Le sénateur Gignac [ + ]

Merci d’être avec nous, monsieur Dufresne. J’aimerais vous féliciter pour votre parcours professionnel, qui est quand même très impressionnant.

Monsieur Dufresne, la taille de l’économie axée sur les données connaît une croissance exponentielle. Le prestigieux MIT a estimé que le volume des données augmente de plus de 40 % par année. Un peu dans la lignée de la question du sénateur Deacon, pouvez-vous expliquer comment vous voyez votre rôle pour faire en sorte que les Canadiens vont profiter davantage de la valeur de leurs données, tout en veillant à ce qu’ils contrôlent également la façon dont celles-ci seront utilisées?

M. Dufresne [ + ]

Merci de cette question. Le troisième élément de la vision que j’ai mise de l’avant est la protection de la vie privée comme un accélérateur de la confiance des Canadiens à l’égard de l’économie numérique, entre autres. Je pense que c’est là où il y a un rôle à jouer.

Des statistiques du Bureau du commissaire à la vie privée, dans le plan annuel de 2022-2023, indiquaient que, selon des sondages, seulement 38 % des Canadiens étaient d’avis que l’industrie respectait leur droit à la vie privée. C’est une statistique préoccupante, qui montre bien la perception de ceux et celles qui ont été interrogés. L’objectif du bureau, que je partage, est que ce nombre soit beaucoup plus élevé, soit de 90 % environ. La façon d’encourager et de rassurer les Canadiens par rapport à cela est d’avoir un régime juridique fort, fondé sur une bonne loi et de bons principes. Il nous faut une loi qui est raisonnable et équilibrée, mais qui traite la vie privée comme un droit fondamental. Il est primordial d’avoir des entités comme le commissaire à la vie privée, qui ont les ressources et le mandat nécessaires pour jouer ce rôle de promotion et de protection. Il est important que les Canadiens sachent qu’en participant à l’industrie, ils jouissent de certaines protections et qu’ils comprennent ce à quoi ils consentent, ce pour quoi leurs données seront utilisées, ce qui fera en sorte qu’il y ait des incitatifs à la participation à cette économie. Ainsi, cela devient un endroit où on veut participer et transiger.

Lorsqu’on parle de régimes d’État de droit, pour la même raison, c’est bon pour l’industrie, parce qu’elle sait qu’elle peut s’appuyer sur le régime et ses principes. Il faut une bonne loi, des ressources, un organisme et une bonne connaissance du régime, que le Commissariat à la protection de la vie privée peut sans doute favoriser et renforcer. Il faut aussi prévoir des incitatifs qui vont dans la bonne direction, que ce soit pour encourager les consommateurs à participer en les rassurant et en leur offrant de l’information de qualité, ou pour encourager l’industrie à l’aide de normes qui sont claires et réalistes, en lui fournissant de l’aide en matière d’information et d’échanges, de sorte à éviter un jeu à somme nulle. L’augmentation de l’un ne signifie pas la réduction de l’autre. Je pense qu’il faut augmenter les deux et qu’il est possible de le faire.

Le sénateur Gignac [ + ]

Merci, monsieur Dufresne.

Le sénateur Downe [ + ]

Félicitations pour votre nomination. Votre curriculum vitæ est très impressionnant, tant sur le plan académique que professionnel. Si vous le permettez, j’aimerais vous poser quelques questions sur des études de cas afin de savoir comment vous réagiriez.

Ma première question porte sur un dossier dont vous avez peut‑être entendu parler dans les médias. On a signalé des cas d’inconduite au sein de l’Agence des services frontaliers du Canada. Pendant le dernier exercice financier, l’ASFC a jugé que 92 de ces cas étaient fondés et que, parfois, des membres de l’ASFC avaient des liens — incluant le trafic de stupéfiants — avec une organisation criminelle à l’extérieur du travail.

Comme vous le savez, les membres du personnel de l’ASFC ne sont pas obligés de subir un test polygraphique annuel au sujet de leurs activités à l’extérieur du travail. En tant que commissaire à la protection de la vie privée, seriez-vous contre le fait que l’ASFC impose un test obligatoire annuel?

M. Dufresne [ + ]

J’examinerais également ce cas en fonction des circonstances particulières et de l’objectif particulier d’une mesure. Il faut aborder la chose du point de vue de la protection de la vie privée, en songeant à la protection de la vie privée dès la conception. Il faut tenir compte de la nécessité et de la proportionnalité.

Il faudrait établir l’objectif et la nécessité, et plus la mesure que vous décrivez est intrusive, plus elle devrait être jugée nécessaire. Je n’émettrai pas de commentaires au sujet d’une situation hypothétique pour l’instant, mais j’examinerai chaque cas en fonction de ces principes de nécessité et de proportionnalité.

Le sénateur Downe [ + ]

Je reçois de nombreuses plaintes de Canadiens à propos de leurs interactions avec l’Agence du revenu du Canada. En effet, même s’ils sont prêts à lever leur droit à la protection de leurs renseignements personnels afin de pouvoir parler publiquement de leur mauvaise expérience auprès de l’agence, cette dernière utilise la Loi sur la protection des renseignements personnels comme bouclier pour se soustraire à sa responsabilité et à la nécessité de rendre compte de ses actions, sous prétexte que la loi lui interdit de discuter d’un dossier en particulier. Les Canadiens se font ensuite servir la même rengaine, à savoir que l’agence prend au sérieux toutes leurs préoccupations et prend toutes les mesures nécessaires pour apporter les correctifs nécessaires. Bien entendu, tout est faux, car elle agit de la même manière avec la prochaine personne.

Croyez-vous que si un Canadien lève son droit de protection de ses renseignements personnels afin de parler de son dossier en public, surtout dans les médias, le gouvernement devrait être tenu de divulguer l’information qu’il détient à propos du dossier de cette personne?

M. Dufresne [ + ]

Il existe des critères pour déterminer si un élément d’information est du domaine public, notamment dans les cas où une personne lève ses droits et que cette information devient publique, mais il faudrait consulter le dossier. Je ne voudrais pas me prononcer sur un cas en particulier avant qu’il n’ait été soumis à mon bureau à des fins d’examen.

Le sénateur Downe [ + ]

Comme vous le savez probablement, le paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels dit ceci :

Les renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale ne peuvent être communiqués, à défaut du consentement de l’individu qu’ils concernent...

 — ce sont les mots-clés, selon moi —

... que conformément au présent article.

Autrement dit, l’individu peut consentir à la communication des renseignements personnels détenus par une institution fédérale. Si une personne a donné son consentement, pourquoi permettrait-on que les organismes et les ministères, au lieu de communiquer les renseignements, se cachent en quelque sorte derrière la Loi sur la protection des renseignements personnels alors qu’ils pourraient dire, dans bien des cas, « nous avons commis une erreur, nous avions tort »?

M. Dufresne [ + ]

Encore une fois, il faudrait que je prenne connaissance des arguments, de ce qui sous-tend la position du ministère et des raisons invoquées pour refuser la communication des renseignements. Il y a souvent beaucoup de contexte autour de ces questions. J’hésiterais donc à formuler un point de vue sans avoir entendu les deux camps.

Le sénateur Downe [ + ]

Merci beaucoup.

Le sénateur Dagenais [ + ]

Monsieur Dufresne, je vous offre mes félicitations pour votre nomination.

Lorsque je regarde vos états de service, je me dis que vous étiez destiné à occuper cette fonction. Les risques d’atteinte à la vie privée ont beaucoup augmenté au cours des cinq à dix dernières années, et vous savez comme moi que l’une des portes d’entrée qui sont prisées par les fraudeurs, c’est le numéro d’assurance sociale. Cette pièce d’identité est désuète en 2022, mais combien nécessaire pour décrocher un emploi ou obtenir une hypothèque.

Vous avez sûrement déjà consulté les documents du commissariat qui datent de 2014 à 2017. Par ailleurs, je vous dirais qu’à l’ère de la reconnaissance faciale et vocale et de la biométrie, le Canada fait piètre figure parmi les pays modernes avec sa carte d’identité à neuf chiffres.

J’aimerais connaître votre vision et vos projets pour inciter le gouvernement à développer rapidement un nouveau mode d’identification des citoyens qui soit plus sécuritaire.

M. Dufresne [ + ]

Je vous remercie de la question.

En fait, c’est un élément qui a fait l’objet de discussions, notamment à la Chambre des communes. La réalité à ce chapitre, c’est que, comme dans toute chose, il y a énormément de potentiel dans le domaine de l’identité numérique. En effet, l’idée selon laquelle le numéro d’assurance sociale n’est probablement pas la meilleure façon d’identifier les citoyens a été mentionnée.

Quant à savoir si cela peut être fait, mon point à ce sujet serait d’y appliquer le prisme de la vie privée. Ce serait de savoir quelles sont les réalités de ce programme, quels en sont les risques, les implications et les impacts, parce qu’on ne veut pas régler un problème et en créer un autre. Il y a des risques à ce que tout ce qui est numérique soit distribué encore plus rapidement.

À mon avis, c’est quelque chose qui a du potentiel et qui me semble intuitif comme solution d’avenir. C’est pourquoi je pense qu’il faut le faire de façon prudente en analysant toutes les implications et en intégrant le concept de la vie privée dans sa conception même.

Le sénateur Dagenais [ + ]

Dans son rapport final, votre prédécesseur a prévu une augmentation significative du nombre de demandes et de plaintes au cours des prochaines années, notamment en raison des dossiers d’immigration et de réfugiés.

Est-ce que le budget du commissariat devrait être augmenté en conséquence, car on constate que son budget est assez semblable pour les années à venir? De plus, croyez-vous que certains dossiers risquent d’être mis de côté si le gouvernement ne revoit pas le financement du commissariat?

M. Dufresne [ + ]

Si ma nomination est confirmée, évidemment, j’aurai beaucoup plus de détails sur ce genre de question. Ce que j’ai vu jusqu’à présent, c’est que M. Therrien a déjà présenté une demande en ce sens au Secrétariat du Conseil du Trésor et que le commissariat attend une décision quant à des ressources supplémentaires en raison de l’extension nº 3 de la portée de la vie privée, notamment en matière d’immigration.

J’attendrai certainement de voir la réponse à cette demande. S’il n’y a pas de ressources supplémentaires, on a aussi mentionné l’utilisation stratégique des ressources du commissaire lui permettant de mettre l’accent sur certains dossiers, et c’est quelque chose que j’ai fait lorsque j’étais à la Commission canadienne des droits de la personne. J’avais adopté une approche de litige stratégique pour consacrer davantage de ressources aux dossiers qui avaient un impact plus important, soit de par leur nature ou quant au nombre de Canadiens concernés.

Quant à l’ancien projet de loi C-11, une des critiques qui avaient été véhiculées, c’est qu’on imposait au commissaire à la protection de la vie privée la responsabilité de vérifier les codes de pratique, mais sans lui donner la discrétion de choisir lesquels.

Il faudra examiner tout cela. Il y a aussi l’arrivée potentielle — et prochaine, je l’espère — de la modernisation de la loi en matière de vie privée qui pourrait, selon les dires de M. Therrien, permettre de doubler les ressources du commissariat et de créer de nouvelles structures, notamment pour prendre des décisions face à des ordonnances.

Ce sont des défis que j’ai très hâte de relever si je suis confirmé dans le poste. Je l’ai fait à la Commission canadienne des droits de la personne et dans mon rôle au Bureau du légiste; j’ai fait augmenter les ressources du bureau pour faire face à de nouvelles obligations juridiques et j’espère avoir du succès en la matière.

Le sénateur Dagenais [ + ]

Merci beaucoup.

La sénatrice Martin [ + ]

Bienvenue et félicitations pour votre nomination. Monsieur Dufresne, je sais que vous connaissez le rapport qui a été publié récemment sur l’application de la chaîne Tim Hortons. Ce rapport a révélé que Tim Hortons n’a pas recueilli et utilisé à des fins appropriées une grande quantité de données de géolocalisation et qu’elle n’avait pas obtenu le consentement valable et adéquat des utilisateurs de l’application dans la collecte et dans l’utilisation de ces données.

Monsieur Dufresne, vous aurez la responsabilité de surveiller le respect des engagements pris par cette société sur le plan de la suppression de ces données de géolocalisation et d’établir un programme de gestion de la vie privée. La société mère de Tim Hortons possède également d’autres restaurants.

Allez-vous exiger que les applications de ces restaurants soient toutes conformes à la loi? Comment allez-vous contrôler la conformité et combien d’autres entreprises sont dans la même situation que Tim Hortons, à votre avis?

M. Dufresne [ + ]

Je vous remercie de cette question. Je ne peux pas faire de commentaires sur le dernier aspect de votre question, à savoir combien d’autres entreprises se trouvent dans cette situation, mais ce que je peux vous dire, c’est que, dans le cas de Tim Hortons et dans le rapport qui a été publié par le Commissariat à la vie privée, non seulement sur le plan fédéral, mais aussi sur le plan provincial, nous avons constaté une violation de la loi. Cette violation a été résolue de façon conditionnelle, parce que la chaîne Tim Hortons s’est engagée à supprimer les données et à améliorer ses mécanismes de responsabilité en matière de protection de la vie privée.

Il est évident que, si je suis confirmé dans ces fonctions, je serai en mesure d’assurer le suivi et de veiller à ce que ces engagements soient effectivement respectés. Cela nous ramène à certains des éléments dont nous avons discuté aujourd’hui, à savoir l’importance d’avoir un objectif légitime lorsque nous obtenons des renseignements personnels des Canadiens.

Dans ce cas-ci, il s’agissait d’une collecte très large de données de géolocalisation qui suivaient les Canadiens dans leurs déplacements, bien plus que ce qui était nécessaire pour les besoins commerciaux de l’entreprise. Il y avait des préoccupations quant au consentement approprié. Les explications qu’on a données aux utilisateurs étaient déficientes quant au fait que cette pratique allait se poursuivre, même si l’application était désactivée. Le contrat et ses dispositions mêmes étaient également beaucoup trop permissifs quant à l’usage qui pouvait être fait de cette information.

Encore une fois, c’est une question de responsabilité ou de mise en place de mécanismes de responsabilisation en matière de vie privée. Voilà donc un exemple de ce que nous pouvons faire pour améliorer la situation, soit promouvoir la protection de la vie privée dans la conception même de ces applications, afin que cela devienne un réflexe et que les gens disposent des outils nécessaires pour dire : « C’est peut-être une bonne idée de faire ça, mais faisons tout pour nous assurer que cela se fait en conformité avec des principes valables en matière de vie privée. »

La sénatrice Martin [ + ]

Merci.

En février, votre prédécesseur, M. Therrien, a fait savoir que l’Agence de la santé publique du Canada avait informé — pas consulté, mais informé — son bureau au sujet de données sur la mobilité concernant 33 millions de Canadiens qui ont été recueillies et utilisées sans leur consentement pendant la pandémie de COVID-19. M. Therrien a également déclaré que son bureau a proposé d’examiner les moyens techniques utilisés pour anonymiser ces données et d’offrir des conseils, mais le gouvernement a refusé et a dit qu’il s’en remettrait plutôt à d’autres experts.

M. Dufresne, ce récent incident, où le gouvernement Trudeau a mis sur la touche et rejeté les conseils du commissaire à la protection de la vie privée, vous préoccupe-t-il au moment où vous vous apprêtez à assumer vos nouvelles responsabilités?

M. Dufresne [ + ]

Cette question a été étudiée par le Comité de l’éthique de la Chambre des communes, qui a publié un rapport et formulé un certain nombre de recommandations. Il est ressorti des témoignages qu’il y a eu des échanges et des discussions entre le commissaire et le gouvernement, et que le gouvernement a décidé de faire appel à ses experts pour voir si les données avaient été dépersonnalisées, et de quelle manière, et si des mesures de protection étaient en place.

Cette situation a suscité des inquiétudes quant au caractère suffisant de la dépersonnalisation, et une plainte a été déposée auprès du bureau du commissaire. Je ne ferai donc pas de commentaires à ce sujet, si ce n’est pour dire que la plainte a été examinée et qu’elle montre que, souvent, il est utile que le commissaire examine les cas.

Le sénateur Wells [ + ]

Je vous félicite pour votre nomination, monsieur Dufresne.

Comme vous le savez sans doute, le gouvernement a proposé, dans le projet de loi S-7, qui modifie la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle de 2016, de présenter un nouveau critère juridique moins strict pour l’examen des appareils numériques personnels par l’ASFC et par les contrôleurs américains. Le critère juridique proposé est appelé « préoccupations générales raisonnables »; si un agent a une préoccupation générale raisonnable au sujet d’un voyageur en particulier, l’appareil numérique de celui-ci pourrait être examiné en profondeur ailleurs, sans restriction et sans motif.

Comme vous le savez, un appareil numérique personnel peut contenir toutes sortes de choses : des dossiers de santé personnels, de la correspondance, des renseignements bancaires — tout, y compris l’empreinte de quelqu’un sur Internet et son historique de recherche.

Le projet de loi a maintenant été amendé par notre Comité de la sécurité nationale et de la défense afin de relever le seuil à partir duquel un appareil numérique personnel peut être examiné. Plutôt que des « préoccupations générales raisonnables », il serait question de « motifs raisonnables de soupçonner ». Comme vous le savez, les « motifs raisonnables de soupçonner » sont déjà bien définis en droit canadien. Ce n’est pas ambigu. Le comité a cru que le critère des « préoccupations générales raisonnables » ne devait pas justifier une fouille des biens privés et personnels de chacun.

Ainsi, la question que je vous pose, monsieur Dufresne, est la suivante : que pensez-vous du critère de « préoccupations générales raisonnables » proposé initialement par le gouvernement par opposition à celui des « motifs raisonnables de soupçonner » proposé en amendement, qui est bien établi et éprouvé par les tribunaux?

M. Dufresne [ + ]

Je vous remercie de la question.

C’est une question qui a déjà été soulevée. Un certain nombre d’interlocuteurs ont soulevé des préoccupations sur le nouveau critère des « préoccupations générales raisonnables », proposé après que la Cour d’appel de l’Alberta, dans la décision Canfield, a invalidé la loi et a conclu qu’il fallait mettre en place des normes et que c’était au Parlement de le faire.

Lors de son témoignage au Comité de l’éthique, le commissaire Therrien a exprimé des réserves au sujet de ce critère, tout comme l’Association canadienne des libertés civiles et la sénatrice Paula Simons. On a fait valoir que le critère des « préoccupations générales raisonnables » était trop vague, qu’il ne s’agissait pas d’un critère juridique établi, qu’il n’était pas assez objectif et qu’il pouvait entraîner un profilage dans la mesure où des normes aussi subjectives pourraient être employées de façon démesurée contre certaines personnes.

Lors de son témoignage, le commissaire Therrien a dit que le gouvernement n’avait pas présenté de données probantes pour justifier l’emploi de ce critère, et qu’il allait attendre qu’on lui en soumette.

Je crois donc que ce serait au gouvernement d’expliquer en quoi cela serait justifié.

Le sénateur Wells [ + ]

Quel est votre avis sur la question?

M. Dufresne [ + ]

Je suis d’avis que le critère des « motifs raisonnables de soupçonner » est un critère objectif bien établi. Je dirais donc que c’est un critère qui aurait de meilleures chances d’être maintenu sans que l’on ait à fournir des données probantes ou une justification, ce que le gouvernement est peut-être en mesure de fournir pour son critère, mais je n’ai rien vu de tel.

Le sénateur Wells [ + ]

Je vous remercie.

J’ai une petite question complémentaire. Que pensez-vous de l’intérêt grandissant du gouvernement pour la collecte de données personnelles et privées des Canadiens au moyen de la collecte et du dépouillement de métadonnées et du téléchargement obligatoire d’applications gouvernementales?

M. Dufresne [ + ]

Pour chaque initiative qui est prise, je l’envisagerais du point de vue de la confidentialité. Quel est l’objectif? Pourquoi cherche-t-on à obtenir cette information? Qu’en fera-t-on? Est-ce légitime? Y a-t-il proportionnalité et nécessité? Les utilisateurs savent-ils que l’information est utilisée?

Le sénateur Wells [ + ]

J’ai une dernière question. Si vous êtes nommé commissaire à la protection de la vie privée, vous engageriez-vous à faire des déclarations publiques à cet égard, ou attendriez-vous qu’un signalement soit fait à votre bureau?

M. Dufresne [ + ]

Il faudrait voir au cas par cas s’il s’agit d’une déclaration, d’une prise de position, d’un rapport, d’une vérification proactive ou d’une plainte émanant de la commission. Le commissaire dispose d’un certain nombre d’outils qui doivent être utilisés judicieusement. Cela dépendrait donc vraiment des circonstances.

Le sénateur Wells [ + ]

Merci, monsieur Dufresne.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Monsieur Dufresne, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada. Félicitations pour votre nomination en tant que prochain commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Je suis très impressionné par votre biographie et votre curriculum vitæ. Toutes mes félicitations.

J’aimerais poursuivre sur la question de la consultation auprès du milieu des affaires du Canada. Comme vous le savez, la richesse est très souvent — je ne dirai pas toujours — créée par les entrepreneurs et les entreprises. Vous avez mentionné que le respect de la vie privée est une valeur fondamentale, et le lien de confiance est extrêmement important en affaires, comme vous le savez.

Votre prédécesseur, M. Therrien, a parlé du besoin d’assurer l’interopérabilité des lois canadiennes sur la protection de la vie privée avec les lois à l’étranger, ce qui serait dans l’intérêt des entreprises canadiennes. Êtes-vous du même avis et consulteriez-vous les entrepreneurs pour obtenir leurs conseils à ce sujet? De plus, consulteriez-vous vos homologues internationaux pour que nous puissions mettre en commun des pratiques exemplaires? Qu’en pensez-vous? Êtes-vous d’accord? Comment procéderiez-vous?

M. Dufresne [ + ]

Merci, sénateur. Sur la question primordiale de la consultation, je suis d’accord avec vous. Je pense que c’est quelque chose d’important pour le commissaire. Si je deviens commissaire, je consulterai mes homologues provinciaux ou internationaux pour déterminer quelles sont les pratiques exemplaires, ce qui fonctionne ou non et quels éléments le Canada devrait intégrer. Encore une fois, ce ne sera pas, en fin de compte, ma décision, mais je suis reconnaissant du fait que j’aurai mon mot à dire. Je saisirai l’occasion pour conseiller le Parlement de mon mieux en examinant le Règlement général sur la protection des données et les différents régimes existants, ainsi qu’en me penchant sur ce qui se fait dans les provinces et ailleurs, ce qui me permettra de recueillir des renseignements à ce sujet. J’aurai aussi des discussions avec des membres de l’industrie pour leur demander ce qui les préoccupe. Cependant, à première vue, c’est une bonne idée de mettre en avant le concept de l’interopérabilité, en nous assurant que le principe et l’application de la loi fédérale sont conformes aux pratiques exemplaires internationales et provinciales.

Puis, il y a la question des secteurs public et privé. Nous avons la Loi sur la protection des renseignements personnels et la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Il y a de plus en plus de partenariats public-privé entre le gouvernement et l’industrie. Il est donc important que leurs principes soient compatibles. À mon avis, ce sont des aspects positifs pour l’industrie, mais cela ne me dérangerait pas que l’industrie me dise le contraire. J’écouterais volontiers le point de vue de ses membres.

Le sénateur Loffreda [ + ]

Merci.

Merci. Je vous souhaite la bienvenue au Sénat et je vous félicite de votre nomination. Compte tenu de la mission du commissariat, qui consiste à protéger et à promouvoir le droit des personnes à la vie privée, et compte tenu du fait que le respect des lois est l’une des deux principales responsabilités du commissariat et qu’un rapport publié en 2021 indique que le commissaire dispose de divers pouvoirs pour faire respecter les lois — il est notamment habilité à convoquer des témoins, à faire prêter serment et à exiger la production d’éléments de preuves —, comment comptez-vous vous assurer que les ministères seront tenus de rendre des comptes dans les cas de non-respect des mesures de protection de la vie privée, que cela concerne la communication de renseignements et — comme d’autres sénateurs l’ont souligné — le fait de se cacher derrière ces mesures? J’aimerais plus particulièrement parler de la capacité à entamer des poursuites judiciaires devant les tribunaux fédéraux, car — contrairement à vos prédécesseurs — on observe que vous avez tendance à ne pas y avoir recours. Hésiteriez-vous à recourir à ce type de poursuites?

M. Dufresne [ + ]

J’estime que le commissaire doit envisager tous les outils à sa disposition et les utiliser lorsque cela est indiqué. Je crois fermement à l’éducation, à la promotion, à la communication, à la résolution et à la recherche de solutions comme point de départ. Toutefois, je crois également fermement à l’aspect de la conformité. C’est une question de promotion et de protection. C’est ce que j’ai constaté à la Commission canadienne des droits de la personne également. Il existe une dualité semblable, où l’on fait beaucoup d’efforts pour travailler en collaboration. Dans certains cas, la voie judiciaire est nécessaire parce qu’on ne parvient à aucune entente ou parce que la loi est ambiguë peut-être et qu’un jugement de la cour s’impose pour déterminer la voie à suivre. Dans de tels cas, il est approprié de faire appel aux instances judiciaires et je n’hésiterais aucunement à me prévaloir de cette option.

Certains, dont le commissaire à la protection de la vie privée, réclament que l’on confère au commissaire le pouvoir de rendre des ordonnances et le pouvoir de recommander ou d’imposer des sanctions. J’estime que tous ces éléments renforceraient la fonction de protection, l’accéléreraient et contribueraient à régler certains cas. Encore une fois, je ne dis pas que ces pouvoirs devraient être utilisés fréquemment, mais leur existence serait avantageuse pour renforcer le régime et faire respecter plus tôt et plus rapidement les droits des Canadiens.

Le sénateur Woo [ + ]

Bienvenue, monsieur Dufresne. Je voudrais vous poser une question au sujet des liens entre la politique relative à la protection des renseignements personnels et la politique relative à la concurrence et connaître votre point de vue au sujet de la coopération entre le bureau du commissaire à la protection de la vie privée et celui du commissaire de la concurrence. D’après vous, quel serait le niveau approprié de collaboration entre les deux bureaux, notamment en tenant compte du fait que la loi prévoit certaines interdictions à leur collaboration présentement? Vous attendez-vous à un plus grand besoin de pouvoirs d’application en raison de la puissance et de l’importance croissantes des données dans l’économie du pays?

M. Dufresne [ + ]

Merci de votre question. Je n’ai pas examiné en détail les liens entre la concurrence et la protection de la vie privée, mais je dirais que toutes les lacunes relatives au cadre juridique devraient être réglées. Aucun secteur ne devrait passer entre les mailles des régimes réglementaires et, lorsque c’est approprié, il est bénéfique pour les entités réglementaires comme le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire de la concurrence et le commissaire à l’information, entre autres, d’avoir de tels échanges. Il peut y avoir des secteurs où l’information est confidentielle et où la communication des renseignements n’est pas appropriée, mais il faut s’assurer que l’interdiction de communication repose sur une décision et pas uniquement sur le fait que le secteur concerné n’a simplement pas été visé par un examen.

Le sénateur Woo [ + ]

En principe, seriez-vous favorable à ce que le Commissariat à la protection de la vie privée communique des renseignements au Bureau du commissaire de la concurrence? L’inverse est permis en ce moment, mais le Commissariat à la protection de la vie privée ne peut communiquer de renseignements au Bureau du commissaire de la concurrence.

M. Dufresne [ + ]

Je devrai examiner cette proposition et entendre diverses opinions à ce sujet. Comme je n’ai encore entendu aucun argument en faveur de cette idée ou contre, je vais devoir me pencher sur la question avant de répondre.

La présidente [ + ]

Honorables sénateurs, le comité siège maintenant depuis 65 minutes. Conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 9 juin 2022, je suis obligée d’interrompre les délibérations afin que le comité puisse faire rapport au Sénat.

Monsieur Dufresne, au nom de tous les sénateurs, je vous remercie de vous être joint à nous aujourd’hui.

Des voix : Bravo!

La présidente : Honorables sénateurs, êtes-vous d’accord pour que la séance du comité soit levée et que je déclare au Sénat que le témoin a été entendu?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, le Sénat reprend sa séance.

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