Aller au contenu

Projet de loi no 1 d'exécution du budget de 2023

Troisième lecture--Débat

20 juin 2023


L’honorable Tony Loffreda [ + ]

Propose que le projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-47, Loi no 1 d’exécution du budget de 2023. Surtout, c’est un réel plaisir de prendre la parole pour discuter d’un projet de loi qui n’a pas fait l’objet d’amendements lors de son étude au comité.

Le budget de 2023 arrive à un moment important pour notre pays. Dans le projet de loi qui accompagne le plus récent budget du gouvernement, nous retrouvons des mesures importantes qui aideront les entrepreneurs, les travailleurs, les étudiants et les familles.

Je songe, entre autres, au Fonds de croissance du Canada et à la nouvelle Corporation d’innovation du Canada. Ces deux entités aideront le Canada à atteindre ses cibles en matière de carboneutralité. De plus, elles devraient être en mesure d’aider à accélérer et à accroître les investissements au pays, ce qui aura un effet catalyseur sur la croissance de notre économie locale et sur la création d’emplois.

Chers collègues, vous pouvez tous pousser un soupir de soulagement. Je ne parlerai pas pendant 45 minutes aujourd’hui, bien que je sois tenté de le faire parce que je pense que le projet de loi C-47 est une très bonne mesure législative.

Dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture, vous vous souviendrez peut-être que j’ai fourni un compte rendu détaillé de la moitié des mesures contenues dans le projet de loi, de sorte que je ne ressens pas le besoin de tout répéter aujourd’hui. Je remercie également la sénatrice Marshall pour son discours très rigoureux. Comme ce l’est pour moi, je sais qu’il lui a été difficile de condenser tout ce qu’elle voulait dire en 45 minutes. Je suis toujours impressionné par son analyse détaillée des mesures budgétaires du gouvernement. Nous avons de la chance de l’avoir au sein de notre Comité national des finances, c’est certain.

Je remercie également le sénateur Colin Deacon d’avoir soulevé certaines préoccupations concernant la section 39 du projet de loi, qui traite de la Loi électorale du Canada. Je soutiens son appel à l’action pour que les partis politiques de notre pays, qui disposent d’importantes bases de données sur leurs membres et sympathisants, commencent à adhérer à des normes internationales rigoureuses en matière de protection de la vie privée.

Aujourd’hui, je ne parlerai pas précisément du contenu du projet de loi C-47. Je l’ai fait en détail dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Je ferai plutôt trois choses. D’abord, je donnerai une réponse plus détaillée à la question soulevée par la sénatrice Wallin à l’étape de la deuxième lecture à propos du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Puis, je reviendrai sur les quatre observations du Comité sénatorial des finances nationales sur le projet de loi C-47. Comme d’habitude, le comité sénatorial a fait un excellent travail. Je pense qu’il est important de parler des observations et du travail de tous les comités pour aider à améliorer le projet de loi C-47. Enfin, je vais conclure avec quelques remerciements.

Comme vous vous en souvenez peut-être, la sénatrice Wallin a posé une question à propos de l’augmentation du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien. Le gouvernement propose une augmentation de 32,85 % en mai 2024, ce qui entraînerait, en moyenne, une hausse d’environ 5 $ pour un vol intérieur aller-retour. La sénatrice Wallin voulait savoir à quoi servirait l’argent tiré de cette mesure. Comme vous le savez, les dépenses associées à la sécurité du transport aérien incluent les activités de l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, mais aussi l’octroi de contrats pour assurer la présence d’agents de la GRC sur certains vols.

Lorsque le ministre Alghabra a témoigné devant le Comité sénatorial des transports et des communications, le sénateur Harder lui a demandé si les sommes qui résulteront de cette augmentation iront entièrement à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien, et le ministre lui a répondu : « Oui ». Le ministre a ajouté ce qui suit :

Il n’y a pas eu d’augmentation de ces frais depuis 13 ans. Ils ont été augmentés pour la dernière fois en 2010. Encore une fois, la pandémie a mis au jour certaines faiblesses et certains problèmes de capacité et le besoin d’améliorer la technologie. C’était donc un rappel pour le gouvernement et pour le pays que nous devons moderniser l’ACSTA, et c’est l’objet de la présente proposition.

J’espère que cela répond à la question de la sénatrice Wallin.

Deuxièmement, j’aimerais parler des observations que le Comité sénatorial des finances nationales a faites lorsqu’il a adopté le projet de loi, la semaine dernière. Je remercie mes collègues du comité de leurs contributions éclairantes et d’avoir proposé les quatre observations suivantes.

Premièrement, le Comité exhorte le gouvernement à entreprendre un examen approfondi pour déterminer comment mettre à jour le système fiscal de manière à ce qu’il contribue à sortir certains Canadiens de la pauvreté. La Loi de l’impôt sur le revenu fait plus de 3 400 pages, elle est trop compliquée, et le Comité est d’avis qu’il est grand temps de revoir le système fiscal en profondeur. Nous devons trouver des façons de promouvoir l’équité fiscale et de favoriser véritablement l’équité et l’accessibilité.

Deuxièmement, vous vous rappellerez peut-être que, lors de mon discours à l’étape de la deuxième lecture, j’ai beaucoup parlé du traitement de la TPS et de la TVH qui s’applique aux services de compensation des cartes de paiement et de l’application d’une taxe de façon rétroactive. Je me permets de citer textuellement notre observation :

Les membres du Comité des finances nationales expriment des réserves quant à certaines dispositions prévues aux articles 114 à 116 du projet de loi C-47 qui rendraient la TPS/TVH applicable et de façon rétroactive aux services de compensation des cartes de paiement puisque la Cour d’appel fédérale avait clairement statué en janvier 2021 que ces services sont de nature financière et par conséquent exonérés de TPS/TVH. Selon les témoignages entendus, cela constituerait aussi une certaine incohérence avec la pratique internationale en vigueur dans les pays où une taxe sur la valeur ajoutée similaire à la TPS/TVH est en place.

Aux yeux des membres du comité, le délai de 26 mois observé par le ministère fédéral des Finances pour réagir à une décision de la Cour d’appel fédérale est non seulement inacceptable, mais constitue aussi un dangereux précédent selon l’Association du Barreau canadien.

Troisièmement, les dispositions relatives à la prolongation de l’interconnexion, prévues par le Comité des transports et communications, ont également soulevé des questions parmi les membres du Comité des finances nationales. Comme nous l’avons écrit :

Le comité a de fortes réserves sur la prolongation de l’interconnexion prévue à la section 22 de la partie 4 du projet de loi C-47 considérant, entre autres, que ces mesures avaient déjà été mises en place en 2014 et qu’elles ont été éliminées par la suite parce qu’elles ont été jugées inadéquates.

Personnellement, j’accepte que le gouvernement mette en place ce nouveau projet pilote, en réponse au Rapport final du Groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement publié en 2022. Même si les compagnies ferroviaires ne sont pas pour cette mesure, de nombreuses industries veulent qu’elle soit mise en œuvre. Elle permettra au gouvernement de recueillir des données afin d’évaluer l’utilité de rendre l’interconnexion permanente.

Enfin, j’avais abordé la dernière observation du comité dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. La sénatrice Marshall aussi en a parlé dans son discours. Le comité « exprime son inquiétude à l’égard du recours constant à des projets de loi omnibus » et considère que :

[...] de nombreux articles [...] sont sans rapport avec la politique financière du gouvernement, tels que les amendements au Code criminel et à la Loi électorale du Canada.

Comme je l’ai dit il y a quelques semaines, de nombreux changements aux lois prévus dans le projet de loi C-47 aurait pu, voire dû, être présentés dans le cadre de projets de loi distincts. Les sénateurs seront probablement d’accord sur ce que le comité a dit concernant le fait que « le délai accordé est insuffisant pour le Sénat pour étudier le projet de loi à fond et en déterminer les effets ». Je m’inquiète également du court délai qu’on nous accorde chaque fois pour étudier les lois d’exécution du budget. Même si cela fait maintenant partie de la tradition parlementaire, ce n’est pas acceptable pour autant.

Cependant, malgré ces préoccupations très légitimes, les Canadiens peuvent avoir confiance dans le travail accompli par nos comités. Si on inclut l’étude article par article du projet de loi, nos comités ont tenu 40 séances en tout, et il y a eu 210 comparutions de différents témoins. Nous avons accueilli des ministres, des dizaines de fonctionnaires et toute une panoplie de parties intéressées.

Aurions-nous aimé avoir plus de temps pour étudier le projet de loi? Bien sûr; il n’y a jamais assez de temps. Aurions-nous pu interroger plus de témoins et obtenu plus de témoignages? Certainement, mais nous avons accompli notre travail, malgré les échéances serrées. Cela ne fait aucun doute.

Cela m’amène à ma dernière observation.

Ce n’est pas une mince affaire de parrainer un projet de loi d’exécution du budget au Sénat. Je tiens à remercier le bureau du sénateur Gold et celui de la vice-première ministre de toute l’aide qu’ils m’ont accordée. Ils m’ont aidé à m’y retrouver dans le processus législatif, et ils fournissent aux sénateurs ainsi qu’à leur personnel le soutien et les renseignements nécessaires en temps voulu. Je les en remercie.

Je tiens à remercier tout le personnel du Comité des finances nationales et tous ceux qui, en coulisses, font en sorte que les travaux de notre comité soient réglés comme du papier à musique. Je remercie tout particulièrement Mme Aubé, notre greffière, ainsi que son adjointe et nos deux analystes. Je tiens encore une fois à remercier les membres de tous les comités, dont celui des finances nationales, qui ont fait un excellent travail sur le projet de loi C-47, une mesure législative que j’appuie fermement.

Une fois de plus, je tiens à souligner le travail des huit comités sénatoriaux permanents qui ont aidé le Comité des finances nationales à effectuer une étude préliminaire du projet de loi C-47. Leurs rapports ont été fort utiles, et je sais que nous avons tous apprécié ce qu’ils ont fait.

Je profite de l’occasion pour remercier tous mes collègues pour leur perspicacité, leurs observations, leurs interventions, et pour le soutien qu’ils m’ont apporté en tant que parrain du projet de loi C-47. Je vous souhaite à tous un été agréable et reposant. Bien que nous ne sachions jamais à quoi nous attendre dans cette Chambre, j’espère que cette intervention sera l’une de mes dernières, sinon la dernière. Nous sommes donc prêts à toute éventualité, mais j’espère que cette intervention sera l’une de mes dernières avant l’été.

Avant l’ajournement, j’invite tous mes collègues à appuyer le projet de loi C-47, non pas parce que c’est la volonté du gouvernement, mais parce qu’il s’agit d’un bon projet de loi qui renferme d’excellentes mesures que réclament de nombreux intervenants. Je vous remercie, meegwetch.

L’honorable Clément Gignac [ + ]

Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour partager mes réactions à l’égard du projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023. Étant donné que nous en sommes à l’étape de la troisième lecture et à la fin de la session, je vais passer sous silence toutes mes réflexions sur l’état de l’économie canadienne. Je tiens à remercier également le sénateur Loffreda de sa retenue — j’aurai la chance de faire mon discours avant le dîner. Nous attendrons à la reprise de nos travaux à l’automne pour parler de l’économie.

Comme l’a déjà mentionné notre collègue le sénateur Mockler, le Comité sénatorial permanent des finances nationales, dont je suis également membre, a tenu 8 réunions, consacré près de 14 heures d’étude approfondie et invité quelque 74 témoins. Cela peut paraître beaucoup, mais mentionnons qu’il s’agit ici d’un énorme projet de loi qui contient des dizaines d’initiatives fiscales réglementaires, dont certaines auraient franchement mérité d’être présentées dans des projets de loi distincts. D’ailleurs, cela a fait l’objet d’une observation au sein du comité, qui juge que cette pratique est inacceptable.

Avant de revenir au malaise que me cause la mesure fiscale rétroactive contenue dans ce budget, je prendrai un moment, si vous le permettez, pour parler de ma préoccupation concernant l’expansion rapide du gouvernement fédéral au cours des dernières années.

Pour illustrer cette expansion rapide du gouvernement fédéral, quoi de mieux que de faire référence au nombre d’effectifs dans la fonction publique. En effet, de 2016 à 2023, les effectifs de la fonction publique sont passés de 340 000 employés équivalents à temps plein (ETP) à près de 425 000 employés. On parle ici d’un taux de croissance de 25 %. Ce qui est plus inquiétant encore, c’est la croissance de la masse salariale, qui a augmenté de 70 % au cours des sept dernières années. Comme l’a mentionné M. Yves Giroux, directeur parlementaire du budget, cette poussée fulgurante provient de la multiplication des programmes qui ont été mis en place par le gouvernement fédéral depuis quelques années.

Une autre approche utilisée pour illustrer l’expansion de la taille du gouvernement fédéral consiste à exprimer les dépenses budgétaires en pourcentage du produit intérieur brut (PIB). En tant qu’économiste, je trouve cette méthode encore plus pertinente, car elle offre l’avantage de tenir compte de l’accroissement de la population et de l’inflation et elle facilite la comparaison dans le temps. Si on exclut le service de la dette, on peut regrouper les dépenses budgétaires en trois grandes catégories : d’abord, les transferts aux individus, comme les prestations de la Sécurité de la vieillesse (SV) et celles de l’assurance-emploi; ensuite, les transferts aux provinces; enfin, les dépenses de fonctionnement du gouvernement que l’on appelle les « charges de programmes directes ».

Or, à mon avis, c’est à cette dernière catégorie relative aux dépenses de fonctionnement qu’il faut porter le plus attention quand on fait référence à l’expansion de la taille de l’État. En effet, celles‑ci sont passées de 6,6 % du PIB en 2016 à 8,1 % au cours de la dernière année budgétaire. Pourtant, au cours de cette même période, les transferts aux individus et aux provinces sont restés relativement stables, soit autour de 4,1 % et 3,1 % du PIB respectivement.

Il faut également noter que le secteur de la défense nationale, tel qu’il figure dans les dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral, n’est pas à l’origine de l’expansion du gouvernement fédéral depuis 2016. En effet, le ratio des dépenses militaires par rapport au PIB est resté relativement stable pendant sept ans, autour de 1,3 %, un pourcentage bien en deçà de l’objectif officiel de 2 % recommandé par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN.

À ce sujet, j’ai été très surpris de constater, après avoir examiné le document budgétaire le printemps dernier, que le budget de la Défense nationale se situera toujours autour de 1,3 % du PIB dans cinq ans, et ce, bien qu’un chapitre complet du budget soit consacré au leadership du Canada dans le monde. En tant que membre du Comité de la sécurité nationale et de la défense, je trouve cela un peu gênant, surtout quand on pense au nouveau contexte géopolitique qui prévaut à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Honorables sénateurs, l’absence de cible budgétaire dans le budget 2023 m’apparaît aussi très décevante. Contrairement à ce qui s’était passé après la crise financière de 2008-2009, le gouvernement actuel ne s’est pas encore engagé à renouer avec l’équilibre budgétaire et il n’a pas communiqué d’échéancier précis pour le retour au ratio de la dette par rapport au PIB qui existait avant la pandémie. Plus inquiétant encore, le ratio de la dette fédérale par rapport au PIB passera de 42,4 % à 43,5 % au cours de l’année prochaine, alors que l’économie tourne à plein régime. Le gouvernement se contente de réitérer son intention de réduire le ratio de la dette par rapport au PIB à moyen terme.

De l’avis de plusieurs experts, cette absence de restrictions budgétaires de la part du gouvernement fédéral a contribué à stimuler l’activité économique, ce qui a rendu encore plus difficile le travail de la Banque du Canada pour ce qui est de contrôler l’inflation. Honorables sénateurs et sénatrices, le gouvernement et certains autres observateurs font valoir que le Canada enregistre le plus faible ratio de la dette publique nette par rapport au PIB au sein des pays membres du G7 et qu’il maintient une cote de crédit triple A. C’est exact.

Cependant, il faut savoir que cette première position sur le podium est en grande partie attribuable aux importants actifs financiers détenus par nos caisses publiques de retraite, dont on se plaît à nous répéter, ici au Sénat, que leurs opérations, y compris celles qui sont effectuées dans les paradis fiscaux et dans certains pays autocratiques, sont indépendantes du gouvernement.

Chers collègues, je ne veux pas trop m’attarder sur ces deux concepts de dette publique nette et de dette publique brute, car cela risquerait de dévorer le reste de mon temps de parole. Je suis sûr que, avec la sénatrice Marshall et le sénateur Loffreda, j’aurai beaucoup de plaisir à le faire l’automne prochain.

Cependant, un concept fait consensus pour illustrer le poids de la dette publique : c’est celui du service de la dette, qui est passé de 7 cents par dollar de recettes enregistré avant la pandémie à environ 12 cents pour l’année en cours. Qui plus est, ce taux sera sans doute révisé à la hausse, puisqu’il repose sur l’hypothèse d’une baisse du taux directeur sous la barre des 3 % dès l’an prochain. Heureusement, nous sommes encore loin du taux de 38 cents observé au milieu des années 1990, période où le Canada était menacé de tomber sous la tutelle du Fonds monétaire international (FMI). Cela ne devrait toutefois pas être une excuse pour baisser la garde ou se montrer nonchalant.

Chers collègues, j’éprouve aussi beaucoup de scepticisme à l’endroit des projections financières contenues dans le budget de 2023 en ce qui a trait à une réduction graduelle du déficit et de la taille du gouvernement. Premièrement, et contrastant ainsi avec les bonnes pratiques de gouvernance mises en place par l’ex-ministre libéral des Finances, le très honorable Paul Martin, et maintenues pratiquement chaque année par les différents ministres des Finances libéraux et conservateurs qui se sont succédé depuis le milieu des années 1990, ce budget ne contient aucune réserve pour contingences ou éventualités. En clair, si les économistes de Bay Street — qui font consensus — se trompent sur la direction de l’économie canadienne et que le pays subit une récession, il faudra s’attendre à ce que le déficit budgétaire pour l’année en cours soit révisé à la hausse, en l’absence de coussins de sécurité ou de réserves pour les éventualités.

Deuxièmement, alors que le budget de 2022 avait créé des attentes en annonçant le lancement d’un examen exhaustif des politiques stratégiques pour évaluer l’efficacité des programmes et identifier des économies possibles, on n’y fait, étrangement, plus du tout référence dans le budget de 2023. Comme le mentionnait le directeur parlementaire du budget, et je cite :

Outre le fait de proposer de réduire les dépenses en services de consultation, en services professionnels et en déplacements, le budget de 2023 ne détermine pas de possibilités d’économiser et de réaffecter les ressources « de façon à adapter les activités et les programmes gouvernementaux à la nouvelle réalité post‑pandémique » [...]

En l’absence d’un examen exhaustif des programmes par le Conseil du Trésor, j’ai des doutes au sujet de la réduction des dépenses prévue dans cinq ans pour revenir au niveau de 2016, soit 6,6 % du PIB. Selon moi, ce chiffre sera révisé à la hausse avec la mise en œuvre du futur programme d’assurance dentaire et d’assurance-médicaments, sans parler des pressions exercées par le Pentagone et les autres alliés de l’OTAN pour que l’on s’engage enfin à atteindre l’objectif de 2 % du PIB pour les dépenses militaires.

Chers collègues, avant de conclure, laissez-moi vous parler de la mesure fiscale — rétroactive de surcroît — qui m’a beaucoup indisposé. Le sénateur Loffreda en a déjà parlé. Il s’agit de certaines dispositions prévues aux articles 114 à 116 du projet de loi C-47, qui rendront la TPS applicable de façon rétroactive aux services de compensation des cartes de paiement. Il s’agit d’une mesure technique qui n’a pas obtenu beaucoup de sympathie de la part du public, car elle touche les institutions financières.

Comme l’a mentionné l’Association des banquiers canadiens, le Mouvement Desjardins et même l’Association du Barreau canadien, la légitimité du gouvernement de décréter de nouvelles règles fiscales avec le dépôt du budget n’est pas remise en cause; c’est plutôt le caractère rétroactif de cette mesure qui est problématique.

Rappelons que cette saga a commencé en 2015, lorsque la CIBC a décidé de contester officiellement, devant la Cour canadienne de l’impôt, l’interprétation de l’Agence du revenu selon laquelle ces services de compensation étaient des services de nature administrative, et non financière. Par conséquent, ces services devaient être assujettis à la TPS. Selon des témoignages que nous avons entendus, le fait que le gouvernement fédéral ait perdu en Cour fédérale en janvier 2021, qu’il n’ait pas interjeté appel devant la Cour suprême et qu’il soit revenu, 26 mois plus tard, avec une mesure rétroactive est du jamais-vu. Cela constitue un dangereux précédent, comme l’a mentionné le parrain du projet de loi, le sénateur Loffreda, dont je salue la persévérance et le leadership.

Honorables sénateurs et sénatrices, malgré tout ce que je vous ai dit, malgré mes réserves et mes déceptions, je vais appuyer le projet de loi C-47. Mon inconfort vis-à-vis de la dernière mesure fiscale dont j’ai parlé plus tôt a fait l’objet d’une observation présentée par le comité, et non d’un amendement.

Précisons, à l’intention des nouveaux sénateurs, que les projets de loi liés au budget, contrairement aux autres projets de loi, sont rarement modifiés.

La dernière fois qu’un amendement à un projet de loi lié au budget a été accepté remonte à 2016. Mon collègue le sénateur Harder doit s’en souvenir, puisqu’une des mesures envahissait clairement le champ de compétence du Québec en ce qui a trait à la Loi sur la protection du consommateur. C’est d’ailleurs le représentant du gouvernement au Sénat qui avait proposé cet amendement, à la suggestion du ministre des Finances et à la suite des pressions exercées par le sénateur Pratte et le gouvernement du Québec. C’est possible, mais plutôt rare que l’on apporte des amendements aux projets de loi d’exécution du budget.

Honorables sénateurs, pour conclure, j’aimerais profiter de cette tribune pour mentionner au gouvernement — actuel ou futur — que mon appui aux projets de loi liés au budget n’est pas inconditionnel. Si j’ai appuyé le gouvernement actuel durant la pandémie quand il a présenté des mesures d’urgence pour éviter que le pays ne sombre dans la récession, c’est parce que j’estimais que c’était la bonne chose à faire.

Cependant, j’estime que les autorités seraient bien avisées d’adopter bientôt des ancrages budgétaires pour éviter d’alimenter l’inflation avant de mettre en place de nouveaux programmes sociaux coûteux, comme le régime d’assurance dentaire et le régime d’assurance-médicaments, d’autant plus que ce sont des domaines de compétence provinciale.

En tant qu’ex-politicien qui a déjà mis sa photo sur un poteau, je sais très bien que nous, sénateurs, n’avons pas la même légitimité que les représentants de l’autre endroit. Je l’accepte et je n’éprouve aucune nostalgie. Toutefois, le Sénat est une institution de second examen objectif et il est maintenant composé d’une majorité de sénateurs indépendants, issus de tous les milieux, et dont les qualifications font l’envie de plusieurs conseils d’administration de grandes entreprises canadiennes.

Qui plus est, nous avons un gouvernement minoritaire qui se maintient au pouvoir grâce à une alliance avec un tiers parti. Cela exige de notre part que nous nous montrions vigilants, puisque plusieurs initiatives n’ont pas nécessairement reçu l’aval d’une majorité de Canadiens lors de la dernière élection. D’ailleurs, certaines mesures ne figuraient même pas au programme du parti au pouvoir.

Cette indépendance d’un parti politique et cette liberté de parole ont incité plusieurs d’entre nous à soumettre leur candidature pour venir ici, au Sénat, pour travailler ensemble dans l’intérêt des Canadiens. À mon humble avis, le gouvernement, actuel ou futur, et les Canadiens en général devraient se réjouir de cette indépendance intellectuelle des sénateurs, même si cela entraîne parfois des délais en raison des études approfondies menées par des comités ou des propositions d’amendements. Après avoir entendu les propos remplis de sagesse tenus par le sénateur Shugart dans cette Chambre, je reconnais que nous sommes, sans aucun doute, dans une zone inconnue. Je compte sur lui et sur vous tous, chers collègues, pour me guider dans ce rôle de second examen objectif, tout en ayant le sentiment que c’est pour moi une valeur ajoutée de siéger au Sénat et de faire des commentaires sur le projet de loi C-47.

Merci de votre attention.

Honorables collègues, j’interviens aujourd’hui au nom de la sénatrice Galvez pour parler du projet de loi C-47, Loi d’exécution du budget de 2023.

Ce projet de loi omnibus vise à mettre en œuvre certaines dispositions du budget de 2023, mais pas toutes, ainsi que des dispositions qui n’étaient pas précisées dans le budget de 2023.

Le projet de loi comporte quatre parties, couvrant un grand nombre de sujets économiques et non économiques, sur un total de 408 pages. Comme d’habitude, certains articles ont été renvoyés à certains comités pour étude. Dans le peu de temps dont je dispose, je vais me concentrer sur trois articles ayant une incidence sur l’environnement que, selon mon équipe et moi-même, il est de la plus haute importance de porter à l’attention du public.

Le premier concerne la question cruciale de l’assainissement du site de la mine Faro au Yukon, qui pose des problèmes environnementaux aux communautés autochtones et non autochtones depuis des décennies. Deuxièmement, j’aborderai les questions liées au Fonds de croissance du Canada. Enfin, je parlerai du fait que l’on se sert d’un projet de loi d’exécution du budget pour modifier le mandat du Bureau du surintendant des institutions financières, ou BSIF, et de la portée de cette mesure.

Le projet de loi C-47 autorise l’assainissement de la mine Faro, au Yukon, à un coût estimé de 1 milliard de dollars, en plus de 166 millions de dollars pour les dix premières années d’exploitation et d’entretien à long terme. Il s’agit d’une enveloppe énorme qui couvre une très longue période, mais le plus important, c’est le message qu’il envoie. Il renforce la croyance selon laquelle il est impossible d’éviter le principe du pollueur-payeur parce que le gouvernement assumera les coûts liés aux mesures d’assainissement. Nous devons nous doter de lois plus strictes pour éviter des situations similaires à l’avenir. Par exemple, dans le cas des bassins de résidus des sables bitumineux, nous devons maintenant établir clairement combien coûteront les mesures d’assainissement, quel type de traitement sera utilisé, quand les bassins de résidus seront assainis et qui paiera la facture.

La mine de Faro, dont la superficie est équivalente à celle de Victoria, en Colombie-Britannique, occupe une place importante dans l’histoire minière du Canada. Elle a été l’une des plus grandes mines de plomb et de zinc au monde et a été exploitée de 1969 à 1998. Les conséquences environnementales de l’exploitation de la mine sont devenues évidentes après qu’elle a été abandonnée en 1998 et qu’elle a laissé derrière elle 70 millions de tonnes de résidus et 320 millions de tonnes de roches stériles. Les grandes quantités de résidus, de roches stériles et d’eau, qui contiennent des concentrations élevées de métaux lourds, présentent de graves risques pour l’écosystème et les collectivités environnantes.

Le site minier contient diverses substances dangereuses, notamment des métaux lourds tels que le plomb, le zinc et le cadmium, qui peuvent contaminer les sources d’eau et le sol. L’exposition à ces contaminants peut avoir de graves conséquences sur la santé, en particulier pour les communautés autochtones de la région qui dépendent de la terre et de l’eau pour leurs pratiques traditionnelles et leur subsistance. Une exposition prolongée à de telles substances a entraîné divers problèmes de santé, notamment des troubles neurologiques, des problèmes de développement chez les enfants, des affections respiratoires et un risque accru de certains types de cancers.

Les efforts d’assainissement visent à atténuer la contamination et à restaurer les écosystèmes touchés. Il est important de noter que l’objectif n’est pas nécessairement d’éliminer la contamination, mais de la couvrir et de reporter la responsabilité de la gestion de l’environnement sur les générations futures.

Un fonctionnaire du gouvernement du Yukon a déclaré au comité que « [...] gérer activement les travaux à la mine Faro [...] se calculera en siècles. »

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Je suis désolée, sénatrice Pate, mais vous disposerez de 11 minutes à notre retour.

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, il me faut quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, le consentement n’est pas accordé. Par conséquent, la séance est suspendue, et je vais quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures.

Haut de page