La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture
30 mai 2024
Propose que le projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-320, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (communication de renseignements à la victime).
Je remercie tous les députés d’avoir voté à l’unanimité en faveur de ce projet de loi qui, s’il entre en vigueur, procurerait des avantages considérables aux victimes canadiennes de crimes et à leurs proches. Je salue tout particulièrement le travail de son parrain à l’autre endroit, le député conservateur Colin Carrie, pour ses efforts rassembleurs et transpartisans qui ont permis l’adoption du projet de loi à la Chambre des communes.
Le texte de ce projet de loi est identique à deux projets de loi qui, malheureusement, sont morts au Feuilleton respectivement en 2019 et 2021 en raison du déclenchement d’élections fédérales, soit le projet de loi S-219, qui était parrainé par notre collègue le sénateur Boisvenu, et le projet de loi C-466, qui était parrainé par la députée Lisa Raitt.
Le projet de loi C-320 apporterait des améliorations importantes sur le plan de la transparence du système fédéral de libération conditionnelle pour les victimes de crimes et leurs familles. En effet, le projet de loi C-320 vise à garantir que ces dernières reçoivent des informations exactes et en temps opportun sur l’admissibilité à la libération conditionnelle et sur les sorties du pénitencier des délinquants responsables des crimes subis par ces victimes et leurs familles.
Le projet de loi C-320 est court. Il apporte simplement une modification ciblée à deux articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, soit les articles 26 et 142. J’y reviendrai plus tard dans mon discours.
Quel est l’objectif du projet de loi?
Le projet de loi C-320 permettrait de remédier au faux sentiment de sécurité vécu par des victimes et leurs familles. Ces dernières reçoivent souvent des informations incorrectes concernant l’admissibilité et l’octroi de mesures de libération au délinquant, alors qu’elles avaient l’impression que celui-ci demeurerait incarcéré pour encore plusieurs années. Des lacunes à la loi actuelle causent cette situation problématique. C’est exactement ce que le projet de loi C-320 corrigerait s’il entrait en vigueur.
Ainsi, le projet de loi cherche à améliorer la transparence des informations fournies aux victimes d’infractions criminelles graves concernant la sortie du délinquant du pénitencier. Je rappelle qu’une peine de pénitencier est une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus dans une prison de responsabilité fédérale. Il s’agit d’une lourde sentence qui, par conséquent, n’est imposée qu’aux délinquants ayant commis les crimes les plus graves, ou encore à ceux qui ont de nombreux antécédents judiciaires ou qui posent un risque important de récidive qui peut compromettre la sécurité du public et des victimes.
Par exemple, toutes les personnes condamnées pour meurtre au Canada se voient imposer une peine d’emprisonnement à perpétuité en vertu du Code criminel, mais diverses dispositions législatives font en sorte qu’ils peuvent être admissibles ou obtenir des permissions de sorties ou une libération conditionnelle bien avant la fin de leur peine. Ces dispositions et la façon dont elles sont appliquées par les autorités carcérales ne sont malheureusement pas expliquées aux victimes lorsque le juge prononce la sentence.
C’est pourquoi le projet de loi C-320 vise à permettre aux victimes et à leurs familles de comprendre le raisonnement de certaines décisions de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui appliquent les règles autorisant la libération du délinquant avant la fin de sa peine.
Pour ce faire, le projet de loi C-320 propose que, lorsque les victimes ou leurs proches en font la demande, ils obtiennent des explications sur la manière dont sont déterminées la date d’admissibilité du délinquant à une permission de sortie, à la libération conditionnelle ou à la libération d’office du délinquant et les dates auxquelles elles sont accordées.
Le projet de loi C-320 ferait en sorte que ces explications leur soient fournies par deux autorités du système correctionnel, soit la commissaire de Service correctionnel Canada et la présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Comme je le mentionnais, le projet de loi C-320 modifie seulement deux articles de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il modifie l’article 26 de cette loi, qui est applicable à la commissaire, et l’article 142, qui est applicable à la présidente, afin que celles-ci fournissent ces explications aux victimes et à leurs proches dans leur champ de responsabilité respectif.
Les nombreuses interventions des députés sur le projet de loi C-320 nous renseignent sur l’expérience bouleversante des victimes et de leurs familles, et nous invitent à compatir avec elles. En effet, nombre d’entre elles ont révélé qu’elles étaient glacées et stupéfaites d’apprendre, souvent par hasard et sans préavis, que le délinquant était admissible à une libération ou à une permission de sortir, ou se l’était vu accorder, bien avant la fin de la peine d’emprisonnement imposée par le juge.
Je voudrais citer quelques-uns de ces exemples troublants.
Premièrement, dans son allocution devant le comité des Communes, le député Carrie a parlé du cas malheureux de Lisa Freeman. Le député a expliqué que l’histoire de cette dernière est d’ailleurs la source du dépôt du projet de loi actuel et de ses versions précédentes, soit les projets de loi S-219 et C-466. Le défunt père de Mme Freeman, Roland Slingerland, un citoyen respectueux des lois, père de trois filles, mari et vétéran de la Marine royale canadienne, a été sauvagement assassiné à la hache en 1991 par un meurtrier qui était en liberté sous condition au moment de l’infraction. Le meurtrier a été condamné pour ce crime à l’emprisonnement à vie en 1992, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans.
Cependant, à la stupeur de Mme Freeman et de sa famille, le meurtrier était devenu admissible à la libération conditionnelle de jour ainsi qu’à des permissions de sorties de la prison avec escorte en février 2012, soit 20 ans après le début de sa peine, qui était pourtant censée être à perpétuité. Mme Freeman était aussi surprise d’apprendre que le délinquant avait également bénéficié de permissions de sortie avec escorte. De plus, ce n’est qu’après que le meurtrier a été transféré dans un autre établissement correctionnel à l’extérieur de l’Ontario, à seulement 10 kilomètres de chez la sœur de Mme Freeman, que celles-ci ont été informées de ce transfert. Selon moi, il est évident que la famille de la victime n’a pas reçu toutes les informations nécessaires de la part de Service correctionnel Canada et de la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Comme elle le révèle dans son livre intitulé She Won’t Be Silenced, qu’elle a écrit en 2016, Lisa Freeman s’est battue pour que sa voix soit entendue par les autorités du système correctionnel canadien, afin de tenter qu’elle-même et sa famille puissent obtenir à l’avenir des informations sur le processus de libération conditionnelle. Je salue les efforts concrets et soutenus de Mme Freeman pour mettre en lumière le manque de transparence de ce système. Toutefois, elle n’aurait pas dû porter ce fardeau. C’est pourquoi je vous demande d’adopter rapidement le projet de loi C-320, afin d’éviter que d’autres victimes doivent subir ce que Mme Freeman a dû endurer pour se faire entendre.
Devant cette situation, je partage l’indignation du député Carrie, qui a affirmé devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, et je cite :
[...] le manque de transparence concernant la façon dont les dates de libération et l’admissibilité sont déterminées constitue, pour les victimes, une source de mécontentement envers le système de justice, une source de confusion, d’exaspération et de traumatisme. […]
Une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans est censée être sévère. C’est carrément faux. On induit en erreur les familles et le grand public. Le délinquant purgeant une peine d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans peut bénéficier d’autres formes de mise en liberté bien avant, soit pour du perfectionnement personnel, pour une permission de sortir ou pour du travail communautaire. Ce que nous essayons de corriger avec ce projet de loi, c’est simplement l’accès des victimes à ces informations, ainsi qu’à une explication.
Voici un autre exemple plus récent que celui de la libération du meurtrier du père de Lisa Freeman : celui de Paul Bernardo, qui a été transféré d’un établissement de haute sécurité à un établissement de sécurité moyenne en mai 2023.
Ce meurtrier notoire avait été condamné dans les années 1990 à l’emprisonnement à vie pour l’enlèvement, la torture et le meurtre de Kristen French, âgée de 15 ans, et de Leslie Mahaffy, âgée de 14 ans, en plus d’avoir été reconnu coupable d’homicide involontaire dans la mort de Tammy Homolka. M. Bernardo a par la suite avoué avoir agressé sexuellement 14 autres femmes, dont la plupart entre 1986 et 1991. Or, les victimes et leurs familles ont déploré le fait qu’elles n’avaient pas été informées ou qu’elles n’avaient pas reçu d’explications relativement à ce transfert avant qu’il ne se produise. Un comité de Service correctionnel Canada a d’ailleurs reconnu, dans son rapport du 26 juin 2023, le grave traumatisme que cette situation a causé :
Le comité d’examen a reconnu que la nouvelle du transfèrement, y compris la nature de la notification, a provoqué une détresse émotionnelle chez les victimes, comme l’indique la lettre ouverte de l’avocat des familles de Kristen French et de Leslie Mahaffy.
Le comité d’examen […] reconnaît que la notification si proche du déroulement de l’événement a sans aucun doute et raisonnablement été une source de surprise et de choc pour les victimes. […] Le comité d’examen reconnaît que les victimes dans cette affaire ont subi une douleur inimaginable et qu’elles continuent de subir des effets profonds alors qu’elles affrontent chaque décision et événement dans cette affaire. En outre, le comité reconnaît qu’il existe de nombreuses victimes indirectes qui sont également affectées de multiples façons par les développements au sein de l’affaire.
Ainsi, le transfert de Paul Bernardo illustre bien le problème de la loi actuelle. Elle provoque un manque de transparence du système correctionnel et de libération conditionnelle à l’égard des victimes et de leurs familles. Cela représente un mépris flagrant des revendications légitimes qu’elles expriment publiquement depuis de nombreuses années dans le but d’être mieux informées.
Je ne suis pas le seul à le penser. Plusieurs députés de différents partis ont également dénoncé le cas de Paul Bernardo dans leurs discours à l’étape de la deuxième lecture sur le projet de loi C-320 afin d’illustrer l’importance de ce projet de loi pour les victimes et leurs familles. Je cite par exemple le discours du député Peter Julian :
[...] les victimes ne bénéficient pas de la transparence et du soutien appropriés de la part du système de justice. Il faut insister sur le fait que le système doit offrir aux victimes tout le soutien dont elles ont besoin [...]
Ce projet de loi est un exemple de l’absolue nécessité de cette transparence en matière de libération conditionnelle [...]
L’affaire Paul Bernardo est un autre exemple où on n’a pas transmis des renseignements essentiels aux victimes. Il y a eu un transfert au sein du système, mais l’information ne s’est pas rendue jusqu’aux victimes. Il n’y a pas eu de transparence [...]
Voici un autre exemple encore plus récent. Il concerne le pire tueur en série de l’histoire du Canada, Robert Pickton. Ce criminel a été reconnu coupable en 2007 de six chefs de meurtre au second degré; il a aussi été accusé de 20 autres meurtres. Le 22 février dernier, il est devenu admissible à demander une libération conditionnelle de jour, c’est-à-dire qu’il est devenu admissible 17 ans après le prononcé de sa peine d’emprisonnement à perpétuité.
Encore une fois, les proches de la victime n’ont pas été avisés et n’ont pas reçu d’explications de la part des autorités. Voici ce que dit Lorelei Williams, la cousine d’une des victimes de M. Pickton, dans un article de la Presse canadienne :
Selon [Mme Williams], personne au sein du système de justice n’a avisé les proches des victimes que la date d’admissibilité à la libération conditionnelle de M. Pickton approchait, et elle ne l’a appris que lors d’une discussion avec un avocat qu’elle connaît.
« Ils n’ont jamais appris à travailler avec nous. Ils sont tout simplement insensibles. », dit-elle au sujet des intervenants du système de justice.
« Je ne suis pas étonnée qu’ils ne nous aient pas avisés parce qu’ils aiment nous cacher des choses. »
Allons-nous continuer de permettre que le système n’informe pas à l’avance les familles des victimes assassinées lorsque le délinquant est en liberté près de chez elles, alors que celui-ci leur a infligé une souffrance à vie en les privant pour toujours d’un être cher?
Le projet de loi C-320 s’attaque à ce problème. En résumé, il vise à améliorer la transparence du système correctionnel fédéral et du système de libération conditionnelle. Pour parvenir à cet objectif, le projet de loi C-320 permettrait que, à la demande d’une victime ou de ses proches, on puisse obtenir des explications de la part des autorités sur la manière dont sont déterminées les dates d’admissibilité ou d’obtention de permissions de sorties, de libération conditionnelle ou de libération d’office du délinquant.
En votant unanimement en faveur du projet de loi C-320, les députés ont posé un geste fort qui promeut des valeurs importantes de la Charte canadienne des droits des victimes, soit le droit des victimes d’actes criminels et de leurs familles d’être traitées avec dignité et compassion.
J’exhorte donc le Sénat à adopter le projet de loi C-320 afin de poursuivre le travail admirable et transpartisan des députés dans ce dossier. Ne pas adéquatement informer les victimes revient à aggraver leur traumatisme. Cela les laisse, ainsi que leurs familles, démunies face à certaines surprises et cela leur fait ressentir de l’incompréhension relativement à la sortie de prison du délinquant avant la fin de sa peine.
Merci, chers collègues.
Honorables sénateurs, je prends la parole en tant que porte-parole pour le projet de loi C-320.
Je tiens tout d’abord à souligner qu’ayant travaillé avec des victimes et au nom de celles-ci — y compris des membres survivants de la famille de victimes de meurtre — et un membre de notre famille élargie ayant été assassiné, je reconnais le besoin urgent de fournir des mesures d’aide et des services correctifs aux victimes et aux survivants, que les auteurs soient ou non inculpés ou trouvés coupables, et encore moins qu’ils soient condamnés.
Mon objectif n’est pas d’excuser les violations de la loi ou des politiques par les autorités correctionnelles ni de remettre en question l’intention et les préoccupations légitimes de ceux qui tentent d’aider les victimes. Mon objectif consiste plutôt à souligner que ces types de réponses après la tragédie ne font qu’aggraver les insuffisances des systèmes de justice pénale au lieu de les résoudre ou de les atténuer. Ces mesures augmentent les restrictions et les punitions pour des personnes déjà soumises à une surveillance et à une reddition de comptes à vie du fait qu’elles purgent une peine qui n’expire qu’à leur mort.
Les plus violents, ceux qui commettent les délits les plus odieux, personne ne se fait d’illusions sur le fait qu’ils pourront un jour réintégrer nos collectivités, et pourtant ce sont les noms qui reviennent le plus souvent.
Le droit pénal et le système de justice pénale ne peuvent pas à eux seuls prévenir la violence et la criminalité. Ce sont des mesures après coup, alors que les actes de violence ont déjà brisé la vie de Canadiens, ou même causé leur mort. Comme l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées l’a révélé — et comme le montrent tristement mes plus de 40 ans de travail auprès et au nom des personnes marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées, plus précisément des jeunes, des hommes et particulièrement des femmes —, les mêmes facteurs d’inégalité et d’exclusion systémiques qui augmentent le risque de victimisation et de préjudice, surtout pour les femmes et les enfants, entraînent aussi une hausse du risque de pauvreté, d’itinérance et de judiciarisation.
Le projet de loi C-320 ne s’attaque pas aux inégalités économiques, sociales, raciales et de genre qui alimentent la violence et qui sont perpétués dans le droit pénal et les systèmes de justice pénale. Il ne déconstruit pas non plus les valeurs et les attitudes qui renforcent cette toile. On doit accorder la priorité à l’offre de mesures de soutien et de services. Les questions de la violence et de la violence sexuelle sont très sérieuses, et le système de justice pénale continue généralement de laisser tomber les victimes marginalisées.
Les statistiques publiées suivantes donnent un aperçu de la réalité qui est reconnue par la police et le gouvernement : la victimisation et la judiciarisation sont étroitement liées aux questions sociales, raciales, économiques et sanitaires. Les réponses habituelles du gouvernement canadien en ce qui concerne les normes nationales et les aides financières ne sont pas suffisantes.
Pour vous donner une idée, en 2022, les données de Statistique Canada ont révélé que, sur les 265 victimes d’homicide racisées, 225 étaient Autochtones, soit un taux plus de six fois supérieur au taux d’homicide des non-Autochtones.
Certains pourraient exprimer leur soutien à ce projet de loi parce qu’ils pensent que les auteurs de violences doivent souffrir ou que le système de justice pénale peut répondre de manière adéquate aux besoins des victimes en accumulant les peines et les sanctions. Certains préféreraient que les prisonniers ne bénéficient pas de la protection des droits de la personne et de la Charte, en particulier ceux qui sont condamnés à la prison à vie pour meurtre. De telles attitudes ne tiennent pas compte du fait qu’environ la moitié des femmes incarcérées dans les prisons fédérales purgent une peine après avoir été condamnée pour un recours — parfois meurtrier — à la force en réaction à des violences perpétrées contre elles ou contre leurs proches, souvent leurs enfants. Nombreux sont ceux qui sont prêts à qualifier ces condamnées de violentes et ces victimes et survivantes d’abus de dangereuses sans prendre le temps de comprendre le contexte dans lequel ces actes se sont produits.
C’est d’autant plus vrai pour les femmes autochtones, qui représentent une personne sur deux, soit 50 % de la population carcérale dans les prisons réservées aux femmes. Nombre d’entre elles ont un lourd passé de mauvais traitements, ont subi des traumatismes liés aux pensionnats et aux expériences avec la protection de l’enfance, et peinent à s’adapter à des environnements inhospitaliers. Ce ne sont pas des personnes qui représentent un risque pour la sécurité publique, malgré les étiquettes et les préjugés dont elles font trop souvent l’objet. Ce sont des personnes qui ont besoin de soutien.
Les objectifs définis des modifications proposées à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dans le projet de loi C-320 sont de mieux répondre aux besoins des victimes d’actes criminels en fournissant des informations aux victimes sur la façon dont les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle et aux permissions de sortir sont calculées; en évitant les dates d’admissibilité à la libération conditionnelle qui peuvent induire en erreur; en améliorant la transparence de l’information fournie par le Service correctionnel du Canada concernant le déplacement des détenus dans le système carcéral, notamment les changements de niveau de sécurité et les demandes de libération conditionnelle; et en renforçant l’accès et la participation des victimes aux audiences menées par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.
Tous ces éléments font actuellement partie de la loi en vigueur. Les décisions des autorités et des agents correctionnels concernant les permissions de sortir avec escorte, l’établissement du calendrier des audiences de libérations conditionnelles et d’autres détails de la gestion de cas sont censées être prises en fonction des progrès réalisés par les détenus dans le cadre de leur plan de gestion de cas. Bien que le point de vue des victimes d’actes criminels soit essentiel à une compréhension complète de l’impact des actions des personnes accusées et condamnées, le système de justice pénale du Canada est censé, contrairement aux approches inquisitoires, juger les actions des gens par rapport à des normes de comportement acceptables dans la société et qualifier les violations de ces normes d’infractions contre la Couronne, et non contre la victime.
Les partisans de la version actuelle et des versions précédentes du projet de loi affirment que les prisons ne sont pas des environnements assez sévères et qu’elles sont même luxueuses. Ceux d’entre vous qui se sont rendus dans des prisons pour rencontrer les personnes qui y travaillent et qui y sont incarcérées, en particulier ceux qui ont mené des visites et des enquêtes qui ont contribué au rapport de 2021 du Comité sénatorial des droits de la personne, intitulé Droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, savent que de telles descriptions stéréotypées et erronées sont loin de correspondre à la réalité.
Même ceux qui ont participé au rapport du Comité des droits de la personne ou qui l’ont lu pourraient être surpris par ce que constatent ceux d’entre nous qui visitent régulièrement les pénitenciers fédéraux. On observe un recours accru à l’isolement et une surveillance plus limitée des services correctionnels depuis la mise en œuvre du projet de loi C-83. Il y a aussi une augmentation des demandes d’aide médicale à mourir dans les prisons, surtout de la part de détenus souffrant de graves problèmes de santé mentale et de ceux qui commencent de longues peines. On constate l’aggravation des problèmes de santé mentale invalidants ou leur apparition. En effet, ceux qui n’ont pas de problèmes de santé mentale avant d’aller en prison sont susceptibles d’en développer une fois en détention. Quant à ceux qui ont des problèmes de santé mentale, ils ont tendance à voir ces problèmes s’aggraver une fois en prison. On remarque un accès limité aux programmes et aux services permettant de s’attaquer aux inégalités sous-jacentes, de même qu’un accès insuffisant à des ressources adéquates, ce qui contribue à criminaliser les gens.
Je passe maintenant aux mesures qui sont déjà en place pour les victimes. Dans le système carcéral fédéral, il existe déjà des outils d’inscription des victimes pour faire le suivi des progrès d’un détenu tout au long de sa peine, ainsi que des dates de sa libération conditionnelle et de sa libération. En plus du Bureau national pour les victimes d’actes criminels, il existe des programmes provinciaux d’information et de services de soutien aux victimes.
L’article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition prévoit ce qui suit :
Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité,
d’une part, en assurant l’exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et
d’autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.
L’objectif primordial de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, tel qu’énoncé à l’article 3, c’est la protection de la société. Les mesures prévues dans ce projet de loi ne fournissent pas aux victimes le soutien social, économique, médical ou personnel dont elles ont besoin et auquel elles ont droit. De plus, ces mesures ne réussiront pas non plus à prévenir la criminalité, à empêcher la victimisation future ou à accroître la sécurité dans les collectivités.
C’est la principale raison pour laquelle les efforts qui visent à répondre aux besoins des victimes sont généralement considérés comme inadéquats et insatisfaisants. Je dirais même qu’une refonte de l’ensemble du système juridique ne remédierait probablement pas à cela. Si nous voulons vraiment résoudre les problèmes qui contribuent à la victimisation, nous devons plutôt nous attaquer aux nombreuses défaillances systémiques des systèmes sociaux, économiques et de santé.
La plupart des personnes que j’ai côtoyées et qui ont vécu l’expérience de la victimisation disent vouloir deux choses. Premièrement, elles veulent savoir pourquoi elles ont été des victimes. Deuxièmement, elles veulent savoir ce qui pourrait empêcher d’autres personnes d’être victimes de la même manière. En général, les victimes ne demandent pas qu’on impose des peines plus longues et plus punitives, ou qu’on refuse l’accès au déclassement graduel lorsque les individus y deviennent admissibles. Pourtant, trop souvent, c’est tout ce qu’on leur propose. Certaines victimes disent avoir l’impression qu’on les incite à continuer de jouer un rôle actif alors que la plupart souhaitent simplement passer à autre chose.
Il est temps de travailler ensemble pour s’assurer que tous ont accès à des mesures de soutien plus concrètes qui peuvent non seulement traiter les préjudices et les traumatismes, mais aussi contribuer à les prévenir. Nous bénéficierions tous — nous, nos enfants et les leurs, ainsi que les générations à venir — de communautés plus sûres et plus inclusives qui tiendraient compte des besoins des gens au fil de leur évolution et qui préviendraient les genres de méfaits que ce projet de loi prétend régler.
Meegwetch. Merci.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)