Projet de loi sur l’assurance médicaments
Deuxième lecture--Ajournement du débat
6 juin 2024
Propose que le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureuse de marrainer le projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments, présenté par le ministre de la Santé le 29 février 2024.
Ce projet de loi énonce les principes fondamentaux des premières étapes, d’une importance vitale, vers un régime national d’assurance-médicaments pour le Canada. Il présente un plan de collaboration avec toutes les provinces et tous les territoires désireux d’offrir une couverture universelle à payeur unique pour les médicaments nécessaires, en commençant par un certain nombre de contraceptifs et de médicaments contre le diabète. Ce projet de loi pourrait améliorer l’accès aux médicaments sur ordonnance, promouvoir une prescription sûre et appropriée et soulager les ménages et les employeurs canadiens qui doivent faire face au coût élevé des médicaments nécessaires.
Ce projet de loi harmonise le Canada avec la plupart des autres pays riches qui offrent une couverture universelle des médicaments nécessaires dans le cadre de leur régime d’assurance-maladie. Lorsque l’assurance-maladie a été introduite au Canada dans les années 1960, les médicaments sur ordonnance jouaient un rôle relativement limité dans les soins de santé. La plupart des médicaments utilisés en dehors des hôpitaux étaient peu coûteux pour des affections courantes. Toutefois, au cours des décennies qui ont suivi, l’élaboration des médicaments s’est accélérée avec la prolifération des sociétés pharmaceutiques et la commercialisation d’un nombre toujours croissant de nouveaux traitements et de nouveaux remèdes.
Les médicaments sur ordonnance jouent maintenant un rôle essentiel dans les soins de santé. En proportion du coût global des soins de santé, les dépenses en médicaments sur ordonnance sont passées de 6 % en 1975 à près de 14 % en 2022. Les médicaments sur ordonnance constituent ainsi, honorables collègues, le deuxième poste de dépenses en soins de santé au Canada, après les services hospitaliers. Le coût des médicaments sur ordonnance est une préoccupation pour beaucoup trop de Canadiens pour qui l’accès à des médicaments abordables reste un défi important, qui peut parfois changer leur vie, voire l’anéantir.
En 2021, Statistique Canada a constaté que 20 % — soit un sur cinq — des adultes au Canada ne bénéficiaient pas d’une couverture adéquate pour leurs médicaments. À cause de la hausse des coûts, certains Canadiens se retrouvent devant un choix intenable : ils doivent décider entre payer leurs médicaments et couvrir des besoins essentiels tels que le loyer, la nourriture ou le chauffage. Dans un pays aussi bien doté en ressources que le nôtre, personne ne devrait être abandonné de la sorte.
Certaines personnes tentent de rationner leurs médicaments pour réaliser des économies. Sauter des doses ou éviter des traitements nécessaires en raison de contraintes financières peut aggraver un état de santé déjà précaire, ce qui peut conduire à des problèmes de santé plus graves et à des interventions plus coûteuses dans l’ensemble.
L’une des principales valeurs canadiennes est que chacun doit avoir accès aux soins de santé dont il a besoin, au moment où il en a besoin, quelle que soit sa capacité à payer.
En 2019, le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments a publié son rapport final, connu sous le nom de rapport Hoskins. Ce rapport donne un plan de mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments. Le rapport Hoskins reconnaît que l’assurance-médicaments pourrait améliorer l’accès à des médicaments nécessaires pour tous les Canadiens tout en réduisant les coûts si elle était mise en œuvre sous la forme d’un système universel à payeur unique. Permettre aux régimes publics d’assurance-médicaments du Canada d’unir leurs forces pour fournir une couverture à payeur unique de médicaments soigneusement sélectionnés augmenterait le pouvoir de négociation et réduirait effectivement les prix des médicaments d’une manière qui n’est simplement pas possible avec l’actuelle mosaïque de régimes publics et privés au Canada.
Pour atteindre cet objectif, le rapport Hoskins recommande un processus progressif, une approche de mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments qui reflète à la fois l’importance du travail nécessaire pour réaliser ce changement transformationnel et l’objectif final clair d’un système universel à payeur unique pour guider et éclairer chaque étape.
Selon le rapport, une des premières tâches nécessaires de l’agence serait de créer une liste nationale de médicaments assurés comportant « une liste de médicaments essentiels soigneusement choisis pour traiter la plupart des grandes maladies et représentant environ la moitié de toutes les ordonnances » au Canada présentement.
Une telle approche donnerait le temps nécessaire pour sélectionner les médicaments qui seront couverts à l’échelle nationale, négocier les prix des médicaments couverts et assurer la mise en place d’une couverture significative qui servirait de point de départ à ce qui pourrait devenir un programme plus complet.
Le projet de loi C-64 reflète cette approche progressive de la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments. Il jette les bases d’une couverture universelle à payeur unique pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète essentiels. Il confie également à la nouvelle Agence des médicaments du Canada la tâche d’élaborer un formulaire national plus vaste pour les médicaments essentiels, ce qui constituerait la prochaine étape d’une couverture universelle à payeur unique.
Le projet de loi C-64 est la première étape visant à remédier aux iniquités actuelles dans le système disparate d’assurance-médicaments du Canada. Dans le budget de 2024, le gouvernement du Canada a annoncé 1,5 milliard de dollars sur cinq ans pour soutenir le lancement d’un régime national d’assurance-médicaments. Cet investissement dans la contraception et les médicaments contre le diabète profitera à la fois à la santé des Canadiens et à notre système de santé.
Il y a maintenant plus de 9 millions de femmes et de personnes de diverses identités de genre en âge de procréer au Canada, soit près du quart de notre population totale. L’accès à des moyens de contraception sûrs et fiables, en particulier des contraceptifs, est essentiel. Cela leur donne la liberté de planifier leur vie familiale et de chercher à réaliser leurs rêves et à atteindre leurs objectifs à long terme, qu’il s’agisse de poursuivre des études, de faire avancer une carrière ou simplement d’attendre avant de fonder une famille.
Des contraceptifs fiables et efficaces sont fondamentaux pour l’autonomie corporelle. Ils constituent un élément essentiel de la santé génésique et de la promotion de l’égalité.
Un trop grand nombre d’entre nous connaissent les conséquences des grossesses non désirées, notamment les conséquences disproportionnées sur la santé et les finances — sans parler des conséquences sociales —, qui touchent les femmes de façon disproportionnée. Les répercussions négatives sur la santé et l’économie peuvent être nombreuses.
Le coût est le principal obstacle à l’accès à la contraception. Il peut empêcher les gens d’utiliser régulièrement des moyens de contraception et, trop souvent, de choisir les moyens les plus efficaces.
Par exemple, les contraceptifs oraux, qui coûtent environ 25 $ par mois, ont un taux d’échec de 9 %. En comparaison, un stérilet coûte jusqu’à 500 $. Les stérilets sont plus chers au départ, mais ils sont généralement plus efficaces et peuvent durer cinq ans, avec un taux d’échec de seulement 0,2 %.
Pour une jeune travailleuse à temps partiel ou à la demande qui ne bénéficie pas d’une assurance-médicaments offerte par l’employeur, un stérilet à 500 $ n’est pas seulement inabordable, c’est une option inconcevable. Un revenu d’emploi limité, associé à une situation professionnelle incertaine, ce qui n’est que trop fréquent chez les jeunes adultes, peut également faire du coût d’une ordonnance mensuelle une dépense difficile à assumer. Imaginez ce que représente une grossesse non désirée dans ces circonstances. Les femmes des ménages à faibles revenus sont souvent contraintes, pour des raisons financières, d’utiliser des méthodes contraceptives moins efficaces ou de ne pas utiliser de contraception du tout.
Il peut aussi y avoir des préjugés et des risques associés à l’accès à des contraceptifs, de sorte que même les filles et les femmes qui, en principe, bénéficient de l’assurance-médicaments d’un proche, pourraient ne pas s’en prévaloir, par crainte des répercussions potentielles de la part de leurs parents ou de leur conjoint.
Des études ont révélé que l’accès à un régime public et universel permettant d’obtenir gratuitement des contraceptifs peut faire réaliser des économies publiques. Par exemple, des chercheurs de l’Université de la Colombie-Britannique estiment que l’accès gratuit à des contraceptifs pourrait à lui seul faire économiser environ 27 millions de dollars par année au système de santé de la Colombie-Britannique.
Le même principe de réduction des coûts s’applique aux médicaments pour le diabète. Le diabète est l’une des principales maladies chroniques au Canada. À l’heure actuelle, il touche environ 3,7 millions de personnes, et ce nombre va en augmentant. Nous connaissons tous une personne qui vit avec le diabète, et nombre d’entre nous ont pu constater que cette maladie peut avoir d’énormes répercussions négatives sur la qualité de vie des gens. Sans un traitement ou des mesures adéquates, le diabète peut mener à une crise cardiaque, à un AVC, à une insuffisance rénale, à la cécité et à des problèmes circulatoires qui peuvent exiger l’amputation d’un membre et même causer la mort.
Selon les estimations, le diabète a coûté environ 27 milliards de dollars au système de santé en 2018, et le coût pourrait dépasser les 39 milliards de dollars d’ici 2028. Il n’y a pas de remède pour le diabète, mais il y a des traitements pour gérer la maladie.
En outre, et indépendamment du projet de loi C-64, le gouvernement du Canada prévoit de créer un fonds pour les appareils et fournitures destinés aux diabétiques. Ce fonds serait mis en place pour faciliter l’accès aux dispositifs de traitement du diabète, tels que les moniteurs de glucose en continu, les pompes à insuline, les seringues et les bandelettes de test. Avec le cadre défini dans le projet de loi C-64 pour une couverture universelle à payeur unique de certains médicaments contre le diabète, cette mesure contribuera à faire en sorte qu’aucun diabétique au Canada ne soit contraint de rationner ses médicaments ou de compromettre son traitement.
La couverture de ces médicaments est conforme aux quatre principes fondamentaux inscrits dans le projet de loi C-64. Ces principes sont l’accessibilité, l’abordabilité, l’utilisation appropriée et l’universalité.
Rendre les médicaments sur ordonnance plus accessibles signifie améliorer l’uniformité de l’accès à l’assurance-médicaments et aux médicaments nécessaires dans l’ensemble du pays. Un habitant d’une région rurale de l’Île-du-Prince-Édouard ou d’une communauté nordique éloignée devrait avoir accès aux mêmes médicaments contre le diabète qu’un habitant du centre-ville de Vancouver, de Toronto, de Montréal ou d’ici, sur le territoire de la nation algonquine anishinabe, qu’on appelle aussi Ottawa.
Rendre les médicaments sur ordonnance plus abordables signifie réduire les obstacles administratifs et financiers pour les Canadiens, comme les primes, les franchises et les quotes-parts. De plus, un régime national d’assurance-médicaments devrait permettre de veiller à ce que les médicaments sur ordonnance que les gens prennent soient appropriés, notamment en fournissant le bon médicament au bon patient au bon moment pour favoriser son bien‑être physique et mental.
Enfin, le régime national d’assurance-médicaments devrait être universel. Comme l’a noté le Comité sénatorial des affaires sociales dans son rapport intitulé La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, qui découle de son étude marquante, l’universalité est l’un des cinq principes nationaux énoncés dans la Loi canadienne sur la santé et elle « [...] signifie que tous les Canadiens ont droit à un régime public d’assurance-santé ». Ainsi, nous devons veiller à ce que les principes de l’accessibilité, de l’abordabilité et de l’utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance s’appliquent à tous les Canadiens, peu importe où ils vivent.
Chacun de ces principes contribuera à orienter l’adoption d’une approche progressive pour mettre en place un régime national universel d’assurance-médicaments en collaboration avec les provinces, les territoires et les Autochtones.
Le projet de loi C-64 décrit également certains travaux qu’entreprendra la nouvelle Agence canadienne des médicaments. Comme vous vous en souvenez peut-être, l’agence a été créée en 2023, avec une enveloppe de 89,5 millions de dollars sur cinq ans à compter de l’exercice 2024-2025.
S’appuyant sur la capacité d’évaluation des technologies de la santé de calibre mondial de l’ancienne Agence canadienne des médicaments et des technologies de la santé, la nouvelle Agence des médicaments du Canada contribuera à diriger et à coordonner les efforts visant à rendre le système pharmaceutique canadien plus durable et mieux préparé pour l’avenir. Le projet de loi C-64 demande à l’agence d’élaborer une liste de médicaments sur ordonnance et de produits connexes pour soutenir l’élaboration de la liste nationale de médicaments essentiels du Canada. Cette liste définira l’éventail des médicaments sur ordonnance et des produits connexes auxquels les Canadiens devraient avoir accès à la prochaine étape du régime d’assurance-médicaments national et universel. Comme le recommande le rapport Hoskins, le travail de l’agence en la matière doit être rigoureux, fondé sur des données probantes et indépendant des intérêts commerciaux du secteur pharmaceutique afin de parvenir à une liste nationale qui garantisse une couverture équitable et fondée sur des données probantes pour tous les Canadiens.
Le projet de loi C-64 charge également le ministre de la Santé de demander à l’agence d’élaborer, en collaboration avec les partenaires et les parties prenantes, dont les provinces et les territoires, une stratégie nationale d’achat en gros de médicaments sur ordonnance et de produits connexes. Comme la liste elle-même, cette stratégie d’achat doit être élaborée sans conflit d’intérêts avec les sociétés pharmaceutiques et les assureurs et en gardant à l’esprit le bien-être de tous les Canadiens, afin de déterminer au mieux les moyens d’accroître la disponibilité des médicaments sur ordonnance et d’en réduire le prix.
L’agence doit achever la liste et la stratégie préliminaires au plus tard au premier anniversaire de la sanction de la loi.
Enfin, l’agence soutiendra la publication d’une stratégie pancanadienne sur l’utilisation appropriée des médicaments sur ordonnance et des produits connexes. Il a été démontré que de telles stratégies améliorent les résultats en matière de santé et réduisent les coûts du système de santé dans d’autres pays. Outre le premier rapport, l’Agence canadienne des médicaments devra également rendre compte tous les trois ans des progrès accomplis dans la mise en œuvre de la stratégie.
Il est également important de souligner que le projet de loi C-64 reconnaît et respecte le rôle important des provinces et des territoires, ainsi que des peuples autochtones, dans la prestation des soins de santé. Après tout, le Canada est vaste et diversifié. Chaque province et territoire a des besoins différents et doit faire face à des défis différents. Cette diversité nécessite une approche coopérative pour veiller à ce qu’aucun Canadien ne soit laissé pour compte.
Si nous voulons transformer un paysage complexe de couverture des médicaments en un régime national d’assurance-médicaments et, ce faisant, améliorer l’accès et l’accessibilité financière, nous devons le faire en collaboration avec les provinces et les territoires, en nous appuyant sur leur expertise et leur expérience considérables. Par conséquent, chaque mesure prise en faveur d’un régime national universel d’assurance-médicaments doit l’être de concert avec ces partenaires.
Le financement du régime national d’assurance-médicaments décrit dans le projet de loi C-64 sera fourni aux gouvernements provinciaux et territoriaux dans le cadre d’accords bilatéraux. En même temps, le gouvernement du Canada cherchera à tirer des leçons des initiatives en cours, tout en continuant à travailler pour assurer l’accès et l’abordabilité pour tous les Canadiens.
Depuis août 2021, le gouvernement du Canada collabore avec celui de l’Île-du-Prince-Édouard pour réduire les coûts des médicaments pour les patients dans le cadre de l’initiative visant à améliorer l’accès abordable aux médicaments sur ordonnance. L’Île-du-Prince-Édouard a ainsi ajouté plus de 100 nouveaux médicaments à sa liste de médicaments couverts par les programmes provinciaux. Il s’agit notamment de médicaments contre le cancer, les maladies cardiaques, la migraine et la sclérose en plaques. De plus, depuis le 1er juin 2023, l’Île-du-Prince-Édouard a réduit la participation aux frais à 5 $ pour près de 60 % des médicaments régulièrement utilisés par les bénéficiaires de ses régimes publics d’assurance-médicaments. Grâce à cette initiative, les habitants de l’Île-du-Prince-Édouard ont économisé plus de 2 millions de dollars sur plus de 230 000 ordonnances.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un exemple de système à payeur unique, le travail réalisé à l’Île-du-Prince-Édouard illustre les avantages de la réduction des coûts pour les patients. Alors que le Canada met en place les éléments constitutifs d’un régime universel, public et à payeur unique, y compris un formulaire national et une capacité d’achat en gros, l’Île-du-Prince-Édouard et le Canada peuvent tirer parti d’innombrables avantages supplémentaires sous la forme d’une capacité institutionnelle pour aider à contenir les coûts globaux des médicaments.
La semaine dernière, le fait de visiter l’Île-du-Prince-Édouard et d’écouter de nombreuses personnes concernées m’a donné une autre perspective intéressante et m’a permis de mieux comprendre la nécessité d’un régime public universel d’assurance-médicaments, tel qu’il est envisagé dans le rapport Hoskins et préconisé par les experts canadiens et internationaux, afin de garantir le même accès et les mêmes prestations. Il ne fait aucun doute que le gouvernement actuel et les suivants subiront des pressions pour qu’ils imitent les États-Unis et mettent en œuvre un modèle d’assurance-médicaments qui comble les lacunes. C’est pourquoi, chers collègues, nous devrons tous rester vigilants et veiller à ce que le régime universel d’assurance-médicaments soit précisément cela.
Comment y parvenir et comment s’en assurer?
On commence par insister sur le fait que l’accès ne doit pas varier d’une personne à l’autre. Il ne doit pas s’agir d’un modèle qui comble les lacunes pour certaines personnes ou certaines prestations. Il ne doit pas être géré comme une mosaïque de milliers de régimes d’assurance-médicaments privés et publics indépendants, qui entraîne des coûts administratifs inutiles et de la complexité dans le programme pour les patients et les prescripteurs. Il ne doit pas s’agir d’un système à multiples payeurs qui fragmente le pouvoir d’achat du Canada lors de la négociation des prix et des garanties d’approvisionnement avec les multinationales pharmaceutiques. Il ne doit pas laisser les ménages et les employeurs assumer seuls la majeure partie des coûts du programme. En particulier, il ne doit pas obliger les adolescentes et les jeunes adultes à demander à leurs parents l’autorisation d’utiliser leur assurance privée pour le remboursement des contraceptifs, alors qu’il s’agit de l’essentiel.
Pour éviter que les lobbies des entreprises ne détournent l’intention louable d’un programme national d’assurance-médicaments, il est impératif que le projet de loi C-64 adhère aux recommandations du rapport Hoskins de 2019. Il s’agit notamment de veiller à ce que les points suivants soient respectés : premièrement, le gouvernement fédéral devrait collaborer avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones pour élaborer un régime national d’assurance-médicaments qui soit un système public universel à payeur unique de couverture des médicaments d’ordonnance offrant des prestations universelles de façon inconditionnelle, sans égard à la citoyenneté ou au lieu de résidence.
Deuxièmement, l’assurance-médicaments nationale devrait être un programme public qui applique les principes fondamentaux de l’assurance-maladie canadienne, tels qu’ils sont énoncés dans la Loi canadienne sur la santé.
Troisièmement, les paiements de l’assurance-médicaments nationale aux provinces et aux territoires pour le remboursement de certains médicaments contre le diabète et pour la contraception devraient aboutir à une couverture publique universelle, à payeur unique, au premier dollar, pour ces premières étapes de l’assurance-médicaments nationale.
Quatrièmement, les provinces et les territoires devraient avoir la possibilité d’offrir une couverture supérieure aux normes nationales d’assurance-médicaments.
En inscrivant ces principes de manière claire et inconditionnelle dans la loi, et en préservant ainsi le pouvoir de négociation national du régime d’assurance-médicaments, nous créerons la capacité institutionnelle nécessaire pour garantir l’accès universel que les Prince-Édouardiens que j’ai rencontrés attendent en veillant à ce que cet accès reste équitable et durable pour les générations à venir.
Le projet de loi C-64 s’appuie également sur le travail accompli pour rendre les médicaments pour le traitement des maladies rares plus accessibles. En mars 2023, le gouvernement fédéral a lancé la toute première Stratégie nationale visant les médicaments pour le traitement des maladies rares. Grâce à un investissement fédéral pouvant atteindre 1,5 milliard de dollars sur trois ans, cette stratégie améliorera l’accès aux médicaments pour le traitement des maladies rares et elle les rendra plus abordables pour ceux qui en ont besoin.
Dans le cadre de la phase initiale de trois ans de la stratégie, le gouvernement du Canada fournit jusqu’à 1,4 milliard de dollars aux provinces et aux territoires par la voie d’accords bilatéraux. Cet investissement permettra un accès homogène à ces médicaments partout au pays, et, chers collègues, ces médicaments peuvent transformer, voire sauver la vie des personnes atteintes de maladies rares au Canada. Il s’agit d’un premier pas vers une approche nationale à l’égard des médicaments pour le traitement des maladies rares.
Le projet de loi C-64 représente une étape importante pour faire en sorte que chaque Canadien ait accès, à un prix abordable, aux médicaments de qualité dont il a besoin. Le plan du gouvernement du Canada visant à offrir une couverture universelle pour les contraceptifs et les médicaments contre le diabète transformera notre système de santé, notre société, ainsi que la vie des gens visés et de leur famille. C’est un début, un premier pas important, pour les Canadiens. À une époque où trop de gens hésitent à poursuivre les combats durement gagnés par les générations précédentes de femmes, investir dans la santé génésique envoie un message clair et important.
Par ailleurs, c’est au Canada que Banting, Best et Macleod ont découvert l’insuline, en 1921, à l’Université de Toronto. Il est donc normal que les médicaments contre le diabète soient parmi les premiers à être fournis. À l’heure où nous travaillons à la mise en place d’un régime national d’assurance-médicaments qui fait passer l’intérêt public avant tout, rappelons-nous que, en plus de remporter le prix Nobel de la paix, ces scientifiques canadiens ont résisté à l’envie de profiter personnellement d’une découverte d’une telle importance pour la santé publique. Banting a même refusé de déposer une demande de brevet, estimant contraire à l’éthique le fait de tirer profit du besoin des gens d’acheter un médicament qui leur sauverait la vie. Ses deux collègues, eux, ont fait breveter l’insuline, mais ils en ont vendu les droits à l’Université de Toronto pour un dollar, afin que tout le monde puisse en bénéficier.
Chers collègues, il reste encore beaucoup à faire. Le gouvernement fédéral doit clarifier le mandat et le mode de gestion de l’Agence des médicaments du Canada en ce qui concerne le régime national d’assurance-médicaments. Il doit sélectionner avec soin les médicaments qui seront couverts par la suite. Il doit négocier les prix et les garanties d’approvisionnement pour les médicaments couverts. Enfin, il doit collaborer avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones afin de garantir une couverture publique universelle, à payeur unique et au premier dollar de ces médicaments. Il s’agit là d’un travail sérieux dans le cadre de la deuxième composante en importance du système de santé canadien. Tous les Canadiens seront en meilleure posture si nous accomplissons ensemble ce travail de manière raisonnée.
Comme l’indiquent clairement le rapport Romanow, le rapport du comité de la Chambre de 2018 et le rapport Hoskins, ces premières étapes jettent les bases d’un programme national d’assurance‑médicaments qui continuera à s’étendre pour couvrir tous les médicaments de tous les Canadiens. Nous devons donc résister aux tentatives de privatisation et de marchandisation du processus.
Dès le départ, ce programme aura besoin du pouvoir d’achat d’un système à payeur unique qui achètera des médicaments pour 40 millions de Canadiens selon des processus transparents fondés sur des données probantes. Outre la réduction des coûts des médicaments, cela devrait permettre de simplifier le système et d’alléger les coûts administratifs.
Chers collègues, en continuant à travailler ensemble et en adoptant ce projet de loi, nous pouvons nous assurer que nous améliorons et renforçons le système de santé canadien et que celui-ci sera là pour nous quand nous en aurons besoin, aujourd’hui et dans les années à venir.
Meegwetch. Merci.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Merci. De nombreuses organisations de soins de santé, y compris celles qui représentent les infirmiers du Canada, préconisent depuis longtemps la mise en place d’un régime national d’assurance-médicaments. Les études dont vous avez parlé ont recommandé la mise en place, bien sûr, d’un régime d’assurance-médicaments public, universel et à payeur unique au Canada. C’est ce que les infirmiers du Canada préconisent également.
Pourriez-vous expliquer, plus précisément, comment un régime d’assurance-médicaments national, universel et pleinement développé réduirait les coûts des systèmes provinciaux de soins actifs?
Comme vous êtes davantage une experte que moi, je pense que vous connaissez déjà la réponse. Elle est liée en partie au pouvoir d’achat en gros. Nous savons qu’aux États-Unis, voire au Québec, où l’on a opté pour le modèle visant à combler les lacunes, le coût est plus élevé. Nous constatons déjà qu’il est possible de réduire les coûts grâce à ces mesures. Cependant, ces coûts peuvent être réduits davantage, ce dont profiteraient tous les Canadiens, si l’on utilise le pouvoir d’achat en gros que confère le fait de négocier au nom de 40 millions de Canadiens plutôt qu’au nom du nombre d’habitants de la province ou du territoire où l’on habite.