Projet de loi concernant un congé fiscal pour l'ensemble des Canadiens
Troisième lecture--Débat
10 décembre 2024
Propose que le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, j’ai le privilège de prendre la parole aujourd’hui dans le cadre du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).
Le travail du Sénat sur ce projet de loi a été particulièrement engagé et productif. Je me réjouis de poursuivre sur cette lancée aujourd’hui.
Le projet de loi C-78 vise à relever un défi bien précis. Selon le directeur parlementaire du budget, ce projet de loi est manifestement orienté vers la consommation et l’objectif déclaré est de rendre la vie plus abordable dans les dépenses de consommation.
Les dépenses de consommation par habitant restent faibles depuis la pandémie, ce qui empêche l’économie canadienne de fonctionner à son plein potentiel. Cela s’explique en partie par l’inflation et les taux d’intérêt élevés, qui sont des conséquences inévitables des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, causées d’abord par la pandémie, puis par les chocs énergétiques mondiaux provoqués par l’invasion illégale de l’Ukraine par la Russie. Les effets positifs de la baisse des taux d’intérêt peuvent prendre du temps avant d’influencer l’économie et les habitudes des consommateurs. La Banque du Canada estime que cela peut prendre de 18 à 24 mois avant que l’on puisse constater les effets de ces réductions sur l’économie nationale.
Au Comité des finances nationales, il a été question de la faible productivité du Canada. L’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, a expliqué la situation ainsi :
[...] le principal problème du pays, c’est que la productivité y est faible; par conséquent, le revenu réel que peuvent gagner les Canadiens a vraiment stagné depuis la grande crise financière de 2010.
Collectivement, notre plus gros problème consiste à hausser les investissements de manière à améliorer la productivité des travailleurs et, partant, leur revenu et leur pouvoir d’achat. Pour ce faire, nous devons investir. Le gouvernement, par exemple, doit investir dans ses services essentiels, comme les transports, la justice, et cetera, de manière à compléter les investissements privés. C’est ainsi que les travailleurs pourront avoir les outils dont ils ont besoin pour être plus productifs et, du coup, avoir de meilleurs revenus.
Je suis contente que le projet de loi C-78 nous amène à parler de productivité. Il s’agit d’une question complexe, et il existe de nombreuses façons de mesurer la productivité. Certains économistes remettent en question l’utilisation de la productivité de la main-d’œuvre comme seul indicateur, car celui-ci se contente de diviser les résultats obtenus par le nombre d’heures travaillées, sans tenir compte des capitaux.
Dans l’article d’opinion « Canada’s productivity problem isn’t that big if we exclude oil », ou « le problème de productivité du Canada n’est pas si imposant que cela si on fait abstraction du pétrole », qui a été publié dans le Globe and Mail, un professeur de sciences économiques de l’Université McMaster explique qu’au lieu de parler de productivité, nous devrions parler de productivité multifactorielle, une notion qui compare les résultats obtenus aux intrants, à savoir la main-d’œuvre et le capital. Si on exclut le secteur pétrolier, on voit que la productivité du Canada a crû au même rythme que celle des États-Unis.
En fait, le gouvernement fédéral est tout à fait conscient de la nécessité d’investir dans la productivité. Le budget de 2024 contenait une série de mesures importantes en ce sens. Je pense par exemple aux investissements ciblés visant à stimuler le développement d’infrastructures d’intelligence artificielle propres au Canada. Il a aussi bonifié le soutien à la recherche en investissant 3,5 milliards de dollars dans une nouvelle infrastructure de recherche stratégique et dans les bourses de recherche fédérales. C’est sans oublier le nouveau crédit d’impôt à l’investissement dans la chaîne d’approvisionnement de véhicules électriques, le soutien au secteur canadien des biocarburants et les nombreuses autres mesures visant à stimuler la recherche, l’innovation et la productivité.
Ces investissements stratégiques ne résoudront pas nos problèmes de productivité du jour au lendemain, mais si nous continuons d’investir de manière constante et ciblée dans les secteurs les plus névralgiques, nous pouvons croire à la prospérité à long terme de notre pays.
D’ici là, cela dit, les Canadiens continuent de ressentir le fardeau des dernières années sur leurs épaules, ce qui se reflète sur leurs habitudes de consommation. Nous savons que les répercussions sur l’ensemble de l’économie sont bien réelles. Même si l’inflation a ralenti et que les taux d’intérêt ont redescendu, les dépenses de consommation par habitant demeurent modestes et l’économie canadienne ne tourne pas à plein régime.
Le projet de loi C-78 a la solution à ce problème bien réel. En un mot, il propose d’offrir un congé de deux mois de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée, soit la TPS et la TVH, sur toutes sortes d’articles, notamment à l’épicerie, qui sont normalement taxés, comme les repas au restaurant, les boissons, les collations, les vêtements pour enfants et les jouets. Le congé en question sera en vigueur du 14 décembre 2024 au 15 février 2025. Comme nous en avons discuté, nous constatons qu’il existe un fondement théorique solide pour ce type de soutien. Dans les bonnes conditions, les interventions du gouvernement dans l’économie — par exemple au moyen d’un soutien ou d’une réduction de la taxe — peuvent entraîner un changement positif et stimuler les dépenses de consommation.
Les mesures du projet de loi sont également calibrées de manière à répondre aux difficultés qu’entraîne le sentiment actuel des consommateurs, qui n’est pas en phase avec l’amélioration observée des indicateurs économiques. En effet, les mesures sont temporaires et leur impact sur l’inflation est censé être très limité. L’inflation s’étant ralentie et les taux d’intérêt ayant baissé, les mesures soutiendraient donc les consommateurs et les entreprises du Canada d’une manière qui ne stimulera pas l’inflation, mais qui aidera les Canadiens à joindre les deux bouts tout en stimulant la croissance économique.
Nous avons entendu les témoignages de représentants des secteurs canadiens de la vente au détail et de la restauration, qui ont exprimé leur soutien aux mesures de stimulation temporaires prévues dans le projet de loi C-78.
Le représentant du Conseil canadien du commerce de détail, Karl Littler, vice-président principal des Affaires publiques, a conclu que :
[...] nous appuyons cette politique visant à accorder un congé de TPS et nous croyons qu’elle aura des avantages concrets et importants tant pour les consommateurs que pour les détaillants.
Comme l’a expliqué M. Littler :
« [...] même ceux qui ne vendent pas les produits concernés pourraient en tirer un avantage, car ces mesures réduisent la pression sur le portefeuille des consommateurs [...] ».
Il a ajouté que « c’est l’avantage du côté de la demande ».
Il a ensuite expliqué ceci :
[...] il y a un autre avantage pécuniaire pour les détaillants [...] Comme ces produits nouvellement inclus sont détaxés, les détaillants disposeront de crédits de taxe sur les intrants majorés. Ceux-ci réduisent à leur tour la TPS qu’il faudrait autrement payer au gouvernement. Cet avantage est calculable et concret pour chaque détaillant.
Le représentant de Restaurants Canada, Maximilien Roy, vice‑président, Fédéral et Québec, a appuyé encore plus vigoureusement le projet de loi C-78. Comme l’a souligné M. Roy :
[...] le projet de loi C-78 est plus qu’une mesure temporaire, c’est une bouée de sauvetage pour une industrie en difficulté et un catalyseur pour la reprise économique. Il est bon pour les entreprises, les travailleurs et les Canadiens [...]
Une fois de plus, les observations de M. Roy montrent que l’effet d’entraînement positif qui se produit quand l’argent circule dans l’économie entraîne des retombées économiques encore plus importantes.
Comme l’a également précisé M. Roy, cet impact pourrait être important pour le secteur de la restauration, et même au-delà. Il nous a dit ce qui suit, et je cite :
Selon notre économiste en chef, cette pause fiscale pourrait générer près de 1,5 milliard de dollars en ventes additionnelles pour notre industrie pendant cette période. Ce chiffre témoigne de l’impact positif qu’un tel geste peut avoir, non seulement pour les restaurateurs, mais aussi pour l’ensemble de l’économie.
Somme toute, les témoins que nous avons entendus nous ont donné un aperçu concret de la façon dont les mesures de stimulation prévues dans le projet de loi C-78 leur seront bénéfiques.
Oui, il est vrai que certains témoins nous ont dit que l’allégement fiscal offert par le projet de loi C-78 imposerait un fardeau administratif aux entreprises qui devraient ajuster la TPS/TVH sur les produits précisés dans le projet de loi. Leurs préoccupations n’étaient pas liées à l’incitatif fiscal créé par le projet de loi C-78 ou à ses répercussions financières sur les entreprises et l’économie, mais plutôt à la quantité de travail générée avant et après les ajustements à la TPS/TVH. Ces témoins nous ont également dit que l’Agence du revenu du Canada apporte de façon active et proactive un soutien accru aux entreprises pour les aider à mettre en œuvre l’allégement proposé.
Certains témoins ont aussi clairement affirmé que les avantages pour les entreprises dans l’économie en général l’emporteraient sur tout fardeau administratif. M. Littler, du Conseil canadien du commerce de détail, a dit :
Ces problèmes n’enlèvent rien au fait que le congé de TPS permettra aux consommateurs d’économiser environ 1,6 milliard de dollars. Nous ne nous faisons pas d’illusions sur le fait que nous sommes les principaux bénéficiaires de cette mesure. Elle est conçue et mise en œuvre en tant que mesure destinée aux consommateurs, mais nous en sommes les principaux bénéficiaires secondaires.
La clientèle des entreprises qui vendent des produits nouvellement détaxés trouvera les prix tout compris de ces produits plus abordables [...]
Le point de vue des représentants des secteurs de la vente au détail et de la restauration sur la manière dont le projet de loi C-78 soutiendra l’économie est aussi étayé par les travaux d’économistes professionnels.
Par exemple, à la suite de l’annonce par le gouvernement, le 21 novembre 2024, des mesures d’allégement de la TPS/TVH prévues dans le projet de loi C-78, la Direction des études économiques de la Banque de Montréal a revu ses prévisions de croissance à la hausse, indiquant que « […] l’allégement de la TPS/TVH entraînera des dépenses supplémentaires et fera passer de 1,7 à 2,5 % la croissance du PIB au premier trimestre de 2025 […] ».
Je voudrais faire un commentaire, chers collègues. Nous parlons d’un chiffre d’affaires supplémentaire de 1,5 milliard de dollars pour le seul secteur de la restauration. Si on prend en considération la partie de la TVH et de la TPS qui sera incluse dans cette somme déterminée par le directeur parlementaire du budget, les ventes seront encore plus importantes. Nous devons donc tenir compte des retombées qu’une telle mesure aura. Si les clients vont économiser 1,5 milliard de dollars en TVH, combien de ventes cela va-t-il générer? Le volume est vraiment un facteur à prendre en considération.
Chers collègues, tout cela met en lumière ce que j’ai clairement indiqué au début de mon intervention aujourd’hui, à savoir que le travail du Sénat sur ce projet de loi a été très réfléchi et productif. Nous avons constaté que le Canada fait face à une reprise tardive des dépenses de consommation, même si l’inflation est retombée dans sa fourchette cible, que les taux d’intérêt se normalisent et que les conditions économiques globales en matière d’emploi et de croissance sont solides. Nous avons aussi constaté que ce frein à la confiance des consommateurs empêche l’économie d’atteindre sa pleine capacité.
Nous avons appris que le projet de loi C-78 augmenterait temporairement la demande agrégée à un moment de l’année où les Canadiens sont aux prises avec des dépenses plus élevées qu’à l’habitude. Ce projet de loi permettrait de réduire de façon temporaire les coûts auxquels font face les Canadiens. Ce faisant, il est prévu qu’il y aurait une incidence positive sur l’économie et sur le niveau de confiance des consommateurs.
Nous savons également qu’il s’agit d’une bonne mesure au bon moment. Avec le ralentissement de l’inflation et la baisse des taux d’intérêt, le projet de loi C-78 offre la possibilité de soutenir les consommateurs et les entreprises du Canada d’une manière qui ne stimulera pas l’inflation, mais qui aidera plutôt les Canadiens à joindre les deux bouts. La mesure est restrictive et vise des secteurs bien définis, certains d’entre eux souffrant davantage de la conjoncture économique.
Des représentants des secteurs de la vente au détail et de la restauration nous ont indiqué pourquoi ils soutiennent le projet de loi et comment il soutiendrait non seulement leur secteur, mais aussi l’ensemble de l’économie. Certains économistes de grandes banques ont revu à la hausse leurs prévisions de croissance pour l’économie canadienne à la suite de l’annonce de ce soutien. Ce sont là des raisons économiques viables pour soutenir le projet de loi C-78.
Comme le gouvernement l’a bien indiqué, le projet de loi permettra aux Canadiens de disposer d’un peu plus d’argent à un moment de l’année où les dépenses sont plus élevées, pour les aider à compenser le coût des choses dont ils ont besoin. Ils pourront se concentrer davantage sur le temps passé à festoyer en famille et entre amis et passer moins de temps à s’inquiéter de leurs finances.
C’est aussi une façon de reconnaître que le gouvernement compte sur les Canadiens pour continuer d’alimenter une forte reprise économique jusqu’à la fin de l’année et même au cours de l’année 2025.
J’aimerais faire part à mes collègues d’un article publié dans le Globe and Mail par la journaliste Shannon Proudfoot. Elle a écrit ceci :
Or, cette semaine, la ministre des Finances Chrystia Freeland a comparu devant le Comité sénatorial des finances nationales pour défendre le congé de TPS accordé par son gouvernement pour deux mois. Puisqu’il s’agissait d’un comité du Sénat et non d’un comité de la Chambre des communes, la façon de travailler était complètement différente. Il ne s’agissait pas d’un exercice manifestement partisan et il n’y avait ni envolées théâtrales ni manœuvres politiques, seulement des questions précises et techniques dans le but d’obtenir de vraies réponses.
En a conclu son article ainsi :
Cette semaine, les sénateurs qui siègent au Comité des finances nationales ont rendu service à la population en posant leurs questions avec calme et minutie.
Je remercie mes honorables collègues, qui ont fait un excellent travail en prenant en compte toutes les dimensions du projet de loi C-78 dans leur analyse. Ils ont fort bien compris les dimensions politiques et économiques de ce projet de loi. Ils se sont interrogés sur son bien-fondé et sa faisabilité. Ils ont très bien évalué les aspects économiques des nouvelles mesures proposées, tant du point de vue de la situation financière des ménages que de l’impact économique sur leur province respective.
En tenant compte de ce qui précède, je vous encourage à appuyer le projet de loi C-78, au nom des Canadiennes et des Canadiens qui en ont réellement besoin.
Je vous remercie de votre attention.
Je me demande si la sénatrice accepterait de répondre à une question.
Je vais répondre à toutes les questions, monsieur le sénateur.
Merci. Il y a cinq jours, le premier ministre a publié un gazouillis :
Dans moins de deux semaines, votre épicerie vous coûtera moins cher. Les Canadiens vont avoir un congé de taxe, et ça commence le 14 décembre.
Comment le premier ministre peut-il savoir comment les sénateurs indépendants voteront?
C’est une très bonne question. Il a supposé que les sénateurs voteraient en faveur de ce projet de loi. C’est tout ce que je peux dire. Je ne sais pas ce qu’il pensait à ce moment-là, sénateur.
Ne pensez-vous pas que les députés libéraux infligent un affront au Sénat lorsqu’ils diffusent des publicités indiquant que nous aurons un allégement fiscal le 14 décembre, avant même que le Sénat se soit prononcé sur la question? Si oui, ne sommes-nous pas en train de participer à une sorte de mascarade, où des gens interviennent avec de bonnes intentions, prononcent des discours et font des observations? Tout cela n’est qu’une comédie. Êtes-vous aussi préoccupée que moi, étant donné que l’on diffuse partout au Canada des publicités annonçant qu’il y aura un allégement fiscal le 14 décembre?
Merci, sénateur Downe. Je suis déçue que vous pensiez cela de nos travaux et que vous les considériez comme une comédie. Ce projet de loi n’a pas été examiné à la Chambre des communes. Il a été transmis au Sénat pour un examen approfondi, effectué par le Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le travail que nous avons effectué et que nous effectuons sur chaque projet de loi est important, que nous nous prononcions pour ou contre le projet de loi. Ce que nous faisons ici est extrêmement important pour les Canadiens.
Comme l’a dit la journaliste, nous avons fait notre travail avec diligence et nous avons posé de bonnes questions. Je m’en tiendrai à cela. Je trouve vos autres commentaires décevants, car le travail que nous effectuons ici est important.
On entend souvent dire à la Chambre des communes que plusieurs personnes ont voté en faveur d’une mesure ou d’une autre. Dans le cas présent, ce que nous faisons ici est extrêmement important, et c’est ensemble que nous déciderons de l’issue de ce projet de loi, aujourd’hui ou cette semaine.
Vous n’avez pas répondu à ma question. Cela ne vient pas de la Chambre des communes, mais de députés qui publient des annonces dans les journaux en présumant de ce que fera le Sénat. Comment peut-on dire que cela n’est pas un jugement à l’endroit du Sénat et des personnes qui y travaillent, y compris tous les membres du Comité des finances?
Sénateur, je ne suis pas nécessairement d’accord avec vous, parce que pour tout projet de loi sur lequel nous travaillons, nous recevons tellement d’informations de la part de nombreuses personnes qui nous dictent comment nous devrions voter.
Le projet de loi C-78 n’est pas différent. Si le premier ministre a décidé que nous devons voter en faveur de ce projet de loi, c’est sa prérogative de le dire. Comme pour beaucoup de commentaires que nous entendons, la valeur que nous leur accordons dépend de la façon dont nous les recevons et de la façon dont nous choisissons de les utiliser.
Madame la sénatrice, premièrement, je tiens à vous remercier pour le travail que vous avez fait et pour la diplomatie dont vous avez fait preuve, sans parler de votre courage à titre de marraine de ce projet de loi, qui s’intitule quand même Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).
Comme vous le savez, je ne suis plus membre du Comité des finances nationales, mais j’ai été observateur lors des séances du comité. Étant donné que le titre du projet de loi est Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité), les membres du comité en sont arrivés à la conclusion, selon les témoignages qu’ils ont entendus, et je cite :
[...] que le projet de loi C-78 ne répond pas adéquatement aux besoins des Canadiens qui ont du mal à se procurer des produits de première nécessité, notamment de la nourriture et un abri.
Comment mes collègues ont-ils pu en arriver à une telle conclusion?
Merci pour la question, sénateur Gignac. J’ai assisté aux réunions du comité. On a beaucoup parlé d’inflation. On a parlé du coût de la vie qui augmente depuis plusieurs années. La nourriture et le logement sont probablement les deux aspects les plus coûteux et les plus importants qui sont associés aux coûts que les consommateurs canadiens doivent assumer. Malheureusement, on est obligé de manger, si ce n’est pas trois fois, à tout le moins deux fois par jour.
Ce projet de loi ne règle pas la totalité de l’enjeu de l’abordabilité, mais il aide et il permet aux gens d’avoir un peu plus d’argent dans leurs poches à un moment de l’année où les dépenses sont plus élevées pour la nourriture, car ce sont des choses qu’ils n’achètent pas souvent au cours de l’année. Il s’agit de permettre aux gens d’avoir un peu plus d’argent dans leurs poches durant une période qui est potentiellement un peu plus difficile pour les familles.
Même si je vais appuyer ce projet de loi, j’ai réagi à un mot que vous avez utilisé. Vous avez dit que le projet de loi avait été bien réfléchi. Cela m’a quelque peu interpellé. Même si je vous ai dit en privé et que je dis maintenant que je vais appuyer le projet de loi pour toutes sortes de raisons, pas nécessairement économiques, à votre connaissance, dans les 30 ou 40 dernières années, avez-vous déjà vu une mesure fiscale qui avantage un Canadien davantage, selon la province où il réside? En Ontario, les gens vont bénéficier d’un rabais de 13 %, puisqu’il s’agit d’une taxe de vente harmonisée. Au Québec, où l’on administre et l’on collecte la TPS, et où l’on fait tout pour le gouvernement fédéral, le gain est seulement de 5 %.
Étant donné que vous avez dit que cette mesure avait été mûrement réfléchie, avez-vous déjà vu une telle mesure fiscale prise par un gouvernement, qui avantage plus les Canadiens d’une province que d’une autre?
Merci pour votre question bien réfléchie, monsieur le sénateur Gignac. Ce que je peux vous dire par rapport à cela, c’est que les sénateurs qui siégeaient au comité ont réfléchi au projet de loi C-78. C’est dans ce contexte qu’on parle de réflexion. Si vous me demandez de retourner en arrière, au cours des 40 dernières années, je peux vous dire que certains projets de loi ont été souvent adoptés avec une pince sur le nez. Cela arrive souvent dans le cas de projets de loi d’intérêt privé. On en a vu une panoplie récemment pour lesquels on a dû se pincer le nez pour les adopter. Si vous me parlez des 40 dernières années, on n’a pas à aller aussi loin.
Je tiens pour acquis, monsieur le sénateur, que les membres du comité ont fait leur travail. J’étais là. Je vous dirais que, d’un côté de la pièce, il y avait la « French connection », dont certains économistes et d’anciens banquiers faisaient partie, et de l’autre côté, ce n’était pas la « French connection », mais plutôt la « other province connection ». Les questions qui ont été posées étaient bien réfléchies et excellentes. J’ajouterais que ces questions venaient presque toujours des femmes. Même les questions qui sont ressorties du groupe étaient excellentes.
Bien que ce soit un projet de loi qui peut nous rendre mal à l’aise pour toutes sortes de raisons, il émane du gouvernement et il cherche à aider les Canadiens dans une période peut-être un peu plus difficile.
Sénatrice Moncion, à la fin de votre discours, vous avez cité une chronique que Shannon Proudfoot vient d’écrire à ce sujet. J’ai été surprise que vous citiez un extrait de cette chronique, car elle était plutôt accablante envers le gouvernement. Elle s’intitule « Chrystia Freeland a répondu aux questions du Sénat sur l’exemption de la TPS, et cela ne s’est pas bien passé ». Dans l’extrait que vous avez cité, vous avez arrêté juste avant cette phrase : « En résumé, c’était un désastre pour un gouvernement qui veut se montrer prévenant et cohérent avec cette mesure. » On y cite ensuite un certain nombre d’excellentes questions que de nombreux sénateurs ont posées lors de la comparution de Chrystia Freeland devant le comité.
En plus des nombreuses préoccupations soulevées par les sénateurs, une grande partie de la discussion sur le projet de loi C-78 a porté sur l’absurdité des choix faits par le gouvernement Trudeau dans le cadre de ce qu’on appelle le congé de TPS. On inclut notamment les poupées avec lesquelles les enfants jouent, mais pas celles que les gens exposent. On inclut les jeux LEGO « pour enfant », mais pas les jeux LEGO « pour adulte » qui sont presque identiques, comme des jeux de la Guerre des étoiles, par exemple. Les guitares jouets sont incluses, mais pas les vraies guitares. Voilà le genre de choix que le gouvernement Trudeau a faits dans le cadre de ce projet de loi. Comment pouvez-vous défendre cette mesure en disant qu’elle a du bon sens?
Je vous remercie pour la question. Premièrement, en ce qui concerne l’article, j’ai cité l’extrait qui faisait l’éloge du travail du Sénat et du Comité des finances nationales, car je crois qu’il est important de féliciter mes collègues de l’excellent travail qu’ils ont fait.
En ce qui a trait aux choix que le gouvernement a faits, il appartenait au gouvernement de l’heure de les faire. Nous pouvons en discuter, nous pouvons les approuver ou les désapprouver, mais en fin de compte, nous devons travailler avec la mesure qui nous est présentée, c’est-à-dire le projet de loi C-78, avec tous ses tenants et ses aboutissants. Je ne m’aventure pas plus loin que cela par rapport aux questions qui ont été posées. Ces questions ont été posées par les sénateurs membres du comité et ceux-ci semblaient approuver le rapport qui a été présenté.
Plus tôt dans votre discours, vous avez parlé du problème de la productivité au Canada. J’aimerais savoir en quoi ce petit tour de passe-passe fiscal temporaire va contribuer à régler ce problème. Dans votre discours sur le projet de loi C-78, vous avez dit, si je ne m’abuse, que cela aidera les travailleurs à augmenter leur productivité. N’est-ce pas en fait un énorme problème relativement au projet de loi C-78? Le congé de TPS de deux mois que propose le gouvernement Trudeau forcera les propriétaires de petite entreprise et leurs employés à consacrer, en cette période de l’année très occupée, une multitude d’heures improductives à rajuster les prix d’une centaine d’articles dans leur magasin pour tenter de se conformer à une politique irréfléchie du gouvernement Trudeau qui semble avoir été rédigée sur une serviette de table en papier. N’est-ce pas le sort qui attend les petites entreprises canadiennes?
Merci de votre question. En ce qui concerne la productivité, il s’agissait d’une observation de David Dodge, l’ancien gouverneur de la Banque du Canada. Elle portait sur la mesure qu’il a présentée au comité. L’argument que je présente dans mon discours est différent. C’est plutôt un contre-argument selon lequel nous examinons la productivité en supprimant la part du secteur pétrolier. Nous avons ainsi une représentation plus précise de notre productivité, et la conclusion de cet économiste, c’est que notre productivité est semblable à celle des États-Unis.
Quant à la quantité de travail qui sera générée pour les petites et moyennes entreprises, en fonction de leur taille, c’est préoccupant en raison de la quantité de travail que représentera la reprogrammation des systèmes afin de prendre en compte le congé de TPS et les avantages qui y sont associés. C’est une préoccupation. Le gouvernement a l’intention d’examiner cette situation — pas maintenant, mais plus tard — pour voir comment les choses vont se passer à la fin de cette période de deux mois et pour voir ce qui peut être fait, le cas échéant.
La prémisse, c’est que la plupart des entreprises profiteront de cette mesure grâce aux économies de 1,5 milliard de dollars qui seront réalisées. C’est le coût du congé de taxe selon le rapport du directeur parlementaire du budget. Il s’agit uniquement de la TPS, ou de la TVH dans certaines provinces. C’est 1,5 milliard de dollars. Je n’ai même pas fait le calcul qui me permettrait de vous dire combien de ventes seront générées pour que les économies s’élèvent à 1,5 milliard de dollars.
Accepteriez-vous de répondre à une autre question?
Oui.
Merci beaucoup. Cela s’inscrit peut-être dans le prolongement de la discussion que nous avons maintenant. J’ai essayé de mettre les choses en contexte. Au cours de la fin de semaine, j’ai rencontré, peut-être pas intentionnellement, plusieurs propriétaires d’entreprise.
C’est peut-être parce que c’est nouveau et qu’il y a un peu de panique face au changement ou parce que les gens essaient de s’adapter à des aspects à court terme, mais les préoccupations dont on m’a fait part concernent pour l’essentiel le point de vente. Vous en avez parlé il y a un instant. Les chefs d’une petite entreprise, en particulier, disent que leurs clients ont cessé de magasiner il y a une semaine et demie et attendent la baisse des prix le 16 décembre. Ils disent qu’ils n’ont pas le personnel nécessaire, qu’ils ne peuvent pas engager quelqu’un, et que, maintenant, ils pensent que chaque transaction leur prendra deux ou trois fois plus de temps. L’élément qui semble aussi dominer ce genre de conversations est la question de savoir si, le 15 février, il y aura un programme ou une ligne téléphonique en place pour aider les petites entreprises à suivre la procédure et pour répondre à des questions au moment de la déclaration de la TPS?
C’est le genre de choses qui semblent les inquiéter : la difficulté d’avoir un personnel suffisant, la perte de revenus au lieu d’un gain en raison de cette pause de magasinage pendant la période la plus occupée de l’année, les façons de tenter de s’adapter et le contrôle qui sera exercé au bout du compte. Par l’entremise de vos propos d’aujourd’hui ou de ce qui est ressorti de l’étude du Comité des finances nationales, je me demande si vous pouvez apaiser certaines des inquiétudes de ces personnes qui doivent se conformer à la mesure.
Je vous remercie de la question, madame la sénatrice. Les représentants de l’Agence du revenu du Canada étaient présents. Depuis le 21 novembre, ils répondent à des questions et ils travaillent avec les différentes entreprises sur la façon de procéder.
Vous ne l’avez peut-être pas remarqué, mais le projet de loi C-78 ne prévoit aucune pénalité ni sanction, et c’est un choix délibéré. Des représentants de l’Agence du revenu du Canada nous ont dit qu’ils travailleront avec les propriétaires pour régler toutes les situations, et que les erreurs commises de bonne foi seront traitées comme telles. Il semble qu’un cadre complet sera mis en place. Le gouvernement n’a pas l’intention de pénaliser les propriétaires d’entreprise, mais plutôt de travailler avec eux pour assurer la réussite de ce projet.
J’ai lu au sujet des pénalités et j’ai essayé d’exprimer ce qu’il est en. Je ne sais pas si c’est à cause des mesures liées à la COVID ou d’autre chose, mais les gens s’inquiètent de ce qui se passera ensuite.
Lors de vos conversations avec l’Agence du revenu du Canada et avec différentes personnes, vous a-t-on indiqué si les petites entreprises ou les personnes qui ne sont pas dans les grandes entreprises avaient pu être consultées lors de l’élaboration de ce projet de loi, dans le cadre de vos audiences?
Je vous remercie de votre question. C’est une question qui a déjà été posée. Sans avoir tenu de consultations, le gouvernement a tout de même travaillé avec les entreprises dès le 21 novembre sur différents aspects de ce projet de loi. Même s’il n’y a pas eu de consultations officielles, le gouvernement a collaboré avec différentes entreprises.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une autre question?
Oui.
Je vous remercie de toutes vos observations, sénatrice Moncion. J’ai pu voir le témoignage de la ministre des Finances lorsqu’elle a comparu devant le comité. Les membres du comité ont fait du bon travail; ils ont posé d’excellentes questions. Je dois dire que les réponses m’ont paru plutôt courtes, voire évasives.
Dans mon coin du monde, il n’y a eu aucune consultation auprès des trois provinces des Maritimes qui ont la TVH. Ma province, le Nouveau-Brunswick, a appris qu’il y aurait ce programme la veille de l’annonce, en soirée. Le premier ministre King, de l’Île-du-Prince-Édouard, l’a appris dans un communiqué de presse, et la Nouvelle-Écosse était en pleine période électorale. Je crois que les députés ont été pris par surprise par cette mesure, comme c’était peut-être le cas des membres du Cabinet, mais, étant donné que les provinces ont été peu consultées, voire pas du tout, et, compte tenu de ses répercussions financières, la Chambre des communes n’aurait-elle pas dû demander à son comité de procéder à un examen initial de cette politique fiscale avant qu’elle soit renvoyée au Sénat? Il semble que les élus auraient dû avoir la possibilité de le faire. Êtes-vous de cet avis? Pourquoi ne l’ont-ils pas fait?
Il m’est difficile d’être d’accord ou non, car je ne suis pas nécessairement au courant de la façon dont certaines de ces choses sont élaborées au sein du gouvernement.
Je peux toutefois dire, sénateur, que jusqu’à présent Terre-Neuve-et-Labrador, l’Île-du-Prince-Édouard et l’Ontario ont annoncé qu’elles renonceraient à leur portion de la TVH. Le gouvernement fédéral travaille avec le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse pour trouver des terrains d’entente et comprendre comment ces provinces comptent procéder.
Je crois savoir que des discussions ont eu lieu avec les provinces que vous avez mentionnées, de sorte qu’il y aura évidemment un certain type de compensation. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, il s’agit d’une perte de 70 millions de dollars. Dans les accords en matière de TVH conclus avec les provinces, il y a un avenant de 1 %, si vous voulez, qui dit que si quelque chose dépasse le 1 %, cela se traduit par une ponction automatique; c’est une exigence légale. Le gouvernement n’a pas respecté cette exigence.
Pour ce qui est des provinces que vous avez mentionnées, il doit y avoir un compromis. En ce qui concerne le Nouveau-Brunswick, je ne peux pas commenter leurs discussions, mais je peux dire qu’il y aura un impact fiscal de 70 millions de dollars dans ma province — une province dont la population n’est pas la plus riche du Canada.
Comment les provinces qui ne sont pas compensées gèrent-elles cette question dans le cadre de leur propre régime fiscal? D’une manière ou d’une autre, ce sont les contribuables qui paieront la note.
Le seuil de 1 % est toujours en place, sénateur. Il faudra trouver une solution dans le cadre des seuils en place. Ce n’est pas un coût qui sera assumé par les contribuables — en fin de compte, oui, la perte de revenus provenant de la TVH aura une incidence sur les états financiers du gouvernement. Toutefois, grâce au seuil, les provinces n’auront pas à en payer le prix.
Puis-je poser une dernière question?
Vous pouvez en poser autant que vous le souhaitez.
Ce sera ma dernière, même si j’en ai d’autres.
Comme la sénatrice Marty Deacon, de l’Ontario, j’ai eu l’occasion la semaine dernière de discuter avec des propriétaires de petites entreprises de Saint John, d’où je viens. Il n’y en a pas un seul qui était content, à part peut-être quelques propriétaires de restaurants. Les autres devront dépenser jusqu’à 1 000 $ pour reprogrammer leurs appareils, et pour seulement deux mois, parce qu’ils devront ensuite tout recommencer dans l’autre sens.
Les petites entreprises qui doivent assumer ces coûts devraient-elles être indemnisées? Devraient-elles faire l’objet d’une négociation à part, semblable à celle que vous évoquez pour les provinces?
Merci, sénateur Quinn, pour la question.
On sait que les petites et moyennes entreprises vont devoir assumer des coûts, mais elles vont aussi recevoir des revenus. Le gouvernement estime que la plupart de ces petites et moyennes entreprises gagneront plus d’argent en augmentant leurs ventes que ce qu’il leur en coûtera pour programmer leurs systèmes.
Comme je l’ai dit plus tôt, à la fin du processus, le gouvernement examinera la situation et discutera des différentes critiques que le projet de loi a suscitées. Il n’y a pas de promesses ici, mais il y aura des discussions sur ce point particulier.
Je voudrais faire suite à une réponse que vous avez donnée plus tôt, sénatrice Moncion. Vous avez dit que le projet de loi C-78, ne prévoit aucune sanction pour les propriétaires de petites entreprises qui ne versent pas correctement les taxes perçues. J’imagine que la raison pour laquelle il n’y a pas de sanctions précises pour ce projet de loi, c’est parce qu’il ne fait que modifier la Loi sur la taxe d’accise, qui prévoit de telles sanctions pour toute omission d’effectuer les versements qui doivent être faits au gouvernement du Canada et à l’Agence du revenu du Canada pour ce genre de choses.
Je voulais simplement que vous le précisiez, car je ne veux pas que les personnes qui pourraient être responsables de verser les bons montants de taxe pensent que le gouvernement du Canada leur donne un passe-droit leur permettant de ne pas verser les bons montants.
Je vous remercie de la question. Ce projet de loi ne modifie pas une loi; il ajoute un nouvel article à une loi. C’est dans le document qui a été fourni lorsque le projet de loi C-78 a été présenté.
Honorables sénateurs, je félicite la sénatrice Moncion d’avoir parrainé ce projet de loi, car elle nous rend un grand service. Je suis le porte-parole désigné du Groupe des sénateurs canadiens. Je vous promets de ne pas en parler pendant 45 minutes, mais je suis quand même content de pouvoir parler de ce projet de loi.
Chers collègues, les dernières semaines ont été extrêmement difficiles pour les petites entreprises. Puis, juste au moment où s’entamait le moment le plus occupé de ce qui aurait pu être une bonne année pour elles, voilà que les travailleurs de Postes Canada ont décidé de faire la grève. Une semaine plus tard, le 21 novembre, elles ont appris qu’elles seraient contraintes d’appliquer pendant deux mois un congé de TPS et de TVH à une liste aléatoire de produits, ce qui n’est pas une mince affaire, comme nous venons de l’entendre.
Quand le premier ministre et la vice-première ministre ont annoncé le congé de taxe, le premier ministre a déclaré que, pendant deux mois, les Canadiens profiteraient d’un moment de répit dans tous les domaines de leur vie.
Il a ajouté ceci :
Le gouvernement ne peut pas fixer les prix à la caisse, mais il peut faire en sorte que les gens aient plus d’argent dans leurs poches. Les Canadiens pourront bénéficier du répit dont ils ont besoin.
Pour citer le premier ministre, le congé de taxe devait d’abord être accompagné d’un chèque de 250 $ afin que les travailleurs du pays puissent acheter les choses dont ils ont besoin et épargner pour les choses qu’ils désirent. C’est seulement dommage que, de nos jours, les Canadiens soient beaucoup plus nombreux à se soucier de leurs factures en retard que de leur compte d’épargne. Cette mesure ponctuelle, qui s’adresse aux travailleurs du pays, devrait permettre à 18,7 millions de Canadiens ayant gagné moins de 150 000 $ en 2023 de recevoir un chèque de 250 $ au début du printemps 2025.
Lorsque je pense à ceux qui ont le plus de mal à payer leur panier d’épicerie, je ne pense pas en premier lieu à ceux qui gagnent 150 000 dollars par an, ce qui inclut pratiquement toutes les personnes présentes dans la salle.
Le lendemain, le premier ministre a déclaré que « ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie ». Il a raison, et vous m’entendrez répéter cette importante déclaration fréquemment au cours de mon discours, mais il n’y a pas de TPS sur les articles d’épicerie.
Qu’est-ce qui a donc donné naissance à la politique annoncée le 21 novembre? Il semblerait, et cela n’a pas été démenti, que le premier ministre et la vice-première ministre n’ont consulté ni le Cabinet ni leurs collègues de caucus qui ont des comptes à rendre aux citoyens de leur circonscription. Ils n’ont pas non plus consulté les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada responsables de l’orientation et de la conformité des entreprises en matière de TPS. Au comité, quand j’ai demandé aux fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada s’ils avaient été consultés, ils m’ont répondu un peu sèchement « non ».
Je crois comprendre qu’une ou deux provinces avaient été prévenues, mais la plupart ne l’ont pas été. Maintenant, on s’efforce de contraindre par la honte les provinces à participer proactivement à l’initiative. La vice-première ministre a répété le mot « proactivement » au comité, mais, dans ce contexte, utiliser ce mot me semble au mieux malhonnête.
Dans sa chronique publiée dans le Globe and Mail qui relate l’excellent travail du Comité des finances nationales, Shannon Proudfoot a déclaré que cette stratégie revenait à annoncer unilatéralement à vos frères et à vos sœurs que vous avez acheté à vos parents un téléviseur à écran géant et qu’ils vous doivent chacun 500 $. Cette stratégie n’aurait pas fonctionné dans ma famille.
Le projet de loi C-78, appelé Loi concernant un congé fiscal pour l’ensemble des Canadiens, inclut seulement le congé de TPS et de TVH, ainsi que des modifications à la Loi sur la taxe d’accise.
On négocie encore avec le NPD pour déterminer qui recevra les chèques de 250 $. S’il est adopté, le projet de loi C-78 créera un trou de 90 millions de dollars dans le budget de la Nouvelle-Écosse, quelques mois après que la province a annoncé plusieurs décisions visant à réduire de façon permanente les frais et les taxes.
Selon l’entente sur la TVH conclue avec la Nouvelle-Écosse, le gouvernement fédéral est tenu de rembourser la province si sa décision unilatérale réduit les recettes provinciales globales de plus de 1 % au cours d’une année civile. Compte tenu de cette obligation contractuelle, je suis profondément troublé par le fait que ce gouvernement tente de contraindre ma province à assumer la responsabilité de cette décision fédérale.
Le plus décevant, c’est qu’il n’y a eu aucune consultation avant l’annonce de cette politique. On a forcé la main au caucus, aux ministères fédéraux et aux entreprises, et voilà maintenant qu’on tente de forcer la main aux provinces.
Chers collègues, voici pourquoi je suis totalement opposé au projet de loi C-78.
Premièrement, il n’y a aucune logique sous-jacente à la liste aléatoire d’articles sélectionnés pour l’inclusion. La ministre a déclaré à plusieurs reprises au comité que ce projet de loi supprimerait la TPS et la TVH sur les produits d’épicerie, mais il n’y a pas de TPS ou de TVH sur les produits d’épicerie essentiels, seulement sur les aliments préparés plus coûteux. Lorsqu’on examine la liste, on constate que ceux qui en bénéficieront le plus ne sont certainement pas ceux qui ont le plus besoin d’aide. La majorité des articles sur la liste n’étant pas essentiels, les familles qui ont déjà du mal à payer leur épicerie n’en tireront que peu d’avantages. Cela contredit l’affirmation du premier ministre selon laquelle ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie.
Deuxièmement, le ministère responsable de la mise en œuvre et de la conformité du projet de loi C-78, l’Agence du revenu du Canada, n’a jamais été consulté. C’est une grave erreur, et ce sont les petites entreprises qui en paieront le prix. Ce ne sera peut-être pas sous la forme de pénalités, mais ce le sera certainement sous forme de TPS ou de TVH qui n’auront pas été perçues mais devront être versées. De plus, étant donné que cette mesure est mise en œuvre sur deux années d’imposition, il s’agit d’un risque en matière de responsabilité qui ne sera pas réglé de sitôt. Le fait de ne pas tenir compte de la mise en œuvre et de la conformité devrait être une raison suffisante pour rejeter cette nouvelle politique ou ce nouveau programme.
Troisièmement, les ministères fédéraux dont les objectifs stratégiques sont opposés à cette annonce n’ont pas été consultés. Par exemple, consommer de la malbouffe et des friandises n’est pas recommandé par Santé Canada et n’est pas conforme au projet de loi C-252, qui est appuyé par le gouvernement et qui en est à l’étape de la troisième lecture ici, au Sénat. Le projet de loi C-252 vise à réduire la consommation d’aliments malsains, en particulier chez les enfants. Encore une fois, ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur épicerie.
Quatrièmement, cette politique témoigne de bien peu de considération pour les petites entreprises qui sont forcées de mettre en œuvre cette mesure. Le personnel de première ligne devra expliquer aux clients le caractère aléatoire de la liste très précise des articles admissibles et composer avec toute frustration qui en résultera. J’ai moi-même entendu des propriétaires de petite entreprise exprimer de réelles préoccupations au sujet de la gronde des clients si ces derniers refusent de croire l’inexplicable.
La politique entraînera des coûts disproportionnés pour les petites entreprises. Sa mise en œuvre ne coûtera pas grand-chose aux grandes entreprises. Les petites entreprises devront faire l’opération deux fois, séparément, et ce sont dans bien des cas de petites entreprises familiales.
Cinquièmement, la mise en œuvre des modifications nécessaires aux systèmes de points de vente favorise les grands détaillants qui ont les systèmes, le soutien technique et l’expertise comptable qui leur permettent de faire les modifications de manière centralisée pour ensuite les appliquer à l’échelle nationale. Il leur est plus facile de défendre et d’expliquer les modifications aux clients parce qu’ils disposent d’une campagne publicitaire nationale. Il y a peu de risques qu’ils doivent défendre leurs actions à l’Agence du revenu du Canada de la même manière que les petites entreprises.
Certes, comme l’a dit la sénatrice Moncion, nous avons entendu les mots « efforts raisonnables », « erreurs de bonne foi », et que l’on adoptera « une approche pragmatique en matière de conformité », mais, en cas d’erreur, les petites entreprises demeureront responsables de la TPS ou de la TVH qu’elles ne percevront pas, et elles devront la payer pendant une période pouvant aller jusqu’à deux ans. Elles courent un risque non négligeable si elles ne s’y prennent pas correctement.
Comparativement aux petites entreprises, il sera beaucoup plus facile pour les grandes entreprises de défendre et d’expliquer les modifications aux clients. Je me demande quand nous commencerons à respecter les petites entreprises plus que nous ne le faisons actuellement.
Sixièmement, les Canadiens qui profiteront le plus du congé de TPS/TVH sont ceux qui peuvent se permettre de dépenser le plus. Les familles en difficulté ne peuvent que rêver de pouvoir dépenser les 2 000 $ dont a parlé le ministère des Finances pour acheter des produits admissibles comme des vêtements pour enfants, des chaussures, des jouets, des couches, des livres, des jeux vidéo, des collations à prendre à la maison et des repas au restaurant. Ce ne sont pas les familles en difficulté qui réaliseront des économies de TPS ou de TVH au cours de la période de deux mois.
Chers collègues, quand il a été annoncé, ce congé ponctuel de TPS ou de TVH s’accompagnait d’une proposition de chèque ponctuel de 250 $ pour les Canadiens dont le revenu ne dépassait pas 150 000 $ en 2023. Cette mesure exclut les retraités et les personnes handicapées, ainsi que la tranche de 5 % de la population ayant les revenus les plus élevés. Ce chèque n’est donc pas destiné à ceux qui ont le plus besoin d’aide. Bien au contraire. Encore une fois, ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur panier d’épicerie.
Chers collègues, ce cadeau ne figurait pas dans le programme électoral des libéraux de 2021. On y trouvait plutôt un engagement ferme à mettre en œuvre des services bancaires axés sur le consommateur, également connus sous le nom de services bancaires ouverts, avant janvier 2023. Pourtant, la ministre Freeland a sans cesse retardé la mise en œuvre de cet engagement malgré de vastes consultations entreprises en 2018 — il y a donc plus de cinq ans — avec le soutien enthousiaste du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie en 2019 et le soutien inébranlable des fonctionnaires du ministère des Finances, des provinces, des entreprises, des groupes de consommateurs et de tous les autres groupes auxquels on pourrait penser, à l’exception des cinq grandes banques canadiennes.
Pourquoi soulever cette question maintenant? Qu’est-ce que le fait de donner aux consommateurs un contrôle sûr sur leurs données financières a à voir avec le projet de loi C-78 et l’annonce faite le 21 novembre? C’est important parce que si la ministre Freeland avait donné suite à cette promesse électorale de 2021, les Canadiens économiseraient déjà en moyenne 250 $ par personne chaque année grâce à l’élimination des frais et des coûts bancaires excessifs.
C’est ce qu’a constaté North Economics en comparant les bénéfices des banques canadiennes à ceux des banques britanniques, où les consommateurs contrôlent leurs données. Les consommateurs se servent de leurs données pour obtenir des prêts à moindre coût, payer moins de frais, faire de plus gros intérêts sur l’épargne et courir un moindre risque de fraude. L’étude a révélé que les grandes banques canadiennes réalisaient des bénéfices excédentaires de 8,5 milliards de dollars par an. D’après cette entreprise, c’est parce que le Canada ne s’est pas doté d’un système bancaire ouvert et que nos banques continuent d’exploiter nos données à leur profit, et non au nôtre.
L’agence Fitch Ratings vient de rapporter que les grandes banques canadiennes ont bénéficié d’une hausse de leurs revenus sur 12 mois de 13 %, et le Globe and Mail de samedi rapporte que les primes des dirigeants des grandes banques canadiennes ont bondi de 12 % en 2024 pour atteindre 23,75 milliards de dollars. Les primes des dirigeants des grandes banques canadiennes ont totalisé 23,75 milliards de dollars en 2024.
Si le gouvernement avait tenu sa promesse électorale de 2021, les Canadiens économiseraient en moyenne 250 $ par an, sans qu’il en coûte quoi que ce soit aux contribuables. En tardant à tenir ses promesses électorales, le gouvernement a fait payer aux Canadiens des frais et des coûts parmi les plus élevés au monde, ce qui est particulièrement préjudiciable aux plus vulnérables.
Collègues, la décision dont nous débattons concerne l’annonce du 21 novembre et sa représentation initiale dans le projet de loi C-78. Il ne s’agit pas seulement du montant estimé à 1,7 milliard de dollars, qui ne tient compte que de la TPS dans le contexte de cette mesure; il faut aussi penser à la TVH, et celle-ci ajoute un montant de 1,4 milliard de dollars. C’est le contribuable qui paiera ces sommes, que le premier ministre et la vice-première ministre choisissent ou non d’honorer la responsabilité du gouvernement fédéral envers les provinces.
Il est certain que, si nous adoptons ce projet de loi, nous signalerons que nous approuvons la distribution de 4,75 milliards de dollars supplémentaires sous la forme de chèques de 250 $. Cela représente un total de 7,85 milliards de dollars. Or, le chef du NPD, Jagmeet Singh, veut maintenant que les chèques de 250 $ soient distribués à tous les adultes dont le revenu est inférieur à 150 000 $ et qui n’ont pas touché de revenu d’emploi en 2023.
En 2022, selon Statistique Canada, environ 33 millions de Canadiens âgés de 18 ans ou plus gagnaient moins de 150 000 $. Si Jagmeet Singh obtient ce qu’il souhaite, on parlerait alors de 8,2 milliards de dollars en chèques de 250 $. Par conséquent, le coût total de l’annonce bancale du 21 novembre pourrait s’élever à plus de 11 milliards de dollars.
Qu’apportera donc aux Canadiens cette dépense de 8 ou 11 milliards de dollars? Nous savons qu’elle ne représente pas grand-chose pour les familles qui ont du mal à s’acheter des aliments, mais quel est le coût de renonciation de cette annonce politique? Quels sont les autres risques majeurs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui?
Pour répondre à cette question, j’ai repensé à la réunion des premiers ministres qui s’est tenue à Halifax en juillet dernier. Les premiers ministres y avaient prédit l’avenir dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui : notre stabilité économique exige de toute urgence que le gouvernement fédéral considère la sécurité et la défense comme une question économique. Ils étaient unanimement convaincus que le fait de continuer à ignorer notre objectif de dépenses de 2 % fixé par l’OTAN pourrait grandement nuire aux entreprises, à l’emploi, aux collectivités et aux familles.
Comme l’a dit le premier ministre du Manitoba, Wab Kinew :
Je veux que les Canadiens considèrent qu’il s’agit d’une question de sécurité nationale. Il s’agit d’un investissement dans les Forces armées canadiennes, mais j’encourage les Canadiens à y voir également un investissement dans les échanges commerciaux [...] Si nous ne respectons pas nos responsabilités envers nos alliés de l’OTAN, cela aura un impact sur le renouvellement de [l’Accord Canada—États-Unis—Mexique]. Cela aura un impact sur les relations.
Quelques jours après l’annonce faite par le premier ministre et la vice-première ministre le 21 novembre sur la mesure dont nous débattons aujourd’hui, le président élu Donald Trump a publié sa déclaration sur l’imposition de tarifs douaniers de 25 %, ce qui a fait écho à la prédiction des premiers ministres d’ici.
Investir jusqu’à 11 milliards de dollars dans la malbouffe, la bière, les jeux vidéo, les arbres de Noël et d’autres cadeaux, plutôt que dans la sécurité à la frontière et la défense, pourrait nous coûter cher. Si le nouveau président donne suite à la menace qu’il maintient, le 21 janvier marquera le début d’une récession dévastatrice au Canada, indépendamment des tarifs douaniers de rétorsion que le Canada pourrait imposer.
Pour reprendre les termes de l’ancien gouverneur de la Banque du Canada, David Dodge, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, « […] c’est un petit bonbon aujourd’hui pour soulager la douleur qui nous attend ».
Chers collègues, quand le premier ministre m’a appelé et m’a accordé l’honneur de me nommer au Sénat, il m’a demandé une seule chose. Je vous en ai déjà parlé. Il m’a demandé de « questionner le gouvernement ». Bon nombre d’entre vous ont reçu la même demande lorsqu’il vous a nommés.
Nous sommes le seul organe parlementaire à examiner sérieusement cette politique, et nous faisons généralement preuve de déférence envers les projets de loi comportant des affectations de crédits. Cependant, devant une politique et un projet de loi aussi peu réfléchis et sérieux, nous devons bousculer nos habitudes, surtout lorsque nous vivons dans un monde de plus en plus dangereux, plongé dans l’incertitude économique et rempli de risques pour la sécurité.
Est-ce que vous vous souvenez de cette annonce du premier ministre : « Ce dont les familles ont besoin, c’est de pouvoir payer leur panier d’épicerie »?
Le projet de loi C-78 ne les aide pas à cet égard. Cependant, 11 milliards de dollars pourraient contribuer grandement à démontrer à quel point nous prenons au sérieux la sécurité et la défense de l’Amérique du Nord et de l’OTAN, ce qui pourrait permettre d’éviter une récession dévastatrice.
Chers collègues, réfléchissez à ce que cela pourrait nous coûter si nous approuvions ce projet de loi mal conçu. Je sais qu’il s’agit d’un projet de loi de finances et que le gouvernement a la prérogative de dépenser l’argent comme il l’entend. Cependant, le projet de loi C-78 témoigne d’un tel mépris pour les petites entreprises, d’un tel mépris pour la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, que je ne peux pas le soutenir, en aucune façon. Je vous remercie, chers collègues.
Sénateur Deacon, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
Je vous remercie de votre discours et d’avoir très bien présenté votre point. Vers la fin de votre discours, vous avez dit qu’il fallait questionner le gouvernement. Je suis d’accord avec vous. C’est très important de pouvoir le faire.
À ce propos, j’aimerais corriger une récente déclaration de la sénatrice Moncion. Elle a dit qu’elle ne croyait pas que ce projet de loi contenait la moindre référence à un projet de loi précédent ou à un projet de loi actuel prévoyant l’imposition de sanctions. Pourtant, si je lis le projet de loi C-78 — il est très court —, le sommaire dit ceci :
Le texte modifie la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre un congé temporaire de la TPS/TVH entre le 14 décembre 2024 et le 15 février 2025 inclusivement relativement à certaines fournitures taxables.
Donc, le projet de loi ne fait que modifier la Loi sur la taxe d’accise en y ajoutant une annexe afin de permettre aux entreprises de savoir exactement ce qui est visé par cette « détaxation temporaire », comme le dit le gouvernement.
Comme je sais que vous avez une grande expérience du monde des affaires, est-ce que les sanctions et les autres éléments qui sont prévus dans la Loi sur la taxe d’accise régissent les sanctions et les autres éléments qui sont prévus dans ce projet de loi?
J’essayais de suivre le fil de vos propos. Pourriez-vous préciser le sens de la question?
Ma question est la suivante : n’est-il pas exact qu’il s’agit d’une loi qui modifie la Loi sur la taxe d’accise? Le projet de loi C-78 ne fait rien d’autre qu’ajouter une annexe à la Loi sur la taxe d’accise. Donc, toutes les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise s’appliquent aux entreprises dans le cadre de la mesure.
Sénatrice Batters, jusqu’à présent, on ne nous a rien donné d’autre que quelques déclarations pour dire que les entreprises seront traitées avec ménagement. Toutefois, oui, à ce stade, toutes les personnes à qui j’en ai parlé m’ont confirmé que les sanctions restent effectivement en place. Elles pourraient ne pas être appliquées, mais elles restent applicables. Si un commerçant ne perçoit pas la TVH ou la TPS qu’il devrait percevoir, il doit quand même la verser.
Sénateur Deacon, vous avez employé le terme « aléatoire ». Je pense que nous avons tous entendu ce qu’avaient à dire les petits détaillants de nos régions respectives. J’ai été inondée d’histoires : les livres d’autocollants ne sont pas inclus, mais les livres à colorier le sont. Si, dans un panier-cadeau, 90 % des produits sont exempts de TPS, alors l’ensemble est exempt de TPS, mais cela a obligé de nombreux détaillants à refaire les emballages. Cela prend du temps et cela coûte cher.
Un autre exemple a été donné à propos des modèles réduits d’avions. Si la colle est incluse, le produit est exempt de TPS, mais si vous achetez la colle séparément, la TPS s’applique. C’est de la folie pour quelqu’un qui essaie de gérer un magasin.
Ce qui me préoccupe — mais j’aimerais que vous en parliez aussi, pour faire suite à la question de la sénatrice Batters — c’est qu’on dit aux gens qui ont acheté des articles avant le 14 décembre et qui veulent les retourner qu’ils devront demander un remboursement à l’Agence du revenu du Canada et se battre avec le détaillant à ce sujet. Les achats en ligne sont également limités présentement parce que les infrastructures de livraison sont paralysées par la grève des postes. Il semble que nous serons plongés dans le chaos juste avant Noël.
Je résumerais la situation ainsi : j’ai entendu la sénatrice Moncion dire que l’idée est que la mesure fera augmenter les ventes pour les entreprises. J’espère vraiment que c’est le cas, mais je n’ai rencontré personne qui le pense.
Je suis certain que la mesure ne fera aucun tort aux plus grands détaillants du pays; il est tout à fait possible qu’elle leur soit profitable. Cependant, la complexité de la mesure pour les petits détaillants m’inquiète beaucoup. La complexité n’est pas comparable pour les restaurants. La mesure pourrait avoir un effet en janvier; c’est possible. Cependant, si on a les moyens d’aller acheter un repas dans un restaurant en janvier, quelques pour cent de plus ou de moins ne changeront pas grand-chose.
Je ne sais pas. J’espère que, si le projet de loi est adopté, il fera augmenter les ventes des petites entreprises, parce qu’elles en ont vraiment besoin. C’est une période terrible pour ceux qui dépendent de l’expédition. C’est très déroutant. Je pense qu’aucun d’entre nous ne comprend à quel point il est difficile de gérer tous ces problèmes qu’il était impossible de prévoir en tant que petite entreprise.
Parfois, le fardeau devient très lourd. En accordant ce congé, le gouvernement fait preuve d’un manque total de respect à cet égard, après des années de vaches maigres et à une période difficile de l’année. Les entreprises doivent déjà assumer des coûts énormes : celles qui se sont engagées à offrir la livraison gratuite pour favoriser l’expédition de différents articles doivent soudainement payer des coûts d’expédition deux ou trois fois supérieurs à ce qu’elles avaient prévu dans leur budget. C’est une période difficile. J’espère que les prévisions de la sénatrice Moncion sont correctes.
En ce qui concerne les retours, en fin de semaine, j’ai visité deux magasins, et ils commencent déjà à subir les conséquences du projet de loi parce que, bien sûr, le gouvernement en fait la publicité, même s’il n’a pas été adopté en bonne et due forme. Toutefois, les magasins reçoivent déjà des retours. Ils feront peut-être des ventes après le 14 décembre, mais il ne s’agira pas de nouvelles ventes. Il s’agira des mêmes ventes. Les magasins assumeront le coût du retour, du réemballage et du remboursement des articles, puis ils les revendront le matin du 15 décembre.
Je n’ai pas entendu de question. Sénateur Gold, vous avez la parole.
Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur?
Absolument.
Je vous remercie de votre discours. Sénateur, vous avez mentionné des rapports qui laissent entendre que le Cabinet et le caucus n’ont pas été consultés au sujet du projet de loi C-78, mais surtout, vous n’avez pas parlé des votes à la Chambre. Pourriez-vous nous confirmer que le Cabinet, le caucus et, en fait, une majorité à l’autre endroit, qui est la Chambre du Parlement qui doit directement rendre des comptes aux Canadiens sur les mesures fiscales, ont bel et bien voté en faveur de cet allègement fiscal?
Je suis certain que c’est le cas, sénateur Gold. Je serais curieux de savoir s’il s’agissait d’un vote soumis à la discipline de parti.
J’ai une question complémentaire.
Sénateur Deacon, croyez-vous qu’il appartient au Sénat de rejeter et de défaire la politique fiscale dûment adoptée par l’autre endroit, qui incarne le principe selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation, voire toute notre constitution?
Sénateur Gold, je respecte tout à fait votre question. Je sais que ce que je propose est contraire à la tradition du Sénat.
Cependant, je ne peux pas exprimer à quel point, à mon avis, cela va à l’encontre de très nombreux principes fondamentaux de saine gestion publique à cause de la façon dont cette mesure a été structurée, parce qu’elle est sortie de nulle part, qu’il n’y a pas eu de consultation, que l’on comprend mal tous les effets que cela aurait sur les groupes visés en ce qui a trait à la mise en œuvre et qu’il n’y a aucune logique. J’ai donc choisi de voter contre. Je ne sais pas ce que mes collègues feront. J’ai fait ce choix parce que je ne peux pas appuyer un projet de loi rédigé de manière aléatoire à la dernière minute, sans consultation, semble-t-il, qui mobilise de très nombreux groupes qui doivent y prendre part. Je trouve cela profondément troublant.
Honorables sénateurs, alors que nous examinons aujourd’hui le projet de loi C-78, ne perdons pas de vue le fait que nous sommes à une période de l’année où nous nous réunissons et célébrons tout ce pour quoi nous sommes reconnaissants — une période qui nous encourage à tendre la main, en particulier à ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts, qui sont sans abri, qui ont faim ou qui sont marginalisés par leur lieu de vie ou leur situation.
Ces courtes journées froides mettent en évidence les réalités différentes de ceux qui n’ont pas le privilège d’avoir une maison chaude, le ventre plein ou de l’espoir pour l’année à venir. Nous devons travailler ensemble pour venir en aide aux personnes vivant dans la pauvreté et le besoin. Nous ne pouvons pas continuer à laisser tomber autant de gens.
Depuis la pandémie de COVID-19, l’itinérance a considérablement augmenté, en particulier sous la forme des campements de sans-abri. Au lieu d’être reconnus pour ce qu’ils sont, un symptôme de l’échec systémique du Canada à faire respecter les droits à l’égalité et le droit au logement pour tous, les discours et les politiques entourant les campements sont devenus de plus en plus cruels et punitifs. Malgré les engagements du gouvernement fédéral à réduire la pauvreté de moitié d’ici 2030, les données du gouvernement indiquent que le nombre de personnes vivant sous le seuil de la pauvreté augmente.
Les loyers inabordables obligent les gens à faire des choix impossibles entre se nourrir et se loger. Plus de Canadiens que jamais ont recours aux banques alimentaires et aux refuges — qui sont débordés — et s’en voient refuser l’accès.
Les statistiques officielles du gouvernement — selon lesquelles 1 personne sur 10 est abandonnée dans la pauvreté alors que nous vivons dans un pays riche et doté de solides ressources — devraient à elles seules nous inciter à agir. Selon les experts de la lutte contre la pauvreté, la situation est toutefois plus grave encore : en réalité, près d’un Canadien sur quatre vit en situation de pauvreté et n’a pas les moyens de payer de la nourriture, un logement et d’autres produits de première nécessité pour lui-même et ses proches. Signalons, en particulier, que le taux d’enfants vivant dans la pauvreté est en croissance pour la première fois en 10 ans et qu’il augmente à une vitesse alarmante.
Lorsque les gens sont plongés dans la pauvreté, ils doivent faire des choix impossibles, impensables et injustes. Ils doivent choisir entre la nourriture, le chauffage, les médicaments, un toit et la sécurité. Ils risquent des problèmes santé, des crises, l’isolement, la victimisation ou la judiciarisation, ce que n’ont pas à vivre ceux d’entre nous qui jouissent d’une situation privilégiée.
Les coûts humains, sanitaires et sociaux de la pauvreté s’élèvent à environ 80 milliards de dollars par année. Ils sont exacerbés par les conséquences qu’a la pauvreté sur le système de santé, le système pénal, les systèmes d’aide sociale et l’économie du pays.
Ces coûts ne sont pas inévitables. Les mesures de soutien mises en place dans le contexte de la COVID-19 — en particulier la Prestation canadienne d’urgence — ont permis de réduire la pauvreté de moitié pendant la pandémie. Le Canada a la capacité d’éliminer la pauvreté, mais les personnes qui auraient le pouvoir de changer les choses choisissent de ne pas agir.
L’objectif déclaré du projet de loi C-78 est d’alléger le coût de la vie pour certains, mais il n’a pas été conçu pour ceux qui en ont le plus besoin. Le premier ministre affirme qu’il est conçu pour « les Canadiens de la classe moyenne qui travaillent dur ». Il s’agit là d’un changement radical de politique de la part d’un gouvernement qui, au début de son mandat, a clairement indiqué que le rôle du gouvernement est d’aider ceux qui sont laissés pour compte, ce qui était attendu depuis longtemps et a été bien reçu.
Le projet de loi C-78 propose un congé de deux mois de la TPS ou de la TVH sur certains articles. Si l’on ajoute à l’annonce simultanée du gouvernement d’offrir des chèques uniques de 250 $ aux personnes dont le revenu d’emploi est inférieur à 150 000 $ par an, on arrive à un coût de plus de 6 milliards de dollars. C’est bien plus que ce qui serait nécessaire pour couvrir le coût annuel net d’un revenu de subsistance garanti, une approche qui pourrait commencer à générer des milliards d’économies en aval, améliorer la santé, prévenir la criminalité, permettre aux gens de sortir de la pauvreté et de l’itinérance, et créer des choix et de l’espoir.
Au Comité des finances nationales, les témoins n’ont pas mâché leurs mots lorsqu’il a été question de la valeur du projet de loi C-78 en ce qui concerne la sécurité et les besoins économiques.
Au lieu d’adopter le projet de loi C-78, David Macdonald, du Centre canadien de politiques alternatives, propose d’augmenter les mesures existantes de type revenu de base, telles que le crédit d’impôt pour la TPS ou l’Allocation canadienne pour enfants. Il a déclaré :
Nous avons déjà des programmes de revenu de base destinés à certains groupes précis [...] Comment pouvons-nous les modifier pour les améliorer, en particulier pour cibler les gens les plus pauvres et tenter de réduire réellement les taux de pauvreté?
Dans son témoignage, Sylvain Charlebois, expert en sécurité alimentaire et professeur à la Faculté de gestion de l’Université Dalhousie, a déclaré :
Au lieu d’envoyer simplement des chèques et de soumettre l’économie à un afflux de capitaux temporaires, il serait plus important de stabiliser l’économie en fournissant aux ménages qui en ont besoin une source de revenus constante et prévisible. Je préfèrerais certainement envisager un revenu minimum garanti.
Pourquoi le revenu minimum garanti pour les personnes en situation de pauvreté est-il considéré comme trop cher, alors que le Canada peut se permettre de payer deux fois plus pour des prestations minuscules et ponctuelles destinées aux personnes ayant des revenus plus élevés?
Pourquoi, par la voie du projet de loi C-78, le gouvernement choisit-il d’alimenter les discours qui présentent la fiscalité équitable et progressive comme une cause d’insécurité économique plutôt que comme un moyen de financer les programmes dont nous avons besoin pour y remédier?
En présentant le projet de loi comme récompensant ceux qui « travaillent fort » et qui « travaillent dur pour faire partie de la classe moyenne », le gouvernement alimente des mythes et des stéréotypes nuisibles selon lesquels la pauvreté peut être simplement surmontée par l’ardeur au travail. Nous savons, notamment grâce à des recherches menées par l’Université de la Colombie-Britannique, que le fait de naviguer dans la pauvreté — essayer de prendre soin de soi et de sa famille avec beaucoup trop peu ou de ne pas savoir si on aura un toit au-dessus de sa tête le soir venu — peut être une charge mentale trop lourde à porter.
La pauvreté n’est pas un test que doivent passer les plus méritants. C’est un piège cruel, épuisant et empreint de jugement, qui est alimenté par des inégalités systémiques et qui doit être corrigé par des solutions systémiques.
Pourquoi ce projet de loi semble-t-il se complaire à prétendre le contraire? Pourquoi, alors que tant de personnes peinent à se loger et à se nourrir convenablement, le projet de loi C-78 se concentre-t-il sur les personnes à revenu moyen plutôt que sur celles qui sont le plus démunies?
Chers collègues, en cette période des Fêtes, le projet de loi C-78 abandonnera les gens à leur sort. Nous savons que réduire la pauvreté permet d’économiser de l’argent et de créer des sociétés plus saines, plus sûres, plus justes et plus inclusives, ce qui profite à tous. Nous savons ce qu’il faut faire pour aider les plus démunis à échapper à la pauvreté. Nous disposons des ressources, des outils et de l’ingéniosité nécessaires pour apporter des solutions significatives, telles qu’un revenu de subsistance garanti.
En cette période de l’année, je dois à nouveau nous demander à tous et à chacun de réfléchir et de réclamer de l’action.
Meegwetch. Merci.
Chers collègues, je suis heureux de prendre la parole au sujet du projet de loi C-78, qui propose un congé de taxe ponctuel de deux mois.
Permettez-moi tout d’abord de souligner un constat partagé par une très grande majorité : personne ne remet en question le fait que les Canadiennes et Canadiens ont souffert ces derniers mois des effets de l’inflation, particulièrement les plus vulnérables de notre société.
Les factures de chauffage ont grimpé en flèche, tout comme le coût du panier d’épicerie. Que l’on soit locataire ou propriétaire, se loger est devenu nettement plus coûteux. Dans ce contexte, l’intention du gouvernement d’offrir un répit aux contribuables est louable. Malheureusement, un congé de taxe de 5 % pendant deux mois sur une liste limitée de produits n’est pas une mesure structurante susceptible d’avoir un effet important sur les ménages.
En mars, lorsque cette mesure prendra fin, les coûts des biens essentiels, comme le logement, le chauffage, l’alimentation et les vêtements, resteront tout aussi élevés.
En outre, comme l’a souligné le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, les détaillants, manufacturiers et restaurateurs pourraient absorber cet avantage en augmentant leurs prix. Il a déclaré ceci :
Ce n’est pas clair non plus que l’entièreté du bénéfice va aller au consommateur. C’est possible qu’une partie demeure avec les producteurs. Il pourrait y avoir moins de baisses de prix que prévu.
Le professeur Sylvain Charlebois, en témoignant devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales, a rappelé un précédent similaire : lorsque le gouvernement Harper avait réduit la TPS de 7 % à 5 % de façon permanente, l’effet pour les consommateurs avait été atténué.
Les témoignages recueillis au Comité des finances ont également mis en lumière le fait que la réduction temporaire d’une taxe est l’une des pires approches pour aider les citoyens. D’une part, cela crée une lourde charge administrative pour les commerçants. Ils devront reprogrammer leurs systèmes de point de vente deux fois en deux mois; il s’agit d’une tâche coûteuse, alors qu’ils se remettent à peine de la pandémie. D’autre part, un congé de taxes ne cible pas les personnes qui en ont véritablement besoin.
Certes, les familles à faible revenu apprécieront une réduction sur les couches, par exemple, mais de manière générale, plus une personne consomme, plus elle bénéficiera de cette mesure. Par ailleurs, le professeur Luc Godbout a expliqué que les 20 % des ménages les plus riches dépensent trois fois plus au restaurant que les 20 % les plus pauvres. Ainsi, cette aide devient régressive. De facto, ceux qui ont le moins besoin d’aide en recevront davantage.
Alors que des milliers d’enfants ne mangent pas à leur faim et que les refuges débordent, un rabais de 5 % sur les consoles de jeux vidéo, les bouteilles de vin ou la bière semble être une mauvaise priorité.
Plutôt que d’adopter cette mesure compliquée et mal ciblée, le gouvernement aurait pu privilégier des outils existants, comme le crédit de TPS, qui vise réellement les contribuables à revenu modeste. Ce dispositif est déjà en place et aurait simplement pu être bonifié, à l’image de l’Allocation famille au Québec, qui est augmentée à la rentrée pour l’achat de fournitures scolaires. Cette solution présente un avantage supplémentaire en ce sens qu’elle permet aux bénéficiaires de décider comment utiliser cette aide sans obligation de consommer. D’autres mesures pourraient consister à rembourser une carte de crédit, payer les factures de chauffage ou acheter des médicaments.
Enfin, je tiens à rappeler les propos du professeur Luc Godbout, qui a dénoncé le caractère improvisé de cette politique publique. Permettez-moi de le citer :
[...] on rappelle que le gouvernement fédéral n’a toujours pas présenté de mise à jour économique. S’il peut être acceptable, dans certaines situations, qu’une politique fiscale aggrave les déficits, par exemple en voulant lutter contre les changements climatiques au nom de l’équité intergénérationnelle, ce n’est manifestement pas le cas en accordant un congé de TPS sur les boissons gazeuses ou les croustilles.
Les raisons soulevées auraient dû suffire à renoncer à un tel projet, et en deux mots, je vous dirais que le congé de TPS et de TVH est de la mauvaise politique fiscale.
En conclusion, je ne voudrais pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Je suis convaincu que les Canadiennes et Canadiens ont besoin d’un répit après les épreuves qu’ils ont traversées, certains et certaines plus que d’autres. Toutefois, en m’appuyant sur mes valeurs les plus profondes et dans le contexte budgétaire actuel, à mon humble avis, les fonds publics doivent servir à soutenir les Canadiennes et les Canadiens les plus fragilisés économiquement. J’aurais souhaité des mesures mieux ciblées et plus structurantes pour les aider, comme ce fut le cas avec le renforcement de la Loi sur la concurrence, visant à réduire les prix grâce à un marché plus compétitif. Malheureusement, le projet de loi C-78 ne s’inscrit pas dans cette logique.
Merci.
Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole sur le projet de loi C-78, Loi concernant l’allègement temporaire du coût de la vie (abordabilité).
En guise d’introduction, je vais commencer par les conclusions et observations du Comité sénatorial permanent des finances nationales dans son vingtième rapport portant sur son étude du projet de loi C-78. Je cite :
Votre comité est d’accord, en principe, avec les objectifs prévus du projet de loi C-78 visant à « mettre plus d’argent dans les poches des Canadiens » pour les aider à faire face au coût de la vie.
Toutefois, le comité estime que cette mesure risque de ne pas améliorer la situation de ceux qui ont des enjeux d’abordabilité. Le comité a entendu le témoignage concernant le fardeau administratif qui reposera sur certaines petites et moyennes entreprises, comme l’ont mentionné les représentants d’un éventail d’associations d’entreprises et des fiscalistes. En outre, aucune province ou entreprise n’auraient été officiellement consultées à propos des changements fiscaux proposés.
Le comité porte à l’attention du gouvernement le témoignage au comité soulignant que le projet de loi C-78 ne répond pas adéquatement aux besoins des Canadiens qui ont du mal à se procurer des produits de première nécessité, notamment de la nourriture et un abri.
Autrement dit, le comité a observé une inadéquation entre l’objectif poursuivi par le projet de loi et l’outil privilégié, soit un congé de TPS pendant deux mois.
Avant toute chose, chers collègues, permettez-moi de souligner de quelle façon ce projet de loi a été adopté à l’autre endroit. Les règles habituelles ont été suspendues par deux motions de clôture. À cet égard, voici comme le député conservateur John Nater, de Perth—Wellington, a présenté les choses :
Ce qui est intéressant au sujet de la motion no 43, c’est qu’il s’agit d’une motion de guillotine qui a elle-même été guillotinée par une motion de guillotine. Il s’agit d’une motion visant à imposer la clôture à l’égard d’une motion visant à imposer la clôture et à mettre fin au débat.
À la fin du débat, le Président a déclaré que le projet de loi avait été adopté de cette manière, que ce projet de loi était « réputé renvoyé » à un comité plénier, « réputé étudié » en comité plénier, « réputé avoir fait l’objet d’un rapport » sans amendement, « réputé adopté » à l’étape du rapport et « réputé lu une troisième fois et adopté ».
Autrement dit, l’étude de ce projet de loi a été menée de façon improvisée, les débats ont été bousculés, les députés muselés, et aucun témoin n’a été entendu.
Je suis heureux que notre étude de ce projet de loi soit plus sérieuse et digne de nos façons de faire habituelles. En ce sens, l’importance de notre rôle de second examen objectif n’en est que décuplée. Notre Comité sénatorial permanent des finances nationales a fait un travail remarquable en très peu de temps pour organiser ses travaux. D’ailleurs, outre l’équipe merveilleuse qui soutient notre comité et à qui j’exprime ma profonde gratitude, je veux remercier les membres du comité, soit mes collègues les sénateurs, qui ont fait un travail vraiment studieux et méthodique. Mes remerciements vont aussi à tous les témoins qui sont venus généreusement offrir leur point de vue à ce comité.
Un éditorial paru dans le Globe and Mail de ce samedi sur les travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales se concluait de façon fort intéressante :
Cette semaine, les sénateurs qui siègent au Comité des finances nationales ont rendu service à la population en posant leurs questions avec calme et minutie.
Le travail du comité a permis de soulever de nombreux problèmes. En fait, il y a tellement de problèmes avec ce projet de loi que je pourrais vous en parler pendant plusieurs heures. Je vais donc devoir me discipliner et aller à l’essentiel.
Je peux tout de même vous mentionner les aspects problématiques du projet de loi que je n’aborderai pas dans mon allocution par manque de temps. Je vais vous donner la liste de ce dont je ne parlerai pas. Je ne vous parlerai pas de l’absence de consultations avec les provinces, de l’absence d’un énoncé économique au moment où l’on votera sur le projet de loi, de l’incidence du projet de loi sur la dette du Canada, des effets inflationnistes de la mesure et des risques d’augmenter les prix à la consommation.
Voici les autres éléments dont je ne parlerai pas, soit la disparité entre les provinces, les coûts pour les provinces, les ententes entre celles-ci et le gouvernement fédéral, les retombées fiscales réelles ou imaginaires de la mesure, la discrimination entre les objets de culte des différentes religions, les risques d’erreur pour les commerçants dans le codage des articles détaxés, et par conséquent les risques de se trouver en défaut devant l’Agence du revenu du Canada, le tout sur deux années financières distinctes, les coûts et impacts particuliers pour le Québec, les effets contre-productifs du projet de loi ni la lourdeur pour les commerçants.
Enfin, je ne mentionnerai pas non plus les problèmes avec l’Agence du revenu du Canada en ce qui a trait au manque de ressources pour administrer la mesure et répondre aux commerçants qui ne s’y retrouveront pas, l’incidence pour les provinces ni la renonciation ou non des provinces ayant une taxe harmonisée à la compensation qu’elles auraient le droit de recevoir du gouvernement fédéral, montant estimé par le directeur parlementaire du budget à 1,3 milliard de dollars, qui pourrait s’ajouter si, effectivement, il n’y a pas de renonciation.
Une fois ces 16 failles problématiques du projet de loi C-78 écartées de mon discours, il m’en restera 16 autres à aborder dans le cadre de mon intervention.
D’abord, voyons quel est l’objectif de ce projet de loi. Lors de son témoignage le 4 décembre dernier, la ministre Freeland l’a présenté ainsi :
L’inflation ralentit et les taux d’intérêt diminuent, mais nous savons que la vie est encore difficile pour les Canadiens et les Canadiennes. C’est pourquoi c’est le moment de leur donner un coup de pouce. Notre gouvernement ne peut pas fixer les prix à la caisse, mais nous pouvons mettre plus d’argent dans les poches des Canadiennes et des Canadiens pour les aider à acheter ce dont ils ont besoin et à économiser pour les choses qu’ils ont envie d’acheter.
Essentiellement, l’objectif du projet de loi est donc de mettre plus d’argent dans les poches des citoyens pendant deux mois, ce qui représente la durée de vie de la mesure fiscale prévue dans le projet de loi C-78.
En regard de cet objectif noble, le sénateur Forest s’est interrogé sur la pertinence de cette mesure.