Aller au contenu

Le Code criminel

Adoption de la motion d'amendement

10 février 2021


L’honorable Pamela Wallin [ + ]

Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-7, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à nouveau, à l’article 1 :

a) à la page 3, par adjonction, après la ligne 15, de ce qui suit :

« (3.1) Le sous-alinéa 241.2(3)b)(ii) de la même loi est remplacé par ce qui suit :

(ii) a été datée et signée avant que la personne ait été avisée par un médecin ou un infirmier praticien qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables ou après qu’elle en a été avisée; »;

b) à la page 4, par substitution, aux lignes 12 à 15, de ce qui suit :

« (ii) a été datée et signée avant que la personne ait été avisée par un médecin ou un infirmier praticien qu’elle est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables ou après qu’elle en a été avisée; »;

c) à la page 5 :

(i) par substitution, à la ligne 26, de ce qui suit :

« (3.2) Pour l’application des paragraphes (3) et (3.1), le médecin ou »,

(ii) par substitution, à la ligne 28, de ce qui suit :

« vue aux alinéas (3)h) ou (3.1)k), administrer une substance à la per- »;

(iii) par substitution, à la ligne 36, de ce qui suit :

« sauvegarde prévues aux paragraphes (3) ou (3.1) avaient été ».

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Débat.

L’honorable Paula Simons [ + ]

Honorables sénateurs, ma mère était une femme belle et brillante, avec une passion pour les grandes œuvres littéraires, la haute couture et le bridge réplique. Elle désapprouvait toute forme de sentimentalisme, alors j’espère qu’elle me pardonnera, là où elle est, si j’avoue que je suis toujours hantée par le souvenir du jour où je l’ai amenée à son examen neurocognitif fatidique, le jour où le spécialiste a formulé le sombre diagnostic : la maladie d’Alzheimer.

La réponse de ma mère a été simple. Elle a demandé l’aide médicale à mourir, mais, bien sûr, elle était à la fois en avance et en retard. Sa mort n’était pas encore imminente. Ses souffrances allaient un jour devenir graves et irrémédiables, mais elles ne l’étaient pas encore. En même temps, elle avait déjà perdu en grande partie sa capacité de prendre elle-même ses décisions médicales.

Son histoire tragique montre pourquoi les directives anticipées sont un élément de l’aide médicale à mourir que nous devons bien comprendre. On ne peut pas exercer son autonomie ni protéger sa dignité si l’on ne peut pas choisir soi-même le moment de sa mort pendant qu’on a encore la capacité de le faire. Nous devons donner aux Canadiens la possibilité de donner leur consentement anticipé libre et éclairé quand vient le temps de prendre des décisions de fin de vie.

Un tel concept n’est ni nouveau ni radical. Des directives anticipées, ou des directives personnelles, comme on les appelle en Alberta, sont bien établies dans le droit provincial sur la santé. Voici un extrait de la décision que la Cour d’appel de l’Ontario a rendue en 1991 dans l’affaire Fleming c. Reid :

Un patient peut faire connaître à l’avance son refus de consentir à un traitement proposé, en prévision de la possibilité qu’il soit inconscient ou autrement frappé d’incapacité et donc incapable d’exprimer à ce moment-là ses souhaits concernant une forme particulière de traitement médical. Un médecin ne peut pas faire abstraction de ces instructions préalables, même en cas d’urgence. Le droit du patient de renoncer à un traitement, en l’absence d’un intérêt social prépondérant, a préséance sur l’obligation du médecin de fournir des soins médicaux.

Le cadre juridique, soit le modèle, est déjà en place. L’élargir pour y inclure les démences dégénératives est à la fois logique et humain et donnerait une certaine tranquillité d’esprit aux personnes confrontées à un diagnostic de démence, ou à la perspective d’un tel diagnostic. Par surcroît, cette inclusion protégerait également leur droit, inscrit dans la Charte, à l’égalité de traitement devant la loi, indépendamment de toute déficience physique ou mentale.

Je peux vous dire qu’au fil des ans, il a été terrible de voir ma fière et élégante mère perdre sa capacité à lire et à écrire, à s’habiller et à reconnaître ses amis les plus anciens et les plus chers.

En juillet dernier, après des mois de confinement en raison de la pandémie, au cours desquels nous ne pouvions lui rendre visite qu’en demeurant à une certaine distance — ce qu’elle ne comprenait vraiment pas —, ma mère s’est fracturé la hanche. Aux urgences, le médecin a été franc. Il n’y avait aucun moyen pour elle de se remettre de sa blessure. Le médecin m’a donc présenté deux choix terribles : ne pas traiter sa hanche brisée, lui donner beaucoup de morphine et l’envoyer finir ses jours dans un centre de soins palliatifs. Je lui ai demandé si on allait lui donner quelque chose pour faciliter son décès, mais on m’a répondu que non. Ma mère n’était toujours pas admissible à un traitement humain comme l’aide médicale à mourir.

Le médecin m’a dit que la seule option serait de couper toute nourriture et tout liquide et de la laisser mourir de déshydratation et de faim. Oh, et à cause de la COVID-19, je ne serais pas autorisée à rester à ses côtés. Je devrais lui dire adieu à ce moment-là, aux urgences, et la laisser mourir toute seule, dans la douleur et terrorisée.

L’autre choix n’était guère mieux : le stress physique et le traumatisme d’une opération majeure et la douleur après un remplacement de hanche sans véritable chance de remarcher un jour. Pourtant, sur le coup, cette option semblait être le choix le moins mauvais. Était-ce la bonne décision? Je ne sais pas.

Ce que je sais, c’est que ma mère a souffert à l’hôpital pendant plus d’un mois, dans l’agonie, la peur et une fureur terrible, incapable de comprendre pourquoi elle se trouvait là ni pourquoi je ne la ramenais pas à la maison. Toutes ces journées interminables, j’ai été témoin de la torture et des tourments qu’elle a vécus. J’ai écouté ses hurlements incessants. Elle était complètement vulnérable.

C’était mon rôle de la protéger. J’ai échoué.

Elle a fini par cesser de manger et de boire. Je ne peux pas vous dire si c’était une réaction instinctive ou un choix conscient. Nous avons pris la décision de ne pas la gaver à l’aide d’une sonde d’alimentation. L’hôpital l’a déplacée dans une chambre individuelle et tranquille, et il a ajouté un lit afin que je puisse dormir à ses côtés.

Mon frère et moi étions tous les deux à son chevet lors de son décès. Au fil des heures, son départ a enfin été apaisé par de généreuses doses d’hydromorphone.

Ma mère aurait détesté ce discours. Elle l’aurait trouvé manipulateur et d’une sensiblerie sans nom, en plus de le qualifier d’invasion flagrante de sa vie privée. Cela dit, si ce qu’elle a vécu peut, d’une quelconque façon, vous aider et aider le gouvernement à comprendre la sagesse de l’idée sensée et empreinte de compassion de la sénatrice Wallin, je ne m’en excuserai pas, même pas auprès d’elle.

J’ai laissé tomber ma mère au moment où elle avait le plus besoin de moi. Nous ne devons pas laisser tomber les Canadiens maintenant. Par pitié, ne pouvons-nous pas offrir de meilleurs choix aux Canadiens et le droit de prendre leurs propres décisions lorsqu’ils peuvent toujours le faire? Merci. Hiy hiy.

L’honorable Jane Cordy [ + ]

Je remercie grandement les sénatrices Wallin et Simons, qui ont parlé d’un sujet qui suscite beaucoup d’émotion et qui soulève les passions chez ceux qui se penchent sur toute la question de la démence. La démence est effectivement une maladie difficile et émotionnelle avec laquelle de nombreuses familles doivent composer chaque jour. Il est extrêmement triste de voir un être cher ne pas reconnaître les personnes qui s’occupent de lui et l’aiment. Je pense que bon nombre d’entre nous, qui participent sur place ou par Zoom à la séance d’aujourd’hui, ont déjà vu des êtres chers perdre contact avec la réalité.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-7 traite des cas comme celui d’Audrey Parker. Mme Parker était atteinte d’une forme avancée de cancer du sein, qui s’accompagnait de métastases cérébrales. Elle était admissible à l’aide médicale à mourir. Cependant, il y avait un fort risque que le cancer du cerveau nuise à sa capacité de donner son consentement avant la date où elle souhaitait recevoir l’aide médicale à mourir.

Audrey Parker a donc obtenu l’aide médicale à mourir des mois avant la date qu’elle aurait choisie. Le projet de loi C-7 autorise les demandes anticipées quand une personne est déjà admissible à l’aide médicale à mourir, ce qui n’était pas le cas du projet de loi C-14.

Or, honorables sénateurs, l’amendement proposé autorise des directives anticipées après le diagnostic d’une maladie, mais avant qu’une personne soit admissible à l’aide médicale à mourir. Cela signifie que ces directives seraient autorisées alors que la personne n’est pas encore admissible à cette aide.

Honorables sénateurs, Jennifer Gibson, professeure de bioéthique à l’Université de Toronto, s’inquiète du fait que le gros du débat public sur les directives anticipées a été simplifié et est axée sur la maladie d’Alzheimer. Les formes de démence sont variées et comportent de nombreux stades qui ont une incidence sur la souffrance et la capacité de consentement. La professeure Gibson estime qu’il existe des différences importantes entre les enjeux et qu’il faut tenir compte des incertitudes liées à la démence et au consentement.

Honorables sénateurs, je poserais les questions suivantes : quels sont les enjeux importants qui doivent être examinés? Quelles sont les incertitudes importantes qui doivent être prises en compte? Je ne connais pas la réponse à ces questions. De plus, quels critères devraient être utilisés pour autoriser les directives anticipées? Quelles mesures de sauvegarde faudrait-il mettre en place si nous autorisons les directives anticipées?

Honorables sénateurs, je ne connais pas non plus les réponses à ces questions.

Honorables sénateurs, le Comité des affaires juridiques n’a pas examiné ni évalué les directives anticipées dans le cadre de son étude du projet de loi C-7. Le comité n’a entendu aucun témoin à propos des directives anticipées. En effet, personne n’a pu répondre à des questions ou exposer son opinion sur les directives anticipées au sein du comité. Honorables sénateurs, je ne peux pas voter en faveur d’un amendement qui modifie autant le projet de loi C-7. Je ne peux pas voter en faveur d’un amendement qui propose des changements n’ayant pas fait l’objet d’un débat au comité et dont l’essence n’a jamais été discutée avant aujourd’hui par rapport à ce projet de loi.

Les sénateurs ont la responsabilité d’écouter tous les points de vue d’une question. Nous sommes en présence d’une question très émotive, d’autant plus qu’il s’agit d’une question de vie ou de mort. Il nous incombe de recevoir des témoins en comité qui exprimeront leur accord ou leur désaccord avec une mesure législative comme le projet de loi C-7.

La légalisation des directives anticipées est une question complexe qui exige un examen approfondi en comité. Cela n’a pas été fait.

Honorables sénateurs, nous n’avons pas réuni les éléments de preuve qui pourraient nous guider sur cet amendement, du moins qui pourraient me guider. Nous avons la responsabilité d’effectuer un second examen objectif lors de l’étude d’une mesure législative ou d’un amendement. Je n’appuierai pas cet amendement. Merci.

L’honorable Kim Pate [ + ]

Honorables sénateurs, comme les sénatrices Wallin et Simons, et comme tant d’autres dans cette enceinte et hors de cette enceinte, je parle à titre de membre d’une famille, de fille et de petite-fille d’êtres aimés morts après avoir souffert pendant des années de démence. Personnellement, j’aimerais pouvoir donner des directives anticipées. Je dois dire que cela s’explique en partie par le privilège dont je bénéficie en ce moment.

Lors des audiences du Comité des affaires juridiques, un témoin a dit du projet de loi C-7 qu’il était conçu pour ceux qui se sentent bien, mais sont inquiets, qui sont aisés et blancs. L’amendement proposé élargit l’aide médicale à mourir non liée à la fin de vie de sorte qu’il donnera probablement plus de droits et de choix aux personnes les plus privilégiées, celles les plus susceptibles de disposer des ressources financières et des autres ressources nécessaires à la mise en place de directives préalables. Je crains que cela ne fasse que renforcer les discriminations fondées sur les capacités physiques, en particulier chez les plus marginalisés, notamment, en raison de la classe sociale ou de la race.

Le projet de loi C-7 permet le consentement préalable dans le cadre de l’aide médicale à mourir pour s’épargner une mort douloureuse. Cet amendement élargirait la portée du projet de loi pour permettre de consentir préalablement à recevoir l’aide médicale à mourir plutôt que de devoir vivre avec des souffrances débilitantes.

Lorsque la ministre Qualtrough a comparu devant le Comité des affaires juridiques, l’automne dernier, elle a non seulement parlé de ses responsabilités ministérielles concernant le projet de loi C-7, mais elle nous a également parlé de sa propre expérience :

Chaque jour, nous, les Canadiens et Canadiennes en situation de handicap, entendons des commentaires du genre « Je ne pourrais jamais vivre comme ça ». « Je préférerais être mort plutôt que de vivre comme ça », « Comment pouvez-vous vivre de cette façon? ». Nous sommes confrontés à la stigmatisation, aux stéréotypes et à l’ignorance. C’est la toile de fond de ces conversations.

Des organisations de personnes handicapées nous ont mis au défi de réfléchir à la mesure dans laquelle notre compréhension de la souffrance des autres est façonnée par le capacitisme, la discrimination systémique et l’exclusion.

Cela fait près de 40 ans que je travaille avec certaines des personnes les plus marginalisées, victimisées, criminalisées et institutionnalisées, et en leur nom. Aujourd’hui, un quart des détenus fédéraux sont des personnes âgées. Beaucoup d’entre eux souffrent de maladies chroniques et ne représentent aucun danger pour la sécurité publique, mais on ne les laisse pas sortir de prison pour obtenir les soins dont ils ont besoin dans la collectivité.

De nombreux prisonniers sont atteints de démence et vivent dans des conditions qui s’apparentent à l’isolement cellulaire. Imaginons pour un moment la situation d’une personne qui est confrontée à la perspective de perdre ses capacités cognitives en prison, qui doit s’inquiéter de devoir passer le restant de ses jours seule, probablement terrifiée et dans des conditions qui équivalent à de la torture.

Trop souvent, en rendant visite à des proches atteints de démence dans des foyers de soins de longue durée, j’étais affolée de constater que les conditions dans ces foyers évoquent l’isolement social et psychologique.

La COVID-19 a certainement détruit toute illusion possible quant à la pertinence du système actuel de soins de longue durée, particulièrement des résidences à but lucratif, comme régime auquel il est possible de confier en toute quiétude les personnes qui nous sont chères au moment où elles sont le plus vulnérables et où elles ont le plus besoin de soins.

De nombreuses personnes qui ne sont pas en fin de vie et qui envisagent l’aide médicale à mourir aux termes du projet de loi C-7 se heurtent à des coûts exorbitants et à l’indisponibilité des soins à domicile et dans la communauté et doivent donc composer avec l’autre possibilité, soit une vie dans ce système totalement inadéquat d’établissements de soins de longue durée.

Le Canada continue d’accuser un retard par rapport aux autres pays en matière de soins de longue durée, de soins de santé et de services sociaux. Il y consacre un pourcentage de son PIB considérablement inférieur à la moyenne parmi les pays de l’OCDE. Fait peu étonnant, les Pays-Bas, qui y consacrent le plus grand pourcentage de leur PIB, sont également le premier pays à avoir créé des programmes tels que des villages conçus pour les personnes atteintes de démence ou d’autres maladies neurodégénératives, où sont offertes des options plus humaines axées sur la communauté.

Comment pouvons-nous justifier que notre priorité consiste à étendre à certains le droit aux directives anticipées sans mettre l’accent de façon aussi nette sur la nécessité de faire en sorte que les systèmes de soutien en matière de santé, de services sociaux, de logement et de revenu respectent les normes associées à la prestation de soins adéquats et humains pour tous?

Voilà donc, honorables collègues, un autre de mes dilemmes. Meegwetch, merci.

Honorable sénatrice Wallin, je vous remercie de l’amendement que vous avez présenté aujourd’hui, qui est la continuité du souhait que vous avez fait pour qu’une déclaration en vue de demander l’aide médicale à mourir soit effectuée avant même qu’une personne soit atteinte d’un problème de santé grave et incurable. Si je me souviens bien, vous avez déjà, à deux reprises, interpellé la Chambre sur cet enjeu essentiel. Aujourd’hui, je tiens à souligner la constance et l’importance de votre travail sur cette question.

J’aimerais consacrer le temps qui m’est alloué aujourd’hui à souligner la grande complexité de cette question à titre d’objet de législation fédérale.

Il est question ici d’une situation où une personne capable de prendre des décisions énonce par écrit son souhait de recevoir l’aide médicale à mourir dans le futur si des circonstances précises lui causant une souffrance intolérable surviennent alors qu’elle a perdu sa capacité décisionnelle.

La question est complexe et nécessiterait des mesures de sauvegarde à au moins deux moments distincts. Premièrement, le moment où la personne prépare le document énonçant son souhait de recevoir l’aide médicale à mourir dans le futur et, deuxièmement, le moment où le médecin administre l’aide médicale à mourir pour mettre un terme à la vie de cette personne parce que les conditions précisées dans le document sont réunies.

Or, l’amendement ne prévoit aucune mesure de sauvegarde lorsqu’un consentement écrit est donné avant la réception d’un diagnostic admissible.

L’amendement ne traite pas non plus des complexités qui risquent de survenir lorsque les lois provinciales et territoriales seraient harmonisées pour tenir compte des demandes anticipées. Par exemple, la demande anticipée requiert la participation d’un mandataire, tel qu’un membre de la famille.

Comme la personne n’aurait plus la capacité de prendre des décisions en matière de soins de santé pour elle-même, il incomberait évidemment à d’autres personnes de déterminer à quel moment et de quelle façon il convient d’invoquer la demande anticipée et de contacter le prestataire de l’AMM. Les lois provinciales peuvent également exiger que les demandes anticipées soient conservées dans un registre, afin que les praticiens puissent y accéder et soient en mesure de s’assurer qu’elles sont à jour. Les dimensions pratiques sont réglementées par les provinces et les territoires. Bien sûr, ce ne sont là que quelques exemples des complexités et des détails qui doivent, à mon avis, être soigneusement examinés avant d’aller de l’avant. Comme vous le savez, l’étude approfondie et l’étude préalable du comité sur le projet de loi C-7 n’ont pas porté sur les demandes anticipées, puisqu’elles ne font pas partie du projet de loi C-7.

Oui, c’est vrai, quelques témoins ont fait des observations sur les demandes anticipées. Le professeur Raphael Cohen-Almagor, de l’Université de Hull, au Royaume-Uni, a déclaré ceci au comité au sujet des directives anticipées :

Il faut les examiner soigneusement. J’ai vu au moins 60 versions différentes de directives anticipées, allant de souples à générales — comme « je veux mourir quand je ne reconnaîtrai plus mes enfants » —, en passant par très détaillées.

Le professeur Cohen-Almagor a souligné un autre problème pratique :

[...] nous devons être conscients des changements qui s’opèrent dans l’esprit des patients à mesure que leur maladie progresse.

En effet, un patient atteint de démence pourrait dire qu’il souhaite une chose à un stade de la maladie, puis changer d’idée à un stade ultérieur. Un praticien devrait-il respecter la directive anticipée si le patient souhaite quelque chose de très différent maintenant? Il s’agit de questions très importantes et légitimes.

Le rapport du Conseil des académies canadiennes sur les demandes anticipées souligne aussi de nombreux éléments complexes liés aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir. La majorité des experts, des praticiens et des intervenants consultés sur cette question précise au cours de la table ronde organisée par le gouvernement en février 2020 ont recommandé que l’on examine plus en profondeur ce type de demandes anticipées dans le cadre de l’examen parlementaire sur le régime d’aide médicale à mourir exigé par l’ancien projet de loi C-14.

Comme plusieurs d’entre vous, honorables sénateurs, j’attends avec impatience que cet examen parlementaire soit lancé.

Je crois que les décisions de politique qui touchent les demandes anticipées doivent prendre appui sur de telles études approfondies et exhaustives qui tiennent compte de la multitude de détails dans le but de protéger les Canadiens et de veiller à ce qu’ils aient accès aux meilleurs soins possible. C’est pourquoi, sénatrice Wallin, je ne peux pas appuyer votre amendement même si je suis d’accord avec votre intention.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

J’ai une question à poser à la sénatrice Petitclerc.

L’honorable Lucie Moncion (Son Honneur la Présidente suppléante) [ + ]

Il n’y a plus de temps au chronomètre. Nous devons passer au sénateur Gold.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais commencer par exprimer mon admiration pour la sénatrice Wallin et pour tout ce qu’elle apporte au présent débat. Sénatrice, vous êtes dévouée et réfléchie. Vous faites preuve d’un raisonnement judicieux dans la manière dont vous défendez cette cause. Vos arguments et vos présentations sont profondément enracinés dans les valeurs fondamentales qui nous définissent en tant que Canadiens, qui définissent la Charte ainsi que notre droit à la vie, notre droit de prendre nos propres décisions concernant notre vie, et notre droit d’être traités avec le même respect et la même attention. C’est pourquoi votre histoire et celles de tant d’autres Canadiens me touchent personnellement. Merci. Cependant, je dois admettre que je suis d’accord avec la sénatrice Petitclerc; je ne peux pas appuyer l’amendement que vous proposez.

Comme d’autres l’ont expliqué, cette question est très complexe. Votre amendement exige des études beaucoup plus approfondies afin de mettre en place toutes les mesures adéquates pour protéger les plus vulnérables. Des changements de cette ampleur dans le processus de l’aide médicale à mourir doivent se faire avec une grande précaution de manière à ce que nous ayons l’assurance que la loi protège les Canadiens en fin de vie.

Au-delà des questions de politiques que l’amendement pourrait présenter, j’ai de sérieuses réserves concernant cette façon de procéder, et ce, non seulement à titre de représentant du gouvernement, mais aussi en tant que sénateur. Pendant les travaux du comité et du Sénat, il a souvent été dit que les modifications même mineures à l’aide médicale à mourir ne pouvaient pas être faites à la hâte. C’est pourquoi malgré l’échéance de décembre qu’avait imposée la cour, nous avons insisté collectivement pour nous acquitter de notre tâche de façon responsable. C’est pour cela que j’ai passé plusieurs mois à rappeler à des collègues du gouvernement, à l’autre endroit, que le Sénat insisterait pour étudier le projet de loi C‑7 avec toute l’attention voulue, puisque c’est notre travail. C’est ce que nous faisons, avec tout le sérieux nécessaire.

À mon avis, l’adoption de l’amendement de la sénatrice Wallin serait tout simplement incompatible avec l’examen attentif et sérieux auquel le Sénat a soumis le projet de loi C‑7 jusqu’ici. Nous n’avons pas évalué suffisamment les répercussions que pourrait avoir cette proposition. Il serait irresponsable — je le dis respectueusement, car je suis ému et touché — d’intégrer l’amendement proposé au projet de loi C‑7.

Pour faire une analogie, imaginons un instant que je présente, en tant que représentant du gouvernement, un projet de loi d’initiative ministérielle qui élargit l’accès à l’aide médicale à mourir en permettant la demande anticipée, sans avoir mis en place un processus transparent de consultation, de discussion ou de demande d’informations auprès de spécialistes, et sans avoir renvoyé le projet de loi à un comité pour étude. Imaginons que je demande simplement au Sénat d’adopter les modifications en un jour, sans mener d’étude ou d’examen.

Nous savons quelle serait votre réponse : un refus catégorique, et avec raison. Le Sénat insisterait pour mener un second examen objectif. Cet amendement, son importance et le poids des conséquences s’il était adopté sont assez considérables pour mériter une étude et un examen.

Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a passé d’innombrables heures à étudier le libellé et le contenu du projet de loi C‑7 et a entendu plus de 100 témoins. Il a procédé ainsi parce qu’il s’agit d’aide médicale à mourir et que chaque mot du projet de loi compte. C’est une question de vie ou de mort. Le comité ne s’est pas attardé à la demande anticipée tout simplement parce qu’il n’en est pas question dans le projet de loi. En fait, l’étude préalable du comité, qui compte 36 pages, n’aborde même pas la question.

La proposition d’amendement de la sénatrice Wallin inclurait une nouvelle composante majeure dans le processus d’aide médicale à mourir de façon improvisée. Ces changements n’ont pas fait l’objet de recherches, d’un examen ou d’une étude en comité parlementaire, que ce soit à la Chambre ou au Sénat. Encore une fois, en tout respect, j’estime qu’il serait tout simplement imprudent d’adopter cet amendement, et je vous demande donc de le rejeter.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Sénatrice Wallin, j’aimerais vous remercier de vos efforts soutenus dans ce dossier. J’appuie votre amendement. J’ai été étonnée de voir à quel point les expériences familiales de bon nombre de nos collègues ont contribué à orienter notre point de vue sur cette question. J’ai été frappée par les similitudes entre mon expérience familiale et celle de la sénatrice Simons, et je ne pourrais pas faire preuve du même courage qu’elle a démontré aujourd’hui en racontant cette expérience sans avoir la gorge nouée par les sanglots.

J’aimerais surtout parler des aspects techniques relatifs à cet amendement, mais en ce qui a trait à mon expérience familiale, j’aimerais dire que ma mère a souffert pendant près de 30 ans d’une forme de démence qui s’est aggravée à un point tel où, quelques années seulement après le début de sa maladie, elle était incapable de faire ce genre de demande. Elle est morte bien avant que l’aide médicale à mourir ne devienne une réalité au Canada. Elle a subi un grave accident vasculaire cérébral, et selon le diagnostic, elle n’allait jamais s’en remettre, et on ne pourrait la maintenir en vie qu’en l’alimentant avec une sonde.

Ma famille a fait tout ce qu’il fallait. J’aidais moi-même ma mère lorsqu’elle possédait encore la capacité de consentir à des traitements. J’ai fourni des directives anticipées concernant son testament biologique; je lui ai prodigué des soins personnels; je me suis assuré que mon frère et moi comprenions bien sa volonté et que sa volonté soit communiquée au médecin traitant et aux autres professionnels de la santé. Selon la directive anticipée de ma mère, le personnel soignant ne devait pas déployer des efforts héroïques pour la maintenir en vie si son état en venait à trop se détériorer. Elle avait consigné un certain nombre d’exigences, dont elle s’est d’ailleurs acquittée au moment de son décès.

Chaque province et chaque territoire a mis en place des cadres législatif et réglementaire qui permettent d’établir des directives anticipées concernant les soins personnels, ainsi que de rédiger des testaments biologiques qui décrivent les attentes. Il existait des mesures législatives sur le consentement à des traitements et sur la manière dont ce consentement doit être analysé et traité bien avant qu’un débat national s’organise autour de l’aide médicale à mourir, ainsi que sur la capacité de consentir et le règlement des différends en la matière.

L’amendement de la sénatrice Wallin s’appuie sur toutes les lois existantes dans notre pays. C’est une façon de dire que les directives anticipées peuvent dire — et je vais parler au nom de mon frère et en mon propre nom, nous qui vérifions tous les deux régulièrement l’état de nos capacités cognitives, car nous sommes conscients des particularités de notre patrimoine génétique — que je ne veux pas d’intervention en pareilles circonstances. Je veux mourir.

Cependant, le dilemme, en ce qui concerne l’aide médicale à mourir, c’est de pouvoir juger du recours à l’aide médicale à mourir par comparaison à ce qu’a fait ma mère, qui a demandé à se faire retirer la perfusion saline et à côté de qui je suis restée assise pendant 14 jours pendant qu’elle mourait de faim et de soif. Personne ne dirait que cette méthode est appropriée et nous voudrions tous trouver une meilleure façon de procéder. Pourquoi puis-je insister pour obtenir les conditions qui mèneront à ma mort dans la douleur et l’angoisse, mais pas pour recevoir l’aide médicale à mourir? À mon avis, cela n’a aucun sens.

La sénatrice Wallin a soulevé cette question à maintes reprises et nous avons tous entendu les débats à ce sujet. Je suis désolée que le comité n’ait pas examiné ces questions lorsque quelques témoins les ont soulevées. C’est vrai.

Sénatrice Cordy et sénateur Gold, je comprends ce que vous dites, mais ce qui pose problème est le refus catégorique du gouvernement de procéder aux examens que nous avions demandés — nous avions également discuté de ce sujet en profondeur dans le cadre du projet de loi C-14, tout comme nous avions discuté de la maladie mentale, tout comme nous avions discuté des mineurs matures... Pour toutes les raisons que nous avons entendues, les études n’ont pas été menées, et le gouvernement demande aux gens d’attendre encore deux, trois ou quatre ans, alors que le système qui leur permettrait de donner des directives anticipées pour recevoir l’aide médicale à mourir existe déjà. Les amendements de la sénatrice Wallin prévoient simplement des mesures de sauvegarde concernant le moment où la directive doit être signée, soit avant un diagnostic de déficience cognitive ou de démence.

Je comprends que des sénateurs souhaitent consacrer plus de temps à la question. Nous avons eu de nombreuses occasions d’en discuter au cours des cinq dernières années, et la sénatrice Wallin en a parlé. Il y a eu des débats. Très franchement, beaucoup d’entre nous ont fait des recherches sur le sujet, car il est particulièrement intéressant pour nous d’entendre des professionnels, des régulateurs et les différents gouvernements provinciaux...

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénatrice Lankin, je suis désolée. Votre temps de parole est écoulé.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Je suis d’accord avec la sénatrice Wallin : 80 % des Canadiens estiment que la loi devrait s’orienter vers le recours aux directives anticipées. Ce qui me pose problème avec l’amendement, c’est que, pour ce faire, il ne fait qu’ajouter les mots « avant que », ce qui, j’en ai bien peur, est insuffisant pour nous permettre d’atteindre cet objectif.

Jusqu’à présent, les trois pays qui ont autorisé les directives anticipées, soit la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg, soulignent de nombreuses considérations et options politiques qui sont en jeu.

Aux Pays-Bas, les tribunaux sont actuellement saisis du régime d’aide médicale à mourir. Ils cherchent à déterminer si les directives anticipées peuvent être utilisées pour administrer l’aide médicale à mourir aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.

En Belgique, contrairement aux Pays-Bas, les directives anticipées sont valides uniquement pour les personnes inconscientes au moment d’administrer l’aide médicale à mourir. Par conséquent, les personnes atteintes d’un trouble qui affecte leurs capacités décisionnelles, comme la démence, ne peuvent pas avoir recours aux directives anticipées pour demander l’euthanasie à une date ultérieure, soit quand elles ne seront plus capables de prendre des décisions. De plus, la directive est valide seulement cinq ans, mais elle peut être renouvelée.

Au Luxembourg, les directives anticipées sont réservées aux personnes inconscientes. Contrairement à la Belgique, elles ne sont pas limitées dans le temps, mais, tous les cinq ans, un organisme central du gouvernement vérifie auprès de la personne qui l’a signée si elle souhaite toujours la conserver dans le système.

Aux termes du projet de loi C-7, si cet amendement est adopté et que les autres exigences du projet de loi C-7 ne sont pas modifiées, une personne devra être consciente pour obtenir l’aide médicale à mourir. Il me semble que cela soulève quelques questions. Les directives anticipées seront-elles admises si une personne est inconsciente au moment de lui administrer l’aide à mourir? Y aura-t-il un formulaire à remplir? Ce formulaire sera-t-il le même partout au pays ou les provinces utiliseront-elles leur propre formulaire? Les directives anticipées comprendront-elles une échéance, comme en Belgique ou au Luxembourg? Une autorité nationale ou provinciale sera-t-elle chargée de reconfirmer les volontés des personnes tous les cinq ans comme au Luxembourg?

Nous n’avons obtenu la réponse à aucune de ces questions durant l’examen du projet de loi C-7. Contrairement à la question de la maladie mentale, que pratiquement tous les groupes de témoins ont abordée, on n’a généralement pas discuté des directives anticipées.

En réponse à une question posée par le sénateur Boisvenu sur les directives anticipées et la possibilité de les mettre en place au moyen du projet de loi C-7, Me Danielle Chalifoux, de l’Institut de planification des soins du Québec, a déclaré ce qui suit :

Au Québec, notre groupe d’experts a présenté au gouvernement un rapport qui comporte un régime complet sur les demandes anticipées. Nous avons étudié tous les aspects de ces demandes. Cela pourrait très bien inspirer également le législateur fédéral. [...]

[...] au Québec, le groupe d’experts qui a étudié la question propose un régime complet pour les demandes anticipées. On est allé vraiment dans le détail et on espère que de concert avec le gouvernement fédéral, parce que cela ne peut pas se faire à l’initiative exclusive d’une province, le projet de loi pourrait éventuellement l’inclure.

Me Chalifoux ajoute ce qui suit :

[...] c’est un problème extrêmement complexe. Cela demande de mettre sur pied tout un régime de demandes ou de formulaires, d’assurer le consentement libre et éclairé; quand cela surviendra-t-il? Est-ce que la personne peut avoir l’aide médicale à mourir quand elle sera totalement inapte? Qu’est-ce que cela veut dire exactement? Est-ce qu’on prendra l’avis de la famille? Comment cela s’articulera-t-il? Il s’agit là de beaucoup de données que nous avons étudiées dans notre rapport et qui ne pourraient pas s’appliquer simplement avec un article court énonçant qu’il y a renoncement au consentement final. Selon moi, ce serait d’ailleurs ne pas rendre service aux citoyens de le faire sans garantie ni sauvegarde, car c’est un sujet extrêmement délicat aussi.

Malheureusement pour nous, aujourd’hui, ces questions n’ont pas fait l’objet d’un débat au sein du comité, et je dois conclure qu’il serait prématuré, comme le disait le sénateur Gold, et peut-être même irréfléchi d’adopter ces deux petits mots lourds de signification. Je souhaite cependant que le sénateur Gold fasse pression auprès du gouvernement pour que le comité, qui devait être mis sur pied depuis un an pour faire une révision complète du projet de loi C-14, soit créé au cours des semaines à venir, afin que le travail puisse enfin se faire.

Merci.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu [ + ]

Honorables sénateurs, j’appuie l’amendement que propose ma collègue. J’ai soumis hier un amendement qui ressemblait un peu à celui-ci, mais qui a été rejeté.

Le projet de loi C-7 offre une perspective un peu hypocrite aux personnes qui souffrent de maladies dégénératives. On leur dit à la fois qu’elles sont admissibles à l’aide médicale à mourir, mais qu’elles ne peuvent faire de demande anticipée. Comment une personne qui souffre d’une maladie dégénérative peut-elle faire une demande d’aide médicale à mourir et exercer ses droits sans que ce soit une demande préalable? C’est comme si on disait à cette personne qu’on lui octroie un permis de conduire, mais qu’on ne lui donne pas l’autorisation de monter à bord de son véhicule. Le projet de loi C-7 se résume à peu près ainsi.

Des dizaines de personnes m’ont contacté ce matin, et ce sont des gens qui ont reçu un diagnostic. Or, ces personnes ont l’impression que le Sénat les a laissées tomber et qu’il n’a pas été à l’écoute de la douleur qu’elles vivent tous les jours.

Grâce à une demande anticipée, ces personnes vivraient sereinement jusqu’au niveau 5 de leur maladie, soit l’étape où elles perdent complètement le contact avec la réalité et où la famille ou le médecin, en vertu de l’autorité donnée au préalable par un patient, procéderaient à mettre fin à leurs jours.

Comme je l’ai dit hier, nous avons la clé pour faire en sorte que ces personnes ne soient pas enfermées dans leurs souffrances inévitables. Lorsqu’on oblige ces patients à rester dans un état de souffrance, on fait de même pour leur famille. En effet, les souffrances du patient touchent également les personnes qui l’entourent et tout le noyau familial.

On a échoué en 2016 à venir en aide à ces personnes, et on s’apprête à échouer encore une fois en 2021.

Je ne crois pas que, dans deux ans, le gouvernement aura terminé sa réflexion sur la maladie mentale, étant donné que le dossier est trop complexe. Pourtant, le dossier n’est pas complexe aux yeux des gens qui souffrent de maladie dégénérative, parce que la loi stipule qu’ils ont ce droit. Cependant, la loi ne mentionne pas la façon dont ce droit va s’exercer.

Je crois que l’amendement de la sénatrice Wallin permet d’exposer la manière dont ce droit s’exercera. Je tiens à répéter ceci : en 2021, nous n’avons pas le droit d’échouer une deuxième fois face à des gens qui veulent exercer ce droit. Merci.

L’honorable Claude Carignan [ + ]

J’aimerais d’abord dire que j’ai un penchant favorable pour les directives médicales anticipées. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai voté en faveur de l’amendement du sénateur Boisvenu hier, pour que le gouvernement se voie forcé à se pencher rapidement sur la question. Je voulais contribuer à lui donner une petite poussée.

Plusieurs ont fait référence au fait que, nous avons adopté le projet de loi C-14, nous avons réclamé une étude sur les directives médicales anticipées, les mineurs émancipés et la question de la maladie mentale. Toutefois, le gouvernement n’a pas fait ses devoirs. C’était aussi une recommandation du comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, qui avait étudié cette question et a recommandé de faire une étude plus approfondie sur ces questions.

Malheureusement, cela n’a pas été fait. Malheureusement aussi, lors de l’étude du projet de loi C-7, nous n’avons pas traité de la façon de procéder avec les directives médicales anticipées. Le sujet n’a pas fait l’objet d’études, sauf peut-être le témoignage que le sénateur Dalphond a cité. Je crois que c’est le seul passage qui parlait plus spécifiquement des directives médicales anticipées, en plus des questions de mon collègue le sénateur Boisvenu, mais on n’a pas fait le tour de la question.

Cela m’a justement amené à réfléchir sur cette question. Nous avons tous notre petite histoire personnelle. Dans mon cas, c’est ma mère qui est actuellement atteinte d’alzheimer. J’ai souvent entendu ma mère prier pour mourir. À chacune de mes visites, je vois la lumière qui s’éteint davantage dans ses yeux. La dernière fois, elle me reconnaissait à peine. Quoi qu’il en soit, j’imagine mal comment ma mère, avec son sourire habituel, verrait un médecin qui arriverait, du jour au lendemain, pour lui administrer l’aide médicale à mourir.

Je pense qu’on doit réfléchir à la question, parce que, lorsqu’une personne n’a pas la capacité à consentir à la fin de sa vie, cela soulève de sérieuses questions éthiques. Même si j’ai un penchant favorable pour les directives médicales anticipées, j’invite les gens à voter contre cet amendement. Il faudrait presque pousser le gouvernement actuel et le supplier de remplir l’engagement qu’il a fait de mettre très vite une procédure en place, en collaboration avec les provinces.

Puisque le Québec est déjà assez avancé en la matière, il pourra partager son expérience avec les provinces et le gouvernement fédéral, afin qu’un système de directives anticipées soit mis en place pour ceux qui auront fait connaître les conditions dans lesquelles ils veulent quitter ce monde. Merci.

La sénatrice Bellemare [ + ]

Cette question des directives anticipées est plutôt bouleversante et me rend émotive également, car, tout comme vous et vos amis d’un certain âge, je me dis qu’il serait bien d’avoir la possibilité de faire ces demandes.

Par ailleurs, je crois que le projet de loi C-7 ne porte pas sur cette question et qu’on ne nous a pas donné le mandat de l’étudier. Même si je suis très favorable aux directives médicales anticipées, je préférerais que l’on poursuive notre réflexion.

De mon côté, j’ai moi aussi vécu des expériences personnelles qui m’ont fait réfléchir sur la question des directives médicales anticipées. Mon père a souffert de démence et il est maintenant décédé. Lorsqu’il s’est mis à beaucoup souffrir dans son centre de soins de longue durée, on lui a administré des calmants, comme la morphine, et il est, à la fin, parti tout doucement et très rapidement.

Au même moment, quand j’allais lui rendre visite, je voyais l’image troublante de deux personnes qui étaient atteintes d’alzheimer et qui éclairaient cette unité de soins de leur sourire. Pendant qu’ils étaient là, ils étaient tombés amoureux l’un de l’autre. Même si leurs conjoints allaient les voir, ces deux personnes ne se souvenaient plus du tout d’eux. Ils semblaient tellement heureux dans leur univers. Finalement, quand le premier est parti, l’autre est décédé deux semaines plus tard.

Je sais que ces personnes ne souffraient pas, et c’est peut-être la clé, mais il n’en demeure pas moins que la réflexion reste à faire et qu’elle est complexe. On peut toujours se dire que ce n’est qu’un amendement au Code criminel et laisser aux provinces le soin d’y réfléchir. Néanmoins, il m’apparaît très clair que cette question ne figure pas dans le projet de loi C-7 et, en raison de cela, on augmente considérablement la portée du projet de loi.

Pour ces raisons, je n’appuierai pas l’amendement de la sénatrice Wallin, et ce, même si je suis tout à fait d’accord pour qu’il soit étudié et que j’aurais tendance à l’appuyer. Merci.

L’honorable Jim Munson [ + ]

Je n’allais pas intervenir au sujet de cet amendement particulier, mais parfois le débat revêt une grande importance. De temps en temps, après 17 ans de présence dans cette enceinte, je pense parfois que le Sénat doit prendre l’initiative et forcer le débat.

Cet après-midi au commencement du débat, je pensais m’abstenir en raison des arguments avancés au sujet de cette initiative concernant une directive préalable. Chacun parle de son expérience et j’en ai une moi aussi, mais il ne serait pas utile que je raconte l’histoire de ma mère et de mon père ici aujourd’hui. Quoi qu’il en soit, j’ai été ému par l’intervention de la sénatrice Simons et par sa façon d’aborder cet enjeu.

Le problème ne se trouve pas dans la mesure législative en particulier, le projet de loi C-7, mais il y a eu suffisamment de discussions dans cette enceinte et à l’autre endroit pour affirmer qu’il faut parfois faire preuve de courage. Si nous adoptons cet amendement, il devra être renvoyé à l’autre endroit, et qui sait ce que les députés en diront? Sur ce, et sans entrer dans les complexités de la question, nous disons parfois « J’ai de l’empathie, mais... » ou « Je suis vraiment désolé pour vous, mais... ». Toutefois, maintenant, j’interviens pour dire que je soutiendrai cet amendement. Merci.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Je voulais poser une question à la sénatrice Wallin, mais comme notre temps est compté, je vais l’exprimer autrement.

Il me semble que les discussions qui ont eu cours dans le cadre des délibérations sur le projet de loi C-7 ont porté sur l’article qui prévoit la renonciation au consentement final, soit le paragraphe 3.2 de l’article modificatif 1, en vertu duquel la renonciation au consentement final est réservée aux situations où la mort est raisonnablement prévisible. Donc, on a choisi expressément, sûrement pas par hasard ni de façon inconsciente, de ne pas accorder à une personne qui n’est pas dans une situation de mort raisonnablement prévisible — dont la mort n’est donc pas prévisible — la possibilité de renoncer au consentement final si, avant de perdre la capacité à consentir, cette personne a conclu une entente avec le médecin qui lui administrerait l’aide médicale à mourir.

La discussion au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a porté sur cet ajout qui est proposé dans le projet de loi C-7. Je crois que le dilemme dans lequel nous nous trouvons a trait au fait que... Je veux, moi aussi, faire référence au rapport du groupe d’experts québécois qui s’intitule L’aide médicale à mourir pour les personnes en situation d’inaptitude : le juste équilibre entre le droit à l’autodétermination, la compassion et la prudence, qui compte plus de 150 pages. C’est la raison pour laquelle j’avais insisté pour que Me Chalifoux comparaisse devant notre comité. Elle nous a fait part, et le sénateur Dalphond y a fait référence tout à l’heure, des recommandations du groupe d’experts. Il s’agit d’une question extrêmement complexe et l’amendement de la sénatrice Wallin dont nous sommes saisis, à mon avis, traite de deux choses. Il aurait très bien pu ne traiter que d’un élément, pour faire en sorte que la renonciation au consentement final soit offerte ou soit une possibilité, peu importe que la mort soit prévisible ou non, dans le cas de personnes qui éprouvent des souffrances graves, irrémédiables et intolérables. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion d’amendement veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion et qui sont sur place veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion et qui sont sur place veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

À mon avis, les non l’emportent. Je vois deux sénateurs se lever.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

La sonnerie retentira pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 17 h 48. Convoquez les sénateurs.

La sénatrice Pate [ + ]

J’aimerais expliquer les motifs de mon abstention, Votre Honneur.

Honorables sénateurs, je me suis abstenue en faisant fi de mes opinions personnelles, car je trouve irresponsable d’étendre la portée d’une mesure législative aux privilégiés de la société sans d’abord nous assurer que le financement consacré à la santé, aux mesures sociales, au logement et au soutien économique est adéquat et qu’il existe des normes garantissant que tous les Canadiens, mais plus particulièrement les personnes pauvres, racisées et handicapées, ont eux aussi accès à un vrai choix.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Je vous remercie, sénatrice Pate.

L’honorable Colin Deacon [ + ]

Honorables sénateurs, je suis en faveur des directives anticipées, mais je demeure convaincu qu’il faut étudier la question davantage afin d’atténuer les risques et d’éviter les dérapages. Plus tard, je pourrai les appuyer avec plaisir.

L’honorable Patricia Bovey [ + ]

Honorables sénateurs, je tenais à dire que je me suis abstenue pour exactement les mêmes raisons que le sénateur Deacon de la Nouvelle-Écosse. Je vous remercie.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Je me suis abstenue parce que je ne voulais pas empêcher que la proposition puisse être adoptée. Je suis en faveur des directives anticipées avant l’établissement d’un diagnostic, mais je ne veux pas donner au gouvernement la possibilité de rejeter l’amendement sur l’exclusion de la maladie mentale dans la réponse de la Chambre des communes que nous allons recevoir. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, conformément à l’ordre adopté le 8 février 2021, je dois suspendre la séance pendant une heure. Nous reprendrons à 19 h 8.

Haut de page