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La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat

6 février 2024


Honorables sénatrices et sénateurs, c’est un privilège d’être de retour dans cette Chambre aujourd’hui et de prendre la parole pour donner mon appui au projet de loi C-252, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (interdiction — publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants), qui vise l’interdiction de la publicité d’aliments et de boissons destinée aux enfants. Tout d’abord, je remercie notre collègue la sénatrice Dasko d’avoir accepté de faire avancer ce dossier important au Sénat.

Aujourd’hui, dans mon intervention, j’aimerais mettre en lumière les raisons pour lesquelles ce projet de loi est essentiel, selon moi, et revenir sur certains mythes entourant sa portée.

Commençons par une idée sur laquelle nous pouvons tous nous entendre, je crois : le Canada traverse une crise d’obésité juvénile. Les enfants sont exposés à la publicité comme jamais auparavant. Ils sont vulnérables. Nous avons la responsabilité de veiller sur les plus vulnérables et nous devons donc examiner cet important projet de loi.

Nous faisons face à une épidémie d’obésité infantile et juvénile depuis plusieurs années déjà. Elle est réelle, elle est documentée et il faut se pencher sur ce dossier. On ne le répétera jamais assez : un enfant canadien sur trois est maintenant en surpoids ou obèse. C’est trois fois plus qu’il y a 30 ans, et cela représente 1,6 million d’enfants canadiens.

On n’arrive pas à faire diminuer ce nombre, et ces enfants sont plus à risque, à un plus jeune âge, de développer plusieurs problèmes de santé chroniques, qui pourraient être évités et qui pourraient les suivre à l’âge adulte. L’Organisation mondiale de la santé fait un lien direct entre l’obésité infantile et juvénile et la publicité liée à la malbouffe.

Selon des données de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada, chaque année, 1,1 milliard de dollars ont été dépensés au Canada spécifiquement pour la publicité d’aliments et de boissons visant les enfants. On s’entend pour dire que ce n’est qu’une petite partie du budget global en matière de publicité au Canada, mais il s’agit d’une partie très ciblée. De plus, l’impact de l’exposition des enfants à la publicité est majeur. Ces annonces sont de plus en plus sophistiquées et interactives et elles encouragent, pour la plupart, la consommation de nourriture riche en sel, en sucre et en gras.

Santé Canada nous a appris qu’en 2019, les enfants et les adolescents âgés de 2 à 17 ans ont vu, en moyenne, près de cinq publicités alimentaires par jour, pour un total de 1 700 publicités sur des aliments et des boissons qui sont diffusées à la télévision. Permettez-moi de faire une déduction toute simple là-dessus : si autant d’argent est investi, c’est parce que ça marche; cela fonctionne. Si vous avez des jeunes autour de vous, vous n’avez pas besoin de grandes données scientifiques : vous avez sûrement déjà vu des enfants soudés à une tablette ou à un téléphone, en train d’absorber à grande vitesse une tonne de publicités.

Comme nous pouvons le constater, les enfants sont exposés à la publicité comme jamais auparavant en raison de toute la technologie et des médias numériques dont nous disposons. Du lever au coucher, ils baignent dans la publicité. Les annonceurs font toujours preuve d’ingéniosité quand il s’agit de joindre les enfants et les adolescents dans leurs environnements réel et virtuel.

Cependant, nous savons que ces publicités ne sont pas là uniquement pour les divertir. Elles sont conçues pour influencer nos enfants et leur donner le goût de consommer. Nous savons que les enfants sont influençables. Les experts l’ont démontré à maintes reprises. Leur cerveau est encore en développement et, jusqu’à l’âge de 12 ans, ils n’ont pas les compétences nécessaires pour se rendre compte des entourloupettes publicitaires.

Ils n’ont donc pas cette capacité de faire la distinction entre l’information et la promotion — d’où leur vulnérabilité. Le Québec reconnaît ce fait depuis 1980. Pionnière, elle est toujours la seule province où la loi bannit la publicité de tout bien ou service ciblant des enfants de moins de 13 ans. Même s’il a fallu attendre jusqu’en 1989 pour que la Cour suprême reconnaisse la constitutionnalité de ces restrictions, il est reconnu que la loi québécoise est une mesure de protection efficace.

Par ailleurs, en vertu des exceptions prévues dans la législation québécoise, les publicités commerciales sont encore possibles sur les emballages de produits, ainsi que dans les vitrines et les présentoirs des magasins.

L’industrie exploite à fond cette lacune, et cela pose un problème. Plusieurs organismes, parmi lesquels le Collectif Vital, qui était connu auparavant sous le nom de Coalition Poids, nous ont dit que le projet de loi C-252 viendrait combler cette faille.

En dehors du Québec, les publicités destinées aux moins de 13 ans sont encadrées par un système d’autorégulation de l’industrie, dont la plus récente mesure est la publication en 2021 du Code et guide des pratiques responsables en matière de publicité sur les aliments et les boissons destinée aux enfants. Je salue cet effort, bien entendu, mais nous devons rester lucides. Comme l’a mentionné la sénatrice Dasko, les codes d’autoréglementation, ici et ailleurs dans le monde, n’ont eu aucun effet positif démontré.

Il faut noter également que ce projet de loi n’est pas une initiative en vase clos. Elle s’ajoute aux initiatives de la Stratégie en matière de saine alimentation, comme l’interdiction des gras trans industriels dans les aliments vendus au Canada en 2018, le Guide alimentaire canadien modernisé en 2019 ou encore la mise à jour de la réglementation sur l’étiquetage des produits alimentaires en 2022.

Comme vous pouvez le constater, honorables sénateurs, ce projet de loi est une des pièces importantes qui manquent à ces efforts visant à permettre aux Canadiens de faire des choix sains et mieux éclairés.

Évidemment, c’est là qu’intervient le projet de loi C-252, qui vise à établir des règles partout au Canada afin de protéger nos enfants et de veiller à ce qu’ils puissent grandir en santé et faire de bons choix alimentaires sans subir de pressions inutiles.

Chers collègues, permettez-moi de préciser ce que ce projet de loi ne fera pas. Premièrement, le projet de loi C-252 ne porte pas atteinte à la liberté de l’industrie d’annoncer ses produits. Ce projet de loi vise à trouver un équilibre. Il y aura toujours un droit à la libre entreprise, et les entreprises conserveront le droit de faire de la publicité. Vous conviendrez cependant que cette publicité ne devrait jamais se faire au détriment du bien-être de nos enfants.

Deuxièmement, ce projet de loi ne nuira pas à l’industrie de la publicité. Des études montrent que la publicité destinée aux enfants ne représente qu’une petite partie du budget global des entreprises. Si on se fie à l’expérience québécoise, les entreprises peuvent être à la fois prospères et éthiques tout en protégeant nos enfants.

De plus, les restrictions prévues dans le projet de loi C-252 ne rendront pas moins compétitives les entreprises canadiennes qui exportent leurs produits. Bien sûr, chaque marché a ses exigences réglementaires, peu importe le produit; de plus, les entreprises ont l’habitude et savent comment s’y conformer.

Enfin, ce projet de loi ne limitera pas la participation des enfants aux activités sportives et n’aura aucun impact négatif sur le sport communautaire. Les restrictions qui existent au Québec depuis 1980 n’ont pas empêché cette province de développer et de maintenir un milieu du sport communautaire dynamique et sain. Il est utile de préciser que le projet de loi se concentre sur les aliments, et non sur les marques. Les entreprises commanditaires d’une équipe ou d’un événement auront toujours la possibilité d’afficher leur nom sur les chandails ou les bannières publicitaires de l’événement. Un programme connu comme celui des Timbits de Tim Hortons pourra continuer d’exister. En revanche, les entreprises ne pourraient pas offrir gratuitement des produits, des échantillons d’aliments ou des bons de réduction, ce qui me semble tout à fait raisonnable.

Chers collègues, l’objectif du projet de loi est de limiter la publicité destinée aux enfants. Cet objectif peut être atteint assez facilement dans le cas des émissions de télévision. Vous conviendrez que ces émissions sont souvent remplies de publicités pour des collations sucrées ou salées, de la malbouffe et des boissons sucrées. Ces publicités télévisées ont un effet direct sur ce que nos enfants veulent manger, ce qui peut conduire à l’obésité infantile. Ce projet de loi dit simplement qu’il faut réduire les publicités pour ces aliments malsains pendant les émissions pour enfants. C’est simple, c’est logique.

À mon avis, c’est la limitation de la publicité sur toutes les plateformes qui s’avérera difficile, car il est vrai que les enfants et les adolescents naviguent davantage sur le Web qu’ils ne regardent la télévision. Qu’en est-il des influenceurs des médias sociaux? Ils sont partout de nos jours et peuvent avoir une incidence et une influence réelles sur nos enfants. Le comité doit prêter attention à la probabilité que les annonceurs se concentrent surtout sur les médias sociaux, les youtubeurs et d’autres influenceurs une fois que le projet de loi C-252 aura force de loi.

Permettez-moi de vous rappeler que les parents — et je m’inclus dans ce groupe — ont besoin de soutien pour protéger les enfants contre les tactiques publicitaires agressives. Le moment est venu pour le gouvernement d’agir, afin d’appuyer les parents qui essaient de faire de bons choix. Soyons clairs : il ne s’agit pas ici d’ingérence, d’interventionnisme ou de contrôle de l’État.

Il s’agit de mettre les enfants au centre de nos priorités et de prendre les moyens nécessaires pour que tous les enfants soient sur un pied d’égalité au départ. L’idée est de se demander comment on peut créer un Canada où, peu importe qui ils sont, d’où ils viennent et les obstacles et les barrières auxquels ils font face, tous les enfants ont une chance égale de réaliser leur potentiel et leurs rêves. Comme on l’a fait avec la prestation dentaire, comme on veut le faire le projet de loi C-35 pour créer un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants véritablement accessible, abordable et inclusif.

Soyons francs : avec l’adoption de ce projet de loi, nous rattrapons à peine le reste du monde et sommes loin d’être des pionniers. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, la Norvège et la Suède, ont déjà mis en place des règles sur la publicité destinée aux enfants, et les résultats sont constructifs et positifs. Les enfants de ces pays sont exposés à moins de publicités faisant la promotion de produits malsains, ce qui a permis d’améliorer la santé publique.

On le sait, ce projet de loi ne réglera pas tout. La réalité, c’est que la principale cause du surpoids et de l’obésité infantile vient d’un déséquilibre énergétique entre les calories consommées et les calories dépensées. Il restera beaucoup de travail à faire. La malbouffe et son marketing ne représentent qu’une facette du problème, et l’activité physique est un autre défi qu’il faudra relever. Enfin, si nous arrivons en plus à éloigner nos enfants de leurs écrans, honorables sénateurs, nous serons sur la bonne voie.

Honorables sénateurs, il est temps pour nous tous de faire ce qui s’impose en appuyant ce projet de loi pour nos enfants, qui méritent une enfance à l’abri de l’exposition constante à la publicité. Alors que nous revenons d’une pause bien méritée, j’espère que ce projet de loi recevra l’attention qu’il mérite. Travaillons ensemble pour protéger l’innocence des enfants, pour promouvoir leur santé et pour nous assurer qu’ils grandissent dans un monde qui se préoccupe de leur bien-être.

Meegwetch. Merci.

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