Aller au contenu

Question de privilège

2 avril 2019


Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, plus tôt aujourd’hui, le sénateur Tkachuk a donné un préavis écrit et verbal annonçant qu’il allait soulever une question de privilège conformément à l’article 13-3 du Règlement. Conformément à l’article 13-5(1) du Règlement, je donne maintenant la parole au sénateur Tkachuk.

L’honorable David Tkachuk [ + ]

Honorables sénateurs, l’article 13-1 du Règlement du Sénat dit ceci :

Une atteinte aux privilèges d’un seul sénateur cause un préjudice à tous les sénateurs et entrave le fonctionnement du Sénat. Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Sénateurs, nous prenons cette règle au sérieux, à juste titre. Nous prenons aussi au sérieux l’inviolabilité de nos délibérations à huis clos. Comme l’ouvrage de Beauchesne l’indique clairement, la publication des délibérations ou des rapports d’un comité qui siège à huis clos constitue une atteinte au privilège.

Les sénateurs qui siègent au Comité des transports en sont bien conscients. Ils savent que les délibérations à huis clos doivent se poursuivre à huis clos, et ils en sont particulièrement conscients parce que le comité a discuté tout récemment de la possibilité de rendre publiques les délibérations à huis clos de leur réunion du 19 février. Même si la motion en ce sens était généralement appuyée par les sénateurs présents, certains sénateurs qui ont assisté aux délibérations à huis clos n’étaient pas là pour accorder leur consentement. Finalement, comme ces sénateurs n’avaient pas donné leur consentement, les délibérations se sont poursuivies à huis clos.

Certains sénateurs étaient insatisfaits, mais comme la greffière et d’autres l’ont expliqué, il faut suivre les règles.

La sénatrice Simons, qui était présente à cette réunion, savait que les délibérations devaient demeurer à huis clos. Pourtant, elle a tout de même jugé approprié de publier sur Twitter et Facebook des portions de notre discussion à huis clos concernant les déplacements relatifs à l’étude du projet de loi C-48. Comme je l’ai fait dans ma lettre au greffier, permettez-moi de décrire plus en détail ce que la sénatrice a écrit. Sur Twitter, premièrement, elle a d’abord publié :

En descendant de l’avion, j’ai vu de vives allégations en ligne selon lesquelles j’aurais trahi l’Alberta au sujet du projet de loi C-48 et voté contre le déplacement du comité. Ce n’est pas tout à fait vrai. Permettez-moi de vous dire ce qui s’est réellement passé.

En guise d’explication, elle écrit ensuite :

Les conservateurs ont proposé que nous nous rendions en Norvège, aux Pays-Bas, en Alaska et au Golfe du Mexique. Un tel voyage aurait coûté bien au-dessus de 1 million de dollars, et je m’y suis opposée. J’estime qu’il s’agit de dépenses injustifiables. Je n’oserais pas demander aux contribuables de payer cela.

Elle poursuit en disant :

Ensuite, les conservateurs ont suggéré que nous nous rendions à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Encore une fois, je ne voyais pas en quoi cela aurait été pertinent pour obtenir de l’information sur une interdiction des pétroliers sur la côte Ouest.

Dans le gazouillis suivant, la sénatrice écrit :

Certains des autres membres du comité ont répliqué en proposant de visiter Prince Rupert et Terrace, où nous pourrions entendre des arguments en faveur de l’interdiction des pétroliers et voir la région en question. [...]

Toutes les discussions mentionnées dans ces gazouillis ont eu lieu à huis clos et n’auraient jamais dû être révélées publiquement.

De plus, la sénatrice Simons ne s’est pas limitée à Twitter pour révéler le contenu des délibérations à huis clos. En effet, elle a publié un long message sur Facebook, où, au sujet de la même discussion qui a eu lieu le 19 février, elle a écrit ceci :

Certains membres du comité avaient ce qu’on pourrait appeler des visions de déplacement très ambitieuses. En revenant de la pause, nous nous sommes retrouvés avec une proposition concernant un grand voyage à l’étranger, avec des escales en Norvège, aux Pays-Bas, au golfe du Mexique et en Alaska. J’étais d’avis que ce serait une utilisation très douteuse de notre temps et de notre argent. Je me suis opposée fermement à ce plan. D’autres membres du comité se sont demandés s’il était même nécessaire de nous déplacer. Ils ont fait valoir que nous pourrions entendre tous les témoins à Ottawa ou par vidéoconférence. Comme les membres du comité ne s’étaient jamais déplacés, ils ne voyaient aucune raison, aucune justification pour se déplacer. D’autres membres, dont moi-même, ont cherché un compromis. Pour nous, il était logique de nous rendre sur la côte en question et d’entendre les personnes les plus directement touchées — des personnes qui, autrement, n’auraient peut-être pas l’occasion de faire entendre leur voix.

Cette partie de son message sur Facebook correspond à la publication de délibérations du comité qui ont eu lieu à huis clos entre sénateurs.

La sénatrice Simons semble penser que tous les sénateurs ont le devoir de préserver le privilège du Sénat sauf elle. Je dis cela parce qu’elle indique très clairement pourquoi elle estimait nécessaire de ne pas respecter le caractère sacré des délibérations à huis clos. Comme elle l’a écrit, quand elle est descendue de l’avion, elle a appris que certaines personnes disaient qu’elle avait trahi l’Alberta. Son image à elle l’a alors emporté sur tout intérêt qu’elle aurait pu avoir pour les privilèges des autres sénateurs. Le pire par rapport à cette situation est que les autres sénateurs ne peuvent se défendre sans trahir la confidentialité des délibérations à huis clos en question.

Le gazouillis de la sénatrice Simons mentionné précédemment me gêne particulièrement :

Les conservateurs ont proposé que nous nous rendions en Norvège, aux Pays-Bas, en Alaska et au golfe du Mexique. Un tel voyage aurait coûté bien au-dessus de 1 million de dollars, et je m’y suis opposée. J’estime qu’il s’agit de dépenses injustifiables. Je n’oserais pas demander aux contribuables de payer cela.

Ces propos donnent l’impression, d’une part, que les conservateurs étaient prêts à dépenser sans penser l’argent des contribuables et, d’autre part, que la sénatrice Simons s’est courageusement élevée contre de telles dépenses injustifiables.

Je ne voudrais pas violer la nature confidentielle de la discussion dont parle la sénatrice Simons, mais je peux vous dire ceci : c’est moi, et moi seul, en ma qualité de président, et sans consulter aucun de mes collègues, qui ai demandé à la bibliothèque de préparer une première version d’un plan de voyage, et ce document ne devait servir à rien d’autre qu’à alimenter la discussion. Pour ce qui est de savoir si ce plan de voyage peut être imputé aux conservateurs, je demande à Son Honneur de relire la transcription de la réunion à huis clos et plus particulièrement le passage où le président et une autre personne discutent de l’origine de ce plan de voyage ainsi que les commentaires des autres sénateurs conservateurs alors présents sur les déplacements à l’étranger.

Honorables sénateurs, cette atteinte au privilège est amplifiée par l’interprétation égoïste et moralisatrice de la discussion à huis clos que fait la sénatrice Simons dans ses gazouillis et sur Facebook. Et que dire de la manière dont elle déforme les opinions et les commentaires des personnes qui ont pris part à cette discussion? Car elle savait pertinemment qu’à moins de porter eux aussi atteinte au privilège de leurs collègues, ils seraient incapables de se défendre.

Honorables sénateurs, s’il est avéré qu’il y a eu atteinte au privilège, je suis disposé à proposer une motion que la question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement afin qu’il fasse enquête, qu’il fasse rapport et qu’il propose des mesures de réparation.

Honorables sénateurs, j’aimerais ajouter quelques mots à ce que le sénateur Tkachuk vient de dire. J’étais là moi aussi, et moi aussi je trouve particulièrement troublants et alarmants les gazouillis de la sénatrice Simons qui ont été portés à mon attention.

Chers collègues, je ne sais pas trop si c’est par inexpérience ou par mépris des règles que la sénatrice a agi ainsi, mais selon moi, il s’agit d’une atteinte manifeste et inquiétante au privilège.

Seulement une partie de la réunion en question s’est déroulée à huis clos, et on voit tout de suite à la lecture de la transcription de la partie publique que le ton montait, personne ne dira le contraire. Cela n’excuse pas la sénatrice Simons d’avoir violé les règles de manière aussi flagrante. Comme le sénateur Tkachuk l’a si bien dit, tous ces gazouillis révélaient des échanges qui ont eu lieu à huis clos, qui n’auraient jamais dû être rendus publics.

Comme je l’ai dit, j’étais à la réunion du comité. Nous ne pouvons pas nous défendre sans commettre le même type d’atteinte au privilège. Nous devons nous contenter de dire que les propos de la sénatrice Simons sont inappropriés parce qu’ils portent sur des délibérations qui ont eu lieu à huis clos. Non seulement elle a porté atteinte au privilège, mais elle nous a également empêchés de nous défendre.

Comme les sénateurs le savent, les séances à huis clos des comités favorisent les discussions franches parce qu’on reconnaît qu’elles seront confidentielles. Le fait de briser ce secret ne constitue pas seulement une grave atteinte au privilège, mais il ébranle également la confiance des sénateurs qui hésiteront à s’exprimer ouvertement dans les prochaines réunions. Il ne s’agit pas ici d’une simple erreur. La sénatrice Simons a fourni un compte rendu détaillé des échanges au cours d’une réunion à huis clos. Honorables collègues, c’est scandaleux.

De plus, les commentaires publics de la sénatrice Simons ne sont pas seulement un accroc à la confidentialité, ils ont aussi dénaturé ce qui s’est vraiment passé à la réunion, comme l’a souligné le sénateur Tkachuk. Je ne peux même pas vous révéler ce qui s’est passé.

Ce n’est pas tout. Parmi les renseignements publiés par la sénatrice Simons qui constituent une violation du privilège, il y avait des choses tout simplement fausses. Elle a notamment affirmé sur Twitter :

Étant donné que le comité n’avait jamais voyagé, ils ne voyaient aucune raison qui justifierait un déplacement, quel qu’il soit.

Comme les députés le savent, ces dernières années, le Comité des transports s’est déplacé dans le cadre de ses études sur les véhicules automatisés et les pipelines. Le Comité des finances s’est conformé à un plan de déplacements très détaillé.

La sénatrice Simons compte un très grand nombre d’abonnés. Ceux d’entre nous qui lisent le Hill Times auront remarqué cette semaine un article sur les sénateurs influents. Selon ce journal, la sénatrice Simons a extrêmement d’influence au sein du Groupe des sénateurs indépendants.

La sénatrice compte plus d’abonnés sur Twitter que tous les autres sénateurs réunis. Ses 47 000 abonnés ont pu lire le contenu des discussions que nous avons eues lors d’une séance à huis clos. On ne parle pas ici d’un simple lapsus dont auraient pu prendre connaissance une dizaine, une vingtaine, voire une centaine de personnes. Quarante-sept mille personnes savent ce dont nous avons discuté lors d’une réunion à huis clos et sont au courant des conversations que nous avons eues à cette occasion.

Chers collègues, c’est avec énormément de respect que je dis ceci. Justin Trudeau a nommé bon nombre des sénateurs d’en face parce qu’il souhaitait réformer le Sénat et améliorer les choses dans cette enceinte. Or, un tel comportement permet-il d’améliorer les choses au Sénat? Je suis partisan — je l’admets — et je suis toujours prêt à défendre mes convictions profondes, mais j’espère le faire avec intégrité.

Comme je l’ai dit plus tôt, j’essaie d’être un homme de parole. Il m’arrive peut-être de commettre des erreurs. Comme la sénatrice Lankin l’a fait remarquer, j’en ai possiblement commis au fil des ans et, en fait, j’en suis sûr. Mais, dans ce cas-ci, ce n’était pas une erreur. C’était une violation flagrante du Règlement, Votre Honneur. J’espère sincèrement que vous constaterez qu’il y a eu atteinte à notre privilège et que nous ne pourrons plus nous exprimer convenablement lors d’une séance à huis clos si vous ne statuez pas en faveur de la motion de privilège du sénateur Tkachuk. Merci, chers collègues.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Normalement, il n’est pas dans l’ordre des choses d’attirer l’attention de la Chambre sur l’absence d’un sénateur, mais avec l’accord de la sénatrice Simons, je tiens à informer la Chambre qu’elle est absente pour des raisons d’ordre médical. Sénateur Tkachuk, je crois que vous le savez, puisqu’elle vous a envoyé une lettre il y a quelques semaines pour vous en informer en qualité de président du comité.

Lorsque j’ai parlé à la sénatrice Simons aujourd’hui, elle m’a demandé de vous faire part de ce qui suit. Elle tient à dire clairement que les affirmations du sénateur Tkachuk sont exactes. Compte tenu de ce qu’elle comprend maintenant, elle convient qu’elle a révélé à tort une partie de ce qui s’est passé lors d’une séance à huis clos du comité.

Bien sûr, comme toujours, cela s’est passé dans un certain contexte, mais elle ne s’en sert pas comme excuse. La sénatrice Simons souhaite présenter des excuses sans réserve à ses collègues du comité et à chacun de ses honorables collègues dans cette enceinte.

Je sais que, lorsqu’il s’agit de déterminer si une question de privilège paraît fondée à première vue, le Président peut rendre sa décision immédiatement ou la prendre en délibéré pour évaluer si elle satisfait aux quatre critères établis. Je sais aussi que, d’après I’annexe IV du Règlement du Sénat, les questions de cette nature sont généralement d’abord soumises au comité concerné. Bien sûr, rien n’empêche un sénateur de soulever une question de privilège, comme l’a fait le sénateur Tkachuk. Toutefois, toujours selon l’annexe IV du Règlement du Sénat, à supposer que le Président jugerait immédiatement que la question de privilège est fondée à première vue, l’étude de toute éventuelle motion consécutive serait reportée jusqu’à ce que le comité se soit occupé du problème.

Votre Honneur, si vous rendez votre décision ce soir, et si le sénateur Tkachuk présente une motion proposant des sanctions ou un processus à suivre, comme il prévoit le faire, je compte pour ma part proposer l’ajournement du débat pour que la sénatrice Simons puisse réagir en personne à l’approche proposée.

Votre Honneur, à titre de collègue de la sénatrice, j’accepte personnellement ses excuses sincères et j’espère qu’elle se porte bien. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Je tiens à intervenir pour appuyer la question de privilège soulevée aujourd’hui par mon honorable collègue le sénateur Tkachuk. Je pense, chers collègues, que cette question de privilège est fondamentale et participe du noyau central de notre système parlementaire. Rien n’est plus sacro-saint que le privilège qui est le nôtre à titre de parlementaires. Et rien n’est plus important dans la boîte à outils que nous utilisons chaque jour pour mener nos travaux.

Ce qui m’inquiète, chers collègues, ce n’est pas le fait qu’il y ait eu, sans aucun doute, atteinte au privilège, mais les raisons qui l’ont motivée. Pendant les 10 années où j’ai servi les Canadiens dans cette auguste enceinte, je n’arrive pas à me souvenir d’une telle atteinte au privilège de la part de mes collègues. Je ne pense pas que cela s’explique par le fait que certains sénateurs sont nommés en fonction de leur mérite et d’autres pas, mais tout simplement par le fait que nous sommes tous venus dans cette enceinte en comprenant que nous avions quelque chose à apprendre à propos de cette institution. Quels que soient le niveau d’expérience politique ou l’origine sociale, nous comprenons qu’il s’agit de la Chambre haute du Parlement du Canada, une chambre qui a des règles fondées sur la Constitution et sur la Loi sur le Parlement du Canada.

Nous avons des procédures, des précédents et des règles à respecter. Certains d’entre eux sont rigides, d’autres volontairement souples en fonction des circonstances. Ce n’est pas parce que quelqu’un s’imagine intrinsèquement mieux informé ou plus digne de mérite qu’il a le droit de modifier les règles sur un simple caprice.

Il est très grave de violer de manière flagrante le privilège associé à la tenue de séances de comité à huis clos. Les comités siègent à huis clos pour diverses raisons, parfois pour des motifs techniques; parfois pour des raisons de confidentialité, plus particulièrement dans le cas du Comité de la régie interne; et parfois pour traiter des questions politiques très délicates. Cependant, au bout du compte, il faut respecter le privilège des autres parlementaires, peu importe de quel côté du débat on se trouve. On ne peut pas mettre ses collègues dans une situation difficile, comme l’a fait la sénatrice Simons.

Au cours des derniers mois, nous avons essayé quelques nouvelles façons de faire les choses au Parlement et nous avons violé certains des privilèges fondamentaux conférés par la Loi sur le Parlement du Canada, ce que nous faisons régulièrement et qui devient très déconcertant. Nous avons été témoins plus tôt ce soir de quelque chose qui était sans précédent, et récemment, la sénatrice Simons a également posé un geste sans précédent. J’ignore vers quoi on se dirige et comment cela se terminera, mais, tôt ou tard, je crois que les nouveaux venus au Sénat devraient regarder les vétérans de cette institution et apprendre d’eux, comme je l’ai fait.

À mon arrivée ici, il y avait des gens comme le sénateur Comeau, le sénateur Cowan et la sénatrice Fraser des deux côtés du Sénat. J’ai appris des sénateurs d’expérience des deux côtés du Sénat en travaillant avec eux, notamment le sénateur Tkachuk. J’ai eu le privilège de travailler étroitement avec Son Honneur le Président, le sénateur Furey, à divers titres. Avant d’apprendre à sprinter, il faut apprendre à marcher et à courir. Je crois que nous devons respecter cette institution, la Constitution et les fondements sur lesquels notre fonction repose.

Selon moi, Votre Honneur, il s’agit clairement d’une atteinte au privilège. Merci.

L’honorable Marc Gold [ + ]

Honorables sénateurs, j’ai tendance à croire que la divulgation sur Twitter et Facebook constituait une atteinte au privilège, et j’estime que c’est regrettable, pour toutes les raisons que nous avons entendues. Cependant, la sénatrice Simons a demandé à la sénatrice Lankin de transmettre ses plus sincères excuses, ce que la sénatrice Lankin a fait. De plus, la sénatrice Simons a admis avoir divulgué des renseignements sur une réunion à huis clos qu’elle n’aurait pas dû publier. D’ailleurs, elle n’a pas du tout cherché à se justifier en invoquant son manque d’expérience ou sa mauvaise compréhension des règles et autres modalités. Elle a simplement présenté ses excuses à tous les sénateurs, sans la moindre hésitation. C’est tout à son honneur.

Je crois que c’est un rappel important de l’importance du privilège et de la confidentialité des réunions à huis clos, ce qui est tout à l’honneur du Sénat. Malheureusement — et je le dis davantage avec tristesse qu’avec colère —, certains ont dénigré la sénatrice Simons en voulant défendre ces grands principes. Il est malheureux qu’on lui attribue un sentiment de supériorité morale. Les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants ont l’habitude de faire l’objet de critiques parce que nous ne faisons pas partie d’un caucus national, que nous ne suivons pas de directives d’un parti politique et que nous sommes déterminés à bâtir un Sénat moins partisan. Je respecte les sénateurs, comme le sénateur Plett, qui sont fièrement partisans. Nous nous entendons bien même si nous ne sommes pas d’accord sur la façon de réformer le Sénat.

La sénatrice Simons s’est excusée et je tiens à dire qu’elle est une personne intègre et que je suis attristé d’entendre les insinuations directes et indirectes ainsi que les critiques qui ont été faites à son égard. Ce n’est pas digne du caractère honorable du Sénat. Merci.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais faire quelques observations pour appuyer la question de privilège soulevée par le sénateur Tkachuk. Je suis moi-même une sénatrice de la Saskatchewan. Je ne siège pas au Comité des transports, mais je suis vice-présidente du Comité permanent de la régie interne qui, à sa dernière séance, s’est penché sur le budget de déplacement lié au projet de loi C-48. À cette occasion, des collègues et moi-même avons dit craindre fortement que le Comité des transports ne se rende pas en Alberta ou en Saskatchewan pour entendre des témoignages au sujet d’un projet de loi qui touche aussi directement l’industrie pétrolière et gazière dans nos provinces respectives.

Étant moi-même active dans les médias sociaux, j’ai suivi ce qu’on y disait lorsque je suis rentrée chez moi, un jour ou deux plus tard. Beaucoup de gens qui suivent mes interventions sur Twitter craignent beaucoup que le comité n’aille pas en Alberta ou en Saskatchewan, et voilà que la sénatrice Simons essaie de justifier par son vote sa défense de l’Alberta en faisant valoir les arguments avancés par le sénateur Tkachuk. Je me rends compte ensuite que, pour ce faire, elle a utilisé de façon inappropriée les discussions à huis clos.

Votre Honneur, cela touche un plus grand nombre de sénateurs que seulement ceux qui siègent au Comité de l’énergie. Cette question touche également les sénateurs conservateurs de l’Alberta et de la Saskatchewan qui n’ont pas pu défendre les actions de leurs collègues au sein du caucus à cet égard. De plus, Votre Honneur, la sénatrice Simons est suivie par 47 000 abonnés sur Twitter et 8 000 abonnés sur Facebook. Je me demande combien de ces 55 000 abonnés qui la suivent dans les médias sociaux seront au courant de cela. Merci.

Le sénateur Tkachuk [ + ]

Je tiens à ajouter quelques derniers commentaires sur certaines des questions qui ont été soulevées. Oui, je savais que la sénatrice Simons était à la maison, mais je devais soulever la question maintenant parce qu’il s’agissait de la première occasion qui s’offrait à moi. Je comprends. J’ajoute qu’elle a les mêmes problèmes que moi. Je lui ai donc envoyé un mot avec mes meilleurs vœux, qui restent sincères.

Je demande à Son Honneur de conclure que la question de privilège semble fondée à première vue et j’espère que celle-ci sera renvoyée au Comité du Règlement. Les sénateurs qui siègent depuis un bon moment savent que nous ne fouettons pas les personnes reconnues coupables. Si Son Honneur me donne raison et que la motion peut être présentée au Comité du Règlement, ce dernier pourra examiner pourquoi une telle chose s’est produite et comment empêcher qu’elle ne se reproduise. Il y aura d’autres nominations de sénateurs. Il y aura de nouveaux sénateurs et la situation se reproduira, ce qui n’est pas une bonne chose. Ce qui s’est produit n’est pas une bonne chose. Ce ne l’est pas.

J’étais présent, le sénateur Plett aussi, tout comme les sénateurs Manning et Boisvenu. Nous savons que ce n’est pas ce qui s’est produit, mais nous ne pouvons pas en parler. Ce n’est pas quelque chose que l’on peut simplement faire disparaître en présentant des excuses. La question doit être examinée. Il faut l’étudier et, espérons-le, le Comité du Règlement trouvera quelques idées pour empêcher que cela ne se reproduise. Peut-être que les sénateurs devraient prendre le temps de s’informer auprès du whip de leur caucus et de leurs propres personnes-ressources pour savoir comment tout cela fonctionne.

Cela dit, Votre Honneur, j’espère que vous trancherez en ma faveur.

L’honorable Rosa Galvez [ + ]

Honorables sénateurs, j’étais aussi présente à la réunion. Dans votre examen de la situation et dans votre décision, je voudrais que vous considériez ceci : le déroulement de la réunion prêtait un peu à confusion. La réunion se déroulait à huis clos et, soudainement, elle est devenue publique. Puis, il y a eu une demande pour que la réunion devienne publique. Nous sommes passés au vote et la demande a été acceptée, mais, le lendemain, on nous a dit que deux des personnes présentes n’avaient pas voté et qu’elles n’avaient pas eu l’occasion de le faire. Alors, la réunion n’aurait pas dû être publique.

Je crois qu’il sera important de lire toutes les transcriptions et de parler aux gens qui étaient présents, parce que la situation était très confuse.

L’honorable Michael Duffy [ + ]

Votre Honneur, je crois qu’il est très révélateur que la sénatrice Simons n’ait pas tenté de se défiler, qu’elle ait présenté sans réserve ses excuses au Sénat et qu’elle en ait tiré une leçon. Le sénateur Housakos a fait des observations absolument émouvantes sur le privilège et l’importance sacrée qu’il revêt ici. J’invite mes collègues à aller lire l’édition du 1er décembre 2015 du Huffington Post, dans laquelle on rapportait que le rapport du vérificateur général avait été divulgué sélectivement par le sénateur Housakos, qui était alors le Président du Sénat. Ces fuites ont entaché la réputation de toute une série de sénateurs. Avant de donner des leçons à qui que ce soit, je pense qu’il faut lire le Huffington Post.

L’honorable Linda Frum [ + ]

Votre Honneur, je vous invite à considérer ceci : il est certes touchant d’apprendre que la sénatrice Simons s’est excusée sans réserve d’avoir divulgué des propos confidentiels tenus à huis clos, mais les gazouillis en question figurent toujours sur son fil Twitter. Le billet en question est encore affiché sur sa page Facebook.

Par conséquent, je vous remercie, sénatrice Lankin, d’avoir relayé les excuses de la sénatrice relativement à une fuite, à une violation, qui se perpétue actuellement.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

J’estime qu’il y a eu atteinte au Règlement. J’en suis conscient. Apparemment, la coupable a admis ses torts. Or, avant de rendre sa sentence, le juge prend habituellement connaissance des conséquences des gestes qui ont été posés. En l’occurrence, quelles ont été les conséquences? Où est le préjudice? Quelqu’un me dirait-il en quoi la sénatrice a porté concrètement préjudice à la population?

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, je crois avoir entendu suffisamment d’arguments. Je tiens à remercier tous les honorables sénateurs qui ont participé au débat. Je prendrai la question en délibéré. Toutefois, comme ce fut le cas par le passé, je laisse ouverte la possibilité de demander d’autres interventions si cela s’avère nécessaire. Cela s’est déjà produit, comme mentionné, et pourrait se reproduire à nouveau.

Je tiens également à rappeler aux collègues les dispositions de l’annexe IV du Règlement. Le paragraphe a) indique que « Lorsqu’un rapport, des délibérations ou d’autres documents confidentiels d’un comité font l’objet d’une fuite, le comité concerné devrait d’abord examiner les circonstances de la fuite ». Le paragraphe c) indique ensuite ce qui suit :

La tenue d’une enquête [par un comité] sur la fuite n’empêcherait pas qu’un sénateur puisse soulever une question de privilège au Sénat à son sujet. Mais de façon générale, et hormis des circonstances extraordinaires, le Sénat ne débattrait du fond de la question de privilège qu’après la fin de l’enquête. Ainsi, à supposer que le Président jugerait la question de privilège fondée à première vue, l’étude de toute éventuelle motion consécutive serait reportée jusqu’à ce que le comité ait déposé son rapport.

Le paragraphe e) indique clairement que, si le comité ne traite pas de l’affaire dans des délais raisonnables, le Sénat peut de nouveau être saisi par l’affaire.

Rien, donc, n’empêche le Comité des transports et des communications de traiter de l’affaire et, s’il y a lieu, de faire rapport au Sénat.

Haut de page