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Question de privilège

Report de la décision de la présidence

9 avril 2019


Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, conformément à l’article 13-3 du Règlement, le sénateur Plett a donné préavis qu’il soulèverait une question de privilège. Conformément à l’article 13-5(1) du Règlement, je donne maintenant la parole au sénateur Plett.

Honorables sénateurs, le Sénat a toujours pris très au sérieux les questions de privilège, à juste titre d’ailleurs. Comme l’indique l’article 13-1 du Règlement, une atteinte aux privilèges d’un sénateur ne cause pas seulement un préjudice à ce sénateur, elle « entrave le fonctionnement du Sénat ». Le Règlement indique ensuite :

Le maintien des privilèges du Sénat incombe donc à chaque sénateur et doit être discuté en priorité.

Chers collègues, l’atteinte aux privilèges que nous examinons aujourd’hui porte sur une fuite d’information tirée d’un document confidentiel qui décrit l’entente conclue par les leaders au Sénat à la suite de négociations privées auxquelles j’ai participé avec les personnes suivantes : le sénateur Harder, leader du gouvernement au Sénat; le sénateur Larry Smith, leader de l’opposition au Sénat; le sénateur Pau Woo, leader du Groupe des sénateurs indépendants; et le sénateur Joseph Day, leader des libéraux indépendants au Sénat.

Vous vous souviendrez, chers collègues, que le déroulement des travaux du Sénat a connu des ratés, la semaine dernière, quand le leader du gouvernement au Sénat a déposé une motion unilatérale et autoritaire qui s’est butée aux objections et à la résistance de sénateurs des deux côtés de cette enceinte.

Cherchant à dénouer l’impasse pour que les travaux du Sénat puissent avancer rapidement et efficacement, les quatre personnes que j’ai nommées et moi avons entamé des négociations le jeudi 4 avril 2019, en matinée.

Honorables collègues, permettez-moi de dire que ce n’était pas une mince affaire. J’ai mentionné dans cette enceinte à de nombreuses reprises que la loyale opposition de Sa Majesté n’est pas tenue de négocier avec quiconque sur les délibérations du Sénat concernant les projets de loi d’initiative ministérielle, sauf avec le leader du gouvernement au Sénat. Toutefois, dans un esprit de compromis et de collégialité, ainsi que pour protéger la capacité du Sénat de s’acquitter de ses fonctions, le leader de l’opposition officielle au Sénat et moi avons convenu d’organiser une réunion où les quatre leaders travailleraient de concert afin de trouver une solution.

À midi, nous étions arrivés à une entente, qui couvrait 13 mesures législatives. Cette entente a par la suite été signée par les quatre leaders. Les détails des négociations et les termes de l’entente devaient demeurer strictement confidentiels afin de protéger l’intégrité du processus et des négociations futures.

Toutefois, à 14 heures cette même journée — deux heures après la conclusion de l’entente, comme je l’ai signalé dans ma lettre de préavis au greffier du Sénat —, tous les détails de l’entente avaient fait l’objet d’une fuite dans les médias. Moins de deux heures après l’ajournement de notre réunion, une copie du document signé avait été publiée sur Twitter par Dale Smith, un journaliste pigiste de la Tribune de la presse parlementaire canadienne.

Cependant, sénateurs, ce n’est pas Dale Smith qui est coupable d’atteinte au privilège. Au contraire, c’est plutôt la personne qui était à la réunion et qui a fourni une copie de l’entente à une personne ou à plusieurs personnes — peut-être 58 — qui n’étaient pas présentes lors des négociations.

Comme je l’ai dit plus tôt, seulement cinq personnes étaient dans la salle. L’entente et les détails concernant les négociations qui ont mené à cette entente étaient strictement confidentiels et ne devaient pas être transmis à qui que ce soit, à part les plus proches conseillers de chaque leader. On ne devait sous aucun prétexte communiquer ces renseignements à d’autres sénateurs, ni au public. Or, il semble que c’est exactement ce qui s’est passé.

Chers collègues, j’ai des raisons de croire que c’est le sénateur Pau Woo qui a distribué des copies de l’entente et qui, ce faisant, a porté atteinte à la confidentialité des négociations et au privilège des sénateurs qui ont participé à ces négociations, moi y compris.

Je sais que le sénateur Woo, qui agit comme coordonnateur et leader du Groupe des sénateurs indépendants, a été nommé par le premier ministre Justin Trudeau il y a moins de trois ans. Cependant, sénateurs, ce n’est pas seulement une mauvaise connaissance du fonctionnement du Sénat qui est en cause. La divulgation intentionnelle d’une entente confidentielle constitue non seulement une atteinte au privilège, mais aussi un grave abus de confiance qui ferait l’objet de sanctions sévères s’il s’était produit dans n’importe quel contexte commercial. Un tel geste est tout simplement injustifiable.

Cela me trouble énormément, non seulement parce qu’il incombe au Sénat de bien protéger les privilèges, mais aussi parce que la confiance ne se construit pas du jour au lendemain et qu’elle peut être facilement brisée.

Les consultations empreintes de coopération et les négociations confidentielles tenues entre le leader du gouvernement au Sénat et les leaders des caucus du Sénat jouent un rôle crucial pour déterminer le rythme d’avancement et l’efficacité des travaux liés aux projets de loi dont nous sommes saisis. Les efforts déployés pour garantir que le processus se déroule de façon harmonieuse sont essentiels pour que le Sénat puisse remplir ses fonctions. Empêcher ce processus en brisant la confiance, en distribuant des documents confidentiels et en les rendant publics, c’est franchir une limite qui n’aurait jamais dû l’être. Or, c’est exactement ce qui est arrivé.

En fait, toute l’entente figure dans l’édition du 8 avril du Hill Times. Si certains sénateurs indépendants préfèrent négocier par l’entremise des médias, leur démarche est un affront à la dignité du Sénat et une violation du privilège parlementaire.

Chers collègues, dans l’affaire Chambre des communes c. Vaid dont la Cour suprême du Canada a été saisie en 2005, celle-ci a défini en ces termes le privilège parlementaire :

Dans le contexte canadien, le privilège parlementaire est la somme des privilèges, immunités et pouvoirs dont jouissent le Sénat, la Chambre des communes et les assemblées législatives provinciales ainsi que les membres de chaque Chambre individuellement, sans lesquels ils ne pourraient s’acquitter de leurs fonctions […]

Dans son rapport de 2015 intitulé Une question de privilège : Document de travail sur le privilège parlementaire au Canada au XXIe siècle, le Sous-comité sur le privilège parlementaire du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement faisait les observations suivantes :

Le privilège parlementaire, élément essentiel de la démocratie parlementaire, permet au Parlement de fonctionner avec efficacité et efficience, sans entraves indues.

[…] afin de pouvoir assumer correctement et efficacement leurs fonctions de parlementaires et de représentants élus, les députés ne doivent pas craindre d’ingérence indue ou d’intimidation.

La fuite de cette entente constitue indéniablement de l’ingérence. Et dans la mesure où elle crée un climat d’incertitude et de méfiance pour les futures négociations, elle constitue également de l’intimidation. Négocier de mauvaise foi ne peut être qualifié autrement.

Sénateurs, je crains que nous commencions à voir ce que certains membres du Groupe des sénateurs indépendants veulent dire lorsqu’ils parlent d’un Sénat modernisé. De toute évidence, leur vision d’un Sénat modernisé suppose qu’il ne faut faire aucun cas de 152 ans de règles, de procédures et de conventions, mais aussi qu’il faut faire fi de tout bon sens et de toute décence dans le processus.

Il y a un changement manifeste dans la culture de cette assemblée. Les slogans accrocheurs qui parlent d’un nouveau Sénat indépendant masquent simplement l’absence de conduite honorable et d’un véritable second examen objectif et un désir non dissimulé de faciliter et même de promouvoir le programme du gouvernement libéral.

Nous en avons eu un exemple lors de la récente réunion de notre comité pour l’étude article par article du projet de loi C-71. Après que le comité a décidé de rejeter un certain nombre d’articles et d’en modifier d’autres, le sénateur Pratte était d’avis qu’une observation devrait être annexée au rapport pour indiquer que le comité n’était pas d’accord avec le programme du gouvernement. D’une part, le Groupe des sénateurs indépendants croit que nous sommes censés réfléchir sérieusement et proposer des amendements, mais d’autre part, il ne croit pas que de tels amendements devraient aller au-delà des paramètres que le gouvernement approuve.

Chers collègues, je m’écarte du sujet. Il ne fait aucun doute que l’affaire dont nous sommes saisis est très grave.

Votre Honneur, peu importe si vous tranchez en ma faveur et si vous déterminez qu’à première vue il y a eu atteinte au privilège, je crois que le lien de confiance a été brisé — un lien de confiance que le Sénat a pris 152 ans à établir.

Cette confiance est affaiblie et brisée par la conduite insouciante et imprudente de quelques sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants, ce qui est extrêmement décevant. Nous pouvons avoir des débats animés et de profonds désaccords, mais lorsque nous concluons des ententes, nous les respectons.

Son Honneur le Président [ + ]

À l’ordre, s’il vous plaît.

S’il est déterminé que la question de privilège est fondée, je suis prêt à proposer une motion pour que la question soit renvoyée au Comité permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement afin qu’il fasse enquête, qu’il fasse rapport et qu’il propose des mesures de réparation.

Merci, honorables sénateurs.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Honorables collègues, aussi contrariante que soit cette question de privilège, je suis heureux qu’elle attire l’attention sur le fait que les leaders de tous les groupes et caucus parlementaires se sont entendus sur un échéancier de présentation de rapports et de votes pour 13 projets de loi du gouvernement, évitant ainsi le recours à une motion de programmation. J’aimerais donc commencer par remercier les leaders de leur collaboration sur cette question.

Je trouve curieux que le sénateur Plett soulève une question de privilège alors que nous devrions plutôt lever un verre de sa boisson préférée pour porter un toast à cet exemple exceptionnel de collaboration au Sénat.

Chers collègues, la question de privilège soulevée par le sénateur Plett repose sur l’idée que j’aurais communiqué aux médias des détails de l’entente conclue entre les leaders. Je n’ai rien fait de tel. S’il a une preuve, qu’il la produise. Pour l’instant, il s’agit d’une allégation farfelue et sans fondement.

Permettez-moi de revenir sur la chronologie des événements qu’il a présentée et sa théorie sur la manière dont la fuite a été faite. Comme il l’a dit, les leaders en sont arrivés à une entente vers midi. Si je me souviens bien, ce n’est qu’après le début de la séance du Sénat que le document a été signé par les quatre leaders parce que ce n’est qu’une fois que j’ai pris ma place que j’ai eu une copie du document.

Le journaliste qui a reçu une copie de ce document l’a publiée sur Twitter à 14 heures. Le sénateur Plett insinue que le journaliste a obtenu une copie du document par l’entremise de l’un des membres du Groupe des sénateurs indépendants, à qui j’ai en fait envoyé le document à 16 heures, à savoir, chers collègues, deux heures après que le journaliste en question eut publié l’article sur son fil Twitter.

Ah, l’affaire se corse. À 14 h 3, qu’avons-nous vu? Avons-nous vu le gazouillis être partagé par l’un des membres de mon groupe? Non. Par l’un des libéraux indépendants? Non. Par le gouvernement? Encore une fois, non. C’est un membre du personnel conservateur qui a partagé le gazouillis trois minutes après sa publication par le journaliste. Dieu sait où il a obtenu cette information. Il n’en demeure pas moins qu’un membre du personnel conservateur a partagé de l’information dont la diffusion constituait, selon le sénateur, une atteinte au privilège. Il devrait peut-être faire valoir ce point à l’employé de son parti.

Honorables sénateurs, permettez-moi de vous raconter ce qui s’est passé. J’ai effectivement communiqué de l’information sur l’entente à des membres du Groupe des sénateurs indépendants. Je l’ai fait de la façon la plus transparente possible, c’est-à-dire en envoyant aux membres du groupe le document signé énumérant les divers projets de loi et les échéanciers établis pour ces derniers. Le document contient une liste de projets de loi et de dates pour la présentation des rapports des comités ou les votes, et il comporte quatre signatures; ni plus, ni moins.

Il va sans dire qu’une entente sur les dates serait inutile si ces dernières n’étaient pas communiquées à tous les sénateurs. J’ai des raisons de croire que les leaders des autres groupes ont communiqué les mêmes renseignements, ou des renseignements très semblables, à leurs membres pour la simple raison que ces derniers avaient besoin de ces renseignements pour faire leur travail. Du moins, je peux affirmer catégoriquement que les membres du Groupe des sénateurs indépendants avaient besoin de connaître les dates prévues pour les rapports et les votes à l’étape de la troisième lecture, afin de pouvoir voter.

J’ai fait part du document en toute bonne conscience et en croyant qu’il s’agissait d’une façon de faire convenue entre les personnes présentes à la réunion des leaders et le sénateur Plett.

Je ne peux pas en dire plus sur ce qui s’est passé à cette réunion, car cela constituerait une violation de la confidentialité d’une discussion. Voilà pourquoi je suis étonné et troublé que le sénateur Plett ait soulevé la question de la confidentialité au Sénat. Cela nous expose, lui et moi, au risque de divulguer d’autres renseignements confidentiels qui ont été communiqués lors de cette réunion.

S’il tente de protéger la confidentialité d’une conversation qui a eu lieu entre un petit groupe de personnes, il ne devrait pas le faire en présence de 100 autres personnes qui n’ont pas participé à la réunion en question pendant une séance qui est diffusée en direct au grand public. Les seules circonstances où il aurait été approprié pour lui de soulever ses préoccupations concernant la possible violation de la confidentialité auraient été avec le petit groupe en question.

Chers collègues, je peux confirmer que nous avons abordé ce sujet ce matin à la réunion des leaders. Je peux dire que, à ma connaissance, la question a été réglée.

Votre Honneur, cette question de privilège est futile, car aucun privilège du Sénat ou des sénateurs n’a été atteint. Je dirais même, chers collègues, que le fait de ne pas partager l’information avec les 57 sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants sur le calendrier politique régissant les 13 projets de loi est une atteinte au privilège de ces sénateurs. Toutefois, je ne veux pas que l’on gaspille encore plus de temps sur ces procédures obstructionnistes. Passons à l’accord auquel les leaders sont parvenus, qui est de travailler avec diligence sur l’examen des projets de loi en question selon l’échéancier qui a été fixé d’un commun accord.

Certes, je suis déçu que le sénateur Plett ait agi de la sorte, mais je veux conclure en disant que cela ne me dissuade pas de continuer à chercher un consensus en ce qui concerne l’organisation des travaux, en négociant avec tous les groupes reconnus du Sénat. Cela est préférable à l’attribution de temps, non seulement parce que cela suscite la collégialité, mais aussi parce que cela permet une souplesse accrue lorsque les circonstances imposent des changements de dates.

Je désire continuer à travailler dans un esprit de collaboration au Sénat et je peux assurer à tous les sénateurs que le Groupe des sénateurs indépendants contribuera à favoriser cette approche.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Il me semble que le sénateur Woo en sait aussi long sur les questions de privilèges que sur les motions de programmation dans le modèle parlementaire de Westminster.

Il est également assez clair, Votre Honneur, qu’il ne s’agit pas d’une atteinte au privilège ordinaire. En effet, il ne s’agit pas seulement d’une atteinte au privilège d’un seul sénateur, mais d’une atteinte à celui des représentants du gouvernement et de l’opposition officielle au Sénat.

C’est une chose de dévoiler des informations provenant de réunions du Comité directeur et de réunions tenues à huis clos. C’est une tout autre chose lorsqu’il s’agit de négociations entre le leader du gouvernement et le leader de l’opposition, où il est question des travaux de la Chambre, de projets de loi et de la façon dont ils seront étudiés, et qu’une personne décide de divulguer ces informations à la presse après ou durant les faits.

Le sénateur Woo se soucie de sa défense, et je présume, Votre Honneur, qu’il pourra la présenter en temps et lieu, à l’instar du gouvernement et de l’opposition, étant donné que, si je comprends bien, seules trois parties étaient au courant de ces renseignements, quatre si on inclut le leader du gouvernement. Je ne vois pas quel était l’avantage pour l’opposition ou le leader du gouvernement de divulguer ces renseignements après avoir convenu qu’ils seraient confidentiels, comme le sont toutes les négociations entre le gouvernement et l’opposition.

Votre Honneur, je siège au Sénat depuis maintenant 10 ans et je n’arrive pas à me souvenir d’une atteinte de cette nature entourant des négociations entre le gouvernement et l’opposition où des renseignements de ce genre ont été divulgués, peu importe le parti politique au pouvoir. Après 35 ans en politique, je n’arrive pas à me souvenir de négociations à la Chambre des communes entre les partis politiques où des renseignements ou des discussions ont été divulgués au public.

Il s’agit d’une première, semblable à celle qui a eu lieu au Sénat récemment, où une sénatrice a divulgué des renseignements sur une réunion à huis clos en pensant qu’il s’agissait d’un comportement normal. Je présume que c’est l’essence même du nouveau Sénat de Justin Trudeau : faire de la politique autrement.

Au bout du compte, je suppose que nous avons tiré une leçon de tout ceci. Si vous voulez tenir des discussions confidentielles, il doit y avoir un seul représentant du gouvernement et non deux. À l’heure actuelle, le gouvernement a deux négociateurs à la table de négociation avec un rôle de leader. Il a la personne désignée comme le leader du gouvernement, qui est désignée comme tel en vertu de la Constitution et qui reçoit une allocation pour représenter le gouvernement du Canada, bien que tout citoyen canadien qui regarde les travaux du Sénat peut évidemment voir la mention de « non affilié » sous son nom. Je suppose qu’il s’agit d’une autre caractéristique du nouveau Sénat de Justin Trudeau : son leader du gouvernement refuse d’assumer la responsabilité du titre que le chef du gouvernement lui a donné.

Il y a actuellement un autre négociateur qui parle au nom d’un caucus qui est composé d’une majorité de sénateurs — vous avez raison, il s’agit d’un groupe, sénateur Tkachuk. Les membres de ce groupe ont pris l’initiative de s’immiscer dans les négociations entre le gouvernement et l’opposition. Si une question de privilège a été soulevée concernant la violation de la confidentialité de l’information, il y a aussi matière à question de privilège concernant la procédure, c’est-à-dire les négociations entre le gouvernement et l’opposition.

Pourquoi y a-t-il des négociations entre le gouvernement, l’opposition et un autre groupe, composé de sénateurs nommés par le gouvernement? N’ont-ils pas confiance dans le leader que le gouvernement a nommé? Nous avons confiance dans les sénateurs que le gouvernement a nommés, mais nous n’avons pas confiance dans le représentant du gouvernement que le gouvernement a nommé pour négocier de bonne foi.

On en arrive à ce cocktail explosif à cause de la volonté d’un premier ministre de réformer le Sénat de façon unilatérale et inconstitutionnelle. C’est le premier ministre qui nous a mis dans cette situation.

Je suis au courant des atteintes aux privilèges et des fuites d’informations. J’ai déjà été accusé par un organisme, une entreprise et des sources anonymes d’avoir fait couler des informations importantes. Il s’agissait d’accusations non fondées, mais j’ai au moins eu la décence d’intervenir au Sénat, sénateur Woo, et de renvoyer le dossier au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Voilà ce que j’ai fait.

Le sénateur Woo [ + ]

Qui est responsable de la fuite?

Le sénateur Housakos [ + ]

Je vous exhorte à lire le rapport du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Il s’agit d’une étude approfondie basée sur des témoignages. Tout ce que je dis, c’est qu’il y a eu en l’occurrence une atteinte grave au privilège et que nous devrions tous nous en inquiéter. Au lieu d’applaudir aveuglément un collègue qui est intervenu au Sénat pour se défendre, nous devrions nous poser les questions suivantes : Pourquoi a-t-on porté atteinte au privilège? Que ferons-nous pour examiner cette atteinte afin que rien de tel ne se reproduise?

Voilà les questions que l’on doit se poser, Votre Honneur, et je fais appel à vous pour conclure qu’il y a eu atteinte au privilège.

L’honorable André Pratte [ + ]

Je veux soulever deux points très brièvement. Le sénateur Plett a indiqué qu’il a « des raisons de croire » que le sénateur Woo est à l’origine de cette fuite. C’est tout. Rien d’autre. Donc, le sénateur a des raisons de croire que le sénateur Woo est le coupable, mais il n’a pas de preuve. Le sénateur Housakos n’a pas présenté la moindre preuve, il a seulement des raisons de croire. Cette accusation est grave, très grave.

Je conclus sur ceci : je me demande en l’occurrence qui est la véritable victime de l’atteinte aux privilèges. Je penserais que le fait d’accuser une personne d’une faute grave sans l’ombre d’une preuve est une tentative d’intimidation, une tentative d’empêcher le sénateur ou la sénatrice en question de faire son travail, et cela, à mon avis, est une atteinte aux privilèges. Merci.

L’honorable Marc Gold [ + ]

Honorables sénateurs, je crois que les questions de privilège revêtent une importance extraordinaire, alors je voudrais répondre brièvement à l’argument soulevé par le sénateur Plett, parce que, en tout respect, Votre Honneur, la question soulevée par le sénateur Plett ne répond pas aux critères énoncés à l’article 13-2 du Règlement pour que Son Honneur puisse conclure qu’elle est fondée à première vue.

Cependant, je ne peux faire autrement que de revenir sur les commentaires formulés dans la présentation de la question de privilège et dans les interventions qui ont suivi et où le sénateur a parlé de déshonneur, d’insouciance, d’irresponsabilité, d’ignorance et de manque de décence en comparaison avec la décence dont se targue un des sénateurs impliqués dans ce débat. Il s’agit, bien sûr, d’une attaque dirigée contre le Groupe des sénateurs indépendants qui n’ajoute rien au débat et qui n’a rien à voir avec les critères requis pour qu’une question de privilège soit fondée à première vue.

Tout ce que cette attaque permet d’accomplir pour les honorables sénateurs qui ont soulevé cette question, c’est d’appuyer leurs motivations clairement partisanes qui deviennent de plus en plus lassantes, si j’ose dire, mais je m’écarte du sujet.

Il y a quatre critères. Le premier exige que la question de privilège soit soulevée à la première occasion et c’est ce qui a été fait, alors il n’y a pas matière à débat à ce sujet.

Par contre, la question dont nous parlons ne répond pas au critère suivant. Il exige que l’affaire :

[...] se rapporte directement aux privilèges du Sénat, d’un de ses comités ou d’un sénateur;

La question de privilège du sénateur Plett ne remplit pas ce critère. Notre propre publication, La Procédure du Sénat en pratique , définit divers privilèges au chapitre 11, et à la page 225, on décrit les privilèges collectifs du Sénat comme suit :

[...] le droit de réglementer ses travaux ou délibérations, notamment le droit d’exclure des étrangers, de délibérer à huis clos et de contrôler la publication de ses débats et délibérations; le droit de prendre des mesures disciplinaires à l’endroit des personnes coupables d’atteinte aux privilèges ou d’outrage; le droit de bénéficier de la présence et des services de ses membres; le droit de procéder à des enquêtes, d’assigner des témoins à comparaître et d’ordonner la production de documents; le droit de faire prêter serment aux témoins; le droit de publier et de distribuer des documents avec immunité en matière de responsabilité civile (diffamation).

À la page 226 de La Procédure du Sénat en pratique, on décrit nos privilèges individuels comme membres du Sénat :

[...] la liberté de parole au Parlement et dans ses comités; l’immunité d’arrestation dans les affaires civiles; l’exemption du devoir d’être juré et de l’obligation de comparaître comme témoin devant un tribunal; la protection contre l’obstruction et l’intimidation.

La question soulevée par le sénateur Plett n’a d’incidence sur aucun de ces privilèges, qu’ils soient collectifs ou individuels. L’entente mentionnée par le sénateur Plett n’est pas un document parlementaire. Ce n’est rien de plus qu’une entente privée entre quatre sénateurs.

Il ne s’agit pas de l’ébauche du rapport d’un comité. Ce n’est pas un projet de loi. Ce n’est pas une motion que cette Chambre doit étudier. Par conséquent, la divulgation de ce document ne porte aucunement atteinte aux privilèges que je viens d’énumérer. Aucun privilège n’a été violé, et l’existence ou la divulgation de ce genre d’entente confidentielle entre des sénateurs ne peut constituer une atteinte au privilège.

Selon le troisième critère, la question soulevée doit viser à corriger une atteinte grave et sérieuse. Évidemment, si aucun privilège n’a été violé, alors ce critère n’est même pas pertinent. Cependant, Votre Honneur, si vous n’êtes pas d’accord avec moi, et si vous considérez que la question de privilège semble fondée à première vue, je maintiens quand même qu’il n’y a rien de grave ni de sérieux à la question soulevée, quoi qu’en disent les beaux discours des honorables sénateurs d’en face.

Enfin, la question doit être soulevée si elle cherche à obtenir une réparation que le Sénat est habilité à accorder et qui ne peut vraisemblablement être obtenue par aucune autre procédure parlementaire. Dans ce cas, Votre Honneur, j’estime qu’aucune forme de réparation ne pourrait vraiment satisfaire le sénateur Plett. Même si Son Honneur considère que la question de privilège semble fondée à première vue, le Sénat ne peut accorder aucune forme de réparation pour remédier à la situation. Nous ne pouvons pas faire disparaître le gazouillis du journaliste qui, comme le sénateur Woo l’a indiqué, a été partagé trois minutes après sa publication.

Par conséquent, quel que soit le processus que nous pourrions décider de suivre, il serait futile et ferait perdre son temps au Sénat. Voilà pourquoi ce quatrième critère est inclus dans le Règlement et pourquoi la question soulevée doit être jugée irrecevable.

Votre Honneur, la question soulevée par le sénateur Plett ne répond pas à trois des quatre critères établis par le Règlement. Or, même si elle n’échouait qu’à un seul critère, l’article 13 du Règlement nous empêcherait quand même de procéder, comme chacun sait.

Honorables sénateurs, je demande à la présidence de conclure que la question de privilège n’est pas fondée à première vue.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais dire deux ou trois choses. Parmi les sénateurs touchés par cette atteinte au privilège figurent tous ceux et celles qui siègent à l’un ou l’autre des comités chargés d’étudier les 13 mesures législatives en cause.

Ils n’ont jamais entendu parler des échéanciers convenus — ou non — par leurs dirigeants, parce que, pour certains de ces projets de loi, la case vis-à-vis le vote à l’étape de la troisième lecture est laissée vide. Ce n’est pas le leader de notre groupe parlementaire qui leur en a parlé. Bon nombre d’entre eux ont appris sur Twitter ou dans le Hill Times qu’un échéancier avait été convenu, ce qui constitue une atteinte au privilège parlementaire.

Pendant les négociations en vue de cette entente, la semaine dernière, le sénateur Woo, qui dirige le Groupe des sénateurs indépendants, a ouvertement réclamé de participer aux négociations. Il l’a exigé une première fois ici, au Sénat, puis dans les médias et dans les médias sociaux. Il a finalement été autorisé à assister aux rencontres. Or, il a admis ce soir qu’il a fait parvenir l’entente signée aux 58 sénateurs de son groupe et — ô surprise —, voilà qu’elle se retrouve sur le fil Twitter de Dale Smith.

Le fait que le sénateur Woo ait qualifié ce soir de « contrariante » ce genre d’atteinte au privilège témoigne de son manque de compréhension fondamental et de son mépris total pour la gravité de la situation. Il en parle comme si c’était amusant. C’est complètement inacceptable. Certains d’entre nous trouvent étrange depuis un certain temps la situation dans laquelle nous sommes, où 58 sénateurs indépendants ont formé un groupe qui a une structure de direction et qui forme une équipe, tout en continuant de se dire indépendants. Comment un tel groupe participe-t-il à une situation de négociation avec ce genre de structure de direction?

Il y a un leader dans cette situation qui ne veut pas être qualifié de leader. Il y a une leader adjointe qui ne veut pas être qualifiée de leader adjointe et un whip qui ne veut pas être qualifié de whip. Qu’arrive-t-il quand 58 personnes prennent les décisions, chacune dans leur petit groupe, au sein du soi-disant Sénat indépendant et non partisan de Justin Trudeau? Il y a une atteinte au privilège. Selon mes collègues qui sont au Sénat et en politique depuis plus longtemps que moi, ce genre de chose ne s’est jamais produit avant.

Honnêtement, si cette entente au sujet du calendrier politique était si peu importante qu’elle ne méritait pas d’être l’objet d’une question de privilège, pourquoi le sénateur Woo s’est-il battu si fort pour participer aux négociations la semaine dernière? Je prends la parole pour appuyer cette motion présentée par mon collègue le sénateur Plett.

L’honorable Pierrette Ringuette [ + ]

Honorables sénateurs, cette question de privilège est malheureusement fondée sur une supposition, plus précisément sur la supposition qu’un sénateur a communiqué les renseignements, comme l’indiquait la lettre que nous avons reçue. Je tiens toutefois à dire, Votre Honneur et chers collègues, que le sénateur Plett et la sénatrice Batters accusent l’ensemble des 58 sénateurs indépendants de cette fuite.

C’est la première fois, à ma connaissance, que, dans le contexte d’une question de privilège fondée sur la publication de renseignements dans les médias, on pointe du doigt un sénateur qui aurait supposément transmis ces renseignements, dans le but qu’il y ait enquête et rapport si la question est fondée à première vue.

Il s’agit d’une accusation grave. Faudrait-il croire que l’ensemble du caucus conservateur au Sénat et de ses employés n’avait pas reçu cette entente sur le cheminement des projets de loi? Dans sa formulation, la question de privilège du sénateur Plett ne semble pas vraiment inviter le Président à déterminer si elle est fondée à première vue; elle semble plutôt cibler un sénateur en particulier et s’attaquer à sa réputation au Sénat. Cette cible n’est pourtant fondée que sur une supposition, comme l’indique la lettre. On m’a donné à penser que les copies de l’entente avaient été distribuées par le sénateur Woo.

Le sénateur Plett ne fournit aucune preuve démontrant que la fuite de renseignements ne provient pas des sénateurs conservateurs ou d’un membre de leur personnel. Aucune déclaration sous serment n’a été présentée au Sénat à propos des autres groupes qui auraient pu communiquer ces renseignements.

Je me demande pourquoi un document indiquant les différentes étapes d’un projet de loi et le délai pour les franchir devrait être un grand secret pour des sénateurs responsables. Nous ne pouvons pas voir ce grand secret. Oh, le grave danger que les sénateurs disposent de renseignements. C’est épouvantable d’avoir des sénateurs bien renseignés, n’est-ce pas, sénateur Housakos? N’est-ce pas un terrible problème?

Cela me rappelle l’époque, pas si lointaine, où les chefs adjoints des caucus partisans assistaient aux travaux et où seuls les trois chefs de caucus savaient ce qui allait se passer au Sénat ce jour-là. Cela ne fait pas si longtemps.

Les sénateurs qui n’occupaient pas un rôle de premier plan étaient tenus dans l’ignorance. À cette époque-là aussi, c’était un grand secret. Les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants soutiennent que c’était inacceptable et que ce l’est toujours. Maintenant, tous les sénateurs reçoivent par courriel les travaux pour la journée ainsi que les votes prévus.

Votre Honneur, le secret n’est plus acceptable dans les travaux du Sénat. Tous les sénateurs devraient être au courant de ce qui figurera au Feuilleton.

Votre Honneur, le Sénat devrait s’offusquer des accusations, qu’elles ciblent un ou 58 sénateurs, comme il vient d’être souligné, parmi la centaine qui était probablement au courant de l’entente sur le processus législatif.

Votre Honneur, dans l’intérêt de tous les sénateurs, le Sénat n’appartient pas à une poignée de personnes, mais bien à l’ensemble des sénateurs et des Canadiens. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’informer les sénateurs d’un processus législatif constitue une atteinte au privilège. En tant que sénatrice d’un Sénat moderne, je m’attends à ce que la transparence et la communication d’information nous permettent de nous acquitter efficacement de nos fonctions collectives et individuelles dans cette enceinte.

Votre Honneur, le document présentant les échéanciers pour les projets de loi n’est pas un document parlementaire. C’est un document procédural. Il n’y a pas lieu de parler d’atteinte grave ou sérieuse, sauf en ce qui concerne l’hypothèse concernant le sénateur Woo, qui représente selon moi des propos non parlementaires. De plus, Votre Honneur, la solution par rapport au document procédural est déjà toute trouvée : c’est un Sénat ouvert, transparent et indépendant.

Votre Honneur, j’ajoute également que l’article cité par le sénateur Plett n’a rien à voir avec les travaux du Sénat. Par conséquent, il tente de créer un nouveau privilège que la Constitution n’a pas encore accordé au Parlement. Votre Honneur, je crois que la question de privilège n’est pas fondée à première vue et je vous remercie de votre attention.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Merci, Votre Honneur. L’avantage d’être plus loin dans la liste des intervenants est que beaucoup de choses ont été dites et je ne les répéterai pas. Je m’associe entièrement aux propos du sénateur Gold et de la sénatrice Ringuette. J’avais l’intention de présenter les mêmes arguments concernant les quatre critères à respecter. Je crois que cela a été traité plus qu’adéquatement, donc je ne m’y attarderai pas. De plus, je crois que la sénatrice Ringuette a soulevé des points importants.

Il me reste donc une ou deux observations à formuler. Votre Honneur, dans votre examen des arguments présentés par les sénateurs, je vous prie de vous pencher sur ce que j’appellerai le langage non parlementaire utilisé par les sénateurs Plett et Housakos. Je ne crois pas que la sénatrice Batters ait fait de même, mais aussi bien vérifier, car parfois, c’est dissimulé. Quoi qu’il en soit, je vous prie d’examiner à tout le moins les propos de ces deux sénateurs.

Nous avons entendu un éventail de remarques accusatrices désobligeantes fondées sur des préjugés à l’endroit de l’ensemble des membres du Groupe des sénateurs indépendants. Votre Honneur, vous remarquerez que, dans sa présentation, le sénateur Plett a parlé tantôt de certains membres du Groupe des sénateurs indépendants, tantôt de l’ensemble du Groupe des sénateurs indépendants.

Le sénateur Housakos, comme il a parfois coutume de le faire, a profité d’une tribune improvisée pour proclamer que le Groupe des sénateurs indépendants n’avait aucune crédibilité. Bon nombre de sénateurs honorables dans ce groupe sont travaillants et diligents et ils apportent une contribution remarquable.

Je ferai remarquer que le plus souvent, au cours des dernières semaines, la sonnerie a retentit à cause de quelque désaccord de l’opposition avec les procédures ou la vitesse à laquelle étudier ou non des projets de loi. Bien franchement, cela m’empêche d’exercer mon privilège parlementaire de travailler au nom des Canadiens.

En examinant la chronologie établie, je sais que le sénateur Housakos, en pleine discussion, en face, tente de me convaincre que celle-ci est inexacte et que les articles ont été publiés après le courriel du sénateur Woo. C’est inexact. En fait, le gazouillis d’un employé des conservateurs figure dans la chronologie et démontre, encore une fois, qu’il ne s’agissait pas du courriel envoyé au Groupe des sénateurs indépendants pour les informer du protocole prévu pour l’organisation des travaux. Selon moi, il faut prendre cela au sérieux. Avant que les sénateurs prennent la parole pour pointer du doigt, ils devraient obtenir toutes les preuves.

Je dirais au sénateur Housakos, qui nous invite à lire le rapport du Comité du Règlement portant sur les allégations d’atteinte au privilège le touchant personnellement, que, lorsque le rapport du vérificateur général a fait l’objet de fuites et que des témoins ont dit publiquement avoir vu le sénateur et son adjoint fournir ces renseignements aux journalistes, le Comité du Règlement auquel il fait allusion...

Le sénateur Housakos [ + ]

Votre Honneur, j’invoque le Règlement. De nouveau, il est tout à fait inacceptable qu’une sénatrice salisse ma réputation en citant un article de journal dont les sources étaient manifestement anonymes. Les personnes auxquelles elle fait allusion et qui m’auraient vu faire les choses dont il est question dans cet article étaient des sources anonymes. Je tiens de nouveau à dire publiquement que ces accusations ont été examinées convenablement. Elles ont été renvoyées à un comité permanent du Sénat il y a longtemps. Une enquête a été menée, des témoins ont comparu, dont le vérificateur général lui-même, et toute la situation a été examinée de près. Je tiens aussi à signaler que j’ai été la principale victime de ces fuites.

Vous pouvez continuer à faire des insinuations et à tenter de salir ma réputation sans connaître les faits. Toutefois, sachez que les faits sont éloquents. De nouveau, j’invite tous mes collègues à lire le rapport du Comité du Règlement. Il est détaillé. Sénatrice Lankin, c’est vraiment indigne de votre part de mener une campagne de salissage de la sorte.

Merci, Votre Honneur.

Son Honneur le Président [ + ]

Je comprends l’indignation qui peut vous animer, sénateur Housakos, mais il ne s’agit vraiment pas d’un recours au Règlement. Cela dit, nous avons bien compris que vous souhaitez que le rapport soit passé en revue.

Je saurais maintenant gré à la sénatrice Lankin d’éviter le sujet tant que le rapport n’aura pas été passé en revue.

Oui, sénatrice Lankin?

La sénatrice Lankin [ + ]

Merci beaucoup. Je crois que je vais découper l’extrait du hansard où figureront les propos du sénateur Housakos parce que c’est exactement ce que je lui reproche de faire avec ses insinuations incessantes et ses généralisations contre un groupe entier de sénateurs. Nous y reviendrons.

Pour ce qui est du Comité du Règlement, dont je faisais partie à l’époque, je ne peux pas révéler ce qui s’est dit parce que la conversation s’est passée à huis clos. Vous constaterez que le rapport ne blâme ni n’exonère personne. Je vous demande donc de le lire à votre tour, honorables sénateurs. Il n’y a rien de vindicatif là-dedans.

Votre Honneur, pour ne pas mettre inutilement votre patience à l’épreuve, je terminerai en rappelant qu’il faut être deux pour danser le tango. C’est loin d’être la première fois que le lien de confiance est rompu et ce lien, il ne se rétablit pas sans effort. Bon nombre d’entre nous sont prêts à y mettre du leur, j’en suis convaincue, mais nous aurons besoin de la collaboration de nos collègues d’en face. Pour le moment, rien n’indique que nous pourrons compter sur eux, mais j’espère que les choses finiront par changer.

Des menaces continuent d’être proférées de temps à autre, que ce soit au sujet de cet accord, d’autres accords ou de quoi que ce soit d’autre qui pourrait survenir par la suite. Celle qui pèse toujours, c’est que quelqu’un décide de renier l’accord. Je dirais, Votre Honneur, que si nous pouvons nous entendre au Sénat sur une approche qui soit honorable, nous devons le faire, car en ce moment nous ne servons pas les Canadiens comme nous devrions le faire. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, je suis prêt à entendre le point de vue d’un plus grand nombre de sénateurs sur cette question. Je sais que la sénatrice Dupuis a pris la parole à diverses reprises. Je rappelle toutefois aux sénateurs que l’article 6-13(1) du Règlement veut que tous les sénateurs évitent de faire des commentaires personnels ou de tenir des propos offensants. Entendre ce genre de chose ne m’apporte rien. Je tiens à ce que les sénateurs s’en tiennent à la question de privilège qui a été soulevée.

La sénatrice Dupuis a la parole.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Merci, monsieur le Président. Chers collègues, j’aimerais revenir au texte de la lettre qui a été distribuée par le greffier et qui soulève la question de privilège qui est devant nous ce soir. Il y a deux éléments dans cette lettre qui m’amènent à faire un rappel au Règlement conformément à l’article 6-13(1) du Règlement du Sénat, qui dit ceci :

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

Je répète :

Les propos injurieux ou offensants sont non parlementaires et contraires au Règlement.

Je suis troublée de constater que la lettre qui soulève la question de privilège — en dehors du fait que je considère que les quatre critères ne sont pas respectés pour la qualifier de question de privilège — mentionne ceci :

J’ai été amené à penser que c’est le sénateur Woo qui a distribué l’entente, ce qui porte atteinte à sa confidentialité, ainsi qu’à mon privilège [...]

Ce qui me trouble encore plus, c’est qu’on fait un lien entre cette phrase et deux phrases qui se trouvent plus loin, dans le paragraphe suivant, et je cite :

Ce non-respect volontaire de la confidentialité compromet donc les négociations à venir et, en ce sens, entrave directement le travail de cette institution.

Je ne crois pas que le travail d’un sénateur ou d’une sénatrice au Sénat du Canada est d’utiliser une question de privilège, comme le veut l’adage, qui veut que la question de privilège doit être soulevée pour se défendre comme sénateur, et non pour attaquer, certainement pas pour attaquer un autre sénateur sur la base de je ne sais trop quelles insinuations, parce que c’est la seule chose que nous avons devant nous. De plus, lorsqu’on dit ceci :

J’ai été amené à penser que c’est le sénateur Woo qui a distribué [...]

C’est une attaque contre son privilège à lui, c’est une attaque directe contre son caractère, contre sa légitimité, et je pense que c’est inacceptable parce que, si on accepte — et c’est ce que je vais vous demander d’examiner — que des questions de privilège soient déposées sur la base d’insinuations, sans aucune preuve, c’est mon privilège, c’est votre privilège et c’est le privilège de l’ensemble des sénateurs et de tout le Sénat qui sont remis en question. Merci.

J’ai quelques observations très brèves à faire. Je dois aborder quelques points.

Je trouve un peu fort que les sénateurs d’en face qui nous répètent constamment que nous lançons des accusations contre eux et que nous ternissons leur réputation font exactement ce qu’ils nous accusent de faire. Cependant, comme je l’ai dit dans mon intervention, le Sénat s’est éloigné de sa raison d’être, que la faute soit attribuable au Groupe des sénateurs indépendants, aux conservateurs ou aux rares libéraux qui siègent encore dans cette enceinte.

Chers collègues, le sénateur Pratte a affirmé que mes remarques n’étaient pas valables parce que j’ai indiqué que « j’ai des raisons de croire ». J’ai dit cela parce que je respecte les règles de confidentialité. Je sais ce que j’avance. Je n’ai pas seulement des raisons de croire ce que je dis, je sais que ce que je dis est vrai. Cependant, je me fais dire que mes affirmations ne sont pas valables parce que je refuse de préciser comment je sais ce que j’avance et que je refuse d’enfreindre le principe de confidentialité. On porte cette accusation contre moi parce que je ne viole pas les ententes de confidentialité, comme cela a été fait ici, aujourd’hui ou hier.

La sénatrice Ringuette affirme que j’ai accusé tous les sénateurs. C’est faux; je n’ai pas accusé tous les sénateurs. J’ai dit que, selon moi, le sénateur Woo n’avait pas respecté l’entente. Il a remis un document à 58 personnes, lesquelles ont peut-être décidé de le remettre à 58 personnes de plus. Je l’ignore. Mais comme je l’ai dit, je ne crois pas que le journaliste a mal agi. Il a publié les renseignements qu’il avait. Si le sénateur Woo n’a pas averti les 58 sénateurs auxquels il a remis le document qu’ils ne devaient pas le donner à qui que ce soit, ils n’ont pas mal agi s’ils l’ont communiqué à d’autres. Par contre, s’il vous a dit de ne le transmettre à personne et que l’un d’entre vous l’a communiqué à Dale Smith, vous avez mal agi.

Je ne sais pas ce qui s’est passé. Je sais simplement que nous avions une entente, tous les cinq. Nous avions convenu de ne pas communiquer ce document à d’autres personnes.

Le processus voulait que... il n’est absolument pas pertinent de savoir si le sénateur Woo a obtenu le document cinq minutes après nous. Ce qui est important, c’est qu’il l’a communiqué à des personnes qui n’auraient pas dû le recevoir. Le sénateur Woo aurait tout de même pu dire qu’un accord avait été signé et en présenter les grandes lignes. Toutefois, sénateur Pratte, il a diffusé un document signé. Je le répète : il a diffusé un document signé. C’est le document qui a été rendu public. Il ne devait pas faire cela; personne d’entre nous ne l’a fait parce que nous étions conscients de la situation. Quatre personnes sur cinq comprenaient en quoi consistait exactement l’accord.

L’enjeu, ce n’est pas qu’il s’agit d’un document confidentiel ou secret. Nous savons qu’il va être divulgué progressivement au Sénat. Nous souhaitions que le document ne sorte pas de ce groupe de cinq sénateurs, car nous ne voulions pas que les conservateurs se pètent les bretelles en disant : « Nous sommes les gentils. Nous avons conclu l’accord. » Nous ne voulions pas que le sénateur Harder dise : « C’est moi qui ai présenté cette motion, et maintenant je me suis entendu avec tout le monde. » Nous ne voulions pas que le sénateur Woo dise : « Finalement, ils m’ont permis d’entrer dans la salle et, maintenant, nous avons conclu un accord. » C’est pourtant ce qu’a laissé clairement entendre un gazouillis publié par un membre du Groupe des sénateurs indépendants.

Nous souhaitions que le document soit confidentiel pour une raison bien précise. Il ne s’agissait pas d’un document hautement secret. Ce n’était pas pertinent pour nous.

Je crois toutefois, chers collègues, que quelqu’un a affirmé que l’article de presse n’était pas lié au Sénat. Comment l’article ne peut-il pas être lié au Sénat? Il porte uniquement sur le Sénat et l’entente.

La sénatrice Lankin ne l’a pas dit, mais j’avais l’impression à la fin qu’elle laissait entendre que quelqu’un menaçait de renier ses engagements. C’est la première fois que j’entends parler de cela. Je répète : c’est la première fois que j’en entends parler. Si vous voulez lancer une accusation, faites-le.

La sénatrice Lankin [ + ]

C’est arrivé par le passé, sénateur. C’est arrivé par le passé, sénateur.

Prenez la parole et soulevez cette question de privilège. Personne ne va renier l’accord parce que nous ne faisons pas ce genre de chose.

Votre Honneur, que vous tranchiez en ma faveur ou non, ma vie va continuer. Demain, si Dieu le veut, je vais sortir du lit et je vais me présenter au Sénat en étant aussi calme qu’aujourd’hui parce que je porte mon bracelet. Je vais ajouter un peu de cette huile dessus, ce qui aidera peut-être un peu plus.

Toutefois, chers collègues, nous avons dévié vers un sujet que nous n’aurions pas dû aborder, et voici notamment pourquoi : il ne règne aucune confiance. Pour faire régner la confiance, tout le monde doit tenir parole. Je m’engage à être le premier à tenter de le faire. Or, je n’ai rien entendu du genre de l’autre côté. Tout ce que j’ai entendu, c’est : « Je n’ai rien fait de mal. » Oui, vous avez fait quelque de mal, sénateur Woo. Vous avez fait quelque chose de mal lorsque vous avez transmis un document à au moins 58 personnes qui n’étaient pas censées y avoir accès.

Son Honneur le Président [ + ]

Je vais entendre le sénateur Woo. Par la suite, je crois que j’en aurai assez entendu.

Le sénateur Woo [ + ]

En toute honnêteté, Votre Honneur, c’est aussi mon cas. Je ressens toutefois une certaine obligation de faire quelques dernières observations en réponse au sénateur Plett. Je vais d’abord revenir sur son commentaire le plus positif, qui portait sur la nécessité de rétablir la confiance. J’ai dit dans ma réfutation que telle était mon intention malgré la question de privilège qui est soulevée. Je sais que mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants veulent collaborer avec tous les autres groupes du Sénat et continuer à parvenir à des ententes unanimes sur l’organisation des travaux et sur d’autres enjeux. C’est là le mandat que mon groupe m’a donné. J’ai l’intention de poursuivre ce travail.

Votre Honneur, le nœud de l’affaire, comme je l’ai déjà dit, est l’allégation selon laquelle j’aurais divulgué le document aux médias. Les arguments qui ont été présentés reposent sur la théorie voulant que je ne l’aie pas divulgué directement, mais que l’un de mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants — un des 57 autres membres — l’ait envoyé, toujours selon la même théorie, à M. Smith, qui aurait ensuite pu le publier sur son compte Twitter. J’ai déjà expliqué pourquoi c’est impossible, car M. Smith a publié son gazouillis à 14 heures, et le Groupe des sénateurs indépendants n’a pas reçu le document avant 16 heures. Par ailleurs, si on se demande d’où vient la fuite, il ne faudrait pas oublier que le gazouillis a été retransmis seulement trois minutes après sa publication par M. Smith, à 14 heures.

Ainsi, l’allégation fondamentale selon laquelle j’aurais divulgué ce document aux médias n’a pas été prouvée. Je vous assure catégoriquement, honorables sénateurs, que ce n’est pas moi qui ai fait cela. Vous pouvez me traiter de menteur si vous le voulez, mais je nie catégoriquement avoir divulgué ce document aux médias. J’ai dit ouvertement que je l’ai transmis à mes collègues, pour de bonnes raisons.

C’était une erreur.

Le sénateur Woo [ + ]

Nous ne nous entendons pas sur ce point.

Présentement, Votre Honneur, la question de privilège repose sur une allégation concernant la fuite d’un document que j’aurais orchestrée. J’affirme catégoriquement que je ne l’ai pas fait. Aucune preuve du contraire n’a été présentée. D’ailleurs, je dirais que nous ne savons toujours pas qui a remis ce document au journaliste en question et rien n’indique que c’était quelqu’un du Groupe des sénateurs indépendants. En soi, cela montre que l’allégation de violation de privilège n’est aucunement étayée. Merci.

Son Honneur le Président [ + ]

Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Plett de la question qu’il a soulevée et je remercie tous les sénateurs qui ont contribué au débat. Je vais prendre la question en délibéré.

Nous reprenons le débat sur la motion du sénateur Sinclair tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-262.

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