La Loi sur les océans—La Loi fédérale sur les hydrocarbures
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat
1 mai 2019
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, en ce qui concerne les zones de protection marine.
Comme l’ont déjà dit les sénatrices Bovey et Poirier dans leurs discours, ce projet de loi prévoit un processus de désignation temporaire de zones de protection marine au large des trois côtes du Canada. Il mettrait également en œuvre une promesse électorale prise explicitement par le gouvernement actuel et qui vise à permettre au Canada de répondre aux obligations internationales qui ont été contractées en 2010 par le gouvernement précédent. Le projet de loi C-55 a été adopté par une majorité considérable à l’autre endroit; seuls quelques députés de l’opposition ont voté contre.
Je ne vais pas parler de toutes les questions qui ont été examinées par le comité, mais je tiens à souligner les témoignages que nous avons entendus au sujet d’un certain nombre d’enjeux qui font l’objet d’inquiétudes.
Bon nombre des objections formulées par des témoins et des membres du comité lui-même portaient sur le concept des zones de protection marine en général, et non pas forcément sur la protection provisoire prévue dans le projet de loi C-55. D’autres inquiétudes portaient sur la façon dont le régime actuel est administré, ainsi que sur la façon dont le projet de loi C-55 serait mis en application et administré, plutôt que sur le contenu en tant que tel du projet de loi. Néanmoins, on a discuté de plusieurs enjeux importants. Parmi ces enjeux, je vais maintenant parler de ceux qui ont fait l’objet de préoccupations particulières.
Vous avez déjà entendu certaines de ces préoccupations et d’autres seront peut-être soulevées pendant le débat. Elles touchent notamment les questions suivantes : le principe de prudence et le rôle que joue la science dans la détermination des zones de protection marine; le manque de consultations menées auprès des intervenants, des communautés autochtones et des gouvernements provinciaux et territoriaux; l’effet des zones de protection marine sur le gagne-pain des personnes qui pêchent dans les eaux en question ou qui souhaitent exploiter les ressources minérales des fonds marins.
Regardons chacun de ces éléments de plus près.
On a dit que le projet de loi C-55 inscrit dans la loi l’approche préventive ou le principe de précaution en ce qui a trait à la désignation des zones de protection marine, ou ZPM. Certains craignent que le gouvernement ne se serve du principe de précaution comme d’une excuse pour désigner des ZPM sans tenir compte de la science pour atteindre des objectifs de protection qui seraient importants d’un point de vue politique. Un sénateur a même déclaré en comité qu’il s’agissait d’un prétexte pour ne pas réaliser d’études scientifiques.
En toute déférence, j’affirme que rien ne saurait être plus loin de la vérité.
Tout d’abord, soulignons que le principe de précaution n’a pas été créé avec le projet de loi C-55. Il fait partie du préambule de la Loi sur les océans, qui a été adoptée il y a plus de deux décennies. Qui plus est, le principe de précaution fait partie du droit international de l’environnement que le Canada appuie depuis longtemps. Le projet de loi C-55 ne fait que préciser que le gouverneur en conseil et le ministre ne peuvent pas utiliser l’absence de certitude scientifique ayant trait aux risques que peut présenter l’exercice d’activités comme prétexte pour refuser la désignation d’une zone de protection marine ou la remettre à plus tard.
Fait encore plus important, ni le principe de précaution ni le processus prévu au projet de loi C-55 pour la désignation des ZPM provisoires ne mettent de côté la science, bien au contraire.
Le comité a entendu de nombreux chercheurs scientifiques qui ont indiqué qu’on peut rarement, voire jamais, arriver à une certitude absolue en sciences. L’un d’eux a déclaré ce qui suit, et je cite :
La science progresse lentement. Il faut beaucoup de temps et beaucoup de travail avant que les scientifiques affirment que quelque chose est certain, mais la certitude ne constitue pas une exigence minimale adéquate pour la prise de décisions.
Pour reprendre les paroles d’un autre chercheur, et je cite :
[…] les données scientifiques ne sont jamais complètes —, nous ne devrions pas éviter de prendre des décisions qui privilégient la prudence.
Le fait que les connaissances scientifiques soient partielles ne veut pas dire que la science est mise de côté. En effet, la science est au cœur du processus bien avant qu’une zone soit retenue comme candidate possible pour être désignée comme ZPM.
Selon des témoignages que nous avons entendus au comité, des processus approfondis de consultation scientifique commencent « bien avant » que le gouvernement considère un endroit comme une possible ZPM . Un témoin, qui ne fait pas partie du gouvernement, nous a dit que le Secrétariat canadien de consultation scientifique, qui coordonne la production d’avis scientifiques à l’intention de Pêches et Océans Canada, travaille avec des professeurs, des intervenants et des experts scientifiques pour désigner des zones d’importance écologique et biologique (ZIEB), qui pourraient être retenues pour être désignées comme zones de protection marine. Le cas échéant, le projet de loi C-55 prévoit la mise en marche d’un processus dans le cadre duquel seront menées de plus amples recherches et consultations avant qu’un endroit soit désigné comme ZPM. Le travail scientifique ne s’arrête pas là, car le projet de loi C-55 autorise le ministre des Pêches et des Océans à désigner une ZPM provisoire pour une période maximale de cinq ans durant laquelle des études supplémentaires seront menées afin de déterminer s’il y a lieu de désigner l’endroit comme ZPM à part entière.
Loin de négliger la science, le projet de loi C-55 et le principe de prudence qui le sous-tend sont fondés sur la compréhension des limites des connaissances scientifiques et sur la nécessité de poursuivre la recherche scientifique pendant que sont établies les zones de protection marine.
Le processus de consultation et la mobilisation des intervenants ont suscité, à juste titre, passablement de préoccupations. Le gagne-pain de certaines personnes est en jeu, tout comme la vitalité économique des collectivités établies sur les trois côtes du pays. Il existe aussi des questions constitutionnelles importantes en ce qui concerne la participation des détenteurs de droits autochtones et des gouvernements provinciaux et territoriaux au processus qui vise à déterminer l’ampleur d’une éventuelle zone de protection marine.
Voici tout d’abord une observation à propos des consultations.
Tenir des consultations fructueuses n’est pas chose facile et, souvent, elles donnent l’impression d’avoir été insatisfaisantes. Dans ce cas également, le comité a entendu des témoins des secteurs non gouvernementaux qui affirmaient que, du moins sur les côtes atlantique et pacifique, Pêches et Océans Canada mène un processus de consultation élargi avec les communautés qui vivent de la pêche, avec les collectivités locales, avec les gouvernements provinciaux et autochtones et avec les groupes de protection de l’environnement. Le président et chef de la direction de la Société régionale des Inuvialuit nous a dit que les deux premières zones de protection marine de l’Arctique « [...] ont été créées grâce à une collaboration entre les Inuvialuit, le ministère des Pêches et des Océans du Canada, l’industrie, les intervenants et [les] gouvernements locaux. » Au sujet de la création d’une zone de protection marine à Lancaster Sound, un représentant de l’industrie au Nunavut nous a dit que « [...] des consultations appropriées [semblaient être] menées auprès des diverses collectivités, des organisations inuites et des aînés. » D’après ce que le comité a entendu, il semble que beaucoup de consultations aient lieu.
Par ailleurs, certaines préoccupations ont été exprimées quant au rôle des détenteurs de droits autochtones dans le processus, ce qui a amené le sénateur Patterson à présenter un amendement qui a été adopté par la vaste majorité des membres du comité. Je n’étais pas persuadé que cet amendement soit nécessaire, compte tenu des dispositions de la loi applicable. Néanmoins, je comprends qu’il importe de souligner l’importance constitutionnelle d’une telle consultation et je respecte cette décision. J’ajoute simplement que pour ce qui est des droits et des intérêts des Autochtones, le projet de loi C-55 précise que le ministre peut uniquement utiliser ce nouveau pouvoir pour désigner une zone de protection marine « d’une manière qui n’est pas incompatible avec quelque accord sur des revendications territoriales mis en vigueur et ratifié ou déclaré valide par une loi fédérale ». Cela s’ajoute à la disposition de non-dérogation habituelle qui se trouve déjà dans la Loi sur les océans au titre de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982.
De façon plus générale, les témoignages montrent clairement que la participation et la consultation sont parties intégrantes du processus envisagé dans le projet de loi C-55 et du processus prévu dans la Loi sur les océans de même que dans le règlement et les directives connexes. Un représentant du ministère des Pêches et des Océans a précisé que la participation se fait du début à la fin du processus décisionnel et qu’il y a également « une consultation officielle entre la Couronne et les peuples autochtones dont les droits sont touchés ».
Le processus pourrait-il être amélioré? Bien sûr. Cela dit, un processus détaillé est prévu dans le projet de loi, la loi, la réglementation et les politiques. Le défi consiste à veiller à ce que les processus soient établis de manière efficace, ce qui est plus une question de mise en œuvre qu’une question de conception du projet de loi.
Pour ce qui est de l’incidence d’une zone de protection marine sur le gagne-pain des parties prenantes, il s’agit là d’un élément de première importance. Les inquiétudes des personnes dont le moyen de subsistance dépend de leur accès aux ressources de l’océan sont réelles et légitimes. J’ai beaucoup appris des témoins et je comprends beaucoup mieux les conséquences socioéconomiques que peut avoir la désignation d’une zone de protection marine.
Cela dit, les témoignages ont été clairs et convaincants sur un certain nombre de points.
D’abord, comme vous l’avez déjà entendu, lorsque le ministre des Pêches et des Océans désigne une zone de protection marine, l’empreinte laissée par l’activité humaine est gelée temporairement. D’autres examens sont alors effectués pour évaluer si la zone de protection marine doit être maintenue ou supprimée. Qu’est-ce qu’une telle mesure signifie et — ce qui est tout aussi important — qu’est-ce qu’elle ne signifie pas?
Le gel de l’empreinte n’entraîne pas l’arrêt de toutes les activités dans la zone. Bien au contraire, cette mesure permet aux activités « en cours » qui sont exercées légalement de se poursuivre pendant la période provisoire. Ce qu’elle fait, c’est d’empêcher toute nouvelle activité dans la zone désignée pendant que des recherches supplémentaires sont effectuées sur l’impact environnemental de l’activité ainsi que sur les répercussions socioéconomiques de la réglementation de l’activité.
La mesure n’entraîne pas non plus le gel des quotas attribués ou des quantités permises dans le cadre d’activités en cours qui sont exercées légalement. Prenons, par exemple, la pêche à la crevette. Comme l’a expliqué un témoin du ministère, si la pêche à la crevette est une activité en cours qui est légalement permise dans une zone de protection marine provisoire, le quota pourrait être ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction des critères environnementaux, comme le veut la pratique habituelle. La désignation d’une zone de protection marine provisoire ne dicterait pas la quantité de crevettes à pêcher. De plus, il n’est pas nécessaire qu’une activité ait eu lieu dans l’année précédant la protection provisoire.
Il s’agit d’une préoccupation soulevée par la sénatrice Poirier dans son discours d’hier. Prenons le cas de ce qu’on appelle une « pêche en rotation », c’est-à-dire une pêche qui ne se pratique pas chaque année, mais selon un cycle de rotation, disons de deux ou trois ans. Au comité, le cas de la panope du Pacifique et celui du concombre de mer ont été donnés en exemple. La pêche serait-elle interdite simplement parce qu’elle n’était pas active dans l’année précédant la désignation d’une zone de protection marine provisoire? La réponse est non. Des témoins du ministère des Pêches et des Océans ont clairement expliqué que le projet de loi C-55 préserve les activités autorisées en cours plutôt que les activités actuelles. Le libellé a été choisi judicieusement, justement pour reconnaître que certaines activités autorisées le demeureront de façon continue, et ce, même si elles ne sont pas pratiquées actuellement.
Que se passe-t-il après l’entrée en vigueur d’une telle désignation? Les préoccupations au sujet des répercussions sociales et économiques seront-elles mises de côté? Bien sûr que non. La période de cinq ans donne à toutes les parties le temps de faire le travail nécessaire pour parvenir à un juste équilibre entre les considérations environnementales, sociales et économiques pertinentes.
À titre d’exemple, dans le canyon sous-marin du Gully, qui se trouve au large de la côte sud de la Nouvelle-Écosse et qui a été désigné zone de protection marine en mai 2004, on a déterminé que les pêcheurs de homard utilisent une technologie qui n’aurait aucun impact sur les éléments que la zone tente de protéger. On peut s’attendre à des conclusions semblables dans le cas des zones examinées en tant que secteurs d’intérêt aux termes de la Loi sur les océans.
En disant cela, je ne cherche pas à minimiser les inquiétudes que peuvent avoir des gens et des collectivités au sujet de l’impact possible des zones de protection marine sur leur gagne-pain. Cependant, les témoignages présentés devant le comité m’ont convaincu que les mécanismes prévus dans le projet de loi C-55 tiennent compte de ces inquiétudes de manière responsable et appropriée.
Honorables sénateurs, comme je l’ai dit au début de mon discours, le projet de loi C-55 vise à donner suite à une promesse électorale prise par le gouvernement actuel pour permettre au Canada de respecter des obligations internationales contractées en 2010 sous le gouvernement précédent. Il a été étudié par le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, qui a tenu neuf réunions et a entendu 36 témoins.
Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans a tenu huit réunions et entendu 17 témoins sans lien avec le gouvernement. De plus, nous avons consacré presque quatre heures à l’étude article par article, examinant une série de propositions d’amendement, dont deux ont été adoptées. La sénatrice Bovey a donné une description complète de ces amendements dans son discours, et je n’ai rien à y ajouter. Comme je l’ai mentionné, j’avais des réserves à l’égard des deux amendements et je ne les ai pas appuyés au comité. J’estime qu’ils sont inutiles vu les dispositions qui se trouvent déjà dans la loi et qu’ils risquent de compliquer de manière imprévue le processus de création d’une zone de protection marine prévu dans le projet de loi.
Cela dit...
Pardon, sénateur Gold, mais votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Une minute supplémentaire.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Toutes mes excuses. Je m’étais pourtant chronométré. De toute évidence...
Cela fait 20 secondes.
J’estime que ces amendements sont inutiles et qu’ils risquent de compliquer inutilement le processus de création d’une zone de protection marine prévu dans le projet de loi. Cela dit, le but de l’amendement est à la fois légitime et valable, et je suis heureux d’appuyer le projet de loi modifié. Si le gouvernement accepte ces amendements, tant mieux. S’il les rejette, je demeure convaincu que le projet de loi C-55 est un projet de loi judicieux qui mérite notre appui.
Le projet de loi C-55 est une réponse modérée et responsable au problème bien réel de la préservation de l’intégrité de la biodiversité des océans, problème exacerbé par les changements climatiques et l’activité économique. Je l’appuie sans réserve et je vous encourage à en faire autant.
Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, qui vise à désigner des zones de protection marine et à interdire, dans de telles zones, l’exercice de certaines activités pendant une période pouvant aller jusqu’à cinq ans.
De façon générale, ce projet de loi est une bonne mesure législative qui mérite d’être adoptée par cette assemblée. Ses dispositions nous aideront à respecter l’engagement que nous avons pris de tenir compte des objectifs mondiaux de conservation lors de l’établissement d’un réseau national d’aires marines protégées.
Comme nous le savons, en juin 2016, en tenant compte du fait que la désignation d’une zone de protection marine prend, en moyenne, entre cinq et sept ans, le gouvernement a annoncé un plan en cinq points pour atteindre ses objectifs de conservation marine. Ce plan comprend l’apport de modifications à la Loi sur les océans pour faciliter le processus de désignation des zones de protection marine.
Aux termes des engagements internationaux qu’elles ont pris, les parties doivent protéger, d’ici 2020, au moins 10 p. 100 des aires côtières et marines. Étant donné la longueur du processus de désignation des zones de protection marine, je crois qu’il est logique de permettre la désignation de zones de protection marine provisoires.
Compte tenu de la rapidité avec laquelle les changements climatiques se produisent, en particulier dans les zones côtières, il est logique que nous ayons besoin d’un outil qui nous permette d’agir plus rapidement pour protéger les zones marines, les espèces marines en voie de disparition et menacées, et les habitats marins uniques. Compte tenu des conséquences des changements climatiques, je crois que nous avons besoin de cet outil pour suivre ou devancer le rythme des changements que subit le climat.
Le fait de reconnaître ces réalités environnementales et leurs conséquences est très important pour moi. En tant que sénateur mi’kmaq, je veux affirmer non seulement le lien que nous avons avec les eaux et les créatures qui y vivent, mais aussi la responsabilité que nous avons envers elles. Comme l’a écrit Rachel Carson, biologiste marine, auteure et conservationniste américaine, « [m]ême dans les vastes et mystérieuses profondeurs de l’océan, la vérité fondamentale de la vie nous frappe : tout est lié ».
Les peuples autochtones ressentent l’engagement sacré entre nos communautés et les eaux. C’est en raison de cette relation importante que nos peuples cherchent à protéger vaillamment leur lien avec les océans. L’importance de cette notion a été prise en compte dans l’étude du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans sur le projet de loi C-55. J’aimerais aborder brièvement trois points qui ont été soulevés au cours de nos délibérations.
Le premier porte sur l’obligation du gouvernement fédéral de consulter les peuples autochtones, obligation qui, dans le cas de ce projet de loi, n’a pas été respectée, selon des témoins clés.
Il y a deux personnes dont le témoignage pas tendre éclaire les lacunes du processus de consultation au sujet de ce projet de loi tout en faisant bien la lumière sur la difficulté persistante du gouvernement à remplir correctement et efficacement l’obligation de consulter.
M. Duane Smith est président du conseil et chef de la direction de la Société régionale des Inuvialuit. On l’a interrogé sur le caractère adéquat du processus de consultation au sujet de la désignation des zones de protection marine. Sur la question du moratoire sur les activités pétrolières et gazières, il a dit :
[...] c’est plutôt ignorant en ce qui concerne ma région. Je dis cela parce que le gouvernement a imposé un moratoire dans ma région sans aucune consultation préalable. [...] si je dis « ignorant », c’est parce que nous avons un accord définitif avec le gouvernement fédéral depuis près de 35 ans [...]
L’accord sur les revendications territoriales dans la région d’Inuvialuit est le deuxième grand traité moderne que nous avons conclu au Canada.
[...] il existe un organisme de cogestion qui s’occupe de la gestion et de la recherche marines extracôtières. Il s’agit du Comité mixte de gestion de la pêche, dans lequel sont représentés les Inuvialuit et les gouvernements territorial et fédéral.
En parlant des mesures qui sont en place depuis déjà 35 ans, M. Smith a déclaré ceci :
[...] le gouvernement fédéral fait fi du processus établi et de la responsabilité exercée dans le cadre de la cogestion.
Lorsqu’on a demandé à M. Smith de parler des répercussions des mesures unilatérales, il a ajouté ceci :
[...] le projet de loi tel qu’il est rédigé ne respecte pas les droits que nous confère l’accord définitif. À vrai dire, il fait marche arrière parce qu’il n’y a pas de véritable consultation. Il faut prévoir un mécanisme ou un processus dans ce projet de loi pour reconnaître nos droits et donner suite aux nombreuses décisions des tribunaux qui affirment la nécessité d’une consultation adéquate.
Lorsqu’on a demandé une fois de plus à M. Smith de parler de l’ampleur des consultations entourant le moratoire sur l’exploitation pétrolière et gazière, il a déclaré ceci :
[...] pour peu que vous considériez qu’un appel téléphonique 20 minutes avant l’annonce du moratoire constitue une consultation, c’est tout ce que le gouvernement fédéral a fait pour travailler — ou ne pas travailler — avec nous à la préparation du moratoire. Il y avait des entreprises qui avaient des droits d’exploration extracôtière à l’époque, et c’était essentiellement pour elles le signal de fermeture. Il n’y a donc pas eu, à proprement parler, de consultation à ce sujet.
L’honorable Joe Savikataaq, premier ministre du Nunavut, a tenu essentiellement les mêmes propos. Lorsqu’on lui a demandé comment son gouvernement souhaitait participer au processus de désignation des zones de protection marine, il a répondu ceci :
[...] nous ne sommes pas contre le processus. Nous voulons en faire partie. Nous sommes le gouvernement du Nunavut, et c’est notre région. Et c’est exactement comme les provinces qui lancent un débat et font connaître leurs insatisfactions si un énorme morceau de leur région côtière leur est retiré sans leur consentement et presque sans qu’elles le sachent.
Au comité, j’ai demandé au premier ministre du territoire s’il jugeait que d’autres mesures devaient être ajoutées au projet de loi C-55. Je lui ai parlé de la possibilité de mettre en place une structure de collaboration, un groupe de travail ou autre chose qui permettrait de désigner les zones avant de prendre les décisions définitives. Le premier ministre a répondu ceci :
Je pense qu’il s’agit d’une bonne recommandation, pourvu que nous fassions partie du processus. Il faudrait qu’un représentant du Nunavut fasse partie du groupe de travail.
Honorables collègues, il est on ne peut plus clair que ces deux témoins veulent que le projet de loi comprenne une sorte de recours ou de mécanisme qui garantirait aux groupes de défense des droits des Autochtones et au gouvernement territorial la possibilité de participer au processus de désignation des zones de protection marine.
Cela m’amène à croire que l’approche actuelle est inadéquate, malgré l’obligation de consulter et l’affirmation des droits garantis par l’article 35. En tant que parlementaires, nous devons reconnaître que l’approche du gouvernement à l’égard de l’obligation de consulter les peuples autochtones a échoué lamentablement, malgré toutes les initiatives législatives et les nombreuses décisions rendues par les tribunaux.
Le sénateur Patterson mérite des félicitations pour son amendement, qui propose une consultation et une coopération plus vastes. Il l’a présenté après avoir été contacté par le premier ministre Saviqataaq du Nunavut et Peter Taptuna, un de ses prédécesseurs, qui lui ont dit qu’il n’y avait pas de consultation. Le comité a reçu des assurances de la part du ministre des Pêches et des Océans, qui a promis de consulter les gouvernements voisins et les intervenants, et que ces consultations incluraient les titulaires de droits autochtones. Le sénateur Patterson a soutenu à juste titre que, si les fonctionnaires et le ministre proposent de faire une telle chose, le texte du projet de loi devrait refléter ces mesures afin de garantir qu’elles seront bel et bien instaurées.
Le sénateur Patterson a déclaré au comité :
Par excès de prudence, chers collègues, et en demandant seulement au gouvernement de faire ce qu’il a déjà promis, l’amendement propose de mener des consultations et de pratiquer la coopération. C’est un amendement plutôt modeste.
Je suis d’accord pour dire que l’amendement est assez modeste. Il ne mentionne pas les droits. Il vise simplement à définir et à créer les conditions propices à la création d’un processus clair et précis pour la participation des titulaires de droits et des gouvernements territoriaux touchés par le projet de loi. À mon avis, ils sont en droit d’exiger cela, à tout le moins.
Chers collègues sénateurs, j’appuie le projet de loi à l’étude, tout en sachant qu’il faudra peut-être y apporter de petits changements ici et là. Après avoir consacré plus de 40 ans de ma vie à la politique autochtone et avoir passé une bonne partie de cette période à l’extérieur du monde parlementaire, à tenter d’obtenir une mobilisation vigoureuse et sincère de la part du gouvernement, je dois admettre que j’ai du mal à faire confiance au gouvernement.
Honorables collègues, voilà, en quelques mots, ce qui me préoccupe. C’est dans cette optique que j’appuie l’amendement du sénateur Patterson. Je me réjouis que le comité l’ait adopté.
En ma qualité de Néo-Écossais, je ressens aussi le besoin de commenter l’amendement présenté par le sénateur McInnis. Il est semblable à celui du sénateur Patterson mais porte sur la nécessité, pour le gouvernement, de fournir suffisamment de préavis et de contexte. En vertu de cet amendement, le ministre sera tenu de déterminer ce qui doit être protégé au sein de la zone d’intérêt avant la désignation et le décret; il devra aussi déterminer quels habitats et quelles espèces seront protégés. De plus, le ministère devra publier ces renseignements sur son site web pour en informer la population. Je félicite le sénateur McInnis de l’éloquence avec laquelle il a défendu son amendement. J’aimerais reprendre ici quelques-unes de ses observations.
Au sujet du site des îles de la côte Est, une zone de protection marine proposée qui se trouve du côté Est de la Nouvelle-Écosse, le sénateur McInnis a dit ceci :
Les ouï-dire et les déclarations non fondées peuvent bouleverser la vie des intervenants [...] Nous ne pouvons pas continuer à créer un voile d’incertitude quant au sort que la ZPM ou la ZPM provisoire réserve aux collectivités de ces régions [...] Les rumeurs qui courent sur les régions géographiques qui seront couvertes causent des problèmes. Quelles empreintes et quelles zones sans prélèvement peuvent être en jeu? Les entreprises aquacoles qui emploient un grand nombre de travailleurs fermeront-elles leurs portes? [...] Cela dresse des groupes communautaires contre d’autres groupes communautaires. Comme je l’ai indiqué, lorsque votre gagne-pain est menacé, vous ignorez si vous serez en mesure de pêcher ou non.
Honorables sénateurs, je suis heureux que l’amendement du sénateur McInnis ait également été adopté par le comité. Il met dans la boîte à outils du ministère des Pêches et des Océans des outils que son personnel peut utiliser pour aviser correctement les intéressés de ce qui sera protégé et des répercussions possibles pour la collectivité. Il favorise une bonne relation, honnête et ouverte. Le besoin d’avoir des consultations et des communications efficaces n’est pas propre aux peuples autochtones. Il devrait s’appliquer à toute personne qui a un intérêt. L’amendement du sénateur Patterson vise à donner des avis adéquats et appropriés. L’amendement du sénateur McInnis vise à fournir aux personnes touchées suffisamment de contexte et d’information.
Chers collègues, je sais que certains parmi nous s’opposent aux amendements et les qualifient de redondants et d’inutiles. Même si c’était le cas, il est tout à fait raisonnable de répéter les choses, de les éclaircir et de s’assurer qu’on tienne compte des intérêts des gens. Si cela est redondant, comme le prétendent certains, c’est parfait. On ajoute plus de clarté et on atténue la confrontation entre les gens et le gouvernement. Les gens devraient toujours avoir le dessus sur la politique. Ces deux amendements nous aident à nous en assurer. Je tiens à remercier une fois de plus mes deux collègues qui les ont présentés.
Mon dernier point au sujet de l’étude du projet de loi C-55 concerne le témoignage d’un membre de la nation Tobique au Nouveau-Brunswick, Ken Paul, directeur des pêches de l’Assemblée des Premières Nations. M. Paul a souligné que le gel de l’empreinte au moment de la désignation d’une zone de protection marine violerait les droits consentis aux Autochtones aux termes de l’article 35 et des traités. Le gel de l’empreinte par Pêches et Océans dans un secteur où pêche un groupe autochtone a pour effet d’annuler, d’abroger ou de bafouer les droits consentis aux Autochtones par l’article 35 ou par les traités.
Donc, le gouvernement doit assurer aux détenteurs de droits autochtones qu’il n’imposera pas un gel de l’empreinte, à moins qu’un tel empiètement sur les droits soit réellement justifié. De telles mesures sont décrites dans l’arrêt Sparrow, où la Cour suprême du Canada statue que la Constitution accorde aux Premières Nations le droit ancestral de pratiquer la pêche à des fins alimentaires, sociales et cérémoniales et que ce droit a priorité sur tous les autres, hormis les mesures de conservation. En annulant la déclaration de culpabilité de M. Sparrow, la cour a statué que la Loi constitutionnelle offre une protection solide aux droits ancestraux et que les règlements proposés par le gouvernement qui empiètent sur l’exercice de ces droits doivent être justifiés sur le plan constitutionnel.
L’arrêt Sparrow est l’un des plus importants de la Cour suprême du Canada concernant les droits ancestraux. Il interprète l’article 35 de manière concrète. En résumé, nous ne voulons pas que le gouvernement néglige son devoir de consulter simplement parce qu’une zone de protection marine provisoire a été désignée. Je soutiens que le devoir de consulter existe toujours malgré la désignation d’une telle zone. Aujourd’hui, au Sénat, je rappelle au gouvernement sa responsabilité à cet égard.
Dans notre mémoire au comité, M. Paul et l’Assemblée des Premières Nations ont souligné qu’en ce qui a trait au contrôle et à la surveillance des zones de protection marine et des zones désignées par le Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat, la surveillance devrait inclure les peuples autochtones ou les gardiens autochtones. Les programmes de surveillance dirigés par les Autochtones permettent aux collectivités de gérer les terres et les eaux ancestrales selon les lois et les valeurs traditionnelles. Les gardiens servent d’observateurs sur le terrain dans les territoires autochtones. Ils surveillent la santé écologique, entretiennent les sites culturels et protègent les zones et les espèces vulnérables. Ils jouent un rôle essentiel dans l’élaboration de plans de gestion des ressources terrestres et marines. Ils favorisent le partage intergénérationnel du savoir autochtone, en aidant à former la prochaine génération d’éducateurs, de ministres et de bâtisseurs de la nation.
En ce qui concerne la mise en œuvre du projet de loi, je tiens à ce que le gouvernement sache qu’il finance déjà ces postes de gardes-pêche. Il faudrait travailler pour faire en sorte que les dispositions d’application prévoient la participation de ces gardiens. Le ministère des Pêches et des Océans affirme souvent qu’il n’a pas suffisamment d’agents pour organiser des patrouilles dans toutes les zones. Il serait possible de mobiliser les gardes-pêche en tant qu’agents mandatés, selon la désignation prévue dans la Loi sur les pêches, en les nommant agents de la paix assermentés. Ces gardes-pêche pourraient ainsi participer à l’application des règles relatives aux zones de protection marine et aux zones de protection marine provisoires.
Monsieur le sénateur Christmas, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Oui, Votre Honneur.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Merci, chers collègues.
Pour conclure — et comme je l’ai déjà mentionné —, honorables collègues, je vous concède que d’aucuns penseront que j’appuie les amendements proposés au projet de loi C-55 pour des raisons futiles et, par conséquent, s’y opposeront. À mon avis, la démarche est logique. En effet, je préfère pêcher par excès de certitude et pouvoir dire qu’à toutes les étapes du processus, ces mesures ont fait l’objet de consultations réelles et approfondies. J’aimerais m’assurer que toutes les personnes susceptibles d’être touchées par les dispositions du projet de loi C-55 ont été proprement avisées et ont pris pleinement connaissance du contexte dans lequel le projet de loi pourrait affecter leur vie.
En conséquence, pourquoi ne pas préciser dans la loi un critère relatif à ces deux mesures? Winston Churchill a dit : « Pour s’améliorer, il faut changer. Donc, pour être parfait, il faut avoir changé souvent. » Si les deux petits changements et autres rappels que je propose au gouvernement ne rendent pas le projet de loi C-55 parfait, ils n’en sont pas moins modestes et logiques, et s’avéreront utiles pour les personnes directement concernées.
Je remercie mes collègues du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans pour leur appui et leur contribution à l’examen du projet de loi et j’encourage les honorables sénateurs à l’adopter sans tarder. Merci. Wela’lioq.
Honorables sénateurs, j’aimerais faire miens les propos du sénateur Christmas et le remercier d’avoir ainsi vanté l’amendement que j’ai proposé. Je remercie également le sénateur Manning de m’avoir permis, à titre de porte-parole au sujet du projet de loi, de participer aux travaux du comité, même si je n’en suis pas membre.
Honorables sénateurs, je parlerai du projet de loi C-55 à l’étape de la troisième lecture. Je rappelle que le comité a entendu 29 témoins répartis sur cinq réunions. J’étais content qu’il consacre trois réunions à l’étude article par article, pendant lesquelles, comme l’a gentiment reconnu le sénateur Christmas, les deux amendements retenus par le comité ont fait l’objet d’un débat rigoureux et approfondi.
Comme d’autres l’ont dit avant moi, ce projet de loi vise à uniformiser le processus de création des zones de protection marine, qui peut prendre de sept à dix ans à l’heure actuelle et qui n’en prendra plus que de cinq à sept. Le projet de loi autorisera en outre le ministre des Pêches et des Océans à créer des zones de protection marine provisoires à l’intérieur desquelles aucune nouvelle activité ne pourra être entreprise. Seules celles déjà en cours pourront se poursuivre.
Il en était ainsi du moins jusqu’à ce que le ministre Wilkinson annonce, le 25 mai 2019, que les activités pétrolières, gazières et minières, le rejet de déchets et le chalutage de fond seraient entièrement interdits dans les zones de protection marine. Je ne saurais dire, toutefois, si cela englobe les zones provisoires où il y a déjà des activités pétrolières, gazières ou minières.
Le projet de loi suscite plusieurs préoccupations, surtout pour l’industrie de la pêche. Certains ont exprimé des inquiétudes au sujet des données utilisées pour déterminer les activités qui seraient autorisées en vertu de la disposition du projet de loi prévoyant le gel de l’empreinte. Voici ce qu’a dit Christina Burridge, directrice générale de la BC Seafood Alliance, aux membres du comité :
[…] l’idée d’appliquer un gel de l’empreinte en fonction des 12 mois d’activité précédents nous paraît inquiétante. Comme bien des pêches se font par rotation, si une personne a pêché dans une zone au cours des 12 mois précédents, elle pourrait continuer de le faire de façon provisoire pendant que sont réalisées les évaluations scientifiques. Les panopes et les concombres de mer sur notre côte sont récoltés seulement une fois tous les trois ans à des fins de conservation. D’autres pêches peuvent ne pas avoir lieu une année donnée en raison de conditions environnementales, en raison de la qualité de l’eau ou à la lumière d’autres limites liées à la pêche. On ne devrait pas automatiquement empêcher les pêcheurs de continuer à travailler durant la période provisoire tout simplement parce qu’il n’y a pas eu d’activité de pêche au cours des 12 mois précédents. Nous aimerions que soit adopté un délai de trois ans ou même de six ans, mais trois ans au minimum. Je souligne aussi que le ministre pourrait exiger la fermeture immédiate d’une zone en vertu de la Loi sur les pêches si cela était vraiment nécessaire.
Le principe voulant que les activités autorisées reposent sur les 12 mois précédant la délivrance de l’arrêté de désignation provisoire d’une zone de protection marine m’inquiète et pose un certain problème pour ma région, le Nunavut, parce que les changements climatiques font augmenter la température de l’océan et que — bonne chose pour nous — les stocks de poisson d’eaux froides, comme la morue et les crevettes, remontent de plus en plus loin dans le Nord. On pourrait donc créer une zone de protection marine avant la découverte du nouveau stock de poisson. Dans une telle situation, les pêcheurs de territoires comme le Nunavut seraient privés d’importants revenus. Au Nunavut, dans bien des cas, les pêches sont contrôlées, heureusement, par les Inuits. La présentation d’une demande de modification des activités autorisées dans une zone de protection marine obligerait les demandeurs à passer par un long processus de publication dans la Gazette, ce qui entraînerait des pertes de revenus de plus en plus lourdes.
C’est ce que nous a expliqué bien clairement dans son témoignage M. Jerry Ward, directeur des pêches de Qikiqtaaluk Corporation, au Nunavut. Il nous a dit :
Les poissons ne connaissent pas de frontières. Nous partageons quelques stocks — je pense à la crevette et au turbot — avec le Groenland, qui ont tendance à nager d’une région à l’autre. Étant donné les changements aux conditions environnementales, le gel d’empreinte fondé sur des données scientifiques insuffisantes nous inquiète. En effet, ces stocks se déplacent en fonction de la température et de la salinité des eaux. Dans cinq ans, il ne sera peut-être plus possible de pêcher là où nous pêchons aujourd’hui. Les stocks pourraient s’être déplacés vers le nord ou le sud, ou même vers l’est ou l’ouest. Nous observons ce type de changement régulièrement. C’est un véritable problème pour nous dans cette région.
Permettez-moi de lire quelque chose à ce sujet. Le concept d’établir des zones de protection marine provisoires représente un moyen de veiller à la biodiversité et de protéger de façon provisoire des habitats vulnérables pendant le processus de consultation mené auprès de l’industrie et du grand public, et la réalisation d’autres travaux scientifiques pour valider la désignation d’une zone permanente. Il est important de tenir compte des conséquences si les ressources nécessaires à l’exécution des travaux scientifiques ne sont pas disponibles — je suis conscient que je m’éloigne un peu ici — au cours de la période de cinq ans pendant laquelle le ministre doit rendre permanente la désignation de la zone de protection marine. Comme nous en avons parlé plus tôt, l’application du principe de prudence, selon lequel le ministre et le Cabinet ne peuvent utiliser l’absence de certitude scientifique quant aux risques que peut représenter l’exercice d’activités comme prétexte pour remettre à plus tard l’exercice des pouvoirs qui leur sont conférés, ou éviter de s’acquitter de leurs obligations et fonctions de prendre des règlements désignant des zones de protection marine provisoires ou permanentes, est associée à cette préoccupation.
Je ne veux pas anticiper la prochaine question, mais il y a bel et bien un problème avec la désignation provisoire et la période de cinq ans. Sans les données scientifiques, le personnel, les navires et les fonds nécessaires, il sera impossible d’atteindre les objectifs. Dans notre secteur des pêches, où les stocks passent d’une région à une autre, le gel de l’empreinte pourrait entraîner le gel de nos activités. Ce pourrait être un problème de taille pour nous.
À la suite de ce témoignage, la sénatrice Poirier a proposé un amendement afin que la période qui sert à déterminer quelles activités se déroulent présentement dans la zone passe à trois ou même six ans au lieu des douze mois précédant la communication d’un ordre. Malheureusement, le comité n’a pas retenu cet amendement.
On nous a aussi parlé de préoccupations concernant des entraves à l’accès aux pêches établies, malgré le fait que le Canada soit un chef de file mondial en matière de pratiques de pêche durables. Carey Bonnell, vice-président, Engagement et développement durable, à Ocean Choice International, a affirmé ceci devant le comité le 5 février 2019 :
Les défis liés à un accès stable découlant des [zones de protection marine] sont extrêmement préoccupants et pourraient devenir encore plus marqués. Le Canada est en voie d’atteindre la cible de 10 p. 100 des zones de protection marine d’ici 2020 qu’a fixé[e] la Convention sur la diversité biologique du Secrétariat des Nations Unies, mais pas sans causer d’énormes difficultés aux communautés de pêcheurs. On est de plus en plus préoccupé par le fait que le Canada envisage de s’engager à l’égard de cibles supplémentaires à atteindre d’ici 2030.
Sénateur Patterson, je dois vous interrompre, puisqu’il est 16 heures. Le débat sur le projet de loi C-55 modifié est ajourné à la prochaine séance du Sénat. Vous disposerez alors du reste du temps qui vous est alloué.