Aller au contenu

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial

Recours au Règlement--Débat

25 septembre 2024


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

J’invoque le Règlement.

Votre Honneur, j’invoque le Règlement au sujet du projet de loi S-15 parce que, comme je vais le démontrer, il ne peut pas être présenté au Sénat.

Le Document d’accompagnement du Règlement du Sénat du Canada indique : « Aux termes de la Constitution, les projets de loi qui prévoient l’affectation de fonds ou l’établissement de taxes ou d’impôts ne peuvent provenir du Sénat. »

C’est parce que l’article 53 de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 stipule que :

Les projets de lois comportant des affectations de crédits et les projets de lois fiscales ne prennent naissance qu’à la Chambre des communes.

La question est donc simple : le projet de loi S-15 affecte-t-il des fonds? Autrement dit, s’il avait été déposé à l’autre endroit, aurait-il nécessité une recommandation royale?

Le 24 février 2009, l’ancien Président Kinsella a expliqué que les critères pour déterminer si une recommandation royale est nécessaire se résument à ce qui suit :

Premièrement, il faut établir si le projet de loi renferme une disposition portant directement affectation de crédits. Deuxièmement, une disposition prévoyant des dépenses nouvelles qui ne sont pas déjà autorisées dans la loi devrait normalement être accompagnée d’une recommandation royale. Troisièmement, un projet de loi visant à élargir l’objet d’une dépense déjà autorisée devra, la plupart du temps, être accompagné d’une recommandation royale. Enfin, la recommandation royale sera normalement nécessaire pour une mesure qui étend des prestations ou assouplit les conditions d’admissibilité à des prestations.

Par ailleurs, une recommandation ne sera probablement pas nécessaire dans le cas d’un projet de loi qui ne fait que structurer la façon dont un ministère ou un organisme exécute des fonctions déjà autorisées dans la loi, sans ajouter de nouvelles tâches.

Dans le numéro du printemps 2010 de la Revue parlementaire canadienne, Michael Lukyniuk, ex-greffier principal de la Chambre des communes, déclare :

Demandes de dépenses nouvelles et distinctes : Il s’agit de mesures proposant des dépenses qui ne sont soutenues par aucune loi en vigueur. Quand elle examine un projet de loi ou un amendement, la présidence se demande s’il propose une activité ou une fonction tout à fait nouvelle qui diverge radicalement de celles qui sont déjà autorisées.

Il poursuit en disant : « Si des dépenses sont envisagées, [...] une recommandation royale sera nécessaire. »

Le projet de loi S-15 propose des activités et des fonctions nouvelles pour Environnement et Changement climatique Canada. Donc, des dépenses nouvelles sont nécessaires. Si le projet de loi S-15 avait été présenté à la Chambre des communes, il aurait nécessité une recommandation royale.

Dans le même article que j’ai mentionné plus tôt, Michael Lukyniuk déclare :

Lorsqu’une proposition législative vise à confier un nouveau rôle ou une nouvelle fonction à un organisme ou à un programme existant, une recommandation royale est nécessaire, parce que les conditions énoncées dans la recommandation initiale lors de la création de cet organisme ou de ce programme ont été modifiées.

Le mandat et les pouvoirs d’Environnement et Changement climatique Canada ont été établis, à l’origine, en 1971, au moyen de la Loi sur le ministère de l’Environnement, loi qui a créé le ministère. De nos jours, le ministre de l’Environnement et du Changement climatique a des responsabilités qui découlent directement de 33 lois, de même que des responsabilités secondaires qui découlent de 16 autres lois.

Ces lois et règlements connexes confèrent au ministère son mandat afin qu’il puisse mettre en œuvre ses programmes et assumer ses principales responsabilités, qui sont les suivantes :

la préservation et l’amélioration de la qualité de l’environnement naturel, y compris la qualité de l’eau, de l’air et du sol; la lutte contre les changements climatiques, y compris la tarification du carbone; la protection de la nature, de la biodiversité et des espèces, dont les oiseaux migrateurs; la gestion des écosystèmes d’eau douce; la prestation de services météorologiques.

Depuis la création du ministère de l’Environnement, en 1971, le mandat et les pouvoirs d’Environnement et Changement climatique Canada n’ont jamais inclus de responsabilités en matière de protection, de réglementation ou de surveillance à l’égard des animaux exotiques en captivité. Pourtant, Votre Honneur, voici ce que fera le projet de loi S-15, d’après le sommaire du projet de loi, qui se lit comme suit :

Le texte modifie le Code criminel afin de créer des infractions concernant la captivité des éléphants et des grands singes, sous réserve de certaines exceptions. Il modifie également la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial afin, notamment, de préciser les circonstances dans lesquelles l’importation et l’exportation des éléphants et des grands singes vivants peuvent être permises et leur captivité peut être autorisée.

Les circonstances dans lesquelles l’importation et l’exportation d’éléphants et de grands singes vivants peuvent être permises, ainsi que les circonstances dans lesquelles la mise en captivité de ces animaux peut être autorisée sont décrites en détail dans la loi et sont assez vastes. Pour gagner du temps, je ne les énumérerai pas toutes, mais permettez-moi d’en mentionner quelques-unes afin d’illustrer mon propos.

S’il est adopté, le projet de loi S-15 aura les effets suivants :

Premièrement, il rendra illégale la possession d’éléphants, de grands singes ou d’autres espèces désignées au Canada, sauf si le propriétaire les détenait avant l’entrée en vigueur du projet de loi S-15 ou s’il dispose d’un permis fédéral ou d’une licence provinciale à des fins de recherche scientifique ou de conservation. Il faudrait donc établir et mettre à jour régulièrement les paramètres permettant de déterminer si un établissement zoologique remplit les conditions requises pour l’obtention d’un permis, puis délivrer ces permis et maintenir des systèmes de contrôle et de rapport permanents pour s’assurer que le zoo continue à remplir les conditions requises. Il faudra également des capacités d’enquête et d’application pour garantir le respect des conditions et des exigences liées à l’usage d’un permis.

En ce qui concerne les permis provinciaux, il faudra également évaluer la légitimité de ces permis et en contrôler le statut. S’il s’avère que les permis fédéraux ou provinciaux sont caducs ou que les conditions ne sont plus respectées, des mesures seront requises pour retirer les animaux des établissements et les reloger. Pour ce faire, il faudra faire appel à des spécialistes du bien-être des animaux exotiques, notamment des vétérinaires, des consultants en transport et des manipulateurs d’animaux.

Deuxièmement, le projet de loi S-15 rendra illégal la reproduction ou la fécondation d’éléphants, de grands singes ou d’espèces désignées au Canada, à moins que le propriétaire ne dispose d’un permis fédéral ou d’une licence provinciale à des fins de recherche scientifique ou de conservation.

En plus d’instaurer un système de délivrance de permis mentionné au point 1, il faudra mettre en place une infrastructure supplémentaire de surveillance, d’enquête et d’application de la loi afin de garantir le respect continu de l’esprit de la loi relativement à la recherche et à la conservation. Je doute qu’il suffise à un zoo de cocher une case sur un formulaire pour confirmer qu’il fait de la recherche. Après avoir fait des recherches et des consultations appropriées, il faudra définir clairement ce qu’on entend par activités de recherche et de conservation.

Troisièmement, le projet de loi impose à quiconque possède déjà des éléphants ou des grands singes en captivité l’obligation légale de prendre des mesures raisonnables pour empêcher leur reproduction naturelle. La définition et les critères de ce qu’on entend par mesures raisonnables devront d’abord être établis, puis communiqués aux propriétaires des animaux assujettis à des restrictions. Ensuite, c’est l’infrastructure de surveillance, d’enquête et d’application de la loi qui dictera les prochaines étapes. Le ministère devra avoir la capacité d’examiner et d’évaluer non seulement les modifications apportées aux conditions de vie des animaux afin de déterminer si elles sont appropriées, mais aussi les soins vétérinaires pour empêcher la reproduction.

Étant donné que le non-respect de la loi entraînera des accusations au titre du Code criminel, ces lignes directrices et les obligations qu’elles imposent aux propriétaires de zoo ne peuvent pas être générales ou floues. Elles devront être claires et bien documentées. De plus, en cas de naissance non autorisée, il faudra possiblement relocaliser les animaux puisque leur naissance contrevient aux exigences de la loi. Cela pourrait nécessiter des changements dans la gestion de ces animaux, puis éventuellement entraîner des modifications de leurs conditions de vie ou des soins vétérinaires. Il pourrait être nécessaire de relocaliser ces animaux.

Quatrièmement, pour les animaux qui ne peuvent rester dans leur environnement actuel en vertu de la nouvelle loi, il faudra créer ou agrandir des sanctuaires capables de leur fournir des soins appropriés, en plus de surveiller leur déménagement et d’élaborer le processus à cet égard.

Ce ne sont pas de minces tâches, Votre Honneur. Quand vient le temps de déterminer si ce projet de loi est recevable ou s’il nécessite une recommandation royale, les données probantes montrent clairement que le projet de loi propose de nouvelles activités pour Environnement et Changement climatique Canada. Il s’agit d’une observation cruciale. Le fait que le projet de loi S-15 crée des responsabilités en dehors du mandat actuel d’Environnement et Changement climatique Canada a été confirmé, Votre Honneur, par le Bureau du directeur parlementaire du budget et les fonctionnaires du ministère eux-mêmes.

En tant que porte-parole du projet de loi S-15, j’ai demandé au directeur parlementaire du budget de préparer une note sur le coût du projet de loi. Lors de la séance d’information que j’ai eue avec le bureau du directeur parlementaire du budget, on a indiqué ceci:

Lors de leurs discussions avec le Bureau du directeur parlementaire du budget, les représentants d’Environnement et Changement climatique Canada ont confirmé que le ministère n’a pas actuellement pour mandat de protéger les animaux sauvages en captivité et qu’il n’a donc pas d’expertise dans ce domaine. La modification de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial nécessiterait donc la mise en place d’un nouveau programme doté d’une nouvelle expertise.

Cela a été confirmé à plusieurs reprises par les responsables du ministère au comité : le projet de loi S-15 crée pour le ministère de l’Environnement et du Changement climatique de nouvelles responsabilités qui dépassent son mandat et ses responsabilités actuels.

Plus précisément, Stephanie Lane, directrice exécutive de la gouvernance législative au ministère, a confirmé que le ministère ne dispose pas actuellement de l’expertise nécessaire sur les espèces qui ne sont pas indigènes au Canada. Lors de la réunion du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles du 22 mai, Mme Lane a dit : « Le ministère n’a cependant pas encore cette expertise. » Elle a rappelé que le rôle d’Environnement et Changement climatique Canada (ECCC) dans le cadre de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, la CITES, était très différent lorsqu’il s’agissait d’espèces non indigènes. Elle a indiqué enfin qu’ECCC se concentrait sur les mécanismes de contrôle administratif et de surveillance, mais pas sur la gestion directe ni sur l’expertise.

Elle a également précisé que le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC, évalue les espèces indigènes au Canada, et que le mandat du ministère est actuellement harmonisé avec celui du comité. Le ministère n’est donc pas responsable des espèces non indigènes à l’heure actuelle.

Lors de la réunion du comité du 22 mai, Basile van Havre, directeur général du Service canadien de la faune d’Environnement et Changement climatique Canada, a mentionné que le ministère n’a pas d’expertise relativement aux espèces qui ne sont pas indigènes au Canada. Il a expliqué que, bien que le ministère administre la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, la CITES, cette expertise ne s’étend pas aux espèces ailleurs qu’au Canada, et il a souligné que ces nouvelles responsabilités déborderaient les attributions actuelles d’Environnement et Changement climatique Canada.

M. van Havre a dit ce qui suit :

[…] nous n’avons pas d’expertise relativement aux espèces qui ne sont pas indigènes au Canada. Nous administrons la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction.

Si le ministère gère les espèces inscrites à la CITES, cela n’inclut pas la gestion d’espèces qui ne sont pas présentes au Canada, gestion qui n’entre pas dans le cadre du mandat actuel du ministère.

Il est indéniable non seulement que le projet de loi S-15 introduit de nouvelles responsabilités, mais aussi que celles-ci ne relèvent pas du mandat existant du ministère.

En outre, ces nouvelles responsabilités nécessiteront l’engagement de fonds publics.

Le Bureau du directeur parlementaire du budget a estimé que ce coût sera de 8 millions de dollars sur cinq ans. Il s’agit là d’une nouvelle dépense qui serait imposée au Trésor.

Le coût estimatif total de l’administration des dispositions du projet de loi S-15 se divise en trois catégories : les coûts d’élaboration des politiques et de délivrance des permis, les coûts d’application et les coûts de gestion des données.

Le directeur parlementaire du budget a estimé les coûts d’élaboration et de délivrance des permis ainsi que les coûts d’application des dispositions du projet de loi en se basant sur les coûts fournis par Environnement et Changement climatique Canada, ou ECCC. Cela comprend le nombre d’équivalents temps plein nécessaires pour administrer les dispositions du projet de loi, ainsi que les salaires, les prestations d’emploi et les coûts du régime de retraite de ces employés.

Les coûts de gestion des données ont également été fournis par Environnement et Changement climatique Canada. On a calculé les salaires, les prestations d’emploi et les coûts du régime de retraite en se servant des données du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada et de Statistique Canada.

Au total, comme je l’ai mentionné, le montant s’élève à 8 millions de dollars sur cinq ans.

Le directeur parlementaire du budget note toutefois que ces chiffres sont très incertains, car ils ne tiennent pas compte des conséquences de l’amendement adopté au comité — la « disposition de Noé » — , qui permet au gouvernement d’ajouter des espèces par décret. Cela signifie que cette estimation est un strict minimum. Compte tenu de l’élargissement considérable des responsabilités imposées au ministère, il faut considérer cette estimation comme extrêmement prudente.

En outre, pour ce qui est de la possibilité de recouvrer les coûts, le directeur parlementaire du budget m’a dit ce qui suit :

Il a été question du recouvrement des coûts avec ECCC. Les fonctionnaires d’ECCC ont confirmé qu’ils ne récupéreraient aucun des coûts associés à l’administration des dispositions du projet de loi S-15.

Ils ont aussi dit qu’ils n’ont jamais récupéré le moindre coût associé à l’administration du système des permis de la LPEAVSRCII.

Autrement dit, tout effort visant à récupérer des coûts liés à la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial, ou LPEAVSRCII, serait en fait un élargissement du mandat d’Environnement et Changement climatique Canada. Ce n’est pas ce qu’Environnement et Changement climatique Canada fait en ce moment, et il ne l’a jamais fait auparavant en vertu de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial.

Même s’il était possible de récupérer les coûts des nouvelles responsabilités imposées à Environnement et Changement climatique Canada, que ce soit grâce à des frais ou à des tarifs ou en réaffectant des sommes, il n’en demeure pas moins, Votre Honneur, qu’il faudrait une recommandation royale. On ne peut tout simplement pas faire autrement.

Certains diront que les dépenses ne sont pas importantes et qu’elles pourraient être considérées comme des dépenses administratives mineures. Premièrement, je m’opposerais vivement à toute déclaration selon laquelle 8 millions de dollars représentent des dépenses administratives mineures. Même si cela était considéré être un petit montant, cela ne suffirait pas à sauver ce projet de loi.

Dans une décision rendue le 24 février 2009, le Président Kinsella a été clair quand il a déclaré que, pour être exempté d’une recommandation royale, le projet de loi doit être :

[...] un projet de loi qui ne fait que structurer la façon dont un ministère ou un organisme exécute des fonctions déjà autorisées dans la loi, sans ajouter de nouvelles tâches.

Autrement dit, si le projet de loi entraîne des dépenses administratives mineures, une recommandation royale n’est pas nécessaire, tant que ces dépenses sont engagées dans le cadre de fonctions ayant déjà été autorisées par une recommandation royale.

Par contre, comme je l’ai souligné, ce n’est pas le cas du projet de loi S-15. Cette mesure législative élargit considérablement le mandat et les responsabilités d’Environnement et Changement climatique Canada dans des domaines dans lesquels il n’a aucune expertise.

Votre Honneur, certains sénateurs pourraient vous demander d’exercer votre pouvoir discrétionnaire afin de permettre à ces débats de se poursuivre plutôt que de vous prononcer en faveur d’un rappel au Règlement. Toutefois, cela ne serait pas conforme à notre jurisprudence.

Encore une fois, je vous renvoie à la décision rendue par le Président Kinsella le 5 mai 2009, dans laquelle il a dit :

Même si, au Sénat, on préconise généralement le débat en cas d’incertitude, il faut aussi tenir compte de la nécessité de respecter scrupuleusement la prérogative financière de la Couronne, qui est un principe de base de notre système parlementaire. Le projet de loi S-219, s’il est adopté, élargira la série de conditions en vertu desquelles le gouvernement assume la responsabilité des prêts consentis aux termes de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants. Cela modifiera le régime en vigueur, étant donné que les paiements provenant du Trésor pourraient augmenter en raison d’un changement dans les obligations éventuelles. Pour cette raison, il faudrait que ce projet de loi soit accompagné d’une recommandation royale et qu’il vienne de l’autre endroit.

Par conséquent, ce projet de loi est irrecevable. Le débat à l’étape de la deuxième lecture ne peut pas se poursuivre, et le projet de loi doit être retiré du Feuilleton.

Il ne s’agit pas d’un cas isolé. La présidence a fait valoir cet argument dans de nombreuses décisions, notamment celles qui ont été rendues le 1er décembre 2009, le 10 mars 2011 et le 16 décembre 2011. Je suis tout à fait prêt à vous les faire parvenir, Votre Honneur.

Lorsqu’il est établi qu’un projet de loi du Sénat nécessite une recommandation royale, le Sénat ne peut pas poursuivre le débat, car le projet de loi doit provenir de la Chambre des communes.

Lorsqu’il est établi que le projet de loi vise à élargir un mandat établi et que les nouvelles responsabilités ne sont pas couvertes par les crédits existants, la présidence ne peut pas décider de poursuivre le débat.

La situation dans laquelle se trouve le Sénat ne présente aucune ambiguïté.

Le projet de loi S-15 crée de nouvelles responsabilités pour le ministère. Les fonctionnaires et le directeur parlementaire du budget l’ont affirmé.

Le projet de loi S-15 crée de nouvelles dépenses pour le gouvernement, comme l’ont affirmé les fonctionnaires et le directeur parlementaire du budget. Même si ce n’était pas le cas, le projet de loi ne peut pas être présenté au Sénat parce qu’il crée de nouvelles responsabilités.

Votre Honneur, le débat ne peut pas se poursuivre, comme l’indiquent des décisions rendues par des Présidents précédents. Par conséquent, Votre Honneur, avec tout le respect que je vous dois, vous n’avez pas d’autre choix que d’obéir à la Constitution du Canada et de déclarer que le projet de loi S-15 est annulé et retiré.

Merci, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente [ - ]

Est-ce que d’autres sénateurs souhaitent intervenir sur le recours au Règlement?

L’honorable Marty Klyne [ - ]

Votre Honneur, j’ai une longue réponse à donner concernant l’affirmation énoncée dans ce recours au Règlement. À cet égard, si je suis interrompu en raison de la levée de la séance à 16 heures, j’aimerais poursuivre mon intervention demain.

Chers collègues, je vais répondre à l’affirmation douteuse selon laquelle le projet de loi S-15 du gouvernement entraîne soit des dépenses directes — car il est inconstitutionnel qu’un projet de loi de crédits émane du Sénat —, soit des dépenses indirectes d’une manière qui est inadmissible.

Si j’ai bien compris, le recours au Règlement vise à supprimer le projet de loi du Feuilleton. Je tenterai d’expliquer pourquoi le recours au Règlement doit être rejeté. L’objection technique non valable dont nous sommes saisis ne doit pas empêcher le Sénat de tenir un débat démocratique et de se prononcer sur le projet de loi S-15.

Je souligne qu’un précédent majeur est en jeu. Si ce recours au Règlement est accepté, le pouvoir du Sénat de légiférer sera considérablement réduit par rapport à ses antécédents et à sa pratique actuelle. Si le Sénat ne peut pas présenter le projet de loi S-15 et se prononcer sur celui-ci, il ne peut pas présenter et décider grand-chose.

Tous les sénateurs et tous les Canadiens sont concernés par cette question, car il s’agit de la capacité du Sénat à contribuer à l’élaboration des politiques publiques. Tout gouvernement en place est concerné par cette affaire, car il est question de sa capacité à présenter des projets de loi d’initiative ministérielle au Sénat.

En outre, les députés sont concernés par les dépenses indirectes présumées, car les projets de loi d’initiative parlementaire ne sont presque jamais assortis d’une recommandation royale.

Si ce recours au Règlement devait être accepté et que le précédent créé était appliqué de façon uniforme, d’autres projets de loi émanant du Sénat, projets de loi d’intérêt privé du Sénat et amendements du Sénat risqueraient d’être mis en cause.

Ce recours au Règlement doit être rejeté pour cette raison et pour assurer le maintien des pouvoirs législatifs du Sénat et de sa tradition de débat et de prise de décisions démocratiques.

Le recours au Règlement prétend que le projet de loi S-15 entraînera des dépenses directes, ce que ne peut faire un projet de loi du Sénat, ou des dépenses indirectes, d’une façon qui n’est pas admissible. Dans ma réponse, je parlerai du rapport du directeur parlementaire du budget du 8 août 2024, commandé par le porte-parole du projet de loi.

D’abord, au sujet des dépenses directes, l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 dit ceci :

Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.

Honorables sénateurs, la question des dépenses directes est claire. Le projet de loi S-15 n’a pas pour but l’appropriation du revenu public ou la création de taxes. Il n’y a rien de tel dans le projet de loi. Le gouvernement était de cet avis lorsqu’il a décidé de faire de cette mesure un projet de loi du Sénat.

Je vais maintenant parler des éventuelles dépenses indirectes. D’après le recours au Règlement, les dépenses indirectes entraînées par le projet de loi S-15 seraient nécessairement d’une ampleur telle qu’elles exigeraient l’obtention d’une recommandation royale et la présentation du projet de loi à la Chambre des communes en premier lieu.

Dans La procédure du Sénat en pratique, à la page 154, une décision de la présidence du 24 février 2009 explique le cadre dont doit se servir le Sénat pour prendre en considération...

Son Honneur la Présidente [ - ]

Sénateur Klyne, je dois vous interrompre, car il est 16 heures. Le débat sur ce recours au Règlement reprendra à la prochaine séance du Sénat.

Haut de page