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La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif--Autorisation au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie d'étudier la teneur du projet de loi

28 novembre 2024


L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition)

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion no 201 du gouvernement, qui vise à autoriser le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie à faire une étude préalable du projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté.

Chers collègues, quand le sénateur Gold a donné préavis de la motion la semaine dernière, j’ai eu une impression de déjà-vu. Nous y revoilà. Le gouvernement Trudeau essaie de se débarrasser du Sénat le plus rapidement possible.

Pour la motion no 201, il y a deux contextes à considérer : le contexte juridique et le contexte politique. Tout d’abord, le contexte juridique a commencé en décembre 2023, quand la Cour supérieure de l’Ontario a ordonné au gouvernement fédéral de modifier la Loi sur la citoyenneté relativement aux Canadiens dépossédés de leur citoyenneté. La cour a d’abord donné au gouvernement Trudeau six mois, jusqu’au 20 juin 2024, pour adopter une loi. Le 23 mai 2024, moins d’un mois avant la première prolongation, le gouvernement a finalement présenté le projet de loi C-71, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Comme le gouvernement était incapable de respecter l’échéance du 20 juin, la cour a accepté de lui accorder une prolongation jusqu’en août, puis jusqu’au 19 décembre 2024.

Mais comment en est-on arrivé au contexte politique actuel? Alors que l’échéance actuelle fixée par la Cour supérieure de l’Ontario est le 19 décembre 2024 — dans quelques jours à peine —, le gouvernement aurait pu faire adopter un projet de loi à la Chambre des communes depuis décembre de l’an dernier, il y a un an.

Un gouvernement responsable aurait respecté le délai fixé par le tribunal et présenté un projet de loi le plus rapidement possible. Il disposait déjà des bases nécessaires avec l’étude du projet de loi S-245 réalisée par le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes. Alors pourquoi n’a-t-il pas présenté le projet de loi C-71 plus tôt?

La réponse, chers collègues, est très simple. Bien que le gouvernement actuel ait récemment décidé d’affirmer qu’il se concentre sur les Canadiens, le gouvernement Trudeau n’a jamais été aussi concentré sur sa propre survie. Au printemps dernier, le gouvernement a déployé tous ses efforts pour maintenir son entente avec le NPD, en accordant la priorité à l’adoption des projets de loi C-50, C-58 et C-64 au Parlement, mais pas au projet de loi sur les Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté que le tribunal lui avait ordonné de présenter.

Si le gouvernement avait donné la priorité au projet de loi C-71 et non au projet de loi C-64, nous serions probablement en train de terminer notre étude sur le projet de loi C-71, tandis que le projet de loi C-64 serait très probablement encore à la Chambre des communes. Nous ne serions pas dans la situation fâcheuse où nous nous trouvons et qui nous est imposée par l’entêtement du gouvernement Trudeau à rester au pouvoir.

Comme vous le savez tous, chers collègues, la Chambre des communes est paralysée depuis près de deux mois. Aucune mesure législative n’a progressé, et tant que le gouvernement ne produira pas les documents qu’on lui demande en version non caviardée ou qu’un parti politique n’acceptera pas d’aider le gouvernement à mettre fin à la paralysie, le projet de loi C-71 ne quittera pas les Communes. Au train où vont les choses, je doute fort que ce projet de loi avance d’un pouce avant la pause de Noël.

Chers collègues, pourquoi aurions-nous besoin d’une motion d’étude préalable s’il est très peu probable que le projet de loi C-71 soit adopté avant la date butoir?

Voilà pourquoi j’ai dit avoir une impression de déjà‑vu et d’être revenu au printemps 2022. À l’époque, le sénateur Gold avait présenté les motions nos 41 et 42, sur l’étude préalable des projets de loi C-13 et C-11.

Généralement, les études préalables sont réservées aux mesures législatives comme les projets de loi d’exécution du budget, car elles permettent de proposer des amendements avant que la Chambre des communes se prononce, ou lorsqu’il faut respecter un délai imposé par la Cour suprême du Canada. Aucun de ces deux critères ne s’applique à la situation actuelle. L’étude préalable demandée ne vise qu’une seule chose, chers collègues, et c’est de se débarrasser au plus vite du Sénat pour des raisons d’ordre politique.

Aujourd’hui, avec la motion no 201, sur le projet de loi C-71, le sénateur Gold fait encore un mauvais usage des études préalables. Même s’il est ici question de respecter le délai imposé par les tribunaux, le gouvernement a attendu à moins d’un mois avant l’échéance pour proposer une motion d’étude préalable. Si cette motion avait été présentée en septembre, il aurait été plus facile d’y voir un geste posé de bonne foi par un gouvernement responsable.

Mais non, nous avons plutôt reçu un préavis de motion à la dernière minute, ce qui, à mes yeux, n’est pas le signe d’un gouvernement responsable, mais d’un gouvernement qui souhaite faire adopter son projet de loi en écartant le Sénat de l’équation.

Nous devons nous prononcer sur la motion no 201, mais savons-nous seulement quand le projet de loi C-71 nous sera renvoyé et si les amendements que nous pourrions proposer seront adoptés? Eh bien non, chers collègues. Tout ce que nous savons, c’est que le gouvernement a donné deux préavis de motion de clôture à la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-71. La Chambre considérera que le texte est adopté tel quel, sans étude en comité et sans étude à la troisième étape et qu’il peut être renvoyé directement au Sénat.

La semaine dernière, encore à la dernière minute, le leader du gouvernement a tout fait pour que le projet de loi C-71 soit adopté à toute vapeur par le Sénat et passe outre au second examen objectif en le soumettant à une étude préalable.

Quand elle est bien réalisée, une étude préalable peut enrichir le débat et avoir un effet positif. Dans le cas présent, l’étude préalable est utilisée comme un outil d’opportunisme en raison de l’incompétence pure et simple du gouvernement Trudeau, qui a donné la priorité à son attachement au pouvoir plutôt qu’à la gouvernance.

Il est décevant, mais pas étonnant qu’au lieu de s’opposer à l’ineptie du gouvernement Trudeau, le Sénat indépendant veuille se ranger à ses côtés. Lorsque le Sénat accepte une demande du gouvernement telle que la motion no 201, il lui permet de ne pas avoir à rendre autant de comptes à l’égard des projets de loi qu’il présente. Bien qu’une échéance imposée par un tribunal puisse justifier une étude préalable, de telles études ne devraient pas être utilisées pour mettre le Sénat entre le marteau et l’enclume, comme la motion no 201 tend à le faire.

Les sénateurs du caucus conservateur ne peuvent rester silencieux lorsqu’ils voient le gouvernement abuser des outils à sa disposition.

Trop souvent, nous avons vu un abaissement du seuil d’utilisation des outils importants que sont les études préalables et la fixation d’un délai. Nous avons fait part de nos préoccupations il y a deux ans lorsque le gouvernement a organisé des études préalables pour les projets de loi C-11 et C-13 alors que ce n’était pas nécessaire.

Nous avons exprimé nos préoccupations lorsque le gouvernement a fixé un délai en avril dernier pour imposer des modifications au Règlement du Sénat.

Aujourd’hui, nous réitérons nos préoccupations, car il n’est pas nécessaire de procéder à une étude préalable du projet de loi C-71.

Malheureusement, c’est ce que Justin Trudeau pense du Sénat, où le second examen objectif devient de plus en plus une considération secondaire. Un projet de loi comme le C-71, qui modifie les lois sur la façon dont une personne obtient la citoyenneté canadienne, devrait bénéficier du second examen objectif du Sénat. Utiliser l’étude préalable de cette manière afin d’accélérer l’adoption d’un projet de loi portant sur la citoyenneté canadienne sans avoir bien pesé le pour et le contre donne une impression exécrable de notre institution. À quoi servons-nous si ce n’est à faire un second examen objectif d’un projet de loi qui modifie la citoyenneté?

Nous n’appuyions pas un examen préalable, mais nous sommes conscients que la motion sera probablement adoptée. Le débat sur la motion de clôture à la Chambre signifie que le projet de loi C-71 ne serait pas étudié en comité ni à l’étape de la troisième lecture. Dans le cas de l’adoption de la motion de clôture, nous serions la seule Chambre à étudier l’impact et les conséquences du projet de loi C-71.

Par conséquent, comme nous nous attendons déjà à ce que le projet de loi soit adopté, nous espérons que le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie en profitera pour réaliser une étude préalable approfondie.

Je remercie la leader adjointe du gouvernement d’avoir présenté un amendement qui, à tout le moins, donne au comité un jour ou peut-être deux jours de plus.

De plus, si la Cour supérieure de justice de l’Ontario accorde une prolongation, l’urgence de l’adoption du projet de loi ne nuirait pas à leur étude. Le comité et le Sénat pourraient donc disposer du temps nécessaire pour s’acquitter de leur devoir constitutionnel de second examen objectif.

Pour conclure, chers collègues, le gouvernement Trudeau a créé ce désordre lui-même en privilégiant sa survie politique plutôt que la gouvernance. Avec la motion no 201, il cherche à passer outre un second examen objectif pour accélérer l’adoption du projet de loi dès qu’il sera présenté au Sénat, peu importe quand cela se fera. C’est pourquoi nous espérons que l’étude préalable sera sérieuse et approfondie. Croyez-moi, chers collègues, si la Cour supérieure de l’Ontario accorde une nouvelle prolongation, le gouvernement reviendra à la dernière minute — je vous le garantis — pour nous supplier d’adopter le projet de loi sans délai, compte tenu de l’étude préalable qui a déjà été réalisée.

Au cours de cette législature, le gouvernement Trudeau a eu recours à des motions d’étude préalable pour écarter le Sénat du chemin, et nous ne pouvons tout simplement pas l’accepter. Nous ne pouvons pas appuyer la motion no 201 et nous voterons contre.

Merci, chers collègues.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion modifiée est adoptée avec dissidence.)

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