Aller au contenu

Projet de loi sur la stratégie nationale sur les soins oculaires

Deuxième lecture--Ajournement du débat

30 novembre 2023


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Propose que le projet de loi C-284, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins oculaires, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, c’est un plaisir de prendre la parole en tant que parrain du projet de loi C-284, Loi prévoyant l’élaboration d’une stratégie nationale sur les soins oculaires, ainsi que la désignation d’un mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge.

Notre vision nous permet d’apprécier la beauté de notre monde, de communiquer avec les autres et de naviguer dans les complexités de la vie quotidienne. Cependant, pour un trop grand nombre de Canadiens, les soins de la vue sont un luxe. L’accès à ces soins essentiels demeure un défi que nous devons relever avec urgence et compassion.

Les avancées technologiques et les soins virtuels amènent de nouvelles solutions à cet égard. Les soins de la vue font partie intégrante d’un système de soins de santé complet, et nous devrions faire en sorte que des soins de la vue de haute qualité soient accessibles à tous.

Dans ma pratique clinique, j’ai été témoin des séquelles tragiques de maladies oculaires évitables survenues dans de nombreux cas uniquement en raison d’un manque d’accès à des soins ou du coût de ces soins. Nous connaissons tous quelqu’un, directement ou indirectement, qui est touché par la déficience visuelle, que ce soit à cause de problèmes de vision ou de la nécessité de porter des lunettes, des lentilles de contact ou d’autres dispositifs.

Avant de poursuivre, je tiens à remercier la députée Judy Sgro, qui a piloté les efforts à l’autre endroit visant à élaborer une stratégie sur les soins de la vue et qui défend les intérêts des personnes partout au pays qui souffrent de dégénérescence maculaire liée à l’âge et d’autres problèmes de la vue.

J’applaudis également la réflexion et l’examen minutieux des membres du Comité permanent de la santé de l’autre endroit. Au printemps dernier, les députés ont étudié attentivement le projet de loi et ont contribué à maintenir les limites des compétences fédérales et provinciales en matière de soins de santé, de formation professionnelle et de lignes directrices. Le projet de loi a été adopté à l’unanimité, ce qui souligne la reconnaissance collective de l’importance des soins de la vue dans notre société.

Nous avons une occasion unique de défendre une cause qui touche la vie d’individus, de familles et de collectivités partout au Canada.

La crise de la perte de vision au Canada requiert une réponse coordonnée. C’est le but de la stratégie nationale sur les soins oculaires. Plus de 8 millions de Canadiens, c’est-à-dire un sur cinq, sont atteints d’une maladie oculaire. Environ 1,2 million de Canadiens vivent avec une perte de vision ou sont aveugles. En 2019 seulement, on a dénombré plus de 1 200 décès associés à la perte de vision.

Cela dit, 75 % des cas de perte de vision sont évitables si les patients sont diagnostiqués de manière précoce et ont accès à des traitements.

Chers collègues, une stratégie nationale est nécessaire pour combler les lacunes et corriger les incohérences dans l’accès aux soins de la vue et la prestation de ces soins partout au Canada. Comme nous le savons, avec nos 10 provinces et 3 territoires, nous avons parfois l’impression d’avoir 13 systèmes de santé distincts ou de vivre dans 13 fiefs.

Les examens de base de la vue ne sont pas universellement couverts par les régimes provinciaux d’assurance-maladie. Certaines provinces offrent une couverture à certains groupes, comme les enfants, les aînés ou les personnes souffrant de certains problèmes médicaux. De nombreux Canadiens comptent sur des régimes d’assurance privés pour couvrir le coût des examens de la vue de routine, des lunettes et des lentilles de contact. Or, même avec une assurance privée, il peut y avoir des frais à payer pour les soins de la vue, en particulier pour les gens qui n’ont aucune couverture. Le coût des lunettes, des lentilles de contact et de certains traitements oculaires peut constituer un obstacle important à l’accès des Canadiens aux soins nécessaires.

L’accessibilité dépend également de l’endroit où l’on vit : l’accès aux centres de soins oculaires est généralement meilleur dans les régions urbaines que dans les régions rurales ou éloignées. Concrètement, cela peut avoir une incidence sur la capacité des gens à accéder à des soins préventifs et peut contribuer à retarder le diagnostic et le traitement des affections oculaires. En détectant ces affections à un stade précoce, le système de santé peut éviter les coûts liés aux traitements spécialisés et aux complications.

Les difficultés liées à la prestation de services de soins de la vue ont été exacerbées par la pandémie de COVID-19 : de nombreux Canadiens ont raté des examens de la vue de routine, des interventions chirurgicales et d’autres plans de traitement, ce qui a augmenté le risque de complications.

La perte de vision a des répercussions profondes sur les personnes, leur famille et la société, et coûte environ 32,9 milliards de dollars par année à notre économie. De ce coût, 4,2 milliards de dollars sont attribuables à la baisse de productivité en milieu de travail. Plus de la moitié du coût, soit 17,4 milliards de dollars, est attribuable à la diminution de la qualité de vie, qui est principalement la conséquence de la perte d’autonomie, surtout dans le contexte du vieillissement de la population. L’an dernier, plus de 983 millions de dollars ont été dépensés partout au Canada pour des injections visant à traiter la dégénérescence maculaire.

La perte de vision accroît les difficultés mentales, financières et sociales. Elle peut entraîner une perte de mobilité, une incapacité à vivre de façon autonome, à conduire, à lire ou à pratiquer des activités physiques. Elle peut entraîner la perte d’interactions sociales, ce qui peut souvent mener à la solitude, à l’isolement et aux séquelles mentales qui en découlent. Une stratégie nationale peut favoriser une utilisation rationnelle et efficace de l’argent et des autres ressources consacrés aux soins de santé afin d’aider à combattre la perte de vision partout au pays.

Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est simple. Il demande au ministre de la Santé d’élaborer, en consultation avec les représentants des gouvernements provinciaux responsables de la santé, des groupes autochtones et d’autres intervenants compétents, y compris des chercheurs et des professionnels de la santé, une stratégie nationale favorisant la prévention et le traitement des maladies oculaires ainsi que la mise en œuvre d’un plan de réadaptation visuelle visant à améliorer les résultats en matière de soins de santé pour tous.

Il décrit la stratégie qui englobe les soins préventifs, la détection précoce, le traitement et l’accessibilité. La stratégie serait destinée à sensibiliser la population aux conséquences de la perte de vision et de la cécité, à améliorer les soins et l’aide en matière de santé oculaire ainsi qu’à favoriser des recherches novatrices pour faire progresser les nouvelles thérapies pour la perte de vision et la réadaptation. Le projet de loi prévoit également d’améliorer l’accès aux soins oculaires pour les populations autochtones.

Même s’il comporte des balises, y compris des échéanciers, il n’est pas trop prescriptif en ce qui concerne le contenu de la stratégie. Le gouvernement doit avoir la souplesse de respecter le processus consultatif de ce projet de loi, qui mènera à une stratégie nationale coordonnée visant à faire en sorte que les Canadiens aient accès à des soins oculaires, peu importe où ils vivent.

Il tient également compte des expériences et des luttes des Canadiens en ce qui concerne la dégénérescence maculaire liée à l’âge en désignant le mois de février « Mois de la sensibilisation à la dégénérescence maculaire liée à l’âge ».

La dégénérescence maculaire liée à l’âge est un problème qui touche de nombreux Canadiens âgés de plus de 55 ans. Il s’agit de la principale cause de cécité parmi ces Canadiens. Je sais que nous sommes nombreux dans ce groupe d’âge.

Ce problème affecte la vision centrale, qui est la partie la plus importante de la vue d’une personne. Il s’agit d’un problème progressif qui mène à une perte de vision et qui peut accroître les risques d’autres problèmes de santé, comme l’anxiété, la dépression et la progression vers la démence.

À mesure que notre population vieillit, nous devons veiller attentivement à sensibiliser les gens à la dégénérescence maculaire liée à l’âge, à améliorer l’accès aux traitements actuellement disponibles et à financer la recherche nécessaire pour mettre au point de nouveaux traitements dont ont besoin de nombreux Canadiens à l’échelle du pays.

Nous avons la possibilité de faire partie des chefs de file mondiaux dans la prestation de soins de la vue. Nous pouvons nous inspirer d’autres pays, qui possèdent un excellent bilan en matière de prestation et d’accessibilité des soins de la vue. Même si nous savons qu’il n’existe pas de modèle universel pour la prestation de soins dans différents pays, la stratégie prévue dans ce projet de loi se fondera sur des stratégies, des pratiques exemplaires et des cadres existants, ainsi que sur des leçons apprises d’autres pays.

Honorables collègues, une stratégie nationale permettrait d’éliminer les vastes disparités dans l’accès aux soins, de prévenir et de ralentir la progression de la perte de vision, dans la mesure du possible, d’adapter les services aux besoins de tous les Canadiens d’une manière culturellement appropriée, et de favoriser la recherche et l’innovation afin de mieux renseigner les décideurs sur cette question.

Ce projet de loi est important pour des millions de Canadiens et se fait attendre depuis longtemps. Reconnaissons les efforts inlassables des professionnels de la santé, des groupes de revendication et des particuliers qui ont défendu cette cause et demandé au gouvernement fédéral de faire preuve de leadership. Leur engagement en faveur du bien-être des Canadiens mérite notre plus grand respect et notre soutien.

Faire de la santé oculaire et des soins de la vue une priorité en matière de santé requiert notre appui à tous. Chers collègues, nous pouvons travailler ensemble pour faire en sorte que 1,5 million de Canadiens affectés par une perte de vision bénéficient du soutien nécessaire et aient la possibilité de mener une vie productive et saine. Meegwetch. Merci.

L’honorable Pat Duncan [ + ]

Merci beaucoup pour vos observations, et merci d’avoir parrainé ce projet de loi, sénateur Ravalia. J’ai pour vous une petite question rapide, qui sera suivie d’une question complémentaire.

À quel comité croyez-vous que le projet de loi devrait être renvoyé?

Merci, sénatrice Duncan. Selon moi, il devrait être renvoyé au Comité des affaires sociales.

La sénatrice Duncan [ + ]

Chers collègues, je souligne que ce projet de loi est probablement le troisième dont nous avons discuté cet après-midi. La liste de travaux du Comité des affaires sociales commence à s’allonger drôlement.

Vous avez parlé des fiefs bien gardés que sont les systèmes de santé provinciaux et du fait que nous devons faire en sorte que les services de santé non assurés soient ajoutés à la liste, mais en fait, il n’existe pas 13, mais bien 14 régimes de soins de santé dans notre pays. Il y a une énorme différence entre ce que les Autochtones paient pour les soins oculaires par le truchement du Programme de services de santé non assurés et ce que les autres Canadiens paient au titre des régimes de soins de santé.

Je crois que nous devrions inclure le gouvernement du Canada parmi les responsables de l’accessibilité des soins oculaires.

J’ai une autre question. Est-ce que les normes et l’autorisation des optométristes et des prestataires de soins de santé oculaire ont fait partie de la discussion sur les modalités de la loi sur les soins oculaires?

Je vous remercie de soulever ces deux points cruciaux. La question de la santé des Autochtones a été soulevée à l’autre endroit. C’est un aspect crucial, qui a des retombées considérables et qu’on examinerait de façon très approfondie. Il ne fait aucun doute que les principales difficultés ne concernent pas les remboursements mais plutôt le manque d’accès à des soins permettant le dépistage précoce de problèmes de vision. Ce manque d’accès a des conséquences néfastes non seulement pour les membres des communautés autochtones, mais aussi pour bon nombre de résidants des régions rurales.

La deuxième partie de votre question relève vraiment des compétences provinciales. Cela dit, comme j’ai déjà fait partie du collège des optométristes de Terre-Neuve-et-Labrador, je sais que l’idée qu’il faut satisfaire à certaines normes de base pour avoir le droit d’exercer l’optométrie est acceptée sensiblement de la même manière partout au pays. Quant aux exigences que doivent satisfaire les personnes ayant reçu leur formation à l’étranger, des cheminements sont prévus pour faciliter le processus.

Je vous remercie d’avoir posé ces questions.

Haut de page