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Les préoccupations continues concernant l'agriculture canadienne, les milieux humides et la réaffectation des terres forestières

Interpellation--Suite du débat

21 novembre 2024


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de l’interpellation no 16, qui porte sur les questions vitales de la gestion des terres agricoles, de la sécurité alimentaire et de la stabilité économique au Canada.

Tout d’abord, je tiens à remercier le sénateur Black d’avoir lancé cette importante conversation. L’agriculture touche tous les aspects de nos vies — de notre alimentation jusqu’aux paysages qui nous entourent dans nos collectivités —, et pourtant, c’est une question qui ne reçoit pas toujours l’attention qu’elle mérite.

Pour mieux comprendre l’importance de l’agriculture, nous devons nous pencher sur ses origines dans les provinces et les territoires. À Terre-Neuve-et-Labrador, des familles travaillent sans relâche pour cultiver leurs champs dans des conditions rigoureuses et difficiles, tirant leur subsistance d’une terre qui offre souvent peu en retour de leurs efforts. Pendant des générations, la production agricole ne se faisait pas à grande échelle. C’était une question de survie, de résilience et de lien indéfectible avec la terre.

Ce qui était au départ une activité complémentaire pour les familles de pêcheurs est devenu un secteur commercial florissant à la fin des années 1800, notamment grâce à des initiatives comme l’octroi de terres de la Couronne pour l’agriculture. Cependant, ce ne sont pas seulement les politiques qui ont contribué à cette transformation. C’est aussi la détermination de mes concitoyens de Terre-Neuve-et-Labrador. L’apport des femmes a été particulièrement crucial, car elles devaient souvent s’occuper des terres pendant que les hommes travaillaient dans le secteur des pêches. Ce leadership subsiste encore aujourd’hui, car près du quart des exploitants agricoles de Terre-Neuve-et-Labrador sont des femmes, ce qui témoigne de leur force et de leur contribution durable à l’agriculture.

Dans ma province, il ne faut pas avoir froid aux yeux pour œuvrer dans le secteur agricole. C’est un secteur qui non seulement exige beaucoup de travail, mais qui nécessite aussi d’importants investissements dans les terres, les équipements et les opérations. Pour les petites exploitations agricoles, passer à l’échelle commerciale peut sembler un défi insurmontable sans un soutien financier substantiel.

Les défis ne sont pas seulement économiques. Ils sont aussi générationnels. Près de 60 % des exploitants agricoles de Terre-Neuve-et-Labrador ont plus de 55 ans. Qui les remplacera? De nombreux jeunes considèrent l’agriculture comme un risque financier plutôt que comme une carrière viable, et qui peut les en blâmer? Les obstacles sont considérables et les récompenses semblent souvent incertaines. Pourtant, si nous n’attirons pas la prochaine génération, qu’adviendra-t-il de notre approvisionnement alimentaire? Qu’adviendra-t-il des collectivités qui dépendent de ces exploitations agricoles?

Le gouvernement provincial a pris des mesures pour résoudre ces problèmes en affectant 300 000 $ à des projets d’infrastructures agricoles, notamment pour soutenir les nouveaux agriculteurs. Ces initiatives sont prometteuses, mais ce n’est qu’un début. Soutenir un nouvel agriculteur et renforcer les systèmes alimentaires nécessitent des approches claires et adaptables qui reflètent les diverses réalités des agriculteurs de partout au Canada.

Dans ma province, la sécurité alimentaire n’est pas un concept théorique. C’est une réalité quotidienne. Dans les collectivités éloignées, l’accès aux produits frais peut être limité et coûteux. L’agriculture locale est donc très importante. Il ne s’agit pas seulement de nourrir les gens. C’est une question de résilience et d’indépendance.

Considérons ceci : à Terre-Neuve-et-Labrador, plus de 34 % des agriculteurs vendent directement aux consommateurs. C’est deux fois plus que la moyenne nationale. Ce lien entre l’agriculteur et le consommateur est quelque chose de spécial. Il est personnel. Il est local. Les exploitations agricoles comme Lester’s Farm à St. John’s incarnent cet esprit. Avec plus de 100 variétés de fruits et de légumes, Lester’s n’est pas seulement une exploitation agricole. Il s’agit d’un dépanneur communautaire. Les familles y affluent pour les fraises à cueillir, les étables où les enfants peuvent caresser les animaux et les marchés de producteurs. C’est là que les enfants apprennent que les aliments ne viennent pas d’un magasin, mais de la terre. Pourtant, les exploitations agricoles comme Lester’s subissent la pression de l’étalement urbain, de la hausse des coûts et de la diminution des terres agricoles. Si nous perdons ces exploitations agricoles, nous perdons quelque chose d’irremplaçable.

Chers collègues, c’est un constat que l’on ne fait pas seulement à Terre-Neuve-et-Labrador. Partout au Canada, les pressions exercées sur les terres agricoles — de l’étalement urbain au développement industriel — augmentent. Le sénateur Black a réclamé, à juste titre, une stratégie nationale pour protéger les terres agricoles, et je suis tout à fait d’accord, mais toute stratégie doit aller au-delà des solutions fragmentaires et refléter la complexité du milieu agricole. Les agriculteurs de tout le pays — des petits exploitants aux exploitants des secteurs qui ne sont pas soumis à la gestion de l’offre — font face à des défis uniques, et ces défis exigent des approches souples nuancées.

Dans ma province, nous avons pu constater le pouvoir de la collaboration. Grâce à des initiatives telles que le plan La voie à suivre, la province a dépassé l’an dernier son objectif de 20 % d’autosuffisance alimentaire. C’est un progrès, mais nous ne pouvons pas nous arrêter là. Soutenir les nouveaux agriculteurs, adopter les technologies émergentes et investir dans des systèmes alimentaires diversifiés et durables sont des étapes essentielles pour renforcer la résilience. Partout au Canada, nous devons protéger les terres agricoles contre les pertes irréversibles et renforcer les systèmes alimentaires locaux afin que chaque communauté, rurale ou urbaine, ait accès à des aliments frais et abordables.

Je tiens à remercier le sénateur Black d’avoir lancé cette importante discussion. En soulevant cette initiative, vous nous avez rappelé qu’il était urgent de protéger les terres et les sols qui subviennent à nos besoins, de donner du pouvoir aux agriculteurs qui nous nourrissent et de veiller à ce que l’agriculture reste au cœur de nos communautés. Ensemble, nous pouvons construire un avenir où l’héritage agricole du Canada sera défini par la résilience, l’innovation et l’abondance.

Merci, meegwetch.

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