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Projet de loi sur le cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale

Deuxième lecture--Ajournement du débat

25 septembre 2025


L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia

Propose que le projet de loi S-234, Loi concernant un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation foetale, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole en tant que parrain du projet de loi S-234, Loi concernant un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. Ce projet de loi aborde, selon moi, un des problèmes de santé publique et de justice sociale les plus urgents au pays, même s’il est systématiquement négligé, à savoir les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale, communément appelés TSAF.

Il s’agit d’un problème national qui relève de diverses compétences, qui concerne de multiples systèmes — santé, éducation, protection de l’enfance et services correctionnels — et qui touche des milliers de Canadiens, de toutes les régions, de toutes les origines et de toutes les générations.

C’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur, et je sais que c’est aussi le cas de bon nombre de mes collègues ici présents. C’est un sujet que j’ai appris à bien connaître en tant que médecin de famille en milieu rural.

Alors que je présente de nouveau ce projet de loi pendant le Mois de sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, je tiens à exprimer ma gratitude à la sénatrice Duncan. Depuis des décennies, la sénatrice est impliquée dans la communauté touchée par les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale au Yukon. Merci, Pat.

Je tiens aussi à remercier les sénateurs Anderson et Christmas pour leurs sages conseils dans le cadre de mon travail sur le projet de loi. Je remercie tous les sénateurs de leur soutien et de l’attention qu’ils ont portée à ce sujet au cours de la dernière législature.

Chers collègues, le projet de loi S-234 a été élaboré à la suite de consultations approfondies avec le réseau canadien de recherche sur le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, un réseau de recherche interdisciplinaire collaboratif qui compte des partenaires partout au pays.

Le réseau compte un large éventail de professionnels : des universitaires, des spécialistes de la santé des femmes, des personnes qui travaillent dans le domaine de la justice pénale, des pédiatres spécialisés dans le développement, des psychologues, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des conseillers autochtones.

Je tiens à remercier Lori Cox, directrice du centre Eastern Door de la Première Nation d’Elsipogtog au Nouveau-Brunswick, de ses commentaires et de son travail assidu dans ce domaine.

Septembre est le Mois de sensibilisation au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. Nous utilisons cette période pour entamer des discussions, appuyer la prévention et reconnaître les forces des personnes touchées par le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Il s’agit d’une incapacité permanente causée par l’exposition à l’alcool avant la naissance. La consommation d’alcool pendant la grossesse peut altérer le développement du cerveau et de l’organisme du fœtus et mener à une série de troubles cognitifs, comportementaux et physiques.

Honorables sénateurs, je tiens à être très clair : ce n’est pas une question de moralité; c’est une question de santé publique. Les personnes qui accouchent ne savent peut-être pas qu’elles sont enceintes, ne sont peut-être pas au courant des risques ou sont peut‑être aux prises avec une dépendance, un traumatisme ou un manque de soutien.

Ce trouble est souvent mal compris, mal diagnostiqué ou, tragiquement, complètement méconnu, mais il est lourd de conséquences, comme des pertes de mémoire, un manque de contrôle des impulsions, des difficultés à comprendre les conséquences, des difficultés liées aux fonctions exécutives, des troubles d’apprentissage et des taux plus élevés de maladie mentale.

Selon les estimations, un pourcentage relativement élevé de Canadiens pourraient être atteints du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, ce qui en fait une affection plus répandue que l’autisme, le syndrome de Down et la paralysie cérébrale. Pourtant, le niveau de sensibilisation, les investissements et les interventions coordonnées demeurent beaucoup trop faibles.

Chers collègues, l’objectif de ce projet de loi est triple : mettre en place un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale; assurer l’accès égal à des services de diagnostic, de prévention et de soutien dans les provinces et les territoires; et reconnaître que le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale est une priorité en matière de santé publique et de politique sociale à l’échelle du pays.

Ce projet de loi n’empiète pas sur les compétences provinciales. Il ne dicte pas de modèles de prestation de services. Il crée la structure, le leadership et la coordination fédérale nécessaires pour aider les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones à s’attaquer aux troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale de manière cohérente, fondée sur des données probantes et avec compassion.

Le projet de loi prévoit la création de campagnes de sensibilisation et de prévention adaptées à la culture qui tiennent compte des traumatismes et qui sont accessibles dans les deux langues officielles et, si possible, dans les langues autochtones.

Nous devons nous éloigner des messages fondés sur la peur qui favorisent la stigmatisation. Au lieu de cela, nous devons fournir de l’information honnête et non moralisatrice sur l’alcool et la grossesse, ainsi qu’un soutien aux personnes qui luttent contre la toxicomanie, notamment en leur donnant accès à des services de traitement de la toxicomanie et à des soins prénataux complets.

Le projet de loi encourage également la formation obligatoire des prestataires de soins de santé, des éducateurs et des travailleurs de première ligne, afin que la prévention ne soit pas seulement une affiche sur un mur, mais qu’elle fasse partie de la pratique quotidienne.

Beaucoup trop de Canadiens atteints de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale ne sont pas diagnostiqués ou sont diagnostiqués à tort comme souffrant de trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité, ou TDAH, de trouble des conduites ou de trouble oppositionnel avec provocation. En l’absence d’un diagnostic correct, ces personnes ne bénéficient pas des mesures de soutien qui pourraient changer fondamentalement leur vie et leur trajectoire.

Ce projet de loi encourage la création de cliniques de diagnostic des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale dans tout le Canada, en particulier dans les régions mal servies, notamment les communautés rurales, éloignées et du Nord. Il préconise la mise en place d’équipes de diagnostic interdisciplinaires comprenant des médecins, des psychologues, des ergothérapeutes, des orthophonistes et des travailleurs sociaux.

Le diagnostic est la porte d’entrée vers l’intervention. Sans lui, les familles sont laissées à elles-mêmes pour naviguer dans un système complexe et, souvent, on les blâme pour le comportement de leur enfant plutôt que de les aider à le gérer. Cela ne s’arrête pas à l’enfance. Il s’agit d’un problème qui dure toute la vie, et pourtant très peu de programmes sont conçus pour soutenir les adolescents et les adultes atteints de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale.

Ce projet de loi exige la collaboration entre les ministères fédéraux, notamment le ministère de la Justice du Canada, Services aux Autochtones Canada, Sécurité publique Canada et Emploi et Développement social Canada, en vue de l’élaboration de politiques éclairées dans des domaines tels que l’éducation et les plans de formation individualisés, les services correctionnels pour les jeunes et les adultes, les services de santé mentale, l’aide au logement et à l’emploi, le placement en famille d’accueil et chez des proches et les programmes d’aide au revenu.

Les données nous montrent que les personnes aux prises avec des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale sont largement surreprésentées dans le système de protection de l’enfance et le système de justice pénale, ainsi que dans la population canadienne itinérante. Cette situation n’est pas inévitable. Elle résulte d’une défaillance systémique, et nous avons le devoir d’agir.

Chers collègues, il est impossible d’avoir une conversation sérieuse sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale au Canada sans reconnaître l’impact disproportionné qu’ils ont sur de nombreuses communautés des Premières Nations, inuites et métisses.

En 2015, la Commission de vérité et réconciliation du Canada, dans son appel à l’action no 33, a demandé la mise en place de services communautaires de diagnostic, de traitement et de prévention du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale qui soient adaptés à la culture dans les communautés autochtones.

Aujourd’hui, 10 ans plus tard, il existe encore des lacunes et des disparités importantes dans tout le pays dans ces domaines.

Notons toutefois, chers collègues, que les dirigeants et les communautés autochtones ne sont pas seulement touchés par ce problème : ils mènent aussi des initiatives novatrices et adaptées à la culture dans le domaine des troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale. C’est le cas, par exemple, du centre Eastern Door, qui reconnaît qu’un diagnostic et un soutien précoces sont importants parce qu’ils ont une incidence à long terme sur la vie des personnes atteintes et de leur famille. Un cadre national permettrait d’étendre ces modèles qui ont fait leurs preuves et d’en faire une adaptation appropriée partout au pays.

Le projet de loi à l’étude affirme que toute stratégie nationale sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale doit être pleinement élaborée en partenariat avec les peuples autochtones, dans le respect des principes d’autodétermination, de vérité et de réconciliation, et de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

Le coût de l’inaction est immense, chers collègues. Des études estiment que la prise en charge d’une personne atteinte de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale peut coûter plus de 1,5 million de dollars tout au long de sa vie, une somme qui comprend les soins de santé, l’éducation, les services correctionnels et la perte de productivité. En revanche, un diagnostic et un soutien précoces peuvent réduire considérablement non seulement les coûts financiers, mais aussi la souffrance humaine.

Les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale touchent les Canadiens de toutes les régions, de toutes les origines et de tous les groupes socioéconomiques. Ils touchent les zones urbaines et rurales, les familles autochtones et non autochtones et des gens de tous les horizons politiques.

Dans un rapport publié en juin 2025, l’Académie canadienne des sciences de la santé a récemment souligné les nombreux défis et possibilités de renforcer l’approche du Canada à l’égard du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale. L’Agence de la santé publique du Canada a commandé cette évaluation du paysage actuel au Canada. Je vois dans ce travail un signe de leur volonté de mettre en place un cadre national pour améliorer les résultats grâce à la prévention, à l’éducation, au diagnostic et aux mesures de soutien.

Chers collègues, soyons clairs : ce projet de loi ne réglera pas tous les problèmes liés à ce trouble, mais c’est un point de départ important. Il établira un leadership national, assurera la coordination et la cohérence et commencera à remédier aux lacunes qui affligent trop de familles depuis beaucoup trop longtemps.

Reconnaissons que les personnes atteintes du trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale ne sont pas des êtres brisés. Elles ne sont pas des problèmes à gérer. Ce sont des citoyens qui ont des droits, un potentiel et une capacité énorme si nous bâtissons les systèmes qui leur permettent de s’épanouir.

Chers collègues, faisons en sorte que l’adoption de ce projet de loi soit le moment où nous cesserons de demander aux familles de porter seules ce fardeau. Faisons en sorte que ce soit le moment de dire : « Oui, nous vous voyons, nous vous entendons et nous sommes prêts à agir. »

Je vous exhorte respectueusement à appuyer ce projet de loi au Sénat et à vous joindre à moi pour accorder à cette question l’attention et le leadership qu’elle mérite depuis si longtemps à l’échelle nationale.

Chers collègues, malgré votre forte envie de m’ovationner debout, je vous invite à rester assis. Merci. Meegwetch.

L’honorable Flordeliz (Gigi) Osler [ - ]

Le sénateur Ravalia accepterait-il de répondre à une question?

Avec plaisir.

La sénatrice Osler [ - ]

Je vous remercie de votre discours.

Le cadre national doit établir une stratégie visant à accroître la sensibilisation aux risques liés à la consommation d’alcool pendant la grossesse.

Le trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale peut être évité en ne consommant pas d’alcool pendant la grossesse.

Pouvez-vous nous parler des étiquettes apposées sur les boissons alcoolisées qui mettent en garde contre les risques liés à la consommation d’alcool pendant la grossesse?

C’est un sujet dont j’ai eu le plaisir de discuter avec le sénateur Brazeau, qui, comme vous le savez, travaille assidûment sur ce dossier. Ensemble, nous espérons élaborer une stratégie visant à apposer ces étiquettes d’avertissement importantes sur les produits alcoolisés.

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