Éthique et conflits d'intérêts des sénateurs
Deuxième rapport du comité--Ajournement du débat
22 juin 2020
Propose que le rapport soit adopté.
— Honorables sénateurs, je m’adresse aujourd’hui à vous au nom du Comité sénatorial permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et je vais parler de son deuxième rapport, qui porte sur le sénateur Victor Oh.
Je vous rappelle, pour vous remettre dans le contexte, qu’en avril 2017, le sénateur Oh s’est rendu à Pékin et dans la province du Fujian, en Chine.
Le 11 janvier 2018, le conseiller sénatorial en éthique a amorcé un examen préliminaire sur le voyage du sénateur Oh. Le 22 mars 2018, il a décidé d’instituer une enquête sur l’affaire.
Le 18 février 2020, le comité a reçu le rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique, qui a été déposé au Sénat et rendu public le jour même.
Dans son rapport, le conseiller sénatorial en éthique a conclu que le sénateur Oh a enfreint l’alinéa 2(2)c) et le paragraphe 17(1) du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs. Selon lui, le sénateur Oh n’a pas respecté le principe énoncé à l’alinéa 2(2)c) du code en n’opérant pas de séparation nette entre ses affaires publiques et sa vie personnelle. Il a également conclu que le sénateur Oh avait enfreint le paragraphe 17(1) du code en acceptant un paiement de sa sœur pour le voyage qu’il a effectué et en acceptant des dîners offerts par une firme-conseil en investissement chinoise, Pantheon Assets Ltd., et par Xiamen Airlines.
Le comité aimerait également attirer l’attention du Sénat sur quelques observations formulées par le conseiller sénatorial en éthique dans son rapport d’enquête, qui portent sur la crédibilité et l’intégrité du sénateur Oh pendant le processus d’enquête. Plus précisément, le conseiller sénatorial en éthique a découvert que le sénateur Oh a tenté de l’induire en erreur, a omis de fournir certains renseignements et a donné un témoignage incomplet.
Il convient de noter que même si le conseiller sénatorial en éthique a relevé des violations du paragraphe 2(2)c) et de l’article 17(1) du code, il n’a pas proposé de mesures correctives parce qu’il affirme qu’il n’y en a pas dans cette situation.
Néanmoins, le conseiller sénatorial en éthique a jugé que les agissements du sénateur Oh pendant l’enquête constituent des facteurs aggravants dont il faut tenir compte dans l’évaluation des sanctions et des pénalités.
Lorsque le comité s’est penché sur le rapport d’enquête pour formuler ses conclusions, il a examiné l’analyse et les conclusions du conseiller sénatorial en éthique relativement à l’inconduite du sénateur Oh. Le comité a aussi pris au sérieux les observations du conseiller sénatorial en éthique au sujet de la conduite du sénateur Oh pendant l’enquête.
Selon le comité, par sa conduite qui va à l’encontre du code, le sénateur Oh a manqué aux normes en matière de responsabilité et de reddition de comptes inhérentes à la fonction de sénateur. Le comité a jugé préoccupant le fait que le sénateur Oh semblait avoir manqué de sincérité et tenté d’induire en erreur le conseiller sénatorial en éthique pendant l’enquête, ce qui avait entravé et retardé l’enquête. Le comité souligne que cette conduite va à l’encontre de la façon dont les sénateurs sont tenus de se comporter au titre du processus d’application prévu dans le code, et qu’il s’agit là de facteurs aggravants au moment de déterminer les sanctions à recommander.
Par conséquent, le comité recommande que le Sénat blâme le sénateur Oh. Le blâme est une forme reconnue d’expression du mécontentement d’un corps législatif à l’égard de la conduite d’un de ses membres. En adoptant cette sanction, le Sénat montrerait qu’il partage l’avis du comité, à savoir que le sénateur Oh ne s’est pas conduit de manière appropriée dans cette affaire, et il rappellerait l’importance de se conformer au code.
En terminant, le public exige un niveau élevé de responsabilité et de reddition de comptes de la part des sénateurs. Afin de préserver et d’améliorer la confiance du public envers l’intégrité du Sénat, et afin que les sénateurs puissent compter sur des directives claires lorsqu’ils doivent gérer des cas potentiels de conflits d’intérêts, le Sénat a adopté le Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, en 2005. Ce document énonce les normes et établit un processus transparent qui encadrent la résolution des questions relatives à la conduite des sénateurs.
On attend de tous les sénateurs qu’ils comprennent et respectent les principes du Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs et qu’ils contribuent au bon fonctionnement et à l’intégrité du processus pour appliquer le code. Par conséquent, le comité tient à rappeler aux sénateurs leurs obligations individuelles et collectives en vertu de ce document. Les sénateurs sont tenus de constamment faire preuve de diligence raisonnable dans l’exercice de leurs fonctions, y compris pour tout ce qui touche les voyages et le remboursement de leurs dépenses connexes.
À cet égard, le Comité souhaite préciser à quoi sont tenus les sénateurs au titre du paragraphe 17(1) du code. Selon le paragraphe 17(1) du code, un sénateur ne peut pas, directement ou indirectement, accepter de cadeaux ou d’autres avantages qui pourraient raisonnablement être considérés comme ayant un rapport avec la charge du sénateur. Or, c’est ce qu’a fait le sénateur Oh en acceptant que sa sœur paie les frais de la partie du voyage liée à ses fonctions officielles. L’exception prévue au paragraphe 17(2) du code permet aux sénateurs d’accepter des cadeaux ou des avantages qui sont des marques d’accueil ou de protocole, mais le voyage accepté par le sénateur Oh outrepasse cette exception.
Les sénateurs se rappelleront que s’ils se prévalent de cette exception et que la valeur du cadeau ou de l’avantage est supérieure à 500 $, ou que la valeur des cadeaux reçus d’une même source au cours d’une année excède 500 $, ils doivent le divulguer au conseiller sénatorial en éthique, tel que l’exige le paragraphe 17(3).
Outre la question des frais de déplacement, il y a les activités qui ont eu lieu durant le voyage. Le sénateur Oh a assisté à des dîners tenus en son honneur et commandités par des entités qui ont des intérêts liés à la charge du sénateur. Bien qu’assister à un dîner tenu à titre protocolaire n’est pas contraire au code, le fait d’accepter d’assister à un dîner tenu en son honneur et découlant de réunions officielles liées à la charge de sénateur dépasse la mesure, car il ne s’agit plus alors d’une simple marque d’accueil qui pourrait faire l’objet d’une exception.
Honorables collègues, il faut faire preuve d’une extrême prudence en ce qui concerne les cadeaux et autres avantages. En cas de doute, le comité encourage tous les sénateurs à demander confidentiellement les conseils et l’opinion du conseiller sénatorial en éthique afin de s’assurer qu’ils continuent à respecter le code. Même si un sénateur se conforme pleinement aux règles, il est tout de même utile de tenir compte du fait que les Canadiens pourraient avoir l’impression que des groupes ou des organismes offrent des cadeaux et d’autres avantages aux parlementaires afin d’avoir accès à eux ou d’exercer une influence sur eux.
Enfin, le comité souhaite souligner qu’il considère que tout geste visant à induire en erreur le conseiller sénatorial en éthique ou le comité dans son travail doit être vu comme un facteur aggravant au moment de l’examen des sanctions. D’ailleurs, le comité envisage d’apporter d’autres modifications au code pour souligner l’importance de ce principe.
Il revient maintenant à chaque sénateur d’examiner le rapport d’enquête du conseiller sénatorial en éthique et le deuxième rapport du comité pour faire ce qui s’impose.
Je vous remercie, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, nous ne pouvons pas encore prendre une décision au sujet de ce rapport. À moins qu’un sénateur ne veuille proposer l’ajournement, le débat sera ajourné d’office jusqu’à la prochaine séance du Sénat.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Conformément à l’article 12-30(2) du Règlement, la suite du débat sur la motion est ajournée à la prochaine séance.)