Projet de loi sur le Mois du patrimoine libanais
Troisième lecture--Suite du débat
6 décembre 2022
Honorables sénateurs, je dois vous avouer que, après avoir entendu l’excellent discours de la sénatrice Audette, je suis un peu gênée de prendre la parole. Toutefois, je tenais à vous parler de ce que je considère comme un événement personnel qui contribue à la discussion sur ce projet de loi concernant le Mois du patrimoine libanais.
Effectivement, dans notre petite région rurale du nord-ouest du Nouveau-Brunswick, nous avons une famille de Libanais. Ils sont des entrepreneurs, mais surtout des gens dévoués à la communauté, des bénévoles à l’église et membres de toutes les organisations culturelles. Ils seront toujours dans ma mémoire.
Par contre, je veux rappeler aujourd’hui à certains d’entre vous — à plusieurs d’entre vous qui n’étiez pas ici il y a 10 ans — un événement qui concerne un producteur de pommes de terre de ma grande région du nord-ouest du Nouveau-Brunswick.
Ce producteur de pommes de terre s’appelait Henk Tepper. Il a été emprisonné au Liban il y a 10 ans après exécution d’une demande d’extradition du gouvernement d’Algérie pour la prétendue expédition de pommes de terre avariées, qui avaient été vendues un mois plus tard à la Syrie. Nous n’avons jamais eu vent de Syriens qui seraient morts après avoir consommé ces pommes de terre du Nouveau-Brunswick.
Cependant, depuis le mois de mai, lorsque la famille de M. Tepper est venue chez moi pour me demander de l’aider à trouver une façon de le faire rentrer au Canada, je me suis lancée dans une aventure qui m’a présenté plus de défis — personnels et politiques — que j’aurais pensé rencontrer dans toute ma vie. D’ailleurs, après dix mois, je ne dormais presque plus, parce que je n’arrêtais pas de me demander : que pourrais-je faire? Qu’est-ce que j’ai manqué? Que dois-je faire maintenant?
Le problème était que M. Tepper se trouvait dans une prison au Liban. Même si beaucoup de mes collègues sénateurs et moi avions exposé la situation à la ministre des Affaires étrangères et à son cabinet, de mon point de vue, aucune aide concrète n’avait été apportée à M. Tepper pendant qu’il était emprisonné au Liban. Il n’y avait pas grand chose à faire de ce côté-là.
Nous avons également fait des démarches auprès du gouvernement de l’Algérie pour tenter de voir si nous pourrions lui fournir des preuves que les pommes de terre n’étaient pas pourries. Ces démarches n’ont mené nulle part elles non plus. J’ai appelé le sénateur algérien responsable de l’agriculture, mais il s’est avéré que son neveu était le ministre de l’Agriculture. Cela a piqué ma curiosité, alors j’ai fait des recherches sur tout ce qui s’est passé dans le domaine de l’agriculture en Algérie l’année qui a précédé l’incident. J’ai découvert dans la presse algérienne la notion d’un consortium des cultivateurs de pomme de terre en Algérie. J’étais donc de nouveau dans une impasse.
La seule option que nous avions était de donner au gouvernement du Liban toutes les preuves que nous pouvions trouver. Nous avons réussi à les livrer au premier ministre, au ministre de la Justice, au procureur général ainsi qu’à quelques juges qui comprenaient cette affaire. Ces démarches ont commencé en mai et se sont poursuivies jusqu’en décembre, lorsque l’avocat de M. Tepper au Nouveau‑Brunswick et moi sommes allés au Liban. À notre arrivée, l’ambassade canadienne nous a fait savoir que nous devions quitter le Liban, que nous n’avions rien à faire là.
Ceux d’entre vous qui me connaissent savent certainement que je suis plus déterminée et persévérante que cela. Le lendemain, nous avons donc rendu visite à M. Tepper dans sa prison. Bon sang, ce n’était certainement pas le géant jovial que j’avais connu l’année précédente. Toutefois, grâce à nos efforts, nous avons passé cinq jours à rencontrer des ministres, dont le ministre du Tourisme de l’époque, qui avait la double citoyenneté. C’était aussi un Canadien de Montréal.
Chers collègues, sans la relation très étroite et le respect mutuel entre les Canadiens et les Libanais, qui comprennent et partagent nos valeurs, M. Tepper aurait été envoyé en Algérie et on ne l’aurait jamais revu.
Deux mois après notre visite à toutes ces autorités libanaises, on a rendu à M. Tepper son passeport canadien et on l’a mis dans un avion pour le renvoyer au Canada. Telle est mon expérience avec la communauté libanaise : nos valeurs et notre amitié nous unissent.
Je suis très reconnaissante envers la sénatrice Cordy d’avoir présenté ce projet de loi. J’espère que son adoption sera rapide. Chers collègues, ne retardez pas son adoption pour le plaisir de faire traîner les choses en longueur. Cela ne donne rien au bout du compte.
Je serai extrêmement reconnaissante si nous pouvions adopter le projet de loi avant Noël, et je ne serai pas la seule. Tous les habitants de la région du nord-ouest du Nouveau-Brunswick voulaient le rapatriement de leur producteur de pommes de terre local. Si leur souhait a été exaucé, c’est grâce à l’amitié que les autorités libanaises entretiennent avec notre pays. Je désire que ce projet de loi soit adopté avant Noël, en signe de bonne volonté pour ce geste profondément altruiste qu’elles ont posé en vue d’aider un producteur canadien de pommes de terre. Adoptons ce projet de loi avant Noël. Merci.