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Projet de loi sur la prestation canadienne d’urgence pour étudiants

Troisième lecture

1 mai 2020


Son Honneur le Président [ - ]

Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) [ - ]

Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Gagné [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019). J’ai le plaisir de parrainer cette mesure nécessaire. Elle contribuera grandement à aider nos jeunes à poursuivre leurs études et à protéger leur avenir en leur donnant les moyens de subvenir à leurs besoins quotidiens pendant cette crise sans précédent.

Avant mon arrivée au Sénat, j’ai travaillé dans le domaine de l’éducation pendant plus de 35 ans. Il faut dire que, encore aujourd’hui, ce sang d’éducatrice coule toujours dans mes veines. Durant ma carrière, j’ai côtoyé des élèves et des étudiants dévoués et consciencieux, animés d’un sens aigu de la réussite dans le but de poursuivre leurs études postsecondaires.

J’ai aussi été témoin de leurs conditions de vie et des difficultés qu’ils éprouvaient à joindre les deux bouts. Ce n’est pas parce qu’on est à l’école ou aux études supérieures qu’on est à l’abri des difficultés de toutes sortes. Je peux aisément m’imaginer le stress que vivent ces jeunes gens face à leur avenir dans le contexte de cette pandémie.

Chers collègues, nous sommes sans doute nombreux à nous être trouvés, à une certaine époque, dans la même position que ces dizaines de milliers de jeunes. Ce sont des étudiants d’université ou de collège, ou de nouveaux diplômés du secondaire qui essaient de trouver le moyen de poursuivre leurs études tout en remplissant leurs obligations financières. Certains d’entre nous ont peut-être pu compter sur l’aide de notre famille, mais nos emplois d’été ou notre travail à temps partiel pendant l’année scolaire nous ont permis de payer au moins une partie de nos frais d’études et de nos dépenses courantes.

Aujourd’hui, des milliers et des milliers de jeunes ne voient guère de solution immédiate. L’emploi qu’ils avaient déniché n’existe plus. Des offres d’emploi ont été retirées. Ils n’y sont pour rien; la COVID-19 a interrompu et menacé la vie et le gagne-pain de millions de gens.

Le projet de loi à l’étude, le projet de loi C-15, autorise la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées à verser une prestation canadienne d’urgence aux étudiants qui ont perdu un emploi existant; qui sont à la recherche d’un emploi, mais qui sont incapables de trouver l’emploi qu’ils recherchent; qui travaillent, mais qui sont moins payés que le montant déterminé dans le règlement; ou qui n’ont peu ou pas de possibilités d’emploi en raison de la pandémie.

Pour être admissible à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, il faut être citoyen canadien, une personne inscrite à titre d’Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens, un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ou une personne protégée au sens du paragraphe 95(2) de cette loi. Cette personne doit avoir été inscrite à tout moment entre le 1er décembre 2019 et le 31 octobre 2020 à un programme d’études postsecondaires qui mène à l’obtention d’un diplôme ou d’un certificat.

Les étudiants qui ont terminé leurs études secondaires en 2020, qui ont présenté une demande d’admission à un tel programme d’études postsecondaires devant débuter avant le 1er février 2021 et qui ont l’intention de s’y inscrire si leur demande d’admission est acceptée sont aussi admissibles. La Prestation canadienne d’urgence pour étudiants est aussi offerte aux diplômés récents qui ont terminé un programme d’études collégiales ou universitaires en décembre 2019 ou au printemps et qui sont incapables de trouver un emploi en raison de la COVID-19.

Les étudiants de niveau postsecondaire, tant ceux qui avaient un emploi avant la pandémie que ceux qui n’en avaient pas, sont admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants s’ils répondent à tous les critères. Les Canadiens qui étudient à l’étranger y sont également admissibles s’ils répondent à l’un des critères susmentionnés.

La prestation entre en vigueur maintenant et se poursuivra jusqu’en août de cette année.

Comme c’est le cas pour la Prestation canadienne d’urgence, un étudiant peut présenter une demande pour la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants pour toute période de quatre semaines qui s’inscrit dans les délais prévus par le règlement. Toutefois, seuls les étudiants et les nouveaux diplômés qui ne sont pas admissibles à la Prestation canadienne d’urgence ou à l’assurance-emploi pourront bénéficier de la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants.

Pendant la période de quatre semaines pour laquelle l’étudiant présente une demande, il doit confirmer qu’il ne tire aucun revenu d’un emploi ou d’un travail indépendant, qu’il ne touche pas de prestations d’assurance-emploi et qu’il ne reçoit pas d’allocations, de paiements ni d’autres prestations versées dans le cadre d’un régime provincial ou de la PCU.

L’étudiant doit de plus démontrer qu’il recherche activement un emploi. Pour faciliter les recherches d’emploi, le gouvernement mettra à la disposition des étudiants des renseignements sur les possibilités d’emploi, par l’entremise d’un système gouvernemental d’affichage en ligne des offres emplois, soit le Guichet-Emplois. Des incitatifs financiers et des mesures de soutien seront mis en place pour orienter les Canadiens et, en particulier, les étudiants vers les divers emplois offerts, surtout dans le secteur agricole et agroalimentaire, afin de favoriser la stabilité économique régionale et la production alimentaire pendant cette période de crise.

Les étudiants qui sont admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants pourraient obtenir 1 250 $ par mois de mai à août. De plus, les étudiants qui y sont admissibles et qui ont une incapacité permanente ou des personnes à charge pourraient recevoir 750 $ de plus par mois, pour un total de 2 000 $, soit le même montant que la Prestation canadienne d’urgence. Les étudiants ne pourront pas s’inscrire à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants après le 30 septembre 2020, et ils ne recevront aucun versement s’ils soumettent leur demande après cette date.

Une fois promulguée, cette loi serait d’une durée limitée et, dans la plupart des cas, le pouvoir d’établir des règlements nécessiterait l’approbation du ministre des Finances. La Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, comme la PCU, sera administrée par l’Agence du revenu du Canada, et celle-ci sera responsable des mesures d’intégrité après vérification, y compris le recouvrement de trop-payés ou de paiements versés par erreur.

Cette loi doit obligatoirement faire l’objet d’un examen exhaustif pour ce qui est de ses dispositions et de son application. Cet examen sera effectué par la Chambre des communes, par le Sénat, par les deux Chambres du Parlement ou par un comité mandaté à cette fin. L’examen prescrit doit être achevé au plus tard le 30 septembre 2021.

Honorables collègues, le projet de loi C-15 a été élaboré en consultation avec tous les partis. Il résulte d’un effort concerté, et tous les participants ont formulé d’excellentes suggestions. Ce projet de loi illustre ce qu’il est possible d’accomplir quand la priorité consiste à travailler ensemble dans l’intérêt des personnes dans le besoin.

Il s’agit des fils et des filles du Canada qui ont soif de réaliser leurs ambitions. Honorables sénateurs, nous pouvons tous nous mettre dans la peau de ces étudiants. Peut-être n’était-ce pas vous personnellement. Peut-être était-ce votre fils, votre fille, un de vos petits-enfants ou l’enfant d’un ami. La réussite scolaire est essentielle pour permettre à ces jeunes d’être admis au collègue ou à l’université. Mais elle ne représente qu’une infirme partie de l’effort à fournir. Ils doivent ensuite assumer le fardeau des frais, de l’achat des manuels, du loyer, de l’épicerie — bref, de tout le nécessaire pour vivre et apprendre. Or, à l’heure actuelle, en pleine pandémie, ils craignent pour leur avenir.

Plusieurs d’entre eux avaient trouvé un emploi, dans certains cas ici même, sur la Colline du Parlement, mais en ce moment nous n’avons pas besoin de guides parlementaires. Il n’y a pas de travail pour ces étudiants enthousiastes qui vendent près d’ici des billets de visites guidées du canal Rideau ou de la ville d’Ottawa. Les hôtels n’ont pas besoin de portiers, les restaurants ne cherchent pas de serveurs supplémentaires pour la haute saison.

Je prie tous mes honorables collègues d’adopter rapidement le projet de loi C-15, pour tous les étudiants que vous connaissez personnellement et pour les dizaines de milliers d’autres qui ne demandent pas mieux que de reprendre leurs études aussitôt que possible. Après tout, ce sont eux qui feront bouger les choses à l’avenir.

L’honorable Claude Carignan [ - ]

Chers collègues, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui à l’occasion de cette séance spéciale, et de constater que vous semblez toutes et tous en pleine forme et en bonne santé.

Vous en conviendrez, nous traversons une crise exceptionnelle qui afflige nos concitoyens de manière fulgurante. L’année 2020 sera marquée au fer rouge. Le coronavirus, cet ennemi invisible, s’est immiscé dans toutes les sociétés du monde, et le Canada n’a pas été à l’abri de cette pandémie. Les décès causés par ce virus se comptent maintenant par milliers. Le nombre de personnes infectées ne cesse de croître et tous les secteurs d’activité de notre société sont heurtés de plein fouet.

Les Canadiennes et les Canadiens ont été placés dans un confinement sans précédent. Je suis persuadé que c’était la bonne stratégie à adopter. Selon les provinces, le déconfinement se fera graduellement, mais nous devons reconnaître que nous avançons à tâtons. Jamais nous n’avons connu une telle situation et, comme certains se plaisent à le dire, nous apprenons à construire l’avion en plein vol.

La première préoccupation des gouvernements est la santé publique, et cela va de soi. Les décisions doivent être prises en fonction des connaissances scientifiques, même si elles sont peu nombreuses face à ce nouveau virus. Le Canada a déjà fait face à des éclosions de virus, mais jamais de l’ampleur que nous connaissons actuellement. Il y a eu, bien sûr, la grippe espagnole qui s’est abattue sur plusieurs pays en 1918-1919, y compris le Canada, mais, de mémoire d’homme, nous n’avons jamais connu un phénomène comme celui de la COVID-19.

Avec raison, les citoyennes et les citoyens sont inquiets. Ils sont inquiets pour leurs aînés, qui sont les plus durement touchés par la COVID-19, inquiets aussi de ne pouvoir les accompagner et surtout de les rassurer durant ces pénibles moments. Les gens sont également inquiets face à leurs finances personnelles — j’y reviendrai — et de plus en plus inquiets en ce qui a trait aux finances de l’État.

Cette semaine, le directeur parlementaire du budget dévoilait que, selon les estimations, le déficit du Canada pour l’exercice financier de 2020-2021 s’élèverait à 252 milliards de dollars. C’est du jamais vu. Dans l’urgence, le gouvernement, en collaboration avec les partis de l’opposition, a adopté plusieurs programmes d’aide pour les citoyens et les entreprises. À coups de dizaines de milliards de dollars, le gouvernement a délié les cordons de la bourse afin de soutenir les Canadiens, pour traverser cette crise sans trop de dommages.

Toutefois, en voulant agir trop rapidement et dans la précipitation, il peut arriver que certaines décisions, prises en toute bonne foi, recèlent des failles qui viendront par la suite affecter notre économie ou mettre à mal nos structures sociales.

Je vous donne l’exemple du programme de prêts pouvant aller jusqu’à 40 000 $ pour les entreprises. Ce prêt, s’il est remboursé dans les délais, deviendra un prêt de 30 000 $ assorti d’une subvention de 10 000 $. Sommes-nous certains que toutes les entreprises qui ont eu accès à ce programme en avaient réellement besoin? Je connais personnellement des entreprises qui se sont prévalues de ce programme et qui en avaient vraiment besoin, mais je sais aussi qu’il y a des entreprises qui, au contraire, ont reçu ce prêt sans que ce soit le cas.

De plus, par l’entremise de la Prestation canadienne d’urgence, le gouvernement offre un soutien de 2 000 $ par mois pour les personnes qui auraient perdu leur emploi en raison de la crise liée au coronavirus. Encore là, il s’agit de plusieurs milliards de dollars qui sont consacrés à cette mesure exceptionnelle. Avons-nous suffisamment de mesures de contrôle pour nous assurer que des personnes mal intentionnées ne profitent pas de ce nouveau programme pour s’approprier indûment des sommes auxquelles elles n’auraient pas droit?

Je suis certain que des fraudes seront commises par l’entremise de ces nouveaux programmes et je suis très inquiet en ce qui concerne la capacité du gouvernement à les détecter, à corriger les failles et, enfin, à récupérer les sommes subtilisées. D’ailleurs, j’anticipe que la tâche sera si colossale que le gouvernement se résignera plutôt à passer l’éponge en se disant qu’il en coûtera trop cher pour tenter de récupérer ces fonds injustement obtenus.

Je suis évidemment de ceux qui croient que le gouvernement, durant une pareille crise, doit poser des actions pour soutenir les Canadiennes, les Canadiens et notre économie. Par ailleurs, je suis profondément inquiet pour la suite des choses, pour l’après-crise. Je crois que les défis auxquels nous faisons face actuellement sont immenses, mais je crois également que les défis qui nous attendent après cette crise seront encore plus grands.

À un moment donné, au cours des prochains mois, les chercheurs auront trouvé un vaccin et un médicament pour guérir ce virus foudroyant. Alors, la crise de la santé publique liée au coronavirus s’estompera.

Chers collègues, quel sera le médicament qui permettra de régler la crise économique qui se pointe le bout du nez, et qui sera tout aussi virulente, j’en ai bien peur, que la COVID-19? Nous devons dès maintenant nous engager dans une sérieuse réflexion sur l’après-crise. J’en ai la profonde certitude.

Je mentionnais précédemment que les gens étaient inquiets par rapport à leurs finances personnelles. Chacun a ses obligations personnelles et familiales, et il va de soi que, lorsqu’on se retrouve soudainement sans revenu du jour au lendemain, la pression devient insupportable. Les étudiants n’échappent à cette réalité, et c’est la raison pour laquelle le gouvernement a présenté le projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants.

Ce mercredi, la Chambre des communes a adopté le projet de loi avec certains amendements proposés par les partis de l’opposition. Toutefois, avant d’aborder directement le contenu de ce projet de loi, je déplore le fait que, encore une fois, le gouvernement a agi sans vraiment consulter les provinces dans ce dossier.

À titre d’exemple, la semaine précédant la présentation de ce projet de loi, le gouvernement du Québec a lancé un appel à tous les étudiants du Québec qui n’avaient pas d’emploi en raison de la COVID-19 en leur demandant de venir prêter main-forte aux agriculteurs qui peinent actuellement à trouver de la main-d’œuvre, notamment à cause du moins grand nombre de travailleurs étrangers saisonniers qui occuperont un emploi dans les fermes du pays. Le gouvernement du Québec a annoncé, pour soutenir cet appel à la jeunesse, l’octroi d’une compensation financière équivalente à 100 $ par semaine aux futurs travailleurs agricoles estivaux.

L’annonce du gouvernement fédéral ne s’est manifestement pas faite en harmonie avec les objectifs des provinces, et je ne peux que le déplorer. Il me semble qu’il aurait été possible que les deux programmes s’arriment, afin que l’incitatif visant à encourager les étudiants à prendre le chemin de nos terres agricoles soit plus important et plus porteur.

Le même problème se pose pour l’industrie de la pêche au Canada, et ce, d’un océan à l’autre. Il en va de même pour l’industrie touristique. Plus spécifiquement en ce qui concerne le projet de loi C-15, voici certaines informations pertinentes qui permettent d’en mesurer les pourtours. Cette prestation fournira aux étudiants admissibles 1 250 $ par mois, ou 2 000 $ par mois s’ils ont une personne à charge ou un handicap, de mai à août 2020. C’est donc un montant de 5 000 $ que des étudiants pourront obtenir grâce à cette prestation pour les quatre mois à venir, et ce, sans avoir à fournir de prestation de travail.

Toutefois, par règlement, le gouvernement est en train d’étudier la possibilité qu’un étudiant puisse gagner une somme maximale sans pénalité pour sa prestation. Cependant, rien n’est officiel. Le gouvernement travaille sur les règlements. Nous avons ici un projet de loi autorisant la ministre à donner une somme, qui reste à déterminer, à un groupe de gens encore indéterminé et pour une période encore incertaine, mais pas au-delà du 30 septembre, selon des conditions à déterminer. Les effets pervers et délétères de ces mesures sont assez prévisibles.

Afin de les illustrer, tenons pour acquis qu’il sera possible que certains étudiants préfèrent toucher leur Prestation canadienne d’urgence sans avoir à travailler. La nature humaine étant ce qu’elle est, disons que ce scénario n’est pas improbable.

Prenons le cas d’un étudiant qui aurait perdu son emploi en mars à cause de la COVID-19. Cette personne a droit à la PCU régulière, soit 2 000 $ par mois. Évidemment, cet étudiant n’aurait pas droit en plus de toucher la PCUE. On offre à cet étudiant un emploi payé au salaire minimum sur une base de 40 heures par semaine. À compter d’aujourd’hui, le 1er mai, le salaire minimum au Québec passe à 13,10 $ de l’heure. Donc, 40 heures multipliées par le salaire minimum, que l’on multiplie par quatre semaines, cela nous donne un total de 2 096 $ par mois. Cette personne devra donc choisir entre travailler 40 heures par semaine pour retirer pour un mois la somme de 2 096 $, ou encore rester chez elle, ou, j’imagine, chez ses parents, au bord de la piscine et retirer sa PCU de 2 000 $.

Appliquons maintenant cette même formule à l’étudiant à qui on offre la PCUE, soit une somme mensuelle de 1 250 $. Pendant quatre mois, l’étudiant gagnera au total 5 000 $. Si ce même étudiant travaille 40 heures par semaine au salaire minimum entre la mi-mai et la fin août, donc pendant trois mois, il gagnera au total 6 288 $. Cette personne devra choisir entre travailler 40 heures par semaine pendant trois mois pour toucher 6 288 $ ou encore, rester au bord de sa piscine, celle de ses parents probablement, et gagner pour quatre mois un total de 5 000 $.

Enfin, voici un dernier exemple des effets pervers de ces mesures, effets qui à mon avis, ont été mal mesurés par le gouvernement. Je vous mentionnais un peu plus tôt que le gouvernement est en train de considérer la possibilité qu’un étudiant puisse gagner un certain montant sans être pénalisé par rapport à sa PCUE. Certaines informations circulent actuellement selon lesquelles ce chiffre magique se situerait à peu près à 1 000 $ par mois. Donc, toujours au salaire minimum, un étudiant pourrait travailler 19 heures par semaine, et il pourrait également toucher la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants au montant de 1 250 $. Faisons le calcul, 19 heures par semaine multipliées par 13,10 $ de l’heure, cela nous donne, pour un mois, la somme de 995,60 $ qui vient s’ajouter à la prestation mensuelle, d’un montant de 1 250 $. Cet étudiant, qui ne travaillerait que 19 heures par semaine, recevrait donc, chaque mois, 2 245,60 $, soit 149,60 $ de plus que l’étudiant qui travaillerait 40 heures par semaine sans la prestation.

Ces trois exemples illustrent parfaitement mes craintes par rapport au fait que nous aurons une sérieuse pénurie de main-d’œuvre cet été lorsque l’économie reprendra. Bien honnêtement, j’aimerais que le gouvernement nous indique s’il a fait le même exercice que celui auquel je viens de me prêter et, si oui, quelles sont les mesures de mitigation qu’il entend déployer pour éviter cette pénurie de main-d’œuvre.

Les conservateurs ont pour priorité d’aider les Canadiens durant cette crise. C’est pourquoi, quand nous avons reçu le projet de loi du gouvernement, nous avons retroussé nos manches, nous l’avons étudié et nous avons proposé des solutions constructives pour l’améliorer pour les Canadiennes et les Canadiens. Le caucus de la Chambre des communes, en particulier, a réussi à obtenir de nombreux changements relativement à ce projet de loi, par exemple :

Exiger du gouvernement qu’il mette tous les demandeurs en contact avec le Guichet-Emplois du gouvernement du Canada et qu’il leur fournisse des informations sur les emplois disponibles avant qu’ils ne fassent leur demande;

Exiger un examen parlementaire du projet de loi et de la prestation;

Instaurer une date d’échéance afin que la prestation ne puisse pas être prolongée par voie réglementaire.

Aucun programme gouvernemental ne devrait dissuader les Canadiens de travailler. Cependant, nous reconnaissons que, dans une grande partie du pays, les taux de chômage sont extrêmement élevés en raison de la pandémie et qu’un grand nombre d’emplois ne sont tout simplement pas disponibles. Les Canadiens, ainsi que les étudiants, ont besoin d’une aide réelle, dès maintenant.

Nous devons être clairs : le gouvernement doit, autant que possible, offrir aux étudiants des possibilités d’emplois, et pas seulement une aide gouvernementale.

C’est pourquoi nous avons proposé au gouvernement de créer un nouveau programme pour jumeler les étudiants et les jeunes employés à des emplois dans les secteurs agricole et agroalimentaire, ainsi que dans les secteurs de la pêche et des fruits de mer. Comme le programme Emplois d’été Canada, ce programme couvrirait le salaire minimum d’un nouvel étudiant ou d’un jeune employé. Ce salaire pourrait ensuite être complété par une allocation supplémentaire fournie par l’employeur. Les entreprises qui souhaitent augmenter leurs effectifs cette année auraient la possibilité de participer immédiatement à ce programme. Les employeurs seraient également tenus de veiller à ce que des mesures de sécurité adéquates soient mises en place sur le lieu de travail afin de protéger tous les employés.

De nombreuses entreprises du secteur de l’agriculture, de la pêche et des fruits de mer dépendent du Programme des travailleurs étrangers temporaires et des travailleurs agricoles saisonniers. Toutefois, en raison de la pandémie de COVID-19, ces secteurs vitaux sont confrontés cette année à une importante pénurie de main-d’œuvre, comme je l’ai mentionné précédemment. Si la main-d’œuvre locale peut combler certaines des lacunes sans soutien, les producteurs et les transformateurs canadiens, d’un océan à l’autre, auront du mal à maintenir notre chaîne d’approvisionnement alimentaire, qui est si essentielle.

Les entreprises et les organisations caritatives ont également du mal à trouver des travailleurs. Les programmes gouvernementaux devraient jumeler les Canadiens aux emplois disponibles, et non pas se contenter de dépenser des milliards de dollars pour leur venir en aide. Notre proposition donne aux étudiants la possibilité de gagner un revenu et de contribuer aux efforts déployés en réponse à la COVID-19.

Nous avons également veillé à ce que le Parlement fasse un examen complet du programme et à ce qu’une date d’échéance stricte soit fixée pour sa mise en œuvre. Il est essentiel pour nous que le Parlement conserve son rôle de chien de garde. Nous avons besoin de moyens novateurs pour aider nos étudiants à trouver du travail et pour soutenir notre chaîne d’approvisionnement alimentaire et nos services essentiels.

Je regrette que le gouvernement n’ait pas considéré d’autres avenues pour venir en aide à nos étudiants. Il aurait été simple d’augmenter temporairement le financement du programme Emplois d’été Canada. Cela aurait permis à un plus grand nombre d’entreprises et d’organismes communautaires d’en profiter. Plus d’étudiants auraient pu gagner un revenu pendant cette crise tout en ayant la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle enrichissante. Nous avons entendu des organisations à travers le pays dire qu’elles souhaiteraient embaucher des étudiants, mais qu’elles sont dans l’impossibilité d’avoir accès au programme.

Il aurait été possible de procéder par l’intermédiaire des programmes de prêts et bourses. Avec la collaboration des provinces, les montants accessibles auraient pu être augmentés pour l’année 2020-2021. Cela aurait évité au gouvernement de verser des sommes à des enfants de millionnaires. Malheureusement, le gouvernement a pris la décision qui lui semblait la plus simple, soit celle de dépenser de l’argent sans compter, et ce, sans considérer d’autres moyens ni mesurer les conséquences du programme. On aurait pu investir dans la formation des jeunes, dans leurs aptitudes au travail, tout en favorisant une expérience enrichissante qui leur aurait permis de progresser dans leur carrière.

Cela dit, le projet de loi C-15 est devant nous, et l’opposition officielle au Sénat jouera pleinement son rôle en facilitant son adoption sans délai.

Je vous remercie.

L’honorable Yuen Pau Woo [ - ]

Honorables sénateurs, ce projet de loi porte ostensiblement sur la situation actuelle des étudiants, alors qu’en fait, il porte sur l’avenir de notre pays.

C’est un cliché de dire que les jeunes représentent l’avenir, mais, dans le cas présent, c’est un cliché difficile à réfuter. Le fait est que les jeunes gens formant la cohorte touchée par ce projet de loi sont ceux qui accéderont à des postes de direction partout au Canada dans les décennies à venir. C’est pourquoi il est si important que la génération actuelle de futurs dirigeants sorte de la crise de la COVID-19 avec une croyance retrouvée dans les institutions et les valeurs que nous partageons dans notre pays, avec optimisme et confiance dans l’avenir et avec les compétences, l’expérience et les aptitudes dont ils auront besoin pour affronter les aléas de la vie.

Le projet de loi C-15, ainsi que l’ensemble des mesures prises en réponse à la COVID-19, façonneront la façon dont nos jeunes, qui s’apprêtent à entrer dans l’âge adulte, à bientôt quitter l’école et à se joindre au marché du travail, perçoivent leur pays.

Ils se souviendront, j’espère, du confinement de 2020 comme d’un moment où le pays a décidé de faire passer la science avant la politique; où l’intérêt collectif l’a emporté sur les intérêts personnels; où nous avons uni nos efforts pour ne laisser personne derrière; où les travailleurs essentiels ont vraiment été reconnus comme essentiels et où le potentiel des jeunes n’a pas été sacrifié au nom de calculs économiques à court terme.

C’est, vraisemblablement, à juste titre que l’on qualifie de « génération post-Z » la génération de ces jeunes qui vivent leurs années formatrices précédant leur entrée dans la vie adulte pendant la crise de la COVID-19 et ses répercussions. Soit dit en passant, ils sont aussi considérés comme les enfants de la génération X ou les petits-enfants des baby-boomers, si je puis dire pour être plus en phase avec la classe d’âge des sénateurs.

Si on doit trouver un terme pour qualifier la génération post-Z, je suppose que ce serait la « génération A », ce qui est tout à fait indiqué si on croit que le monde devra repartir à zéro après la COVID-19. En effet, bon nombre des membres de cette génération réclamaient une révision de nos priorités sociétales, même avant cette crise sanitaire. Cependant, les changements dans notre conception de la santé, du bien-être, de la politique, de l’économie, de l’environnement et des relations internationales que bon nombre de personnes prévoient pourraient être moins profonds que nous le présumons et plus nocifs que nous l’espérons. Tout cela dépendra de la manière dont nous réagissons à cette maladie maintenant ainsi qu’au cours des mois et des années à venir, et surtout de la capacité des jeunes de bien se sortir de cette crise.

Au lieu de m’en tenir à la norme de désigner les générations par des lettres d’alphabet, permettez-moi plutôt d’appeler le groupe ciblé par le projet de loi C-15 la « génération COVID » ou la « GenCO », si vous préférez. En offrant aux membres de ce groupe la possibilité de s’inscrire dans un programme d’études postsecondaires ou de demeurer inscrits à l’un de ces programmes, nous leur faisons comprendre qu’un investissement dans leur avenir représente un investissement dans l’avenir du Canada.

Il est utile que le projet de loi exige de la part des étudiants une attestation déclarant qu’ils sont incapables de trouver un emploi ou du travail et qu’ils font bel et bien des recherches en ce sens. À cet égard, la disposition du projet de loi qui oblige le ministre à mettre à la disposition des étudiants des renseignements concernant les possibilités d’emploi existantes est utile, tout comme la motion adoptée à l’autre endroit demandant au gouvernement de mettre en place de nouveaux incitatifs pour relier les étudiants et les jeunes aux emplois disponibles dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire. De même, le programme qui n’a pas encore été annoncé et qui vise à soutenir les activités de bénévolat liées à la COVID-19 pourrait représenter un important débouché pour les étudiants qui se prévalent de la prestation canadienne d’urgence pour étudiants.

Bien qu’elle ne fasse pas partie du projet de loi C-15 comme tel, la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant aidera les étudiants à acquérir une expérience et des compétences précieuses en prêtant main-forte à leur communauté pendant la pandémie de COVID-19. Dans le cadre de la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, ceux qui choisiront d’aider notre pays et leur communauté recevront jusqu’à 5 000 $ pour leurs études à l’automne.

La notion de « service national » m’intrigue. C’est une expression que l’on n’entend plus en cette époque où nous sommes plutôt habitués à l’individualisme et au cynisme. Pourquoi pas? Est-ce que 2020 sera l’année où l’idée de « service national » redeviendra à la mode? Il aura fallu un épouvantable virus pour y parvenir, mais ce sera déjà cela de pris.

Évidemment, ce sera aux jeunes de décider s’ils veulent participer à l’initiative de service national. Ce sera à eux de décider s’ils se retroussent les manches face au confinement et à la pénurie d’emplois pour trouver des façons de demeurer actifs au moyen d’un travail rémunéré ou non ou d’activités de perfectionnement personnel.

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse pour dire que, pendant que j’écoutais les délibérations du comité plénier et différentes interventions faites aujourd’hui au Sénat, j’ai constaté que de nombreux sénateurs semblent beaucoup s’inquiéter de l’effet potentiellement dissuasif de la subvention aux étudiants et que certains vont même jusqu’à insinuer que les étudiants feront tout en leur pouvoir pour profiter de la subvention et ne pas travailler, peut-être dans l’espoir de pouvoir se prélasser au bord de la piscine ou simplement parce qu’ils sont paresseux.

Je peux vous dire que, pendant les travaux du comité plénier, j’ai reçu un courriel d’une jeune étudiante en réponse aux nombreux commentaires qu’elle avait entendus : « Ouah! Pour vrai? Je trouve que c’est un peu insultant pour les étudiants. Doit-on supposer que les étudiants sont, de nature, intrinsèquement paresseux et qu’ils préfèrent rester à la maison à jouer à des jeux vidéo plutôt que de contribuer à la société? La réalité, c’est qu’ils s’ennuient et qu’ils se sentent seuls, qu’ils ont peur et qu’ils cherchent à donner un sens à leur vie. Assurément, le vrai problème est qu’il n’y aura pas assez de travail pour eux. Les jeunes sont désemparés de voir que l’emploi d’été qu’ils avaient l’habitude d’occuper ne sera plus là et pas seulement parce qu’ils perdront cette source de revenus, mais parce qu’ils aiment vraiment leur travail. »

J’ose espérer que, cet été, les jeunes adultes de la génération de la COVID-19 feront preuve de débrouillardise, de détermination, de résilience et d’innovation et qu’ils seront les chefs de file de la relance à long terme du Canada. Mon été 2020 ne sera pas un film à grand succès, mais pourrait être l’étincelle que lanceront les jeunes pour ranimer l’optimisme national et l’espoir en l’avenir de notre pays.

Cependant, je dois avouer qu’il n’est pas facile d’être optimiste par les temps qui courent. Alors que la plupart d’entre nous sur la Colline du Parlement nous concentrions sur cette importante mesure législative, la mise à jour de l’analyse de la pandémie de COVID-19 et de la chute des prix du pétrole, présentée par le directeur parlementaire du budget, constitue peut-être le document parlementaire le plus révélateur publié au cours des 48 dernières heures. Le directeur parlementaire du budget y révise considérablement à la baisse ses prévisions de rendement de l’économie canadienne, qui est durement éprouvée par la pandémie de COVID-19 et la chute des prix du pétrole. Il dit ceci :

Selon le scénario économique mis à jour, le PIB réel devrait diminuer de 2,5 % au premier trimestre, puis de 20 % au deuxième trimestre (taux non annualisés dans les deux cas).

Pensons-y pendant un instant.

Il devrait ensuite rebondir légèrement aux troisième et quatrième trimestres alors que les mesures de lutte contre l’épidémie seront graduellement assouplies.

Le directeur parlementaire du budget prévoit que, pour l’ensemble de l’année 2020, le PIB réel baissera de 12 %, ce qui serait de loin la plus forte diminution depuis le début de la série actuelle de statistiques sur le PIB, soit depuis 1961. Pour replacer cela dans une perspective historique, disons que la plus forte diminution du PIB réel jamais enregistrée, soit -3,2 %, a été observée en 1982 et qu’elle équivaut à environ un quart seulement de la baisse projetée par le directeur parlementaire du budget.

Chers collègues, il est important de souligner que la baisse de rendement de l’économie est causée par le coronavirus et non par une faiblesse préexistante de l’économie canadienne, sauf dans le cas du secteur du pétrole et du gaz, qui était déjà malmené par la saturation des marchés mondiaux. Le ralentissement économique serait bien pire si le Parlement ne réagissait pas par des mesures aussi énergiques que celles qui sont contenues dans les projets de loi C-13 et C-14 ainsi que dans le projet de loi C-15, qui nous est soumis aujourd’hui.

Toutefois, si le directeur parlementaire du budget a raison, nous n’avons encore rien vu. La raison en est que même après le début de la reprise économique, les effets décalés d’un ralentissement économique sur l’activité des entreprises — en particulier les faillites à grande échelle — continueront à se faire sentir. Chers collègues, nous sommes loin de ne plus avoir besoin du type d’intervention gouvernementale nécessaire pour que l’économie canadienne se stabilise et, à plus forte raison, pour qu’une reprise durable ait lieu.

De nombreux sénateurs ont concentré leurs efforts sur des groupes touchés par la COVID-19 mais laissés pour compte par les programmes d’aide. Même s’il reste encore du travail à faire et d’autres corrections à apporter à ces programmes, la prochaine étape d’importance sera le sauvetage d’industries et d’entreprises. Nous n’avons vu que la pointe de l’iceberg en matière de programmes, comme celui devant permettre le nettoyage des puits de pétrole orphelins. Il s’agit là d’une aide modeste pour le secteur de l’exploitation des combustibles fossiles, une aide nettement insuffisante pour lutter contre la crise du coronavirus combinée à celle de l’impitoyable guerre des prix dans ce secteur.

Ce n’est qu’une question de temps avant que nous ne devions songer à des mesures de sauvetage pour les secteurs agroalimentaire, des transports, du spectacle, de l’hôtellerie, de l’immobilier commercial et j’en passe. À cet égard, les parlementaires, en particulier les sénateurs, joueront un rôle crucial dans l’élaboration des principes et des objectifs des mesures de sauvetage de ces entreprises. Même si nous devons d’abord et avant tout tenir compte des emplois touchés par d’importantes faillites d’entreprises, il faudra aussi songer à la répartition des pertes entre les actionnaires, les créanciers obligataires, les hauts dirigeants et, les derniers mais non les moindres, les travailleurs. Nous devrons aussi songer au type d’économie que nous souhaitons avoir dans les décennies à venir et veiller à ne pas créer des écueils moraux pour nous-mêmes, comme tellement de pays industrialisés l’ont fait en temps de crise financière.

Hélas, ce ne sont pas seulement les sauvetages d’entreprise qui vont nous occuper dans les mois qui viennent. Selon la dernière analyse de scénario présentée par le directeur parlementaire du budget, le Canada peut s’attendre à une reprise modérée au cours des troisième et quatrième trimestres de 2020 si les mesures de distanciation sociales sont assouplies graduellement. Compte tenu de l’extrême incertitude qui règne à l’heure actuelle, le directeur parlementaire du budget n’a pas présenté de perspectives économiques au-delà de décembre 2020, mais je doute que l’économie rebondisse en 2021 pour retrouver son niveau d’avant la crise. J’espère me tromper, mais, même si je n’ai raison qu’à moitié, il est fort probable que les mesures de soutien du revenu vont être nécessaires pendant une bonne partie de l’année prochaine. Le problème, nous le savons, est que les autorisations légales liées à la Prestation canadienne d’urgence, le principal mécanisme actuel de soutien du revenu, vont prendre fin le 2 octobre. Les autres programmes d’aide liés à la COVID-19 prennent aussi fin à l’automne, y compris la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants qui fait partie du projet de loi dont nous débattons aujourd’hui.

En fait, chers collègues, le gouvernement du Canada devra fort probablement mettre en place des programmes de soutien du revenu qui s’étendent bien après octobre 2020, peut-être même durant toute l’année 2021, voire même jusqu’en 2022. En examinant les diverses possibilités de soutien du revenu après l’échéance des programmes actuels, je crois sincèrement que le gouvernement devrait créer un programme d’une durée minimale de 12 mois plutôt que, par exemple, prolonger de 3 à 6 mois la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, sous réserve de révisions périodiques. L’avantage d’un échéancier d’une année pour un soutien du revenu est d’offrir de la stabilité aux ménages et aux entreprises pour la planification personnelle et organisationnelle. En fin de compte, cela favoriserait le processus de redressement. Cependant, je suggère de modifier ou de simplifier le programme de soutien du revenu afin que la version améliorée tienne compte de tous les groupes vulnérables dans le besoin, plutôt que d’apporter des modifications de façon ponctuelle à un ensemble disparate de programmes au fur et à mesure que des nouvelles catégories de bénéficiaires sont identifiées. Ce nouveau programme pourrait s’intituler le « plan de soutien du revenu pour le redressement post-COVID échelonné sur 12 mois ».

Je crois qu’une forme quelconque de revenu minimum garanti devrait être au cœur même d’un tel plan. Si je le pense, ce n’est pas parce que je suis absolument convaincu des avantages d’un revenu minimum garanti par rapport à l’aide sociale qui existait avant la pandémie de COVID-19, mais plutôt parce que je pense qu’un revenu minimum garanti serait un moyen plus efficace de distribuer le soutien du revenu dans le contexte des transferts massifs qui, selon moi, devront être fournis aux Canadiens sous une forme ou une autre au cours de la prochaine année.

Chers collègues, nous avons l’occasion de créer un soutien du revenu au moyen d’un revenu minimum garanti temporaire et de déterminer son efficacité grâce à un mécanisme rigoureux d’évaluation des impacts en fonction de divers indicateurs sur les plans économique, financier et social, ainsi qu’en matière de santé et d’éducation. Je ne suis pas naïf au point de penser qu’un revenu minimum garanti peut être instauré à l’échelle nationale d’ici l’automne 2020. Toutefois, si une ou deux provinces choisissent cette option en tant que mesure de soutien du revenu, je pense qu’elles pourront établir des comparaisons entre leurs résultats et ceux des provinces qui ont adopté de prétendues approches personnalisées en matière de soutien du revenu.

Cela me ramène au projet de loi C-15 et au sort des étudiants dans la crise sanitaire actuelle. La Prestation canadienne d’urgence pour étudiants prendra fin à la mi-septembre et, de toute évidence, nous espérons que la crise aura également pris fin et que les cours pourront reprendre normalement. Cependant, si ce n’est pas le cas, ce groupe de Canadiens aura certainement besoin d’une forme de soutien supplémentaire. Si cela se produit, la prestation d’urgence pour étudiants deviendra en quelque sorte une forme de prestation d’urgence générale. Voilà pourquoi nous devrions envisager la possibilité de fusionner les deux prestations au moyen d’une sorte de revenu minimum garanti.

Chers collègues, nous avons maintenant été rappelés pour trois séances d’urgence et, chaque fois, c’était pour adopter des projets de loi qui offrent une aide temporaire sur mesure aux particuliers et aux entreprises. Je comprends parfaitement les raisons pour lesquelles les programmes ont été élaborés de cette manière et je ne reproche pas au gouvernement de se concentrer sur des solutions immédiates axées sur des perspectives à court terme.

Il semble toutefois de plus en plus clair que les répercussions de la COVID-19 ne vont pas disparaître rapidement et que nous avons besoin de programmes pour nous aider non seulement à aplatir la fameuse courbe du coronavirus, mais aussi à redresser l’économie. J’espère que les prochaines mesures législatives sur la COVID-19 viseront aussi bien à redresser l’économie qu’à aplatir la courbe. Merci.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Honorables sénateurs, avant de commencer mon discours sur le projet de loi, je tiens à prendre un moment pour souligner l’effroyable tragédie qui a eu lieu plus tôt ce mois-ci en Nouvelle-Écosse.

C’est avec horreur que le pays a constaté l’étendue du massacre que le tueur a perpétré dans la province. Il y a eu 22 victimes réparties sur 16 scènes de crime. Il s’agit carrément d’un acte de violence insensé. Ces personnes étaient des mères, des pères, des fils, des filles, des amis et des voisins. Elles étaient aimées et elles seront regrettées.

Au nom du caucus conservateur du Sénat, je tiens à offrir nos plus sincères condoléances aux familles et aux amis en deuil. Nos paroles ne ramèneront jamais vos proches disparus, mais nous espérons qu’elles sauront vous communiquer notre compassion et que, grâce à elles, vous saurez que vous n’êtes pas seuls. Nos pensées et nos prières vous accompagnent dans cette souffrance indicible.

Je tiens aussi à remercier du fond du cœur la GRC et les autres premiers répondants, qui ont accompli leur travail dans des circonstances extrêmes. Je ne peux imaginer l’horreur que ces femmes et ces hommes courageux ont vécue alors qu’ils poursuivaient ce tueur, qui leur ressemblait, et qu’ils ne cessaient de découvrir les nouvelles victimes qu’il avait faites dans sa course destructrice à travers cette magnifique province. Votre courage face au danger et votre compassion au milieu de cette destruction cruelle nous donnent la force de croire que le bien en ce monde l’emporte sur le mal. Merci de votre altruisme.

J’aimerais également prendre un instant pour offrir nos condoléances à la famille et aux amis des six membres des Forces armées canadiennes qui ont perdu la vie mercredi dans l’écrasement de leur hélicoptère au large de la Grèce. Nous avons appris il y a quelques minutes à peine qu’une opération sera lancée pour récupérer leurs corps. Cette tragédie est d’une tristesse sans nom, et nos pensées ainsi que nos prières accompagnent toutes les personnes éplorées.

Aujourd’hui, chers collègues, je pense aussi à tous les Canadiens à qui la pandémie a coûté la vie et je tiens à assurer aux familles des victimes que nos pensées et nos prières sont aussi avec elles. Nous savons à quel point la perte d’un être cher peut être dévastatrice, mais c’est encore pire quand on ne peut pas être là dans les derniers moments.

En terminant, honorables sénateurs, j’aimerais transmettre mes meilleurs vœux au premier ministre de ma province, Brian Pallister, qui a perdu sa sœur bien-aimée alors qu’il en a déjà plein les bras à organiser la riposte contre la pandémie.

Chers collègues, c’est toujours un honneur de prendre la parole devant vous, et sachez que cet honneur, je ne le prends pas à la légère. Or, en cette période extrêmement difficile, j’implore Dieu de nous inculquer la sagesse, car nous en avons besoin plus que jamais. Il n’en demeure pas moins que le rôle de l’opposition officielle, que ce soit au Sénat ou à la Chambre des communes, consiste précisément à talonner le gouvernement et à souligner toutes les incohérences et les lacunes qu’elle détecte dans les textes législatifs.

Comme l’a toujours dit l’ancien premier ministre libéral l’honorable Jean Chrétien, le mot « opposition » veut dire « s’opposer à ». Cette pandémie est en soi un grand défi, mais la réalité est que la manière dont le Parlement y réagit peut soit en atténuer les effets ou les empirer. Je prends la parole aujourd’hui en étant grandement préoccupé par la façon dont le gouvernement gère cette crise; je crains qu’il en ait aggravé les effets pour beaucoup de gens.

Nous avons été rappelés dans cette enceinte pour étudier le projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants relativement à la maladie à coronavirus 2019. Comme vient de le souligner le sénateur Woo, il s’agit du troisième projet de loi du gouvernement pour répondre à la pandémie de COVID-19.

Je dois dire que c’est une manière inhabituelle de traiter ce que le gouvernement lui-même appelle une urgence. Cela fait six semaines que l’économie est effectivement paralysée. Or, le gouvernement va encore dans toutes les directions et adopte une approche fragmentaire pour faire face à la crise en prenant des mesures disparates qui laissent des lacunes béantes.

Le gouvernement dit qu’il s’agit d’une urgence, mais il ne réagit pas comme si c’en était une. Le premier ministre lui-même est terré bien confortablement dans son chalet depuis plusieurs semaines, pendant que les travailleurs de première ligne risquent leur santé et leur vie, ainsi que celles de leur famille, pour protéger les Canadiens les plus vulnérables.

Chaque matin, honorables sénateurs, des personnes de tout le pays laissent derrière eux la sécurité que leur assure leur foyer pour que les Canadiens puissent continuer à obtenir des outils et des services essentiels. Parmi eux, on compte les supermarchés, les épiceries, les stations-service, les buanderies, les services postaux, les services funéraires, les services financiers, les télécommunications, les transports, l’agriculture, les soins de santé, les services sociaux : la liste est longue. Pendant des semaines, alors que les Canadiens se présentaient courageusement au travail tous les jours, le premier ministre se l’est coulée douce en restant chez lui.

Les dirigeants politiques du monde entier travaillent de leur bureau. Même le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson, est retourné à son bureau après avoir passé une semaine à l’hôpital. Pourquoi le premier ministre du Canada est-il resté si longtemps chez lui? Il dit que nous sommes en situation d’urgence, mais il n’agit pas en conséquence. Honorables sénateurs, la pandémie est une urgence, mais le gouvernement la gère si mal que les coûts humains et économiques sont déjà beaucoup plus élevés que nécessaire.

Vous penserez sans doute que je suis injuste ou que j’essaie seulement de faire de la petite politique, mais je vous assure que ce n’est pas le cas. Le gouvernement n’est peut-être pas responsable de la pandémie mondiale — il ne l’est d’ailleurs pas du tout —, mais il est absolument responsable de n’avoir rien fait pour nous en protéger alors qu’il savait ce qui s’en venait.

Nous n’avons pas le temps de revoir en entier la chronologie des événements. On devrait confier cela un jour à une commission d’enquête nationale. Je me permets toutefois de souligner quelques points. Tout d’abord, le gouvernement s’est très mal préparé à la pandémie.

En 2014, l’Agence de la santé publique du Canada a formulé des lignes directrices pour faire face à la maladie à virus Ebola, qui désignaient 28 hôpitaux un peu partout au pays pour traiter la maladie, prépositionnaient les fournitures nécessaires, établissaient des procédures pour le transport des patients atteints du virus Ebola jusqu’aux hôpitaux désignés et prévoyait une évaluation proactive des besoins des provinces et des territoires afin de fournir de l’aide publique, en donnant accès à la Réserve nationale stratégique d’urgence de l’Agence de la santé publique du Canada, ou de faciliter l’achat de masse.

Cinq équipes d’intervention rapide contre la maladie à virus Ebola ont été établies, chacune composée de sept experts, soit un chef d’équipe, un épidémiologiste de terrain, un spécialiste de la lutte anti-infectieuse, un expert de la biosécurité, un expert de laboratoire, un agent de communication et un logisticien. Ces équipes étaient prêtes à être déployées sur demande pour travailler avec les autorités sanitaires provinciales, territoriales ou locales et offrir une capacité accrue de protection de la santé publique, des ressources supplémentaires et une expertise complémentaire afin d’empêcher la maladie de se propager davantage.

Tout cela était en place avant que le moindre cas d’Ebola ait été détecté au Canada. Comment est-ce possible que nous ayons été si bien préparés en 2014 et si mal préparés maintenant? Ce n’est pas tout. L’Agence de la santé publique avait eu la prévoyance d’établir des mesures de quarantaine contre l’Ebola pour les arrivées de l’étranger. Je cite :

Tous les voyageurs qui entrent au pays et dont l’itinéraire de voyage comprend des régions touchées par l’Ebola devront être observés pendant 21 jours. Les agents de quarantaine leur demanderont de se présenter à une autorité locale de santé publique au Canada et ils leur remettront des instructions de signalement ainsi qu’une trousse d’instructions. La trousse comprend un thermomètre qui leur permet de relever leur température quotidiennement pendant 21 jours.

Honorables collègues, il ne s’agissait pas là de simples recommandations pour s’isoler. On ne se contentait pas de fournir un dépliant. Les voyageurs étaient tenus de prendre des mesures, et on les surveillait pour veiller à ce qu’ils se conforment à ces exigences. Pour les voyageurs symptomatiques qui se présentaient à la frontière, les directives allaient encore plus loin :

Les voyageurs [...] qui présentent des symptômes seront immédiatement isolés et envoyés à l’hôpital aux fins d’examen médical. L’agent de quarantaine coordonnera le transfert des patients avec les autorités locales et provinciales de santé publique.

L’hôpital décidait ensuite des autres mesures à prendre.

Pour ce qui est des voyageurs qui n’avaient pas de symptômes, mais qui pouvaient être entrés en contact avec quelqu’un qui en avait, on leur donnait une trousse d’information en leur ordonnant de se présenter immédiatement à une autorité locale de la santé publique et de s’isoler pendant 21 jours.

En ce qui concerne les voyageurs considérés comme étant à faible risque et n’ayant jamais, à leur connaissance, été exposés au virus Ebola, on leur donnait aussi une trousse d’information, on leur ordonnait de se présenter à une autorité locale de la santé publique dans les 24 heures, et ils étaient surveillés tous les jours pendant 21 jours. Ils devaient prendre leur température deux fois par jour et signaler tout symptôme qui pouvait se manifester.

Rappelez-vous, chers collègues, c’était en 2014. Sous vouloir entrer dans les querelles politiques, quelqu’un se souvient-il du parti qui était au pouvoir en 2014?

Six années plus tard, c’est un autre premier ministre qui est en place. Le 25 janvier, alors que le coronavirus se répandait comme une traînée de poudre partout dans le monde, la ministre de la Santé du Canada, Patty Hajdu, a rassuré les Canadiens en leur disant que le gouvernement mettait des messages sur les écrans à l’arrivée dans les aéroports, qu’il ajoutait des questions concernant la santé des arrivants dans les postes électroniques où s’enregistrent les voyageurs arrivés de l’étranger et qu’il distribuait des dépliants, bref, qu’il prenait toutes les précautions nécessaires face aux voyageurs qui arrivaient de l’étranger.

Malheureusement, ce n’est pas une blague, chers collègues.

Il n’y avait aucune mesure concrète de dépistage, aucun isolement obligatoire des voyageurs internationaux, même pas pour ceux qui arrivaient de Wuhan, en Chine, l’épicentre de l’épidémie. On nous a plutôt dit que le virus n’avait que faire des frontières.

C’est bizarre, parce que déjà en 2003, le Comité consultatif national sur le SRAS et la santé publique donnait l’avertissement suivant :

L’histoire des maladies infectieuses nous montre que la migration humaine a toujours été le principal moyen de transmission de maladies infectieuses. Mais les voyages plus nombreux et rapides sur des distances de plus en plus vastes ont accéléré leur propagation.

Le rapport ajoute :

Le SRAS a montré que nous sommes toujours à un vol de distance de graves épidémies.

Ces propos, chers collègues, sont tirés d’un document public. Il ne s’agit pas d’une note de service obscure oubliée depuis 17 ans en raison de l’inaction du gouvernement qu’on aurait obtenue grâce à une demande d’accès à l’information. C’est dans un document que tous peuvent consulter et je suis convaincu que le premier ministre et la ministre de la Santé étaient bien au fait de son contenu.

Pourtant, le 17 février, presque un mois après l’arrivée de la COVID-19 au Canada par la voie d’un vol international, la ministre de la Santé a insisté pour dire que fermer les frontières était une mesure « totalement inefficace ».

Quelques semaines plus tard, le 5 mars, lorsqu’on lui a demandé si le Canada prendrait des mesures semblables à celles de l’Australie et obligerait les voyageurs qui arrivent de l’étranger à s’isoler pendant deux semaines, le premier ministre a répété que l’ouverture de nos frontières demeurait la bonne approche. Il a dit :

Nous reconnaissons que certains pays prennent des décisions différentes. Les décisions que nous prenons sont fondées sur les meilleures recommandations de l’Organisation mondiale de la santé et des extraordinaires experts en santé qui travaillent au Canada et dans le monde [...] Nous savons qu’il faut protéger les Canadiens de la bonne manière et nous continuerons de prendre des mesures qui permettent réellement de protéger les Canadiens.

« Prendre des mesures qui permettent réellement de protéger les Canadiens. » J’ai du mal à accepter ce commentaire. Je soupçonne qu’il en va de même pour les familles des 3 000 Canadiens et plus qui sont décédés en raison de cette pandémie.

Ce qui est le plus perturbant dans tout cela, c’est que le gouvernement a non seulement fait fi des conseils donnés aux gouvernements précédents, mais n’a pas tenu compte des conseils qui lui ont été donnés directement. En août 2018, l’Agence de la santé publique du Canada a publié un document intitulé Préparation du Canada en cas de grippe pandémique : Guide de planification pour le secteur de la santé.

Le guide comprenait l’observation suivante :

Le gouvernement fédéral est responsable :

[...] d’exercer des pouvoirs en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine, pour protéger la santé publique à l’aide de mesures exhaustives qui contribuent à prévenir l’introduction et la propagation des maladies transmissibles au Canada. De telles mesures comprennent, entre autres, le contrôle, l’examen et la détention des personnes ainsi que des transporteurs [...], de leurs marchandises et cargaisons, à leur arrivée et à leur départ.

Donc, on a dit au présent gouvernement, en 2018, qu’il devait prendre toutes les mesures nécessaires pour fermer la porte à une éventuelle pandémie. Or, ce n’est que le 11 mars que la ministre Hajdu a dit aux Canadiens que le virus ne connaissait pas de frontières.

Si cette incohérence ne vous dérange pas, je tiens à vous dire qu’elle dérange de nombreux Canadiens.

Toutefois, c’est intéressant de constater que ces paroles ne viennent pas de la ministre Hajdu. Elles ont d’abord été prononcées le 27 février 2020 par le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé. Les Canadiens se sont rapidement aperçus que ce ne serait pas la seule fois que les représentants du gouvernement répéteraient les paroles de l’Organisation mondiale de la santé. La majorité de l’information qui nous a été relayée par le gouvernement provenait de l’OMS.

D’ailleurs, le 29 janvier dernier, lorsqu’on a interrogé la Dre Theresa Tam à ce sujet lors de la réunion du comité parlementaire de la santé, elle a répondu ceci :

Pour l’heure, l’OMS ne recommande pas d’interdire les voyages, et les mesures prises par un pays ne doivent pas être démesurées par rapport au risque et ne doivent pas nuire de manière indue aux voyages et au commerce. Le Canada est signataire du Règlement sanitaire international et sera appelé à rendre des comptes s’il agit différemment.

Cela voulait dire, sans l’ombre d’un doute, que le Canada devait suivre les directives de l’Organisation mondiale de la santé, et ce, même aux dépens de la vie et du bien-être des Canadiens. Incroyable, chers collègues.

Pourtant, cette politique allait à l’encontre des recommandations du gouvernement lui-même publiées en 2018 dans le document intitulé Préparation du Canada en cas de grippe pandémique selon lesquelles :

Devant l’émergence de virus pandémiques, les pays doivent faire face à des risques variés à différents moments. Pour la marche à suivre sur le plan local, ils doivent donc s’appuyer sur leurs propres évaluations du risque, éclairées par les phases mondiales. Les actions nationales doivent donc se détacher des phases mondiales puisque, par définition, l’évaluation du risque mondial ne représentera pas la situation particulière d’un pays donné.

En d’autres termes, chers collègues, le Canada aurait dû prêter attention à ce qui se passait dans le monde et prendre ses propres décisions en fonction de ce qui était le mieux pour le Canada et non l’OMS.

L’idée selon laquelle nous devions être en phase avec l’OMS allait à l’encontre de la politique en matière de santé du Canada et s’est avérée très préjudiciable pour les Canadiens. Ce n’est que l’un des nombreux fiascos dont le gouvernement s’est rendu responsable dans la gestion de la pandémie de COVID.

Si vous avez la responsabilité de diriger votre pays au moment où une crise s’apprête à le frapper de plein fouet, le moins que vous puissiez faire, c’est de le préparer en conséquence. Le gouvernement libéral n’a, cependant, pas pris la peine de le faire.

Au lieu de cela, le gouvernement n’a pas seulement fait fi de deux décennies de conseils en matière de voyages internationaux, de quarantaines et de dépistage obligatoire, mais il a aussi réduit le financement prévu pour la préparation à la pandémie. Il a détruit des millions de masques et d’autres équipements médicaux et n’a pas pris la peine de les remplacer.

En février, tandis que la pandémie progressait à l’échelle mondiale, les libéraux ont, pour comble de malheur, expédié en Chine 16 000 kilogrammes d’équipement de protection individuelle qui avait été mis de côté pour protéger la vie de Canadiens.

Hier, Global News a rapporté que cet envoi avait été effectué, même si des hauts fonctionnaires canadiens avaient été avisés en janvier que la Chine amassait de l’équipement de protection individuelle et avait importé plus de 2 milliards de masques de sécurité. Cela a entraîné une grave pénurie d’équipement de protection individuelle au Canada et partout dans le monde.

Plus tard, quand les hôpitaux et les établissements de soins ont dû faire des pieds et des mains pour trouver des fournitures, le gouvernement nous a dit que tout allait bien. La Chine nous enverrait de nouvelles réserves. Effectivement, fidèle à son engagement, elle nous a envoyé deux avions vides, puis une cargaison contenant un million de masques défectueux.

On ne peut s’empêcher de se demander combien de temps il faudra au premier ministre pour se rendre compte que le gouvernement communiste chinois n’est pas l’ami du Canada.

Honorables collègues, pour un gouvernement qui prétend être guidé par des données scientifiques, le gouvernement libéral n’aurait pu faire pire. Il pouvait voir que nous allions être frappés par une pandémie, et il n’a rien fait pour corriger le tir. Je l’ai déjà dit, et je vais le répéter. Le gouvernement a manqué de vigilance alors que des voyageurs porteurs du virus traversaient la frontière à pied, en voiture et en avion.

Il est regrettable que l’incompétence du gouvernement ne s’arrête pas là. Non seulement il a mal géré la préparation en prévision de la pandémie, mais il laisse un sillon de dommages qui pourraient être évités si sa réponse était plus efficace.

Au lieu de prendre des décisions claires, cohérentes et transparentes, le premier ministre a développé la mauvaise habitude d’annoncer des programmes avant de savoir comment ils pourront être mis en œuvre, pour ensuite se rétracter à toute vitesse. Après, il change constamment les critères d’admissibilité, ce qui cause de l’anxiété à la population canadienne qui tente de s’adapter du mieux qu’elle peut à cette situation déjà très stressante.

Presque chaque jour, le gouvernement fait une nouvelle annonce. Toutefois, durant les exposés techniques quotidiens qui ont lieu à 16 h 30 par téléphone, les représentants des ministères ont de la misère à répondre aux questions qui portent sur la façon dont les programmes annoncés seront mis en œuvre.

Beaucoup d’entre nous avons participé à ses appels, et vous savez que je n’invente rien. Après que la Prestation canadienne d’urgence a été annoncée, les fonctionnaires se sont retrouvés sur la sellette pour répondre à des questions pour lesquelles ils n’avaient pas de réponses. Ils ne pouvaient que s’en tenir à « cette politique est en cours d’élaboration et nous vous reviendrons là-dessus ».

Honorables collègues, les fonctionnaires ne sont pas responsables de cette situation. Ils font un travail extraordinaire dans les circonstances. C’est un peu comme si on leur demandait de construire un avion que le gouvernement aurait déjà fait décoller. À mon avis, s’il y a des réussites, c’est sans aucun doute grâce aux employés incroyables du secteur public, qui ont répondu à cette crise de façon admirable. Je ne peux pas en dire autant du gouvernement.

Pour tous les programmes que le gouvernement a lancés, l’histoire se répète : ils sont bâclés et débordent de lacunes ou ils sont délibérément truffés de variables à déterminer par règlement à une date ultérieure.

Il n’y a pas à chercher longtemps pour trouver un exemple. Il suffit de regarder le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Il regorge de variables à déterminer par règlement, y compris les personnes admissibles — le sénateur Carignan en a déjà parlé — et le montant qu’elles peuvent gagner sans perdre le droit à la prestation. On ne connait pas la limite de revenu pour demeurer admissible, la durée des versements, ni même le montant de la prestation.

Je comprends la nécessité de laisser une certaine marge de manœuvre, mais elle me semble excessive dans ce cas-ci. Il ne fait aucun doute que les étudiants du Canada ont besoin d’aide. Là n’est pas la question. Comme l’a dit le sénateur Carignan, nous allons appuyer ce projet de loi plus tard aujourd’hui. Nous n’empêcherons pas son adoption.

La question est de savoir pourquoi le gouvernement actuel insiste pour élaborer des mesures législatives qui lui donnent des pouvoirs considérables sans prévoir une surveillance parlementaire adéquate.

Je dois cependant reconnaître que même si la version initiale de ce projet de loi laissait sérieusement à désirer, elle était nettement moins mauvaise que la première mouture du projet de loi C-13. Avant d’être amendée, cette mesure proposait de donner au gouvernement, jusqu’au 31 décembre 2021, de vastes pouvoirs pour taxer et dépenser sans avoir à demander l’autorisation du Parlement.

Si les libéraux avaient réussi à faire adopter cette mesure telle quelle, ils auraient tout aussi bien pu proroger le Parlement pendant un an et demi parce que les parlementaires n’auraient pas eu leur mot à dire. Seul un gouvernement qui admire la dictature chinoise pouvait faire une telle proposition.

Chers collègues, on entend immanquablement la même préoccupation chaque jour lors des séances d’information technique par téléconférence : les programmes ne fonctionnent pas. Trop de gens sont laissés pour compte. Honorables sénateurs, c’est la réalité.

Prenons par exemple la Subvention salariale d’urgence du Canada. L’économie est en veilleuse depuis six semaines maintenant, mais ce n’est qu’il y a quatre jours que les entreprises ont pu présenter une demande dans le cadre de ce programme. Le gouvernement a été averti à maintes reprises que l’aide aux entreprises tardait trop à venir, mais il a fait la sourde oreille.

Lorsque le gouvernement a annoncé la mise en veilleuse de l’économie sans avoir au préalable mis un plan en place, les entreprises ne savaient pas quoi faire. De nombreux employeurs inquiets ont estimé ne pas avoir d’autre choix que de licencier les employés pour que ceux-ci puissent au moins demander des prestations d’assurance-emploi.

Puis, soudainement, le gouvernement a fait volte-face et annoncé qu’il allait offrir une subvention salariale de 10 %. Deux semaines plus tard, après que nous lui ayons répété à maintes reprises que c’était insuffisant, il a annoncé la création de la Subvention salariale d’urgence du Canada, destinée à couvrir 75 % des salaires.

Chers collègues, vous vous souviendrez que j’avais posé une question à ce sujet au ministre Morneau, le ministre des Finances, pendant notre comité plénier, et qu’il avait répondu qu’il ne prendrait aucune mesure de ce genre.

C’était manifestement mieux, mais qu’en est-il des gens qui ont déjà perdu leur emploi? Qu’en est-il des millions de personnes qui ont déjà soumis une demande d’assurance-emploi? Et les salaires des employeurs, eux? Que se passe-t-il s’ils se versent des dividendes au lieu d’un salaire? Et qu’arrive-t-il aux travailleurs de la santé de première ligne qui ont plusieurs emplois à temps partiel? Ce ne sont pas les questions qui manquent.

Certaines d’entre elles n’ont toujours pas de réponse.

Il y a aussi le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes, en vertu duquel les entreprises peuvent obtenir un prêt gouvernemental pouvant atteindre 40 000 $. Le problème, c’est qu’il n’est offert qu’aux entreprises dont la masse salariale est d’au moins 20 000 $.

Cela pose problème. Les entreprises familiales nouvellement créées n’ont généralement aucune masse salariale, car les membres de la famille font tout le travail sans être payés afin d’éponger la dette et de faire croître l’entreprise.

Qu’en est-il des entreprises individuelles? C’est dommage, mais elles ne sont pas admissibles.

Et les propriétaires d’entreprise qui se versent des dividendes? C’est dommage, ils ne sont pas admissibles eux non plus.

Le propriétaire unique d’une entreprise qui n’a qu’un employé qui a gagné moins de 20 000 $ l’an dernier? Bien dommage, mais il n’est pas admissible.

La personne qui, vers la fin de l’an dernier, a démarré une entreprise qui, même si elle compte plusieurs employés, a eu une masse salariale inférieure à 20 000 $? Bien dommage, mais on ne peut pas l’aider.

Ce programme est censé être un filet de sécurité, mais les mailles de ce filet sont tellement lâches qu’un avion gouvernemental rempli d’équipement de protection individuelle à destination de la Chine pourrait y passer.

Mais ce n’est pas sa seule lacune. Selon les critères établis par le gouvernement, les petites entreprises doivent déjà avoir un compte d’affaires pour être admissibles au Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes. Le problème dans ce cas-ci est que, de façon générale, les propriétaires uniques utilisent un compte chèques personnel plutôt qu’un compte d’affaires. Les gouvernements ne devraient pas pénaliser les propriétaires d’entreprises parce que ces derniers n’ont pas le compte de banque qu’il faut, qu’ils réinvestissent leurs revenus dans l’entreprise plutôt que de se verser un salaire ou qu’ils ont continué de servir les clients et d’employer des travailleurs malgré le confinement.

Peu importe le programme, c’est toujours la même chose : bâclé et débordant de lacunes. Prenons l’Aide d’urgence du Canada pour le loyer commercial. Ce programme a été annoncé en grande pompe alors que les propriétaires d’entreprises réclamaient de l’aide du gouvernement depuis plus d’un mois. Toutefois, on s’est rendu compte rapidement que ce programme est aussi rempli de failles et que, pour de nombreux propriétaires d’entreprises, ce sera trop peu, trop tard.

Pour commencer, une entreprise doit prouver que ses revenus ont baissé de 70 %. Les entreprises qui n’ont pas encaissé une perte de cette ampleur ne reçoivent rien, y compris celles dont les revenus ont chuté de 50 ou de 60 % pendant qu’elles tentaient de maintenir leurs activités en pleine pandémie de COVID-19.

Pour obtenir de l’aide pour le loyer, certaines entreprises devront donc fermer totalement leurs portes afin que leurs revenus diminuent de 70 %. Comment cela peut-il aider qui que ce soit? Cette lacune va obliger des entreprises qui sont restées ouvertes à fermer leurs portes ou à paralyser leurs activités afin de pouvoir être admissibles au programme.

Toutefois, même s’il essuie une baisse de revenus de 70 %, un propriétaire d’entreprise ne peut pas lui-même demander cette aide. Tout dépend de la volonté de son propriétaire d’avoir recours au programme. Dans le cas de nombreuses entreprises, le deuxième paiement du loyer depuis l’interruption des activités doit être versé aujourd’hui, et elles ne savent absolument pas si elles pourront bénéficier de cette aide.

Toutefois, il n’y a pas que les propriétaires d’entreprises qui essaient de comprendre ce programme; les propriétaires de logements aussi. Le programme exige des propriétaires qu’ils réduisent les loyers de 25 % pour les mois d’avril, mai et juin. En Ontario, ils doivent renoncer à tout bénéfice pendant cette période. En outre, si votre propriété commerciale n’est pas hypothéquée, il n’est pas certain que vous puissiez bénéficier du programme. On demande à ces propriétaires de prendre contact avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour discuter d’autres options.

En un mot, c’est le chaos. Bien sûr, le gouvernement ne nous le dira pas. Avec eux, c’est strictement tambours, trompettes et flaflas. Mais chaque fois que vous grattez la surface, vous vous trouvez en face d’une autre réalité.

Prenons l’agriculture, par exemple. En ce moment, ce secteur est très touché. Qu’a fait le gouvernement? Eh bien, deux choses : tout d’abord, il est revenu sur la promesse qu’il avait faite de reporter la mise en œuvre du projet de loi C-4, Loi portant mise en œuvre de l’Accord entre le Canada, les États-Unis d’Amérique et les États-Unis mexicains.

Rappelez-vous, le gouvernement a accéléré son renvoi au Sénat parce qu’il a estimé qu’il devait recevoir la sanction royale avant l’ajournement de la Chambre des communes et du Sénat en raison de la pandémie mondiale de COVID-19.

Les conservateurs ont accepté, comme nous tous d’ailleurs, de donner le feu vert à cette mesure législative à une condition importante : que le nouvel accord n’entre en vigueur qu’après le 1er août 2020. En effet, cette date marque le début de l’année laitière. Si cette date avait été respectée, cela aurait coûté à l’industrie laitière environ 100 millions de dollars de moins.

Il y a sept semaines, le gouvernement nous a regardés droit dans les yeux et nous a promis qu’il n’allait pas ratifier cet accord de manière anticipée. Puis, le 3 avril, la ministre Freeland a renié son engagement, si bien que le traité entrera en vigueur le 1er juillet. Voilà 100 millions de dollars jetés par les fenêtres, 100 millions de dollars qui auraient pu continuer de circuler dans l’économie canadienne et renforcer la résilience économique de nos producteurs laitiers. Et n’oubliez pas : ces 100 millions s’ajoutent aux 330 millions de dollars que l’industrie laitière perd chaque année en raison de l’Accord Canada—États-Unis—Mexique.

Au moment même où le pays est durement touché par la crise économique, le gouvernement Trudeau a décidé de renier sa promesse et de ne rien faire pour protéger l’industrie laitière canadienne.

Vous n’avez pas à me croire sur parole, chers collègues. Permettez-moi de vous citer un extrait du communiqué publié par les Producteurs laitiers du Canada :

Les Producteurs laitiers du Canada et l’Association des transformateurs laitiers du Canada confirment aujourd’hui qu’ils ont été, tout comme les parlementaires, induits en erreur par le gouvernement Trudeau en ce qui concerne la date de mise en œuvre de l’accord entre le Canada, les États-Unis et le Mexique (ACEUM). Ils font écho aux préoccupations exprimées par l’honorable Don Plett, chef de l’opposition au Sénat, qui a indiqué qu’il avait un engagement du gouvernement à propos de cette date.

Le secteur laitier avait obtenu l’appui des parlementaires pour que l’Accord Canada—États-Unis—Mexique [...] entre en vigueur en même temps que le début de la campagne laitière (1er août 2020). Cela aurait permis au secteur de disposer de 12 mois complets d’exportations conformément à la concession négociée pour la limite des seuils de la première année sur certains produits laitiers clés, avant d’être limité par la réduction significative accordée au cours de la deuxième année de l’accord. Dans le cadre de l’ACEUM, le Canada a non seulement transféré aux États-Unis une partie de sa production laitière intérieure, mais il a également accepté de s’imposer des limites sur les exportations de certains produits laitiers d’importance.

« Notre gouvernement a été le premier à annoncer aux autres parties qu’il était prêt à mettre l’ACEUM en application », dit Jacques Lefebvre, chef de la direction des Producteurs laitiers du Canada. « Le secteur laitier a été informé à la dernière minute et, à en juger par la réaction des partis d’opposition, nous n’étions pas seuls à être surpris. »

Chers collègues, il s’agit d’un grave abus de confiance que je trouve scandaleux et que nous devrions tous trouver scandaleux.

Réfugié à Rideau Cottage, le premier ministre prêche que nous devons tous adopter l’approche « Équipe Canada », puis poignarde l’industrie laitière dans le dos. C’est incroyable.

Il est regrettable que, bien que le premier ministre se plaise à parler de l’approche « Équipe Canada », il ne joigne pas le geste à la parole. Dans les circonstances actuelles, tous les partis devraient participer aux discussions afin d’offrir leurs idées et de contribuer au lieu d’avoir à se battre avec le premier ministre simplement pour qu’il se présente au Parlement et soit à la période des questions.

S’il a besoin d’idées sur la façon dont cela fonctionne, je lui suggère de communiquer avec le premier ministre Legault au Québec ou le premier ministre Higgs au Nouveau-Brunswick. Le premier ministre Legault se réunit deux fois par semaine avec les chefs des trois partis de l’opposition afin de les consulter. Le premier ministre Higgs a créé un comité spécial du Cabinet sur la COVID-19 et y a inclus les chefs des trois partis de l’opposition.

Lorsque notre premier ministre rencontre les chefs de l’opposition, il exclut carrément le chef de l’opposition officielle.

Pourquoi est-ce si difficile pour le premier ministre? Les Canadiens se serrent les coudes pour vaincre ce virus et je ne comprends pas pourquoi le premier ministre s’entête à faire preuve d’esprit partisan et de sectarisme en cette période critique.

Je dois dire que je trouve l’attitude du gouvernement vraiment troublante.

La deuxième chose que le gouvernement a faite pour aider l’agriculture à faire face aux conséquences du coronavirus pourrait vous étonner. Le mois dernier, le gouvernement a annoncé en grande fanfare qu’il bonifiait l’assise financière de Financement agricole Canada pour permettre une capacité de prêt supplémentaire de 5 milliards de dollars.

Ce qu’il a omis de dire, c’est que le programme ne coûtera pas un sou au gouvernement. En fait, selon le directeur parlementaire du budget, le gouvernement retirera un montant additionnel de 96 millions de dollars de l’industrie de l’agriculture grâce au programme. Autrement dit, l’aide que le gouvernement a accordée à l’agriculture jusqu’à présent a coûté près de 200 millions de dollars à l’industrie.

C’est là le genre d’aide dont les agriculteurs peuvent se passer. Le gouvernement ne fait que resserrer encore plus l’étau autour des producteurs, qui sont déjà pris à la gorge par les problèmes de la chaîne d’approvisionnement, les revenus décroissants et l’incertitude des marchés.

Le gouvernement ne semble pas comprendre les besoins des agriculteurs. Il ne semble pas comprendre les besoins des entreprises. Il ne semble pas comprendre les besoins des Canadiens.

Il suffit de jeter un coup d’œil à son bilan : chaque mesure législative qu’il a proposée en réponse à la crise du coronavirus dissuade les gens de travailler, bien qu’il y ait un besoin criant de travailleurs pour les services essentiels.

L’aide pour le loyer encourage les propriétaires d’entreprise à diminuer leurs activités afin de répondre au critère d’une baisse de revenus de 70 %. La Prestation canadienne d’urgence rend plus attrayant le fait de rester à la maison et de toucher un chèque que d’accepter un emploi et de fournir un service essentiel. Avant que les conservateurs insistent pour qu’il en soit autrement, le projet de loi à l’étude ne faisait rien pour encourager les étudiants à travailler lorsqu’il y a des emplois disponibles.

Honorables collègues, je ne suis pas en train de critiquer les étudiants du pays. Il va sans dire qu’ils sont des milliers à vouloir travailler. Il ne fait également aucun doute qu’il y a des étudiants qui ont peur de retourner au travail. Cependant, les programmes qui encouragent les gens à rester à la maison au lieu de travailler n’aident en rien notre économie.

Partout au pays, des entreprises sauteraient sur l’occasion d’embaucher un étudiant. Or, au lieu de se demander comment aider les étudiants à trouver un emploi et à acquérir une expérience de travail précieuse tout en gagnant un salaire, le gouvernement propose un programme qui se limite à envoyer des chèques par la poste. Est-ce une mesure importante? Oui, mais c’est aussi une mesure à courte vue.

Les conservateurs ont donc insisté pour que l’on apporte plusieurs modifications au projet de loi, notamment pour exiger que le gouvernement aiguille tous les demandeurs vers le Guichet emplois du Canada et leur fournisse de l’information sur les emplois offerts avant qu’ils présentent leur demande. De telles mesures devraient être prises automatiquement, sans que l’opposition ait à insister là-dessus. Les emplois sont importants, non seulement parce qu’ils sont une source de revenus, mais aussi parce qu’ils soutiennent l’économie, ils génèrent des retombées inestimables et ils permettent aux étudiants d’acquérir une expérience de travail précieuse. Nous sommes conscients que, dans nombre de régions du pays, le taux de chômage est extrêmement élevé en raison de la pandémie, et bien des emplois sont tout simplement inaccessibles.

Les Canadiens, notamment les étudiants, ont besoin d’une aide concrète tout de suite. Cependant, le gouvernement ne devrait pas offrir de programme qui encourage les Canadiens à ne pas travailler. Soyons clairs. Dans la mesure du possible, le gouvernement ne doit pas seulement offrir une aide financière aux étudiants; il doit aussi leur offrir des possibilités d’emploi. Voilà pourquoi les conservateurs ont proposé que le gouvernement crée un programme pour trouver aux étudiants et aux jeunes des emplois dans le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire, y compris dans le secteur du poisson et des fruits de mer.

Comme le programme Emplois d’été Canada, ce programme paierait le salaire minimum d’un nouvel étudiant ou d’un jeune employé. Le salaire pourrait ensuite être complété par une allocation supplémentaire versée par l’employeur. Les entreprises qui souhaitent augmenter leurs effectifs cette année auraient la possibilité de présenter une demande immédiatement. Les employeurs seraient tenus d’assurer des mesures de sécurité adéquates sur le lieu de travail afin de protéger tous les employés.

De nombreuses entreprises du secteur de l’agriculture, du poisson et des fruits de mer dépendent du Programme des travailleurs étrangers temporaires ou du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. Cependant, en raison de la pandémie de COVID-19, ces secteurs essentiels sont confrontés cette année à d’importantes pénuries de main-d’œuvre. Même si la main-d’œuvre locale peut combler certaines des lacunes sans aide financière, les producteurs et les transformateurs canadiens d’un océan à l’autre auront du mal à maintenir les chaînes d’approvisionnement en produits alimentaires essentiels.

Ma question est de savoir pourquoi ce n’est pas simplement instinctif chez les libéraux. Pourquoi préfèrent-ils que les gens soient désœuvrés, même lorsqu’on a besoin d’eux et qu’il y a du travail? Ne comprennent-ils pas le fonctionnement de l’économie? Ignorent-ils qu’il y a des employeurs et des entreprises qui ont désespérément besoin de travailleurs, malgré la pandémie? Pourquoi accordent-ils des subventions pour accueillir des travailleurs étrangers temporaires tout en encourageant les étudiants canadiens à rester à la maison s’ils veulent recevoir un chèque du gouvernement? Cela n’a pas de sens.

Honorables sénateurs, la mauvaise gestion de cette crise par le gouvernement est préoccupante. Il a fait ce que peu de gens auraient pu imaginer : prendre une situation extrêmement difficile et l’empirer. Au lieu d’atténuer les répercussions de la pandémie, il en a aggravé les effets à cause d’un manque de préparation et d’un ensemble disparate de mesures mal planifiées. Non seulement cela a fait augmenter le niveau d’anxiété et de stress chez les Canadiens, mais cela nous amène à nous demander ce qui viendra après.

Comment les Canadiens peuvent-ils croire que le gouvernement — ou, en fait, les parlementaires —, après les avoir dirigés directement sur la piste de la pandémie et après y avoir réagi de façon maladroite, pourra les aider à en sortir?

Sénateurs, la pandémie de la COVID-19 sera bientôt ajoutée aux livres d’histoires dans la liste des grandes périodes de crise de l’humanité, comme la Grande Dépression. Sans aucun doute, les historiens analyseront en détail et avec un œil critique la manière dont le gouvernement aura géré la crise. Au point où nous en sommes, le jugement sera sévère. Pour le bien des Canadiens, j’espère que les choses changeront bientôt.

Le directeur parlementaire du budget nous annonce maintenant que le déficit s’élèvera à 252 milliards de dollars. J’estime que cela mérite d’être redit. Le directeur parlementaire du budget nous annonce que le déficit pour cette année s’élèvera à 252 milliards de dollars. Et nous ne sommes pas au bout de nos peines. Nous entendons dire que le gouvernement annoncera une nouvelle série de mesures pour aider les grandes entreprises et les industries et qu’il s’agira du plus gros programme parmi tous ceux qui ont été annoncés depuis le début de la pandémie. Comme nous l’avons toujours appréhendé, chers collègues, le remède semble bien pire que le mal.

L’honorable Claude Carignan [ - ]

Est-ce que le leader de l’opposition accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Plett [ - ]

Oui.

Le sénateur Carignan [ - ]

Vous avez décrit avec beaucoup de lucidité et de réalisme l’état actuel des choses. Je suis impressionné par votre discours. Pouvez-vous nous expliquer comment on en est venu à créer une catastrophe pour en répondre à une autre?

Le sénateur Plett [ - ]

Je vous remercie, cher collègue. Eh bien, écoutez, comme je l’ai dit au début, on n’a cessé de demander au gouvernement si la situation était sous contrôle, s’il fallait fermer les frontières. Le premier ministre a affirmé qu’il n’était pas nécessaire de fermer les frontières ni d’interdire les vols en provenance de l’Asie et de l’Europe.

Nous constatons que les pays qui s’en tirent le mieux sont ceux qui ont fermé leurs frontières dès le début de la pandémie, alors qu’ici, le gouvernement nous a dit que les frontières n’arrêtent pas le virus. Force est de constater que si personne ne traverse la frontière, personne ne peut faire entrer le virus au pays.

À mon avis, sénateur Carignan, le premier ministre aurait dû demeurer dans son bureau et collaborer avec les membres de son Cabinet pour prendre les meilleures décisions. La priorité aurait dû être de fermer les frontières; c’était la chose logique à faire.

Le sénateur Carignan [ - ]

Monsieur le leader, croyez-vous que l’homme à la tête du gouvernement actuel, M. Trudeau, est l’homme de la situation pour réparer ce désastre?

Le sénateur Plett [ - ]

Il va sans dire, sénateur Carignan, que je n’ai absolument pas l’intention de faire de la partisanerie avec un tel commentaire. Cependant, je me permets de vous dire qu’un journaliste de la Presse canadienne m’a posé une question similaire plus tôt aujourd’hui — cela paraîtra peut-être dans le journal demain, mais je n’en suis pas certain — et que j’ai répondu que le premier ministre n’était pas l’homme de la situation. Il n’était pas intéressé. Voilà mon opinion. Et j’estime qu’il a montré son manque d’intérêt en n’étant pas à son bureau pour prendre le taureau par les cornes.

L’honorable Peter Harder [ - ]

Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi d’intervenir au sujet du projet de loi C-15. En premier lieu, je félicite la sénatrice Gagné de parrainer pour la première fois, je crois, un projet de loi d’initiative ministérielle. Je lui souhaite beaucoup de succès dans ce dossier et dans l’avenir.

Deuxièmement, je remercie la ministre Qualtrough et Graham Flack, l’excellent sous-ministre qui l’assiste, de leurs témoignages impressionnants cet après-midi. Plus important encore, je souligne la diligence avec laquelle la ministre et les fonctionnaires de son ministère travaillent sur ce dossier dans la conjoncture actuelle.

Avant d’entrer dans le vif du sujet — et je serai bref, sénateur Plett —, je tiens à ce qu’il soit très clair que je ne considère pas les étudiants canadiens comme des tricheurs et des paresseux qui se la coulent douce en attendant l’aide financière du gouvernement. Une telle image ne correspond ni à ma compréhension ni à mon expérience de la réalité des étudiants.

Le sénateur Harder [ - ]

Je tiens à dire d’entrée de jeu que j’appuierai ce projet de loi et que j’invite tous les sénateurs à faire de même. Il faut absolument que les étudiants, qui sont notre avenir à tous, puissent continuer d’accorder la priorité à leurs études et poursuivre leur éducation afin d’avoir les outils nécessaires pour tirer leur épingle du jeu dans l’économie de l’avenir, leur avenir.

Cela dit, mes remarques porteront surtout sur ce que j’estime être une lacune importante et jusqu’ici négligée dans les mesures de soutien aux études postsecondaires, c’est-à-dire l’absence de mesures destinées expressément aux étudiants étrangers. Après avoir fait le tour de la question, j’aurai une solution à proposer au gouvernement.

Sur le plan politique, je comprends pourquoi la Chambre des communes a pu juger prudent de ne pas englober la totalité des étudiants étrangers, mais du point de vue des politiques publiques, j’avoue que je suis dans le noir. La question que nous devrions nous poser lorsque nous étudions les diverses mesures que prend le gouvernement est : « Souhaitons-nous positionner le Canada de telle sorte qu’il occupe une place de choix sur l’échiquier économique mondial une fois que la pandémie de COVID-19 sera derrière nous? »

Voici une citation appropriée de Warren Buffet : « C’est quand la marée redescend que l’on voit qui nageait sans maillot. » Sans vouloir prendre cette citation au pied de la lettre, je dirais que notre modèle de financement de l’éducation postsecondaire n’est pas viable, et que la crise de la COVID-19 est la marée descendante qui dévoile de graves problèmes de viabilité pour nos collèges et nos universités partout au pays. Le Canada compte l’une des populations étudiantes les plus cosmopolites au monde, avec des étudiants provenant de 146 nations en 2017. Même si cette diversité s’est quelque peu effritée ces dernières années, 65 % de l’ensemble des étudiants proviennent de ces cinq pays : la Chine, l’Inde, la Corée du Sud, la France et le Vietnam. La grande majorité des étudiants étrangers — 84 % pour être exact — sont inscrits dans des établissements situés en Ontario, en Colombie-Britannique et au Québec, provinces qui ont d’ailleurs toujours accueilli la majorité de ces étudiants.

En 2017, 75 % des étudiants étrangers au pays faisaient des études postsecondaires; 57 % d’entre eux étaient inscrits dans une université, 41 % dans un collège et 2 % dans un cégep. Les étudiants du secondaire formaient pour leur part 15 % de l’ensemble des étudiants étrangers. Quant aux 10 % restants, ils faisaient d’autres types d’études.

La Stratégie en matière d’éducation internationale du gouvernement du Canada avait pour objectif d’accueillir 450 000 étudiants étrangers d’ici 2022. Cet objectif a été atteint en 2017, soit cinq ans plus tôt que prévu. C’est un exploit qui s’accompagne de grandes possibilités, mais aussi de grands défis. En 2018, plus de 721 000 étudiants étrangers faisaient leurs études au Canada.

Le Canada est une destination de choix pour les étudiants étrangers. Il offre des écoles et des programmes d’études solides en anglais et en français, une communauté chaleureuse et diversifiée pour accueillir les étudiants, une qualité de vie enviable, une réputation de pays sûr, des possibilités de travailler et de commencer une carrière, et la possibilité d’obtenir la résidence permanente, qui est une option pour les étudiants étrangers. En 2018, 54 000 anciens étudiants sont devenus résidents permanents.

L’éducation internationale apporte une contribution importante et croissante à la prospérité du Canada. En 2018, la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques, les étudiants étrangers au Canada ont contribué à hauteur de 21,6 milliards de dollars au PIB du pays et, en 2016, ils ont soutenu près de 170 000 emplois. Les dépenses d’éducation des étudiants étrangers ont des retombées plus importantes sur l’économie canadienne que les exportations de pièces automobiles, de bois d’œuvre ou d’avions.

Il s’agit d’un secteur d’activité important.

Entre 2014 et 2018, le nombre d’étudiants étrangers au Canada a augmenté de 68 %. En 2018, comme je l’ai dit, un total de 721 000 ressortissants étrangers ont étudié au Canada.

En plus de susciter de nouvelles idées et d’accroître la capacité d’innovation du Canada, l’éducation internationale alimente les liens interpersonnels essentiels au commerce international dans une économie mondiale de plus en plus connectée. Comme je l’ai déjà dit, les étudiants étrangers contribuent de manière significative à l’économie canadienne.

Une grande partie de cette contribution va directement à l’établissement d’enseignement sous la forme de frais. Bien qu’il soit vrai que pour être excellent, ou même bon, un établissement au Canada a besoin de professeurs, de chercheurs ou d’étudiants étrangers, ceux-ci ont pris une importance presque excessive dans notre modèle de financement des études postsecondaires. À mon alma mater, l’Université de Waterloo, 21 % des étudiants de premier cycle sont des étudiants étrangers. Les frais plus élevés qu’ils paient contribuent de manière démesurée aux recettes de l’Université. C’est ainsi dans l’ensemble des universités et des collèges. À l’Université de la Colombie-Britannique, par exemple, les frais de scolarité de ces étudiants varient entre 39 000 $ à 50 000 $, en fonction du programme, alors qu’ils s’élèvent à environ 5 000 $ à 8 000 $ pour les étudiants canadiens.

Ce que je veux faire valoir, c’est que sans un nombre stable et important d’étudiants étrangers, les établissements canadiens auront de graves problèmes de financement, ce qui placera certains de nos collèges et de nos universités dans des situations extrêmement précaires.

Voici ce que je propose : on me dit qu’à la fin mars, il y avait environ 565 000 étudiants étrangers au Canada. En raison des restrictions de voyage qui ont été imposées, on estime que 80 % d’entre eux sont toujours au pays. Selon les experts, environ 50 % de ces étudiants éprouveront des difficultés financières et ne seront pas admissibles à la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants dans sa forme actuelle. Disons qu’il s’agit à peu près de 300 000 étudiants. On estime qu’environ 50 % de ces personnes fréquentent une université, 40 % un collège et 10 % d’autres établissements d’enseignement postsecondaire. Ainsi, si le projet de loi prévoit 5 000 $ par étudiant canadien ou étranger, et que l’on multiplie cette somme par les 300 000 étudiants étrangers au Canada qui ne sont pas admissibles à la prestation, on obtient un montant d’environ 1,5 milliard de dollars.

J’exhorte le gouvernement à collaborer avec les associations nationales d’établissements d’enseignement postsecondaires et à envisager de fournir un financement aux bureaux d’aide financière de ces établissements pour qu’à leur tour, ils soutiennent ceux qui ont besoin d’un certain degré d’aide financière pour poursuivre leurs études au Canada. Les bureaux d’aide financière sont les mieux placés pour établir les besoins. Ils ont la formation, l’expérience, la crédibilité et l’intégrité nécessaires pour fournir ce genre d’aide.

Évidemment, aucun étudiant étranger ne devrait recevoir plus que les 5 000 $ offerts à tout étudiant canadien, et certains pourraient ne pas avoir besoin de cette somme en entier. S’il est mis en œuvre, ce programme assurera un certain degré de stabilité aux collèges et aux universités du pays, mais surtout, il permettra au Canada de se démarquer des autres pays auxquels nous avons dû faire concurrence pour attirer des étudiants de calibre mondial, soit les États-Unis, l’Australie et le Royaume-Uni.

Qualifier des jeunes de « vermines » n’est pas une stratégie de recrutement. En Australie, les propos du premier ministre Morrison, qui, dans une déclaration, a dit aux étudiants étrangers de « retourner chez eux », sont des commentaires à courte vue et plutôt xénophobes dont on se souviendra longtemps. À long terme, il faudra commencer à réformer notre mode de financement des universités et des collèges, mais, à court terme, tâchons de conserver les avantages dont nous avons bénéficié jusqu’à présent en adoptant les mesures qui sont proposées.

L’honorable Robert Black [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019).

Je souscris à beaucoup d’arguments soulevés aujourd’hui et je prendrai maintenant quelques minutes pour participer au débat.

Je tiens à être clair : je suis très heureux qu’une aide soit prévue pour les étudiants de niveau postsecondaire qui, pour la plupart, n’ont pas droit à la Prestation canadienne d’urgence. Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a grandement affecté leurs études en entraînant la fermeture des campus des collèges et des universités. De plus, de nombreux étudiants ont perdu leur emploi à temps partiel à cause de la crise et beaucoup auront de la difficulté à trouver du travail cet été.

Cette mesure législative prévoit le versement de 1 250 $ par mois par étudiant et de 2 000 $ pour ceux qui ont un handicap ou qui ont des personnes à charge, et ce, pour une durée de quatre mois. Cette aide financière sera très utile pour un grand nombre d’étudiants, et c’est un pas dans la bonne direction.

Ce programme sera particulièrement utile pour les étudiants en région rurale : les épiceries et les entreprises essentielles qui embauchent des étudiants y sont moins nombreuses, et les distances à parcourir compliquent les déplacements.

Cela dit, j’ai quelques inquiétudes. Je sais que, compte tenu de la situation, ce sera très difficile pour les étudiants de trouver un emploi cette année. Toutefois, de nombreux secteurs continueront à embaucher des employés. Certains appellent même à l’aide. Par exemple, l’industrie agricole a besoin de travailleurs. Lorsque je pense à ce que j’ai entendu de l’industrie et des intervenants, il y a un seul mot qui résume bien la situation : « désespoir ».

Même si le gouvernement a permis aux travailleurs étrangers temporaires d’entrer au pays et même s’il leur offre l’hébergement pendant la quarantaine de 14 jours à leur arrivée, ils seront moins nombreux que les années précédentes.

Les producteurs ont besoin de main-d’œuvre maintenant pour travailler dans les champs et ainsi de suite. Le secteur de la transformation a aussi besoin de travailleurs. Nous savons tous que des usines de transformation de viande ont dû fermer ou diminuer leur production parce que leur effectif était réduit.

Il est important d’assurer la sécurité alimentaire durant la pandémie. La solidité du secteur agricole est essentielle au maintien de la sécurité de la chaîne d’approvisionnement. Nous avons donc besoin d’un nombre de travailleurs agricoles suffisant pour que l’industrie puisse continuer de fonctionner.

Le gouvernement du Québec a offert aux étudiants un incitatif de 100 $ par semaine pour qu’ils aillent aider les agriculteurs. La Prestation canadienne d’urgence pour les étudiants va-t-elle les empêcher de le faire? Va-t-elle leur enlever leur motivation à se trouver un emploi d’été?

C’est là une question qui préoccupe un grand nombre de mes collègues du Québec, dont l’honorable sénatrice Verner et l’honorable sénateur Dagenais. J’espère que cette prestation d’urgence ne va pas dissuader les étudiants de tenter d’obtenir un emploi et que les pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs ont été prises en compte au moment de la rédaction de cette mesure législative.

Tel qu’il est rédigé, le projet de loi stipule que les étudiants ne sont admissibles que s’ils remplissent les conditions suivantes : ils ne peuvent travailler à cause du coronavirus; ils sont incapables de trouver du travail malgré leurs recherches; ou ils ont un emploi, mais ils gagnent moins d’argent que ce qu’offrirait la prestation. Je suis persuadé que la plupart des étudiants canadiens vont respecter ces critères d’admissibilité et qu’ils vont travailler s’ils le peuvent, mais il faut s’attendre à ce que certains d’entre eux ne cherchent pas de travail, sachant que cette prestation est imminente.

Mon collègue, l’honorable Jean-Guy Dagenais, a dit à la ministre Qualtrough plus tôt aujourd’hui que des employeurs, après avoir offert des postes à des étudiants qui avaient postulé pour un emploi d’été, s’étaient fait répondre par ces derniers qu’ils n’étaient plus intéressés. Ces employeurs doivent maintenant se démener pour trouver de nouveaux candidats.

Le gouvernement fédéral élargit également l’offre d’emplois aux étudiants dans la fonction publique. J’espère que cela va inciter davantage d’étudiants à postuler pour un emploi d’été qui leur permettra de gagner un revenu, d’acquérir de l’expérience dans leur domaine et de les préparer à la vie après l’obtention de leur diplôme.

Le fait que la prestation destinée aux étudiants est moins élevée que celle destinée aux autres Canadiens me laisse aussi un peu perplexe. Les étudiants doivent eux aussi payer leur loyer, leurs factures de services publics, leur épicerie et j’en passe. Pourtant, cette prestation n’offre aux étudiants que 1 250 $ par mois, comparativement à 2 000 $ pour les personnes admissibles à la Prestation canadienne d’urgence.

La première mouture du projet de loi prévoyait le versement de 1 750 $ aux étudiants ayant des personnes à charge et aux étudiants handicapés. Plus tôt cette semaine, un amendement adopté à l’autre endroit a porté à 2 000 $ la prestation pour chacun de ces deux groupes. Je me réjouis de l’adoption de cet amendement, mais je me demande encore si 1 250 $ suffiront aux étudiants qui n’arriveront pas à trouver du travail.

Par ailleurs, certains collègues ont évoqué aujourd’hui le risque d’empiétement sur les compétences provinciales. Toutefois, après la question posée plus tôt aujourd’hui par la sénatrice Verner, il a été dit que le gouvernement fédéral continuera à consulter les provinces et les territoires.

Dans l’ensemble, je me réjouis que cette mesure législative réponde aux besoins des étudiants canadiens de niveau postsecondaire. Ceux-ci ne doivent pas être pénalisés parce qu’ils ont fait le choix de poursuivre leurs études et par la présente crise que personne d’entre nous ne pouvait ni prévoir ni prévenir.

Je voterai pour l’adoption de ce projet de loi et j’ose espérer qu’il permettra vraiment d’aider les étudiants. Cependant, j’estime qu’il faut en faire davantage pour d’autres Canadiens, notamment dans le secteur agricole, qui vit des heures sombres. J’espère que nous serons bientôt de retour dans cette enceinte pour débattre une mesure législative proposant de l’aide d’urgence pour les agriculteurs. C’est ce que je souhaite de tout cœur. Je sais que d’autres sénateurs ici présents — mes collègues du Groupe des sénateurs canadiens ont discuté de la question et je suis certain que nous ne sommes pas les seuls — souscrivent à l’idée d’offrir un appui financier aux travailleurs agricoles également.

Honorables sénateurs, les questions importantes que j’ai soulevées au sujet des mesures proposées dans le projet de loi C-15 devront être soigneusement examinées à long terme afin d’évaluer les retombées de ces mesures. À cet égard, je tiens à vous rappeler que le Sénat a approuvé, le 11 avril 2020, la création d’un comité spécial sur les leçons tirées de la pandémie de COVID-19. Ce comité a été proposé par le Groupe des sénateurs canadiens et a été approuvé à l’unanimité. Je vous rappelle que son mandat comprend une évaluation des différents effets de la pandémie, du niveau de préparation du Canada, ainsi que des initiatives qui ont été entreprises pour faire face à cette crise. Le comité procédera également à une large consultation des Canadiens afin de déterminer les défis et les besoins particuliers des diverses régions et communautés.

Le Groupe des sénateurs canadiens attend avec impatience que cet examen soit effectué par un comité spécial, qui devrait commencer ses travaux à l’automne 2020. Comme je l’ai dit, j’espère que nous serons de retour ici rapidement pour mener une action en faveur de l’agriculture.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Raymonde Saint-Germain

Honorables sénateurs, le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui revêt une grande importance pour les étudiants qui, dans tout le pays, font eux aussi les frais de la pandémie de COVID-19. Ce projet de loi s’inscrit dans une série de mesures extraordinaires en venant compléter les mesures plus urgentes mises en place pour aider les citoyens et les entreprises qui ont subi une perte de revenus à cause de la pandémie.

D’emblée, j’aimerais souligner la formidable collaboration, depuis le début de cette crise inédite, entre le gouvernement fédéral et les différents ordres de gouvernement au pays, ainsi qu’avec les quatre partis d’opposition à la Chambre des communes. Au sein d’une fédération comme la nôtre, qui regroupe plusieurs paliers de gouvernement, il s’avère souvent complexe de travailler en harmonie. Pourtant, nous sommes tous solidaires en ces temps de crise et nous sommes capables d’unir nos efforts pour venir à bout de cette pandémie. Je tiens donc à féliciter l’ensemble des paliers de gouvernement pour leur travail soutenu.

Outre la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, il y a aussi celle entre les provinces. Je pense notamment au Québec, à l’Ontario et au Nouveau-Brunswick, qui ont des frontières communes et qui ont été capables, dès les premiers moments de la crise, de coordonner l’application de leurs mesures préventives, de bien les arrimer, afin de mieux protéger leur population respective. Au-delà des voisins immédiats, je pense aussi à l’Alberta, qui a fait preuve d’altruisme et de générosité en faisant don d’une grande quantité de matériel médical aux autres provinces, dont le Québec.

Je suis très consciente que cette coordination a été très complexe, tout comme l’arrimage de toutes ces mesures. Il est important pour moi de souligner la nécessité de maintenir le cap en matière de consultation avec les provinces et les territoires.

En examinant ce projet de loi, je note certaines difficultés d’arrimage. Je constate notamment une incongruité entre les mesures qui y sont proposées et l’initiative du Québec relative aux emplois temporaires, et je souscris tout à fait aux propos du sénateur Robert Black et du Groupe des sénateurs canadiens en ce qui concerne l’absence d’arrimage avec les propositions québécoises.

Le 17 avril dernier, le gouvernement du Québec a annoncé la mise en place d’un programme incitatif pour les travailleurs temporaires qui veulent prêter main-forte aux agriculteurs. Ce programme prévoit une bonification salariale de 100 $ par semaine offerte aux travailleurs qui se joignent au secteur agricole pour la période de plantation et de récolte. L’objectif consiste à recruter des étudiants qui doivent travailler durant l’été afin de subvenir à leurs besoins et, entre autres, de poursuivre leurs études.

Il est en effet important de mettre en place des mesures financières pour soutenir ces étudiants, parce que, à l’heure actuelle, bon nombre d’entre eux se trouvent dans une situation précaire.

Je partage l’inquiétude qu’a manifestée le premier ministre du Québec lorsqu’il a affirmé que les mesures proposées dans ce projet de loi pourraient avoir des impacts négatifs involontaires sur le recrutement de personnel dans le milieu agricole, un secteur qui, j’aimerais le rappeler, fait partie des services essentiels et qui est mis à rude épreuve par le manque de main-d’œuvre qu’a généré la pandémie de COVID-19.

Il m’apparaît donc évident que, pour cet aspect particulier, l’harmonisation entre les mesures fédérales et provinciales ne s’est pas faite de façon optimale. Je crois qu’il aurait été bénéfique que ce projet de loi se base sur des mesures incitatives à l’accès au marché du travail plutôt que sur la seule offre de compensation financière.

Permettez-moi d’être tout à fait claire. Par cette affirmation, je n’insinue pas que ce projet de loi rate son objectif ou qu’il présume, à tort, de la bonne foi des étudiants. Au contraire, je fais écho aux propos du premier ministre du Canada en reconnaissant leur vaillance, leur bonne volonté et leur honnêteté.

Par contre, j’estime que le projet de loi aurait été bonifié par l’inclusion d’incitatifs au travail, ce qui aurait également profité aux secteurs économiques vulnérables, dont l’agriculture, de même qu’à l’économie de service, particulièrement les services de soins de santé. Nous reconnaissons tous que ces secteurs sont particulièrement interpellés durant cette période d’incertitude économique. Je salue, par ailleurs, l’inclusion de mesures importantes afin d’éviter que ces programmes soient usurpés et exposés à la fraude. Le suivi de l’application de ces mesures en sera d’autant plus crucial, et cela est vraiment important. Il faut s’assurer que les fraudeurs qui pourraient bénéficier de ce programme seront, a posteriori, mis en situation de rembourser les sommes usurpées.

On ne peut examiner ce projet de loi sans se soucier de son impact sur les groupes vulnérables, notamment les étudiants en situation de handicap — le sénateur Munson y a fait référence plus tôt—, les étudiants ayant des personnes à charge, les étudiants appartenant aux Premières Nations et certains étudiants internationaux. Si, dans les deux premiers cas, soit les étudiants en situation de handicap et ceux qui ont des personnes à charge, une compensation additionnelle de 500 $ est offerte, certains étudiants internationaux sont cependant exclus de ce projet de loi.

Bien que je sois consciente de la nécessité d’imposer des limites à de telles compensations et du fait que tous les étudiants internationaux ne peuvent être admissibles à ce type de programmes, il reste que plusieurs se trouvent dans une situation précaire en raison de la difficulté de maintenir un revenu en cette période de crise. À cet effet, je salue l’effort du gouvernement qui a levé, dans son plan d’intervention économique en vue de répondre à la COVID-19, la restriction permettant aux étudiants internationaux de ne travailler que 20 heures par semaine pendant les trimestres dans des secteurs essentiels. Cependant, cela ne compense pas l’impact négatif qui est sous-estimé quand il s’agit d’exclure les étudiants étrangers. J’abrégerai mon discours parce que je souscris tout à fait aux propos qu’a tenus le sénateur Harder dans son intervention il y a quelques minutes.

J’aimerais rappeler l’apport considérable et positif qu’apportent ces étudiants étrangers aux universités et à la société canadienne. Partout au pays, leur apport est fort positif.

De plus, un grand nombre d’entre eux choisiront, une fois leurs études terminées, d’entamer le processus afin de devenir résidents permanents. Ils continueront alors d’enrichir notre société, dont ils seront devenus membres à part entière.

Chers collègues, certains qui sont venus ici comme étudiants servent maintenant le Canada au sein de notre Parlement, au sein de la Chambre des communes et dans cette Chambre. Venus d’ailleurs, ils sont maintenant d’ici.

Ils sont venus d’ailleurs. Le Canada est maintenant leur patrie.

L’instauration de la Prestation canadienne d’urgence pour ceux qui ont le droit de travailler et qui paient des impôts au Canada et dans leur province ou leur territoire aurait pu et aurait dû être un investissement judicieux.

Pour conclure, je soutiens que, au moment de la préparation de la réglementation pour mettre en œuvre ce projet de loi, il faudra tenir une consultation et viser une plus grande harmonisation afin de mieux tenir compte de la spécificité de chacune des provinces et des territoires.

Cela dit, ce projet de loi apporte, dans son ensemble, des mesures positives à la fois pour les étudiants et pour l’économie canadienne.

En ces temps d’incertitude, l’impact positif de ces mesures outrepasse largement l’effet contre-productif de ces lacunes, et c’est pourquoi j’appuierai le projet de loi C-15. Je vous remercie.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants, qui subissent et subiront des pertes de revenus pour des raisons liées à la pandémie.

Tout d’abord, je tiens à rendre hommage aux militaires canadiens membres de l’OTAN qui ont perdu la vie récemment en Nouvelle-Écosse. En tant que membre de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN, je suis très touché par cet événement.

Je tiens, une fois de plus, à rendre hommage à toutes les victimes qui n’ont malheureusement pas été épargnées par cette crise de la COVID-19 et aussi à offrir mes pensées les plus sincères à toutes les familles endeuillées par la disparition prématurée d’un ou de plusieurs de leurs proches.

Je veux profiter de cette occasion pour remercier de tout cœur ceux et celles qui continuent de travailler courageusement, dans des conditions souvent difficiles et parfois inhumaines, pour assurer les services essentiels dont les Canadiens ont besoin, et souligner l’arrivée de nos militaires, qui sont à l’œuvre dans les résidences de personnes âgées au Québec et ailleurs au Canada.

Chers collègues, comme je l’avais déjà mentionné lors de ma précédente allocution dans cette Chambre, je suis une fois de plus très inquiet relativement à la capacité du gouvernement à gérer notre économie et notre sécurité dans ce contexte de crise. Les choix qui ont été faits par le gouvernement libéral en ce qui a trait à la sécurité, la santé et l’économie soulèvent de nombreuses questions qui demeurent sans réponse.

Chers collègues, je me questionne moi-même sur l’attitude que le gouvernement a adoptée face aux signaux pourtant évidents et aux informations qu’il avait reçues concernant une pandémie annoncée provenant de la Chine. Dès la mi-janvier, le gouvernement du Canada a été alerté de la menace potentielle d’une crise sanitaire à venir par ses propres services de renseignement et par l’OMS. Pourquoi avoir fait le choix d’envoyer des équipements de protection individuelle en Chine, des équipements qui provenaient de nos réserves? Il y a quelques années, un comité sénatorial avait présenté un rapport dans lequel il faisait part d’une sérieuse inquiétude relativement au niveau de risque important que pouvait représenter une pandémie de cette nature au Canada.

Le choix du gouvernement de fournir notre équipement médical à la Chine a affaibli notre capacité à protéger notre personnel de la santé, tout en mettant directement en danger la sécurité de toute la population canadienne face à une pénurie de matériel médical. Était-ce le seul choix que le gouvernement pouvait faire? En tant que gouvernement minoritaire, pourquoi l’opposition n’a-t-elle pas été consultée à ce sujet?

À la mi-mars, lorsque nous avons commencé à instaurer des mesures exhaustives de distanciation sociale partout au pays, le gouvernement a annoncé l’introduction d’une subvention salariale de 10 % pour les entreprises. Les entreprises concernées ont immédiatement dénoncé la mesure, car elle a été jugée tout à fait inadéquate en raison de l’ampleur de la crise.

Ainsi, quelques semaines plus tard, il a fallu rappeler le Parlement pour adopter l’instauration d’une subvention salariale multipliée par cinq, fixée à 75 % dans sa nouvelle version, et demander par la même occasion aux entreprises de rappeler leurs employés. Cet exercice a rapidement fait la démonstration flagrante d’une absence de consultation du gouvernement auprès des entreprises.

L’autre sujet d’actualité qui devrait préoccuper l’ensemble de mes collègues ici présents est la gestion hasardeuse de nos frontières. Au début du mois de mars, alors que la crise sévissait déjà à travers le monde et que plusieurs pays fermaient leurs frontières, le gouvernement s’est entêté à garder les nôtres ouvertes, malgré les demandes soutenues de l’opposition officielle.

Après que la population a exercé des pressions, le gouvernement a enfin, après beaucoup trop de temps, décidé de fermer nos frontières. Voilà un autre choix contestable et fortement dénoncé, quand on sait que les premiers cas de COVID-19 venaient de l’étranger.

Encore une fois, le Canada aurait pu être un chef de file dans les circonstances. Pourtant, une fois de plus, les mauvaises décisions de ce gouvernement nous coûteront extrêmement cher en argent et, malheureusement, en vies perdues.

Je rappelle ces éléments à cette Chambre, car, en ce moment même, depuis une semaine en fait, le gouvernement a décidé par décret d’élargir l’accès au Canada aux demandeurs d’asile. Cela signifie que nous avons déjà de nombreux demandeurs d’asile à nos portes qui proviennent de la frontière canado-américaine et que, par conséquent, nous prenons le risque de recevoir des personnes infectées par la COVID-19 au Canada. Je songe par exemple au point d’entrée de Saint-Bernard-de-Lacolle, situé non loin du chemin Roxham, situé à la frontière avec l’État de New York, qui est actuellement très durement touché par ce virus.

Jean-Pierre Fortin, président national du Syndicat des douanes et de l’immigration a déclaré, et je cite :

Nos agents soulèvent énormément de questions par rapport à leur sécurité, leur santé. Ces gens ont transité par plusieurs pays avant de se rendre à la frontière, les chances qu’ils soient possiblement infectés sont plus grandes.

Pourquoi le gouvernement est-il si pressé de rouvrir nos frontières? Pourquoi prend-il volontairement le risque de mettre sa population en danger alors que nous avons encore de la difficulté à contenir la pandémie chez nous, que nos travailleurs de la santé sont exténués et que trop de vies sont déjà menacées?

Chers collègues, nous devons questionner le gouvernement sur ses choix qui peuvent compromettre la sécurité publique et la santé de la population canadienne, celle qui inclut les membres de votre famille, vos conjoints, conjointes, enfants et petits-enfants. L’importance de protéger la sécurité et la santé de notre population se mesure par notre volonté et notre devoir communs, qui font honneur au privilège de siéger à la Chambre haute.

Toujours sur le thème de la sécurité publique, je veux revenir sur un sujet sur lequel je m’étais déjà exprimé. Je n’ai toujours reçu aucune réponse à mes interrogations sur la manière dont la Commission des libérations conditionnelles libère ses détenus et la surveillance qu’elle exerce dans nos collectivités.

Lors de ma précédente allocution, j’avais abordé le cas d’une victime qui s’était sentie lésée par notre système de justice en apprenant l’annulation de la participation des observateurs aux audiences devant la Commission des libérations conditionnelles. La participation des victimes et des proches de victimes aux audiences visant les demandes de libération conditionnelle est un droit fondamental pour ces personnes, un droit qui leur est refusé en raison de la pandémie de COVID-19.

Il y a quelques jours, Mme Lisa Freeman, une résidante d’Oshawa dont le père a été assassiné, m’a contacté pour me faire part de l’injustice dont elle est victime. Malgré son insistance et même si elle en a le droit, elle s’est vu refuser d’assister à l’audience de libération conditionnelle du meurtrier de son père, sous prétexte que la commission n’autorise plus la présence d’observateurs à cause de la pandémie. Bizarrement, on constate que, dans l’enregistrement de l’audience qui lui a été fourni par la Commission des libérations conditionnelles, deux observateurs étaient présents, notamment l’agent de libération conditionnelle du meurtrier.

La Charte canadienne des droits des victimes confère aux victimes des droits fondamentaux, dont le droit à la participation. La Commission des libérations conditionnelles ne respecte pas les principes de cette charte, laquelle, il est important de le rappeler, a préséance sur les règlements de la commission en raison de son statut de charte « supraconstitutionnelle ». Pourtant, dans ce même contexte de crise sanitaire, le ministre de la Sécurité publique n’hésite pas à invoquer la Charte canadienne des droits et libertés afin de remettre en liberté prématurément des criminels incarcérés.

Cependant, ce qui me préoccupe le plus, honorables sénateurs, c’est la réponse donnée par le ministre Blair au député de la circonscription de Mme Freeman, Colin Carrie, qui lui rapportait ce non-respect des droits des victimes commis par la commission. Le ministre aurait déclaré qu’il avait donné une directive pour que les victimes puissent assister aux audiences via Internet. Pas plus tard qu’hier matin, l’ombudsman des victimes d’actes criminels nous confirmait qu’aucune directive du ministre n’avait été reçue à son bureau. Pourtant, cela fait plusieurs semaines que les victimes se plaignent d’être désormais exclues des audiences de la commission. Il y a quelqu’un qui a menti à Mme Freeman : soit le ministre Blair, soit ses fonctionnaires. Chose certaine, avec ce ministre, c’est devenu une habitude d’ignorer les droits des victimes.

Il y a un autre sujet préoccupant. J’ai pu lire récemment dans le quotidien La Presse que certains pénitenciers du Canada assistent à une éclosion de la COVID-19 dans leurs établissements. À l’heure actuelle, nous n’avons aucune information sur le nombre de personnes libérées ni sur le type de délinquants qui ont été libérés. Nous n’avons aucune information sur les moyens que le gouvernement a mis en œuvre pour surveiller les délinquants qui peuvent représenter un danger immédiat pour la sécurité des Canadiens.

En date du 25 avril, le Service correctionnel du Canada avait signalé 244 cas d’infection à la COVID-19 dans les établissements correctionnels à travers le Canada et, heureusement, un seul décès sur près de 14 000 délinquants incarcérés.

Les membres du personnel du Service correctionnel du Canada sont des intervenants de première ligne, et, comme tous les autres travailleurs de première ligne, ils méritent eux aussi notre reconnaissance et notre respect pour leur travail inlassable et leur dévouement dans un milieu qui les met en danger.

Cependant, la question de savoir pourquoi le ministre a si rapidement opté pour une solution basée sur la libération de délinquants qu’il identifie comme des « délinquants non dangereux » reste sans réponse, alors que les trois quarts des détenus canadiens contaminés se trouvent au Québec et que la quasi-totalité des pénitenciers canadiens n’éprouve aucun problème lié à la pandémie actuelle.

Chers collègues, il ne faut surtout pas oublier que, lorsqu’on parle de délinquants fédéraux, nous ne parlons pas de petits délinquants. Près du quart d’entre eux purgent une peine d’emprisonnement à perpétuité ou une peine indéterminée. Les trois quarts qui restent purgent, pour la plupart, des peines pour des crimes commis avec une arme à feu ou pour des infractions liées aux gangs de rue, à des agressions sexuelles, à des crimes graves liés au trafic de stupéfiants, y compris des crimes comme le vol et l’introduction par effraction.

Comment un ministre de la Sécurité publique peut-il être persuadé que des délinquants incarcérés pour avoir enfreint sévèrement les règles de la société se mettraient tout à coup à les suivre, ne serait-ce que par respect des règles découlant de la distanciation sociale, une fois libérés dans la communauté?

Comment un ministre de la Sécurité publique peut-il croire que des détenus libérés prématurément dans vos communautés, sans perspectives d’emplois, s’y intégreront en toute sécurité? Incohérence ou incompétence?

Devant ce constat, il est important de mettre en garde ce ministre et le gouvernement.

La Commission des libérations conditionnelles du Canada est un tribunal administratif indépendant habilité par la loi à exercer son mandat sans intervention politique. Ces pouvoirs lui sont confiés par la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, et le ministre n’a pas l’autorité de donner des ordres ni à la commission ni à la présidente de la commission. S’il l’a fait ou s’il le faisait, ces libérations ne seraient plus conditionnelles, elles seraient politiques.

Chers collègues, le gouvernement libéral nous avait promis de la transparence dès le début de cette crise. Il est préoccupant de constater un grand manque d’information et de transparence sur des questions aussi importantes que la sécurité publique. Les réponses évasives à mes questions au ministre de la Sécurité publique lors de notre précédent échange ne m’ont pas convaincu et, surtout, sont loin de me rassurer.

En une période de crise comme celle que nous vivons, il n’y a pas pire situation que le manque de transparence. Je doute que le ministre Blair puisse relever ce défi.

Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas écouté les recommandations de l’opposition, comme celle visant à doter notre système carcéral de ressources et de moyens adéquats pour assurer la sécurité des pénitenciers et limiter la libération des détenus?

Dans un article que j’ai lu cette semaine, j’ai été interpellé, mais pas surpris par le fait que certains détenus ont reçu la Prestation canadienne d’urgence en utilisant des moyens frauduleux. Des agents carcéraux du centre de détention de Trois-Rivières ont intercepté des chèques de la PCU destinés à des détenus. C’est assez troublant quand on sait que d’honnêtes travailleurs attendent toujours, en ce moment, de recevoir cette PCU. Voilà encore un signe de l’improvisation de nos dirigeants.

À titre de parlementaires, nous devons rester vigilants. L’autorité et les pouvoirs que nous confions au gouvernement doivent être limités dans le temps. Je suis satisfait de la clause de temporisation prévue dans le projet de loi C-15, qui a été réclamée et obtenue par l’opposition officielle à l’autre endroit.

À titre de parlementaires, nous ne devons certainement pas encourager le gouvernement à s’engager prématurément dans des voies inappropriées.

À mesure que la crise évolue, le gouvernement peut de moins en moins invoquer la nécessité d’agir avec empressement. La population canadienne est en droit d’obtenir des réponses à ses questions, d’exiger de son gouvernement d’être responsable, rigoureux et aussi transparent que responsable. Je sais que tous les sénateurs et toutes les sénatrices feront preuve de vigilance et de diligence en ce sens.

Merci.

L’honorable Jim Munson [ - ]

Honorables sénateurs, en ce 1er mai, nous en sommes presque à notre 50e jour de confinement — le 1er mai.

La crise de la COVID-19 en est maintenant à sa deuxième saison au Canada. Pour la plupart d’entre nous, la crise a commencé quand le temps était encore à la neige. Beaucoup de Canadiens prévoyaient des escapades vers la fin de l’hiver, tandis que d’autres portaient encore une tuque. Il y a encore de la neige au sol dans certaines régions du pays, mais l’arrivée du printemps se fait sentir partout autour de nous. À l’instar de la nature, nous nous sommes adaptés et nous avons changé pour rester en santé.

Les saisons changent, et la main-d’œuvre du Canada aussi. L’été est à nos portes, et la mesure législative d’aujourd’hui vise les travailleurs les plus jeunes du pays, c’est-à-dire les étudiants.

Le Groupe progressiste du Sénat appuie le projet de loi C-15, Loi sur la prestation canadienne d’urgence pour étudiants. Je souhaite que les étudiants aient suffisamment d’argent pour subvenir à leurs besoins de base et pour poursuivre leurs études l’an prochain. Les étudiants avaient besoin d’aide, et le gouvernement a réagi en conséquence.

Malgré cette aide financière, les étudiants vont devoir acquérir de l’expérience de travail pour les aider à planifier leur avenir. Les emplois pour étudiants sont essentiels, non seulement parce qu’ils leur permettent de s’acheter des manuels scolaires et de profiter de soirées où la bière n’est pas chère, mais aussi parce que les jeunes ont ainsi l’occasion de mieux comprendre leurs points forts et leurs aptitudes.

Même s’ils ne sont pas ici, un certain nombre de sénateurs suivent nos débats. J’aimerais citer la sénatrice Lillian Dyck, de la Saskatchewan, une ancienne professeure d’université émérite. Elle veut être sûre que ses paroles figureront au compte rendu. Voici ce qu’elle dit : Certains sénateurs craignent que des étudiants décident de rester à la maison et qu’ils refusent des emplois s’ils réalisent qu’ils peuvent gagner un peu plus d’argent en empochant la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants. Toutefois, cela suppose que les étudiants ne sont pas assez intelligents pour savoir qu’un emploi peut leur procurer de l’expérience de travail et leur obtenir des lettres de recommandation pour de futurs emplois. S’ils réussissent à dénicher un emploi cet été, ce sera tout un exploit. De futurs employeurs en seront conscients et ils pourraient fort bien accorder une cote plus élevée à ces étudiants.

Ce sont les paroles de la sénatrice Lillian Dyck, qui nous écoute de la Saskatchewan. J’aimerais faire écho à ses sentiments. Je suis convaincu que les étudiants préféreraient de loin travailler.

Honorables sénateurs, j’espère que nous ne perdrons pas de vue le fait qu’il ne s’agit pas seulement de remplacer un revenu. Nous devrons chercher des solutions créatives pour aider les étudiants à acquérir l’expérience professionnelle qu’ils souhaitent et dont ils ont besoin une fois que ces restrictions de distanciation sociale seront levées.

En attendant, je me réjouis des commentaires des sénateurs Cotter et Harder. Si vous réécoutez ce qu’ils ont dit, vous constaterez qu’ils ont des idées concrètes qui valent la peine d’être explorées. J’espère que le gouvernement porte attention à ces idées novatrices des deux sénateurs.

Malheureusement, les étudiants ne sont pas les seuls à rater des occasions de travail ou de revenus en raison de la pandémie. Parmi les 20 % de Canadiens ayant un handicap, beaucoup souffrent d’isolement, de manque de ressources et de problèmes de santé mentale.

Les amendements que l’autre endroit a acceptés concernant le projet de loi C-15 m’encouragent. La mesure législative accorde aux étudiants handicapés un soutien financier supplémentaire, à hauteur de 2 000 $ par mois. Elle prévoit également un soutien et des solutions visant les personnes handicapées et les personnes âgées concernant les dépenses extraordinaires engagées en raison de la crise de COVID-19. Cependant, l’aide financière n’est qu’un morceau du casse-tête.

Avant la pandémie, nous savions que 45 % des personnes ayant une déficience intellectuelle se sentaient seules, comparativement à 10,5 % des Canadiens en général.

Pour les Canadiens handicapés, la distanciation sociale se traduit par une diminution des services et des soins spécialisés. Les personnes ayant des besoins particuliers sont inquiètes, car les ressources, déjà sollicitées au maximum, sont rationnées dans l’ensemble du réseau. Elles ont dû mettre une croix sur leurs sorties sociales et sur leurs perspectives d’emploi depuis que les centres sans rendez-vous, les services de répit familial et les programmes de soin de jour ont cessé leurs activités. Elles ne savent plus à quoi se raccrocher, tandis que leurs proches ploient sous le stress, les responsabilités et le fardeau des soins à prodiguer jour et nuit.

Les personnes handicapées qui vivent dans des centres d’hébergement de longue durée et des foyers collectifs subissent elles aussi les effets de la solitude et les contrecoups du tarissement des ressources en santé. Survivant avec un minimum de soins et incapables de sortir de leur chambre, elles n’en sont pas moins terrifiées à l’idée d’attraper la COVID-19, car les risques d’infection sont beaucoup plus élevés dans ce genre d’endroit.

J’en ai visité un grand nombre au fil des ans. Prenons l’exemple d’une personne autiste qui habite dans un de ces centres d’hébergement à long terme. Qu’il soit situé dans une maison de banlieue d’Ottawa, à Orléans par exemple, ou à Aurora, en Ontario, les services offerts doivent être individualisés. C’est absolument nécessaire, car on parle ici de gens anxieux, incapables de s’exprimer ou dépressifs. Tout cela dans un tout petit espace. Imaginez-vous vivre et travailler dans un endroit pareil; vous sentiriez-vous protégés?

Jonathan Marchand, qui est atteint de dystrophie musculaire et qui habite dans un centre d’hébergement de longue durée du Québec, a dit ceci : « À l’heure où on se parle, nous vivons dans l’isolement total, extrême. »

Jonathan craint que, alors même que le gouvernement commence à lever les restrictions, les établissements de soins de longue durée soient les derniers endroits où tout redeviendra comme avant la pandémie.

Il dit : « On ne voit pas la lumière au bout du tunnel. »

Je pensais justement aux paroles de la ministre Qualtrough, elle qui est une championne de la cause des personnes handicapées, comme la communauté de ces personnes le confirmera. Le projet de loi C-81, qui porte sur l’accessibilité et que nous avons adopté au Sénat, sera, j’ose l’espérer, un symbole d’espoir et, pendant cette période, il servira de modèle pour le traitement futur de toutes les personnes handicapées. Par contre, j’ai été frappé par les paroles de la ministre lorsqu’elle a parlé des énormes lacunes dans les établissements de soins de longue durée au Canada — des énormes lacunes et du manque de réglementation. À mon avis, ce sont parfois la déréglementation et la privatisation qui sont à l’origine de ces lacunes. J’ai entendu la ministre raconter les histoires d’horreur qu’elle a entendues. Ainsi, à mon avis, il faut vraiment repenser comment nous allons traiter les gens qui ont des handicaps à l’avenir.

La crise nous donne la possibilité de constater où nous avons échoué. Profitons de cette prise de conscience pour nous améliorer. Selon moi, les employés des établissements de soins de longue durée doivent être mieux formés et qualifiés, et ils méritent des emplois à temps plein mieux rémunérés. Je parle de postes à temps plein dans un même établissement, pour que les employés n’aient pas à se rendre d’un endroit à un autre. Nous savons ce qui s’est produit dans les établissements de soins de longue durée, où les employés sont mal rémunérés et vont d’un établissement à un autre pour travailler : le virus s’est propagé. On constate la même chose dans des centaines de foyers pour personnes handicapées un peu partout au pays.

Il leur faut — maintenant et pour toujours — suffisamment d’équipement de protection personnelle pour assurer leur sécurité. Nous avons manqué à notre devoir envers les travailleurs et, partant, envers les personnes qui comptent sur eux. Il fallait donc s’attendre à cette tragédie.

Je tiens à remercier les sénatrices Deacon, St. Germain et Seidman de leurs interventions et de leur appui. Elles ont rappelé qu’il ne fallait pas oublier la réalité des personnes handicapées au pays. Nous devons toujours prêter attention aux personnes handicapées.

Les travailleurs des établissements de soins de longue durée font plus que nourrir les personnes handicapées et leur apporter des soins personnels et des services médicaux. Ils sont aussi des compagnons. Ils assurent une liaison avec la famille et permettent l’accès des personnes handicapées à la collectivité. Ils sont indispensables aux personnes qu’ils servent.

Aujourd’hui, je profite de cette tribune très publique pour remercier chaque travailleur du domaine des soins de longue durée et des soins personnels pour leur dévouement et l’attention qu’ils portent à nos êtres chers. Merci.

Je sais cependant que la meilleure façon d’exprimer notre gratitude est de travailler pour faire changer les choses.

En Ontario, environ 3 000 personnes habitent dans des établissements de soins de longue durée en raison d’une déficience. On estime que plus de la moitié d’entre elles ont moins de 65 ans. Comme Jonathan, au Québec, un grand nombre d’entre elles préféreraient avoir de l’aide à domicile pour pouvoir habiter avec leur famille, là où elles se sentiraient chez elles et pourraient participer à la vie de la collectivité. Il faut les écouter.

Honorables sénateurs, je conclus en disant que je regarde vers l’avenir. Il faut changer la façon dont nous nous occupons des Canadiens qui ont une déficience intellectuelle ou physique. Il faut tout revoir. Il faut examiner la façon dont on traite les Canadiens les plus vulnérables, plus particulièrement dans les établissements de soins de longue durée.

Une prise de conscience s’impose au Canada en ce qui concerne les soins aux personnes ayant une déficience permanente, un important groupe qu’on a oublié. Merci.

L’honorable Marty Deacon [ - ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019).

L’annonce de cette prestation fédérale visant à aider les jeunes Canadiens me réjouit, mais elle nous pousse aussi à avoir une discussion essentielle sur la situation des étudiants et de leur famille.

Depuis deux mois, à quoi ressemble le monde pour les étudiants? Une pandémie. Un virus inconnu. Des écoles fermées. Le train-train quotidien est totalement chamboulé.

À ce temps-ci de l’année, les étudiants s’apprêtent normalement à passer à autre chose. Les étudiants de niveau postsecondaire devraient être sur le point de fêter la fin de l’année scolaire et être en train de se préparer à occuper un emploi pendant l’été. Habituellement, les finissants du secondaire perpétuent des traditions, comme les cérémonies de remise de prix d’excellence scolaire ou sportive ou de diplômes, ainsi que les fêtes qui marquent la fin des études secondaires. Au lieu de cela, ces jeunes sont isolés socialement, physiquement et émotionnellement de leurs amis et de leur réseau de soutien social. Cela peut sembler insignifiant par rapport à la crise actuelle, mais c’est un rite de passage qu’ils n’auront pas la chance de vivre.

Les élèves qui terminent leurs études secondaires sont stressés. Ils ne suivent pas leurs derniers cours avec rigueur, ils ne savent pas avec certitude comment ils sont évalués, et nombre d’entre eux attendent de voir si on acceptera leur demande d’inscription à un programme de formation universitaire ou collégiale, à un programme d’apprentissage ou à un autre programme, et ils essaient de trouver des solutions.

Cette situation aura sur eux des répercussions encore impossibles à évaluer. Tous les jeunes qui envisagent des études postsecondaires ou qui se préparent en vue de celles-ci doivent vivre avec énormément d’incertitudes. Ils se demandent : « Comment puis-je payer mes droits de scolarité et mes frais de subsistance sans m’endetter, sans crouler sous le fardeau des dettes d’études? Quelles seront les répercussions de cette crise sur mon avenir? Est-ce que cela en vaut la peine? L’emploi d’été que je comptais occuper a disparu. Comment pourrai-je trouver une source de revenus dans les quatre prochains mois? Comment puis-je m’attendre à de l’aide de la part de mes parents, alors qu’ils ont perdu leur revenu et qu’ils doivent soutenir mes grands-parents et mes frères et sœurs? À qui puis-je m’adresser? Comment puis-je demander de l’aide en personne en cette période d’isolement? »

Ce sont les questions que se posent les jeunes ayant une bonne situation à la maison. Or, pour certains jeunes, l’école est un moyen de fuir un foyer dangereux. Elle offre un réseau de soutien. C’est un endroit où ils peuvent chercher de l’aide et où leurs enseignants peuvent détecter les signaux d’alarme. Alors que le taux de violence familiale est en hausse maintenant que la population est forcée de rester chez elle, je pense constamment aux séquelles que cela laissera sur ces jeunes.

J’ai eu l’occasion de parler à des militants, à des parents, à des étudiants et à des administrateurs d’universités. J’ai appris que tout le monde s’adapte au fait que l’issue de la crise nous est inconnue. Durant ces conversations, j’ai pris conscience que la situation actuelle a engendré des pressions financières et émotionnelles diverses et complexes notamment pour des familles monoparentales à revenu unique, des récents migrants qui commencent seulement à se familiariser avec le Canada, ainsi que des familles s’occupant d’enfants ayant un handicap intellectuel ou physique ou des problèmes sociaux, et qui en sont venus à considérer les écoles comme des fondements de leur vie quotidienne. Voilà uniquement quelques-uns des facteurs qui limitent une participation et un accès complets et équitables aux études secondaires et postsecondaires.

Nous sommes aussi bien conscients de ce que nous avons besoin de plus de jeunes inscrits dans des domaines où on prévoit une pénurie de main-d’œuvre, comme les technologies de l’information et de l’environnement et l’intelligence artificielle et aussi dans les métiers spécialisés. Il est primordial que les étudiants poursuivent leurs études si nous voulons éviter de prendre davantage de retard. Nous avons besoin d’étudiants qui ont foi en leur avenir, en leur capacité à trouver et à mener une carrière, à fonder une famille et à posséder un logement. La COVID-19 a amené bon nombre d’entre eux à remettre en question leurs grandes ambitions.

La mesure législative dont nous débattons est source d’espoir pour nos étudiants. On estime que 2,4 millions de jeunes Canadiens vont en bénéficier. La Fédération canadienne des étudiantes et des étudiants a remercié le gouvernement d’être à l’écoute des besoins criants des étudiants, ajoutant qu’elle avait été patiente et était contente que le gouvernement prenne cette mesure afin de leur fournir une aide bien nécessaire.

Cela étant dit, elle espère que les étudiants étrangers recevront bientôt de l’aide, d’une manière ou d’autres. De nombreux étudiants étrangers n’ont pas été en mesure de rentrer chez eux. Non seulement ils sont loin de leurs familles, mais en plus ils ont perdu leurs emplois et n’ont pas accès à beaucoup d’autres formes de soutien financier. Les étudiants étrangers contribuent à l’économie canadienne, et ils aimeraient être admissibles à ces prestations d’urgence.

J’ai été heureuse de voir que les négociations à l’autre endroit ont permis d’accroître la prestation mensuelle versée aux étudiants handicapés et à ceux qui ont une personne à charge, et que le montant est maintenant équivalent à celui de la Prestation canadienne d’urgence. Toutefois, ce qui m’inquiète encore, c’est que de nombreux étudiants qui auraient droit à cette aide bonifiée en raison d’un handicap ne la recevront pas. La réalité, c’est qu’il y a beaucoup d’étudiants canadiens qui ne se manifestent pas et qui ne déclarent pas leur handicap. Je les encourage à profiter de cette occasion d’obtenir une aide supplémentaire. Cet argent est là pour eux.

Comme je l’ai dit à la ministre plus tôt, j’espère que ce processus permettra au gouvernement de recueillir des renseignements plus précis sur le nombre exact d’étudiants canadiens qui ont un handicap physique ou intellectuel. Nous avons besoin de cette information.

En plus du soutien financier que ce projet de loi apportera immédiatement aux étudiants, il convient de noter que le gouvernement s’est aussi engagé à créer des dizaines de milliers d’emplois qui contribueront à notre reprise économique. Il bonifiera les subventions et les bourses existantes et lance la nouvelle Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant.

À la demande des partis de l’opposition, le gouvernement s’est également engagé à mettre en place des incitatifs pour relier les étudiants aux emplois disponibles. C’est très important. Je veux que nous comprenions tous que, si on leur en donne l’occasion, la plupart des étudiants voudront travailler pour gagner leur argent. Vous l’avez sans doute entendu une ou deux fois ici déjà. Les étudiants ne veulent pas simplement toucher un chèque mensuel en restant les bras croisés. Ils sont motivés. Ils aiment travailler et veulent acquérir de l’expérience. Mes 35 ans d’expérience dans le milieu de l’éducation élémentaire, secondaire et postsecondaire me disent qu’ils ne sont pas paresseux.

Pour un finissant du secondaire, les répercussions économiques de la COVID-19 représentent la deuxième catastrophe financière de sa jeune vie. Nous avons la mémoire longue. J’appuie les mesures que nous prenons pour aider les Canadiens — je ne vois pas d’autre choix —, mais la dette qui en découlera reposera fermement sur les épaules des jeunes d’aujourd’hui, alors même qu’ils entreprendront leur carrière.

Du côté de la santé, en ce moment même, des laboratoires partout sur la planète se démènent pour trouver un vaccin contre la COVID-19. Ce n’est pas la seule urgence sanitaire qui touche les jeunes. Dans les dernières années, les mouvements anti-vaccination se sont multipliés, la résistance des pathogènes aux traitements antimicrobiens s’est accrue en raison de l’utilisation abusive des antibiotiques dans la chaîne alimentaire et dans le système de santé depuis des décennies. La fin de l’efficacité des antibiotiques pourrait signifier la fin de certaines interventions chirurgicales essentielles, comme des greffes d’organes, en raison des risques d’infection. Elle pourrait contraindre une mère à faire un choix entre sa santé et celle de son bébé à naître pour une simple césarienne de routine. On reviendrait à une époque où une coupure ou une égratignure pouvaient mener à une situation beaucoup plus grave.

Et puis, évidemment, nous savons tous qu’il y a les changements climatiques. Nous avons vu ce que sept semaines de perturbations peuvent faire à l’économie canadienne. Des millions de Canadiens ont perdu leur emploi, des entreprises ont fermé leurs portes, et certaines ne les rouvriront jamais.

Souhaitons que cette crise nous sorte de notre apathie, et nous fasse réaliser que nous ne pouvons pas simplement éviter les répercussions dévastatrices des changements climatiques. Nous allons éventuellement trouver un vaccin contre la COVID-19, et nous pourrons reprendre nos activités dans un cadre plus normal, mais il n’y aura pas de solution aux changements apportés par le réchauffement du climat. Par rapport à une vie humaine, de tels changements seront permanents. C’est l’occasion pour nous tous de faire ce qui s’impose. Notre pays a besoin de renouveau. Nous devons servir notre patrie.

Si je vous dis tout cela, chers collègues, c’est parce que les jeunes Canadiens sont touchés par la présente crise, et le seront par les prochaines. Nous leur servons souvent de beaux discours, mais nous avons tardé à agir. Beaucoup d’entre nous n’auront jamais à subir toutes les répercussions de cette crise. Mais la COVID-19 nous a fait prendre conscience de la fragilité de notre mode de vie, et nous a montré que l’histoire humaine ne s’accompagne pas toujours d’une amélioration de la santé et de la prospérité. Nous sommes réunis ici aujourd’hui pour aider nos étudiants. Ne les oublions pas lorsque nous retrouverons notre nouvelle normalité, quelle qu’elle soit. Si nous voulons vraiment assurer un avenir meilleur à nos jeunes, à chacun d’entre eux, nous devons intensifier nos efforts et relever ces défis. Si nous ne le faisons pas, le temps qu’ils soient capables de les relever eux-mêmes, il sera peut-être trop tard.

L’honorable Leo Housakos [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants. J’aimerais utiliser mon temps de parole aujourd’hui moins pour commenter le projet de loi que pour aborder certains des éléments plus généraux de la réponse du gouvernement à la crise actuelle.

Je suis préoccupé par le fait que la réponse du gouvernement se limite principalement à ce qu’il connait le mieux, c’est-à-dire dépenser d’énormes sommes d’argent et accorder aux fonctionnaires et aux ministres un pouvoir étendu, voire sans précédent, pour non seulement dépenser cet argent, mais aussi décider exactement qui y a droit et quels montants ils recevront. Sa réponse se limite aussi à des mantras familiers concernant la voie que nous emprunterons à l’avenir, qui semble mener vers une plus grande mondialisation, un appareil gouvernemental plus lourd et, du même coup, une réduction de la surveillance démocratique et parlementaire à mesure que le gouvernement s’élargit.

Ces approches sont perceptibles — du moins en partie — dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui. Par exemple, ces mesures impliqueront certainement des dépenses considérables. Nous en ignorons la somme exacte, parce que la somme de la prestation et le nombre de bénéficiaires ne sont pas encore connus. Toutefois, on peut s’attendre à des dépenses supplémentaires d’au moins 9 milliards de dollars.

Le projet de loi confère également au ministre d’importants pouvoirs en matière de désignation des bénéficiaires. Le montant de la prestation sera fixé par règlement. Les établissements d’enseignement postsecondaire bénéficiaires seront fixés par règlement et le montant qu’une personne pourra gagner tout en restant admissible à la prestation sera fixé par règlement. Toutes ces questions relèveront entièrement du ministre et de ses fonctionnaires.

Je suis heureux que mes collègues conservateurs de l’autre Chambre aient réussi, du moins partiellement, à imposer quelques limites au vaste pouvoir réglementaire discrétionnaire demandé par le gouvernement.

Plus précisément, le projet de loi comprend maintenant au moins l’exigence que le gouvernement mette tous les candidats en contact avec le Guichet-Emplois du Canada, il prévoit un examen parlementaire et il met en place une disposition de caducité. Ces dispositions imposent au moins certaines limites à l’autorité du gouvernement.

Comme je l’ai déjà dit, je n’ai pas d’objection à aider les gens dans le besoin pendant la crise actuelle. C’est nécessaire et légitime.

Ce qui me préoccupe, c’est la tendance à procéder autant que possible par règlement, avec un minimum de surveillance et une attitude assez cavalière à l’égard des dépenses, qui caractérise l’approche de ce gouvernement. C’est pourquoi je soupçonne que le gouvernement croit pouvoir nous tirer d’affaire pendant la crise simplement en augmentant les dépenses. Jusqu’à maintenant, je n’ai rien vu qui me porte à croire qu’il se questionne sérieusement pour comprendre comment nous en sommes arrivés là et comment éviter une crise aussi terrible à l’avenir.

Au cours des cinq dernières années, le gouvernement a alourdi la dette fédérale de plus de 100 milliards de dollars. Cela signifie que nous nous trouvions dans une position plus précaire au début de la crise qu’en 2015. De plus, le directeur parlementaire du budget affirme qu’un quart de billion de dollars de plus s’ajoutera à la dette fédérale dans les années à venir.

Voilà pourquoi je soupçonne que le gouvernement croit qu’il n’a qu’à dépenser pour se sortir de la crise actuelle. À ce jour, rien n’indique qu’on tente sérieusement de découvrir comment on en est arrivé là et comment éviter une telle crise majeure à l’avenir.

Je vois plutôt un gouvernement et ses partisans qui se replient en terrain connu. Par exemple, qu’est-ce que la crise actuelle nous révèle sur les lacunes du programme mondialiste du gouvernement en place? Qu’a-t-on appris sur la façon dont il abordé les relations avec des régimes qui ont été peu disposés à transmettre des informations nécessaires au cours de la crise? Le gouvernement et ses partisans expriment-ils la moindre volonté de poser de telles questions? Parce que, ne vous méprenez pas, les Canadiens poseront assurément de telles questions très bientôt.

Nous savons que la crise actuelle a rélévé l’incurie de l’Organisation mondiale de la santé. Nous savons avec certitude que de nombreux acteurs importants, notamment l’immunologiste Maria Van Kerkhove et, bien sûr, le Dr Li Wenliang, qui est mort tragiquement des suites du virus, ont tenté de donner des avertissements clairs concernant la propagation rapide du virus. Pourtant, à la mi-janvier, l’OMS a publié un gazouillis qui citait des études chinoises selon lesquelles il n’y a « pas de preuve évidente de transmission interhumaine ». Le moins qu’on puisse dire, c’est que nous savons maintenant à quel point c’est faux.

Nous savons également que le 22 janvier, le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé, composé notamment d’experts canadiens, était partagé quant à savoir si la situation justifiait la déclaration d’une urgence de santé publique de portée internationale. Nous savons que la décision prise par le comité le 22 janvier a été grandement influencée par la Chine, qui s’opposait fermement à une telle déclaration.

Le professeur Wesley Wark, éminent expert canadien du domaine de la sécurité et du renseignement ayant témoigné plusieurs fois devant le Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense, a déclaré :

Essentiellement, lorsque nous avons commencé à obtenir des renseignements provenant de la Chine à propos de l’épidémie à Wuhan, nous dépendions entièrement d’une seule source d’information. Les renseignements provenaient des autorités chinoises, étaient contrôlés par l’État, et véhiculés par l’entremise de l’Organisation mondiale de la santé.

Je ne dis pas que cela doit nous mener à une prise de position austère quant à la relation du Canada avec l’Organisation mondiale de la santé, mais, à tout le moins, cela devrait nous obliger à demeurer aux aguets par rapport aux défauts de l’organisation et aux réalités politiques qui gouvernent son fonctionnement.

Cela dit, je ne vois pas de telle honnêteté et de telle franchise de la part du gouvernement. À preuve, plus tôt aujourd’hui, la ministre a essentiellement balayé du revers de la main une question simple que je lui ai posée, répondant des « je ne sais pas ». Nous ne comprenons tout simplement pas pourquoi, malgré ses défauts, l’Organisation mondiale de la santé semble avoir entièrement défini le moment et la nature de l’intervention du Canada.

Certains États — comme Taïwan — ont adopté leur propre approche nationale en fonction d’analyses qui ne reposaient pas entièrement sur les dictats de l’OMS, comme ce fut le cas ailleurs dans le monde. On a par la suite constaté que ces approches étaient beaucoup plus fiables.

Israël a également adopté des mesures nationales fermes dès le début, avant même qu’un premier cas de COVID-19 y soit détecté. Ces mesures comprenaient des contrôles serrés à la frontière dès la fin janvier, des mesures de distanciation sociale en février et des mesures pour accroître les stocks d’équipement médical et d’équipement de protection. Un pays comme la Grèce, à deux pas de l’Italie, l’épicentre en Europe, a adopté des mesures similaires. Tous ces pays ont été bien moins touchés que nous et que d’autres pays.

Le Canada n’a pris aucune de ces mesures. Nous n’avons rien fait, parce que nous nous en sommes remis aux analyses multinationales de l’OMS. Je crois qu’il y a lieu de se questionner à ce sujet, chers collègues.

Dernièrement, j’ai lu un commentaire du sénateur Harder dans un article au sujet du multilatéralisme. Le sénateur se plaignait de l’écroulement collectif du multilatéralisme.

D’après moi, il y a une bonne raison à cet écroulement. Dans sa forme actuelle au sein des institutions existantes, le multilatéralisme nous a tout simplement laissés tomber pendant cette crise. Je crois que le Sénat devrait être à l’avant-garde du questionnement sérieux qui semble de plus en plus nécessaire en raison de la crise en cours.

Les voici : Comment allons-nous nous protéger contre une crise sanitaire mondiale semblable, à l’avenir? Quelles mesures devons-nous prendre pour avoir un meilleur niveau de préparation aux situations d’urgence au Canada que celui dont nous avons été témoins ces derniers mois? Quelles mesures devons-nous prendre pour améliorer la sécurité frontalière et pour réagir rapidement et avec souplesse à une crise future qui émanera de l’étranger? Quelles mesures devons-nous prendre pour déterminer les biens qui sont essentiels à la sécurité nationale et pour veiller à ce que nous ayons des chaînes d’approvisionnement régionales ou nationales sûres qui répondent à nos besoins? Quelles leçons devons-nous tirer de la crise actuelle pour réduire notre vulnérabilité aux problèmes mondiaux qui menacent la sécurité? Enfin, comment pourrons-nous réaliser tous ces objectifs et rétablir l’économie canadienne, qui va très mal actuellement, vu les revenus nationaux de plus en plus restreints et limités?

Chers collègues, voilà des questions importantes auxquelles nous devons réfléchir afin de trouver des solutions pour les Canadiens.

Certaines personnes hésiteront peut-être à accepter que les revenus soient plus limités au cours des années à venir, mais je crois qu’il nous incombe à tous de commencer à faire face à des réalités financières difficiles. J’ajouterais que nous devons comprendre que nous sommes entrés dans une nouvelle ère où les choix ne seront pas aussi faciles à faire qu’ils ont pu l’être par le passé. Comme je l’ai dit, je crois que le Sénat doit être à l’avant-plan pour ce qui est de l’étude de ces questions, et que cette étude doit être menée de façon réaliste et prudente.

Cet examen doit être représentatif de l’opinion publique canadienne. C’est le rôle d’un Parlement national, et certainement celui de cette Chambre haute.

À ce chapitre, j’aimerais citer un récent article du professeur Philippe Lagassé, de l’Université Carleton :

[...] la pandémie a créé des conditions propices à la réalisation d’un idéal démocratique naguère insaisissable où des idées, et non des factions, s’affrontent pour façonner les politiques gouvernementales, et où les données probantes ont le dernier mot [...]

C’est davantage le gouvernement par les érudits que le gouvernement par le peuple [...] nombreux sont ceux qui insistent pour dire que ce n’est pas le moment que le Parlement siège ou que les partis politiques jouent leur rôle habituel [...] ce qui devrait nous rendre plutôt mal à l’aise [...] La vitesse à laquelle il est possible de museler le Parlement et le peuple devrait donner matière à réflexion. La politique partisane et les institutions représentatives demeurent la pierre angulaire de la démocratie canadienne.

Naturellement, chers collègues, vous savez tous que je partage ce point de vue. Le Sénat doit prendre les devants et examiner les enjeux émanant de la crise que nous vivons, et bon nombre de difficultés ne feront que s’aggraver avec le temps. Nous devons toutefois agir de manière à ce que tous les Canadiens, peu importe leur allégeance politique, puissent participer pleinement à ce débat national. Je le répète, nous devons travailler avec diligence afin de trouver des réponses à certaines de ces questions difficiles.

L’honorable Julie Miville-Dechêne [ - ]

D’emblée, je suis convaincue qu’il faut aider les étudiants durant la crise de la COVID-19. Je crois toutefois que le rôle des gouvernements est de soutenir en priorité les étudiants issus de milieux plus modestes, qui sont handicapés ou qui ont des responsabilités familiales.

Les étudiants venant de milieux plus défavorisés sont encore bien moins nombreux à poursuivre leurs études que les étudiants issus de familles plus aisées. Au Québec, 179 000 étudiants, soit le tiers de tous les étudiants des niveaux collégial et universitaire, recevaient une aide financière en 2016-2017. De toute évidence, ce sont eux qui ont le plus besoin de soutien. Doubler le montant des bourses est donc une excellente idée.

À mon avis, ce qui est préoccupant dans les mesures de soutien annoncées, c’est qu’il y a une différence fondamentale entre la Prestation canadienne d’urgence disponible pour les travailleurs qui ont perdu leur emploi en raison de la pandémie — une aide conditionnelle et vérifiable par l’examen du feuillet T4 — et la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants qui, elle, est offerte à tous les étudiants qui déclarent avoir cherché un emploi, quel que soit le revenu qu’ils ont gagné antérieurement ou leur éligibilité à des prêts et bourses.

Au Québec, en 2016, le taux d’emploi des étudiants de 15 à 24 ans durant les mois d’étude se chiffrait à 45 %, un taux qui est parmi les plus élevés au pays. Ce taux d’emploi a grimpé à 52 % pendant la saison estivale. Cela signifie donc que des milliers d’étudiants québécois qui n’ont jamais travaillé l’été pourront aspirer à la prestation s’ils attestent avoir cherché un emploi.

Je suis consciente du fait que, dans l’urgence, il est plus compliqué de cibler certaines catégories d’étudiants. Comment alors minimiser l’effet économique incontestable de la PCUE, qui est de ne pas inciter les étudiants à travailler?

Selon les calculs de revenus disponibles de deux économistes de l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout et Suzie St-Cerny, qui ont été publiés hier, l’étudiant québécois qui travaillerait cet été 21 heures par semaine gagnerait 336 $ de moins par mois que celui qui bénéficierait de la prestation. Par ailleurs, il est plus avantageux pour un étudiant d’obtenir la prestation tout en gagnant moins de 1 000 $ par mois que de travailler à temps complet, au salaire minimum, 35 heures par semaine.

Cela ne veut certainement pas dire que les étudiants choisiront forcément la facilité, mais il s’agit d’un risque. Selon un sondage pancanadien commandé en 2014 par la sénatrice Diane Bellemare, 61 % des répondants de 18 à 34 ans ont affirmé pouvoir vivre sans être obligés de travailler. Les résultats de ce sondage semblent indiquer que le goût de travailler se développe souvent avec l’âge.

Je voudrais répondre brièvement à mes collègues les sénateurs Harder et Woo. Avoir des réserves face aux modalités des prestations pour étudiants ne signifie pas, du moins dans mon cas, que j’ai une vision caricaturale et négative de l’éthique du travail de tous les étudiants. Cela dépend des étudiants. Les étudiants ne forment pas un bloc monolithique où tous ont les mêmes réflexes. Il existe malheureusement quelques indices inquiétants, et nous ne pouvons pas tomber dans l’angélisme.

Au Québec, le gouvernement et des employeurs ont sonné l’alarme, car ils constatent déjà les difficultés de recrutement attribuables à l’annonce de la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants. La compagnie d’irrigation montréalaise Waterwell affirme, et je cite :

Le recrutement de travailleurs a toujours été difficile, on travaille dans un secteur très physique. Mais cette année, le taux de réponse, c’est presque zéro ! On dit qu’il n’y a plus d’emplois, mais ce n’est pas vrai.

Sylvain Terrault, président de l’Association des producteurs maraîchers du Québec, est très inquiet, car, selon lui, il est impensable de former tout l’été des étudiants qui ne travailleront qu’à temps partiel pour conserver leur prestation.

Dans le secteur de la santé, le Québec vit une douloureuse pénurie de main-d’œuvre dans les résidences pour personnes âgées et les hôpitaux. Les étudiants qui voudront offrir leurs services à temps partiel pour ne pas perdre leur prestation ne seront pas embauchés, car on cherche des travailleurs à temps plein pour éviter un trop grand roulement de personnel et un danger accru de contamination.

Afin de donner un signal clair aux étudiants, le gouvernement fédéral a ajouté dans la deuxième mouture de son projet de loi une exigence d’attestation à l’effet que le demandeur a cherché un emploi. J’ai demandé des précisions sur la portée de cette attestation au ministère fédéral de l’Emploi, et on m’a expliqué que c’est un système basé uniquement sur l’honneur, sans autres formalités. Il n’est pas question, m’a-t-on dit, de demander aux étudiants d’inscrire dans leur demande de prestation auprès de quels employeurs précisément ils ont fait des démarches pour trouver un emploi.

J’ai été encouragée par les propos de la ministre Carla Qualtrough, qui a dit plus tôt qu’elle examinera l’idée de demander à ces étudiants de faire état dans le formulaire de leurs demandes d’emploi. Espérons que le gouvernement pourra corriger certaines lacunes du projet de loi et le peaufiner par voie de réglementation afin de limiter ses effets pervers.

Pour les étudiants qui vivent dans des régions du pays où il n’y aura pas d’emplois disponibles, la situation est totalement différente, et la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants servira de bouée de secours, en plus de contribuer à réinjecter de l’argent dans l’économie. Pour les autres, j’espère que mes inquiétudes s’avéreront exagérées et que les étudiants répondront à l’appel des employeurs. Le Québec a choisi de rouvrir en mai une partie de l’économie, les besoins en main-d’œuvre reprennent, et la contribution des jeunes à la reprise cet été est essentielle. Ce n’est pas seulement une question monétaire, mais aussi une question de sens civique. Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ - ]

Avant de parler du projet de loi C-15, dont nous sommes saisis aujourd’hui, j’aimerais exprimer mes plus sincères condoléances aux familles québécoises qui, jour après jour, voient la pandémie faucher des résidants des CHSLD. Hier encore, 92 résidants de ces centres sont morts. Qui plus est, cette tendance durera encore plusieurs jours, voire des semaines, alors que plus de 4 000 résidants de ces centres sont atteints de la COVID-19.

En janvier dernier, j’ai moi-même perdu mon père, qui vivait dans un excellent centre de soins de longue durée. Même si ses facultés étaient diminuées, il jouait encore un rôle important dans la vie de son épouse, de ses enfants et de ses petits-enfants. Contrairement à toutes les familles qui pleurent en ce moment la perte d’une mère ou d’un père, nous avons pu lui rendre un dernier hommage. Aujourd’hui, non seulement la pandémie emporte-t-elle des parents dans des conditions parfois affreuses, mais elle les prive de la possibilité de derniers adieux et de funérailles convenables.

À tous ceux et celles qui doivent aujourd’hui vivre ces drames, je souhaite courage et espoir dans des jours meilleurs. À tous ceux et celles qui s’occupent des personnes qui habitent dans ces centres, j’offre toute mon admiration et mes remerciements sincères.

Je passe maintenant au contenu du projet de loi C-15.

Il ne fait pas de doute que la pandémie justifie l’imposition de mesures sanitaires sans précédent afin de protéger non pas notre système de santé, mais la vie d’un maximum de personnes. Ces mesures ont paralysé largement l’économie canadienne, nous plongent dans une récession, ont perturbé le fonctionnement normal de la société, des villes et des régions et ont bouleversé la réalité quotidienne des familles, des personnes malades et des personnes qui vivent seules.

Il s’agit de millions de pertes d’emplois, de millions de familles qui s’inquiètent de leur avenir, de millions de personnes qui vivent des troubles anxieux tout à fait compréhensibles, de millions d’étudiants privés d’école et d’enseignement, et de combien de femmes et d’enfants qui sont exposés à la violence familiale exacerbée par le confinement dans des espaces restreints.

Bon nombre des séquelles de cette pandémie ne disparaîtront pas rapidement ni facilement. Ce sera le cas, notamment cet été, de centaines de milliers d’étudiants et d’étudiantes à travers le pays qui n’auront pas la possibilité d’occuper des emplois occasionnels qui leur permettraient de gagner des sous afin de financer leurs études et de répondre à leurs besoins.

Il est donc normal que notre pays, dans la poursuite de la justice sociale, tente de compenser pour les inconvénients que subiront ces jeunes personnes qui seront, malgré elles, privées temporairement de la possibilité de travailler. Il s’agit d’une mesure à court terme dont l’objectif n’est pas de remplacer notre approche en matière de programmes sociaux ou encore moins d’établir un revenu de base minimum. C’est une question trop complexe qui relève d’ailleurs des élus de la Chambre des communes et des élus des législatures provinciales.

Je rappelle en passant que l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867 établit clairement que les projets de loi comportant des mesures financières doivent émaner de la Chambre des communes, et non pas du Sénat. Si un débat doit avoir lieu sur un revenu minimum garanti, c’est chez les élus qu’il doit se faire. Il est trop important et trop grave pour ce qui est des conséquences financières. Cela dit, l’objectif du projet de loi C-15, qui est une mesure temporaire, m’apparaît tout à fait souhaitable et je l’appuie avec enthousiasme.

Cependant, il faut s’assurer que ce nouveau programme d’aide, si louable soit son objectif, ne résulte pas en des effets pervers non souhaitables. Ma collègue la sénatrice Miville-Dechêne en a parlé précédemment; la réglementation qui est en voie d’être adoptée par le gouvernement pour encadrer la mise en œuvre de ce programme doit faire en sorte qu’il encourage les demandeurs à considérer d’abord des options d’emploi et, parfois même, à considérer des options d’emploi dont ils ignoraient l’existence. Ainsi, je me réjouis de l’engagement du gouvernement en vue de faire connaître les postes disponibles et de diriger les personnes qui demandent l’aide vers la liste des emplois disponibles près de chez eux.

De même, j’invite le gouvernement à faire en sorte que ce programme soit complémentaire aux programmes mis en place par les provinces. Il ne faudrait surtout pas que la mise en place de ce nouveau programme d’aide aux étudiants stérilise les programmes incitatifs mis en place par les provinces. J’ai particulièrement en tête les efforts du gouvernement du Québec, auxquels ma collègue la sénatrice Saint-Germain faisait référence plus tôt, pour appuyer le personnel de l’industrie agroalimentaire.

Plus particulièrement, comme je l’ai fait lors de la période des questions avec la ministre, j’invite le gouvernement à faire en sorte que le montant hebdomadaire de 100 $ offert par le gouvernement du Québec à ceux qui acceptent de devenir temporairement des travailleurs agricoles soit considéré non pas comme un salaire pour les fins du règlement, mais comme un bénéfice provincial distinct qui ne doit pas être pris en considération dans le calcul du montant de 1 000 $ qui peut être gagné chaque mois sans être pénalisé.

Je demande aussi à la ministre de reconsidérer le modèle proposé de « tout ou rien » pour le 1 000 $ gagné. Ne serait-il pas préférable d’adopter un système à pourcentage qui inciterait les gens à gagner plus et dont le total serait de 2 000 $, comme pour la Prestation canadienne d’urgence? Ainsi, un étudiant pourrait gagner 1 500 $ et recevoir en plus 500 $ en vertu de la prestation pour étudiants.

Enfin, il me semble que le gouvernement devrait reconsidérer la possibilité d’inclure les étudiants étrangers, comme ceux qui ont travaillé en toute légalité l’été précédent au Canada et qui résident toujours au Canada et qui sont inscrits dans une université pour un programme qui débutera en septembre 2020. Ces gens vivent parmi nous, travaillent ici avec nous et devraient être éligibles à ce programme parce qu’ils continuent d’étudier chez nous.

En conclusion, je remercie à l’avance la ministre et le gouvernement de considérer ces éléments alors qu’ils mettent la dernière main à un programme temporaire, mais fort important.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Rosa Galvez [ - ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-15 et commenter le plan d’intervention économique mis en place par le gouvernement dans le but d’atténuer les répercussions de la pandémie de COVID-19.

Le projet de loi C-15 porte sur un autre programme d’aide financière d’urgence visant à aider les étudiants canadiens. Le premier ministre Justin Trudeau, à tort ou à raison, a essayé de justifier sa décision de ne pas instaurer un revenu de base garanti pour l’ensemble des Canadiens. Il a dit que l’approche de son gouvernement consiste à essayer de cibler l’aide financière d’urgence par étapes, afin de soutenir ceux qui en ont le plus besoin, plutôt que tout le monde à la fois. De fait, les travailleurs, les étudiants et les PME entrent dans cette catégorie. Ils font partie de ceux qui ont besoin d’une aide d’urgence.

Toutefois, la nature compartimentée de l’aide financière occasionne deux problèmes. D’une part, bien des Canadiens touchés par la crise de la COVID-19 sont laissés pour compte. D’autre part, il est important de s’assurer que ces mesures sont appliquées de manière juste et transparente.

Cette semaine, à la Chambre des communes, le premier ministre a fait volte-face sur la question du soutien aux compagnies qui sont impliquées dans l’évitement et l’évasion fiscale. J’exhorte le gouvernement à s’engager, durant cette crise, à entreprendre des actions concrètes pour endiguer les échappatoires fiscales et, plus largement, pour assurer l’équité fiscale afin de financer justement cette relance économique après la COVID-19. Cela est d’autant plus nécessaire que le directeur parlementaire du budget estimait, dans son rapport rendu public hier, que les mesures d’aide fédérales, bien qu’essentielles, pourraient se solder par une dette dépassant 48 % de notre PIB. Cette dette sera payée par la génération d’étudiants que l’on décide d’aider aujourd’hui.

Les gouvernements de la France, du Danemark et de la Pologne ont banni les compagnies faisant des affaires dans les paradis fiscaux des mesures de sauvetage liées à la COVID-19. La France et le Danemark empêchent aussi les compagnies qui reçoivent de l’aide de l’État d’utiliser ces fonds pour payer des dividendes aux actionnaires ou racheter leurs propres actions. Ces conditions sont entièrement nécessaires pour éviter les erreurs commises dans les sauvetages corporatifs précédents.

Nous sommes tous au courant et nous sommes tous conscients de la dette que nous contractons pour offrir cette aide et il nous faut trouver des solutions pour récupérer ces revenus perdus.

L’organisme Canadiens pour une fiscalité équitable estime que le Canada perd au moins 8 milliards de dollars chaque année en raison du contournement fiscal corporatif par l’offshorisation. Dit simplement, récupérer cet argent aurait pu presque entièrement financer les mesures de soutien aux étudiants contenues dans le projet de loi adopté aujourd’hui et dont nous aurons bien besoin.

Alors que nous devons soutenir tous les Canadiens qui subissent cette crise, le gouvernement doit prendre des mesures pour s’assurer que le financement fédéral n’aille pas engraisser les profits des compagnies et des dirigeants de sociétés qui ont évité de payer leur juste part.

On peut être rassurés par la déclaration de la ministre Lebouthillier concernant les sociétés qui ont des revenus de plus de 5 millions de dollars; si elles demandent la subvention salariale, elles feront l’objet de vérifications additionnelles de la part de l’Agence du revenu du Canada. Cependant, est-ce que ce sera la même chose pour les sociétés qui auront recours aux mesures d’aide d’Exportation et développement Canada, de la Banque de développement du Canada et du Compte du Canada? Est-ce que l’Agence du revenu du Canada communiquera à ces entités les renseignements des particuliers et des sociétés qui font l’objet d’une enquête? Quelles sont les conditions rattachées à l’aide aux sociétés?

Lors de la 42e législature, le sénateur Percy Downe a présenté le projet de loi S-243, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé), une simple mesure très efficace qui pourrait aider à cerner, à suivre et à évaluer les iniquités fiscales chroniques. J’avais appuyé cette initiative sans hésiter.

Le fait que la ministre Lebouthillier ait choisi de ne pas adopter de mesures de la sorte est fort décevant pour tous les Canadiens.

Tout expert financier qui se respecte vous dira qu’il faudrait interdire les rachats d’actions par les sociétés, les primes aux dirigeants, les parachutes dorés et le versement de dividendes aux actionnaires pendant au moins quelques années.

En outre, les entreprises qui reçoivent de l’aide devraient limiter la rémunération globale d’un gestionnaire ou d’un dirigeant à 1 million de dollars.

Plus tôt cette année, le Centre canadien de politiques alternatives soulignait que, en 2018, les 100 PDG canadiens les mieux payés ont gagné 227 fois plus d’argent que le travailleur moyen, dépassant tous les records précédents et contribuant à l’inégalité croissante des revenus au Canada.

Honorables collègues, l’intervention d’urgence en réponse à cette crise doit soutenir les gens, et non le privilège d’une élite. Nous avons été témoins de cette pratique il n’y a pas si longtemps; nous devons mettre en place des mécanismes pour l’éviter.

Honorables collègues, je crains que le cadre législatif actuel ne prévoie pas des conditions strictes et une transparence pourtant essentielles. Bien avant la crise, Exportation et développement Canada, un véhicule majeur de l’aide aux entreprises en réponse à la COVID, faisait l’objet d’une verte critique, notamment de la part de nul autre que l’ancien ministre du Commerce Jim Carr, qui, dans une entrevue accordée au Globe and Mail en septembre 2019, a dénoncé des erreurs et exhorté l’organisme à « améliorer son bilan au chapitre des droits de la personne, de la transparence et de la lutte contre la corruption ».

Au-delà d’Exportation et développement Canada, les règles de transparence des entreprises du Canada sont parmi les moins strictes du G20. Nous devons remédier à cela. Nous avons un défi de taille à relever en matière de transparence de la gouvernance, et j’espère que cette crise nous motivera à y arriver. Je suis impatiente de collaborer avec le gouvernement et mes collègues du Comité des finances nationales à l’égard de ces questions très importantes.

Je m’inquiète aussi que les personnes à faibles revenus ou vulnérables qui dépendent des dizaines de programmes d’aide ne puissent recevoir les prestations auxquelles elles ont droit si elles ne soumettent pas leurs déclarations de revenus avant l’échéance, une obligation presque impossible à satisfaire depuis la fermeture des comptoirs d’impôts gratuits à cause de la pandémie. J’enjoins le gouvernement à lever les conditions en matière de production de déclarations de revenus ou de repousser encore une fois l’échéance pour soumettre ces dernières.

J’aimerais terminer ma présentation en citant un article publié le 27 avril par la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, l’IPBES.

L’article présente une réflexion sur les mesures mises en œuvre pour répondre à la crise de la COVID-19. En voici un extrait :

Il peut être politiquement opportun à l’heure actuelle d’assouplir les normes environnementales et de soutenir des industries telles que l’agriculture [mécanisée] intensive, le transport longue distance comme les compagnies aériennes et les secteurs de l’énergie dépendant des combustibles fossiles, mais le faire sans exiger de changement[s] immédiat[s] et fondamentaux, subventionnera l’émergence de futures pandémies.

Chers collègues, appuyons le changement vers une société et une économie plus inclusives, plus équitables, plus propres et plus durables.

L’honorable Donna Dasko [ - ]

Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-15, Loi concernant la prestation canadienne d’urgence pour étudiants (maladie à coronavirus 2019). De plus, c’est merveilleux de vous voir. Je suis très heureuse de vous retrouver aujourd’hui.

Selon une entente entre les partis à l’autre endroit, la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, qui constitue un investissement de 5,2 milliards de dollars de mai à août, accordera 1 250 $ par mois aux étudiants admissibles et 2 000 $ aux étudiants admissibles qui ont des personnes à charge ou qui sont handicapés.

Les dépenses prévues dans cette mesure législative sont accompagnées d’une promesse d’investissement de 3,8 milliards de dollars de plus en bourses, en financement de la recherche et en reports de prêts sans intérêt, mais ces fonds ne sont pas prévus dans le projet de loi d’aujourd’hui.

Je remercie la ministre d’être ici aujourd’hui. Je la remercie de ses observations et, même s’il est évident que la mesure législative comporte des lacunes et que certains éléments sont encore inconnus, je crois que nous devons l’appuyer aujourd’hui.

La mesure législative est une étape importante pour fournir aux jeunes la confiance financière dont ils ont besoin en ces temps difficiles.

Sénateurs, je me rappelle lorsque mes enfants ont obtenu leur diplôme d’études secondaires et leur grade universitaire, il y a quelques années à peine. C’était inoubliable. La transition entre les études postsecondaires et le marché du travail est particulièrement importante et elle devrait être stimulante pour les jeunes. Des recherches ont toutefois démontré que lorsque des diplômés arrivent sur le marché du travail alors que l’économie est en perte de vitesse ou en récession, les effets négatifs peuvent durer toute une vie. J’ai beaucoup pensé à cela en examinant cette mesure législative.

Nous avons tellement exigé des jeunes, ces derniers mois, tandis que nous nous concentrions sur la crise sanitaire et les plus vulnérables, les aînés. Nous avons demandé aux jeunes de mettre leurs aspirations de côté, de mettre leur vie en attente et de rester à la maison. Imaginez à quel point il doit être difficile de faire tout cela à 18 ans. Même si nous devons soutenir financièrement les étudiants en ce moment, nous devons aussi rebâtir l’économie canadienne afin d’ouvrir aux plus jeunes générations les perspectives pour lesquelles elles ont travaillé si fort et qu’elles méritent.

Ce programme d’aide nous rappelle que la crise de la COVID-19 a touché pratiquement tous les segments et toutes les couches de la société canadienne. Jusqu’à présent, le gouvernement fédéral a accordé presque 150 milliards de dollars d’aide directe aux particuliers ainsi qu’aux entreprises de nombreux secteurs. Par ailleurs, l’équivalent de 85 milliards de dollars a été accordé en reports d’impôt sur le revenu et de taxe de vente, sans oublier les quelque 500 milliards de dollars avancés pour soutenir les liquidités.

Les coûts sont énormes. Néanmoins, je trouve que les prévisions de l’Agence de la santé publique du Canada sont encourageantes, et pas uniquement parce que j’adore les algorithmes. Les recherches révèlent que les Canadiens ont, dans l’ensemble, pris des mesures appropriées pour atténuer la crise causée par la COVID-19, et qu’il y a certainement des raisons d’être optimistes.

Comme d’autres crises mondiales, celle que nous vivons actuellement a engendré son lot de pronostiqueurs. Certains futurologues envisagent la prochaine décennie ou le prochain siècle et prédisent la fin de la mondialisation et du multilatéralisme parce que les États prennent des mesures protectionnistes et se recentrent sur eux-mêmes à cause de la crise. Certains voient une montée de l’autoritarisme alors que d’autres prédisent l’opposé, considérant que la crise débouchera sur une nouvelle ère de développement durable et de sociétés plus justes où il y aura moins de pauvreté et d’inégalités.

Je trouve ces prévisions soit troublantes soit fascinantes, mais lorsque j’envisage l’avenir, je ne vois ni dystopie ni utopie. Comme je suis une personne plutôt pratique, je vois l’occasion pour le Canada de faire de véritables améliorations dans sa façon de fonctionner dans l’avenir. Alors que nous nous employons à rebâtir l’économie nationale et à remédier aux lacunes dans le système de santé, penchons-nous également sur trois secteurs mis à mal au cours de la pandémie, où j’estime possible de faire des changements positifs.

Premièrement, la pandémie a exposé de la pire des façons les conditions déplorables dans lesquelles se trouve le secteur des soins aux aînés au Canada. Par exemple, le nouveau rapport de l’Agence de la santé publique nous a révélé que 79 % des morts causées par la COVID-19 ont un lien avec les conditions dans le secteur des soins de longue durée. Des spécialistes nous ont appris que, en ce qui concerne les résidences pour personnes âgées, l’état des soins est attribuable aux conditions de travail. Les piètres conditions de travail donnent lieu à des soins de mauvaise qualité, tandis que de bonnes conditions de travail favorisent des soins de bonne qualité. Il faut améliorer la formation, offrir de meilleurs salaires, employer plus de personnel et mettre en place de meilleures mesures de contrôle et de surveillance dans les établissements de soins aux aînés de l’ensemble du pays.

Bien que le secteur relève des provinces, si le gouvernement fédéral se montrait plus audacieux, il pourrait jouer un rôle majeur en tirant parti de son pouvoir de dépenser, comme il le fait à l’égard de la Loi canadienne sur la santé, afin de créer les conditions nécessaires pour améliorer la réglementation, renforcer la surveillance, accroître l’échange de renseignements et assurer un financement plus important et plus stable. C’est ce que nous devrions envisager.

Cette crise a aussi révélé un deuxième problème, soit notre façon de traiter les données sur la santé. Oui, je parle bien des données. C’est aussi simple que cela. Nous devons améliorer la façon dont nous recueillons les données, dont nous les utilisons et dont nous les diffusons.

Commençons par celles que nous n’avons pas. Nous ne recueillons par exemple aucune donnée permettant de connaître les effets ou les ramifications de la crise en fonction de la race. Ailleurs dans le monde, la recherche a permis de constater des différences et des inégalités en fonction des origines ethniques et raciales, mais ici, nous n’avons rien qui nous permette de faire une telle analyse. Qu’en est-il des travailleurs à faible revenu? Y a-t-il des différences selon le type d’occupation? Les travailleurs de certaines catégories sont-ils plus à risque que d’autres? Certains groupes sont-ils plus susceptibles que d’autres de guérir de la maladie? Il nous manque tout un paquet de données dont nous aurions pourtant cruellement besoin.

C’est également très difficile de comparer les données d’une province à l’autre. Selon Michael Wolfson, qui a déjà été statisticien en chef adjoint du Canada, le manque de données comparables nous empêche de bien endiguer la crise. Si nous les avions, ces données nous aideraient à déterminer quand nous devrions permettre aux entreprises et aux écoles de rouvrir leurs portes ou quand relancer l’économie. Nous pourrions aussi savoir où lever d’abord les mesures d’éloignement physique, et dans quelle mesure. Bref, nous pourrions prendre bon nombre de décisions importantes sur de meilleures bases.

M. Wolfson attribue le problème à une crainte de la transparence de la part de tous les gouvernements ainsi qu’au comportement des gouvernements provinciaux, qui protègent particulièrement leurs compétences en matière de santé et gardent jalousement leurs données. Le fédéralisme canadien est une belle chose, mais pas toujours. Le Canada a la chance de disposer de chercheurs, d’instituts de recherche, d’universités et d’épidémiologistes talentueux et de classe mondiale qui seraient capables d’effectuer les travaux de recherche et de fournir les analyses et les recommandations pointues dont nous avons besoin, mais ils ne disposent pas des données adéquates pour le faire.

Honorables sénateurs, ces problèmes de données ne seraient pas coûteux à régler. Nous fallait-il vraiment une crise pour que nous nous décidions à les régler?

Le troisième secteur à améliorer a trait à l’adoption par le Canada d’un revenu de base universel, comme le sénateur Woo l’a si éloquemment évoqué tout à l’heure. Le gouvernement fédéral devrait se joindre aux provinces pour tirer les leçons des programmes tels que la Prestation canadienne d’urgence afin de créer un système efficace de revenu minimum accessible pour tous les Canadiens.

Selon les sondages que j’ai consultés, les gens voient d’un bon œil les divers aspects d’un tel programme, alors je crois que le public y serait favorable.

Les programmes universels éliminent le travail de traitement des demandes et réduisent les coûts administratifs. L’argent peut être facilement distribué, puis il peut être récupéré avec l’impôt. Ce sont des programmes qui nous feront économiser de l’argent. En outre, un revenu de base universel fera progresser l’équité sociale et améliorera la qualité de vie.

Je suis impressionnée par le dévouement dont ont fait preuve les sénatrices Kim Pate et Frances Lankin dans ce dossier. À l’instar de nombreux sénateurs dans cette enceinte, j’appuie sans réserve leurs efforts.

Honorables sénateurs, l’équité est au cœur de la mesure législative dont nous sommes saisis aujourd’hui. Comme nous ne disposons pas d’un programme de revenu annuel de base au Canada, nous devons continuer à combler les lacunes dans la nouvelle Prestation canadienne d’urgence et les autres programmes de soutien.

En terminant, je pense que nous devrions appuyer la Prestation canadienne d’urgence pour étudiants, mais nous ne devons pas en rester là. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président [ - ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur le Président [ - ]

L’honorable sénatrice Gagné, avec l’appui de l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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