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DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS — Joseph Lewis

18 février 2020


Honorables sénateurs, en 1799, Joseph Lewis, un employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson, arrive dans un territoire qu’on appelle maintenant l’Alberta. Âgé de seulement 27 ans, il a déjà vécu une vie ponctuée d’aventures.

Né en 1772 à Manchester, au New Hampshire, Joseph Lewis, alors âgé de 20 ans, se rend à Montréal, où il se joint à la Compagnie du Nord-Ouest, la grande rivale de la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il est à l’emploi de la Compagnie du Nord-Ouest depuis quatre ans lorsqu’il décide de déserter le navire — ou devrais-je plutôt dire le canot — pour aller travailler pour la Compagnie de la Baie d’Hudson. Il signe un contrat de trois ans en tant qu’homme de barre au salaire de 20 livres par année. Après avoir pagayé et fait du portage vers l’Ouest, il arrive en Alberta pour aider Peter Fidler à fonder Greenwich House, un poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson situé près de Lac La Biche.

Autre chose intéressante au sujet de Joseph Lewis : il était Noir. Quand on pense aux voyageurs, on ne s’imagine probablement pas qu’il y avait parmi eux des Afro-Canadiens. Or, les marchands de fourrures et les explorateurs noirs font partie intégrante de notre histoire. La Compagnie du Nord-Ouest et la Compagnie de la Baie d’Hudson ont attiré des aventuriers du monde entier, de jeunes hommes énergiques et ambitieux, en quête de gloire et de fortune.

Les archives étant rares, nous ne savons pas si Lewis était un esclave en fuite ou un homme libre qui cherchait une vie meilleure que celle que lui offraient les États-Unis, un pays nouveau. Toutefois, il n’est peut-être guère étonnant d’apprendre qu’il s’est dirigé vers la frontière occidentale, où il pouvait espérer être jugé selon ses capacités, et non en fonction de sa race.

Durant l’été 1810, Lewis se joint à Joseph Howse, qui mène une expédition à travers les Rocheuses jusqu’au fleuve Columbia. Joseph Lewis n’est pas le premier Noir à franchir la ligne continentale de partage des eaux. Cet honneur revient à York, un esclave originaire de la Virginie qui a accompagné Lewis et Clark lors de leur expédition dans le Pacifique en 1803. Mais Joseph Lewis n’est la propriété de personne. Il traverse les Rocheuses, fort et libre, bien que l’esclavage ne sera pas aboli avant 30 ans dans l’Empire britannique. Lorsque les hommes faisant partie de l’expédition menée par Howse reviennent à la Edmonton House en juillet 1811, ils ramènent une grande quantité de fourrures, d’une valeur de 1 500 £. Ils disposent également de renseignements inestimables sur ce qu’ils ont vu dans l’Ouest.

Or, Joseph Lewis n’est pas le seul voyageur noir de son époque. Stephen Bonga, interprète et commerçant de fourrures, participe lui aussi à l’expédition sur la rivière Bow en 1822. Il était le petit-fils d’esclaves du Michigan. Glasgow Crawford, un autre employé noir de la Compagnie de la Baie d’Hudson, parlait anglais, français et iroquois, et a travaillé comme cuisinier et intermédiaire à Fort Chipewyan de 1818 à 1821.

Cependant, Joseph Lewis a peut-être laissé l’héritage canadien le plus durable. Lui et sa femme autochtone, dont nous ignorons malheureusement le nom, ont eu deux filles et un fils qui ont ensuite rejoint la colonie de la Rivière-Rouge, pour faire partie de la nation métisse.

Alors que nous célébrons le Mois de l’histoire des Noirs, que l’histoire de Joseph Lewis nous rappelle que l’histoire des Noirs est l’histoire du Canada, et de l’Alberta aussi.

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