Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat--Débat
18 avril 2023
Propose :
Que, en ce qui concerne le projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois, le Sénat :
a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes à ses amendements;
b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Que le Sénat prenne acte de l’intention déclarée du gouvernement du Canada que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs et de son engagement à orienter en ce sens la politique du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
— Honorables collègues, je prends la parole aujourd’hui au sujet de la motion proposant que le Sénat accepte le message de l’autre endroit en réponse aux amendements du Sénat au projet de loi C-11 et qu’il consente à ce que la loi sur la diffusion en ligne passe à l’étape de la sanction royale.
Avant de commencer mon intervention, je tiens à mentionner une personne en particulier. Malheureusement, la date de départ à la retraite du sénateur Dennis Dawson n’a pas coïncidé avec l’adoption du projet de loi, mais je tiens à le remercier une nouvelle fois pour l’important travail qu’il a accompli et pour le leadership dont il a fait preuve pour nous amener au point où nous en sommes aujourd’hui. Comme j’ai travaillé en coulisses avec le sénateur Dawson sur les projets de loi C-10 et C-11 pendant une période qui me semble maintenant très longue, je peux témoigner du fait qu’il a non seulement défendu avec ardeur le projet de loi dans cette enceinte, mais qu’il a aussi défendu le point de vue du Sénat auprès du gouvernement, tant sur le plan de la politique que sur celui du processus.
La réponse de l’autre endroit aux amendements du Sénat ne serait tout simplement pas ce qu’elle est aujourd’hui sans ses efforts constants de sensibilisation et de défense. Je ne saurais trop le remercier et je suis impatient de l’inviter au Sénat à l’occasion de la sanction royale.
Honorables sénateurs, concrètement, le Sénat peut répondre à ce message de trois façons. Il peut l’accepter, insister sur ses amendements ou faire une nouvelle proposition qui se rapporte au désaccord. Aujourd’hui, je demande au Sénat d’accepter la décision de nos confrères parlementaires de l’autre endroit, une décision qui est claire, éclairée et mûrement réfléchie, qui nous a été transmise à la suite d’un débat rigoureux et énergique dans un Parlement minoritaire, et qui accepte en partie ou en totalité près de 80 % des amendements apportés au projet de loi par le Sénat, je tiens à le préciser. En fait, l’autre endroit a accepté des amendements proposés par des sénateurs qui représentent tous les partis reconnus et tous les groupes parlementaires du Sénat.
De plus, vu l’importance de la question du contenu généré par les utilisateurs, la motion dont nous sommes saisis propose également que les sénateurs soulignent collectivement aux députés que le Sénat a pris note de l’engagement du gouvernement du Canada à ne pas appliquer le projet de loi C-11 au contenu numérique généré par les utilisateurs, ainsi qu’à donner au CRTC des orientations stratégiques en conséquence.
Pour le secteur culturel du Canada, le parcours et l’attente ont été longs, mais la ligne d’arrivée se profile à l’horizon. Les revenus de nombreux acteurs de ce secteur sont étroitement liés à l’adoption de ce projet de loi. En approuvant le message reçu de l’autre endroit, nous pourrons enfin moderniser la Loi sur la radiodiffusion en l’adaptant au monde d’aujourd’hui, et en faire une loi tournée vers l’avenir et qui sera suffisamment souple pour s’adapter à l’évolution imprévisible du monde numérique, qui a des répercussions concrètes sur la vie des artistes canadiens.
Ce faisant, chers collègues, nous permettrons au gouvernement de remplir enfin sa promesse électorale concernant la réforme de la Loi sur la radiodiffusion afin que les géants du Web contribuent à la création et à la promotion des histoires et de la musique canadiennes, un engagement qui était également inscrit dans le programme du Bloc Québécois et dans celui du Nouveau Parti démocratique lors de la dernière campagne électorale.
Dans mon discours aujourd’hui, je parlerai d’abord du contexte qui a mené à la réception du présent message, parce que ce contexte est important pour situer le débat et comprendre pourquoi il convient de soutenir la réponse donnée par l’autre endroit.
Ensuite, j’aborderai chacun des amendements proposés par le Sénat, en commençant par les nombreux amendements acceptés par nos homologues élus et en terminant par ceux que ces derniers ont étudiés, mais qui ne cadraient pas avec leur orientation stratégique.
Enfin, je ferai quelques observations au sujet du rôle du Sénat à cette étape-ci du processus parlementaire.
Chers collègues, c’est un immense honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui, parce que je crois sincèrement que le Sénat a fait de l’excellent travail au sujet de ce projet de loi, et que l’autre endroit a reconnu ce travail et en a tenu compte.
À mon avis, le message à l’étude est un autre exemple de la contribution valable que peut apporter et qu’apporte effectivement le Sénat au processus législatif. Il s’agit d’une réponse respectueuse de la part de l’autre endroit qui, une fois de plus, montre que le gouvernement est prêt à proposer à l’autre endroit d’accepter des recommandations du Sénat à l’égard de ses mesures législatives emblématiques, quelle qu’en soit l’envergure.
Le C-11 est aujourd’hui un meilleur projet de loi grâce à notre travail, et je vous félicite tous du travail que vous avez effectué sur cette mesure.
Je vais maintenant mettre un peu les choses en contexte. Selon moi, il est essentiel de comprendre comment sommes parvenus jusqu’ici pour comprendre l’enjeu. À cette étape-ci, l’étape de l’étude du message de la Chambre, il est facile de perdre la vue d’ensemble de la question. Par conséquent, une partie de mon message aujourd’hui est de ne pas se perdre dans les détails, car lorsque l’on est trop proche de l’arbre, on en vient à ne plus voir la forêt. Le C-11 est un bon projet de loi. On en a désespérément besoin et il se fait attendre depuis longtemps.
Il est important de reconnaître que les deux Chambres du Parlement ont approuvé approximativement 99 % du contenu du projet de loi C-11, seuls quelques articles demeurant contentieux. Cela dit, cela ne change rien au fait que même à cette étape-ci du processus et tant et aussi longtemps que le projet de loi n’aura pas reçu la sanction royale, l’intégralité du projet de loi C-11 — la forêt entière — est en jeu.
Permettez-moi de rappeler à mes collègues les principaux objectifs du projet de loi C-11. Avant tout, il clarifie le champ d’application de la Loi sur la radiodiffusion pour y inclure la radiodiffusion en ligne. Il actualise les politiques de radiodiffusion et de réglementation afin de mieux refléter la diversité du Canada. Il garantit un traitement équitable des acteurs du secteur par le biais de la réglementation et, pour finir, il fournit des outils modernisés pour assurer une surveillance et une mise en œuvre efficaces.
La modernisation de la Loi sur la radiodiffusion est une demande de longue date des secteurs créatifs et culturels du Canada, et elle répond aux questions qui sont au cœur des préoccupations de nombreux Canadiens, telles que le coût, la compétitivité économique, la souveraineté culturelle, l’accessibilité, les droits des consommateurs et la protection de la vie privée.
Des communautés artistiques et culturelles du pays, aussi diverses que la Guilde des compositeurs canadiens de musique à l’image, la Fédération culturelle canadienne-française et les organismes de presse autochtones, attendent avec impatience l’adoption de cette loi.
La dernière modernisation de la Loi sur la radiodiffusion remonte à 1991. Pour mettre les choses en perspective, Google a été lancé en 1998, Facebook en 2004 et YouTube en 2005. En 2007, Netflix a commencé à diffuser directement sur les téléviseurs et les ordinateurs et en 2008, Spotify a commencé à diffuser de la musique à l’échelle internationale; elle le fait au Canada depuis 2014. Chers collègues, il est grand temps de modifier la Loi sur la radiodiffusion.
Le projet de loi C-11 tire son origine du rapport préparé par le Groupe d’examen du cadre législatif en matière de radiodiffusion et de télécommunications, présidé par Janet Yale, l’une des expertes en télécommunications les plus respectées du Canada. Le groupe, mis sur pied par le gouvernement en juin 2018, a été chargé d’effectuer un examen indépendant et exhaustif des lois canadiennes en matière de communications, y compris la Loi sur la radiodiffusion, pour déterminer comment, au lieu de le mettre à jour, on pourrait adapter le cadre législatif aux nouvelles technologies de communications.
Le rapport cherchait surtout à faire comprendre l’urgence d’adapter notre cadre législatif et nos outils de réglementation pour que le Canada puisse réussir dans l’environnement numérique dynamique d’aujourd’hui.
En janvier 2020, le groupe a présenté ses conclusions et ses recommandations au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, de même qu’au ministre du Patrimoine canadien. En novembre de la même année, le ministre du Patrimoine canadien de l’époque, l’honorable Steven Guilbeault, a inclus plusieurs recommandations du rapport Yale dans le projet de loi C-10, le prédécesseur du projet de loi C-11, qu’il a déposé lors de la 43e législature. En plus de réclamer le renouvellement du cadre institutionnel, les recommandations portaient principalement sur la réduction des obstacles à l’accès aux réseaux de télécommunications évolués; le soutien à la création, à la production et à la découvrabilité du contenu canadien; ainsi que l’amélioration des droits numériques des Canadiens et le renforcement de la confiance dans l’environnement numérique.
Dans la plateforme électorale du Parti libéral du Canada en vue des élections fédérales de 2021 et dans son discours du Trône de la même année, le gouvernement s’est à nouveau engagé à moderniser la Loi sur la radiodiffusion. Un projet de loi amélioré, celui dont nous sommes saisis, a été présenté au cours de la 44e législature, en février 2022.
À l’autre endroit, le projet de loi a fait l’objet d’une étude en profondeur qui a mené à plus de 40 amendements appuyés par le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois.
Pendant ce temps, les sénateurs ont commencé leurs travaux sur cette importante mesure législative avant même qu’elle leur soit renvoyée. Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a d’abord entrepris l’étude préalable du projet de loi en juin dernier. Au cours de 31 réunions, dont 9 ont été réservées à l’étude article par article, il a entendu 138 témoins et reçu 67 mémoires. Le comité a consacré plus de 67 heures aux réunions seulement, et nous ne pouvons qu’imaginer les longues heures que les sénateurs ont passées à rencontrer des parties prenantes et à correspondre avec des Canadiens pendant la même période.
Je passe maintenant aux amendements dont il est question. Chers collègues, nos efforts ont donné des résultats. Comme il a été mentionné, le Sénat a proposé 26 amendements au projet de loi, dont 20 ont été acceptés par l’autre endroit et 2 ont été acceptés avec des modifications mineures. Si vous le permettez, je voudrais souligner les amendements que l’autre endroit a acceptés.
Le comité a notamment apporté des améliorations importantes en ce qui concerne les objectifs de la politique de radiodiffusion en rendant le projet de loi plus inclusif et mieux adapté aux besoins des communautés minoritaires. Avec les amendements qui se trouvent aux sous-alinéas 2a)(ii), 2b)(i), 2b)(iii) et 2c)(i), la sénatrice Clement a proposé des façons de mentionner les communautés noires et racisées de manière uniforme dans l’ensemble du projet de loi. Ces amendements renforceront l’inclusion des communautés noires et racisées dans le système canadien de radiodiffusion.
La sénatrice Clement a aussi proposé des amendements pour mieux inclure les peuples, les cultures et les langues autochtones dans notre système de radiodiffusion.
Avec l’amendement qui se trouve à l’alinéa 2a)(iii), le projet de loi tient compte à la fois des peuples autochtones et de l’importance à accorder aux langues autochtones dans nos efforts pour les revitaliser.
Avec l’amendement qui se trouve à l’alinéa 2c)(ii), la sénatrice Clement a proposé des modifications pour soutenir la production et la radiodiffusion d’émissions de langues autochtones, en conformité avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones et en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation du Canada.
Le comité a aussi proposé, à l’alinéa 2d), un amendement pour que le système canadien de radiodiffusion tienne mieux compte de la réalité des peuples autochtones qui vivent dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci, dans les régions urbaines et dans diverses régions géographiques du pays.
Ces amendements permettent non seulement de veiller à ce que les réalités des peuples autochtones soient mieux reflétées dans le système de radiodiffusion, mais aussi de remplir notre engagement à promouvoir la réconciliation, et ils reçoivent l’appui du gouvernement.
En plus de prêter attention aux besoins et aux réalités propres aux Canadiennes et aux Canadiens autochtones, noirs ou appartenant à d’autres groupes racisés, le comité a apporté des améliorations en ce qui a trait à la programmation en français qui profiteront aux populations francophones en situation minoritaire. Les changements proposés par le sénateur Cormier à la modification 8b) précisent ce qui constitue des « émissions de langue originale française » produites en français par rapport aux émissions produites dans d’autres langues et doublées en français. Cet amendement veillera à ce que les émissions originales qui sont doublées en français ne soient pas prises en compte dans les exigences connexes. Cet amendement bénéficie de l’appui du gouvernement.
Le gouvernement a aussi accepté une autre modification proposée par le sénateur Cormier, pour assurer la viabilité financière des radiodiffuseurs d’intérêt public — comme APTN, CPAC, ICI TOU.TV, AMI-télé et TV5 — et pour aider ces radiodiffuseurs à atteindre leurs objectifs stratégiques, qui concordent avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion en matière d’inclusion.
La modification 8a) conférera au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes le pouvoir d’attribuer des fonds à des initiatives comme le développement de technologies accessibles pour les personnes ayant un handicap, l’amélioration de la découvrabilité du contenu canadien ou la création d’outils de distribution et de monétisation en ligne pour les créateurs de contenu.
Enfin, à l’article 3 de la loi, la sénatrice Dasko a ajouté les mots « refléter les préférences et intérêts de publics variés et y être réceptif », pour qu’il soit reconnu que les objectifs canadiens en matière de radiodiffusion doivent tenir compte de la diversité du public canadien. Le gouvernement souscrit à cet objectif et a ainsi accepté cette modification.
La protection de l’intégrité du journalisme au pays est un autre domaine pour lequel le Sénat a apporté des améliorations au projet de loi. La proposition de la sénatrice Wallin visant à garantir que les objectifs politiques énoncés à l’article 3(1)d) de la Loi sur la radiodiffusion permettent de « veiller à la liberté d’expression et à l’indépendance en matière de journalisme » — ancrant ainsi davantage la liberté d’expression dans la loi — est un autre amendement qui a été accepté par l’autre endroit et par le gouvernement.
De plus, le gouvernement a accepté l’amendement de la sénatrice Simons visant à supprimer le libellé qui demandait que les émissions communautaires « favorisent la lutte contre la désinformation » et à le remplacer par l’expression « pour favoriser le journalisme local ». L’amendement de la sénatrice Simons clarifie l’intention initiale d’un amendement adopté à l’autre endroit et renforce le fait que les objectifs de la politique de radiodiffusion du Canada doivent inclure le soutien au journalisme local. Cela aidera sensiblement le journalisme au pays.
La protection de la vie privée est un autre domaine pour lequel le Sénat a apporté des améliorations importantes et des clarifications nécessaires au projet de loi. L’amendement proposé par la sénatrice Miville-Dechêne à l’article 2 vise à garantir que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou CRTC, assure une réglementation qui respecte la vie privée des personnes. Cet amendement complète un autre amendement proposé par le parrain du projet de loi au Sénat, notre ancien collègue le sénateur Dawson, à savoir l’amendement 4b). Les deux amendements vont dans le sens du témoignage rendu par le commissaire à la protection de la vie privée lors des audiences du comité, et le gouvernement les a tous deux acceptés.
Pour terminer, chers collègues, j’aimerais parler de certains amendements qui ont rendu le projet de loi plus limpide, d’autres qui sont davantage de nature technique et d’autres encore qui sont de portée plus générale.
Tout d’abord, dans les amendements 2a)(i), 2b)(iv) et 4a), la sénatrice Dasko a proposé un libellé confirmant que le système de radiodiffusion du Canada doit encourager l’innovation.
Le changement proposé par le sénateur Cormier dans la modification 2c)(iii) rétablit le libellé d’un passage de la Loi sur la radiodiffusion auquel on avait apporté des changements. Seule la mention des producteurs canadiens indépendants est conservée, afin de rapprocher le Canada de son objectif de faire croître le secteur de la production indépendante.
En ce qui concerne la Loi sur le statut de l’artiste, la modification 12 proposée par le sénateur Cormier apporte une précision à un changement apporté à l’autre endroit en indiquant que la Loi sur le statut de l’artiste ne s’applique qu’aux organisations qui relèvent de la compétence fédérale. Cette modification confère plus de souplesse à la loi et l’empêche d’empiéter sur une sphère de compétence provinciale.
Dans l’amendement 1b), le sénateur Plett a présenté une proposition en vue d’élargir la clause interprétative sur la liberté d’expression pour y inclure les créateurs, que le gouvernement a acceptée. Le gouvernement a aussi accepté un amendement présenté par la sénatrice Batters, qui harmonisera la définition du terme « décision » avec celle que donne la Loi sur les télécommunications.
L’initiative de la sénatrice Simons visant la suppression du paragraphe 7(7) augmente la clarté et fait disparaître l’ambiguïté du projet de loi. Il s’agit sans nul doute d’un amendement important. Enfin, l’amendement 10, proposé par le sénateur Quinn, exigera que les rapports de consultation du CRTC soient présentés aux deux Chambres du Parlement. Ainsi, les parlementaires, y compris les sénateurs, demeureront informés du processus de consultation du CRTC. L’autre endroit a accepté ces deux amendements.
Chers collègues, jusqu’à maintenant, j’ai expliqué 18 amendements qui ont été acceptés par l’autre endroit et qui ont été proposés par les quatre partis reconnus et les groupes parlementaires du Sénat. J’aimerais maintenant attirer votre attention sur deux autres amendements proposés par le Sénat, qui ont été acceptés avec des modifications.
Le premier amendement touche l’article 18 de la Loi sur la radiodiffusion, et il est proposé par le sénateur Cormier. Il s’agit de l’amendement 9 dans le message. En ce qui concerne cette disposition, le gouvernement propose de conserver l’exigence proposée par le Sénat de tenir des audiences publiques et de supprimer le paragraphe 2.1 de l’article 18 sur l’obligation de tenir une audience publique après qu’un règlement ou un ordre ait été rendu public. Le gouvernement rejette respectueusement cet élément de l’amendement proposé parce que le CRTC — en sa qualité de tribunal quasi judiciaire — consulte les parties intéressées avant de concevoir un règlement et non après l’avoir fait. En effet, l’objectif de tenir une audience publique est d’obtenir la preuve sur laquelle prend appui un règlement ou un ordre. Du point de vue du gouvernement, l’obligation de tenir une deuxième audience publique après la prise de décisions par le CRTC durant les audiences sur les travaux axés sur la réglementation entraînera des retards inutiles dans l’administration de la Loi. Au final, cela nuira à l’efficacité du CRTC en matière de réglementation.
En ce qui concerne le deuxième amendement accepté avec modifications proposé par le sénateur Cormier, le gouvernement propose un amendement à l’amendement 7a) du message, de manière à modifier l’article 11 de la Loi. L’amendement proposé par le gouvernement vise à souligner l’importance de soutenir les créateurs, en plus de bâtir et maintenir les secteurs créatifs canadiens. Cela permet au CRTC de veiller à ce que les Canadiens tirent profit de manière significative de l’utilisation d’une émission, peu importe laquelle, par les diffuseurs.
Pour résumer, chers collègues, le Sénat a proposé des améliorations importantes au projet de loi pour renforcer la protection de la vie privée; promouvoir l’innovation; maintenir le rôle crucial des producteurs indépendants dans notre système de radiodiffusion; accroître la production d’émissions de langue originale française; normaliser les mentions des communautés noires et des communautés racisées; mieux refléter les réalités des peuples autochtones dans le système de radiodiffusion canadien; accroître la responsabilisation du CRTC en exigeant que celui-ci dépose ses rapports devant le Parlement.
Je vais maintenant parler des quelques amendements que l’autre endroit a choisi de ne pas appuyer. Chers collègues, il est important de comprendre que dans le cadre de son débat sur le message du Sénat, l’autre endroit devait se prononcer sur les amendements proposés par le Sénat. Je souligne ce point, car il est important de comprendre que nous sommes maintenant saisis des décisions éclairées des députés concernant les amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-11.
Le gouvernement rejette respectueusement l’amendement 1a)(i) proposé par la sénatrice Batters visant à modifier la définition d’« élément communautaire ». En ce moment, cette définition englobe des entités sans but lucratif, mais aussi des canaux communautaires exploités par des radiodiffuseurs à but lucratif, Rogers par exemple, où l’entreprise accorde de l’espace de diffusion à des organismes communautaires afin qu’ils produisent leurs propres programmes.
Le gouvernement a entendu une variété d’intervenants clés, y compris des intervenants communautaires tels que l’Association canadienne des usagers et stations de la télévision communautaire — ou CACTUS en anglais —, qui ont demandé que l’on conserve le libellé « entreprise de radiodiffusion » dans la définition d’« élément communautaire », tel que proposé dans le projet de loi C-11. Le rejet de cet amendement fera en sorte que la définition dans le projet de loi et la loi fasse adéquatement référence aux éléments communautaires du système de radiodiffusion.
Le gouvernement rejette également respectueusement l’amendement 2d)(ii) proposé par la sénatrice Miville-Dechêne qui contraindrait les entreprises en ligne à mettre en œuvre certaines méthodes, notamment la vérification de l’âge, pour empêcher les enfants d’avoir accès à du matériel sexuellement explicite. Chers collègues, la protection des enfants constitue une priorité pour l’actuel gouvernement qui est impatient de présenter une mesure législative sur la sécurité en ligne, dans le but d’assurer la sécurité de l’ensemble des Canadiens en ligne. Cependant, le gouvernement estime que le projet de loi C-11 n’est pas la mesure appropriée pour atteindre cet important objectif.
Les comités parlementaires qui se sont penchés sur le projet de loi C-11 et sur sa version antérieure, le projet de loi C-10, ont entendu le témoignage de nombreux témoins sur les problèmes auxquels s’attaque le projet de loi. La sécurité des mineurs n’a pas été au centre de ces délibérations, et pour faire les choses comme il se doit, il aurait fallu entendre un vaste éventail d’intervenants qui s’occupent directement de cet enjeu et qui sont directement touchés par celui-ci. Or, ce ne fut le cas ni au Sénat ni à l’autre endroit. Compte tenu de ces raisons, le gouvernement ne peut appuyer cet amendement qui dépasse l’objectif stratégique de cette mesure législative.
Néanmoins, il vaut la peine de souligner que le projet de loi S-210 qui vise un objectif stratégique similaire en est actuellement à l’étape de la troisième lecture au Sénat et que son étude se poursuit normalement dans le cadre du processus parlementaire.
Le gouvernement rejette également l’ajout du paragraphe 46(1.1) au projet de loi que proposait le sénateur Downe, car cette disposition interdirait à CBC/Radio-Canada de diffuser au nom d’un annonceur une publicité ou une annonce s’apparentant à de la programmation journalistique. Ici encore, le rejet du gouvernement nous ramène aux objectifs centraux du projet de loi C-11 qui n’ont rien à voir avec certains enjeux importants au sujet de CBC/Radio-Canada et de son mandat. Ces enjeux sont effectivement importants et la modernisation de CBC/Radio-Canada demeure une priorité de premier plan pour le ministre du Patrimoine canadien. Toutefois, le gouvernement estime que cette modernisation doit se faire de façon globale et non à la pièce.
Bien que la publicité de marque soit une question importante, le gouvernement est d’avis que cet amendement n’est pas approprié dans le cadre de ce projet de loi. De plus, chers collègues, CBC/Radio-Canada doit être en mesure de financer ses activités grâce à la publicité et à d’autres initiatives et, en fin de compte, l’amendement proposé augmenterait probablement sa dépendance à l’égard du financement gouvernemental.
Tout compte fait, les amendements concernant la vérification de l’âge et CBC/Radio-Canada s’éloignent, de l’avis du gouvernement, de l’objectif principal du projet de loi C-11 et devraient être examinés et débattus ailleurs.
Le gouvernement est respectueusement en désaccord avec la proposition du sénateur Manning de supprimer l’alinéa 9.1(1)d) de la loi parce qu’il craint que cet amendement puisse être interprété comme limitant la capacité du CRTC d’imposer des conditions concernant la proportion d’émissions à diffuser qui sont consacrées à des genres particuliers, y compris les émissions pour enfants ou les dramatiques de langue française. Certains genres, comme les documentaires, sont des points d’entrée importants pour les talents canadiens émergents et d’origines diverses. Nous devrions également nous rappeler, chers collègues, que plusieurs intervenants, y compris l’Association des documentaristes du Canada et la Canadian Media Producers Association, ont soulevé des préoccupations au sujet de cet amendement en particulier.
Qu’il s’agisse d’histoires ou de chansons, de radiodiffusion traditionnelle ou de diffusion en ligne, la limitation des genres pourrait avoir pour effet de réduire la diversité de la programmation au Canada, et un tel résultat irait à l’encontre de l’objectif principal de la politique de la Loi sur la radiodiffusion.
Le gouvernement rejette également respectueusement la proposition du sénateur Manning, qui consiste à ajouter le paragraphe 10(1.11) à la loi, qui propose qu’aucun facteur ne soit déterminant dans l’établissement de la définition d’un programme canadien. Le projet de loi énonce les facteurs dont le CRTC doit tenir compte dans sa détermination d’un programme canadien. L’amendement risque de semer la confusion et de perturber le processus réglementaire suivi par le CRTC pour parvenir à une détermination fondée sur des données probantes de ce qu’est un contenu canadien. Il impose des restrictions qui pourraient franchement empêcher le CRTC d’établir la définition qui contribue le plus à atteindre les objectifs de la politique de radiodiffusion. Bref, le gouvernement a rejeté cet amendement parce qu’il limiterait indûment la marge de manœuvre dont dispose le CRTC pour établir la définition d’un programme canadien. À l’issue d’un processus ouvert et public, le CRTC devrait pouvoir déterminer la définition la plus efficiente, efficace et équitable à la lumière des considérations énoncées dans le projet de loi.
Enfin, nous nous penchons sur les services de médias sociaux dans le cadre du paragraphe 4.2(2) de la loi. Tant à l’étape du comité qu’à celle de la troisième lecture, la question du contenu généré par les utilisateurs sur les plateformes de médias sociaux a suscité beaucoup de discussions et d’intérêt. En réponse, un amendement a été adopté au comité et par le Sénat pour clarifier la question. Chers collègues, comme beaucoup d’entre vous le savent, de nombreuses parties prenantes qui représentent des artistes canadiens nous ont avertis que l’amendement proposé créerait une énorme échappatoire dans la loi qui permettrait aux plateformes de médias sociaux d’éviter de contribuer à la culture canadienne de manière équitable.
La liste de porte-parole de l’industrie qui ont signalé les risques que pose l’amendement au paragraphe 4.2(2) est longue. Cette liste comprend la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN), l’Union des artistes (UDA), l’Association des professionnels de l’édition musicale (APEM), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), le Regroupement des artisans de la musique (RAM), la Société de gestion collective des droits des producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes du Québec (SOPROQ), la Société professionnelle des auteurs et des compositeurs du Québec (SPACQ) et l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ).
Permettez-moi de commencer en parlant de l’élaboration de la position et du raisonnement du gouvernement dans le contexte de cette proposition.
Je commence par les objectifs législatifs primordiaux du projet de loi C-11, qui visent à moderniser la Loi sur la radiodiffusion, afin de garantir des règles du jeu justes, neutres et équitables à tous ceux qui sont engagés dans la radiodiffusion, qu’il s’agisse de radiodiffuseurs traditionnels ou de ces nouvelles plateformes de médias sociaux qui agissent en tant que radiodiffuseurs. Autrement dit, le projet de loi C-11 vise à garantir que la loi modernisée sur la radiodiffusion ne tienne pas compte de la plateforme ni de la technologie utilisée pour la radiodiffusion.
Lorsque le projet de loi C-11 a été présenté en février 2022, un élément important de l’approche proposée pour les plateformes consistait à se concentrer sur les programmes commerciaux téléversés sur ces services, assurant ainsi un traitement équitable des programmes commerciaux consommés sur diverses plateformes, qu’ils soient transmis par des stations de télévision, par des ondes radio ou sur des plateformes numériques comme Spotify ou YouTube. Le projet de loi ne vise pas à réglementer les plateformes de médias sociaux en ce qui concerne les programmes des créateurs des médias sociaux. Dans tous les cas, les règlements ou les exigences en matière de radiodiffusion imposés par le CRTC doivent refléter et respecter la liberté d’expression et les objectifs généraux énoncés à l’article 3 de la loi.
Le projet de loi C-11 prévoit que la réglementation ne s’appliquera pas dans les domaines suivants : les émissions qui ne génèrent pas de revenus; les usages quotidiens des médias sociaux, y compris l’affichage d’émissions amateurs sur ces services; les utilisateurs et les créateurs particuliers sur les médias sociaux, qui restent exemptés de la loi; et, enfin, les services de médias sociaux, sauf en ce qui concerne certaines émissions commerciales.
Le paragraphe 4.2(2) de la loi énumère trois facteurs que le CRTC doit prendre en compte pour identifier les émissions commerciales. Il tiendra compte des revenus générés par les émissions commerciales, du fait que les émissions sont disponibles sur d’autres diffuseurs traditionnels et du fait qu’un numéro de code international normalisé ait été attribué aux émissions. L’objectif de ces trois facteurs est de garantir l’équité entre les plateformes de diffusion et d’indiquer au CRTC comment appliquer l’article 4.2 en pratique.
Le projet de loi C-11 prévoit que, lorsque les plateformes de médias sociaux sont utilisées pour distribuer des émissions commerciales, elles doivent contribuer au soutien des œuvres canadiennes et de la musique canadienne. Certaines plateformes de médias sociaux agissent essentiellement comme des substituts d’autres diffuseurs, y compris les services de diffusion en continu. À ce titre, une telle plateforme aurait des responsabilités réglementaires, mais uniquement en ce qui concerne le contenu commercial qu’elle distribue sur son service.
La Loi sur la radiodiffusion modernisée ne s’appliquera pas aux particuliers qui utilisent des services de médias sociaux. Le projet de loi C-11 ne s’applique pas et ne s’appliquera pas aux contenus générés par les utilisateurs, car, en termes simples, l’utilisation d’un service de médias sociaux ne fait pas de l’utilisateur un diffuseur. Soyez assurés, chers collègues, que ce projet de loi n’entravera ni n’étouffera l’expression des voix canadiennes. Le gouvernement l’a clairement indiqué à plusieurs reprises, y compris lors des audiences de notre comité.
Comme nous le savons, au cours de l’étude du projet de loi C-11 par le Sénat, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a adopté un amendement au paragraphe 4.2(2) de la Loi sur la radiodiffusion. Lorsqu’il a été présenté, il a été déclaré que l’objectif de l’amendement était de réduire la portée des émissions qui peuvent être réglementées sur les services de médias sociaux, en mettant l’accent sur la réglementation de la musique sur les médias sociaux. Quoique bien intentionné, l’amendement, de l’avis du gouvernement, est problématique pour plusieurs raisons, et ces raisons expliquent pourquoi de nombreux intervenants, le gouvernement, le Nouveau Parti démocratique et le Bloc québécois s’y opposent. Le problème central est que l’amendement crée des échappatoires permettant aux plateformes de médias sociaux d’éviter de contribuer à la culture canadienne de manière équitable et, ce faisant, compromettrait un objectif politique essentiel de la Loi sur la diffusion continue en ligne. Permettez-moi de citer deux exemples illustrant le pourquoi et le comment de cette situation.
D’abord, comme il axe la réglementation sur les enregistrements audio dans les médias sociaux, l’amendement a une portée trop restreinte. C’est vrai, les plateformes de médias sociaux sont souvent utilisées comme solution de rechange aux autres services de diffusion de musique en continu. Or, le contenu commercial ne se limite pas aux chansons produites par les grandes maisons de disques. Il y a aussi des films entiers, des émissions de télévision, des émissions de sport, des cérémonies de remise de prix et des spectacles, qui contiennent tous de la musique. En restreignant la portée de la disposition aux enregistrements audio professionnels téléversés dans des circonstances bien précises, l’amendement proposé cherchait à rendre l’exclusion du contenu généré par les utilisateurs plus explicite.
Cependant, dans son application, l’amendement aurait créé de l’incertitude dans l’interprétation de loi et miné la nature de la Loi sur la radiodiffusion, qui est de s’appliquer à toutes les plateformes et d’être neutre sur le plan technologique, ce qui aurait pu permettre aux géants du Web de se soustraire aux obligations que leur impose la loi. Concrètement, l’amendement aurait eu pour effet de soustraire une variété de contenu audiovisuel commercial, comme la diffusion en direct de sports professionnels, les films, les émissions de télévision et même les vidéos de musique professionnels, à l’obligation de contribuer au soutien de la culture canadienne, obligation qui incombera à juste titre aux plateformes des médias sociaux. L’amendement proposé empêcherait le CRTC de bien englober ce genre de contenu, parce qu’il limiterait son action au contenu qui contient une bande sonore ou des éléments audio.
Honorables sénateurs, pensez aux exemples suivants de situations où des plateformes de médias sociaux diffusent du contenu commercial comme le feraient les radiodiffuseurs traditionnels ou les plateformes de diffusion continue en ligne. Par exemple, les manifestations sportives sont très rentables pour les diffuseurs. Des marques de commerce paient très cher pour diffuser de la publicité pendant ceux-ci. Par exemple, Facebook a acquis les droits pour diffuser en exclusivité plusieurs matchs de baseball pendant les saisons 2018 et 2019 de la Ligue majeure de baseball. Pensez à combien de millions de personnes ont regardé la finale de la Coupe du monde de 2022 en direct sur YouTube. Il y a d’autres manifestations, comme la finale du populaire Concours Eurovision de la chanson, qui sera diffusée sur TikTok pour une deuxième année consécutive. L’an dernier, elle a attiré des centaines de millions de téléspectateurs. Lorsqu’elles réalisent des profits grâce à ces activités, les compagnies de médias sociaux doivent être tenues de réinvestir dans nos créateurs et dans la création de contenu local.
L’amendement pourrait aussi ne pas atteindre son objectif d’inclure dans la loi les enregistrements sonores commerciaux diffusés par les plateformes de médias sociaux. Cela résulte du fait que l’amendement supprime la mention de la monétisation de la loi et permet que le contenu soit inclus dans le champ d’application seulement s’il est téléversé par les détenteurs de droits exclusifs. En effet, cela crée une échappatoire, puisque le contenu commercial est souvent téléversé par des tierces parties. Grâce à son système d’identification du contenu, qui verse des redevances aux détenteurs de droits sur le contenu identifié et permet de déterminer si le contenu peut rester ou non sur la plateforme, YouTube et les détenteurs de droits tirent des revenus du contenu téléversé de cette façon. Cet amendement aurait comme répercussion de réduire les obligations de YouTube de contribuer au contenu canadien. Cela serait avantageux pour le modèle d’affaires de YouTube et encouragerait la distribution de plus de contenus d’une manière qui libère YouTube des obligations que le projet de loi visait à établir.
Prenons l’exemple de la chanson populaire Big Yellow Taxi, composée par la grande artiste canadienne Joni Mitchell. En consultant rapidement YouTube, on peut voir plusieurs versions officielles de Joni Mitchell interprétant sa chanson. Celles-ci seraient clairement visées par les amendements en question. Parmi les résultats de recherche de la chanson, on trouve également des vidéos non officielles avec les paroles et des vidéos de diaporamas ayant en fond la musique de Joni Mitchell. Ces vidéos sont presque toutes téléchargées par des tiers qui n’ont aucun lien avec Joni Mitchell ni avec aucun autre détenteur de droits. Comme indiqué précédemment, le système d’identification du contenu de YouTube permet à la plateforme d’identifier ces vidéos comme contenant la musique de Joni Mitchell et donc de verser des redevances aux titulaires de droits respectifs. Toutefois, les revenus tirés de ces vidéos, que de nombreux Canadiens utilisent chaque jour pour écouter leur musique, seraient exclus en vertu de l’amendement proposé. La version originale du projet de loi offre plus de certitude au CRTC tout en continuant à exclure de la réglementation les contenus générés par les utilisateurs.
Honorables collègues, la disposition du projet de loi C-11 a été conçue de manière à assurer une certaine souplesse du système. Par exemple, le gouvernement prévoit que le CRTC doit prendre en considération les facteurs énumérés au paragraphe 4.2(2) quand il prescrit les programmes qui seront réglementés sur des plateformes en ligne, conformément à l’alinéa 4.1(2)b) du projet de loi. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le projet de loi oblige le CRTC à tenir compte des revenus générés par des émissions commerciales, si ces dernières ont été diffusées par d’autres radiodiffuseurs traditionnels, tels que CTV ou Spotify, et si on leur a attribué un numéro de code standard international.
En supprimant le critère de monétisation et en précisant que seule la musique commerciale téléchargée par les détenteurs de droits sur les services de médias sociaux ferait partie des obligations de la plateforme, les amendements proposés à l’article 4.2 établiraient un nouvel ensemble de facteurs; les objectifs centraux de la loi risqueraient alors grandement d’être compromis par l’échappatoire ainsi créée. En outre, les amendements en question limitent aussi la marge de manœuvre que la loi visait à donner au CRTC pour s’assurer qu’il exerce son pouvoir discrétionnaire d’une manière conforme aux objectifs globaux de la loi.
Chers collègues, je suis conscient que, pour certains détracteurs du CRTC, c’est effectivement l’objectif. Ils pensent que le CRTC ne devrait pas avoir autant de latitude — ou qu’il ne devrait en avoir aucune — en ce qui a trait à son application de la loi. En fait, certains sont d’avis que ni le CRTC ni aucune autre institution gouvernementale ne devrait se mêler de la réglementation des plateformes de réseaux sociaux. Ce n’est pas le point de vue du gouvernement, pas plus que celui de la majorité des députés de la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, la Loi sur la radiodiffusion ne peut être modernisée de façon efficace uniquement au moyen de l’adoption du projet de loi C-11, aussi essentiel soit-il. La mesure législative doit être complétée par des instructions en matière de politique et des règlements pour être fonctionnelle et pouvoir s’adapter aux progrès technologiques rapides. C’est nécessaire pour que le CRTC ait les outils et les instructions lui permettant de donner suite aux objectifs de la loi. Chers collègues, la disposition du projet de loi C-11 a été rédigée de façon à prévoir cette souplesse cruciale dans le régime.
Le gouvernement a reconnu dès le début que des précisions sur la portée des programmes commerciaux pouvant mener à la réglementation de plateformes en ligne seraient fournies au CRTC sous la forme d’instructions en matière de politique. Permettez-moi de prendre quelques instants pour expliquer ce que cela signifie et le processus à suivre.
Après la sanction royale, le gouverneur en conseil émettra des instructions au CRTC sur la façon d’appliquer le nouveau cadre législatif, conformément aux pratiques législatives habituelles. On publiera alors la version provisoire de ces instructions. Conformément aux exigences et à ce qui est prévu, il y aura une période de consultation d’au moins 30 jours. Pendant cette période, des intervenants et d’autres parties intéressées peuvent faire des observations, soulever des préoccupations et soumettre des recommandations à l’égard des instructions. Par la suite, on rédigera la version finale des instructions et elle sera présentée au CRTC. Je vous rappelle, honorables collègues, qu’à partir de ce moment, le CRTC mènera ses propres activités de consultation et de communication de façon indépendante. Il s’agit là d’une autre possibilité de consultation pendant laquelle l’ensemble des parties intéressées, y compris des artistes, des producteurs, des radiodiffuseurs, des plateformes de diffusion en continu, des distributeurs, des intervenants et des groupes de l’industrie, pourront donner leur avis.
En résumé, les instructions s’appuieraient sur un processus de consultation publique ouvert à propos de la formulation et de la teneur de ces instructions, mais on nuirait à ce processus important si on amendait l’article 4.2 du projet de loi comme on l’a proposé. Le choix d’ajouter des détails additionnels ou des clarifications par l’entremise d’instructions en matière de politique non seulement garantit que la formulation exacte fera l’objet de consultations publiques pertinentes, mais aussi que le système de radiodiffusion conservera une capacité d’adaptation aux percées technologiques au fil du temps. Au final, c’est exactement l’objet du projet de loi C-11.
Chers collègues, l’approche du gouvernement à l’égard des facteurs au paragraphe 4.2(2) proposé fera en sorte de maintenir une approche équitable par rapport au contenu commercial sur les plateformes des médias sociaux quand ces derniers offrent des services similaires aux radiodiffuseurs traditionnels. Le langage législatif original de cette disposition est le fruit d’une approche équilibrée qui respecte le travail des créateurs de contenu en ligne, tout en veillant à ce que les grandes sociétés ne prennent pas de raccourcis pour se soustraire à la réglementation ou éviter de contribuer au milieu de la création canadien.
Voilà pourquoi, chers collègues, l’autre endroit n’a pas pu appuyer cet amendement en particulier.
Cela dit, que ce soit bien clair. Je le répète, au nom du gouvernement : le gouvernement du Canada s’est engagé à exclure de la portée du projet de loi C-11 les créateurs de contenu numérique et le contenu généré par les utilisateurs au moyen d’instructions. D’ailleurs, le ministre Pablo Rodriguez a insisté sur ce point à maintes occasions. Je le cite :
Notre projet de loi et nos politiques ne visent pas à encadrer les utilisateurs ou les créateurs sur Internet, ni les créateurs essentiellement numériques, ni les influenceurs, ni les utilisateurs.
Je sais que nous avons tous entendu le ministre être très clair sur ce point à de nombreuses reprises. Pour ma part, je le crois, et je m’attends à ce que le gouvernement tienne parole.
Dans cet esprit, je propose que le Sénat établisse clairement que même s’il est maintenant prêt à s’incliner devant la volonté de l’autre endroit, nous avons pris note de l’engagement clair du gouvernement d’émettre des instructions à l’intention du CRTC afin que le projet de loi C-11 ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs. Avec cette motion, nous enverrions à l’autre endroit le message que le Sénat va surveiller très attentivement les prochaines mesures que prendra le gouvernement en s’attendant à ce qu’il tienne ses promesses, promesses que je vous ai répétées ici.
Chers collègues, nous pouvons être fiers du travail que le Sénat a accompli au sujet de ce projet de loi. Nous avons amélioré celui-ci. Nous devrions — et pouvons — être heureux du fait que la Chambre des communes a pris le temps d’étudier soigneusement notre travail et d’accepter un si grand nombre de nos amendements. Nous avons fait un excellent travail législatif, et c’est tout à l’honneur de l’important rôle que le Sénat joue dans la politique publique et le processus législatif canadiens.
La grande majorité des amendements proposés ont été approuvés par le gouvernement et acceptés par nos collègues de l’autre endroit. Il n’y a que six amendements avec lesquels le gouvernement est respectueusement en désaccord. Le fait qu’il y a si peu de points de désaccord témoigne de la collaboration dont nous avons fait preuve et du travail acharné que nous avons accompli. Nous avons travaillé collectivement dans l’intérêt de tous les Canadiens.
Je veux prendre un moment pour reconnaître que l’étape que nous franchissons aujourd’hui constitue une belle réussite pour le Sénat et le processus législatif canadien. Encore une fois, je tiens à tous vous remercier du rôle que vous avez joué pour nous permettre d’y parvenir.
Le projet de loi C-11 est aujourd’hui un meilleur projet de loi grâce au travail accompli par le Sénat. À mon humble avis, compte tenu de tous les amendements qui ont été acceptés, le Sénat a maintenant contribué de façon significative et tangible au projet de loi C-11, ce qui est conforme à son rôle d’organisme législatif complémentaire chargé de porter un second examen objectif.
De plus, à mon avis, la réponse de l’autre endroit aux amendements du Sénat au projet de loi C-11 fait partie intégrante d’un contexte plus large de réforme réussie du Sénat vers une institution plus indépendante et moins partisane. Comme nous l’avons vu avec les modifications importantes acceptées pour la loi sur l’aide médicale à mourir, la légalisation du cannabis, les réformes de la Loi sur la citoyenneté et la loi sur les évaluations d’impact pour les projets de développement, pour ne citer que quelques exemples, le Sénat a laissé une marque positive sur la politique publique d’une manière qui est, sinon sans précédent, certes importante à l’ère moderne et cette marque a été vue et reconnue par le public.
À mon avis, la nature réfléchie de la réponse de la Chambre aux amendements du Sénat est une raison suffisante pour déclarer « mission accomplie » et pour permettre enfin au projet de loi de recevoir la sanction royale.
Je comprends que certains collègues puissent être mécontents de ce résultat. Je ne porte aucun jugement sur ces sentiments; ils sont tout à fait légitimes et je les comprends. Je pense que le gouvernement s’est bien acquitté de la tâche d’écouter activement, à la fois publiquement et en coulisses, en particulier sur l’article 4.2 proposé, où nous avons maintenant des engagements fermes et fiables relatifs à l’orientation stratégique de la réglementation.
Je peux toutefois comprendre que certains d’entre nous, qui sont sincèrement convaincus que les changements proposés par le Sénat étaient meilleurs, soient encore perplexes et mécontents. À ceux d’entre vous qui ne veulent pas que ce projet de loi soit rejeté, mais qui ne sont toujours pas satisfaits de la réponse des députés, je voudrais dire qu’il existe des principes fondamentaux qui sous-tendent le rôle du Sénat dans notre ordre constitutionnel et qui devraient faire pencher la balance du côté de l’acceptation du verdict démocratique de l’autre endroit.
En vous faisant ce discours, chers collègues, je choisis de ne pas m’appuyer sur une règle ou une convention établie, mais plutôt sur un principe que j’ai appliqué dans les décisions que j’ai prises dans cette enceinte bien avant d’assumer le rôle de représentant du gouvernement au Sénat. Je ne sais pas pourquoi je deviens ému lorsque je parle du rôle du Sénat. Je suppose que c’est la raison pour laquelle j’ai accepté ce poste. C’est vrai.
C’est un principe que j’ai appliqué dès mon premier jour au Sénat et c’est un principe de retenue sénatoriale. C’est un principe qui, selon moi, se trouve au cœur de nos responsabilités de sénateurs et au cœur du modèle du Sénat que les Pères de la Confédération ont souhaité. Comme l’a dit Sir John A. Macdonald dans un dicton souvent cité, le Sénat :
[...] doit être une chambre indépendante, douée d’une action propre, et ce n’est qu’à ce titre qu’elle pourra modérer et considérer avec calme la législation de l’assemblée et empêcher la maturité de toute loi intempestive ou pernicieuse adoptée par cette dernière, sans jamais oser s’opposer aux vœux réfléchis et définis des populations.
Autrement dit, le Sénat n’est censé être ni un rival des représentants élus du Canada ni une chambre qui approuve le gouvernement sans discussion. Il n’est pas destiné à concurrencer la Chambre basse, mais plutôt à compléter le travail de celle-ci.
La Cour suprême du Canada a réaffirmé en 2014 les nuances de la fonction prévue du Sénat lorsqu’elle a décidé que la mise en œuvre d’élections consultatives pour le Sénat nécessiterait une modification constitutionnelle. Pour mettre les choses en contexte, chers collègues, dans une décision unanime, la cour a expliqué que, dans le cadre de l’architecture constitutionnelle adoptée lors de la Confédération, le Sénat avait été soigneusement conçu pour faire preuve de retenue volontaire dans sa relation avec la Chambre des communes :
[...] la décision de confier à l’exécutif la tâche de nommer les sénateurs visait aussi à garantir que le Sénat deviendrait un organisme législatif complémentaire, plutôt qu’un éternel rival de la Chambre des communes dans le processus législatif. Les sénateurs nommés n’auraient pas le mandat de représenter la population : ils ne devraient pas répondre aux attentes découlant d’une élection populaire et ne jouiraient pas de la légitimité qu’elle confère. Ainsi, ils s’en tiendraient à leur rôle de membres d’un organisme dont la fonction principale est de revoir les lois, et non d’être l’égal de la Chambre des communes [...]
Le fait que les sénateurs soient nommés, de même que le postulat correct en découlant selon lequel leur nomination empêcherait le Sénat d’outrepasser sa fonction d’organisme législatif complémentaire, façonnent l’architecture de la Loi constitutionnelle de 1867. Pour ces raisons, les rédacteurs de cette dernière n’ont pas jugé nécessaire de préciser par écrit comment s’articuleraient les relations entre les pouvoirs du Sénat et ceux de la Chambre des communes non plus que les moyens de résoudre une impasse entre les deux chambres.
La cour a expliqué que c’est la raison pour laquelle des élections consultatives pour les sénateurs bouleverseraient l’architecture de la Constitution et nécessiteraient donc une modification de cette dernière avec l’accord des provinces. La cour a déclaré :
Les élections législatives proposées transformeraient fondamentalement l’architecture constitutionnelle que nous venons de décrire. Il s’agirait alors, par extension, d’une modification de la Constitution. Ces élections affaibliraient le rôle du Sénat en tant qu’entité chargée de porter un second regard attentif aux projets de loi et lui conféreraient la légitimité démocratique voulue pour bloquer systématiquement les projets de la Chambre des communes, contrairement à la fonction constitutionnelle qui lui était assignée.
Je crois fermement que c’est ce principe de la retenue sénatoriale, lequel, à mon avis, est une attente constitutionnelle intégrée à notre architecture, qui doit guider notre prise de décision aujourd’hui. Contrairement à une règle, le principe de la retenue sénatoriale ne détermine pas nécessairement ou automatiquement quelle doit être la décision. En effet, il faut peser le pour et le contre en tenant compte de toutes les autres considérations pertinentes.
Chers collègues, permettez-moi que vous présenter quatre facteurs qui, je crois, sont convaincants et qui, à mon humble avis, exigent tous l’exercice d’une grande retenue en l’occurrence. Premièrement, le Sénat étudie un message concernant un projet de loi qui s’accompagne d’un imprimatur démocratique considérable. Ce projet de loi vise à concrétiser une promesse explicite figurant non seulement dans la plateforme électorale de 2021 du parti au pouvoir, mais également dans celles du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois.
Deuxièmement, le message de l’autre endroit en réponse aux amendements du Sénat est respectueux, mûrement réfléchi et, en fait, exécute la plupart des recommandations du Sénat. Étant donné que le rôle du Sénat consiste à effectuer un examen complémentaire, la réponse initiale de l’autre endroit signifie que ce rôle est amplement accompli.
Troisièmement, à l’étape du message, une fois que l’autre endroit manifeste clairement ses souhaits, la tradition veut que le Sénat fasse preuve de déférence et accepte la volonté des députés. D’ailleurs, depuis 1960, seuls sept projets de loi ont fait l’objet d’une décision du Sénat d’insister sur certains ou l’ensemble de ses amendements après que la Chambre les ait rejetés.
Quatrièmement, ce degré de déférence devrait être encore plus élevé dans un contexte minoritaire, où le gouvernement ne peut agir unilatéralement, et parce que ce message reflète les souhaits de plusieurs partis politiques représentant une part importante du vote populaire. Le projet de loi visant à moderniser la Loi sur la radiodiffusion a reçu un vote positif à l’autre endroit à trois reprises au cours de deux législatures minoritaires distinctes, avec le soutien de trois partis, une fois lors de la troisième lecture du projet de loi C-10, une fois lors de la troisième lecture du projet de loi C-11 et une fois de plus, à l’étape de l’étude du message, il y a quelques semaines à peine.
Chers collègues, j’espère que nous sommes tous d’accord pour dire que le message de l’autre endroit au Sénat sera soigneusement pris en compte et respecté. Lorsque l’autre endroit a exprimé une divergence d’opinions, je me suis efforcé — dans la mesure de mes moyens — de présenter le point de vue du gouvernement. J’espère pouvoir vous persuader tous que l’autre endroit a pris la bonne décision, mais je ne me fais pas d’illusions. Je sais que certains d’entre vous continueront à être en désaccord sur certains points, et dans le cadre d’un dialogue sain entre les deux Chambres, ceci est bien normal.
Chers collègues, je vous demande d’accepter que nous ne sommes pas d’accord, mais de reconnaître que, à ce stade-ci du processus, le choix responsable, en tant que sénateurs, est d’approuver le message. Pour toutes ces raisons, je vous demande d’appuyer la motion et d’accepter le message. À mon avis, nous avons réussi à remplir le mandat constitutionnel de la Chambre complémentaire de second examen objectif. Nous avons réalisé une étude approfondie du projet de loi C-11. Nous l’avons amélioré considérablement. Nous avons demandé à l’autre endroit de penser deux fois et de réexaminer certains aspects du projet de loi C-11, et l’autre endroit s’est prononcé clairement et précisément sur ces questions.
Il arrive un moment où c’est notre responsabilité de nous en remettre à la volonté démocratique. En ce qui a trait au projet de loi C-11, nous y sommes arrivés. Le temps est venu d’amener le projet de loi C-11 jusqu’à la sanction royale. Merci beaucoup.
Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Tout comme vous, sénateur Gold, je prends mon travail au Sénat très sérieusement. Je crois en ce principe de retenue dont vous avez parlé et que vous avez expliqué dans votre discours.
Comme vous le savez, le projet de loi C-11 me tient particulièrement à cœur pour ce qui est de la défense des minorités francophones et autochtones du Canada. Enfin, on verra bien ce que tout cela va donner, mais l’idée est d’essayer de défendre des langues minoritaires. En ce sens, je suis d’avis que le projet de loi C-11 est plus important que mes deux amendements qui ont été rejetés. Toutefois, à titre d’ancienne journaliste, je suis très attachée aux faits et, bien franchement, je ne vous suis pas quand vous critiquez l’amendement au paragraphe 4.2(2). Je vais m’en tenir à un point qui m’a fait quelque peu dresser les cheveux sur la tête.
Vous dites que des matchs de sport qui seraient rediffusés sur une chaîne comme YouTube ne pourraient pas être taxés ou servir à financer notre culture. Or, ce n’est pas le cas du tout, parce que, lorsqu’on a réécrit l’amendement, on a gardé très précisément l’alinéa c), qui dit que l’on pourrait inclure le fait que la totalité ou une partie importante de l’émission a été radiodiffusée par une entreprise de radiodiffusion qui est tenue d’être exploitée en vertu d’une licence — comme c’est le cas pour le sport — ou enregistrée auprès du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, mais qui ne fournit pas de services de médias sociaux.
Il me semble absolument incompréhensible que vous puissiez affirmer que l’on crée un trou et qu’on ne pourra pas du tout inclure les matchs de sport dans le projet de loi C-11. Il est pourtant tout à fait clair que cela figure dans l’amendement.
Je vous remercie de la question.
Je vous remercie de votre travail, et je remercie également tous mes collègues du travail qu’ils ont réalisé afin d’améliorer le projet de loi.
Selon l’analyse du gouvernement sur les conséquences possibles et prévisibles de l’amendement et sur la façon dont tout cela pourrait être interprété au sein du CRTC ou dans les organisations qui, en toute franchise, résistent avec acharnement à la réglementation, le changement des facteurs et l’élimination de quelques-uns de ceux-ci posent un risque réel. Il y a de l’incertitude autour de l’interprétation et de la précision du libellé de l’amendement en question, qui met l’accent sur la façon dont la musique est diffusée. Cela pourrait engendrer des problèmes d’interprétation. Comme je l’ai déjà mentionné, cela pourrait avoir pour résultat de créer une échappatoire.
Comme c’est souvent le cas, les textes législatifs peuvent être interprétés de plusieurs façons. J’accepte qu’il n’y ait aucune façon de prouver qu’une interprétation est meilleure qu’une autre, même après qu’une cour s’est prononcée à ce sujet.
C’est la position du gouvernement, des deux partis de l’opposition et des intervenants que j’ai mentionnés. Le risque est trop grand et le projet de loi sans amendement est un meilleur moyen pour atteindre les objectifs de la législation.
Je pense qu’un projet de loi doit assurément être le plus clair possible, mais il doit aussi envoyer un message clair. Ce qui est ressorti lors de nos audiences, et vous le savez, ce qui a été très évocateur, c’est la crainte des créateurs de contenu, de ceux qui créent des contenus générés par les utilisateurs. Ils craignent d’être couverts par le projet de loi C-11.
Malheureusement, l’amendement tel qu’il est rédigé laisse planer une énorme incertitude, particulièrement pour ce qui est de savoir qui sera couvert. Est-ce ceux qui gagnent de l’argent? On sait très bien que le contenu généré par les utilisateurs permet aux petits créateurs d’avoir des revenus.
Comment pensez-vous rassurer ces créateurs, considérant qu’ils ont été très clairs par rapport à leurs craintes? On parle ici de gens qui veulent gagner leur vie. Tout comme les musiciens qui sont contre cet amendement, les créateurs de contenu existent et ils jugent que cet amendement n’est pas clair. Personnellement, je dois vous dire qu’en le lisant, je ne trouve pas non plus qu’il est particulièrement clair.
Je comprends, parce que j’ai aussi assisté aux réunions. Premièrement, le projet de loi est clair : il ne s’applique pas aux créateurs numériques comme tels. C’est un projet de loi qui vise les plateformes, pas ceux et celles qui créent du contenu.
Deuxièmement, le ministre a répété cela à plusieurs reprises très récemment lors d’une émission télévisée publique.
Troisièmement, il est clair dans le texte que cela ne s’applique pas. Le fait que l’on crée quelque chose et qu’on le mette en ligne ne veut pas dire qu’on parle d’un radiodiffuseur; loin de là. Les définitions sont très claires.
Enfin, comme j’ai mentionné non seulement dans mon discours, mais dans la motion même, le gouvernement s’est engagé à préciser, dans les directions politiques, que cela ne s’appliquera pas. Je comprends les craintes, mais elles ne sont pas fondées pour ce qui est du texte du projet de loi et de la position du gouvernement.
Il s’agit d’un engagement public et clair. Si on approuve la motion, ce sera la volonté du Sénat de faire en sorte que l’on tiendra le gouvernement responsable pour les engagements qu’il a pris.
Ma question s’adresse au leader du gouvernement, et elle porte sur le contenu généré par les utilisateurs et les fournisseurs de contenu numérique. Il est bon d’entendre le ministre dire que les fournisseurs de contenu et les utilisateurs de services numériques ne seront pas visés par le projet de loi C-11. Il est agréable d’entendre le parrain du projet de loi affirmer la même chose dans cette enceinte. Il est formidable et rassurant de vous entendre le confirmer dans votre discours. Cependant, il n’en demeure pas moins que le gouvernement a rejeté les amendements que nous lui avons proposés de bonne foi et qui précisaient clairement que le contenu généré par les utilisateurs ne se ferait pas prendre dans les mailles de cette mesure législative.
Ma question est fort simple. Pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas accepté ces amendements, qui établiraient clairement dans la loi que le contenu généré par les utilisateurs serait exclu de la portée de la mesure législative, au lieu de se contenter d’un engagement? Pourquoi le gouvernement a-t-il rejeté ces amendements et s’attend-il à ce que nous le croyions sur parole, alors que ces amendements auraient permis d’inscrire dans la loi l’objectif que vous venez de mentionner dans votre discours?
Eh bien, ce débat porte seulement sur le message, et non sur le reste du projet de loi, mais en ce qui concerne les amendements qui ont été rejetés, j’ai fait de mon mieux pour expliquer les motifs pour lesquels le gouvernement les a rejetés. En tout respect, sénateur Housakos, il n’est pas simplement bon de savoir que le ministre ou le représentant du gouvernement a dit telle ou telle chose. Le gouvernement a pris un engagement. Soit nous croyons en nos institutions et en leur intégrité, soit nous n’y croyons pas. Le gouvernement a dit clairement que, selon lui, dans sa forme actuelle, le projet de loi ne vise pas le contenu généré par les utilisateurs. Il va l’indiquer encore plus clairement dans ses instructions, et il a pris publiquement un engagement en ce sens. Cela me suffit.
Je crois en la parole du gouvernement. Je crois en notre capacité d’exiger des comptes sur l’engagement qu’il a pris. Même si cet amendement est rejeté, j’estime que ce projet de loi, tel qu’il a été rédigé et amélioré par le Sénat, vise à ce que les plateformes soutiennent le contenu canadien, et qu’il ne vise pas le contenu généré par les utilisateurs, même si des préoccupations ont été soulevées à cet égard.
Sénateur Gold, comme je siège au Sénat depuis 15 ans, vous me pardonnerez d’être un peu sceptique quand il s’agit de croire un gouvernement sur parole. En tant que législateur, j’aimerais voir les choses inscrites noir sur blanc dans la loi.
Vous affirmez également que nous devrions simplement croire que cela va se faire et que nous sommes ici pour assurer une surveillance, assumer nos responsabilités en tant que législateurs, comme vous l’avez dit dans votre discours, et veiller à ce que le gouvernement fasse ce qu’il dit. N’êtes-vous pas également d’accord sur le fait que nous sommes en train d’adopter une loi qui n’est pas soutenue par un cadre réglementaire? Nous nous en remettons au CRTC, comme vous l’avez dit dans votre discours. Le CRTC procédera à des consultations publiques afin d’établir le cadre réglementaire. Que se passera-t-il si ce cadre réglementaire n’est pas conforme aux engagements que vous avez indiqués dans votre discours? Quelles sont les options qui s’offrent alors à nous, parlementaires, dans le cadre de ce projet de loi, pour assurer un suivi approfondi?
Comme vous êtes ici depuis 15 ans, et moi, 6 ans et demi, nous savons que, après la sanction royale, il y a un processus réglementaire. Après la sanction royale, il y aura un processus entourant les instructions en matière de politique. Je vous ai décrit ce processus et je vous rappelle qu’il prévoit une consultation publique et la participation du public, à la fois au début et à la fin du processus, quand le CRTC mènera la consultation. Je rappelle également à mes collègues — et à titre de président du comité qui a étudié en profondeur le projet de loi vous le savez déjà, sénateur Housakos —, que le projet de loi prévoit la présentation de rapports au Parlement et une surveillance parlementaire. Il a été amélioré à cet égard par l’amendement du sénateur Quinn.
Nous avons un coffre à outils bien rempli, mais nous ne devons jamais perdre de vue notre rôle et notre responsabilité ici, au Sénat. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent du projet de loi a été approuvé par le Sénat et l’autre endroit. Des 26 amendements, 20 ont été approuvés par trois partis à l’autre endroit. La mesure législative a été étudiée en profondeur au Sénat et à la Chambre. L’heure est maintenant venue de reconnaître qu’il s’agit d’un bon projet de loi et qu’il est important. Le gouvernement a pris publiquement des engagements fermes, et le libellé du projet de loi indique clairement les aspects auxquels il s’applique et ceux auxquels il ne s’applique pas. Si ce n’est pas suffisant pour convaincre les sénateurs qui veulent, de bonne foi, que la mesure législative soit adoptée, je dois dire que je ne sais plus quoi ajouter.
Il existe de nombreuses façons de torpiller le projet de loi. On l’a déjà fait. On sait comment s’y prendre. On peut le retarder. On peut espérer le déclenchement d’élections. On peut l’enterrer dans les méandres administratifs pour qu’il meure au Feuilleton. Cependant, pour ceux d’entre nous qui considèrent qu’il s’agit d’un bon projet de loi, qui a été amélioré par nos amendements, et qui pensent que les députés à la Chambre des communes ont fait leur devoir et nous ont pris au sérieux en approuvant 20 des 26 amendements, le moment est venu de lui accorder la sanction royale.
Sénateur Gold, je tiens à préciser que la structure constitutionnelle permet au Sénat de s’élever contre la Chambre des communes, et plus d’une fois s’il le faut. Vous avez souligné les cas vous-même. J’aimerais aussi ajouter que de déclarer « mission accomplie » est aussi un geste quelque peu risqué compte tenu du fait que nous avons entendu des dizaines de témoins qui nous ont fait part de leurs inquiétudes au nom de milliers de créateurs de contenu. De plus, d’anciens présidents du CRTC et des juges de cour fédérale nous ont dit que ce projet de loi pourrait avoir — et aurait — des conséquences inattendues dans un espace Internet libre et ouvert.
Je me permets d’attirer encore une fois votre attention sur ce que mes collègues pensent : si ce projet de loi ne s’applique pas au contenu numérique généré par les utilisateurs — oui, nous vous avons entendu, le ministre et vous-même, le déclarer à répétition —, alors pourquoi ne pas le préciser dans le libellé de la loi aux fins de clarté? Ce manque de clarté continue de soulever des questions et des doutes; c’est d’ailleurs notre rôle dans cette enceinte quand nous examinons des dispositions législatives. Comme vous le savez, les Canadiens se posent beaucoup de questions quant à l’intention de ce projet de loi. Vous êtes même allé jusqu’à dire que vous souhaitez que cette loi s’applique au contenu et aux générateurs de contenu, à d’autres formes de médias de l’avenir qui n’existent pas encore aujourd’hui. Vous nous demandez de vous donner carte blanche sur cet élément. Pourriez-vous simplement nous dire pourquoi vous n’avez pas inscrit cela noir sur blanc, de façon claire, dans le projet de loi, comme vous l’ont demandé des milliers de personnes?
Merci de votre question, sénatrice Wallin. Au risque de me répéter, premièrement, le projet de loi est clair quant au fait qu’il ne s’applique pas. Deuxièmement, le fait que le gouvernement et deux partis de l’opposition de l’autre endroit trouvent que cet amendement n’est pas nécessaire ne signifie pas que le gouvernement, les députés de l’autre endroit ou les intervenants n’ont pas des préoccupations légitimes. J’ai tenté d’expliquer cela au sujet de cet amendement.
Cela ne me donne pas, ou à quiconque d’ailleurs, un chèque en blanc. Il s’agit d’une mesure législative très complexe et structurée qui nécessite — tout comme les mesures législatives de ce genre, et j’en appelle à ceux d’entre nous qui ont, ou qui devraient avoir, de l’expérience dans le processus réglementaire — des couches sous-jacentes. Des règlements et des lignes directrices sont nécessaires pour tenir compte des nouvelles tendances et des progrès technologiques.
C’est un bon projet de loi. Il ne s’applique pas au contenu généré par les utilisateurs. Il s’applique aux plateformes qui diffusent des programmes commerciaux. La loi est claire, le gouvernement a été clair, et j’espère avoir été clair.
Si nous vous posons tous des questions qui semblent similaires, c’est parce que le projet de loi n’est pas clair. Les sénatrices Miville-Dechêne et Simons ont proposé un libellé — un compromis — au sein de notre comité. Elles ont présenté un libellé qui aurait donné au gouvernement le droit et la possibilité d’énoncer clairement ce que vous avez promis et ce qu’il a promis publiquement, lors d’émissions télévisées et devant le comité.
Si vous y croyez vraiment, écrivez-le dans le projet de loi. Voilà pourquoi nous posons toujours la même question. Une promesse faite en répondant à des questions et lors d’apparitions à la télévision n’a pas force de loi, et nous aimerions voir une telle promesse inscrite dans le projet de loi.
Sénatrice Wallin, je vous suis très reconnaissant de votre question. J’y ai répondu de mon mieux dans mon discours, que je ne vais pas relire. Selon le gouvernement et la majorité des députés de la Chambre des communes, l’amendement n’a pas atteint ses objectifs et risque de nuire aux objectifs principaux de la loi.
Nous en avons beaucoup débattu au comité et au Sénat. Le Sénat a adopté l’amendement, que la Chambre a rejeté respectueusement. J’ai essayé d’expliquer les raisons pour lesquelles la Chambre l’a rejeté.
J’ai aussi essayé de fournir des justifications que vous prendrez au sérieux, je le sais. Que vous soyez ou non d’accord avec moi, c’est votre choix. Malgré ce désaccord, votre déception ou le fait que vous ne trouvez pas que mes réponses soient convaincantes, nous devrions accepter de ne pas être du même avis et adopter cet important projet de loi dans l’intérêt du milieu culturel du Canada et l’ensemble des Canadiens.
Ma question s’adresse au sénateur Gold.
Je regarde le paragraphe (2.1) du projet de loi C-11 :
Exclusion — exploitation d’une entreprise de radiodiffusion
(2.1) Ne constitue pas l’exploitation d’une entreprise de radiodiffusion pour l’application de la présente loi le fait, pour l’utilisateur d’un service de média social, de téléverser des émissions en vue de leur transmission par Internet et de leur réception par d’autres utilisateurs [...]
Il me semble donc que les utilisateurs qui génèrent du contenu sont exclus. Le paragraphe suivant, soit le paragraphe (2.2), est intitulé « Exclusion — service de média social » et est suivi du paragraphe (2.3), qui est une autre exclusion.
Il me semble qu’il y a plusieurs exclusions tout à fait explicites. Je ne vois pas la nécessité de garantir une nouvelle exclusion lorsque la situation semble tout à fait claire pour moi. Je trouve vos explications satisfaisantes en ce qui concerne le fait que ces questions sont clairement énoncées dans les articles proposés de la loi.
Ma question est plus directe pour ce qui est du processus. À mon avis, nous avons affaire à trois types d’instruments. Le premier est la loi, qui est adoptée par le Parlement. Nous voyons à quel point l’adoption d’une loi prend du temps. À l’exception de la période de 31 ans, il a fallu 2 ou 3 ans pour le faire. L’instrument suivant est une directive du Cabinet et du gouverneur en conseil au CRTC. Les règlements que le CRTC peut adopter, après une consultation approfondie, représentent le troisième instrument.
J’ai été commissaire au sein du conseil et, soit dit en passant, si certains ont cité d’ex-commissaires qui n’appuient pas cette mesure, vous avez devant vous un commissaire qui est pour le projet de loi. Il y en a d’autres, nous ne sommes pas si rares. J’ai participé à la création de règlements. Je peux vous dire que c’est un exercice considérable, minutieux et éreintant.
Tant qu’à passer du temps à parler de cette mesure, je souligne que, comme bien d’autres commissions, le conseil a pour rôle de s’occuper de ce genre de choses à temps plein. Les commissaires posent des questions et obtiennent des réponses; ils produisent une version préliminaire des règlements, obtiennent d’autres réponses et produisent une version finale. C’est un long processus.
La sagesse derrière ce processus est qu’il a fallu 31 ans plus 3 autres années pour apporter des changements à la loi, alors qu’une directive du Cabinet peut se faire en un tournemain. Modifier des règlements peut prendre plusieurs semaines, voire des mois, mais pas des années. À mon avis, c’est là toute la beauté du processus : on décrit un cadre dans la loi, et c’est au moyen des directives et des règlements qu’on s’occupe des détails. Ces détails doivent...
Arrivez-vous à la question?
Oui. Ma question est la suivante : comme nous ne savons pas tout des technologies qui seront déployées au fil des ans, ne s’agit-il pas de la meilleure façon de faire? Ne devrions-nous pas laisser au CRTC la responsabilité de s’occuper des détails et de mettre la réglementation à jour au fil des ans?
Je vous remercie de la question. Je serai bref, parce que je sais que d’autres veulent poser des questions. Je continuerai d’accepter volontiers les questions, pourvu que mes jambes tiennent le coup.
C’est exact, sénateur Cardozo. Premièrement, ceci n’est pas une entente-cadre; entendons-nous bien. La Loi sur la radiodiffusion est très détaillée. Le projet de loi C-11 est très technique et détaillé. On parle d’un document législatif qui énonce des critères bien explicites. Comme vous l’avez fait remarqué bien obligeamment et de façon plus détaillée que je ne l’ai fait, le projet de loi ne laisse aucun doute qu’il s’applique seulement aux plateformes et non aux créateurs de contenu numérique. C’est tout à fait clair. Le projet de loi énonce des critères et des principes explicites pour guider le CRTC.
Oui, vous avez entièrement raison, comme j’ai tenté de l’expliquer. Le processus entourant l’élaboration de politiques stratégiques et, bien sûr, le processus de prise de règlements permettront aux parties intéressées — y compris les youtubeurs et tous ceux qui continueront d’avoir des questions ou des préoccupations — de donner leur rétroaction et d’être entendues. C’est la façon adéquate de moderniser la Loi sur la radiodiffusion, qui est beaucoup trop dépassée et en a besoin depuis longtemps. Donc, oui, je crois que c’est la bonne façon de faire.
Je tiens à rappeler à mes collègues qu’il ne s’agit pas d’un simple cadre dans lequel nous permettons au CRTC de faire ce qu’il veut. Ce cadre est très clair sur ce que le CRTC est censé faire. Tous ceux qui ont participé au processus réglementaire savent qu’il faut une certaine flexibilité dans le système pour faire le travail. Il y a 30 000 vidéos YouTube qui sont téléchargées chaque jour, voire chaque minute. C’est ahurissant. Le tri devra se faire au niveau du processus réglementaire. La loi fournit des orientations, des directives supplémentaires seront fournies dans les orientations en matière de politique et, qu’on trouve cela ennuyeux ou non, les règlements contiendront des indications encore plus détaillées.
J’ai une question pour le sénateur Gold.
Tout d’abord, je tiens à vous remercier pour votre explication détaillée concernant les amendements qui ont été acceptés et ceux qui n’ont pas été acceptés. Mes observations et mes questions s’inscrivent dans le droit fil de ce qui a déjà été discuté, et je tâcherai donc de ne pas m’y attarder.
Il est évident que nous aurions préféré que le projet de loi soit plus clair. Je pense que les Canadiens ont besoin de cette clarté, mais j’accepte aussi ce que vous avez dit : la science de la réglementation est une science souple.
Vous avez mentionné qu’un grand nombre d’experts et de témoins étaient en faveur du projet de loi. Il y avait aussi ceux qui ne l’étaient pas, et nous avons tous reçu un nombre incalculable de courriels. Nous avons entendu des témoins qui n’étaient pas favorables à l’article 4.2 proposé. Avec tout le respect que je leur dois, je pense que nos collègues les sénatrices Miville-Dechêne et Simons ont fait un excellent travail en nous présentant un compromis. Malheureusement, l’autre endroit a rejeté leur amendement.
Vous nous avez également rappelé dans vos observations notre rôle en tant que sénateurs, et il y a eu des documents écrits par le sénateur Harder, et aussi récemment par la sénatrice Miville-Dechêne et la sénatrice Omidvar, nous rappelant ce que sont nos rôles.
Ce que je veux dire, c’est que nous avons eu notre chance. Nous avons fait notre travail et l’avons envoyé de l’autre côté, là où se trouvent les élus. En fin de compte, qu’ils incluent ou non un amendement, ils doivent se présenter devant le peuple, qui le jugera aux prochaines élections.
Ma question est la suivante : que peut faire de plus le gouvernement pour rassurer toutes les personnes qui sont venues dans nos bureaux exprimer leur inquiétude au sujet de l’article 4.2 proposé, qui est le cœur du problème? Quel plan le gouvernement a-t-il pour communiquer ce que vous nous avez communiqué?
Merci de votre question. Compte tenu de votre expérience dans les domaines de la fonction publique et de la réglementation, je vous remercie également d’avoir souligné que la science de la réglementation exige une certaine flexibilité.
Les garanties du gouvernement figureront dans les directives stratégiques à l’égard desquelles ce dernier a pris un engagement clair dans cette enceinte et ailleurs. Cela donnera à ces gens — et à tous les témoins que nous avons entendus —, l’occasion de faire part de leurs commentaires, comme ce sera le cas lorsque le CRTC procédera à ses consultations sur ces questions, sans parler du processus de réglementation.
Le compte rendu officiel des débats, l’étude du Sénat, mon discours et d’autres discours pourront être consultés. Ils feront partie des documents que les tribunaux et le gouvernement consulteront. Grâce au projet de loi et à votre amendement, sénateur Quinn, nous avons la possibilité de recevoir des rapports au Sénat et, puisque nous sommes maîtres de notre propre assemblée, nous avons la possibilité de demander des comptes au gouvernement. Les comités peuvent également effectuer des études de suivi. Nous disposons d’un grand nombre d’outils pour veiller à ce que tous soient entendus de manière respectueuse, ce qui a été le cas jusqu’à maintenant.
Le gouvernement et deux partis d’opposition ont adopté des positions différentes à l’égard de cet amendement bien intentionné et ingénieux. Cependant, il n’a pas reçu l’appui de la majorité des députés.
Je pense que nous avons fait notre travail, et que nous l’avons bien fait. Le gouvernement s’est clairement engagé à faire en sorte que le champ d’application soit défini, et je suis convaincu qu’il tiendra parole.
Sénateur Gold, le but de mon intervention est de dire que toutes les contributions reçues de la part de personnes de tout le pays, de personnes qui ont comparu devant le comité, de personnes qui n’ont pas comparu devant le comité, mais qui ont communiqué avec les sénateurs, de personnes venant de tous les horizons, méritent d’être entendues plus directement que dans le cadre du processus normal. Vous avez raison, il y a toutes sortes de choses qui sont publiées et mises sur des sites Web et autres, mais les personnes qui ont communiqué avec nous n’ont peut-être pas l’habitude de traiter de ces questions ainsi, si vous comprenez ce que je veux dire. Elles ne sont pas habituées au processus législatif.
Le gouvernement ne devrait-il pas avoir une stratégie proactive pour communiquer avec les personnes qui ont fait connaître leur point de vue sur le paragraphe 4.2 de manière explicite?
Je vous remercie de votre question. Elle est intéressante. Le premier ministre — ou, plutôt, en l’occurrence, le ministre compétent — s’est exprimé très ouvertement sur ce sujet, tant sur les médias sociaux que sur les réseaux de radiodiffusion. Si les gens ne regardent pas CBC/Radio-Canada ou CTV, ou qu’ils obtiennent leurs nouvelles ailleurs, ils peuvent également trouver cette information sur ces plateformes.
Le gouvernement souligne clairement l’importance de ce projet de loi, et ce, depuis longtemps. Trois partis ont intégré cet enjeu dans leur programme électoral, et ils représentent la majorité des députés élus à la Chambre des communes. Je ne vois pas trop ce que le gouvernement pourrait faire de plus à ce sujet.
Chose certaine, lorsque le projet de loi recevra la sanction royale — et j’espère que ce sera le plus tôt possible — et que les prochaines étapes auront lieu, le gouvernement et le CRTC auront une autre occasion de laisser savoir aux parties intéressées comment elles pourront continuer à participer au processus.
Sénateur Gold, dans votre discours d’aujourd’hui sur le projet de loi C-11, vous nous avez dit que le gouvernement a pris un engagement en ce qui concerne le contenu généré par les utilisateurs. Eh bien, le gouvernement Trudeau nous a dit à maintes reprises « faites-nous confiance » dans le passé, et le nombre de promesses qu’il n’a pas tenues est considérable.
Il a notamment promis qu’il allait accuser des déficits de seulement 10 milliards de dollars par année pendant deux ans avant de rétablir l’équilibre budgétaire, que les élections de 2015 seraient les dernières à être tenues selon le système majoritaire uninominal à un tour et ainsi de suite. Plus récemment, la ministre des Finances, Chrystia Freeland, a promis que le ratio dette-PIB du fédéral n’augmenterait pas. En parlant de cette cible budgétaire, elle a dit : « Nous ne la manquerons pas. » Pourtant, le directeur parlementaire du budget dit maintenant qu’il s’agit d’une autre promesse non tenue du gouvernement Trudeau.
Sénateur Gold, vous dites que le gouvernement n’inclura pas dans le texte de loi cette garantie au sujet du contenu généré par les utilisateurs, et que nous devons plutôt lui faire confiance avec le projet de loi C-11, qui est très controversé. Pourquoi les Canadiens devraient-ils avoir foi en cette promesse après toutes celles qui n’ont pas été tenues par le gouvernement Trudeau au cours des huit dernières années?
Sénatrice Batters, je pense que ce qui divise certains d’entre nous, c’est de savoir, lorsqu’un ministre prend un engagement, lorsque le représentant du gouvernement dans cette enceinte prend un engagement, si cet engagement doit être pris au sérieux et cru sur parole.
Mon équipe et moi — et je pense que de nombreux sénateurs ici présents — avons déployé des efforts considérables pour que le Sénat ait le temps d’étudier correctement ce projet de loi et de faire son travail. Le bureau du représentant du gouvernement a respecté le Sénat à chacune des étapes du processus.
Les délais dont on avait convenu ont été modifiés lorsque le chef de votre parti a changé. Ils n’ont pas été simplement prolongés pour faire plaisir à M. Poilievre, mais pour permettre au Sénat et aux sénateurs d’intervenir, et nous avons fait du bon travail à cet égard.
Le fait qu’un seul article dans un projet de loi très compliqué fasse l’objet d’un désaccord entre le Sénat et la majorité des députés de la Chambre des communes revient, si je peux reprendre les commentaires que j’ai faits dans mon discours, à se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt.
Pour le moment, honorables collègues, je n’insisterai pas sur le fait que ce n’est pas tout le monde dans cette enceinte qui a le même objectif final en vue lorsqu’il s’agit d’améliorer ce projet de loi, mais je suis convaincu que la majorité des sénateurs ici présents sont fiers du travail qu’ils ont fait et veulent que ce projet de loi reçoive la sanction royale, même s’ils ne s’entendent pas sur cet aspect et sur les cinq autres amendements qui n’ont pas été retenus par le gouvernement.
Je ne veux pas trop m’attarder là-dessus, mais il est évident que le contenu généré par les utilisateurs est visé par ce projet de loi. Le président du CRTC était de cet avis lorsqu’il a témoigné devant notre comité. C’était aussi l’avis du juriste du ministère du Patrimoine canadien qui a été interrogé à maintes occasions au sujet des termes mentionnés par le sénateur Cardozo. Il est évident que le gouvernement refuse de rendre le libellé plus précis et d’apporter des amendements raisonnables pour que le projet de loi indique noir sur blanc que le contenu généré par les utilisateurs sera exclu. Cela dit, je tiens aussi à apporter quelques corrections.
Dans son échange avec vous, sénateur Gold, le sénateur Cardozo a vraiment mis en évidence le problème entre ceux qui approuvent le projet de loi et ceux qui s’y opposent. Je sais que le CRTC a le pouvoir de prendre des règlements parce que la loi que nous sommes sur le point d’adopter et que le gouvernement veut adopter lui confère ce pouvoir. Notre collègue, le sénateur Cardozo, a raison : dans l’ancienne Loi sur la radiodiffusion et dans la Loi sur la radiodiffusion actuelle, le gouvernement et le ministère du Patrimoine canadien peuvent non seulement influencer le cadre réglementaire; ils peuvent aussi donner des directives et passer outre le CRTC. C’est précisément la raison pour laquelle, lorsque des mesures législatives comme la Loi sur la radiodiffusion quittent le Parlement et deviennent des lois, il doit y avoir des garanties pour s’assurer que le gouvernement, quel qu’il soit, soit tenu de respecter les paramètres que nous, les parlementaires, lui avons donnés. Si nous négligeons notre responsabilité d’élaborer des lois claires, des problèmes peuvent survenir.
En ce qui concerne le cadre réglementaire, il est habituel pour les projets de loi techniques — comme le projet de loi C-11 — que les gouvernements y joignent des cadres réglementaires à l’avance. Dans le cas du projet de loi C-10, le précurseur du projet de loi C-11, si vous vous souvenez bien, aux dernières étapes de l’étude du projet de loi, sous la pression de cette Chambre et de ses travaux, le gouvernement a fini par présenter un cadre. Ce n’était pas un très bon cadre, mais il y en avait un. Il n’était pas nécessaire de confier ce travail au CRTC pendant deux ans.
Toutefois, je ne veux pas m’écarter du sujet. Je veux en venir à ma question complémentaire parce que ce projet de loi pose un tas d’autres problèmes que le simple contenu généré par l’utilisateur.
Lorsqu’on réforme la Loi sur la radiodiffusion, l’un des principaux piliers qui doivent être réformés et qui n’a même pas été examiné dans le projet de loi, c’est le contenu canadien. La question que je vous pose, monsieur le leader du gouvernement, est la suivante : comment est-ce possible que La servante écarlate, une histoire écrite par Margaret Atwood transformée en série réalisée par un canadien, tournée avec des acteurs canadiens et filmée au Canada, ne soit pas considérée comme du contenu canadien aux yeux du projet de loi dans la forme dont nous voulons l’adopter actuellement?
La tradition juive veut que l’on réponde à une question par une question. Vous considérerez à juste titre qu’il est irrecevable d’agir ainsi, mais je me permets tout de même de vous demander une chose. En tant que sénateur en poste depuis 15 ans et en tant qu’ancien Président, vous savez certainement que la question, à ce stade du processus, doit porter sur les amendements qui ont été acceptés ou rejetés, et non sur le projet de loi dans son ensemble.
Nous avons essayé de proposer des amendements au comité concernant le contenu canadien, et ils ont été rejetés. Ils ont été rejetés, et, par ailleurs, cela fait partie du processus parlementaire. Si vous ne voulez pas répondre à la question, monsieur le leader du gouvernement, cela en dit long sur la négligence du gouvernement, qui répugne à traiter avec rigueur le dossier de la radiodiffusion canadienne.
Le gouvernement n’a pas fait preuve de négligence. Le gouvernement a fait preuve de responsabilité en tentant de faire adopter ce projet de loi ces trois dernières années. Le gouvernement n’a pas de guerrier spartiate qui est louangé pour l’avoir retardé pendant un an et qui le retarderait un an de plus si le souhait de votre chef se réalisait.
Le gouvernement ne fait pas preuve de négligence. Le processus législatif approprié prévoit l’adoption d’un projet de loi. Viennent ensuite les lignes directrices et les règlements. Avec le plus grand respect, sénateur Housakos, je répète que nous en sommes à l’étape de l’étude du message d’un projet de loi. Selon le Règlement du Sénat, nous devons nous concentrer non pas sur le processus en général, mais sur le message dont nous sommes saisis.
Je n’interviens pas au sujet d’un point de procédure en particulier. Je souhaite simplement rappeler aux sénateurs qu’à cette étape de notre processus, nous avons une responsabilité précise. Il ne s’agit pas de réexaminer l’ensemble du projet de loi et tout ce qui vous déplaît à son sujet ni de revenir sur toutes les raisons pour lesquelles votre parti et vous aimeriez torpiller ce projet de loi.
Avec tout le respect que j’ai pour vous, monsieur le leader, il s’agit d’un processus législatif très important. Nous avons l’obligation de débattre tous les aspects du projet de loi, même les éléments que vous voudriez passer sous silence, monsieur le leader.
Je suis d’avis que, dans cette enceinte, vous avez l’obligation de répondre à toutes les questions qui touchent, de près ou de loin, à ce projet de loi en particulier et à la Loi sur la radiodiffusion. Ce sont tous des éléments qui ont été analysés, pas seulement des amendements refusés ou rejetés.
Par ailleurs, je souligne que nous avons une Présidente très compétente dans le fauteuil. Je pense que c’est à elle que revient la responsabilité d’assumer le travail de la présidence. Vous pouvez donc vous concentrer sur votre propre travail.
J’aurais une autre question à vous poser, monsieur le leader, puisque je n’ai obtenu aucune réponse à mes questions jusqu’à maintenant. Le projet de loi est très clair. Certaines de ses sections mentionnent la nécessité de laisser plus de place aux groupes minoritaires et aux groupes désignés de notre pays. C’est clairement indiqué dans le projet de loi. C’est dans la portée du projet de loi et cela comprend les Autochtones canadiens.
Pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous adoptons un projet de loi, une loi sur la radiodiffusion, qui vise tellement — un objectif que le gouvernement a à cœur — à soutenir la diversité, à soutenir la voix des Autochtones, alors que, dans le budget de cette année, le gouvernement a retiré des millions de dollars au Bureau de l’écran autochtone, des millions de dollars destinés aux collectivités autochtones pour qu’elles puissent faire entendre leur voix?
Voilà un autre exemple où vous adoptez une loi au nom de la postérité, mais, concrètement, dans le présent budget, que vous avez adopté récemment, vous avez en fait sabré le financement du Bureau de l’écran autochtone.
Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Housakos, il existe une pratique et une règle de longue date concernant l’étape de l’étude du message. Par conséquent, je n’évite pas de répondre à des questions auxquelles je ne « veux pas répondre ». Il ne s’agit tout simplement pas de questions soulevées dans le message, soit ce sur quoi est censé porter le débat.
Aussi, le projet de loi C-11, même avant que nous l’ayons amendé, a reconnu la présence des artistes, des créateurs, des entités de diffusion et des entreprises autochtones. Les amendements de la sénatrice Clement ont permis de renforcer le projet de loi, et il a été amélioré grâce à ces amendements.
Votre question concernant le financement d’un organisme en particulier fait clairement fi du fait que le gouvernement a pris de nouvelles mesures pour faire avancer la réconciliation, même s’il reste encore énormément de travail à faire. Encore une fois, c’est par respect pour l’importance de la question que vous avez soulevée, et non en raison de sa pertinence, que je présente cette observation.
Monsieur le leader du gouvernement, vous donnez l’impression à cette assemblée qu’il est habituel au Sénat d’approuver automatiquement un projet de loi lorsqu’il est rendu à l’étape de l’étude du message, ce qui n’est pas le cas.
La Constitution stipule qu’à l’étape de l’étude du message, le Sénat a le droit et la responsabilité de refuser un projet de loi, ce que vous n’avez pas mentionné, et de le renvoyer avec les nombreuses autres options proposées par le Sénat. Oui, la tradition veut que l’on s’incline devant les souhaits de la Chambre élue, mais nos ancêtres ont également établi la mesure suivante lorsqu’ils ont créé le Sénat : nous avons le droit d’exercer notre autorité constitutionnelle lorsqu’un gouvernement fait quelque chose de si scandaleux qu’un grand nombre de Canadiens en sont offensés. Je tiens simplement à le signaler aussi, monsieur le leader du gouvernement.
Je vous remercie de votre question. En ce qui a trait à notre rôle constitutionnel, personne ne nie ce que dit la Loi constitutionnelle de 1867. Toutefois, comme je l’ai dit dans mon discours — que vous avez écouté, j’en suis sûr —, la Cour suprême a déclaré sans équivoque que, étant donné qu’il était entendu dès 1867 que notre rôle était complémentaire, il n’était pas nécessaire de préciser les circonstances dans lesquelles le Sénat doit exercer, en principe, le principe de la retenue qu’il s’impose lui-même, car ce dernier va de pair avec la compréhension que nous devrions tous avoir du rôle du Sénat par rapport à celui des autres institutions du gouvernement, y compris les représentants élus.
Il s’agit de se demander ce qu’il est approprié et responsable de faire pour le Sénat. Chers collègues, le message porte sur le rejet de 6 des 26 amendements. La motion porte sur le message et la pratique du Sénat à l’étape du message consiste à parler uniquement du message. Des décisions ont déjà été rendues par la présidence à ce sujet.
Je le répète, je n’invoque pas d’arguments procéduraux pour étouffer la discussion. J’essaie simplement de faire appel à votre expérience de législateur pour rappeler à ceux d’entre nous qui ont peut-être moins d’expérience à quoi sert le présent débat et à quoi il n’est pas censé servir.
En toute équité, sénateur Gold, c’est vous qui avez soulevé l’enjeu du rôle constitutionnel du Sénat, mais on y reviendra.
Pour m’en tenir au sujet du débat, je vais lire la raison du rejet de l’amendement que vous nous avez lue ici. Le gouvernement a rejeté le principal amendement sur le contenu généré par les utilisateurs dont nous sommes en train de parler :
[…] parce qu’il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps […]
Ce sont là vos paroles, celles du gouvernement.
La raison donnée montre très clairement que le gouvernement veut continuer, maintenant et à l’avenir, à donner des instructions au CRTC sur le contenu généré par les utilisateurs. C’est ce qu’il indique.
De toute évidence, certaines questions demeurent sans réponse : pourquoi tenez-vous tant à réglementer le contenu généré par les utilisateurs en ligne? Que craignez-vous?
Je pose ces questions parce que, durant les discussions sur le projet de loi C-10, le ministre Guilbeault, qui était le ministre responsable à l’époque, a laissé entendre qu’il s’inquiétait des critiques à l’endroit du gouvernement qu’il voyait en ligne. Le ministre Lametti a indiqué très clairement qu’il juge acceptable de restreindre les droits et les libertés dont les gens jouissent en ligne si le gouvernement choisit de légiférer de cette façon.
Tout projet de loi qui exige que les orientations politiques du gouvernement guident la réglementation de l’expression des utilisateurs laisse planer trop d’incertitude sur les questions les plus fondamentales en matière de libertés.
Pourquoi le gouvernement insiste-t-il pour être autorisé à donner des instructions directes au CRTC sur le contenu généré par les utilisateurs — le contenu lui-même — alors que le CRTC est censé être indépendant?
Encore une fois, sénatrice Wallin, l’intention du gouvernement — ou du projet de loi — n’est pas de réglementer le contenu généré par les utilisateurs. C’est en réponse aux préoccupations exprimées, comme le gouvernement a essayé, et continue d’essayer, d’expliquer — de toute évidence, avec un succès mitigé, dans cette chambre, en tout cas — que le projet de loi ne s’applique pas, et ne s’appliquera pas, au contenu généré par les utilisateurs. Le texte du projet de loi et les engagements du gouvernement sont clairs à ce sujet.
Il est également clair — encore une fois, chers collègues, vous n’avez pas besoin que je vous le dise — que la Charte canadienne des droits et libertés s’applique à chaque projet de loi. Le CRTC est tenu de prendre en compte la Charte. La liberté d’expression est garantie dans le projet de loi lui-même, bien que cela ne soit pas nécessaire étant donné la préséance de la Charte, et les amendements promouvant la liberté en matière de journalisme le soulignent encore davantage.
Sénatrice Wallin, avec tout le respect que je vous dois, il est faux de dire que le gouvernement compte — ou souhaite — réglementer le contenu généré par les utilisateurs. Il essaie de donner des orientations au CRTC sur la manière d’adapter le projet de loi à l’évolution rapide de l’environnement technologique et, en même temps, de rassurer ceux qui, au sein des collectivités, ont exprimé des inquiétudes. Comme je l’ai dit, ces préoccupations seront prises en compte dans la directive définissant l’orientation après la sanction royale.
J’ai un commentaire à ce sujet. Je veux souligner ce que le procureur général David Lametti a dit à propos du projet de loi C-10, plus précisément lorsqu’on lui a posé des questions sur la réglementation fédérale du contenu légal sur Internet. Il a affirmé que les droits et libertés peuvent être limités. Il a notamment dit ce qui suit :
[...] lorsque le Parlement légifère, il peut y avoir une incidence sur les droits et libertés garantis par la Charte. Il peut s’agir de restreindre la jouissance ou l’exercice [...] C’est tout à fait légitime. Les droits et libertés garantis par la Charte ne sont pas absolus [...]
Merci, sénatrice Wallin. Nous en sommes conscients. C’est indiqué dans la Charte elle-même. L’article 1 prévoit que les droits et libertés énoncés, auxquels il faut autrement donner une interprétation étendue de prime abord, peuvent être restreints « dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique ». Le fait que le procureur général le rappelle aux sénateurs et aux législateurs, qui ont tous l’obligation de comprendre et d’appliquer la Charte dans leur travail, relève tout simplement — si je peux paraphraser le regretté et extraordinaire Alan Borovoy, ancien avocat général de l’Association canadienne des libertés civiles, ainsi qu’un mentor et un ami personnel — « d’un coup d’œil pénétrant sur ce qui est évident ».
Certes, les droits ne sont pas absolus. Ils doivent s’équilibrer avec les autres droits et ils peuvent être restreints dans des limites raisonnables. Nos recueils de lois regorgent d’exemples de ce genre.
Je voudrais souligner un élément qu’on oublie parfois. Le CRTC a la capacité d’élaborer ses propres règlements dans le cadre de la loi — j’utilise le mot « cadre » de manière générale, sénateur Gold — et il n’a pas besoin d’attendre une directive du Cabinet. Autrement dit, au cours des prochaines années, le CRTC a la possibilité de modifier la réglementation. Si l’on pense à l’expression « TikTok », il y a cinq ans, elle nous rappelait plutôt le son de l’horloge de notre grand-père, alors qu’aujourd’hui, elle a une signification différente, et que, dans cinq ans, elle aura à nouveau une autre signification. La technologie évolue sans cesse.
Ma question est la suivante : à l’intention des téléspectateurs qui nous regardent aujourd’hui, je précise que notre débat a porté jusqu’à présent, au cours de la dernière heure, sur quelques amendements qui ont été rejetés par la Chambre des communes. Monsieur le sénateur, pourriez-vous nous rappeler quelques points saillants du bon travail que nous avons réalisé et qui a été approuvé par les Communes, en particulier les avis que nous leur avons fournis? Vous en avez parlé brièvement dans votre introduction, mais je pense que le public — celui qui se trouve à l’extérieur de cette enceinte — pourrait souhaiter qu’on lui rappelle que la Chambre a approuvé un grand nombre d’amendements. Je suis un nouveau sénateur, mais je peux dire quand même qu’un résultat de 20 sur 26 me semble assez élevé. Corrigez-moi si je me trompe.
Merci de votre question. Comme je l’ai dit dans mon discours, le Sénat a apporté d’importantes améliorations au projet de loi, améliorations que le gouvernement a acceptées. Ces améliorations visent notamment à renforcer la protection de la vie privée, de la présence et du rôle des Noirs et des Canadiens racialisés, ainsi que de la voix des Autochtones; faire en sorte qu’il soit clair que l’innovation constitue un objectif important du cadre réglementaire et de la Loi sur la radiodiffusion; faire en sorte aussi que les auditoires fassent partie des calculs; veiller à la diversité des auditoires, etc. Ce sont là des améliorations d’un projet de loi qui était déjà bon.
Ce projet de loi nous est parvenu avec l’appui massif des secteurs culturels. Il avait l’appui d’un grand nombre d’intervenants et des trois partis politiques qui avaient notamment fait campagne sur la modernisation de la loi.
C’est un bon projet de loi; la Chambre et le Sénat appuient 99 % de son contenu. Il n’y a que quelques dispositions sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. À cette étape de l’étude du message, je pense que les sénateurs doivent comprendre cela, car nous avons reçu un message d’un gouvernement minoritaire approuvé par la majorité des députés de la Chambre des communes, qui ont étudié nos amendements attentivement et de façon responsable. Ils ont lu les comptes rendus et écouté les débats. Ils ont opté pour d’autres politiques que celles qui sont privilégiées par le Sénat. Ce n’est pas une raison pour faire fi des avantages que ce projet de loi apporterait aux Canadiens et de l’importance d’adopter ce projet de loi pour qu’il reçoive la sanction royale le plus tôt possible.
Je suppose que c’est plus par curiosité, même si cela peut être utile, mais je m’interroge d’abord, monsieur le leader, sur la formulation disant que le Sénat prend acte de l’intention déclarée du gouvernement. Je pense que c’est une façon très créative de rendre bon nombre d’entre nous plus à l’aise à l’idée de renoncer à l’excellente proposition d’amendement des sénatrices Simons et Miville-Dechêne, et je me suis prononcé pour cette proposition, ce qui m’a donné une raison de la soumettre à la Chambre des communes.
Pourriez-vous en dire plus sur la provenance de ce passage? Est-ce vous qui l’avez formulé? Si nous voulions l’amender, est-ce que cette position engagerait le gouvernement et la Chambre des communes? S’agit-il du passage que nous présentons ici au Sénat ou du résultat d’un compromis conclu avec l’autre Chambre qui, si nous le modifions, pourrait poser problème?
Il s’agit d’un libellé que notre bureau du Sénat a rédigé. Vous savez maintenant que depuis trois ans, lorsqu’on m’interroge pendant la période des questions, je réponds au nom du gouvernement. Mon rôle ne consiste pas à répondre à titre personnel. Vous pouvez supposer que le libellé que nous avons rédigé ici représente une position acceptable pour le gouvernement. Autrement, je ne l’aurais pas présenté dans une motion.
Le Sénat a le pouvoir d’amender des motions, de les adopter ou de les rejeter. Je n’ai rien à répondre à votre question. Il n’y a eu aucun compromis, et même si cela avait été le cas, il ne serait pas judicieux que j’en fasse part.
L’objectif de cette motion est de proposer que nous acceptions le message de la Chambre. L’ajout que nous avons fait visait à permettre au Sénat de signaler aux députés sa position et qu’il prend note de l’intention lors de la lecture de la motion.
Nous pensons que cela renforcera les garanties données et, pour revenir aux propos du sénateur Quinn, nous espérons que cela donnera des garanties supplémentaires à ceux qui sont encore sceptiques à l’égard des gouvernements. C’est une caractéristique de la politique moderne.
Cela tiendra également compte des questions liées à l’interprétation. Comme nous le rappelait régulièrement un de nos anciens collègues, les tribunaux, entre autres, tiennent compte de l’historique législatif, notamment des déclarations du Sénat, au moment d’interpréter les lois. Je crois que c’est un argument de plus concernant le point que je soulève, soit que le gouvernement n’a aucunement l’intention d’inclure le contenu généré par les utilisateurs.
La question est de savoir à quel point le gouvernement veut être ambigu. Je me demande si l’emploi du terme « intention » dans ce paragraphe ne constitue pas une ambiguïté.
Encore une fois, serait-il possible ou acceptable, si telle était la volonté du Sénat — peut-être me direz-vous que vous ne voulez pas répondre à une question fondée sur des suppositions —, que cette intention déclarée soit appuyée par une assurance ou un engagement donnés publiquement?
Qu’en pensez-vous?
Je devrai y réfléchir, sénateur Tannas.
Comme je l’ai dit, je reconnais la capacité du Sénat à proposer des amendements aux motions. Je vais choisir de ne pas me prononcer quant à mon appui éventuel advenant qu’une telle proposition soit présentée.
Commençons par les bonnes nouvelles.
Le gouvernement a en effet accepté la plupart des amendements proposés par le Sénat au projet de loi C-11, des amendements qui émanent des quatre groupes sénatoriaux.
Le gouvernement a accepté, par exemple, un petit amendement crucial proposé par la sénatrice Denise Batters, qui clarifie et élargit le sens juridique du mot « décision » dans la loi.
Il a accepté un amendement de la sénatrice Miville-Dechêne, qui souligne le respect du droit à la vie privée suite aux recommandations du commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Il s’agit d’une véritable victoire et d’une agréable surprise, puisque le gouvernement s’était opposé à cet amendement au comité.
Le gouvernement a accepté toute une série d’amendements proposés par la sénatrice Bernadette Clement, qui soulignaient l’importance de la représentation des Noirs et des Autochtones dans l’écosystème de la radiodiffusion canadienne.
Le gouvernement a accepté un amendement important de la sénatrice Pamela Wallin, qui introduit des dispositions essentielles garantissant la liberté d’expression et l’indépendance journalistique, ainsi que des dispositions tout aussi importantes de la sénatrice Donna Dasko, qui insistent sur le fait que notre système de radiodiffusion doit promouvoir l’innovation, s’adapter aux changements technologiques et tenir compte des choix des téléspectateurs.
Les contributions du sénateur René Cormier comprennent des amendements visant à soutenir la radiodiffusion canadienne-française et à souligner l’importance des producteurs indépendants.
Les sénateurs Cormier et Quinn ont proposé avec succès des amendements visant à rendre le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes plus transparent et plus responsable dans l’administration de ce nouveau cadre réglementaire.
Je suis heureuse de voir que deux amendements que j’ai défendus en partenariat avec mon amie la sénatrice Dasko ont été inclus dans le projet de loi révisé. Le premier libère les radiodiffuseurs communautaires de la responsabilité de lutter contre la désinformation; le second, beaucoup plus important, est un amendement visant à supprimer l’intégralité du paragraphe 7(7) de la loi, qui aurait donné de nouveaux pouvoirs extraordinaires au gouverneur en conseil pour microgérer toutes sortes de décisions du CRTC.
Plusieurs témoins experts ont fait part à notre comité de leurs préoccupations quant au fait que cet article donnerait au Cabinet des pouvoirs nouveaux et sans précédent pour intervenir dans les décisions de l’organisme indépendant de réglementation de la radiodiffusion. Je suis ravie que le gouvernement et l’autre endroit acceptent cet amendement, qui dépolitise la prise de décision en matière de réglementation.
Permettez-moi également de profiter de cette occasion pour remercier non seulement les témoins, mais aussi l’ancien sénateur Howard Wetston pour ses conseils avisés lorsque la sénatrice Dasko et moi-même avons travaillé sur cet article essentiel du projet de loi. Les connaissances approfondies du sénateur Wetston en matière de droit réglementaire nous ont été d’une aide précieuse lorsque nous nous sommes efforcées de trouver des solutions à ce problème particulier.
Voilà pour les bonnes nouvelles. Je ne veux pas minimiser leur importance. Le projet de loi C-11 nous est parvenu imparfait, et en travaillant en collaboration, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a créé un meilleur projet de loi. C’est tout à l’honneur du Sénat, plus indépendant et moins partisan, d’avoir été en mesure d’éliminer certaines des omissions et des erreurs les plus flagrantes du projet de loi C-11.
Cependant, l’autre endroit n’a pas accepté l’amendement qui était peut-être le plus essentiel de tous : l’amendement proposé, avec mon appui, par la sénatrice Miville-Dechêne. Cet amendement aurait clairement exclu le contenu généré par les utilisateurs de la portée du projet de loi.
Une des difficultés de ce projet de loi était de trouver un compromis qui viserait le contenu des sociétés de toutes les grandes plateformes de diffusion en continu, y compris YouTube et TikTok, tout en excluant les artistes, les créateurs, les journalistes et les commentateurs sociaux et politiques qui utilisent ces plateformes pour y téléverser leurs contenus.
Nous devions trouver le moyen de faire en sorte que la musique canadienne diffusée sur le marché par l’entremise de YouTube, TikTok et d’autres plateformes soit visée par le projet de loi C-11, sans toucher aux créateurs indépendants qui se servent des plateformes pour rejoindre leurs auditoires, promouvoir leurs marques et gagner leur vie. Nous devions trouver le moyen de protéger les droits des artistes commerciaux, tout en protégeant les droits des innovateurs à la fine pointe du divertissement numérique.
La sénatrice Miville-Dechêne et moi pensions que nous avions trouvé un compromis. Nous n’y sommes pas arrivées toutes seules. Nous avions le soutien de nos excellents employés, qui ont aidé à élaborer le libellé de l’amendement après plusieurs mois de consultations auprès de créateurs indépendants, de groupes de lobbying artistiques et des plateformes mêmes.
Or, la version du projet de loi qui se retrouve devant nous aujourd’hui accorde au CRTC le pouvoir de passer outre la section du projet de loi qui exempte le contenu généré par les utilisateurs si, en partie, ce contenu génère des revenus directement ou indirectement, ce qui pourrait, en théorie, englober une part considérable du contenu généré par les utilisateurs.
Notre amendement rejeté visant le paragraphe 4.2(2) aurait éliminé toute mention de revenus, qu’ils soient directs ou indirects. Nous proposions à la place que les paramètres à prendre en considération soient de déterminer si un élément de contenu a été diffusé au moyen d’un service commercial conventionnel ou s’il était doté d’un identifiant international numérique unique en tant qu’enregistrement commercial professionnel.
Je tiens à bien me faire comprendre sur ce point, car il semble y avoir de la confusion. Notre amendement prévoyait spécifiquement une allocation pour du contenu comme la rediffusion des parties sportives ou de spectacles de divertissement, par exemple un concours de chant.
Notre amendement aurait fait en sorte que si un radiodiffuseur comme Rogers ou CBC avait diffusé une partie de baseball ou un documentaire sur YouTube ou Facebook, ce contenu aurait assurément été assujetti à la loi, à l’instar de toute autre utilisation parallèle des plateformes de médias sociaux pour reproduire ce qui est déjà présenté par un service de radiodiffusion conventionnel.
Il est absolument incorrect de laisser entendre que notre amendement ne concerne que la musique. Ce n’est pas vrai, mais la formulation que nous avons proposée aurait également garanti que si une grande maison de disques comme Sony publiait une nouvelle chanson ou un nouvel album sur YouTube, cette publication aurait été traitée de la même manière que la publication de la même chanson sur Spotify, Amazon Music ou TIDAL.
En même temps, les créateurs numériques, y compris ceux qui réussissent financièrement, auraient été clairement exemptés du projet de loi C-11, même s’ils téléversaient leur humour, leur musique, leur animation, leur film ou leurs épisodes télévisés sur une plateforme de médias sociaux.
Au comité, notre amendement, un compromis plein de bon sens, a été accepté par une grande majorité de membres et approuvé par la majorité des sénateurs. Il a été adopté et salué par les créateurs numériques de tout le pays, par les producteurs, les universitaires, les critiques et les analystes des médias. Il a reçu l’appui général et enthousiaste du public.
Malheureusement, le gouvernement n’a pas jugé bon de l’accepter, malgré son objectif, qui était de trouver un équilibre raisonnable.
Voici la formulation officielle de la raison officielle :
[...] il affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps [...]
Qu’est-ce que cela signifie exactement? Si, comme moi, vous êtes un peu pointilleux au sujet des règles de grammaire, vous avez sans doute trouvé particulièrement pénible de lire et d’entendre cette citation, mais laissons les détails grammaticaux de côté et permettez-moi d’essayer de la traduire. Je pense que le gouvernement dit que notre amendement limiterait le pouvoir du Cabinet de dire au CRTC comment réglementer les services de médias sociaux.
La première partie de la phrase est un peu étrange. Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le gouvernement de tenir des consultations publiques à tout moment sur n’importe quel sujet. La dernière partie de la phrase est également un peu étrange. Il n’y a rien dans notre amendement qui aurait empêché le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques.
C’est le cœur de la phrase qui importe. C’est là où se trouve la substance — la partie au sujet de l’établissement de la portée de la réglementation des émissions commerciales dans les médias sociaux. C’est précisément là que le bât blesse. Le ministre et le gouvernement nous disent — et disent à tout le monde — sans cesse qu’ils n’ont pas l’intention d’inclure le contenu généré par les utilisateurs et que les Canadiens qui publient des sketches humoristiques, de courts dessins animés ou des comptines pour enfants sur Twitter, YouTube, TikTok et Instagram ne pourront pas être visés par le CRTC. Or, la réponse écrite du gouvernement à l’amendement que nous avons proposé indique qu’il désire justement garder le pouvoir de donner au CRTC la directive de le faire, c’est-à-dire de réglementer la diffusion de contenu dans les médias sociaux.
Le gouvernement nous a accusés de vouloir créer des échappatoires. C’est précisément le contraire. C’est le paragraphe 4.2(2) qui crée une échappatoire. Le gouvernement ne peut pas dire une chose et faire le contraire. Il ne peut pas s’engager à garder hors de portée le contenu généré par les utilisateurs dans les médias sociaux et laisser la porte ouverte à cette possibilité, ou même à cette menace, si j’ose dire.
Le sénateur Gold nous a dit aujourd’hui qu’utiliser les médias sociaux ne fait pas de vous un diffuseur. Ce serait absolument vrai, si c’était ce que dit le projet de loi.
Nous voilà donc aux prises avec un dilemme constitutionnel. Retournons-nous le projet de loi en insistant, avec toute la politesse parlementaire qui s’impose, pour que le gouvernement considère de nouveau notre amendement? La balle est dans notre camp; devrions-nous la renvoyer? Ou disons-nous au gouvernement quelque chose comme : « Vous l’aurez voulu. Nous, les sénateurs, avons cerné un problème grave et réel dans ce projet de loi. Nous avons suggéré un compromis pratique et non partisan qu’une grande partie des sénateurs ont appuyé. Vous n’avez pas écouté. Maintenant, vous, les représentants élus tenus de rendre des comptes aux électeurs, devrez assumer les conséquences de cette décision. »
Quand un projet de loi, ou une partie d’un projet de loi, est manifestement inconstitutionnel, la voie que nous devons emprunter ne fait aucun doute. Le Sénat a le devoir de protéger les droits et les libertés garantis par la Charte, y compris la liberté d’expression. Or, même si je pense que le paragraphe 4.2(2) porte effectivement atteinte à la liberté d’expression, il ne le fait pas explicitement. En dépit de la panique, des messages qui visent à fomenter la colère et des arnaques manipulatrices qu’il suscite dans les médias sociaux, ce projet de loi ne vise à censurer personne. Ce n’est pas un complot du Forum économique mondial ni un complot communiste, nazi ou orwellien. C’est simplement un projet de loi qui laisse à désirer.
Quoi qu’il en soit, c’est le projet de loi que le gouvernement avait promis pendant la campagne électorale. Aux termes de la convention de Salisbury, cette mesure faisait bel et bien partie de sa dernière plateforme électorale. On pourrait faire valoir qu’il a reçu le mandat d’adopter ce projet de loi, quoique ce dernier ne faisait pas vraiment l’objet d’une question sur le bulletin de vote.
Alors, même si je pourrais être tentée, chers collègues, de vous demander de renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, en insistant pour que le gouvernement reconsidère notre amendement, je ne crois franchement pas que la Chambre soit encline à céder sur ce point. C’est bien dommage. En outre, je ne pense pas que renvoyer cet amendement d’une Chambre à l’autre changera quoi que ce soit.
Je suis fière du travail que nous avons accompli sur cette mesure législative, et je crois qu’il a permis de l’améliorer considérablement. Au bout du compte, je ne pense pas que je peux voter en faveur de son adoption, mais je tiens à remercier aujourd’hui tous les créateurs indépendants de contenu numérique — les animateurs, les cinéastes, les musiciens, les comédiens, les journalistes et les commentateurs — qui ont dénoncé de manière si réfléchie cet aspect du projet de loi. Vous contribuez grandement à notre pays et à notre culture. Je vais continuer de me battre pour que vos droits et votre indépendance soient respectés dans les règlements du gouvernement et par le CRTC. Nous avons besoin de votre vision et de votre voix dans notre milieu médiatique. Je vous remercie de ce que vous donnez au Canada et au reste du monde. Merci d’être des ambassadeurs de tout ce qui est canadien et des multiples facettes de notre identité nationale. Vous êtes avant-gardistes et j’espère que, avec le temps, le reste du monde vous rattrapera.
Merci. Hiy hiy.