Projet de loi sur la protection financière pour les producteurs de fruits et légumes frais
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Suite du débat
9 avril 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole à titre de porte-parole pour le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (fiducie réputée — fruits et légumes périssables).
Je me rends compte que je dispose de 45 minutes aujourd’hui. Je tiens à vous dire que mon discours compte 21 pages. Si vous le souhaitez, je peux dire le numéro des pages au fur et à mesure.
Je voudrais commencer à la page 0. Lorsque je suis arrivé au Sénat, j’avoue que j’ai été surpris de constater que j’avais rencontré, presque par accident et tout au long de ma carrière, bon nombre des problèmes auxquels nous nous attaquons ici, et j’avais l’habitude de m’asseoir dans ce coin-là, soit dans les sièges les plus éloignés. J’étais là avec l’ancienne sénatrice Judith Keating. Nous comparions nos notes sur — fait remarquable — ce que nous savions et peut-être aussi sur ce que nous ne savions même pas que nous savions.
Une des choses que j’ai apprise de l’ancienne sénatrice Keating pendant nos conversations, c’est pourquoi elle avait demandé au sénateur Percy Mockler d’être son parrain. Je regrette qu’il ne soit pas ici en ce moment. Les nouveaux sénateurs savent peut-être que l’ancienne sénatrice Keating est malheureusement décédée après avoir servi seulement quelques années au Sénat. J’ai eu l’audace de lui demander pourquoi elle avait demandé au sénateur Percy Mockler d’être son parrain. Elle m’a répondu que c’est parce que, même si elle n’était pas toujours d’accord au sujet des opinions du sénateur Mockler, elle voulait être une sénatrice du même acabit.
Je suis ici depuis quatre ans et je veux moi aussi — autant que possible, en tant que sénateur et dans la vie — être comme le sénateur Mockler. C’est le plus court hommage que recevra le sénateur Mockler cette semaine.
Pour en revenir au projet de loi, si vous me le permettez, comme vous le constaterez d’après mes observations, je suis un porte‑parole bienveillant de ce projet de loi et je l’appuie. Je vous exhorte, chers collègues, à faire de même.
Le cheminement législatif de ce projet de loi a commencé le 22 novembre 2021 à l’autre endroit. J’espère que nous sommes près de la ligne d’arrivée. Mes observations se divisent en quatre parties.
Premièrement, j’aimerais prendre quelques minutes pour parler du projet de loi lui-même, de ses objectifs généraux et des raisons pour lesquelles il est nécessaire.
Deuxièmement, je parlerai assez longuement — ce sera la partie la plus intéressante de mon intervention — du fonctionnement du projet de loi et de la façon dont il s’insère dans une structure de politique publique généralement compliquée et, à certains égards, inadéquate en ce qui concerne les créanciers en cas de faillite, d’insolvabilité et de restructuration.
C’est un domaine complexe du droit dans lequel nous nous aventurons. J’aimerais faire part au Sénat de quelques réflexions qui, je l’espère, en expliqueront les nuances et les motifs pour lesquels on a recours de manière légitime à une technique quelque peu inhabituelle et artificielle pour protéger les intérêts des producteurs de fruits et légumes périssables.
Dans ce contexte, je soulignerai quatre lacunes ou, du moins, des limites pratiquement inévitables à l’efficacité du projet de loi et à ses espoirs de protéger les producteurs de fruits et légumes périssables dans les situations où leurs acheteurs ont fait faillite ou sont devenus insolvables.
Troisièmement, je dirai quelques mots sur la question des créanciers non garantis, plus généralement, dont les producteurs de fruits et légumes constituent un sous-ensemble important.
Au cours de mon exposé, j’espère cerner pour vous un ensemble cohérent de vulnérabilités vécues par les créanciers non garantis, des vulnérabilités qui sont omniprésentes et qui appellent à une étude plus complète et organisée des lacunes de la politique publique qui sont inhérentes à la structure actuelle de la faillite et de l’insolvabilité en ce qui concerne la façon dont les créanciers non garantis sont placés et peu indemnisés.
Quatrièmement, je dirai quelques mots au sujet du projet de loi dans le contexte du commerce international et de la manière dont il pourrait s’avérer constructif si le Canada s’en sert comme un rameau d’olivier tendu vers les États-Unis, car il pourrait engendrer des avantages et des retombées économiques pour les producteurs de fruits et légumes canadiens et américains.
Pour commencer, comme l’a souligné le parrain du projet de loi à la Chambre des communes, et comme le sénateur MacDonald — son parrain au Sénat — l’a indiqué dans son discours à l’étape de la deuxième lecture, des événements particuliers liés à l’insolvabilité des épiciers ont eu des conséquences négatives importantes pour les producteurs de fruits et légumes périssables.
Ces conséquences sont dues au fait que lorsque quelqu’un vend des fruits et légumes à un grossiste ou à un détaillant, mais n’a pas encore été payé, et que le grossiste ou le détaillant devient insolvable et incapable de payer ses factures, le vendeur de fruits et légumes occupe une place inférieure dans la hiérarchie de l’indemnisation. Dans le langage de la législation sur la faillite et l’insolvabilité, il s’agit d’un créancier non garanti.
« Non garanti » signifie qu’ils n’ont aucune sorte de propriété ou de garantie sur ce qu’ils ont vendu ou sur les actifs de la personne qui a acheté le produit. Il s’avère que les créanciers non garantis se trouvent au bas de l’échelle lors de la répartition des biens insolvables.
Deuxièmement, je parlerai du fonctionnement du projet de loi. Comme je l’ai dit, ce sera la partie la plus longue et la plus fascinante de mon intervention. Pour replacer le projet de loi dans son contexte, il est nécessaire de parler de la situation des créanciers en général et de la manière dont elle se manifeste dans les faillites et les cas d’insolvabilité.
Dans une autre vie, je faisais pareilles présentations dans un autre cadre. J’utilisais des accessoires. Oh, si seulement je pouvais avoir un accessoire aujourd’hui.
Lorsqu’une entreprise démarre ses activités ou prend de l’expansion, elle a presque toujours besoin de capital. Même si les sources de capital varient, le moyen le plus courant est d’emprunter auprès d’institutions financières.
Les institutions financières de ce pays font tous les jours des investissements importants sous forme de prêts aux entreprises commerciales. Elles mettent beaucoup d’argent en jeu, et elles ne sont pas stupides. Elles savent mieux que quiconque qu’un nombre considérable d’entreprises dans une foule de secteurs sont susceptibles d’essuyer des échecs. C’est pour cette raison qu’elles prennent des mesures judicieuses pour protéger leurs investissements le mieux possible.
J’ai choisi délibérément le mot « protéger » pour souligner un point en particulier. De façon générale, les institutions financières protègent leurs investissements au moyen d’une foule de mesures qu’on appelle couramment des « sûretés » dans le domaine juridique. Il peut s’agir d’une hypothèque, d’une charge d’entretien, d’une cession de créances ou, dans le cas des banques, de valeurs mobilières au sens de la Loi sur les banques.
Presque toutes les sûretés ont pour effet de donner aux institutions financières l’équivalent d’un droit de propriété qui peut s’exercer à l’égard d’une grande partie — souvent même de la plupart — des actifs de l’entreprise à laquelle elles prêtent de l’argent. Il s’agit d’une proposition commerciale tout à fait raisonnable, comme le sénateur Loffreda nous l’a rappelé. En effet, la vitalité de notre économie et de notre société dépend en grande partie de l’accès au crédit qui est offert par ces institutions financières. Elles ont également à leur disposition des moyens très efficaces comme les sûretés pour protéger leurs investissements.
S’il y a faillite ou insolvabilité, l’attrait particulier de ces garanties devient évident. En cas de faillite ou d’insolvabilité, un tiers neutre, un syndic ou un séquestre est chargé de rassembler tous les actifs du débiteur insolvable et de répartir les produits entre les créanciers selon une structure de distribution particulière. Par exemple, la structure établie dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
La protection de l’institution financière prend essentiellement la forme d’un droit de participation aux actifs du débiteur insolvable à la hauteur de la dette contractée auprès de l’institution financière.
Par conséquent, d’un point de vue juridique, dans la mesure de la créance du prêteur, les actifs du débiteur insolvable appartiennent essentiellement à l’institution financière. En droit, donc, dans la mesure de cette créance, ces actifs ne font pas partie des biens de l’entreprise insolvable à partager entre les autres créanciers.
En effet, les créanciers garantis procèdent souvent au recouvrement de leurs investissements sans passer par une procédure de faillite ou d’insolvabilité, puisque les termes de leurs accords de prêt les y autorisent pratiquement toujours, en saisissant et en vendant les actifs du débiteur lorsque ce dernier n’effectue pas les paiements prévus par le prêt.
Vous connaissez peut-être le film La Mort en prime ou une personne dont la voiture a été saisie parce qu’elle n’avait pas effectué ses paiements. Eh bien, imaginez La Mort en prime à grande échelle.
Dans bon nombre de ces cas, les institutions financières perdent elles-mêmes de l’argent. Cela rend une autre option attrayante, en particulier dans le cas de débiteurs insolvables relativement importants.
C’est l’occasion, si les créanciers sont suffisamment d’accord, pour l’entreprise de se restructurer et de conclure ce que l’on appelle des « arrangements » en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. L’objectif est de donner à l’entreprise la possibilité de se revitaliser dans l’intérêt de tous, y compris des créanciers. C’est ce que permet la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Je reviendrai sur un aspect de cette loi dans quelques minutes.
Pour en revenir à la faillite ou à l’insolvabilité classique, une fois que les créanciers garantis ont fait valoir leurs droits, souvent, il ne reste pas grand-chose pour les créanciers non garantis. Parfois, il ne reste rien du tout. Parmi les créanciers non garantis restants figurent, dans bien des cas, des producteurs de fruits et légumes périssables qui ont vendu leurs produits à une entreprise devenue insolvable, et qui n’ont pas été payés.
À ce stade, vous vous dites peut-être que c’est dommage, qu’ils auraient dû mieux évaluer le risque lorsqu’ils ont commencé à vendre leurs produits à l’entreprise qui a finalement fait faillite. Ou bien, vous pourriez dire qu’ils auraient dû prendre de meilleures garanties pour protéger leur créance, comme le font les banques. Paradoxalement, s’ils se trouvent dans cette situation, c’est en partie parce qu’ils n’ont pas accès, à propos de leur acheteur, au genre de renseignements financiers que les prêteurs peuvent exiger. En outre, ils n’ont pas le pouvoir de négociation nécessaire pour obtenir des sûretés de la part de leurs clients, comme le font les institutions financières lorsqu’elles prêtent de l’argent à la même entreprise.
Le même dilemme s’applique aux travailleurs qui, jusqu’à ce qu’ils soient payés à la fin de la période de paie, sont eux aussi des créanciers non garantis, comme les producteurs de fruits et légumes. Voici un petit exemple à propos de l’accès à l’information financière et du manque d’influence, vus sous l’angle d’une employée.
En début de semaine, la petite-fille de 16 ans de ma conjointe s’est vu proposer un emploi dans un magasin de vêtements. Elle n’a aucune idée de la viabilité financière du magasin. Je lui ai suggéré qu’avant d’accepter l’emploi et afin de s’assurer qu’elle sera payée à la fin de chaque mois, elle demande les informations financières du magasin : ses revenus, ses dépenses, sa masse salariale, son endettement, ses pertes et profits et — je n’ai pas fini — une hypothèque sur tous les actifs du magasin de vêtements afin de garantir son salaire à temps partiel. Pouvez-vous imaginer comment se déroulerait une telle conversation? Je ne sais pas exactement comment elle se déroulerait, mais la dernière phrase de la conversation serait probablement : « Je pense que nous allons embaucher quelqu’un d’autre. » À 16 ans, même elle trouvait cette proposition absurde et risible. La situation n’est pas aussi dramatique pour les producteurs de fruits et légumes, mais le manque de marge de manœuvre prévaut également dans leur secteur.
Pour en revenir au secteur des fruits et légumes, il ne fait aucun doute que les fonds injectés par les institutions financières sont un élément indispensable à la création et au développement des entreprises. Il ne faut toutefois pas oublier que, dans ce secteur et dans le secteur alimentaire en général, les fournisseurs du produit de base qui sera vendu par une épicerie ou un fabricant précis ne sont pas moins essentiels à la réussite de l’entreprise. Je suis sûr que vous conviendrez de ce qui suit : la beauté de l’épicerie ou de l’usine de transformation des fruits et légumes importe peu. S’il n’y a aucun fruit ou légume, l’entreprise ne va nulle part. Lorsque l’épicerie ou un autre acheteur devient insolvable, il n’est pas immédiatement évident que la répartition la plus équitable du produit des ventes entre les créanciers devrait privilégier les institutions financières. En effet, ce privilège repose sur le pouvoir du marché dont disposent ces institutions lorsqu’elles prêtent de l’argent.
Il y a un autre facteur qui mérite d’être pris en considération lorsque nous examinons le tableau de l’insolvabilité. Je ne m’y risquerais pas, mais j’ai essayé avec la sénatrice Robinson et elle a semblé l’apprécier.
Quand les institutions financières subissent une perte sur de tels investissements, elles disposent de stratégies pour gérer les risques et les répartir sur l’ensemble de leur portefeuille de prêts. En outre, elles peuvent ajuster de façon mineure les taux d’intérêt auxquels elles prêtent de l’argent pour se prémunir contre ce risque. Toutefois, il est rare, du moins à ma connaissance, qu’une institution financière devienne insolvable simplement parce qu’un débiteur fait faillite. En comparaison, la plupart des producteurs de fruits et légumes n’ont pas une telle taille, et ils ne disposent ni d’une telle expertise ni d’une telle ingéniosité. Dans les cas où des quantités importantes de fruits et de légumes ont été fournies à crédit et que les fournisseurs ne sont pas payés, le risque d’insolvabilité devient beaucoup plus grand pour eux. Il s’agit d’une tragédie financière qui a des conséquences pour leurs propres créanciers, leurs travailleurs, et cetera.
Quand un arbre tombe dans la forêt et qu’il n’y a personne pour l’entendre, fait-il du bruit? Je n’en sais rien. Toutefois, quand un arbre tombe dans la forêt et qu’il renverse un autre arbre, et que cet arbre en renverse un autre, et ainsi de suite, que quelqu’un l’entende ou non, beaucoup d’arbres tomberont. Tenter de réduire le risque de chute du premier arbre afin que toute une rangée d’arbres n’en subisse pas les conséquences me semble être une bonne politique publique. Il devient facile de comprendre pourquoi une intervention publique est appropriée pour tenter de rééquilibrer la situation.
En ce qui concerne cette intervention, le projet de loi C-280 a été adopté à l’autre endroit à 320 voix contre une.
Maintenant que nous avons vu comment les institutions financières cherchent, en toute légitimité, à protéger leurs intérêts lorsqu’elles prêtent de l’argent à une entreprise commerciale, on comprend que le projet de loi C-280 vise une version légèrement modifiée de la même stratégie afin de protéger les producteurs de fruits et légumes qu’on ne paie pas.
Voici comment cela fonctionne. J’ai besoin d’un autre accessoire à ce stade-ci.
Ce projet de loi crée ce que l’on appelle une fiducie réputée en faveur des producteurs de fruits et légumes. Pour comprendre un peu mieux cette fiducie et ses limites, il faut bien comprendre le concept de fiducie.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui n’a aucun lien. Des membres de la famille ou des amis de certains sénateurs leur ont déjà demandé d’être leur exécuteur testamentaire. Dans un tel cas, l’exécuteur prend possession des biens du défunt et il en obtient ce qui est souvent appelé la propriété légale. Il est possible qu’il doive vendre une partie des biens de la succession du défunt. À cette fin, l’exécuteur doit disposer de la propriété en common law, mais aux yeux de la loi, il détient la propriété en fiducie pour les bénéficiaires du testament. Cela signifie que ceux-ci — et non l’exécuteur — sont reconnus comme les propriétaires bénéficiaires de la propriété.
De plus, en droit des fiducies, on s’attend à ce que les fiduciaires ne mélangent pas leurs biens personnels — comme leurs comptes bancaires — avec les biens qui leur sont confiés à titre d’exécuteur, comme d’autres comptes bancaires, par exemple. La mise en commun de biens est interdite. En effet, en droit des fiducies, la mise en commun met en danger l’existence de la fiducie, en partie parce qu’il devient impossible de déterminer ce qui fait partie ou non de la fiducie. En langage juridique, il devient impossible de retracer le bien fiduciaire.
Ce projet de loi vise à créer une fiction juridique au nom des producteurs de fruits et de légumes périssables, qui sont essentiellement des créanciers dans cette situation. Le projet de loi établit une fiducie réputée afin que le fournisseur de fruits et de légumes acquière, à un moment donné, un intérêt bénéficiaire dans les fruits et les légumes ou les produits de leur vente, même si la propriété légale a peut-être été transférée à l’acheteur insolvable. L’effet juridique de cette fiducie est d’empêcher que l’acheteur de ces fruits et légumes, celui qui n’a pas payé — c’est-à-dire l’acheteur insolvable — ne touche tous les intérêts légaux et juridiquement exécutoires pour ces fruits et ces légumes. Ce projet de loi retire à l’acquéreur la propriété effective du produit ou de l’argent issu de ce produit.
Comme vous pouvez le constater, il s’agit d’un projet de loi complexe, mais les mesures législatives peuvent faire beaucoup de choses pour créer une bonne politique publique.
Il s’agit essentiellement d’empêcher que le bien, à savoir les fruits ou les légumes et le produit de leur vente, ne devienne la propriété véritable de l’acheteur tant que le vendeur de fruits et légumes n’a pas été payé, empêchant ainsi que le bien soit considéré comme faisant partie de la garantie de l’institution financière. Cela permet aux producteurs de fruits et légumes qui ont fourni le produit d’être les premiers ayants droit à ces biens en cas de faillite, d’insolvabilité ou de restructuration, car, en vertu de ce projet de loi, le produit ou le produit des ventes est leur propriété, et non celle du débiteur qui a acheté le bien.
Dans une certaine mesure, vous pouvez comprendre pourquoi il faut procéder de cette manière. Une fois que l’acheteur bientôt insolvable a acquis la pleine propriété du bien, la garantie du prêteur s’y rattache et toute priorité pour les fruits et légumes est perdue. La structure ordinaire des dispositions de ce projet de loi aboutit à ce résultat. Toutefois, pour que cela soit parfaitement clair, le paragraphe 2(2) de la modification à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et le paragraphe 3(2) de la modification à la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies énoncent — et vous comprenez ce que je veux dire ici :
Il est entendu que les fruits ou légumes périssables, ainsi que tout produit de vente, ne sont pas compris dans les biens de l’acheteur dès lors qu’ils sont réputés être détenus en fiducie par l’acheteur pour le fournisseur au titre du paragraphe (1).
Je me permets d’insister : ils « [...] ne sont pas compris dans les biens de l’acheteur [...] ».
En revanche, aussi efficace que puisse être cette fiducie, il y a quatre éléments du projet de loi qui, franchement, limitent son efficacité. Je crois qu’il importe de vous faire part de ces quatre éléments.
Premièrement, à cause de la structure du projet de loi, la fiducie même et les actifs ne sont constitués qu’après une série d’étapes procédurales. Le fournisseur de fruits ou légumes doit notifier, conformément à l’article pertinent de la loi, son intention d’invoquer la disposition relative à la fiducie, et il est nécessaire qu’un certain délai — jusqu’à 30 jours — s’écoule pendant lequel l’acheteur ne paie pas la totalité du solde dû pour les fruits ou les légumes.
Voici le problème : pendant cette courte période, la fiducie n’a pas encore été constituée sur le bien, et il est presque certain que la sûreté prise par un prêteur financier sera constituée sur les fruits ou les légumes et le produit de leur vente pendant cet intervalle et que le prêteur devancera le fournisseur pour constituer un droit de propriété sur les fruits ou les légumes avant que la fiducie n’ait la possibilité d’intervenir.
J’ai passé des années à mener des études et à écrire au sujet des moyens qu’on pourrait prendre pour essayer de faire en sorte que les fiducies « réputées » et autres véhicules aillent au-delà des intérêts commerciaux des institutions financières pour protéger les salaires impayés en cas de faillite, et il est juste de dire que c’est presque impossible à faire sans prévoir des mesures très strictes et hautement interventionnistes — voire plutôt irréalistes — dans les lois.
Permettez-moi de vous donner un exemple. Les provinces ont été les plus actives lorsqu’il s’agit de protéger les salaires des employés en cas d’insolvabilité. Elles ont essayé de recourir aux hypothèques et aux fiducies réputées et de faire passer cela avant tout dans ce genre de situation. Prenons l’exemple des fiducies d’origine législative à l’égard des salaires. Voici une situation qui se produit souvent. Prenons l’exemple d’une personne qui commence à travailler aujourd’hui et qui doit recevoir son salaire à la fin du mois. Cette personne est un créancier de son employeur jusqu’à ce qu’on lui paie son salaire.
D’ailleurs, nous sommes nous-mêmes des créanciers du gouvernement du Canada. Certains d’entre nous ont travaillé fort et n’ont pas encore reçu leur salaire pour neuf jours de travail. Cependant, notre employeur est probablement dans une situation suffisamment stable pour que nous puissions être payés à la fin du mois d’avril.
Une fiducie d’origine législative comme dans la situation que je viens de décrire, créée, disons, par une province, grève immédiatement les actifs de l’employeur pour garantir votre salaire. C’est merveilleux. Dans bien des provinces, elle a préséance sur tout autre créancier, y compris les créanciers garantis. Toutefois, lorsque vous êtes payé, vous n’êtes plus créancier, même pour un jour. La fiducie prend fin, pour être réactivée le lundi lorsque vous commencez à travailler pour le mois suivant. Cependant, durant la fin de semaine, votre fiducie d’origine législative n’est plus — en langage juridique, elle a été annulée par règlement —, et automatiquement, la sécularité des créanciers garantis entre en jeu.
Le lundi, lorsque votre fiducie se réactive afin de grever les biens de l’employeur, elle s’applique aux biens que l’employeur possède, c’est-à-dire à ces biens moins la valeur de la sûreté du prêteur, car, au cours de la fin de semaine, cette sûreté s’est appliquée aux biens pendant que vous aviez détourné votre regard.
Les tribunaux font preuve de diligence pour protéger ces règles conventionnelles de priorité concernant les sûretés commerciales lorsque les lois conventionnelles et les faits sur le terrain le permettent. Ce n’est pas mauvais; c’est simplement une concurrence entre les demandeurs et, bien franchement, les « petites gens » ont peu d’influence et ont tendance à être perdants. Ainsi, le délai d’entrée en vigueur de la fiducie aux termes de ce projet de loi risque en fait d’en ruiner l’efficacité.
Deuxièmement, étant donné qu’il est courant que les biens fournis dans ces situations soient mélangés à d’autres biens, et certainement que les produits soient regroupés dans des comptes bancaires ou dans des caisses enregistreuses, entre autres, la mise en commun est inévitable. Comme je l’ai mentionné plus tôt, en droit des fiducies, la mise en commun des biens d’une fiducie et d’autres biens peut être fatale à une fiducie. La situation est d’autant plus compliquée que ces règles relèvent de la compétence provinciale et que la mesure législative précise qu’elle ne contredit pas les principes fondamentaux des fiducies sous réglementation provinciale.
Troisièmement, le projet de loi s’applique à une partie très précise de la loi, et cela devrait indiquer à la présidente du Comité des banques certaines préoccupations concernant la structure de la distribution des actifs ou leur valeur en cas de faillite et d’insolvabilité.
Dans cette partie précise de la loi relative à la restructuration de grandes entreprises dans le cadre de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, un autre obstacle se présente. Lorsque ces initiatives de restructuration d’une entreprise sont mises en œuvre pour sauver une entreprise en difficulté à l’aide d’une restructuration financière, des personnes talentueuses doivent être engagées pour effectuer le gros du travail et tenter de remettre l’entreprise sur pied : des gens d’affaires, des comptables, et des financiers avisés, entre autres. Il faut les rémunérer, ce qui semble équitable. La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies permet aux tribunaux de protéger les ententes de paiement de ces personnes. Sinon, bon nombre d’entre elles n’accepteraient même pas, dans certains cas, d’effectuer le travail, ce qui est tout à fait compréhensible.
En vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, les tribunaux peuvent ordonner que ces personnes soient payées avant les créanciers garantis et la fiducie la plus prioritaire de toutes dans la législation fédérale, la fiducie d’origine législative de la Loi de l’impôt sur le revenu pour le versement des déductions d’impôt sur le revenu du salaire des employés que l’employeur insolvable était censé conserver et verser, mais qu’il n’a pas fait. La Loi de l’impôt sur le revenu confère à cette créance sur le gouvernement du Canada une véritable super-priorité.
En 2021, dans une affaire intitulée Canada c. Canada North Group Inc., la Cour suprême du Canada a statué à cinq contre quatre qu’un juge pouvait ordonner une sûreté sur les actifs d’une entreprise pour payer l’équipe de restructuration, et qu’une telle ordonnance était une super-priorité qui avait préséance sur tout, y compris la super-priorité de la fiducie d’origine législative de l’impôt sur le revenu, soit une fiducie plus importante et plus puissante que celle envisagée dans ce projet de loi. Il semble probable que la fiducie réputée pour les producteurs de fruits et légumes périssables créée par le projet de loi C-280 devra céder la place à des demandes d’indemnisation semblables lors d’une restructuration de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.
Quatrièmement, il y a une limitation d’ordre plus général. Il existe de nombreuses statistiques officielles concernant les procédures de faillite et les mises sous séquestre officielles. Pour vous donner une idée de la situation, pendant et après la COVID, le nombre de faillites et de mises sous séquestre officielles a diminué. Vous vous demandez peut-être comment cela est possible. Le gouvernement du Canada, grâce à la contribution de l’ensemble des Canadiens, a soutenu un grand nombre de ces entreprises, mais cette période a été marquée par de réelles difficultés économiques.
Vous aurez compris la situation : les statistiques officielles masquent l’impact réel que subissent les entreprises qui épongent le non-paiement des entreprises insolvables. En effet, un grand nombre de petites entreprises mettent tout simplement la clé sous la porte, incapables de payer leurs factures. Dans ces circonstances, les créanciers non garantis ne reçoivent pratiquement rien sur leurs créances.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, si une personne n’est pas en mesure de payer ses dettes, la seule solution pour se remettre à flot est de passer par une procédure formelle, soit par la faillite, soit par les procédures autorisées par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité. Il vous faut vraiment une solution pour vous remettre sur pied.
J’ai donné un cours sur la faillite et l’insolvabilité pendant un certain temps, et j’avais l’habitude de parler de ce processus comme d’une « douche financière », où vos dettes sont effacées, mais où vous perdez tout, sauf le plus élémentaire — vos « sous-vêtements financiers ». Tout le reste est remis aux créanciers. Sans cette « douche financière », vous êtes essentiellement dans un cul-de-sac.
Il en va différemment pour les entreprises constituées en société. Tout d’abord, elles ne sont pas des personnes physiques. Si elles rencontrent de graves difficultés financières, les créanciers garantis reprennent possession des actifs, et les créanciers non garantis peuvent les poursuivre ou les mettre en faillite, mais cela n’en vaut souvent pas la peine, et les créanciers non garantis se contentent d’encaisser leurs pertes. L’entreprise insolvable peut essentiellement feindre l’absence de moyens financiers et se débarrasser de ses dettes. C’est la partie de l’insolvabilité qui se trouve en dessous des chiffres officiels, mais qui constitue la pointe de l’iceberg, si l’on peut dire.
Ce sont presque toujours les entreprises acheteuses, grandes et petites, qui se mêlent de l’achat et de la vente de produits. La fiducie fonctionne, mais, pour qu’elle fonctionne, le créancier peut avoir à déposer une réclamation contre l’un de ces débiteurs, reconnaissant que s’il y a des créanciers garantis, ils se seront engouffrés dans la brèche et auront réclamé les actifs du débiteur, c’est-à-dire l’acheteur des fruits ou des légumes. Cette démarche n’est pas aussi simple que celle consistant à faire valoir une créance dans le cadre d’une faillite, car elle implique un certain risque financier pour l’intéressé. À la lumière de ce que j’ai suggéré au sujet de certaines des subtilités entourant la qualité de cette fiducie réputée, les gens peuvent être réticents à le faire.
J’en arrive maintenant à ma troisième série d’observations — beaucoup plus brèves, je suis sûr que vous serez soulagés de l’apprendre. Je voudrais dire un mot ou deux sur les créanciers non garantis en général. Comme je l’ai dit plus tôt, ces gens se retrouvent au bas de la liste lorsqu’il s’agit de recouvrer des factures impayées en cas de faillite et d’insolvabilité. Ce que je veux dire ici — et ce projet de loi aborde cet enjeu en partie —, c’est qu’il y a de sérieuses questions à se poser quant à savoir si, du point de vue de la politique publique, nous avons les bonnes priorités en matière d’indemnisation dans les cas de faillite et d’insolvabilité.
Chacun des demandeurs dans ces circonstances a une demande légitime. Toutefois, les priorités en ce qui concerne ces demandes ont tendance à être déterminées, d’une part, par l’emprise sur le marché et, d’autre part, par les priorités structurées par le gouvernement. Je vais donner un exemple incongru.
Le recouvrement des déductions d’impôt à la source des employés auprès d’un employeur insolvable me semble tout à fait légitime. Les gens doivent payer leurs impôts, sinon, comment les sénateurs seront-ils payés? On accorde aux déductions d’impôt sur le revenu de ces employés une priorité législative absolue dans le régime de recouvrement. Eh bien, j’aurais pensé que le salaire non payé des employés, la part qu’ils ont réellement gagnée, mériterait au moins la même protection. À ma connaissance, le gouvernement du Canada n’a pas fait faillite parce qu’il n’a pas recouvré certaines de ces déductions d’impôt à la source, mais les employés, en particulier ceux qui occupent des postes peu rémunérés, sont extrêmement vulnérables lorsqu’ils ne sont pas payés. C’est une injustice, à mon avis.
Deuxièmement, pour tenter de résoudre cette question, le gouvernement du Canada a instauré une modeste indemnisation des employés non rémunérés dans le cadre du Programme de protection des salariés. Cela fait en sorte que les employés reçoivent une partie de ce qui leur est dû, mais seulement une partie — et ils ne voient que rarement le reste. Est-il vraiment logique à cet égard que les contribuables subventionnent les réclamations des grands créanciers qui pourraient facilement restructurer leurs priorités et, en échange, ne devrait-on pas donner aux travailleurs un statut de créancier prioritaire ou protéger les producteurs de fruits et légumes périssables de la même façon? Il y a de nombreuses autres anomalies et, bien sûr, conséquences qui découleraient de ces modifications si nous devions les apporter. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’ensemble du régime doit être étudié et réexaminé attentivement.
Il faut reconnaître que le Parlement a mené une étude de ce genre il y a une dizaine d’années. Qu’est-ce que cela a donné? Un rapport parlementaire, un point c’est tout. Des éléphants ont travaillé vraiment très fort et n’ont même pas accouché d’une souris. Il faut réexaminer tout cela. Cela constituerait pour nous — pour le Comité des banques peut-être — un projet honorable et idéal, et je profite de l’occasion pour exhorter mes collègues à l’entreprendre.
Enfin, ce projet de loi a une importante dimension de politique commerciale. Le sénateur MacDonald en a parlé lui aussi. L’absence du type de protection que ce projet de loi offrirait aux producteurs de fruits et légumes périssables les a privés de l’accès à ce genre de protection lorsqu’ils vendent des fruits et des légumes périssables à des acheteurs américains. Les États-Unis ont une forme de protection comparable pour ces vendeurs aux États-Unis, protection qui a déjà été accessible aux vendeurs canadiens. Cette loi est la Perishable Agricultural Commodities Act. L’absence, au Canada, du même genre de protection pour les vendeurs américains de fruits et de légumes a entraîné le refus d’offrir une protection semblable aux Canadiens qui vendent des fruits et des légumes périssables aux États-Unis.
Outre le fait qu’il constitue une politique commerciale coopérative et constructive, ce projet de loi pourrait aussi contribuer à élargir les marchés de nos vendeurs de fruits et de légumes périssables. Il réduit les risques lorsqu’ils vendent leurs produits sur le marché américain et il encouragera sans aucun doute nos producteurs à explorer de nouveaux débouchés. À cet égard, il s’agit d’une mesure avantageuse pour tout le monde.
En conclusion, bien que je ne sois pas convaincu que le projet de loi puisse produire tous les résultats espérés, comme je l’ai dit, il s’agit d’un bon pas en avant fortement soutenu par l’autre endroit. Je dirais aussi qu’il s’agit d’une bonne politique publique intérimaire. Je vous encourage vivement à appuyer ce projet de loi et à voir à ce qu’il soit adopté rapidement au Sénat. Merci beaucoup.
Sénatrice Simons, avez-vous une question?
En effet. Sénateur Cotter, accepteriez-vous de répondre à une question?
Oui.
Je ne peux en aucun cas égaler votre expertise en matière de compréhension du droit de la faillite — je doute qu’il y ait un sénateur dans cette enceinte qui puisse le faire —, mais je suis préoccupée parce que la surintendante des faillites a écrit aux membres du Comité de l’agriculture et du Comité des banques. Elle a soulevé des préoccupations sérieuses et importantes au sujet de ce qu’elle a qualifié d’approche fragmentaire en matière de création de catégories spéciales et elle a laissé entendre que, si nous faisons une exception pour les producteurs de fruits et légumes, d’autres groupes se manifesteront et demanderont des exemptions similaires. Elle a également émis des réserves au sujet de la fiducie réputée qui, dans le cadre de ce type de restructuration, pourrait :
[...] entraîner l’épuisement du fonds de roulement d’un acheteur au moment où il en a le plus besoin et empêcher l’acheteur d’obtenir un financement provisoire, ce qui compromettrait la perspective d’une restructuration réussie qui protégerait la valeur de l’entreprise, sauverait des emplois et améliorerait le recouvrement des créanciers.
Je me demande quelle est votre réponse à cette préoccupation.
Permettez-moi de répondre d’abord à votre deuxième question. On peut protéger son fonds de roulement en payant ses factures. L’une des factures est celle des producteurs de fruits et légumes qui ont fourni le produit qui permet à l’entreprise de prospérer. Ma sympathie est assez limitée sur ce point.
En ce qui concerne le premier point, je pense que c’est la raison pour laquelle j’ai inclus, de manière quelque peu injustifiée, ce que j’ai appelé la « section 3 », et que j’ai encouragé le Comité des banques à y réfléchir, car votre observation est extrêmement juste et valable.
Nous avons tendance à agir ainsi dans différents domaines au Sénat. Nous travaillons sur des dispositions particulières du Code criminel, et vous et moi au Comité des affaires juridiques participons à ce travail. En agissant de la sorte, nous courons le risque de ne pas être très efficaces et de ne pas réfléchir de façon globale. Ce que nous avons tendance à faire, c’est dire que, jusqu’à ce qu’une initiative globale soit présentée, nous devrions apporter de petites améliorations, et je pense que c’est ce que fait le projet de loi. Toutefois, tout ce domaine exige une réflexion d’intérêt public pour déterminer qui a besoin d’une meilleure protection et qui est plus vulnérable dans ce genre de circonstances.
Je ne sais pas si je suis un capitaliste, mais je respecte les marchés, y compris les marchés boursiers. Je respecte le besoin des gens qui font des investissements financiers d’essayer d’avoir une protection pour leur argent. Toutefois, les conséquences pour les personnes les plus vulnérables — et il s’agit des personnes les plus vulnérables dans ce contexte particulier — sont graves, et nous devrions travailler fort afin d’y remédier, sénatrice Simons. J’espère que, au-delà de ce projet de loi et du travail que nous avons fait en ce qui concerne les pensions, nous allons examiner de manière plus approfondie et exhaustive les avantages et les inconvénients pour prendre des décisions en fonction de nos constatations. Je vous remercie.
Le sénateur Cotter accepterait-il de répondre à une autre question?
Certainement.
Sénateur Cotter, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez du mérite relatif des autres outils de protection pour ces producteurs, comme l’assurance ou l’affacturage pour les comptes débiteurs, ce qui atténuerait les risques pour l’acheteur du produit en les dirigeant vers une tierce partie?
Sénateur Woo, je pense que vos connaissances sur les divers outils dont dispose un vendeur dans ce contexte sont beaucoup plus approfondies que les miennes. Essentiellement, les producteurs sont encouragés à dépenser de l’argent pour s’assurer eux-mêmes contre le risque de ne pas être payés. C’est une proposition assez juste. En fait, c’est en quelque sorte ce que nous demandons aux institutions financières quand elles doivent mesurer le risque.
C’est beaucoup plus difficile si vous êtes un petit producteur, car vous n’avez pas vraiment accès aux renseignements nécessaires pour savoir quel type de risque vous prenez, parce que vous ne savez peut-être pas grand-chose de la viabilité de la personne à qui vous vendez le produit. J’utilise l’exemple simpliste de la petite‑fille qui voulait connaître l’état de la société pour laquelle elle allait travailler à temps partiel. Ce n’est pas tout à fait la même chose pour les producteurs de fruits et légumes, et certains d’entre eux ont des activités très importantes. Je pense qu’il est plus difficile pour eux de favoriser et de mettre en œuvre ce type de mesures de gestion des risques. Vous le savez mieux que moi. J’aurais souhaité que la sénatrice Robinson ait à répondre à cette question.
C’est un point légitime, mais je ne pense pas que cela règle le problème pour un grand nombre de fournisseurs dans cette situation.