Projet de loi sur l’assurance médicaments
Deuxième lecture--Suite du débat
12 juin 2024
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-64, Loi concernant l’assurance médicaments. Aujourd’hui, j’ai l’intention de me concentrer sur les exemples des premières catégories de médicaments que le régime d’assurance-médicaments proposé couvrirait.
Les deux premières catégories de médicaments et autres dispositifs qui feront l’objet d’un projet pilote dans le cadre de ce programme seront les médicaments et le matériel liés au traitement du diabète ainsi que les médicaments et les dispositifs de contraception.
La prise en charge des médicaments et du matériel pour diabétiques constituera un énorme soulagement financier et psychologique pour de nombreux Canadiens dont la santé et la vie dépendent de médicaments tels que l’insuline, la metformine et le gliclazide.
L’objectif est également d’inclure le matériel de base nécessaire au traitement du diabète, des seringues aux glucomètres.
Comme le diabète de type 2 est présent dans ma famille, j’aurai peut-être un jour l’occasion de bénéficier moi-même de cette prise en charge. En outre, compte tenu de l’importance de la recherche canadienne sur le diabète — depuis l’époque de Banting et Best jusqu’au protocole d’Edmonton — il semble tout à fait approprié que le diabète soit la première maladie à bénéficier de la couverture proposée par le régime d’assurance-médicaments.
Cependant, aussi importante que soit la prise en charge des médicaments pour le diabète pour des millions de personnes, je pense qu’il est bien plus révolutionnaire que ce régime englobe les contraceptifs, y compris la pilule, le timbre, l’implant et le stérilet, ainsi que les « pilules du lendemain » d’urgence telles que Plan B.
La semaine dernière, le sénateur Don Plett lui-même s’est exprimé avec beaucoup de conviction au Sénat sur la nécessité de l’accès à la contraception. Il a cité un article du Washington Post qui expliquait que l’un des moyens utilisés pas les talibans pour opprimer les femmes en Afghanistan, c’est d’interdire la contraception.
Je n’avais pas réalisé que le chef de l’opposition au Sénat était un défenseur aussi farouche qu’éloquent du choix des femmes en matière de procréation. Cependant, je lui suis reconnaissante d’avoir exprimé haut et fort son soutien pour le droit de la femme à être maîtresse de son propre corps et de sa propre fertilité.
Le sénateur Plett a tout à fait raison. Aucune femme ou plutôt aucune personne dotée d’un utérus n’est vraiment libre ni en mesure de se prévaloir de l’éventail complet des soins de santé si elle n’a pas accès à la contraception. Tant que les femmes, les jeunes filles et les autres personnes qui en ont besoin au Canada se verront refuser l’accès à des moyens de contraception fiables en raison d’obstacles financiers, on les privera de la possibilité de choisir leur vie future.
Il n’est pas non plus nécessaire de chercher des exemples jusqu’en Afghanistan. Aux États-Unis, seuls 14 États offrent actuellement une protection juridique relative au droit d’acheter et d’utiliser des moyens de contraception. Dans le sillage de l’annulation de l’arrêt Roe c. Wade, de nombreux États s’orientent vers l’interdiction pure et simple de certains types de contraceptifs, notamment le stérilet et la pilule du lendemain. C’est une tendance inquiétante.
Alors que des millions de femmes aux États-Unis risquent de perdre l’accès aux contraceptifs, je félicite le gouvernement du Canada d’avoir pris l’engagement courageux de rendre les contraceptifs sûrs, fiables et légaux plus accessibles que jamais auparavant dans l’histoire du pays.
Cette mesure changera la vie d’un très grand nombre de Canadiennes.
Selon Action Canada, 46 % des grossesses au Canada ne sont pas intentionnelles et 70 % des personnes qui demandent un avortement au Canada déclarent qu’elles ne sont pas couvertes par une assurance pour la contraception.
Or, si nous facilitons l’accès aux contraceptifs pour les jeunes adolescentes, notamment l’accès aux solutions à long terme plus coûteuses qui ne nécessitent pas la prise quotidienne d’une pilule ou le port d’un timbre qu’il faut remplacer chaque semaine, il y a fort à parier que nous réduirons le nombre de grossesses chez les adolescentes et que nous permettrons à plus de filles et de jeunes femmes de poursuivre leurs études secondaires ou postsecondaires.
Donner un véritable contrôle sur leurs corps et sur leurs choix de vie aux filles qui grandissent dans la pauvreté, qui sont socialement marginalisées et qui n’auront peut-être jamais les moyens de payer pour ces solutions en matière de contraception pourrait changer la donne en ce qui a trait à leur capacité à faire des études leur permettant d’être prêtes pour les responsabilités de la vie adulte et, qui sait, de la parentalité.
La gratuité des contraceptifs sera également une bénédiction pour les jeunes femmes qui commencent leur carrière dans cette économie à la demande, et qui n’ont peut-être pas le genre d’avantages sociaux que les travailleuses d’une autre génération considéraient comme allant de soi. Même si vous avez un assez bon emploi de nos jours, il peut être difficile — alors que vous jonglez avec des dettes d’études ou un loyer élevé — de trouver l’argent nécessaire pour payer un stérilet de nouvelle génération à 500 $ ou un implant contraceptif à 400 $.
Pour une mère au foyer de 40 ans avec trois enfants ou une entrepreneure indépendante ne bénéficiant pas d’une assurance-médicaments offert par un employeur, un moyen de contraception gratuit et fiable peut être tout aussi important pour elles que pour une étudiante en première année d’université.
L’accès à la contraception d’urgence est tout aussi vital, en particulier dans les cas où les femmes ou les jeunes filles ont été agressées sexuellement ou contraintes d’avoir des rapports sexuels non désirés, ou si une méthode contraceptive de barrière a échoué. Ces contraceptifs d’urgence sont particulièrement importants dans un pays où l’accès à l’avortement est loin d’être universel.
Toute femme en âge de procréer devrait pouvoir décider si elle aura un enfant, et à quel moment.
La politique est audacieuse et sera synonyme de libération considérable pour de nombreuses personnes désireuses d’exercer un contrôle important sur la manière dont elles organisent leur famille et gèrent leur propre santé physique.
Fournir aux filles et aux jeunes femmes des options contraceptives plus nombreuses et de meilleure qualité sera bénéfique pour elles et pour la collectivité à d’autres égards également.
Moins de grossesses non planifiées, c’est moins de bébés qui naissent avec des troubles causés par l’alcoolisation fœtale, qui sont le plus souvent causés lorsque les femmes boivent pendant les premières semaines de la grossesse, avant de savoir qu’elles attendent un enfant. Grâce à une meilleure disponibilité des contraceptifs, moins de femmes tomberont enceintes alors qu’elles consomment beaucoup d’alcool. Ce type de planification familiale pourrait également réduire les risques d’autres problèmes médicaux causés par une mauvaise alimentation pendant la grossesse ou l’absence de soins prénataux de qualité.
La réduction du nombre de grossesses non planifiées pourrait réduire le nombre de bébés nés dans des familles qui n’ont pas la capacité économique ou émotionnelle de s’en occuper, ce qui pourrait se traduire tôt ou tard par une réduction du nombre d’enfants maltraités et négligés et du nombre d’enfants placés dans des familles d’accueil, sans parler du nombre d’avortements.
Bien entendu, la prévention de la grossesse n’est pas la seule raison pour laquelle les gens utilisent des contraceptifs. Les médicaments contraceptifs peuvent également jouer un rôle important dans la gestion des règles, la réduction de l’anémie, le traitement d’affections comme l’endométriose et le syndrome des ovaires polykystiques, et même la prestation de soins d’affirmation de genre aux hommes transgenres.
Se promener avec un utérus entraîne des coûts importants, à la fois physiques, psychologiques, culturels et économiques. Des coûts défrayés par la moitié de la population et que l’autre moitié prend rarement en considération.
Un régime d’assurance-médicaments qui rembourse les contraceptifs représente un grand pas en avant dans le rétablissement de l’équilibre et dans la prise en compte des véritables conséquences sur la santé et la vie sociale qui découlent de la condition féminine.
Toutefois, bien que je me réjouisse de la liberté qu’un tel régime puisse offrir aux femmes partout au Canada, cela me fend le cœur de penser que les femmes albertaines — les femmes de ma province — pourraient bien être privées de cette indépendance et de cette égalité.
Pour l’instant, le gouvernement de l’Alberta dit qu’il refusera de participer à un régime national d’assurance-médicaments. Je ne sais pas très bien dans quelle mesure cette décision est liée à l’aversion de l’Alberta pour les programmes financés et dirigés par le gouvernement fédéral en général et dans quelle mesure elle peut être influencée par des idéologues de droite qui souhaitent priver les femmes de l’Alberta de leur autonomie physique et de leur pleine humanité.
Quelles que soient les raisons invoquées par le gouvernement Smith pour refuser aux Albertains l’accès à des moyens de contraception gratuits — sans parler du traitement gratuit du diabète —, ce régime national d’assurance-médicaments ne sera pas vraiment national tant que les citoyens de l’Alberta ne seront pas inclus et ne recevront pas un traitement égal à celui des autres Canadiens.
À quoi cette situation mènera-t-elle? Nous retrouverons-nous dans une situation absurde où les Albertains devront se rendre en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan pour obtenir gratuitement de l’insuline et des stérilets, ou est-ce que cette solution serait contraire aux règles? Les groupes de femmes et les familles dont les membres sont atteints de diabète finiront-ils par faire passer des médicaments et des fournitures médicales en contrebande aux frontières de l’Alberta?
Les jeunes femmes qui entrent sur le marché du travail choisiront-elles de déménager dans une autre région du Canada de crainte que leur accès à la contraception en Alberta continue de s’éroder? Quel contraste frappant par rapport à la Colombie-Britannique, la province voisine, où le gouvernement provincial couvre déjà les coûts de la contraception.
J’espère sincèrement que si ces premières mesures vers un régime complet d’assurance-médicaments sont adoptées, l’Alberta et Ottawa seront en mesure d’en arriver à une sorte d’entente ou de compromis. Autrement, des millions d’Albertains seront traités comme des citoyens de deuxième classe dans leur propre pays.
Merci, hiy hiy.