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Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Troisième lecture

19 juin 2024


L’honorable Percy E. Downe [ + ]

Honorables sénateurs, je tiens juste à dire quelques mots sur le projet de loi C-70, qui porte sur l’ingérence étrangère. Je ne suis évidemment pas un expert en matière d’ingérence étrangère ou de renseignement, mais au fil des ans, mon travail m’a amené à connaître un peu ces domaines. Le tout premier jour où j’ai eu l’honneur d’être chef de cabinet du premier ministre Chrétien, deux représentants du Service canadien du renseignement de sécurité sont entrés dans mon bureau et ils se sont assis. Ils m’ont alors remis les rapports de renseignement du Groupe des cinq en m’expliquant comment les choses se passeraient et de quelle façon les documents me seraient acheminés. Ensuite, ils m’ont dit : « Aujourd’hui, nous allons rester assis pendant que vous lirez les documents, puis nous les reprendrons », avant de m’expliquer ce qui se passerait à l’avenir.

Ayant grandi à Charlottetown en regardant des films de James Bond, je dois vous avouer que j’ai trouvé cela assez palpitant de lire ces renseignements. Après l’avoir fait, ce qui m’a pris environ 10 minutes, j’ai rendu les documents aux représentants en disant : « Expliquez-moi la procédure. Comment cela se passe-t-il? » Ils m’ont répondu : « Les documents sont transmis au greffier du Conseil privé et à vous-même, et c’est ensuite à vous de décider de ce dont informer le premier ministre. »

C’est à ce moment-là que le plaisir a disparu, car je ne suis pas né de la dernière pluie. Je savais qu’on allait me demander : « Qu’est‑ce que vous saviez? Quand avez-vous été mis au courant? Qu’avez‑vous fait à ce moment-là? » J’ai donc dit : « Rendez-moi ces documents. Je veux les relire. » Après cela, j’ai passé deux ans à lire des documents de ce genre. Plus tard, comme beaucoup d’entre vous le savent, j’ai eu l’honneur de siéger au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, la première mouture du comité, avec la sénatrice Lankin, qui en fait toujours partie, et David McGuinty, qui en est le président.

Je souhaite simplement dire quelques mots, compte tenu des questions que j’ai posées au sénateur Gold. Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement est un comité remarquable. Il dispose de l’une des meilleures équipes professionnelles que j’aie jamais rencontrées à Ottawa. Je suis certain que le comité aura pesé le moindre mot et la moindre phrase de ce rapport, en faisant preuve d’une extrême prudence. Je pense qu’il sert bien les Canadiens.

Cela dit, j’ai décidé de ne pas redevenir membre du comité. Je n’ai pas demandé d’en faire partie à la fin de mon mandat parce que j’ai constaté qu’il y avait deux problèmes. Tout d’abord, j’étais préoccupé par la quantité de renseignements caviardés par le gouvernement lors de la publication des rapports. Je croyais que la différence entre ce que nous soumettions et la version publiée par le gouvernement était trop grande. En outre, très franchement, ayant été chef de cabinet du premier ministre, j’ai remarqué que les membres du comité n’obtenaient pas tous les renseignements qu’ils auraient dû obtenir. Ils en obtenaient suffisamment pour remplir leurs responsabilités, mais le gouvernement n’était pas très disposé à leur transmettre de l’information supplémentaire qui, à mon avis, leur aurait été utile.

Cela étant dit, je tiens particulièrement à ce que nous rectifiions toute information erronée dans l’étude du projet de loi C-70 sur l’ingérence étrangère. C’est pourquoi je voudrais parler de ce que le sénateur Woo a dit lundi. Je vais le citer, puis je vais citer le jugement rendu dans l’affaire en Australie. Je pense que mes collègues seront capables de voir s’il y a une différence entre ce que le sénateur a affirmé et ce qui est contenu dans la décision du tribunal saisi de cette affaire.

Je dis cela parce que je me suis toujours intéressé à ce que fait l’Australie à l’égard de l’ingérence étrangère. À mon avis, ce pays a été un chef de file dans ce dossier. J’estime d’ailleurs que l’Australie avait un problème plus important que nous, qu’elle a dû y faire face plus tôt et qu’elle est intervenue plus rapidement. Cela dit, c’est encore un problème là-bas, et lorsque j’ai entendu dire qu’une personne avait été condamnée et envoyée en prison en vertu de la loi, je me suis intéressé à cette affaire. J’ai donc lu le jugement du tribunal. Pour ceux d’entre vous qui étaient là lorsque le sénateur Baker était au Sénat, je précise que lire des jugements des tribunaux ne fait pas partie de mes passe-temps. J’en ai lu environ une demi‑douzaine au fil des ans.

Je vais d’abord citer ce que le sénateur Woo a dit lundi dernier :

Un Australien d’origine vietnamienne a été condamné à deux ans de prison pour avoir préparé ou planifié un acte d’ingérence étrangère. Quel était cet acte? Il a organisé une collecte de fonds pendant la COVID et il a recueilli de l’argent auprès des Vietnamiens et de la communauté indo-sino-australienne pour acheter de l’équipement de protection individuelle et d’autres fournitures médicales, et il a donné cet argent à un hôpital. À l’occasion de la cérémonie où le don a été fait, il a invité un responsable politique — je pense qu’il était ministre en fonction à l’époque — à venir tenir avec lui sur la scène un chèque géant de 25 000 dollars australiens. On s’est servi de cela comme preuve que cet Australien d’origine vietnamienne préparait le ministre en vue d’un acte futur d’ingérence étrangère.

Pensez-y. Le régime australien appartient à l’Australie et celle‑ci a le droit d’agir comme elle le veut, mais si nous empruntons cette direction, le fait, pour une personne, de forger une relation avec un politicien ou un fonctionnaire susceptible de gravir les échelons dans un avenir plus ou moins rapproché constituerait en soi un crime, puisque ce serait considéré comme un acte en vue ou en préparation de la perpétration d’ingérence étrangère. Voilà qui me donne des frissons dans le dos.

C’est ce que le sénateur Woo a dit lundi.

Chers collègues, je voudrais comparer cela à ce qui s’est passé en Australie. Cet individu a subi un procès avec juge et jury. Je pense que le procès a duré cinq semaines. Je ne citerai qu’une partie du jugement, mais voici ce que le juge a dit à propos de cette situation. Nous sommes en Australie et le juge est australien. Il a dit ceci :

En tant que membre éminent et de longue date du parti libéral…

… il entend par là, bien entendu, le Parti libéral australien…

… vous aviez déjà rencontré le ministre Tudge le 26 juillet 2018, à son invitation, afin de discuter de politiques en matière d’immigration. Conformément au verdict du jury, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que vous avez délibérément tenté d’utiliser votre rencontre précédente avec le ministre Tudge afin l’amener à mettre la main à la pâte pour que le don soit fait à l’Hôpital royal de Melbourne. Je suis également convaincu que, le 30 avril 2020, vous avez délibérément choisi le ministre Tudge comme cible du futur délit d’influence étrangère précisément en raison de son poids politique comme ministre du gouvernement fédéral australien et parce que vous pensiez qu’il serait possible de le persuader d’influencer la politique du gouvernement australien d’une manière favorable au Parti communiste chinois. D’après votre évaluation, cet avantage potentiel était d’autant plus intéressant qu’à vos yeux, le ministre Tudge allait devenir un jour le premier ministre de l’Australie.

Plus loin, il ajoute :

En présentant vos objectifs pour le don comme étant purement altruistes et authentiques, vous avez trompé la cible, soit le ministre Tudge, ainsi que les membres du personnel du cabinet du ministre Tudge, les membres de l’hôpital royal de Melbourne associés au don, et les membres de la fédération océanienne qui ont donné des fonds sans arrière-pensée. L’accusation soutient que cet aspect de votre conduite a constitué un abus de confiance grave à l’égard des membres de la fédération océanienne et du Parti libéral, parce que vous avez utilisé votre affiliation de longue date avec ces organismes comme une forme de couverture dans la poursuite de l’agenda du Parti communiste chinois. En effet, comme l’ont amplement démontré les preuves présentées lors du procès, cette méthodologie clandestine est une caractéristique de ce que l’on appelle le système du travail du Front uni, qui est utilisé dans le monde entier par ce que l’on appelle le Département de travail du Front uni, qui opère sous la direction et le contrôle du Parti communiste chinois. J’accepte ces arguments et j’estime que les faits qui les sous-tendent ont été prouvés au-delà de tout doute raisonnable.

Le juge ajoute :

J’estime également, selon ce même critère, que vous avez maintenu des contacts, avant et pendant la période où les infractions alléguées ont été commises, avec des responsables du Parti communiste chinois, tant en Australie qu’à l’étranger. Vous avez communiqué avec eux au moyen de l’application cryptée WeChat, notamment avec des responsables dont vous saviez ou pensiez qu’ils étaient des agents du ministère de la Sécurité de l’État du gouvernement chinois. La confiance du Parti communiste chinois envers vous est démontrée par votre relation avec le consulat chinois et s’est reflétée dans l’invitation qui vous a été transmise par ce parti pour que vous assistiez aux célébrations du 70e anniversaire de la fête nationale à Pékin. Vous avez dûment assisté à ces célébrations à Pékin le 1er octobre 2019.

Les éléments de preuve présentés au procès appuient la conclusion selon laquelle le système du Front uni, tel qu’il est exploité par le Département du travail du Front uni, est un programme d’influence étrangère très élaboré, de grande portée et omniprésent. La poursuite soutient que votre infraction et votre conduite avant et après la période de l’infraction donnent à penser que vous avez parfaitement compris la méthodologie de ce système. Vous avez montré une aptitude et un enthousiasme pour développer des relations avec des personnes d’influence en Australie et à l’étranger et cacher vos liens avec le Parti communiste chinois derrière vos rôles dans des organisations communautaires apparemment inoffensives. La poursuite soutient que, à cet égard, votre infraction peut être considérée comme très élaborée. J’accepte cette affirmation et je conclus que les faits sous-jacents ont été prouvés hors de tout doute raisonnable.

La poursuite a soutenu que l’accusé avait été en contact avec des représentants de l’État chinois. En cour, on a fait joué plusieurs écoutes électroniques et appels téléphoniques, dont un où on entendait l’accusé dire à un associé : « Quand je fais des choses, elles ne sont jamais rapportées dans les journaux, mais Pékin saura ce que je fais. » Il a été condamné, et c’est l’autre côté de l’histoire.

Merci, chers collègues.

Puis-je poser une question au sénateur Downe?

Le sénateur Downe [ + ]

Bien sûr.

Merci. Je suis arrivé vers la moitié de votre discours, mais j’en ai saisi l’intention.

Vous avez ni plus ni moins confirmé ce que j’ai dit hier. Cet homme a été accusé et reconnu coupable des mêmes accusations que celles que vous avez décrites.

Quel conseil donneriez-vous aux Canadiens d’origine chinoise qui veulent tisser des liens solides avec la mère partie — avec la République populaire de Chine —, participer à des activités de bienfaisance ici, au Canada, pour le bien de Canadiens, et avoir de bonnes relations et des contacts avec des politiciens canadiens, car c’est important pour les Canadiens d’origine chinoise de démontrer leur participation civique dans le processus politique?

Ces mêmes Canadiens d’origine chinoise seront régulièrement en contact avec des responsables chinois à l’ambassade, au consulat ou au bureau commercial, car ils ont des liens avec la Chine. Il est également possible que ces Canadiens d’origine chinoise soient membres d’associations qu’on juge être liées au Département du travail du Front uni. C’est peut-être même inscrit sur leurs cartes professionnelles, comme dans le cas de M. Duong. Il n’a pas caché son affiliation à des organisations affiliées au Parti communiste chinois.

Quel conseil donneriez-vous aux Canadiens d’origine chinoise qui cherchent à poser ces beaux gestes pour leurs concitoyens?

Le sénateur Downe [ + ]

Je vous remercie.

De toute évidence, la première observation que j’aurais, c’est que je connais de nombreux Canadiens d’ascendance chinoise qui considèrent que le Canada est leur mère patrie, et non la Chine, et dont la loyauté va au Canada, et non à la Chine. C’est ce que nous attendons de tous les citoyens.

Je regrette, sénateur Woo, c’est ce que vous avez dit. Vous avez parlé de la mère patrie. Je l’ai entendu.

Dans l’affaire qui nous occupe, la cour a jugé que l’accusé avait caché ses liens avec le Parti communiste chinois. Il utilisait l’application de messagerie chiffrée WeChat pour communiquer avec lui. Il a été mis sur écoute et ses échanges ont été interceptés.

Je pense que c’est tout à fait différent. Je ne mets aucunement en doute la loyauté des Canadiens d’ascendance chinoise. Cependant, si quelqu’un veut travailler pour un gouvernement étranger, qu’il s’agisse de l’Inde, de la Chine, de la Russie ou de tout autre pays, c’est tout à fait inacceptable pour les Canadiens.

Sénateur Downe, vous ne savez sans doute pas que les échanges sur l’application WeChat sont, par définition, chiffrés, comme sur WhatsApp, Signal ou Telegram. Ce n’est donc guère pertinent.

Vous n’avez pas répondu à ma question. De nombreux Canadiens d’origine chinoise veulent maintenir de bonnes relations avec la République populaire de Chine et veulent faire de bonnes œuvres ici, au Canada. Ils estiment que c’est leur droit et même leur devoir de suivre le processus politique canadien et de vous rencontrer de temps à autre pour vous parler de ce qu’ils font de bien, peut-être parce que vous êtes une étoile montante au Sénat, je ne sais pas.

Quels conseils leur donneriez-vous? Comment doivent-ils se comporter pour ne pas tomber dans le piège de la stigmatisation, pour ne pas être pris pour cible et dénoncés à tort comme des agents étrangers?

Le sénateur Downe [ + ]

Pour moi, il est évident que vous êtes loyal au Canada. Voilà qui répond à toutes vos interrogations.

La personne en question, contrairement à ce que vous avez dit lundi dans votre discours... À mon avis, vous avez interprété la situation de façon incorrecte, et c’est pourquoi j’ai voulu vous présenter la décision de la cour ce soir.

Le système judiciaire de l’Australie ressemble beaucoup à celui du Canada. Il y avait un juge, un jury, le doute raisonnable, l’équité et le procès a duré plusieurs semaines — cinq, je crois. Le jury est arrivé à un verdict et le juge a rendu sa décision.

N’importe qui au Canada pourrait vivre la même chose. Une personne ne peut pas être un agent de la Russie ou d’un autre pays, cela doit être interdit. Nous voulons que les gens soient loyaux envers le Canada.

Ce qu’il faut que tout le monde sache au Canada — peu importe vos origines ou celles de vos ancêtres —, c’est qu’il faut d’abord être loyal envers le pays où l’on vit et dont on est citoyen. C’est la chose qui devrait compter le plus pour tout le monde.

Pourriez-vous donner des précisions? Pour vous, un Canadien d’origine chinoise qui croit en l’importance des bonnes relations avec la République populaire de Chine, qui veut bien faire et qui fait des dons à un hôpital ou à un autre organisme de charité et qui a des contacts avec des politiciens devrait être considéré comme suspect. C’est exactement ce qui s’est passé en Australie. Est-ce bien ce que vous soutenez?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénateur Downe, votre temps de parole est écoulé.

Le sénateur Downe [ + ]

Dans la mesure du possible, j’aimerais avoir cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Downe [ + ]

Ce que vous dites là est faux. Cette situation est très différente. Cette personne a été prise sur écoute électronique en train de travailler pour le compte du Parti communiste chinois, et c’est ce qu’est l’ingérence étrangère. C’est ce que prévoit le projet de loi dont nous sommes saisis et il se fait attendre depuis longtemps au Canada. Enfin, nous l’avons.

Le projet de loi pose des problèmes qui seront abordés dans leur ensemble. Le sénateur Dean, le parrain du projet de loi, a signalé certains des éléments préoccupants. D’autres, comme le sénateur Marty Deacon, ont indiqué que le comité devrait se pencher sur différents éléments et l’étudier davantage à l’automne. Il y a beaucoup de choses qui peuvent être faites pour l’améliorer.

Le principe fondamental doit être le suivant : le gouvernement canadien doit adopter la même position que dans le cas de la personne qui a été condamnée pour avoir servi de façade au Parti communiste chinois et qui a écopé d’une peine d’emprisonnement pour cette raison. Nous devons lutter contre l’ingérence étrangère.

Il y a toutes sortes de Canadiens d’origine chinoise qui travaillent auprès d’organisations chinoises en Chine et qui ne posent aucun problème. Cela peut évidemment se poursuivre. Par contre, travailler pour le compte d’un gouvernement étranger ne doit pas être permis.

L’honorable Hassan Yussuff [ + ]

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet, bien sûr, du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère.

Nous avons passé les dernières années à observer en temps réel des pays étrangers s’ingérer dans nos élections, menacer des diasporas en sol canadien et cibler nos députés, bien sûr, puis à lire des articles à ce sujet. Nous avons lu des rapports publics détaillant la portée et l’ampleur de cette ingérence continue, ce qui nous a ébranlés et qui nous a rappelé l’importance capitale de protéger la sécurité que nous tenons si souvent pour acquise. Bien qu’imparfait, le projet de loi C-70 constitue un premier pas important pour répondre à ces préoccupations.

À ce stade, vous avez entendu des collègues décrire en détail les diverses dispositions du projet de loi C-70 : les changements importants et nécessaires qu’il apporte à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, à la Loi sur la protection de l’information et au Code criminel, ainsi que l’édiction proposée de la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, qui créerait un registre des agents étrangers.

J’ai l’intention d’axer mon intervention sur trois préoccupations qui ont été soulevées au cours de l’étude de ce projet de loi très important au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

D’abord et avant tout, l’ingérence étrangère dans notre processus national est inacceptable, et il faut s’y attaquer immédiatement, particulièrement dans le contexte d’élections fédérales imminentes. Je reconnais que le projet de loi C-70 est imparfait et qu’il nécessitera une étude continue, mais nous devons l’adopter maintenant pour qu’il puisse être mis en œuvre à temps pour les prochaines élections fédérales.

En même temps, nous devons également trouver un équilibre entre les besoins en matière de sécurité et la protection des droits d’expression et d’association garantis par la Charte. Il faut répondre aux préoccupations concernant la vaste portée de certaines définitions du projet de loi C-70 relatives aux manifestations.

Finalement, nous devons aussi veiller à ce que la sécurité nationale et l’intégrité des élections demeurent une question non partisane. Il est impératif que tous les partis et les groupes s’unissent pour créer le meilleur régime de sécurité nationale possible avec les outils dont nous disposons à l’heure actuelle, ce que le projet de loi C-70 accomplit, selon moi. La nécessité de faire des compromis est une caractéristique, et non un défaut, de la démocratie canadienne. Si nous voulons combattre les menaces posées par des pays qui n’ont pas le même égard que nous pour la démocratie, c’est essentiel.

En tant que Canadiens, nous sommes confrontés à une grande variété de menaces à la sécurité : des menaces à l’économie, aux infrastructures, à la recherche, à la cybersécurité, à l’intégrité des processus électoraux et au fonctionnement même du gouvernement.

La première préoccupation que je souhaite soulever est l’urgence derrière l’adoption du projet de loi C-70.

Dans le contexte de menaces d’une telle ampleur, il est important de choisir le bon moment. J’ai entendu le mécontentement de mes collègues qui estiment que l’on aurait pu en faire davantage et qu’on aurait dû agir plus tôt pour lutter contre la menace de l’ingérence étrangère. Je partage bon nombre de leurs frustrations et je l’ai dit publiquement ainsi que lors des audiences du comité.

Peu importe ce qui aurait dû être fait dans le passé, nous devons nous pencher sur les solutions qui s’offrent à nous aujourd’hui. Je crois que le projet de loi C-70 jette les bases de la solution et que nous devons l’adopter avec l’urgence qu’il requiert. Les Canadiens l’exigent, n’en demandons pas plus.

La semaine dernière, le comité a entendu de nombreux témoins de toutes allégeances politiques et de divers secteurs du gouvernement et de la société civile sur la nécessité d’adopter rapidement le projet de loi.

Des militants de Hong Kong Watch et du Comité Canada Tibet, qui s’exposent à des risques considérables rien qu’en témoignant publiquement de la répression transnationale à laquelle ils font face quotidiennement, ont réclamé l’adoption rapide du projet de loi C-70.

Richard Fadden, ancien directeur du Service canadien du renseignement de sécurité et conseiller à la sécurité nationale et au renseignement du premier ministre Harper et du premier ministre Trudeau à une époque, nous a exhortés à faire adopter rapidement le projet de loi et a déclaré lors de sa comparution devant le comité :

Retarder le projet de loi C-70 au point où il ne sera pas en vigueur avant les prochaines élections équivaudrait à faire un cadeau à nos adversaires [...]

Je suis plutôt d’accord avec lui.

Le gouvernement nous a dit que si le projet de loi était adopté maintenant, il s’efforcerait de mettre en œuvre le registre des agents étrangers à temps pour les prochaines élections.

Après la nomination d’un nouveau commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère chargé d’administrer la loi, les Canadiens pourront avoir la certitude que les acteurs étrangers malveillants peuvent être et seront tenus pour responsables des violations du droit canadien. Les Canadiens pourront avoir confiance que l’intégrité de nos processus démocratiques sera protégée.

Honorables sénateurs, il est possible d’appuyer l’adoption rapide de ce projet de loi et de reconnaître que sa mise en œuvre nécessitera une surveillance constante. C’est ma deuxième préoccupation.

Notre comité a entendu le témoignage de représentants de l’Association canadienne des libertés civiles, qui nous ont fait part de leurs préoccupations. Ils estiment que le libellé des dispositions sur le sabotage proposées pour le paragraphe 52.1(1) du Code criminel dans le projet de loi C-70 est trop général dans sa forme actuelle et que des précisions seront nécessaires.

Dans sa forme actuelle, la disposition ne concerne que le sabotage d’infrastructures essentielles et, selon l’Association, elle ne prévoit pas un élément d’ingérence étrangère et pourrait s’appliquer à des questions purement domestiques.

Honorables sénateurs, c’est très inquiétant, car nous voulons nous assurer qu’il y a une distinction entre les manifestations légitimes au Canada et l’obstruction malveillante d’acteurs étrangers à l’égard de nos infrastructures essentielles. Le gouvernement a reconnu ces préoccupations et a insisté pour dire que ce projet de loi n’a pas pour but de cibler les manifestants au Canada.

C’est peut-être vrai, mais je m’inquiète de ce que les futurs gouvernements puissent vouloir profiter de ce manque de clarté. Par conséquent, les manifestants légitimes, comme les syndiqués ou les membres des Premières nations — j’ai déjà participé à des manifestations syndicales — pourraient se retrouver dans la mire.

Il est nécessaire de définir clairement ce qui constitue une menace « à la sécurité, à la sûreté ou à la défense du Canada », et ce que le gouvernement considère comme une « infrastructure essentielle ». Je crains que sans cette clarté, cet article du projet de loi n’ouvre la voie à des abus potentiels par les futurs gouvernements, à n’importe quel niveau.

L’Association canadienne des libertés civiles n’est pas la seule que cet article du projet de loi inquiète. Le comité a aussi entendu le témoignage du professeur Michael Kempa, de l’Université d’Ottawa, qui suggère que « si l’on met l’accent sur la nécessité d’une implication ou d’une ingérence étrangères dans la conduite de l’activité, on protégera les manifestations tenues au pays. »

Je suis plutôt d’accord, honorables sénateurs. Je pense que l’article, dans sa forme actuelle, a une portée trop large. Cela dit, je persiste à croire que nous devrions adopter ce projet de loi pour que le registre des agents étrangers ait une bonne chance d’être mis en œuvre avant les prochaines élections fédérales.

Cela signifie-t-il que nous devrions simplement abandonner ces questions? Je suis convaincu qu’au Sénat comme dans les comités, les sénateurs continueront d’étudier la mise en œuvre de ce projet de loi afin de veiller à ce que nos droits fondamentaux soient protégés au même titre que la sécurité nationale.

Honorables sénateurs, ma dernière préoccupation, c’est que l’intégrité des élections et la sécurité nationale devraient être des questions consensuelles et non partisanes.

Notre comité a entendu le témoignage de députés qui sont convaincus que le projet de loi C-70 adopte, à l’égard de la sécurité nationale, une approche solide et équilibrée qui a l’appui de tous les partis à la Chambre.

Le député conservateur Michael Chong et le ministre libéral de la Justice Arif Virani ont tous deux attiré l’attention sur l’appui de tous les partis, une chose rare, dont a bénéficié le projet de loi C-70 à l’autre endroit. Le ministre Virani a dit à notre comité que c’était parce que « [...] tous les partis à la Chambre des communes sentent la nécessité d’aller de l’avant rapidement avec ce projet de loi ». M. Chong lui a fait écho en disant que ce consensus montre bien « à quel point les députés considèrent que les menaces qui pèsent sur la Chambre élue et sur nos élections sont graves ».

Chers collègues, nous devons continuer à travailler sur cette question dans une optique de consensus sur le fond. Bon nombre des pays antidémocratiques qui interfèrent avec notre sécurité nationale n’organisent pas d’élections régulières et ne procèdent donc pas à des changements politiques majeurs tous les quatre ans. Pour lutter efficacement contre l’ingérence étrangère, la meilleure solution est d’adopter une démarche non partisane exigeant des délibérations, un accord mutuel et un certain degré de compromis de la part de toutes les parties.

Honorables sénateurs, en conclusion, comme je l’ai dit et d’autres l’ont dit dans cette enceinte, le projet de loi C-70 a de nombreux points forts et quelques faiblesses. Il n’est pas parfait, mais il constitue une étape importante dans la lutte contre la menace de l’ingérence étrangère au Canada.

Je tiens à remercier le ministre Virani et le ministre LeBlanc de leur témoignage sur cette question devant le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants. Je remercie également notre cher collègue le sénateur Dean d’avoir habilement parrainé ce projet de loi et mon cher ami le sénateur Dagenais d’avoir bien dirigé le comité lorsque nous avons entendu les témoins au sujet des répercussions du projet de loi C-70.

Honorables sénateurs, si je peux me permettre de faire une petite digression, je m’appelle Hassan Yussuff. Après le 11 septembre, notre pays — comme beaucoup d’autres dans le monde — a adopté des mesures législatives qui étaient nécessaires en fonction de ce dont nous avions été témoins après cette attaque. La conséquence imprévue de cette loi, c’est que chaque fois que j’allais à l’aéroport, j’étais systématiquement choisi pour un examen plus poussé.

Je peux vous dire que, dans mon ancienne vie, dans ma carrière précédente, je prenais l’avion de 10 à 20 fois par semaine. C’était mon travail. J’ai parcouru le pays pour rencontrer les membres de mon organisme. Je comprenais que la situation découlait de cette loi et qu’il est difficile de surmonter les préjugés. Comment former les gens lorsqu’on adopte une loi qui prévoit qu’on ne devrait pas faire une telle chose si la personne a une certaine apparence? C’est propre au comportement humain, et nous devons en être conscients. Si nous ne le sommes pas, nous ne pouvons pas comprendre la complexité de notre pays et la façon de renforcer l’unité.

Ensuite, Maher Arar ne s’est pas rendu lui-même en Syrie pour y être torturé. Il a été extradé par des responsables de la sécurité canadienne qui l’ont ciblé parce qu’il représentait, selon eux, une menace pour notre sécurité. Il a survécu à cet interrogatoire, puis il a pu rentrer chez lui. Comme vous vous en souvenez peut-être, on a mené une enquête nationale à ce sujet, qui nous a fourni des mises en garde et des directives pour éviter qu’une telle situation se reproduise. Je comprends cela, car pour beaucoup d’entre nous, si nous oublions ce fâcheux incident, c’est comme si nous oubliions notre propre histoire et la nécessité pour nous de mieux faire les choses.

Enfin, de nombreuses familles musulmanes n’avaient rien à voir avec les risques pour la sécurité de notre pays, mais ont trouvé le nom de leurs enfants sur une liste de surveillance. Ces enfants n’avaient rien à voir avec le terrorisme, mais on refusait de rayer leurs noms de la liste. Il a fallu beaucoup de temps pour que notre pays prenne enfin la bonne décision, car ce n’est pas nous qui avons créé cette liste.

Bref, il est bien beau d’avoir de bonnes intentions. Toutefois, notre pays est très diversifié, comme le reflète cette assemblée. Nous voulons tous faire ce qui s’impose, c’est-à-dire protéger notre grand et merveilleux pays, mais nous devons aussi être conscients que certaines personnes peuvent parfois être prises pour cible simplement en raison de leur apparence et de leurs propos.

C’est un projet de loi imparfait à certains égards. Cependant, je crois que le Sénat peut faire ce pour quoi il est reconnu, c’est-à-dire continuer de faire son travail en se penchant sur la mise en œuvre du projet de loi et de la réglementation et en faisant témoigner le commissaire au comité pour lui demander comment il compte appliquer la loi. Si nous cernons des lacunes assez tôt, nous ne devrions pas hésiter à agir collectivement, car on ne peut pas assurer la sécurité nationale en divisant le pays.

Pour conclure, honorables collègues, je tiens à remercier les innombrables militants et citoyens ordinaires qui luttent avec courage contre la menace d’ingérence étrangère. Nous avons eu le plaisir d’entendre certains d’entre eux. À mesure que nous poursuivrons notre étude de la question, nous espérons en entendre beaucoup d’autres.

Ce projet de loi vise à répondre à certaines de leurs préoccupations en raison de ce qu’ils vivent au quotidien. Cependant, ce projet de loi est aussi pour l’ensemble des Canadiens et du pays que nous représentons. Nous allons faire ce qui s’impose en adoptant ces mesures, mais je tiens à mettre les choses au clair. Je remercie mon collègue le sénateur Woo de ce qu’il a dit dans cette enceinte, car cela demandait du courage. Nous ne devrions pas porter de jugements trop hâtifs, car des gens l’ont accusé de certaines choses, et je ne crois pas qu’il…

L’honorable Marilou McPhedran [ + ]

Chers collègues, j’aimerais d’abord affirmer que j’appuie le principe et l’objet de ce projet de loi. Il n’y a aucun doute que l’influence étrangère sur nos institutions démocratiques est une menace sérieuse qui doit être prise au sérieux.

Toutefois, je me réjouis de l’occasion qui m’est donnée de consigner au Parlement mes vives inquiétudes quant à l’application et à la portée de ce projet de loi intitulé « Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère », dont l’étude est expédiée, et aux moyens qu’il donne.

Tout d’abord, aucun argument convaincant n’a été avancé pour justifier un vote précipité sur ce projet de loi alors que nous sommes au beau milieu d’une enquête publique indépendante sur l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux et les institutions démocratiques fédérales, qui est menée par une commissaire indépendante, la juge Marie-Josée Hogue. Elle a accepté la responsabilité de traiter le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement dans le cadre de son enquête en cours et de présenter son rapport d’ici la fin de l’année, ce qui laisse suffisamment de temps pour l’élaboration et l’examen d’un nouveau projet de loi.

Il est profondément paradoxal que si nous, sénateurs, choisissons de ne faire qu’une partie de notre travail comme Chambre de second examen objectif, sans consacrer le temps nécessaire à une étude et à des amendements appropriés, ce sera la société civile qui se chargera de cette tâche, mais avec moins de ressources et beaucoup moins d’autorité que nous n’en avons. Par exemple, aujourd’hui, voyant le Sénat précipiter l’adoption de ce projet de loi en moins de temps qu’il n’en a fallu pour le projet de loi antiterroriste en 2001, dans le sillage du 11 septembre, le Centre pour la liberté d’expression, en collaboration avec la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles — une coalition de 46 organisations canadiennes — a annoncé son intention de créer un mécanisme de surveillance des risques en matière de droits. La nouvelle loi créée par ce projet de loi doit être surveillée, car sa mise en œuvre aura une incidence sur des droits internationalement protégés et garantis par la Charte, comme la liberté d’expression, la liberté de réunion et la liberté d’association.

Ce projet de loi compromet des libertés civiles qui sont censées être protégées par la Charte canadienne des droits et libertés qui fait partie de la Constitution du Canada, mais le Parlement l’adopte à toute vitesse par opportunisme politique. Ce faisant, nous manquons à notre devoir envers les Canadiens d’étudier rigoureusement et méticuleusement ce projet de loi. C’est pourtant notre rôle principal.

Il convient de noter que nous avons consacré cinq fois moins de temps à l’étude du projet de loi C-70 qu’au projet de loi d’exécution du budget, dont le sénateur Tannas a qualifié aujourd’hui l’adoption accélérée d’« abus de procédure ».

Donc, dans quelle situation nous retrouvons-nous ce soir? Je dispose de peu de temps de parole, mais malheureusement, ma liste de préoccupations est plutôt longue. Cela fait maintenant des années que les signes d’ingérence étrangère m’inquiètent, et je suis l’une des parlementaires pour qui l’ingérence étrangère est réelle et présente. Par exemple, plus tôt cette année, les médias nous ont appris qu’un certain nombre de parlementaires de divers pays avaient été ciblés par APT31, un groupe de pirates informatiques parrainé par l’État chinois, en janvier 2021. Je fais partie des politiciens qui ont été ciblés en raison de mon travail — remarquez bien le caractère vague de ces mots — « en association avec » des groupes pro-démocratie à Hong Kong.

À la suite de ces révélations, j’ai communiqué avec l’équipe de cybersécurité du Sénat, qui a effectué une analyse approfondie. La Direction des services d’information, ou DSI, a confirmé que mon bureau était la cible de logiciels malveillants et d’autres tentatives de piratage. Toutefois, ces incursions ont été rapidement repérées par notre équipe des TI et jugées possiblement malveillantes, mises en quarantaine et supprimées de notre système sans que cela compromette nos réseaux internes. Je félicite l’équipe de cybersécurité du Sénat pour sa vigilance et sa réaction rapide.

Je reste toutefois grandement préoccupée par le fait que je n’ai pas été informée du fait que, comme d’autres parlementaires, j’étais la cible de tentatives de piratage avec l’aide d’un État étranger. Mon expérience en tant que cible ne réduit pas ma crainte que le projet de loi C-70 soit nuisible pour des Canadiens innocents, car il est inutilement vague, il contient probablement des imprécisions inconstitutionnelles et il ratisse trop large.

L’article 53 érigerait en infraction plusieurs gestes posés — encore ces mots — « en collaboration avec » des entités étrangères et qui porteraient préjudice aux intérêts du Canada. À mes yeux, ce libellé n’établit pas une distinction suffisante entre une activité criminelle et une innocente activité bien intentionnée de coopération ou de communication avec des partenaires étrangers. Permettez-moi de vous rappeler ce que la Cour suprême du Canada a déclaré au sujet de la théorie de l’imprécision :

L’une des exigences fondamentales de la primauté du droit veut qu’une personne puisse savoir qu’un acte est criminel avant de l’accomplir.

Cet extrait provient de l’affaire R. c. Mabior, en 2012.

L’année suivante, la Cour suprême a rendu cette décision dans l’affaire R. c. Levkovic :

[…] Il ne suffit pas que les lois servent de guide aux juristes : elles doivent, tel qu’elles sont interprétées par les tribunaux, être suffisamment intelligibles pour indiquer aux citoyens ordinaires comment se comporter à l’intérieur de limites légales […]

En outre, je crois que la portée des activités que ce projet de loi rendrait illégales est nettement disproportionnée par rapport à ses objectifs. Contrairement aux mesures législatives antiterroristes comparables, celle-ci établit de nouveaux crimes sans qu’il y ait forcément intention d’appuyer d’autres activités illégales. Le projet de loi C-70 n’exige que la connaissance d’un risque qu’il soit porté atteinte aux intérêts du Canada, un terme qui n’est pas défini et qui est trop large.

La création de ces nouveaux crimes en plus du registre proposé des agents d’influence étrangers aura une incidence sur la liberté d’expression et la liberté d’association des universitaires, des membres de la société civile, des radiodiffuseurs et des chefs d’entreprise, qui pourraient s’apercevoir bientôt que leur travail de recherche, de défense des intérêts ou de journalisme ou leurs activités commerciales sont jugés illégaux une fois que les dispositions de ce projet de loi auront force de loi.

Il est très probable que le registre proposé portera également atteinte au droit à la vie privée. Les intervenants de bonne foi qui s’inscrivent au registre courent le risque d’être pris pour cible pour des motifs discriminatoires ou de voir leurs données personnelles divulguées en représailles à la suite de prises de position politiques. La définition et la protection des renseignements recueillis et publiés dans le cadre du registre mis en place dans ce projet de loi sont laissées à la réglementation, et nous n’aurons donc aucune connaissance de ces détails au moment du vote qui nous attend.

Honorables collègues, compte tenu des protections constitutionnelles concernées par ce projet de loi et de l’importance des institutions démocratiques qu’il entend protéger, le projet de loi C-70 devrait faire l’objet d’un examen approfondi, un processus qui ne peut pas être précipité en moins de deux semaines. Il est clair que c’est avec le mors aux dents que cette mesure fonce vers une majorité de votes favorables.

En tant que Chambre de second examen objectif, nous avons le devoir d’examiner minutieusement une mesure législative aussi importante. Nous devrions veiller à ce que les moyens mis en œuvre permettent bel et bien d’atteindre les objectifs du projet de loi en tenant compte de l’évolution des règlements. Nous devrions examiner de près si tout compromis sur les libertés fondamentales est nécessaire, rationnel, minimal et proportionnel.

Plus tôt dans le débat, le sénateur MacDonald a affirmé que la sécurité nationale n’est pas une question partisane, et je suis d’accord avec lui. J’ajouterais que la protection des droits et libertés constitutionnels n’est pas non plus une question partisane. En outre, les deux ne sont pas incompatibles. Permettez-moi de vous rappeler les protections constitutionnelles suprêmes suivantes : la protection de la vie privée, la liberté de la presse, la liberté de réunion pacifique, la liberté d’expression et la liberté d’association.

Ce à quoi nous sommes actuellement confrontés en tant que parlementaires est un exemple typique de la « stratégie du choc », un concept défini par Naomi Klein dans son livre prémonitoire du même nom qui documente l’exploitation des crises ou des bouleversements nationaux pour adopter des lois et des mesures qui peuvent être utilisées pour miner les droits et les libertés pendant que les citoyens sont trop distraits — par une crise financière, par exemple — pour intervenir, développer une réponse adéquate et résister efficacement. J’ajouterais qu’en tant que sénateurs chargés d’examiner attentivement les projets de loi qui nous sont envoyés par l’autre Chambre, peu importe quand ils nous sont envoyés, nous avons besoin de temps pour fournir une réponse adéquate et efficace, et les parlementaires ont le devoir de ne pas laisser leur attention se détourner de l’examen des projets de loi susceptibles d’être utilisés pour porter atteinte aux droits et aux libertés.

Les parlementaires ne devraient pas se laisser distraire lorsque les modifications apportées aux lois sur le sabotage, notamment les amendements adoptés par la Chambre des communes en vue d’étendre la protection des infrastructures toujours en construction, menacent le droit de manifester, y compris les droits des défenseurs des terres autochtones et de leurs alliés. Je suis d’accord avec les représentants de la société civile, qui craignent que les exceptions de protection prévues dans le projet de loi pour les manifestations n’aillent pas assez loin et puissent encore être utilisées pour étouffer des actes légitimes de désobéissance civile ou de dissidence.

Je crois que nous voyons ici ce que Naomi Klein a observé dans plusieurs pays qu’elle a étudiés, à savoir que la démocratie et les droits de la personne sont souvent bafoués sous le couvert de mesures d’urgence.

En conclusion, bien que j’appuie l’intention de ce projet de loi sur le plan politique, et que je crois que nous avons besoin de nouvelles dispositions législatives pour lutter efficacement contre l’ingérence étrangère, je crois aussi que les risques liés à ce projet de loi devraient être entendus comme un appel à mener une étude plus approfondie, comme nous le faisons habituellement avec de grands projets de loi — sauf, peut-être, quand nous entendons l’appel des sirènes de l’ajournement estival.

Comme il est évident que ce projet de loi nécessite un examen plus en détail, je recommande fortement que la prochaine étape soit de renvoyer ces questions au comité sénatorial aux fins d’une étude plus rigoureuse de ce projet de loi très lourd de conséquences.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Andrew Cardozo [ + ]

Honorables sénateurs, j’aimerais formuler quelques commentaires.

Tout d’abord, je tiens à préciser que je crois qu’il s’agit d’un projet de loi important. Je pense que le moment choisi est vraiment important parce que le Canada et de nombreux pays dans le monde font face à une menace réelle et croissante d’ingérence, qui est plus grave et plus dangereuse qu’elle ne l’a jamais été — en partie parce que nous vivons dans un monde plus dangereux et en partie à cause de tout ce qui peut être fait par l’intermédiaire de l’Internet.

Je veux parler de la loyauté et de la mère patrie, des questions qui ont été soulevées il y a quelques minutes. Il ne faut pas seulement s’attarder à la façon dont nous en avons discuté ici, mais aussi à la façon dont nous pensons à ces termes dans la société.

Nous vivons dans un pays qui compte environ 95 % d’immigrants et de descendants d’immigrants. À l’heure actuelle, la population est composée d’environ 30 % d’immigrants. J’en suis. Les critères de loyauté ne sont pas faciles à définir et ne devraient pas être appliqués de façon draconienne pour déterminer qui est loyal et qui ne l’est pas.

Je tiens à faire une distinction entre les enjeux sur lesquels portent mes commentaires et les questions de sabotage ou d’actes contre l’État. Il ne fait aucun doute que nous ne devrions pas tolérer les actes de sabotage contre l’État canadien ou la population canadienne. Je parle de la façon dont nous conversons entre nous et dont nous nous considérons les uns les autres.

Comme immigrants, les gens développent un sentiment de loyauté au fil du temps. Ce sentiment est déterminé par un ensemble complexe de questions, en commençant par le moment de leur arrivée, les raisons de leur venue, les raisons pour lesquelles ils ont quitté leur pays d’origine, s’ils y ont encore de la famille, s’ils faisaient partie de la majorité, s’ils ont été chassés de leur pays et s’ils sont des réfugiés. Toutes ces questions détermineront tout ce qu’ils éprouvent à l’égard de leur pays d’origine. Ils pourraient venir d’un autre pays, mais n’avoir jamais été considérés comme en faisant partie, alors ils pourraient ne pas considérer ce pays comme leur mère patrie. Ils pourraient considérer le Canada comme la mère patrie qu’ils ont cherchée toute leur vie.

Par contre, ces choses changent avec le temps et avec l’âge. À un certain âge, une personne peut être plus intéressée par l’école, les filles, les garçons et toutes sortes de choses. À une autre époque, elle porte davantage attention à la politique et à la nature du pays d’où elle vient.

Aussi, cela dépend de ce qui se passe dans leur pays d’origine. Peut-être qu’une personne d’origine ukrainienne se sentait déjà fière de son pays d’origine il y a cinq ans, mais qu’elle ressent encore plus fortement son attachement à l’Ukraine maintenant que sa terre natale, sa mère patrie, est menacée. Elle se sent maintenant plus ukrainienne que jamais. Est-ce à dire qu’elle manque soudain de loyauté envers le Canada? Non. Nous vivons dans un pays diversifié, et nous pouvons être loyaux envers plus d’un pays.

On parle souvent des gens originaires de Chine ou de Russie, mais prenons un instant pour penser à une personne d’origine française, par exemple un homme qui a déjà été chef du Parti libéral et qui avait la double nationalité canadienne et française. Était-il déloyal? Certains le pensaient, mais je ne suis pas de cet avis. C’est la nature de la double citoyenneté.

Andrew Scheer a aussi la double citoyenneté. Je ne pense pas qu’il soit moins loyal pour autant.

Dans notre société libre et démocratique, nous avons ces différents concepts où nous essayons de nous assurer de la loyauté des gens — et, encore une fois, je ne veux pointer personne du doigt et il ne s’agit pas simplement du débat de ce soir —, mais alors que nous allons de l’avant avec cette mesure législative et qu’il est question d’ingérence étrangère, il faut comprendre qu’il y a parmi nous des gens qui ressentent divers degrés de loyauté envers le Canada. C’est un peu comme l’amour. Il grandit, et parfois on est plus amoureux, parfois on l’est moins, et l’amour change avec le temps, en fonction d’un grand nombre de facteurs. Je ne m’aventurerai pas plus loin dans cette voie.

Je vais conclure en disant ceci : nous vivons dans une société complexe. Nous vivons dans un monde qui devient de plus en plus complexe et nous avons un projet de loi complexe, qui traite d’un grand nombre d’éléments différents, comme les mesures législatives de ce genre doivent le faire.

Dans l’ensemble, le projet de loi établit un juste équilibre, et c’est pourquoi je l’appuie fièrement. Merci.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Honorables collègues, j’exprime mon point de vue sur l’ingérence étrangère depuis très longtemps, à la fois dans cette enceinte et ailleurs, et je suis heureux que le gouvernement et tous les collègues aient décidé, au cours des deux dernières semaines, de s’attaquer à cette crise existentielle à laquelle nous sommes confrontés.

Contrairement au sénateur Cardozo, je ne pense pas qu’il s’agisse d’une question très compliquée. Il s’agit d’une question très simple. Malheureusement, divers éléments, pour diverses raisons, viennent compliquer une question très simple.

Je ne suis pas non plus d’accord avec ma bonne amie la sénatrice McPhedran lorsqu’elle dit que nous adoptons ce projet de loi à toute vapeur pour des raisons d’opportunisme politique. Nous le faisons parce que, ce qui est en jeu, c’est la crédibilité de notre processus électoral et la réputation de notre démocratie, qui a été ternie par l’ingérence étrangère au cours des deux dernières élections, au minimum, d’après des rapports tangibles — le premier rapport de l’enquête publique, un rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et les renseignements, qui remonte à 2018, dans lequel nos collègues tiraient la sonnette d’alarme, ainsi que, bien sûr, des rapports qui remontent à 2013 et qui mettaient en évidence l’ingérence étrangère dans notre démocratie et notre Parlement.

Je peux facilement dire que c’est probablement par opportunisme politique que nous avons mis tant de temps à nous attaquer à cette crise existentielle, car je conviens que nous aurions dû en débattre et en discuter de manière approfondie dans divers comités, en particulier au Sénat. Le Sénat peut apporter une contribution spéciale en dépolitisant ce type de questions, en prenant du recul, et en prenant le temps, en collaboration avec nos organismes de sécurité nationale, avec nos alliés du Groupe des cinq, avec les membres du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui ont une expérience particulière, de déterminer, tout d’abord, ce qui ne va pas dans la structure que nous avons mise en place pour assurer la sécurité nationale et contrer l’ingérence étrangère. Malheureusement, depuis de nombreuses années — et ce n’est pas uniquement la faute du gouvernement présent, mais de nombreux gouvernements —, tous les chemins mènent au Cabinet du premier ministre lorsqu’il s’agit de sécurité nationale. Cela ouvre la porte, bien sûr, à de la partisanerie, plus particulièrement en ce qui concerne l’ingérence dans le processus électoral.

Je ne suis pas en train de dire que j’ai la solution miracle, et je ne pense pas que ce projet de loi soit la solution au problème non plus. C’est un pas de géant, car il met en garde divers acteurs malveillants dans le monde entier qui pensent que le Canada est très perméable, et il l’a été par le passé. Dans son rapport préliminaire de l’enquête publique, la juge Hogue a été très claire. Nous n’avons pas besoin d’attendre jusqu’à la fin de l’année pour lire le reste du rapport. Ce qui ressort du rapport préliminaire est inquiétant.

Quand on entend parler des fuites dont ont fait l’objet les rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui ont été fournis au premier ministre, c’est aussi inquiétant. Cela soulève des questions par rapport à cette institution, à la Chambre basse et à notre processus électoral.

Maintenant, le gouvernement est dans l’embarras et s’empresse de faire adopter un projet de loi qui, espérons-le, deviendra loi d’ici 12 à 14 mois, avant les prochaines élections, pour donner à Élections Canada, à la GRC et aux partis politiques la marge de manœuvre nécessaire pour que notre processus démocratique résiste à l’épreuve du temps.

Comme vous le savez tous, je suis plutôt partisan et je m’implique au sein d’organisations politiques, et je peux vous dire qu’il ne fait aucun doute qu’il y a de l’ingérence étrangère dans nos élections. Nous y faisons face au sein de nos partis. Aucun parti n’est épargné. Dieu merci, je ne crois pas que cela ait eu suffisamment d’incidence pour changer les résultats globaux des deux dernières élections. Toutefois, nous devons prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les futures élections, car les répercussions risquent d’être plus grandes dans l’avenir.

Quel que soit le parti politique qui remporte les élections, ce qui distingue notre démocratie, c’est que les parlementaires, qu’ils soient libéraux ou conservateurs, tiennent des débats robustes et vigoureux, voire bien souvent houleux, sur des politiques de gauche ou de droite, mais la beauté, c’est que la population se prononce tous les deux, trois ou quatre ans, et que nous respectons tous sa décision. Nous retournons chez nous, prenons une bière, mangeons un repas et nous nous remettons au travail la semaine suivante. C’est la beauté de la démocratie.

Nous ne mettons pas nos adversaires en prison. Nous ne prenons pas nos adversaires pour les exécuter en public. Nous ne sommes pas dogmatiques dans nos opinions politiques au point de jeter les gens du haut des toits et de les assassiner lorsque nous ne sommes pas d’accord avec eux. C’est ce qui se passe en divers endroits du monde. Il existe de nombreux régimes infâmes dans le monde qui n’accordent pas à leurs citoyens les mêmes privilèges et les mêmes droits que ceux dont nous jouissons au Canada.

Nous tenons parfois ces droits et privilèges pour acquis. Tous ceux d’entre nous qui suivent un peu les affaires internationales devraient reconnaître que, au cours des deux dernières décennies, la démocratie a reculé. Si vous regardez ce que disent des organisations comme Democracy Watch — je sais, sénatrice McPhedran, que vous êtes très active dans le domaine des affaires internationales —, la démocratie est plus faible aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a 25 ans. Elle est plus faible aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Nous devons êtres vigilants parce que, nous l’avons vu à travers l’histoire, la plupart des démocraties ne sont pas attaquées et vaincues de l’extérieur. Elles s’étiolent de l’intérieur.

Les véritables forces du mal et les ennemis tentent d’infiltrer les démocraties occidentales qui nous ont offert, ainsi qu’à des milliards de personnes dans le monde, la meilleure qualité de vie, et le Canada en est un exemple. Là où je suis d’accord avec le sénateur Cardozo, c’est que cela a fait du Canada un pôle d’attraction pour des gens du monde entier.

On n’a qu’à balayer du regard cette enceinte. Je ne pense pas qu’il existe une assemblée parlementaire démocratique aussi diversifiée que le Sénat et qui représente aussi bien notre pays exceptionnel. Comment avons-nous réussi cela? C’est grâce à une chose sur laquelle nous nous entendons tous. Certains sénateurs pourraient être en désaccord à propos de l’indépendance de leurs collègues. D’autres pourraient penser que je ne suis pas assez indépendant, et ainsi de suite. Toutefois, nous nous entendons sur le fait que notre liberté, notre démocratie, nos droits fondamentaux et la primauté du droit ne sont pas négociables.

Le sénateur Housakos [ + ]

Ce n’est pas une notion complexe. Nous comprenons tous ce que ces valeurs signifient. Je crois, sénateur Downe, que ces valeurs sont encore plus importantes que la loyauté envers le Canada. La loyauté à l’égard de ces valeurs est ce qui nous distingue en tant que Canadiens. En réalité, la démocratie est blessée. On exploite ses points faibles pour l’attaquer. C’est pourquoi nous sommes dans une course contre la montre pour adopter des dispositions donnant aux forces de l’ordre et aux organismes concernés de notre pays les moyens dont ils auront besoin au cours des 12 prochains mois pour commencer à éliminer ces types d’infiltration et d’attaques.

Je crois qu’il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction. La sécurité nationale est un processus compliqué. Nous devrons faire appel à la Gendarmerie royale du Canada et aux autres services de police d’un bout à l’autre de notre pays ainsi qu’à divers autres organismes.

Encore une fois, si vous balayez du regard cette enceinte, vous voyez notre démocratie, notre histoire, notre Charte, vous voyez nos origines. Dans cette enceinte, tous attachent la plus grande importance aux droits civils.

Mes parents étaient des immigrés. Ils sont venus s’établir dans ce pays — comme tous vos parents ou comme beaucoup d’entre vous —, et la chose la plus importante pour eux, c’était leur liberté et leur capacité à quitter un pays où leur liberté était menacée. Si vous regardez l’histoire, vous verrez que toutes les dictatures du monde exploitent la peur et l’intimidation, qu’il s’agisse des nazis, de Mussolini, de Salazar ou de la dictature dans le pays d’origine de mes parents au début des années 1970, en Grèce. Il n’y a pas de limites qu’elles ne sont pas prêtes à franchir. Savez-vous ce qu’elles ont toutes en commun? Lorsqu’elles étaient au pouvoir, les citoyens de leur pays leur obéissaient aveuglément, mais pas par loyauté. C’est la peur qui les a poussés à le faire. C’est la réalité.

Aujourd’hui, il y a des régimes de la sorte partout dans le monde, notamment à Pékin, en Iran, en Russie et à Cuba. Il ne faut pas se leurrer : ces régimes emprisonnent les gens qui ne suivent pas la ligne du parti. Ils tuent les personnes qui s’écartent de la ligne de conduite imposée. Ils n’ont pas de vifs débats. Les prises de parole que nous tolérons au Sénat, dans notre institution, où quelqu’un peut même défendre ce genre de régimes, sont impossibles là-bas.

Les personnes LGBTQ jouissent dans notre pays de droits qui n’existent pas dans des endroits comme l’Iran. Cela dit, ces pays s’intéressent à nous. Ils investissent dans nos institutions, nos universités et diverses associations. Ils versent de l’argent à des groupes religieux. Il faut être naïf pour penser qu’ils le font pour renforcer notre démocratie, pour l’améliorer.

Nous sommes-nous déjà trompés sur la nature de ces régimes? Divers gouvernements ont fait fausse route pendant de nombreuses années. Les premiers ministres Chrétien et Harper se sont rendus à Pékin. Ils étaient convaincus que, si nous établissions de meilleures relations économiques et commerciales avec la Chine, nos deux pays jouiraient d’un meilleur niveau de vie. Nous coopérerions les uns avec les autres et, en temps et lieu, le régime chinois finirait bien par changer son comportement. Il se rendrait compte que la liberté et la démocratie sont précieuses. Au lieu de cela, les relations de ce régime avec nous lui ont permis de s’enhardir parce qu’il s’est enrichi sur nos marchés. Il poursuit ses belles pratiques dictatoriales. Il est maintenant tellement sûr de lui qu’il pense pouvoir exercer ses activités dans notre pays parce qu’il dispose de l’argent et des relations commerciales nécessaires pour le faire.

Le sénateur MacDonald [ + ]

En toute impunité.

Le sénateur Housakos [ + ]

Et l’impunité.

Plus que jamais, nous devons prendre des mesures pour protéger notre démocratie à tout prix. Je le répète, j’appuie ce projet de loi.

Chers collègues, je pense que nous ne pouvons pas rater l’occasion de mettre en œuvre le plus rapidement possible les changements prévus dans ce projet de loi, mais je tiens également à dire ceci : j’espère que l’enthousiasme à l’égard de cette question importante qui s’est manifesté au cours des derniers jours sera toujours présent à notre retour, après la pause estivale. J’espère que nos comités utiliseront les divers outils à leur disposition de façon non partisane et objective afin de renforcer notre capacité à garantir la sécurité nationale et à protéger notre démocratie et notre liberté parce qu’elles le méritent. C’est notre principal héritage, à nous, les Canadiens, et nous avons l’obligation de le transmettre à nos enfants.

Je veux que vous me compreniez bien. Si je fais une telle chose, à l’instar, je crois, du gouvernement et tous les partis politiques de l’autre endroit, ce n’est pas pour favoriser la loyauté envers le Canada. Nous avons une responsabilité envers tous les Canadiens. Les Canadiens d’origine chinoise se font actuellement intimider par un régime étranger parce qu’il en a la capacité. Il faut y mettre un terme. Les Canadiens d’origine persane ont des membres de leur famille qui se font intimider à Téhéran. On utilise ces Canadiens et les membres de leur famille à Téhéran comme des otages. Il faut y mettre un terme. Les Canadiens d’origine cubaine luttent pour la liberté et célèbrent la liberté dont ils jouissent ici, et des agents cubains les intimident. Il faut y mettre un terme.

Le projet de loi ne porte pas sur la loyauté des Canadiens. Il porte sur les Canadiens de diverses diasporas qui méritent de vivre au Canada en toute liberté, en toute sécurité et dans la dignité. Merci, chers collègues.

L’honorable Rebecca Patterson [ + ]

L’honorable sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une brève question?

Le sénateur Housakos [ + ]

Oui.

La sénatrice Patterson [ + ]

Merci beaucoup. On dit souvent qu’il n’y a rien d’aussi fort et d’aussi fragile que la démocratie, car c’est la volonté du peuple qui la maintient. Diriez-vous que ce que nous voyons actuellement dans cette enceinte est une chose que nous devons toujours nous efforcer de protéger? Il ne s’agit pas d’un processus unique. Il s’agit d’un processus évolutif que nous devons suivre. Nous devons protéger ces droits et privilèges dont nous ne cessons de parler. En tant que citoyens, nous avons l’obligation de continuer à protéger la démocratie. Nous devons prendre des décisions difficiles. Est-ce ce que le projet de loi tente d’accomplir, et devons-nous rester vigilants?

Le sénateur Housakos [ + ]

Je suis entièrement d’accord avec vous. Je pense qu’il s’agit d’un énorme pas en avant, car, comme je l’ai dit, c’est un avertissement que nous lançons. Nous rattrapons lentement les mesures prises par d’autres grandes démocraties, par nos alliés proches, mais il s’agit d’un travail en constante évolution. Nous devons nous asseoir avec tous les partis politiques. Nous devons discuter tous ensemble de notre manière de mener nos courses à la direction et de notre manière de choisir nos candidats.

Nous devons discuter avec Élections Canada pour savoir de quels outils cet organisme a besoin pour mieux servir notre processus démocratique.

Nous devons discuter avec les représentants de nos services de renseignement comme le SCRS. Nos services de police provinciaux se plaignent depuis des années des échanges d’information insuffisant entre nos forces de sécurité.

Il doit aussi y avoir une volonté politique de s’attaquer à ce problème tout en étant parfaitement conscients qu’il ne faut pas non plus aller trop loin. Je sais qu’il ne faut pas piétiner la liberté et la démocratie en cherchant à les protéger. Il existe toutefois des moyens de parvenir à nos fins. Nous y arrivons depuis plus de 160 ans. C’est maintenant un peu plus difficile, mais nous devons relever ce défi.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

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