Beautés de bronze : Pleins feux sur les deux lustres de la Chambre du Sénat
En février 2019, le Sénat a déménagé dans l’édifice du Sénat du Canada, ancienne gare construite en 1912. Le Sénat occupera cet emplacement temporaire pendant la réhabilitation de l’édifice du Centre du Parlement, demeure permanente du Sénat.
Bien que l’édifice du Centre soit fermé durant les travaux de réhabilitation, les Canadiens peuvent toujours découvrir son art et son architecture grâce à la visite virtuelle immersive du Sénat.
Pendant près de 100 ans, deux énormes lustres de bronze et de fonte ont été suspendus au magnifique plafond doré de la Chambre du Sénat à l’édifice du Centre, illuminant les superbes détails de la pièce.
Bien que ces lustres identiques aient été des éléments centraux de la Chambre rouge pendant très longtemps, leurs origines sont restées quelque peu mystérieuses — c’est-à-dire jusqu’à ce que des spécialistes, en les examinant de plus près, en découvrent certains détails avant que ces énormes luminaires soient temporairement démontés dans le cadre des travaux de réhabilitation de l’édifice du Centre.
Il s’avère que les lustres fabriqués sur mesure représentent, selon le cofondateur de l’entreprise retenue pour superviser leur démontage, une merveille de trois tonnes en matière de fabrication de luminaire.
« J’aurais du mal à trouver quelque chose de plus spectaculaire que ces lustres du Sénat », a déclaré Chris Nelson, dont l’entreprise, Lighting Nelson & Garrett, spécialisée en conception et restauration de luminaires, a travaillé sur des projets patrimoniaux partout au pays.
« Ils comportent un élément artistique qui mérite d’être souligné. »
Lors de la reconstruction de l’édifice du Centre à la suite de l’incendie dévastateur de 1916, l’architecte en chef John A. Pearson s’est rendu à New York pour discuter de la conception des nouveaux lustres pour la Chambre du Sénat avec la Mitchell Vance Company, un réputé fabricant de luminaires américain à l’époque.
Le ministère des Travaux publics a finalement arrêté son choix sur les plans de Mitchell Vance, mais a confié la fabrication des imposants lustres à l’entreprise canadienne Robert Mitchell Company.
L’artisan Cléophas Soucy — qui supervisait l’équipe de sculpteurs de l’édifice du Centre et qui est devenu le premier sculpteur du Dominion — a modelé le lustre complexe dans l’argile. Le modèle a ensuite été utilisé pour mouler et assembler les lustres à la fonderie Robert Mitchell à Montréal.
Pour obtenir le fini voulu, les lustres ont été brunis au nitrate de cuivre, sous la supervision de Paul Beau, maître-ferronnier du Parlement. Une fois prêts, les lustres ont été expédiés en pièces détachées à Ottawa, puis installés dans la Chambre du Sénat en 1926.
Cependant, on ne sait toujours pas très bien comment les ingénieurs ont fait pour hisser les lustres au plafond. Près d’un siècle plus tard, M. Nelson et son équipe ont dû concevoir un plan de toutes pièces afin de démonter les lustres pour les protéger et les restaurer.
Découvrez comment ils y sont parvenus, et voyez de près les caractéristiques qui font de ces lustres des chefs-d’œuvre du patrimoine du Parlement :
Les 12 lanternes de chaque lustre ont été remplacées en 1959 par des lanternes de forme cylindrique pour que les lustres projettent plus de lumière. Les lustres, qui contiennent aussi un globe central, sont habituellement suspendus à quelque 5,5 mètres du plafond par huit tiges.
Avec les importants travaux de réhabilitation de l’édifice du Centre, les deux lustres ne peuvent rester en place. Afin de réduire la charge pendant la descente des lustres au sol, les ouvriers détachent le plus de pièces possible et retirent les délicates lanternes. (Crédit photo : Services publics et Approvisionnement Canada)
Les restaurateurs évaluent que le dôme du lustre pèse à lui seul environ 365 kilogrammes, tandis que l’anneau crénelé — d’où les lanternes sont suspendues — en pèse un peu plus. Les ouvriers sur place ont respecté toutes les règles de sécurité et de santé publique en vigueur au moment où les lustres ont été enlevés.
Les ouvriers consignent minutieusement les détails des plus petites pièces des lustres du Sénat, notant toutes les combinaisons de chiffres et de lettres insculptés sur les pièces et les parties sur lesquelles elles sont fixées. Le processus de démontage, qui a pris des jours, s’apparente à un casse-tête tridimensionnel : difficile, mais « amusant », selon M. Nelson.
Un ouvrier tient la couronne qui coiffe le haut du dôme du lustre. La croix sur le dessus de la couronne doit faire face au Président du Sénat, qui veille au respect des règles de la Chambre rouge et qui préside les travaux du Sénat. (Crédit photo : Services publics et Approvisionnement Canada)
Les ouvriers descendent lentement un des lustres démontés, à l’aide d’un système de poulies à chaîne à forte charge. Des sangles de nylon — semblables à des ceintures de sécurité ultrarésistantes — sont passées autour des parties les plus solides du lustre, puis fixées dans le système de poulies.
Le lustre reposant sur un chariot, les ouvriers fixent l’énorme anneau à un cadre muni de roues fabriqué sur mesure. L’anneau, qui fait environ 2,75 mètres de diamètre, a été moulé d’une seule pièce lorsqu’il a été fabriqué — un exploit « pratiquement inédit » pour un luminaire, explique M. Nelson. « Je peux vous dire que c’était toute une fonderie qu’on exploitait à la Robert Mitchell Company. »
Les ouvriers naviguent le défi suivant : amener l’anneau et le cadre au bas de l’escalier du foyer du Sénat, puis hors de l’édifice. L’équipe a conçu un autre système de poulies à cette fin, un système qui comprend un rail en hauteur pour faire avancer le cadre au-dessus des marches et le déposer au bas de l’escalier. (Crédit photo : Services publics et Approvisionnement Canada)
Un des lourds anneaux des lustres sort finalement de l’édifice par l’entrée du Sénat, du côté est de l’édifice du Centre. L’entrée se trouve habituellement au niveau du sol; elle semble ici surélevée en raison des travaux d’excavation. (Crédit photo : Services publics et Approvisionnement Canada)
Les ouvriers placent l’un des anneaux dans une caisse pour entreposage. Les diverses pièces des lustres du Sénat sont entreposées dans un entrepôt fédéral jusqu’à ce que les plans de restauration soient achevés. (Crédit photo : Services publics et Approvisionnement Canada)