À l’approche de la légalisation du cannabis, le gouvernement fédéral devrait tenir compte de l’appel du Sénat en faveur d’une surveillance par une tierce partie : Sénatrice Lankin
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La légalisation du cannabis approche. Les Canadiens y sont favorables, et les sénateurs — qui débattent actuellement de l’importante mesure législative sur la question— ne devraient pas s’y opposer. Cela dit, je suis convaincue qu’une surveillance continue sera essentielle à la réussite de cette initiative.
À ce stade-ci, les arguments en faveur de la légalisation sont clairs — l’interdiction ne fonctionne tout simplement pas.
Le gouvernement fédéral a fait valoir que l’existence d’un marché légal du cannabis à usage récréatif permettrait de réduire la consommation de cette substance chez les jeunes, d’améliorer la gestion des problèmes de santé publique et d’éliminer le marché noir.
Cependant, élaborer une politique publique efficace n’est pas une mince affaire.
Mettre fin à des décennies d’interdiction du cannabis est très complexe, tant sur le plan législatif que social. De plus, il existe peu de précédents sur lesquels nous appuyer. Le Canada n’est que le deuxième pays au monde à vouloir légaliser le cannabis à l’échelle nationale – le premier étant l’Uruguay, un pays ayant une population équivalente à celle de la ville de Toronto.
Compte tenu de toute cette complexité, c’est un groupe de travail indépendant, dirigé par Anne McLellan, ancienne vice-première ministre, qui est derrière le développement du projet de loi C-45.
Depuis que la Chambre des communes a renvoyé cette mesure législative au Sénat, les sénateurs l’ont révisée au peigne fin — la soumettant à six comités sénatoriaux différents qui ont chacun invité une multitude d’experts en la matière à témoigner.
Voici l’une de leurs principales constatations : notre compréhension du cannabis, d’un point de vue de santé publique, évolue et continuera de le faire après la légalisation du cannabis à des fins récréatives. À ce jour, les données scientifiques ne sont pas concluantes. Aux dires de témoins qui ont comparu devant le comité, l’interdiction a rendu pratiquement impossible toute recherche appropriée sur le cannabis.
En fait, les nouvelles études publiées pendant l’examen du projet de loi C-45 au Sénat — notamment en ce qui concerne le cerveau en développement et la santé mentale en général — remettent en question certaines des déclarations les plus alarmistes.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs devraient adopter une approche prudente, et non restrictive, dans leurs recommandations. Selon la même logique, les sénateurs proposent une amélioration de la surveillance, du suivi et de l’évaluation de la situation, quand le marché légal sera créé. Lorsqu’en tant que société, nous comprendrons davantage les effets du cannabis, nous serons plus en mesure de trouver des solutions politiques.
Voilà pourquoi le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie a recommandé la création d’un groupe de travail indépendant, composé d’experts en contenu et chargé de superviser la mise en œuvre de cette mesure législative.
De plus, l’accès à des points de vue non partisans permettra aux Canadiens, aux universitaires et à d’autres pays de comprendre cette démarche des plus audacieuses.
Les sénateurs, entre autres, ont fait de leur mieux pour déceler les éléments problématiques du projet de loi et proposer des solutions; cependant, il serait naïf de penser que tout est parfait. Il est raisonnable de penser que c’est avec l’expérience que nous en apprendrons plus sur les avantages et les inconvénients de la légalisation du cannabis.
Un groupe de travail tiers jouerait le rôle de dépositaire de l’information recueillie et favoriserait la mise en commun de pratiques exemplaires en matière de politiques sur le cannabis pour tous les ordres de gouvernement, et ce, de manière accessible.
Par ailleurs, rien ne justifie que l’on retarde davantage l’adoption du projet de loi, comme le demandent certains. La consommation de cannabis est répandue au Canada. Il faut clairement adopter une nouvelle approche pour s’attaquer aux problèmes très réels de toxicomanie et de santé mentale qui sont souvent associés — sans qu’ils en soient nécessairement la cause — à la consommation de cannabis.
Même si le chemin sera certainement parsemé d’embûches, je suis persuadée que le gouvernement prend au sérieux l’approche en matière de santé publique présentée dans le projet de loi C-45. Toutefois, cela ne fonctionnera que si nous pouvons voir les difficultés et nous adapter à la situation au fur et à mesure. Si les Canadiens n’arrivent pas à suivre ce que nous sommes sur le point d’adopter, les objectifs tout à fait honnêtes que nous cherchons à atteindre avec ce projet de loi risquent de partir en fumée.
La sénatrice Frances Lankin représente l’Ontario. Elle a été ministre des Services gouvernementaux, ministre de la Santé et ministre du Développement économique et du Commerce de l’Ontario.
Cet article a été publié le 5 juin 2018 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Frances Lankin a pris sa retraite du Sénat du Canada en octobre 2024. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.
La légalisation du cannabis approche. Les Canadiens y sont favorables, et les sénateurs — qui débattent actuellement de l’importante mesure législative sur la question— ne devraient pas s’y opposer. Cela dit, je suis convaincue qu’une surveillance continue sera essentielle à la réussite de cette initiative.
À ce stade-ci, les arguments en faveur de la légalisation sont clairs — l’interdiction ne fonctionne tout simplement pas.
Le gouvernement fédéral a fait valoir que l’existence d’un marché légal du cannabis à usage récréatif permettrait de réduire la consommation de cette substance chez les jeunes, d’améliorer la gestion des problèmes de santé publique et d’éliminer le marché noir.
Cependant, élaborer une politique publique efficace n’est pas une mince affaire.
Mettre fin à des décennies d’interdiction du cannabis est très complexe, tant sur le plan législatif que social. De plus, il existe peu de précédents sur lesquels nous appuyer. Le Canada n’est que le deuxième pays au monde à vouloir légaliser le cannabis à l’échelle nationale – le premier étant l’Uruguay, un pays ayant une population équivalente à celle de la ville de Toronto.
Compte tenu de toute cette complexité, c’est un groupe de travail indépendant, dirigé par Anne McLellan, ancienne vice-première ministre, qui est derrière le développement du projet de loi C-45.
Depuis que la Chambre des communes a renvoyé cette mesure législative au Sénat, les sénateurs l’ont révisée au peigne fin — la soumettant à six comités sénatoriaux différents qui ont chacun invité une multitude d’experts en la matière à témoigner.
Voici l’une de leurs principales constatations : notre compréhension du cannabis, d’un point de vue de santé publique, évolue et continuera de le faire après la légalisation du cannabis à des fins récréatives. À ce jour, les données scientifiques ne sont pas concluantes. Aux dires de témoins qui ont comparu devant le comité, l’interdiction a rendu pratiquement impossible toute recherche appropriée sur le cannabis.
En fait, les nouvelles études publiées pendant l’examen du projet de loi C-45 au Sénat — notamment en ce qui concerne le cerveau en développement et la santé mentale en général — remettent en question certaines des déclarations les plus alarmistes.
C’est la raison pour laquelle les sénateurs devraient adopter une approche prudente, et non restrictive, dans leurs recommandations. Selon la même logique, les sénateurs proposent une amélioration de la surveillance, du suivi et de l’évaluation de la situation, quand le marché légal sera créé. Lorsqu’en tant que société, nous comprendrons davantage les effets du cannabis, nous serons plus en mesure de trouver des solutions politiques.
Voilà pourquoi le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie a recommandé la création d’un groupe de travail indépendant, composé d’experts en contenu et chargé de superviser la mise en œuvre de cette mesure législative.
De plus, l’accès à des points de vue non partisans permettra aux Canadiens, aux universitaires et à d’autres pays de comprendre cette démarche des plus audacieuses.
Les sénateurs, entre autres, ont fait de leur mieux pour déceler les éléments problématiques du projet de loi et proposer des solutions; cependant, il serait naïf de penser que tout est parfait. Il est raisonnable de penser que c’est avec l’expérience que nous en apprendrons plus sur les avantages et les inconvénients de la légalisation du cannabis.
Un groupe de travail tiers jouerait le rôle de dépositaire de l’information recueillie et favoriserait la mise en commun de pratiques exemplaires en matière de politiques sur le cannabis pour tous les ordres de gouvernement, et ce, de manière accessible.
Par ailleurs, rien ne justifie que l’on retarde davantage l’adoption du projet de loi, comme le demandent certains. La consommation de cannabis est répandue au Canada. Il faut clairement adopter une nouvelle approche pour s’attaquer aux problèmes très réels de toxicomanie et de santé mentale qui sont souvent associés — sans qu’ils en soient nécessairement la cause — à la consommation de cannabis.
Même si le chemin sera certainement parsemé d’embûches, je suis persuadée que le gouvernement prend au sérieux l’approche en matière de santé publique présentée dans le projet de loi C-45. Toutefois, cela ne fonctionnera que si nous pouvons voir les difficultés et nous adapter à la situation au fur et à mesure. Si les Canadiens n’arrivent pas à suivre ce que nous sommes sur le point d’adopter, les objectifs tout à fait honnêtes que nous cherchons à atteindre avec ce projet de loi risquent de partir en fumée.
La sénatrice Frances Lankin représente l’Ontario. Elle a été ministre des Services gouvernementaux, ministre de la Santé et ministre du Développement économique et du Commerce de l’Ontario.
Cet article a été publié le 5 juin 2018 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Frances Lankin a pris sa retraite du Sénat du Canada en octobre 2024. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.