Investir dans le Nord, c’est investir dans l’avenir du Canada : Sénateur Patterson
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Il ne peut y avoir d’égalité politique sans égalité économique.
C’est ce que dit un récent document de consultation sur le cadre stratégique pour l’Arctique intitulé « We Are One Mind ». Financé par la Fondation Gordon, « We Are One Mind » est le produit d’un effort concerté de trois groupes de jeunes du Nord – Dene Naho, établi dans les Territoires du Nord-Ouest; Our Voices, essentiellement basé au Yukon; et Qanak, une organisation inuite. Il s’agit d’un vibrant appel pour qu’on se préoccupe des besoins dans 40 % du territoire canadien, au nord du 60e parallèle.
Les auteurs de ce document font plusieurs recommandations axées sur : la participation des habitants du Nord à l’élaboration et à la mise en œuvre du cadre stratégique révisé pour l’Arctique; l’augmentation de la représentation des habitants du Nord et de la recherche scientifique dans le Nord; la préservation de la culture autochtone dans le Nord; et la création de communautés et d’économies fortes.
Il y a beaucoup de recommandations que j’appuie, et plusieurs que je considère indissociables. Par exemple, les groupes appellent le gouvernement fédéral à demander à la Banque d’infrastructure du Canada d’effectuer des investissements bons pour le pays dans le logement, les ports, les routes, l’énergie et la gestion des déchets, afin qu’il y ait une amélioration du coût de la vie pour tous les habitants du Nord; en plus d’ajouter une nouvelle catégorie, dans les programmes de la Banque, pour l’accès à l’Internet à haute vitesse et les énergies renouvelables.
Au Nunavut, le projet de la route et du port de la baie Grays progresse rapidement. Figurant parmi les cinq grandes priorités du gouvernement du Nunavut en matière d’infrastructures, ce projet de développement offrira une nouvelle voie de communication nord-sud praticable en tout temps pour réapprovisionner les trois mines de diamants des Territoires du Nord-Ouest (menacées par la fonte des routes de glace due aux changements climatiques), et permettra aussi de rendre financièrement viable la mine de zinc bien connue d’Izok Lake et de High Lake, en lui donnant accès à la mer. Cela aura sûrement aussi pour effet d’attirer des investissements miniers dans la riche province géologique des Esclaves. Ce serait donc la première route partant du sud du Canada qui rejoindrait la plus longue côte du pays au Nunavut; et le port serait un nouveau carrefour pour le réapprovisionnement des communautés et le transport maritime dans la région, ainsi qu’une base sur la côte ouest de l’Arctique pour la Marine royale et la Garde côtière canadiennes.
La Kitikmeot Inuit Association et le gouvernement du Nunavut, promoteurs conjoints du projet qui vont réunir 25 % des 500 millions de dollars requis, prévoient que la partie du projet qui reviendra au gouvernement fédéral sera prise en charge par la Banque de l’infrastructure nouvellement créée, et payée grâce à une autre enveloppe de financement fédéral provenant du Fonds national des corridors commerciaux. Le Nunavut a besoin de nombreuses améliorations de ses infrastructures communautaires – car presque aucune communauté ne se conforme à son permis d’utilisation des eaux –, mais des fonctionnaires fédéraux ont récemment demandé que le gouvernement du Nunavut utilise le financement dont il dispose pour contribuer à la réalisation du projet de la route et du port de la baie Grays, ce qui viendrait compromettre l’amélioration des infrastructures figurant sur la liste des priorités du Nunavut en ce qui concerne l’approvisionnement en eau et les égouts, les déchets solides et le remplacement des vieilles génératrices au diesel (les seules sources d’énergie des communautés du Nunavut).
Lorsqu’on a construit les corridors de transport nationaux, comme les chemins de fer du Canadien Pacifique et l’autoroute Transcanadienne, ainsi que les installations portuaires sur les côtes est et ouest du pays, le Nunavut et le Nord du Canada ont été laissés pour compte. L’occasion que nous avons de demander des infrastructures de transport essentielles pour stimuler la croissance économique et réduire le coût de la vie exorbitant dans le Nord ne devrait pas être mise en concurrence avec d’autres projets d’infrastructures vitaux pour nos communautés.
Our Voices demande aussi au gouvernement fédéral d’envisager la possibilité de faire des investissements pluriannuels dans la santé, les services sociaux et l’éducation; de supprimer les restrictions inutiles qui empêchent d’adapter les programmes à la réalité du Nord; et de codévelopper des procédures d’évaluation qui tiennent compte de cette réalité.
Nous avons pu constater, dans le passé, que le cycle d’expansion et de ralentissement du développement des ressources dans les régions nordiques et éloignées peut laisser certaines communautés dévastées par la toxicomanie, le suicide et un manque généralisé d’investissements dans la santé et la croissance à long terme.
Si le projet de route se concrétise, il faudra aussi faire d’autres investissements pour s’assurer que les communautés, les familles et les personnes sont bien préparées à faire face aux changements rapides que connaîtra une économie en développement où le taux de chômage est élevé, et qui viennent avec tout nouveau projet de développement d’une industrie ou d’exploitation des ressources.
Le financement des services de santé mentale destinés aux Inuits, par exemple, pourrait aider les futurs employés à supporter le stress d’être loin de leur famille et de leur réseau de soutien des semaines durant, pendant qu’ils côtoieront beaucoup de nouvelles personnes venant d’autres régions du Nunavut ou d’ailleurs au Canada. Les programmes d’éducation axés sur la gestion du patrimoine et le perfectionnement des compétences aideraient non seulement les habitants du Nord à maximiser l’afflux de revenus générés par les ressources, mais aussi à assurer leur stabilité financière à long terme.
Investir dans le Nord, c’est investir dans l’avenir du Canada. Mais il faut investir intelligemment et écouter les habitants du Nord.
Le sénateur Dennis Patterson représente le Nunavut. Il est vice-président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et membre du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Cet article a été publié le 25 octobre 2017 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Dennis Glen Patterson a pris sa retraite du Sénat du Canada en décembre 2023. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.
Il ne peut y avoir d’égalité politique sans égalité économique.
C’est ce que dit un récent document de consultation sur le cadre stratégique pour l’Arctique intitulé « We Are One Mind ». Financé par la Fondation Gordon, « We Are One Mind » est le produit d’un effort concerté de trois groupes de jeunes du Nord – Dene Naho, établi dans les Territoires du Nord-Ouest; Our Voices, essentiellement basé au Yukon; et Qanak, une organisation inuite. Il s’agit d’un vibrant appel pour qu’on se préoccupe des besoins dans 40 % du territoire canadien, au nord du 60e parallèle.
Les auteurs de ce document font plusieurs recommandations axées sur : la participation des habitants du Nord à l’élaboration et à la mise en œuvre du cadre stratégique révisé pour l’Arctique; l’augmentation de la représentation des habitants du Nord et de la recherche scientifique dans le Nord; la préservation de la culture autochtone dans le Nord; et la création de communautés et d’économies fortes.
Il y a beaucoup de recommandations que j’appuie, et plusieurs que je considère indissociables. Par exemple, les groupes appellent le gouvernement fédéral à demander à la Banque d’infrastructure du Canada d’effectuer des investissements bons pour le pays dans le logement, les ports, les routes, l’énergie et la gestion des déchets, afin qu’il y ait une amélioration du coût de la vie pour tous les habitants du Nord; en plus d’ajouter une nouvelle catégorie, dans les programmes de la Banque, pour l’accès à l’Internet à haute vitesse et les énergies renouvelables.
Au Nunavut, le projet de la route et du port de la baie Grays progresse rapidement. Figurant parmi les cinq grandes priorités du gouvernement du Nunavut en matière d’infrastructures, ce projet de développement offrira une nouvelle voie de communication nord-sud praticable en tout temps pour réapprovisionner les trois mines de diamants des Territoires du Nord-Ouest (menacées par la fonte des routes de glace due aux changements climatiques), et permettra aussi de rendre financièrement viable la mine de zinc bien connue d’Izok Lake et de High Lake, en lui donnant accès à la mer. Cela aura sûrement aussi pour effet d’attirer des investissements miniers dans la riche province géologique des Esclaves. Ce serait donc la première route partant du sud du Canada qui rejoindrait la plus longue côte du pays au Nunavut; et le port serait un nouveau carrefour pour le réapprovisionnement des communautés et le transport maritime dans la région, ainsi qu’une base sur la côte ouest de l’Arctique pour la Marine royale et la Garde côtière canadiennes.
La Kitikmeot Inuit Association et le gouvernement du Nunavut, promoteurs conjoints du projet qui vont réunir 25 % des 500 millions de dollars requis, prévoient que la partie du projet qui reviendra au gouvernement fédéral sera prise en charge par la Banque de l’infrastructure nouvellement créée, et payée grâce à une autre enveloppe de financement fédéral provenant du Fonds national des corridors commerciaux. Le Nunavut a besoin de nombreuses améliorations de ses infrastructures communautaires – car presque aucune communauté ne se conforme à son permis d’utilisation des eaux –, mais des fonctionnaires fédéraux ont récemment demandé que le gouvernement du Nunavut utilise le financement dont il dispose pour contribuer à la réalisation du projet de la route et du port de la baie Grays, ce qui viendrait compromettre l’amélioration des infrastructures figurant sur la liste des priorités du Nunavut en ce qui concerne l’approvisionnement en eau et les égouts, les déchets solides et le remplacement des vieilles génératrices au diesel (les seules sources d’énergie des communautés du Nunavut).
Lorsqu’on a construit les corridors de transport nationaux, comme les chemins de fer du Canadien Pacifique et l’autoroute Transcanadienne, ainsi que les installations portuaires sur les côtes est et ouest du pays, le Nunavut et le Nord du Canada ont été laissés pour compte. L’occasion que nous avons de demander des infrastructures de transport essentielles pour stimuler la croissance économique et réduire le coût de la vie exorbitant dans le Nord ne devrait pas être mise en concurrence avec d’autres projets d’infrastructures vitaux pour nos communautés.
Our Voices demande aussi au gouvernement fédéral d’envisager la possibilité de faire des investissements pluriannuels dans la santé, les services sociaux et l’éducation; de supprimer les restrictions inutiles qui empêchent d’adapter les programmes à la réalité du Nord; et de codévelopper des procédures d’évaluation qui tiennent compte de cette réalité.
Nous avons pu constater, dans le passé, que le cycle d’expansion et de ralentissement du développement des ressources dans les régions nordiques et éloignées peut laisser certaines communautés dévastées par la toxicomanie, le suicide et un manque généralisé d’investissements dans la santé et la croissance à long terme.
Si le projet de route se concrétise, il faudra aussi faire d’autres investissements pour s’assurer que les communautés, les familles et les personnes sont bien préparées à faire face aux changements rapides que connaîtra une économie en développement où le taux de chômage est élevé, et qui viennent avec tout nouveau projet de développement d’une industrie ou d’exploitation des ressources.
Le financement des services de santé mentale destinés aux Inuits, par exemple, pourrait aider les futurs employés à supporter le stress d’être loin de leur famille et de leur réseau de soutien des semaines durant, pendant qu’ils côtoieront beaucoup de nouvelles personnes venant d’autres régions du Nunavut ou d’ailleurs au Canada. Les programmes d’éducation axés sur la gestion du patrimoine et le perfectionnement des compétences aideraient non seulement les habitants du Nord à maximiser l’afflux de revenus générés par les ressources, mais aussi à assurer leur stabilité financière à long terme.
Investir dans le Nord, c’est investir dans l’avenir du Canada. Mais il faut investir intelligemment et écouter les habitants du Nord.
Le sénateur Dennis Patterson représente le Nunavut. Il est vice-président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones et membre du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.
Cet article a été publié le 25 octobre 2017 dans le journal The Hill Times (en anglais seulement).
Avis aux lecteurs : L’honorable Dennis Glen Patterson a pris sa retraite du Sénat du Canada en décembre 2023. Apprenez-en davantage sur son travail au Parlement.