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La Chambre rouge doit contribuer à redéfinir le rôle de la GRC : sénateur Harder

Selon un vieux dicton, lorsqu’un travail doit être fait, il faut le confier à quelqu’un qui est déjà débordé.

Si ce cliché a déjà été vrai, il s’applique rarement dans le monde du travail complexe d’aujourd’hui. Accabler les organisations et leurs employés de trop de tâches sans leur donner la formation adéquate pour les effectuer garantit que ces tâches ne seront pas accomplies ou, pire encore, qu’elles le seront très mal.

Alors, comment se fait-il que l’on demande encore à notre service de police national de remplir un mandat excessivement vaste qui le rend moins efficace, moins responsable et moins apte à assurer la sécurité publique?

S’il fut un temps où la description de tâches de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait un sens, les réalités de notre société en évolution rendent impérative la redéfinition de son rôle.

Le plus récent défenseur de cette réforme est Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada, qui a évoqué la culture toxique au sein de la GRC dans un rapport accablant sur l’indemnisation des employées de la GRC victimes de harcèlement. Il est temps, selon lui, que le gouvernement pose des questions difficiles sur le service de police national du Canada.

L’une de ces questions est de savoir si le rôle de service de police provincial joué par la Gendarmerie est approprié pour une organisation nationale. La description de travail actuelle comprend tout, des services de police municipaux aux services de police provinciaux, dans huit des dix provinces et dans les trois territoires, en passant par la prestation de services sur des centaines de terres des Premières Nations. Ajoutez à cela la responsabilité du crime organisé, du terrorisme, des drogues, du passage de clandestins ainsi que des services médico-légaux et autres services techniques fournis à d’autres organismes, et vous avez une bonne idée de l’ampleur du mandat actuel de l’organisation.

En raison de cet énorme mandat, il est impossible pour la GRC de faire tout ce qu’on attend d’elle pour assurer la sécurité publique.

Une autre question clé est celle de la responsabilité. En tant qu’ancien sous-solliciteur général et sous-ministre de la Sécurité publique, je peux vous dire que dans les provinces où la GRC agit comme service de police provincial, on ne sait jamais très bien où se situent les limites de l’autorité et de la responsabilité.

Prenons par exemple la tragédie de 2020 en Nouvelle-Écosse, où 22 personnes ont été tuées par un tireur solitaire. Des questions ont été soulevées au sujet de la réaction immédiate à ce massacre, tandis que la confusion régnait par la suite quant à savoir quel palier de gouvernement devait se charger de l’enquête subséquente.

Malheureusement, on constate que la GRC est un service de police provincial qui relève du procureur général de la province lorsque cela convient aux intérêts du commandant divisionnaire, et un service de police fédéral lorsque les circonstances s’y prêtent.

Par exemple, il arrive que des agents qui ont passé des années dans des communautés rurales se font demander de travailler sur le blanchiment d’argent ou la sécurité nationale, des domaines pour lesquels ils n’ont pas été formés de façon adéquate. L’an dernier, la Commission Cullen de la Colombie-Britannique (en anglais seulement) sur le blanchiment d’argent a entendu des témoignages selon lesquels les policiers de la province manquaient de formation pour prévenir ce crime complexe. Pour relever les défis d’aujourd’hui, il faut de nouveaux types d’employés qui possèdent des compétences et une formation différentes, ainsi qu’une répartition très différente des ressources globales. Dans sa structure actuelle, nous demandons à la GRC et à ses employés de faire l’impossible.

Les priorités de la GRC sont également influencées par le fait que dans les provinces où la GRC agit en tant que service de police provincial, les provinces paient au moins 70 % du coût des services de police. Cela signifie que les provinces déterminent souvent une grande partie des activités réalisées par un organisme fédéral. Par le fait même, cela signifie que le gouvernement fédéral subventionne des fonctions qui sont de compétence provinciale. Nous devons nous demander si la Gendarmerie est en mesure de contrer les nouvelles menaces du 21e siècle comme les crimes haineux, la criminalité transnationale et le trafic d’opioïdes.

Alors, que doit-on faire?

Le moment est opportun pour les sénateurs de procéder à un examen de la GRC. Les contrats entre la GRC et les provinces ne doivent pas être renouvelés avant 2032, ce qui donne amplement le temps de discuter et de se préparer au changement.

L’une des responsabilités fondamentales du Sénat est de veiller sur les institutions nationales du Canada. De plus, la plupart des sénateurs n’appartiennent plus à un parti politique particulier, ce qui permet à la Chambre haute de s’affranchir des considérations électorales pour procéder à un examen juste et impartial. Le mandat de représentation régionale du Sénat en fait également un bon candidat pour cette tâche, étant donné l’importance de la Gendarmerie dans l’Ouest.

L’enquête doit porter sur le rôle et le mandat d’un service de police national du 21e siècle, les compétences requises pour être efficace, les ressources et l’organisation nécessaires et les pratiques de recrutement. J’espère à cet effet à la première occasion.

Les Canadiens ont exprimé leur fierté à l’égard des symboles de la GRC. La tunique écarlate, le carrousel et la formation à la « Division dépôt » de Regina sont des icônes internationales. Néanmoins, la nostalgie ne doit pas nous faire oublier la nécessité d’évoluer dans un monde où les menaces prennent des formes de plus en plus variées, menaçantes et complexes.

Le sénateur Peter Harder représente l’Ontario au Sénat.

Une version semblable de cet article a été publiée dans l’édition du 11 juin 2021 d’Options politiques (en anglais seulement).

Selon un vieux dicton, lorsqu’un travail doit être fait, il faut le confier à quelqu’un qui est déjà débordé.

Si ce cliché a déjà été vrai, il s’applique rarement dans le monde du travail complexe d’aujourd’hui. Accabler les organisations et leurs employés de trop de tâches sans leur donner la formation adéquate pour les effectuer garantit que ces tâches ne seront pas accomplies ou, pire encore, qu’elles le seront très mal.

Alors, comment se fait-il que l’on demande encore à notre service de police national de remplir un mandat excessivement vaste qui le rend moins efficace, moins responsable et moins apte à assurer la sécurité publique?

S’il fut un temps où la description de tâches de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait un sens, les réalités de notre société en évolution rendent impérative la redéfinition de son rôle.

Le plus récent défenseur de cette réforme est Michel Bastarache, ancien juge de la Cour suprême du Canada, qui a évoqué la culture toxique au sein de la GRC dans un rapport accablant sur l’indemnisation des employées de la GRC victimes de harcèlement. Il est temps, selon lui, que le gouvernement pose des questions difficiles sur le service de police national du Canada.

L’une de ces questions est de savoir si le rôle de service de police provincial joué par la Gendarmerie est approprié pour une organisation nationale. La description de travail actuelle comprend tout, des services de police municipaux aux services de police provinciaux, dans huit des dix provinces et dans les trois territoires, en passant par la prestation de services sur des centaines de terres des Premières Nations. Ajoutez à cela la responsabilité du crime organisé, du terrorisme, des drogues, du passage de clandestins ainsi que des services médico-légaux et autres services techniques fournis à d’autres organismes, et vous avez une bonne idée de l’ampleur du mandat actuel de l’organisation.

En raison de cet énorme mandat, il est impossible pour la GRC de faire tout ce qu’on attend d’elle pour assurer la sécurité publique.

Une autre question clé est celle de la responsabilité. En tant qu’ancien sous-solliciteur général et sous-ministre de la Sécurité publique, je peux vous dire que dans les provinces où la GRC agit comme service de police provincial, on ne sait jamais très bien où se situent les limites de l’autorité et de la responsabilité.

Prenons par exemple la tragédie de 2020 en Nouvelle-Écosse, où 22 personnes ont été tuées par un tireur solitaire. Des questions ont été soulevées au sujet de la réaction immédiate à ce massacre, tandis que la confusion régnait par la suite quant à savoir quel palier de gouvernement devait se charger de l’enquête subséquente.

Malheureusement, on constate que la GRC est un service de police provincial qui relève du procureur général de la province lorsque cela convient aux intérêts du commandant divisionnaire, et un service de police fédéral lorsque les circonstances s’y prêtent.

Par exemple, il arrive que des agents qui ont passé des années dans des communautés rurales se font demander de travailler sur le blanchiment d’argent ou la sécurité nationale, des domaines pour lesquels ils n’ont pas été formés de façon adéquate. L’an dernier, la Commission Cullen de la Colombie-Britannique (en anglais seulement) sur le blanchiment d’argent a entendu des témoignages selon lesquels les policiers de la province manquaient de formation pour prévenir ce crime complexe. Pour relever les défis d’aujourd’hui, il faut de nouveaux types d’employés qui possèdent des compétences et une formation différentes, ainsi qu’une répartition très différente des ressources globales. Dans sa structure actuelle, nous demandons à la GRC et à ses employés de faire l’impossible.

Les priorités de la GRC sont également influencées par le fait que dans les provinces où la GRC agit en tant que service de police provincial, les provinces paient au moins 70 % du coût des services de police. Cela signifie que les provinces déterminent souvent une grande partie des activités réalisées par un organisme fédéral. Par le fait même, cela signifie que le gouvernement fédéral subventionne des fonctions qui sont de compétence provinciale. Nous devons nous demander si la Gendarmerie est en mesure de contrer les nouvelles menaces du 21e siècle comme les crimes haineux, la criminalité transnationale et le trafic d’opioïdes.

Alors, que doit-on faire?

Le moment est opportun pour les sénateurs de procéder à un examen de la GRC. Les contrats entre la GRC et les provinces ne doivent pas être renouvelés avant 2032, ce qui donne amplement le temps de discuter et de se préparer au changement.

L’une des responsabilités fondamentales du Sénat est de veiller sur les institutions nationales du Canada. De plus, la plupart des sénateurs n’appartiennent plus à un parti politique particulier, ce qui permet à la Chambre haute de s’affranchir des considérations électorales pour procéder à un examen juste et impartial. Le mandat de représentation régionale du Sénat en fait également un bon candidat pour cette tâche, étant donné l’importance de la Gendarmerie dans l’Ouest.

L’enquête doit porter sur le rôle et le mandat d’un service de police national du 21e siècle, les compétences requises pour être efficace, les ressources et l’organisation nécessaires et les pratiques de recrutement. J’espère à cet effet à la première occasion.

Les Canadiens ont exprimé leur fierté à l’égard des symboles de la GRC. La tunique écarlate, le carrousel et la formation à la « Division dépôt » de Regina sont des icônes internationales. Néanmoins, la nostalgie ne doit pas nous faire oublier la nécessité d’évoluer dans un monde où les menaces prennent des formes de plus en plus variées, menaçantes et complexes.

Le sénateur Peter Harder représente l’Ontario au Sénat.

Une version semblable de cet article a été publiée dans l’édition du 11 juin 2021 d’Options politiques (en anglais seulement).

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