La légalisation du cannabis ne peut pas attendre : Sénateur Dean
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Récemment, certains de mes collègues du Sénat ont exprimé publiquement leurs craintes que l’échéance estivale soit trop serrée pour adopter une loi qui légalisera le cannabis et l’encadrera strictement.
Conformément aux vieilles coutumes de débat au sein du Sénat, ces sénateurs peuvent faire valoir leur point de vue. Mais compte tenu de l’importance de cette loi pour la santé publique et la réduction des préjudices, nous pouvons améliorer notre façon de procéder de manière à obtenir à la fois une adoption rapide et un second examen objectif.
Le projet de loi C‑45 en est à la dernière étape du débat à la Chambre des communes, de sorte que le Sénat pourrait en être saisi avant la fin de l’année. Il convient de récapituler les problèmes que ce texte législatif vise à résoudre.
Des millions de Canadiens consomment du cannabis, et nos jeunes de 15 à 24 ans sont parmi les plus grands consommateurs de la drogue au pays ainsi qu’à l’échelle mondiale. Il y a 21 % des Canadiens âgés de 15 à 19 ans qui consomment du cannabis, une proportion qui atteint 30 % chez les jeunes adultes de 20 à 24 ans.
Les risques pour la santé que présente la consommation de cannabis sont bien connus, et les conséquences peuvent être particulièrement dévastatrices chez les jeunes qui en consomment fréquemment et en quantités importantes. Les torts causés à la vie des jeunes sont aussi attribuables à la criminalisation de la possession de cannabis, une situation qui touche de manière disproportionnée les Autochtones et les Canadiens d’autres communautés raciales.
En dernier lieu, même si le cannabis thérapeutique qui est en plein essor au pays est sévèrement réglementé et rigoureusement contrôlé sur le plan de la qualité, l’imposant marché tout à fait illégal du cannabis à usage récréatif de 7 milliards de dollars n’est aucunement réglementé. Par conséquent, de nombreux consommateurs, y compris les jeunes, doivent essayer de deviner la qualité et la puissance du cannabis qu’ils consomment.
Compte tenu du risque de préjudice qui entoure la consommation de cannabis, la discussion sur sa légalisation et sa réglementation ne date pas d’hier. En 1972, la Commission d’enquête Le Dain avait recommandé la décriminalisation du cannabis au pays; en 2002, un rapport du Sénat du Canada présidé par le défunt sénateur conservateur Pierre Claude Nolin révélait que criminaliser le cannabis était plus néfaste pour les Canadiens que de le légaliser et le réglementer prudemment.
En 2014, un rapport du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) de renommée mondiale présentait les mêmes recommandations. Mais dans tous ces cas, les gouvernements ont systématiquement préféré fermer les yeux, et c’est ce que nous avons fait depuis. Jusqu’à aujourd’hui.
Par conséquent, comment les sénateurs vont-ils accueillir le projet de loi C‑45 s’il arrive sur leur bureau dans les semaines et les mois à venir?
Les sénateurs devront étudier soigneusement le cadre législatif et réglementaire proposé, et s’acquitter de leur responsabilité constitutionnelle visant à réaliser un second examen objectif.
Or, un véritable second examen objectif nécessite du temps, de la planification et de la concentration. Le Sénat est très habitué à prendre son temps, mais il peut parfois manquer de planification et d’organisation dans son travail.
Les débats portant sur de grands projets de loi sont souvent décousus, respectent peu l’ordre du jour et donnent lieu à des querelles partisanes. Les sénateurs ont du mal à suivre, sans parler du public à l’extérieur du Sénat qui s’intéresse à nos débats.
En juin dernier, le projet de loi C‑14 sur l’aide médicale à mourir a remis en cause la procédure habituelle de débats au sein du Sénat, et a bénéficié d’une planification réfléchie. Avant ma nomination, je suivais de près ces débats du Sénat aux côtés de millions d’autres Canadiens. C’était un projet sans précédent et très réussi où les sénateurs ont travaillé ensemble pour protéger les intérêts supérieurs des Canadiens.
Les débats sur le projet de loi C‑14 ont été organisés judicieusement par thèmes; les sénateurs ont eu une grande opportunité de s’exprimer, et les amendements n’étaient pas limités, mais plutôt regroupés par sujet. La procédure était transparente, accessible et significative pour les Canadiens.
J’ai fait valoir devant le Sénat que le pays mérite un débat similaire, moderne et accessible, sur la légalisation du cannabis et sa réglementation.
Si nous arrivons à organiser et à cibler nos délibérations sur le projet de loi en instaurant une procédure et un calendrier adaptés aux intérêts des Canadiens, surtout des jeunes, nous pourrons réaliser le genre d’examen approfondi que les citoyens et les intervenants attendent de nous.
Je ne propose ni de limiter ni de précipiter la discussion. Je parle plutôt d’organiser les échanges : un débat prévisible et encadré qui donne amplement l’occasion de répondre aux préoccupations des Canadiens, sans oublier les intérêts des minorités et des régions.
Avec les caméras de télévision qui arriveront au Sénat au cours de la prochaine année, les sénateurs ont une raison de plus d’organiser des débats planifiés et réfléchis qui intéresseront les Canadiens et qui contribueront aussi à regagner la confiance du public dans nos institutions démocratiques. Nous avons les outils et la capacité nécessaires afin d’essayer une procédure nouvelle et moderne pour les « travaux du Sénat », et nous n’aurons jamais de meilleure occasion d’en faire l’expérience.
Le sénateur Tony Dean représente l’Ontario. Il est membre du Comité sénatorial sur la modernisation du Sénat et du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Cet article a été publié le 10 novembre 2017 dans le journal iPolitics (en anglais seulement).
Récemment, certains de mes collègues du Sénat ont exprimé publiquement leurs craintes que l’échéance estivale soit trop serrée pour adopter une loi qui légalisera le cannabis et l’encadrera strictement.
Conformément aux vieilles coutumes de débat au sein du Sénat, ces sénateurs peuvent faire valoir leur point de vue. Mais compte tenu de l’importance de cette loi pour la santé publique et la réduction des préjudices, nous pouvons améliorer notre façon de procéder de manière à obtenir à la fois une adoption rapide et un second examen objectif.
Le projet de loi C‑45 en est à la dernière étape du débat à la Chambre des communes, de sorte que le Sénat pourrait en être saisi avant la fin de l’année. Il convient de récapituler les problèmes que ce texte législatif vise à résoudre.
Des millions de Canadiens consomment du cannabis, et nos jeunes de 15 à 24 ans sont parmi les plus grands consommateurs de la drogue au pays ainsi qu’à l’échelle mondiale. Il y a 21 % des Canadiens âgés de 15 à 19 ans qui consomment du cannabis, une proportion qui atteint 30 % chez les jeunes adultes de 20 à 24 ans.
Les risques pour la santé que présente la consommation de cannabis sont bien connus, et les conséquences peuvent être particulièrement dévastatrices chez les jeunes qui en consomment fréquemment et en quantités importantes. Les torts causés à la vie des jeunes sont aussi attribuables à la criminalisation de la possession de cannabis, une situation qui touche de manière disproportionnée les Autochtones et les Canadiens d’autres communautés raciales.
En dernier lieu, même si le cannabis thérapeutique qui est en plein essor au pays est sévèrement réglementé et rigoureusement contrôlé sur le plan de la qualité, l’imposant marché tout à fait illégal du cannabis à usage récréatif de 7 milliards de dollars n’est aucunement réglementé. Par conséquent, de nombreux consommateurs, y compris les jeunes, doivent essayer de deviner la qualité et la puissance du cannabis qu’ils consomment.
Compte tenu du risque de préjudice qui entoure la consommation de cannabis, la discussion sur sa légalisation et sa réglementation ne date pas d’hier. En 1972, la Commission d’enquête Le Dain avait recommandé la décriminalisation du cannabis au pays; en 2002, un rapport du Sénat du Canada présidé par le défunt sénateur conservateur Pierre Claude Nolin révélait que criminaliser le cannabis était plus néfaste pour les Canadiens que de le légaliser et le réglementer prudemment.
En 2014, un rapport du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH) de renommée mondiale présentait les mêmes recommandations. Mais dans tous ces cas, les gouvernements ont systématiquement préféré fermer les yeux, et c’est ce que nous avons fait depuis. Jusqu’à aujourd’hui.
Par conséquent, comment les sénateurs vont-ils accueillir le projet de loi C‑45 s’il arrive sur leur bureau dans les semaines et les mois à venir?
Les sénateurs devront étudier soigneusement le cadre législatif et réglementaire proposé, et s’acquitter de leur responsabilité constitutionnelle visant à réaliser un second examen objectif.
Or, un véritable second examen objectif nécessite du temps, de la planification et de la concentration. Le Sénat est très habitué à prendre son temps, mais il peut parfois manquer de planification et d’organisation dans son travail.
Les débats portant sur de grands projets de loi sont souvent décousus, respectent peu l’ordre du jour et donnent lieu à des querelles partisanes. Les sénateurs ont du mal à suivre, sans parler du public à l’extérieur du Sénat qui s’intéresse à nos débats.
En juin dernier, le projet de loi C‑14 sur l’aide médicale à mourir a remis en cause la procédure habituelle de débats au sein du Sénat, et a bénéficié d’une planification réfléchie. Avant ma nomination, je suivais de près ces débats du Sénat aux côtés de millions d’autres Canadiens. C’était un projet sans précédent et très réussi où les sénateurs ont travaillé ensemble pour protéger les intérêts supérieurs des Canadiens.
Les débats sur le projet de loi C‑14 ont été organisés judicieusement par thèmes; les sénateurs ont eu une grande opportunité de s’exprimer, et les amendements n’étaient pas limités, mais plutôt regroupés par sujet. La procédure était transparente, accessible et significative pour les Canadiens.
J’ai fait valoir devant le Sénat que le pays mérite un débat similaire, moderne et accessible, sur la légalisation du cannabis et sa réglementation.
Si nous arrivons à organiser et à cibler nos délibérations sur le projet de loi en instaurant une procédure et un calendrier adaptés aux intérêts des Canadiens, surtout des jeunes, nous pourrons réaliser le genre d’examen approfondi que les citoyens et les intervenants attendent de nous.
Je ne propose ni de limiter ni de précipiter la discussion. Je parle plutôt d’organiser les échanges : un débat prévisible et encadré qui donne amplement l’occasion de répondre aux préoccupations des Canadiens, sans oublier les intérêts des minorités et des régions.
Avec les caméras de télévision qui arriveront au Sénat au cours de la prochaine année, les sénateurs ont une raison de plus d’organiser des débats planifiés et réfléchis qui intéresseront les Canadiens et qui contribueront aussi à regagner la confiance du public dans nos institutions démocratiques. Nous avons les outils et la capacité nécessaires afin d’essayer une procédure nouvelle et moderne pour les « travaux du Sénat », et nous n’aurons jamais de meilleure occasion d’en faire l’expérience.
Le sénateur Tony Dean représente l’Ontario. Il est membre du Comité sénatorial sur la modernisation du Sénat et du Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Cet article a été publié le 10 novembre 2017 dans le journal iPolitics (en anglais seulement).