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La stérilisation forcée et contrainte doit cesser au Canada : sénatrice Boyer

Le racisme au sein du système de santé n’est étranger à aucun Autochtone du Canada, moi y compris. Nous en avons tous fait l’expérience et nous avons vu les membres de notre famille en être victimes. Voilà la tragique réalité des Autochtones et des personnes de couleur au Canada. C’est peut-être nouveau pour certains, mais pour tous ceux qui, comme nous, savent qu’il y a du racisme au sein du système de santé et qui en ont déjà subi, c’est tout simplement un fait indéniable.

J’étais toute jeune lorsque j’ai vécu du racisme pour la première fois dans le système de santé. Je vivais alors avec ma tante, Lucy Dubois, la sœur de mon père. Lucy était une toute petite Chippewa et Métisse qui, au début de sa vie adulte, avait vécu 10 ans dans un sanatorium, dont 5 ans le corps complètement dans le plâtre. Quand j’étais enfant, elle me racontait des histoires de « monstres qui déambulaient dans les couloirs » et me parlait d’autres choses horribles dont elle avait été témoin, mais dont elle n’a jamais avoué avoir été victime.

Quand j’y repense maintenant, je suis convaincue que ma tante a été stérilisée lorsqu’elle était au sanatorium. Je me souviens des effrayantes cicatrices qu’elle avait au dos et qui lui venaient d’expériences dont elle n’a jamais parlé, mais dont elle avait fait l’objet au sanatorium. Elle m’aimait beaucoup, mais elle n’a jamais pu avoir d’enfants. Ce sont ces souvenirs qui inspirent tout ce que je fais aujourd’hui pour ma tante Lucy et pour toutes mes autres tantes et sœurs autochtones.

Lorsque j’étais infirmière dans un petit hôpital de 50 lits du Centre de l’Alberta, j’entendais les commentaires désobligeants que faisaient certaines de mes collègues au sujet des patientes autochtones, sans savoir qu’il s’agissait aussi de mes sœurs et de mes tantes. Elles disaient : « Si seulement nous pouvions toutes les stériliser, le problème des Indiens serait alors réglé ». Comme si ces femmes n’étaient pas des êtres humains…

Ce sont ces commentaires et le racisme systémique dont j’ai été témoin toute ma vie qui m’ont poussée à vouloir protéger mes proches. En tant qu’avocate, universitaire et administratrice et, aujourd’hui, en tant que sénatrice, j’ai toujours cherché à améliorer le sort des Métis, des Premières Nations et des Inuites du Canada et à faire respecter la Charte canadienne des droits et libertés et les droits garantis par l’article 35 de la Constitution.

La stérilisation forcée et contrainte de Canadiennes est un sujet très difficile. Bien des gens sont choqués d’apprendre que cette pratique existe encore aujourd’hui – peut-être même au moment où vous lisez cet article.

Pour ma part, j’en suis consciente depuis très longtemps, mais cette question s’est hissée au premier plan de ma vie professionnelle lorsque la journaliste Betty Ann Adam, du Saskatoon StarPhoenix, m’a appelée, en 2015. Elle m’a alors demandé de commenter le fait que deux femmes autochtones aient été stérilisées dans un hôpital de Saskatoon. Mon premier réflexe a été un sentiment d’horreur et de stupéfaction, mais au fond de moi, je n’étais pas surprise qu’une telle chose se produise. J’étais plutôt surprise qu’on commence à s’y intéresser.

Si Tracy Bannab et Brenda Pelletier ont dénoncé ce qu’elles ont vécu, c’est parce qu’elles savaient que c’était aussi arrivé à un grand nombre de leurs sœurs et de leurs tantes. Ces deux femmes ont pris la parole, puis deux autres se sont exprimées, puis deux autres encore, tant et si bien qu’elles ont fini par être 11. Bien des gens me remercient pour ce que je fais, mais en réalité, ce sont ces deux femmes qu’il faut remercier. Elles ont osé briser le silence et, ce faisant, elles ont permis à des centaines d’autres femmes de raconter ce qu’elles ont vécu.  

Depuis que ces deux femmes courageuses ont pris la parole, en 2015, les survivantes sont de plus en plus nombreuses à sortir de l’ombre pour dénoncer cette pratique odieuse. Dans les médias sociaux, dans les courriels que je reçois ou au téléphone, de nombreuses survivantes des quatre coins du Canada me parlent de ce qu’elles ont vécu.

Dernièrement, ces femmes ont fait part de leur point de vue et de leur expérience au Sénat dans le cadre de témoignages présentés au Comité sénatorial des droits de la personne. Les membres du comité ont entendu personnellement neuf survivantes, qui ont pris la parole avec courage et vérité.

Ces survivantes ont parlé de ce qu’elles ont vécu, des solutions à adopter et de ce qui doit être fait pour réparer les torts. Elles ont déjà dû se battre une bonne partie de leur vie pour surmonter cet immense traumatisme. Elles prennent maintenant la parole et font tout en leur pouvoir pour qu’on mette fin à cette pratique odieuse et qu’on n’empêche plus jamais les leurs de concevoir des enfants.

Comme pour toute question complexe, diverses solutions ont été proposées. Cependant, une chose revient sans cesse dans les discussions que j’ai à ce sujet : le processus de guérison doit relever des survivantes mêmes, car seules les personnes qui sont passées par là peuvent trouver la voie menant à la guérison.  

Maintenant que nous avons entendu leurs témoignages, nous devons agir rapidement et énergiquement, car nos peuples, les Métis, les Premières Nations et les Inuits, ne peuvent pas se faire voler encore une fois leurs enfants. Ni maintenant ni jamais.

La sénatrice Yvonne Boyer représente l’Ontario au Sénat. Le 14 juin 2022, elle a présenté le projet de loi S‑250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

Cet article a été publié le 14 juin 2022 dans la revue The Lawyer’s Daily (en anglais seulement).

Le racisme au sein du système de santé n’est étranger à aucun Autochtone du Canada, moi y compris. Nous en avons tous fait l’expérience et nous avons vu les membres de notre famille en être victimes. Voilà la tragique réalité des Autochtones et des personnes de couleur au Canada. C’est peut-être nouveau pour certains, mais pour tous ceux qui, comme nous, savent qu’il y a du racisme au sein du système de santé et qui en ont déjà subi, c’est tout simplement un fait indéniable.

J’étais toute jeune lorsque j’ai vécu du racisme pour la première fois dans le système de santé. Je vivais alors avec ma tante, Lucy Dubois, la sœur de mon père. Lucy était une toute petite Chippewa et Métisse qui, au début de sa vie adulte, avait vécu 10 ans dans un sanatorium, dont 5 ans le corps complètement dans le plâtre. Quand j’étais enfant, elle me racontait des histoires de « monstres qui déambulaient dans les couloirs » et me parlait d’autres choses horribles dont elle avait été témoin, mais dont elle n’a jamais avoué avoir été victime.

Quand j’y repense maintenant, je suis convaincue que ma tante a été stérilisée lorsqu’elle était au sanatorium. Je me souviens des effrayantes cicatrices qu’elle avait au dos et qui lui venaient d’expériences dont elle n’a jamais parlé, mais dont elle avait fait l’objet au sanatorium. Elle m’aimait beaucoup, mais elle n’a jamais pu avoir d’enfants. Ce sont ces souvenirs qui inspirent tout ce que je fais aujourd’hui pour ma tante Lucy et pour toutes mes autres tantes et sœurs autochtones.

Lorsque j’étais infirmière dans un petit hôpital de 50 lits du Centre de l’Alberta, j’entendais les commentaires désobligeants que faisaient certaines de mes collègues au sujet des patientes autochtones, sans savoir qu’il s’agissait aussi de mes sœurs et de mes tantes. Elles disaient : « Si seulement nous pouvions toutes les stériliser, le problème des Indiens serait alors réglé ». Comme si ces femmes n’étaient pas des êtres humains…

Ce sont ces commentaires et le racisme systémique dont j’ai été témoin toute ma vie qui m’ont poussée à vouloir protéger mes proches. En tant qu’avocate, universitaire et administratrice et, aujourd’hui, en tant que sénatrice, j’ai toujours cherché à améliorer le sort des Métis, des Premières Nations et des Inuites du Canada et à faire respecter la Charte canadienne des droits et libertés et les droits garantis par l’article 35 de la Constitution.

La stérilisation forcée et contrainte de Canadiennes est un sujet très difficile. Bien des gens sont choqués d’apprendre que cette pratique existe encore aujourd’hui – peut-être même au moment où vous lisez cet article.

Pour ma part, j’en suis consciente depuis très longtemps, mais cette question s’est hissée au premier plan de ma vie professionnelle lorsque la journaliste Betty Ann Adam, du Saskatoon StarPhoenix, m’a appelée, en 2015. Elle m’a alors demandé de commenter le fait que deux femmes autochtones aient été stérilisées dans un hôpital de Saskatoon. Mon premier réflexe a été un sentiment d’horreur et de stupéfaction, mais au fond de moi, je n’étais pas surprise qu’une telle chose se produise. J’étais plutôt surprise qu’on commence à s’y intéresser.

Si Tracy Bannab et Brenda Pelletier ont dénoncé ce qu’elles ont vécu, c’est parce qu’elles savaient que c’était aussi arrivé à un grand nombre de leurs sœurs et de leurs tantes. Ces deux femmes ont pris la parole, puis deux autres se sont exprimées, puis deux autres encore, tant et si bien qu’elles ont fini par être 11. Bien des gens me remercient pour ce que je fais, mais en réalité, ce sont ces deux femmes qu’il faut remercier. Elles ont osé briser le silence et, ce faisant, elles ont permis à des centaines d’autres femmes de raconter ce qu’elles ont vécu.  

Depuis que ces deux femmes courageuses ont pris la parole, en 2015, les survivantes sont de plus en plus nombreuses à sortir de l’ombre pour dénoncer cette pratique odieuse. Dans les médias sociaux, dans les courriels que je reçois ou au téléphone, de nombreuses survivantes des quatre coins du Canada me parlent de ce qu’elles ont vécu.

Dernièrement, ces femmes ont fait part de leur point de vue et de leur expérience au Sénat dans le cadre de témoignages présentés au Comité sénatorial des droits de la personne. Les membres du comité ont entendu personnellement neuf survivantes, qui ont pris la parole avec courage et vérité.

Ces survivantes ont parlé de ce qu’elles ont vécu, des solutions à adopter et de ce qui doit être fait pour réparer les torts. Elles ont déjà dû se battre une bonne partie de leur vie pour surmonter cet immense traumatisme. Elles prennent maintenant la parole et font tout en leur pouvoir pour qu’on mette fin à cette pratique odieuse et qu’on n’empêche plus jamais les leurs de concevoir des enfants.

Comme pour toute question complexe, diverses solutions ont été proposées. Cependant, une chose revient sans cesse dans les discussions que j’ai à ce sujet : le processus de guérison doit relever des survivantes mêmes, car seules les personnes qui sont passées par là peuvent trouver la voie menant à la guérison.  

Maintenant que nous avons entendu leurs témoignages, nous devons agir rapidement et énergiquement, car nos peuples, les Métis, les Premières Nations et les Inuits, ne peuvent pas se faire voler encore une fois leurs enfants. Ni maintenant ni jamais.

La sénatrice Yvonne Boyer représente l’Ontario au Sénat. Le 14 juin 2022, elle a présenté le projet de loi S‑250, Loi modifiant le Code criminel (actes de stérilisation).

Cet article a été publié le 14 juin 2022 dans la revue The Lawyer’s Daily (en anglais seulement).

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