Le Caucus des parlementaires noirs cherche des solutions à la vague de racisme : Sénatrice Bernard
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La montée de la droite ultra-radicale et les confrontations violentes comme celles qui ont éclaté à Charlottesville (Virginie) nous prouvent une chose : le racisme et la suprématie blanche gagnent du terrain aux États-Unis.
Au Canada, on ne peut se permettre d’être complaisants. Notre pays a depuis longtemps la mauvaise habitude de se rassurer en se comparant avec ses voisins du Sud, mais la division qui déchire les États-Unis ne doit pas masquer le fait que le racisme est bien vivant au Canada aussi.
Les Canadiens autochtones, juifs, musulmans, d’origine africaine ou chinoise — pour n’en nommer que quelques-uns — ont tous à un moment ou à un autre été traités injustement par le gouvernement fédéral et les citoyens de notre pays. Pour beaucoup, les injustices continuent.
Pensons à la ville de Québec, où a eu lieu en janvier une horrible tuerie dans une mosquée et plus récemment des manifestations du groupe d’extrême droite La Meute. Il suffit de faire une recherche rapide dans Google pour constater que, partout au Canada, les manifestations de l’extrême droite se multiplient à vue d’œil grâce à la prolifération des groupes canadiens de la droite ultra-radicale. De plus, comme ils sont souvent attendus par des contre-protestataires, les conditions sont réunies pour qu’éclate la violence. Nous en avons déjà été témoins.
La dérive qui s’amorce fait craindre bien plus que des confrontations dans les rues. Un mécontentement justifié et une défense toujours plus acerbe de la rectitude politique ont poussé de nombreuses personnes à adopter une pensée radicalement raciste. L’éruption de cette haine — et le mépris de la loi et de l’ordre qui l’accompagne — met en péril des décennies de politiques qui visent à protéger les communautés opprimées. Nous commençons tout juste à comprendre les répercussions psychologiques que cela peut avoir sur les groupes ciblés.
C’est dans ce contexte que le Caucus canadien des parlementaires noirs a tenu cet été son troisième sommet annuel à Ottawa. Puisque nous sommes les porte-paroles d’un peuple longuement opprimé, nous entendons jouer un rôle prépondérant dans la façon dont le Parlement réagira à la crise. Cet automne, alors que nous nous concentrerons sur la meilleure façon de réformer le système judiciaire, nous nous pencherons, par exemple, sur l’efficacité des politiques contre les crimes haineux.
Pour que de véritables progrès soient réalisés, les politiciens ne peuvent remédier seuls à la crise.
Malheureusement, le discours prédominant tend à renvoyer les gens dans des camps opposés. Bien qu’il soit important de dénoncer la philosophie franchement sinistre des groupes haineux de la droite radicale, il faut aussi comprendre les facteurs qui ont engendré cette haine toxique.
On peut dire que la mondialisation, et le déclin des emplois manufacturiers en Occident, a fragilisé la classe moyenne — la fondation même de notre consensus démocratique d’après-guerre. Résultat : expansion des inégalités, montée du cynisme et vulnérabilité d’une pensée politique à somme nulle. Une communauté exposée à des pressions économiques et qui est sans espoir d’un avenir plus prospère risque d’être séduite par les politiques de bouc émissaire si elle s’entête à chercher un coupable. Ce qu’on appelait les « droits civils » à l’époque de Martin Luther King est désormais taxé de « politique identitaire ».
Tandis que les Canadiens débattent du sort à réserver aux demandeurs d’asile qui entrent en masse par la frontière du Québec ou encore de la question à savoir s’il faudrait renommer les édifices et les rues qui portent des noms associés de près au système des pensionnats indiens, il devient évident que des lignes de faille similaires existent ici au Canada.
Toutefois, les Canadiens sont aussi différents. Nous avons aussi une histoire de solidarité, de compromis et de défense de la dignité humaine. En cette grande période d’instabilité mondiale, nous ne devons pas nous éloigner de ce patrimoine. Les choses qui nous unissent sont beaucoup plus nombreuses que celles qui nous séparent — miser sur ce que nous avons en commun est la première étape pour s’affranchir d’un présent consternant.
Lorsque nos liens seront à nouveau forts et solides, ces messagers de la haine apparaîtront sous leur vrai jour : comme des êtres en marge, faibles et en quête d’attention. Après l’ouragan des protestations, après les promesses de déchaîner « le feu et la colère », le calme reviendra, les vagues s’apaiseront et nous pourrons tracer ensemble la voie à suivre, sur des eaux paisibles.
Wanda Thomas Bernard est une sénatrice qui représente la Nouvelle-Écosse. Elle est membre du Comité sénatorial des droits de la personne et du Caucus canadien des parlementaires noirs et vice-présidente de l’Association parlementaire Canada-Afrique.
Cet article a été publié le 7 septembre, 2017 dans le journal the Toronto Star (en anglais seulement).
La montée de la droite ultra-radicale et les confrontations violentes comme celles qui ont éclaté à Charlottesville (Virginie) nous prouvent une chose : le racisme et la suprématie blanche gagnent du terrain aux États-Unis.
Au Canada, on ne peut se permettre d’être complaisants. Notre pays a depuis longtemps la mauvaise habitude de se rassurer en se comparant avec ses voisins du Sud, mais la division qui déchire les États-Unis ne doit pas masquer le fait que le racisme est bien vivant au Canada aussi.
Les Canadiens autochtones, juifs, musulmans, d’origine africaine ou chinoise — pour n’en nommer que quelques-uns — ont tous à un moment ou à un autre été traités injustement par le gouvernement fédéral et les citoyens de notre pays. Pour beaucoup, les injustices continuent.
Pensons à la ville de Québec, où a eu lieu en janvier une horrible tuerie dans une mosquée et plus récemment des manifestations du groupe d’extrême droite La Meute. Il suffit de faire une recherche rapide dans Google pour constater que, partout au Canada, les manifestations de l’extrême droite se multiplient à vue d’œil grâce à la prolifération des groupes canadiens de la droite ultra-radicale. De plus, comme ils sont souvent attendus par des contre-protestataires, les conditions sont réunies pour qu’éclate la violence. Nous en avons déjà été témoins.
La dérive qui s’amorce fait craindre bien plus que des confrontations dans les rues. Un mécontentement justifié et une défense toujours plus acerbe de la rectitude politique ont poussé de nombreuses personnes à adopter une pensée radicalement raciste. L’éruption de cette haine — et le mépris de la loi et de l’ordre qui l’accompagne — met en péril des décennies de politiques qui visent à protéger les communautés opprimées. Nous commençons tout juste à comprendre les répercussions psychologiques que cela peut avoir sur les groupes ciblés.
C’est dans ce contexte que le Caucus canadien des parlementaires noirs a tenu cet été son troisième sommet annuel à Ottawa. Puisque nous sommes les porte-paroles d’un peuple longuement opprimé, nous entendons jouer un rôle prépondérant dans la façon dont le Parlement réagira à la crise. Cet automne, alors que nous nous concentrerons sur la meilleure façon de réformer le système judiciaire, nous nous pencherons, par exemple, sur l’efficacité des politiques contre les crimes haineux.
Pour que de véritables progrès soient réalisés, les politiciens ne peuvent remédier seuls à la crise.
Malheureusement, le discours prédominant tend à renvoyer les gens dans des camps opposés. Bien qu’il soit important de dénoncer la philosophie franchement sinistre des groupes haineux de la droite radicale, il faut aussi comprendre les facteurs qui ont engendré cette haine toxique.
On peut dire que la mondialisation, et le déclin des emplois manufacturiers en Occident, a fragilisé la classe moyenne — la fondation même de notre consensus démocratique d’après-guerre. Résultat : expansion des inégalités, montée du cynisme et vulnérabilité d’une pensée politique à somme nulle. Une communauté exposée à des pressions économiques et qui est sans espoir d’un avenir plus prospère risque d’être séduite par les politiques de bouc émissaire si elle s’entête à chercher un coupable. Ce qu’on appelait les « droits civils » à l’époque de Martin Luther King est désormais taxé de « politique identitaire ».
Tandis que les Canadiens débattent du sort à réserver aux demandeurs d’asile qui entrent en masse par la frontière du Québec ou encore de la question à savoir s’il faudrait renommer les édifices et les rues qui portent des noms associés de près au système des pensionnats indiens, il devient évident que des lignes de faille similaires existent ici au Canada.
Toutefois, les Canadiens sont aussi différents. Nous avons aussi une histoire de solidarité, de compromis et de défense de la dignité humaine. En cette grande période d’instabilité mondiale, nous ne devons pas nous éloigner de ce patrimoine. Les choses qui nous unissent sont beaucoup plus nombreuses que celles qui nous séparent — miser sur ce que nous avons en commun est la première étape pour s’affranchir d’un présent consternant.
Lorsque nos liens seront à nouveau forts et solides, ces messagers de la haine apparaîtront sous leur vrai jour : comme des êtres en marge, faibles et en quête d’attention. Après l’ouragan des protestations, après les promesses de déchaîner « le feu et la colère », le calme reviendra, les vagues s’apaiseront et nous pourrons tracer ensemble la voie à suivre, sur des eaux paisibles.
Wanda Thomas Bernard est une sénatrice qui représente la Nouvelle-Écosse. Elle est membre du Comité sénatorial des droits de la personne et du Caucus canadien des parlementaires noirs et vice-présidente de l’Association parlementaire Canada-Afrique.
Cet article a été publié le 7 septembre, 2017 dans le journal the Toronto Star (en anglais seulement).