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Les demandeurs d’asile ne cause pas une situation de crise au Canada : sénatrice Omidvar

Depuis l’arrivée du printemps, des alarmistes de plus en plus nombreux lèvent la voix pour décrier les demandeurs d’asile qui traversent la frontière à un point d’entrée « irrégulier ». Selon certaines, il s’agirait même d’une crise.

Mais est-ce vraiment une crise? Malgré l’importance de cet enjeu, il n’y a décidément pas lieu de parler de crise.

L’an dernier, 20 593 demandeurs d’asile ont franchi la frontière ailleurs qu’aux postes frontaliers officiels. Plus de 90 % de ces passages ont eu lieu à la frontière entre les États-Unis et le Québec. À ce nombre s’ajoutent les 21 180 demandeurs d’asile arrivés au Canada à un point d’entrée officiel.

Le nombre d’arrivées semble se stabiliser depuis quelques mois; la moyenne s’établit à moins de 2 000 personnes par mois.

On est donc loin de la vague d’arrivants que l’Europe connaît depuis des années. On est aussi loin de la situation de l’Allemagne, qui a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile.

Le Canada, pays de 36 millions d’habitants, est bien placé pour accueillir ces demandeurs d’asile. Rappelons qu’une entrée irrégulière au pays ne signifie pas que les frontières sont complètement ouvertes, puisque la GRC réussit à traiter ces migrants de façon à assurer la sécurité du pays.

La seule crise imminente vient, en fait, de la popularité grandissante des discours populistes. Les critiques prennent un ton populiste toujours plus marqué. À la Chambre des communes, l’opposition a consacré une journée de débats aux demandeurs d’asile la semaine dernière, dans le but de marquer des points politiques. Un politicien québécois bien en vue a même appelé à la construction d’une clôture le long du chemin Roxham. On peut se demander où il a pris cette idée.

C’est une pente dangereuse. Des questions en apparence légitimes peuvent facilement tourner au vinaigre et alimenter une dangereuse vague de populisme.

N’ayons pas peur des mots : les discours populistes actuels ont un point commun, celui d’être anti-immigration. Ce genre de populisme cherche à justifier la xénophobie et à diviser les gens en deux camps, « nous » et « eux ». Il crée une vision politique dans laquelle l’autre n’est pas seulement différent, mais dangereux du fait de sa différence. Les adversaires deviennent donc des ennemis.

Le populisme nous empêche d’œuvrer avec dynamisme en faveur de la diversité. Il crée des barrières — au sens propre ou au sens figuré — qui vont à l’encontre de notre réalité, celle d’un monde toujours plus interconnecté, toujours plus interdépendant.

Le populisme peut affaiblir les fondements mêmes d’une démocratie. S’il y a une leçon à tirer de l’expérience de nos voisins du Sud, c’est la rapidité avec laquelle des normes qui semblaient bien ancrées peuvent devenir désuètes, et des gestes qui semblaient impensables peuvent devenir banals.

Comment faut-il réagir, alors? Tout d’abord, les mots ont leur importance. Nous devons choisir nos mots avec soin quand nous parlons des réels enjeux concernant les demandeurs d’asile et nos frontières. Il faut éviter de semer la peur et la division.

Deuxièmement, l’immigration ne doit pas servir de prétexte à des jeux politiques. Aucun parti ne devrait utiliser la question de l’immigration pour semer la zizanie. Nous méritons mieux.

Enfin, il convient de reconnaître tout ce que nous avons déjà accompli en matière d’immigration. Nous avons créé des politiques éclairées, grâce auxquelles nous avons accueilli beaucoup d’immigrants hautement qualifiés, et nous aidons des gens qui fuient certaines des zones les plus dangereuses de la planète. Nous avons aussi de bons résultats quand il s’agit d’intégrer les immigrants à nos communautés. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais nous avons beaucoup à apporter.

Cela dit, il faudrait se pencher sur la situation de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié. Bien que celle-ci ait vu son financement augmenter dans le dernier budget, cela ne suffit pas. Il faudra plus d’argent pour traiter efficacement les demandes d’asile et l’arriéré qui continue de s’accumuler. En continuant d’améliorer cette « structure de bonne gouvernance » qu’est la Commission, nous contribuerons grandement à préserver la confiance de la population envers le système d’immigration.

Le Canada a encore beaucoup à faire, mais il peut bâtir sur des fondations solides.

La sénatrice Omidvar est internationalement reconnue pour ses travaux sur l’immigration, la diversité et l’inclusion. Elle représente l’Ontario au Sénat. 

Cet article a été publié dans le Toronto Star le 1er mai 2018 (en anglais seulement).

Depuis l’arrivée du printemps, des alarmistes de plus en plus nombreux lèvent la voix pour décrier les demandeurs d’asile qui traversent la frontière à un point d’entrée « irrégulier ». Selon certaines, il s’agirait même d’une crise.

Mais est-ce vraiment une crise? Malgré l’importance de cet enjeu, il n’y a décidément pas lieu de parler de crise.

L’an dernier, 20 593 demandeurs d’asile ont franchi la frontière ailleurs qu’aux postes frontaliers officiels. Plus de 90 % de ces passages ont eu lieu à la frontière entre les États-Unis et le Québec. À ce nombre s’ajoutent les 21 180 demandeurs d’asile arrivés au Canada à un point d’entrée officiel.

Le nombre d’arrivées semble se stabiliser depuis quelques mois; la moyenne s’établit à moins de 2 000 personnes par mois.

On est donc loin de la vague d’arrivants que l’Europe connaît depuis des années. On est aussi loin de la situation de l’Allemagne, qui a accueilli plus d’un million de demandeurs d’asile.

Le Canada, pays de 36 millions d’habitants, est bien placé pour accueillir ces demandeurs d’asile. Rappelons qu’une entrée irrégulière au pays ne signifie pas que les frontières sont complètement ouvertes, puisque la GRC réussit à traiter ces migrants de façon à assurer la sécurité du pays.

La seule crise imminente vient, en fait, de la popularité grandissante des discours populistes. Les critiques prennent un ton populiste toujours plus marqué. À la Chambre des communes, l’opposition a consacré une journée de débats aux demandeurs d’asile la semaine dernière, dans le but de marquer des points politiques. Un politicien québécois bien en vue a même appelé à la construction d’une clôture le long du chemin Roxham. On peut se demander où il a pris cette idée.

C’est une pente dangereuse. Des questions en apparence légitimes peuvent facilement tourner au vinaigre et alimenter une dangereuse vague de populisme.

N’ayons pas peur des mots : les discours populistes actuels ont un point commun, celui d’être anti-immigration. Ce genre de populisme cherche à justifier la xénophobie et à diviser les gens en deux camps, « nous » et « eux ». Il crée une vision politique dans laquelle l’autre n’est pas seulement différent, mais dangereux du fait de sa différence. Les adversaires deviennent donc des ennemis.

Le populisme nous empêche d’œuvrer avec dynamisme en faveur de la diversité. Il crée des barrières — au sens propre ou au sens figuré — qui vont à l’encontre de notre réalité, celle d’un monde toujours plus interconnecté, toujours plus interdépendant.

Le populisme peut affaiblir les fondements mêmes d’une démocratie. S’il y a une leçon à tirer de l’expérience de nos voisins du Sud, c’est la rapidité avec laquelle des normes qui semblaient bien ancrées peuvent devenir désuètes, et des gestes qui semblaient impensables peuvent devenir banals.

Comment faut-il réagir, alors? Tout d’abord, les mots ont leur importance. Nous devons choisir nos mots avec soin quand nous parlons des réels enjeux concernant les demandeurs d’asile et nos frontières. Il faut éviter de semer la peur et la division.

Deuxièmement, l’immigration ne doit pas servir de prétexte à des jeux politiques. Aucun parti ne devrait utiliser la question de l’immigration pour semer la zizanie. Nous méritons mieux.

Enfin, il convient de reconnaître tout ce que nous avons déjà accompli en matière d’immigration. Nous avons créé des politiques éclairées, grâce auxquelles nous avons accueilli beaucoup d’immigrants hautement qualifiés, et nous aidons des gens qui fuient certaines des zones les plus dangereuses de la planète. Nous avons aussi de bons résultats quand il s’agit d’intégrer les immigrants à nos communautés. Nous ne sommes pas parfaits, loin de là, mais nous avons beaucoup à apporter.

Cela dit, il faudrait se pencher sur la situation de la Commission de l’immigration et du statut du réfugié. Bien que celle-ci ait vu son financement augmenter dans le dernier budget, cela ne suffit pas. Il faudra plus d’argent pour traiter efficacement les demandes d’asile et l’arriéré qui continue de s’accumuler. En continuant d’améliorer cette « structure de bonne gouvernance » qu’est la Commission, nous contribuerons grandement à préserver la confiance de la population envers le système d’immigration.

Le Canada a encore beaucoup à faire, mais il peut bâtir sur des fondations solides.

La sénatrice Omidvar est internationalement reconnue pour ses travaux sur l’immigration, la diversité et l’inclusion. Elle représente l’Ontario au Sénat. 

Cet article a été publié dans le Toronto Star le 1er mai 2018 (en anglais seulement).

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