Le parcours d’un artisan : Le nouveau sculpteur du Dominion du Canada ne craint pas de sortir des sentiers battus
John-Philippe Smith, nouveau sculpteur du Dominion du Canada, a parcouru un long chemin.
À titre de sculpteur officiel du Parlement, le sculpteur du Dominion supervise tous les travaux de sculpture dans l’édifice du Centre et la Cité parlementaire. Six personnes ont occupé cette fonction depuis sa création officielle, en 1936. Le cinquième, Phil White, a pris sa retraite récemment après 15 ans à la tête du programme.
Smith, qui a étudié au Collège Algonquin d’Ottawa et à l’Atelier Jean-Loup Bouvier en France, s’est joint à l’équipe de sculpteurs du Parlement en 2018 et a été récemment nommé pour prendre la relève de M. White.
Comment se sent-on quand on est le nouveau sculpteur du Dominion du Canada?
Je n’ai pas encore pris conscience de tout ce que ça représente. J’ai beaucoup à apprendre. Heureusement, j’ai l’appui incroyable des membres de mon équipe et de nos partenaires parlementaires.
Vous faites partie de l’équipe de sculpteurs du Parlement depuis avril 2018. Qu’est-ce qui vous avait amené à faire partie de cette équipe?
Deux assistants en sculpture ont été choisis dans le cadre d’un concours national : mon collègue Nicholas Thompson et moi-même.
Heureusement que les membres du comité de sélection connaissaient mon travail. Phil White, sculpteur du Dominion à cette époque, m’avait confié un contrat pour que je contribue à la sculpture de quelques emblèmes du Parlement en 2011.
Sur papier, j’avais toutes les qualifications : j’avais suivi les études et la formation nécessaires, j’avais dirigé ma propre entreprise.
J’avais aussi dirigé des employés, mais en définitive, c’est mon portfolio qui a fait foi de mon travail.
Comment êtes-vous devenu sculpteur?
Pendant que j’étudiais la géologie à l’Université d’Ottawa, je travaillais à temps partiel comme portier au Fairmont Château Laurier.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai continué à travailler pour les Hôtels Fairmont, et j’ai fini par travailler aux ventes aux entreprises au siège social de la chaîne, à Toronto. J’adorais interagir avec les clients quand j’étais portier, mais le travail de bureau ne me plaisait pas autant. Je savais que mon avenir se limiterait à occuper des cubicules de plus en plus grands.
Je n’étais pas heureux. J’avais besoin de travailler avec mes mains. Un collègue qui ressentait la même chose explorait différents métiers et a trouvé la maçonnerie en pierre patrimoniale. J’ai tout de suite été intéressé.
Peu de temps après, je me suis inscrit au Collège Algonquin en maçonnerie patrimoniale.
Après l’obtention de votre diplôme, quelle a été la trajectoire de votre carrière?
J’ai travaillé au Canada pendant une dizaine d’années, mais je savais qu’il me manquait quelque chose.
J’ai alors découvert un programme qui offre aux jeunes de 18 à 35 ans la possibilité d’obtenir un visa d’un an leur permettant de travailler à l’étranger. Puisque j’étais sur le point d’avoir 35 ans, je me suis dit : « C’est maintenant ou jamais. » J’ai obtenu mon visa et je suis parti en France.
Pendant deux semaines, j’ai arpenté les rues de Paris. Je visitais tous les chantiers, que je découvrais en suivant le bruit des marteaux et des ciseaux. J’explorais les ruelles et, lorsque j’apercevais un chantier de maçonnerie, j’allais parler au contremaître.
Avant mon départ, j’avais fait des recherches sur les principales entreprises de maçonnerie. L’Atelier Jean-Loup Bouvier était au sommet de ma liste, mais je me disais en toute franchise que je n’avais aucune chance d’y être embauché.
Un jour, j’ai aperçu la fourgonnette de Jean-Loup Bouvier devant la cathédrale Notre-Dame. J’avais mon portfolio, alors je me suis présenté à cet homme affable, qui porte une énorme moustache à la française.
Je crois que mon accent québécois lui a plu. Il m’a dit « suivez-moi ». Nous avons sauté dans un autobus et avons parcouru Paris jusqu’à l’opéra Garnier.
Il m’a demandé de le suivre sur un échafaudage et m’a demandé « pouvez-vous sculpter cette volute? » C’est ce que je voulais le plus au monde, mais je lui ai dit : « Je ne peux pas. Si je commence, je vais devoir constamment me faire aider par un de vos employés. »
J’ai refusé et je suis reparti. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je me disais : « Tu viens de gâcher ta seule chance ».
Peu après, j’ai vu l’annonce de quelqu’un qui cherchait un sculpteur dans le midi de la France. Je me suis présenté à un homme distingué qui ouvrait une bijouterie haut de gamme et qui souhaitait faire sculpter des chapiteaux en pierre. Je lui ai montré mon portfolio, et il m’a dit : « Je vous engage ».
« Parfait, avec qui vais-je travailler? »
Il m’a répondu : « Oh, mais vous travaillerez seul. » Je lui ai alors dit : « Écoutez, je suis venu ici pour apprendre en travaillant avec des artisans sculpteurs français. Si je ne travaille pas avec quelqu’un d’autre, je ne peux pas le faire. » Me voilà en train de refuser une deuxième occasion en or. Inutile de dire que j’ai passé une autre nuit blanche.
Je me souviens d’avoir bondi hors de mon lit à trois heures du matin en me disant : « J’ai une idée! Je vais appeler Jean-Loup Bouvier, lui dire que je lui ai trouvé du travail et lui demander s’il accepte de m’embaucher pour le réaliser. »
Je l’ai appelé le lendemain, et il a beaucoup ri. Il m’a alors fait cette proposition : « Pourquoi ne viendriez-vous pas travailler avec notre équipe? » Deux jours plus tard, j’étais à bord d’un TGV en direction d’Avignon.
Avez-vous eu de la facilité à vous adapter à votre rôle de sculpteur du Dominion?
J’ai eu la chance inouïe de pouvoir travailler trois ans aux côtés de Phil White. Quel sculpteur talentueux!
Il m’a offert une préparation parfaite. Je n’ai eu qu’à observer sa façon de travailler, qu’il s’agisse de la manipulation des outils ou des autres aspects du travail.
J’ai observé comment, pendant les réunions, il était toujours très patient et réfléchi, et la façon dont il résolvait les problèmes.
Il m’a aidé à comprendre les rouages internes de l’appareil gouvernemental. Avant son départ, il a veillé à ce que le programme repose sur des bases solides.
Quels sont vos projets immédiats pour le programme de sculptures du Parlement?
La rénovation de l’édifice du Centre représente une occasion de sculpter des pierres très difficiles d’accès, pendant qu’il n’y a pas de travaux parlementaires. L’édifice du Centre compte encore 188 blocs vierges, et nous allons en achever certains, en plus de réaliser les travaux de restauration.
Les splendides sculptures qui se trouvent à l’extérieur de l’édifice datent de sa construction, il y a un siècle, et beaucoup d’entre elles doivent être réparées ou remplacées.
Et à long terme?
Lorsque vous aimez votre métier, vous voulez qu’il soit là pour toujours. Vous voulez qu’il évolue. Ma priorité à long terme est d’enseigner à la prochaine génération.
Si les membres de votre équipe transmettent leurs connaissances, tout le monde en profite. Les sculpteurs en profitent, la Cité parlementaire profite de leur savoir-faire, et la population canadienne en profite, rassurée de savoir que son Parlement est entre bonnes mains.
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John-Philippe Smith, nouveau sculpteur du Dominion du Canada, a parcouru un long chemin.
À titre de sculpteur officiel du Parlement, le sculpteur du Dominion supervise tous les travaux de sculpture dans l’édifice du Centre et la Cité parlementaire. Six personnes ont occupé cette fonction depuis sa création officielle, en 1936. Le cinquième, Phil White, a pris sa retraite récemment après 15 ans à la tête du programme.
Smith, qui a étudié au Collège Algonquin d’Ottawa et à l’Atelier Jean-Loup Bouvier en France, s’est joint à l’équipe de sculpteurs du Parlement en 2018 et a été récemment nommé pour prendre la relève de M. White.
Comment se sent-on quand on est le nouveau sculpteur du Dominion du Canada?
Je n’ai pas encore pris conscience de tout ce que ça représente. J’ai beaucoup à apprendre. Heureusement, j’ai l’appui incroyable des membres de mon équipe et de nos partenaires parlementaires.
Vous faites partie de l’équipe de sculpteurs du Parlement depuis avril 2018. Qu’est-ce qui vous avait amené à faire partie de cette équipe?
Deux assistants en sculpture ont été choisis dans le cadre d’un concours national : mon collègue Nicholas Thompson et moi-même.
Heureusement que les membres du comité de sélection connaissaient mon travail. Phil White, sculpteur du Dominion à cette époque, m’avait confié un contrat pour que je contribue à la sculpture de quelques emblèmes du Parlement en 2011.
Sur papier, j’avais toutes les qualifications : j’avais suivi les études et la formation nécessaires, j’avais dirigé ma propre entreprise.
J’avais aussi dirigé des employés, mais en définitive, c’est mon portfolio qui a fait foi de mon travail.
Comment êtes-vous devenu sculpteur?
Pendant que j’étudiais la géologie à l’Université d’Ottawa, je travaillais à temps partiel comme portier au Fairmont Château Laurier.
Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai continué à travailler pour les Hôtels Fairmont, et j’ai fini par travailler aux ventes aux entreprises au siège social de la chaîne, à Toronto. J’adorais interagir avec les clients quand j’étais portier, mais le travail de bureau ne me plaisait pas autant. Je savais que mon avenir se limiterait à occuper des cubicules de plus en plus grands.
Je n’étais pas heureux. J’avais besoin de travailler avec mes mains. Un collègue qui ressentait la même chose explorait différents métiers et a trouvé la maçonnerie en pierre patrimoniale. J’ai tout de suite été intéressé.
Peu de temps après, je me suis inscrit au Collège Algonquin en maçonnerie patrimoniale.
Après l’obtention de votre diplôme, quelle a été la trajectoire de votre carrière?
J’ai travaillé au Canada pendant une dizaine d’années, mais je savais qu’il me manquait quelque chose.
J’ai alors découvert un programme qui offre aux jeunes de 18 à 35 ans la possibilité d’obtenir un visa d’un an leur permettant de travailler à l’étranger. Puisque j’étais sur le point d’avoir 35 ans, je me suis dit : « C’est maintenant ou jamais. » J’ai obtenu mon visa et je suis parti en France.
Pendant deux semaines, j’ai arpenté les rues de Paris. Je visitais tous les chantiers, que je découvrais en suivant le bruit des marteaux et des ciseaux. J’explorais les ruelles et, lorsque j’apercevais un chantier de maçonnerie, j’allais parler au contremaître.
Avant mon départ, j’avais fait des recherches sur les principales entreprises de maçonnerie. L’Atelier Jean-Loup Bouvier était au sommet de ma liste, mais je me disais en toute franchise que je n’avais aucune chance d’y être embauché.
Un jour, j’ai aperçu la fourgonnette de Jean-Loup Bouvier devant la cathédrale Notre-Dame. J’avais mon portfolio, alors je me suis présenté à cet homme affable, qui porte une énorme moustache à la française.
Je crois que mon accent québécois lui a plu. Il m’a dit « suivez-moi ». Nous avons sauté dans un autobus et avons parcouru Paris jusqu’à l’opéra Garnier.
Il m’a demandé de le suivre sur un échafaudage et m’a demandé « pouvez-vous sculpter cette volute? » C’est ce que je voulais le plus au monde, mais je lui ai dit : « Je ne peux pas. Si je commence, je vais devoir constamment me faire aider par un de vos employés. »
J’ai refusé et je suis reparti. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. Je me disais : « Tu viens de gâcher ta seule chance ».
Peu après, j’ai vu l’annonce de quelqu’un qui cherchait un sculpteur dans le midi de la France. Je me suis présenté à un homme distingué qui ouvrait une bijouterie haut de gamme et qui souhaitait faire sculpter des chapiteaux en pierre. Je lui ai montré mon portfolio, et il m’a dit : « Je vous engage ».
« Parfait, avec qui vais-je travailler? »
Il m’a répondu : « Oh, mais vous travaillerez seul. » Je lui ai alors dit : « Écoutez, je suis venu ici pour apprendre en travaillant avec des artisans sculpteurs français. Si je ne travaille pas avec quelqu’un d’autre, je ne peux pas le faire. » Me voilà en train de refuser une deuxième occasion en or. Inutile de dire que j’ai passé une autre nuit blanche.
Je me souviens d’avoir bondi hors de mon lit à trois heures du matin en me disant : « J’ai une idée! Je vais appeler Jean-Loup Bouvier, lui dire que je lui ai trouvé du travail et lui demander s’il accepte de m’embaucher pour le réaliser. »
Je l’ai appelé le lendemain, et il a beaucoup ri. Il m’a alors fait cette proposition : « Pourquoi ne viendriez-vous pas travailler avec notre équipe? » Deux jours plus tard, j’étais à bord d’un TGV en direction d’Avignon.
Avez-vous eu de la facilité à vous adapter à votre rôle de sculpteur du Dominion?
J’ai eu la chance inouïe de pouvoir travailler trois ans aux côtés de Phil White. Quel sculpteur talentueux!
Il m’a offert une préparation parfaite. Je n’ai eu qu’à observer sa façon de travailler, qu’il s’agisse de la manipulation des outils ou des autres aspects du travail.
J’ai observé comment, pendant les réunions, il était toujours très patient et réfléchi, et la façon dont il résolvait les problèmes.
Il m’a aidé à comprendre les rouages internes de l’appareil gouvernemental. Avant son départ, il a veillé à ce que le programme repose sur des bases solides.
Quels sont vos projets immédiats pour le programme de sculptures du Parlement?
La rénovation de l’édifice du Centre représente une occasion de sculpter des pierres très difficiles d’accès, pendant qu’il n’y a pas de travaux parlementaires. L’édifice du Centre compte encore 188 blocs vierges, et nous allons en achever certains, en plus de réaliser les travaux de restauration.
Les splendides sculptures qui se trouvent à l’extérieur de l’édifice datent de sa construction, il y a un siècle, et beaucoup d’entre elles doivent être réparées ou remplacées.
Et à long terme?
Lorsque vous aimez votre métier, vous voulez qu’il soit là pour toujours. Vous voulez qu’il évolue. Ma priorité à long terme est d’enseigner à la prochaine génération.
Si les membres de votre équipe transmettent leurs connaissances, tout le monde en profite. Les sculpteurs en profitent, la Cité parlementaire profite de leur savoir-faire, et la population canadienne en profite, rassurée de savoir que son Parlement est entre bonnes mains.