Rencontre avec la sénatrice Ratna Omidvar
Qui vous a incité à vous lancer dans la vie publique ?
Initialement, mon entrée dans la vie publique a été un accident de parcours. En fait, les occasions n’étaient pas au rendez-vous. J’ai fait des études en Inde et en Allemagne, et je suis arrivée au Canada en tant que professeure d’allemand. Trouver un emploi a été difficile et comme j’avais alors ma jeune fille à ma charge, j’ai dû réévaluer mes aspirations professionnelles.
J’ai commencé à faire du bénévolat dans les écoles que fréquentaient mes enfants et cela m’a conduit vers une possibilité d’emploi à la St. Stephen’s Community House à Toronto (en anglais seulement). Il s’agissait de mon premier emploi au Canada, lequel m’a permis de me tailler une place dans le secteur sans but lucratif, qui comporte son lot de frustrations, mais qui accomplit un travail remarquable et qui joue un rôle fondamental dans la vie des immigrants au Canada. Mes dévoués collègues à la St. Stephen’s Community House ont grandement contribué à façonner mon avenir dans la vie publique. Des années plus tard, j’ai rencontré un dirigeant qui a été pour moi une autre source d’inspiration. Bien qu’évoluant dans le monde des affaires, il m’a beaucoup appris à garder le cap sur le bien commun et à amener les gens de toutes les couches de la société à conjuguer leurs efforts pour que chacun y trouve son compte.
Selon vous, quelle est la plus importante question de politique publique au Canada à l’heure actuelle ?
L’égalité des chances a un effet d’entraînement sur une multitude d’autres secteurs de la politique publique. Elle est synonyme d’équité sociale et permet de mener une vie décente, tout en offrant aux enfants des chances de réussite égales, voire supérieures. Sans égalité des chances, aucun travail si dur soit-il ne peut déboucher sur une vie décente. Sans elle, certains membres de la population n’ont ni option intéressante, ni lien significatif avec la communauté, ni l’impression d’avoir un rôle à jouer dans la vie publique. Pour prendre le pouls de cette situation au Canada, nous pouvons examiner les indicateurs de bien-être économique et social comme celui du revenu. Soit le revenu ne s’améliore pas, soit il s’améliore, mais pas au même rythme pour certains groupes, par exemple pour les minorités visibles et les groupes d’immigrants, ainsi que pour certaines communautés des Premières Nations.
La sénatrice Omidvar a livré un discours TedXTalk au salon Ted Talk à Berlin.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils s’intéresser en plus grand nombre aux travaux du Sénat ?
Le Sénat est l’affaire de tous les Canadiens, tout simplement. Il a de véritables répercussions parce qu’il façonne la politique publique, de même que les idées et les attitudes du public. La qualité des questionnements et des débats qui définit les travaux du Sénat m’a beaucoup impressionnée depuis mon entrée en fonction au printemps. Pendant mes premières semaines, l’un des principaux textes de loi à l’étude a été le projet de loi sur l’aide médicale à mourir. J’ai entendu mes collègues sénateurs poser des questions sincères aux témoins experts, exprimer des arguments réfléchis et proposer de nouvelles idées qui ont donné lieu à des modifications législatives. Il en est ressorti un texte de loi plus fort, en plus d’approfondir l’engagement du public, du gouvernement et des médias à l’égard de questions complexes.
Je pense que les Canadiens gagneraient beaucoup à mieux connaître le travail du Sénat, et nous, sénateurs, pouvons faire un meilleur travail en traduisant le « second examen objectif » en conservation publique.
À quels efforts législatifs ou travaux de comité êtes-vous le plus fière d’avoir participé ?
En tant que nouvelle sénatrice, je ne peux qu’attendre avec beaucoup d’anticipation le travail à venir. Mais depuis mon arrivée, il y a un comité sur lequel je suis fière d’avoir siégé : le Comité sénatorial des droits de la personne. Ce comité a mené des consultations à Montréal et à Toronto pour comprendre la qualité du processus d’intégration des réfugiés syriens et pour savoir comment le gouvernement fédéral pouvait mieux soutenir les nouveaux venus. À la suite de discussions avec des intervenants de la communauté, les membres du comité ont pris connaissance des mesures urgentes que le gouvernement fédéral pouvait prendre pour accélérer l’intégration des réfugiés syriens dans la société canadienne.
Je suis également fière d’avoir contribué à l’élaboration d’un projet de loi visant à modifier la Loi sur la citoyenneté. En tant que marraine de ce projet de loi, j’ai prononcé un discours qui expose les arguments en faveur de ce projet de loi qui, je crois, rétablira l’égalité entre les citoyens canadiens et offrira un cheminement rapide et clair vers la citoyenneté.
Pouvez-vous nommer un trésor caché de votre région que les Canadiens gagneraient à découvrir ?
J’espère que tous ceux qui visiteront Toronto auront la chance de se promener dans le quartier de Kensington Market. En 2014, j’ai eu l’occasion de choisir un quartier à montrer au Président allemand Joachim Gauck, qui était de passage à Toronto pour se renseigner sur la réussite du Canada dans le domaine de l’immigration et de l’intégration. Le quartier du Kensington Market était le choix qui s’imposait. Pendant longtemps, il a été un quartier pour les nouveaux venus, puis une plate-forme de lancement pour des vagues successives d’immigrants à Toronto. Juifs, Italiens, Chinois, Vietnamiens, Jamaïcains, Somaliens et bon nombre d’autres immigrants sont venus dans le quartier et y ont laissé leur marque : ils y ont construit des maisons et des commerces, et y ont laissé des éléments culturels qui confèrent à ce joyau central un dynamisme moderne. Aujourd’hui, la politique, les technologies, les arts, l’entrepreneuriat et la gastronomie s’y entremêlent délicieusement. L’énergie du passé y est demeurée intacte.
Pouvez-vous nommer une chanson ou un album qui vous fait toujours sourire ? Veuillez expliquer pourquoi.
Homeward Bound, de Simon et Garfunkel. J’ai étudié en Allemagne et c’était la première fois que je me trouvais loin de chez moi. J’avais un mal affreux du pays. Ma chanson préférée à l’époque, Homeward Bound, était mon arme secrète. Pour m’aider à tenir le coup et pour consolider mon allemand hésitant, j’ai traduit la chanson en allemand et je n’arrêtais pas de la chanter (disponible en anglais seulement).
Quel est le dernier livre ou film que vous avez recommandé à quelqu’un et pourquoi ?
Un film récent que je recommande fortement est La reine de Katwe, réalisé par Mira Nair (ma cousine). J’ai suivi de près le travail de Mira au fil des ans, et son dernier film pourrait bien être l’un de mes préférés. Il relate la véritable histoire de Phiona Mutesi, une étoile montante des échecs vivant dans le quartier de Katwe à Kampala et incarnée par Lupita Nyong’o. C’est une merveilleuse histoire de réussite personnelle portée à l’écran par de solides acteurs, mais il s’agit aussi d’un film dépourvu de clichés pathétiques ou de préjugés qui caractérisent tant de films tournés en Afrique.
Quelle équipe de sport (professionnelle ou amateur) appuyez-vous ?
J’applaudis les athlètes olympiques et paralympiques canadiens. Cette année, aux Jeux olympiques de Rio, j’ai découvert en même temps que toute la planète d’autres équipes qui méritent les mêmes encouragements que nous réservons à nos équipes nationales, c’est-à-dire la toute première équipe olympique de réfugiés et l’équipe indépendante d’athlètes paralympiques. Ces athlètes viennent de la République démocratique du Congo, de l’Éthiopie, de l’Iran, du Soudan du Sud et de la Syrie, mais ils ont pris part aux Jeux de Rio sous la bannière olympique. Leur courage, leur talent et leur esprit sont pour nous tous un appel à l’action. N’importe où, les réfugiés peuvent réaliser leur potentiel si l’occasion leur en est donnée.
Pourquoi êtes-vous fière d’être Canadienne ?
Je suis née dans un pays et me suis mariée dans un autre, mais j’ai choisi le Canada de plein gré, et c’est le passeport canadien qui a été le plus difficile à obtenir. J’ai trouvé au Canada protection et opportunités. En retour, je m’engage à en faire un lieu où il fait toujours bon vivre, un lieu qui offrira protection et opportunités à de futurs Canadiens. C’est pour cela que je serai toujours fière d’être Canadienne. Non seulement pour ce que le Canada m’a donné et a donné à d’innombrables personnes, mais aussi parce que c’est un projet en cours. Tous les Canadiens et moi-même pouvons contribuer activement à façonner notre pays.
Avis aux lecteurs : L’honorable Ratna Omidvar a pris sa retraite du Sénat du Canada en mai 2023. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.
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Rencontre avec la sénatrice Ratna Omidvar
Qui vous a incité à vous lancer dans la vie publique ?
Initialement, mon entrée dans la vie publique a été un accident de parcours. En fait, les occasions n’étaient pas au rendez-vous. J’ai fait des études en Inde et en Allemagne, et je suis arrivée au Canada en tant que professeure d’allemand. Trouver un emploi a été difficile et comme j’avais alors ma jeune fille à ma charge, j’ai dû réévaluer mes aspirations professionnelles.
J’ai commencé à faire du bénévolat dans les écoles que fréquentaient mes enfants et cela m’a conduit vers une possibilité d’emploi à la St. Stephen’s Community House à Toronto (en anglais seulement). Il s’agissait de mon premier emploi au Canada, lequel m’a permis de me tailler une place dans le secteur sans but lucratif, qui comporte son lot de frustrations, mais qui accomplit un travail remarquable et qui joue un rôle fondamental dans la vie des immigrants au Canada. Mes dévoués collègues à la St. Stephen’s Community House ont grandement contribué à façonner mon avenir dans la vie publique. Des années plus tard, j’ai rencontré un dirigeant qui a été pour moi une autre source d’inspiration. Bien qu’évoluant dans le monde des affaires, il m’a beaucoup appris à garder le cap sur le bien commun et à amener les gens de toutes les couches de la société à conjuguer leurs efforts pour que chacun y trouve son compte.
Selon vous, quelle est la plus importante question de politique publique au Canada à l’heure actuelle ?
L’égalité des chances a un effet d’entraînement sur une multitude d’autres secteurs de la politique publique. Elle est synonyme d’équité sociale et permet de mener une vie décente, tout en offrant aux enfants des chances de réussite égales, voire supérieures. Sans égalité des chances, aucun travail si dur soit-il ne peut déboucher sur une vie décente. Sans elle, certains membres de la population n’ont ni option intéressante, ni lien significatif avec la communauté, ni l’impression d’avoir un rôle à jouer dans la vie publique. Pour prendre le pouls de cette situation au Canada, nous pouvons examiner les indicateurs de bien-être économique et social comme celui du revenu. Soit le revenu ne s’améliore pas, soit il s’améliore, mais pas au même rythme pour certains groupes, par exemple pour les minorités visibles et les groupes d’immigrants, ainsi que pour certaines communautés des Premières Nations.
La sénatrice Omidvar a livré un discours TedXTalk au salon Ted Talk à Berlin.
Pourquoi les Canadiens devraient-ils s’intéresser en plus grand nombre aux travaux du Sénat ?
Le Sénat est l’affaire de tous les Canadiens, tout simplement. Il a de véritables répercussions parce qu’il façonne la politique publique, de même que les idées et les attitudes du public. La qualité des questionnements et des débats qui définit les travaux du Sénat m’a beaucoup impressionnée depuis mon entrée en fonction au printemps. Pendant mes premières semaines, l’un des principaux textes de loi à l’étude a été le projet de loi sur l’aide médicale à mourir. J’ai entendu mes collègues sénateurs poser des questions sincères aux témoins experts, exprimer des arguments réfléchis et proposer de nouvelles idées qui ont donné lieu à des modifications législatives. Il en est ressorti un texte de loi plus fort, en plus d’approfondir l’engagement du public, du gouvernement et des médias à l’égard de questions complexes.
Je pense que les Canadiens gagneraient beaucoup à mieux connaître le travail du Sénat, et nous, sénateurs, pouvons faire un meilleur travail en traduisant le « second examen objectif » en conservation publique.
À quels efforts législatifs ou travaux de comité êtes-vous le plus fière d’avoir participé ?
En tant que nouvelle sénatrice, je ne peux qu’attendre avec beaucoup d’anticipation le travail à venir. Mais depuis mon arrivée, il y a un comité sur lequel je suis fière d’avoir siégé : le Comité sénatorial des droits de la personne. Ce comité a mené des consultations à Montréal et à Toronto pour comprendre la qualité du processus d’intégration des réfugiés syriens et pour savoir comment le gouvernement fédéral pouvait mieux soutenir les nouveaux venus. À la suite de discussions avec des intervenants de la communauté, les membres du comité ont pris connaissance des mesures urgentes que le gouvernement fédéral pouvait prendre pour accélérer l’intégration des réfugiés syriens dans la société canadienne.
Je suis également fière d’avoir contribué à l’élaboration d’un projet de loi visant à modifier la Loi sur la citoyenneté. En tant que marraine de ce projet de loi, j’ai prononcé un discours qui expose les arguments en faveur de ce projet de loi qui, je crois, rétablira l’égalité entre les citoyens canadiens et offrira un cheminement rapide et clair vers la citoyenneté.
Pouvez-vous nommer un trésor caché de votre région que les Canadiens gagneraient à découvrir ?
J’espère que tous ceux qui visiteront Toronto auront la chance de se promener dans le quartier de Kensington Market. En 2014, j’ai eu l’occasion de choisir un quartier à montrer au Président allemand Joachim Gauck, qui était de passage à Toronto pour se renseigner sur la réussite du Canada dans le domaine de l’immigration et de l’intégration. Le quartier du Kensington Market était le choix qui s’imposait. Pendant longtemps, il a été un quartier pour les nouveaux venus, puis une plate-forme de lancement pour des vagues successives d’immigrants à Toronto. Juifs, Italiens, Chinois, Vietnamiens, Jamaïcains, Somaliens et bon nombre d’autres immigrants sont venus dans le quartier et y ont laissé leur marque : ils y ont construit des maisons et des commerces, et y ont laissé des éléments culturels qui confèrent à ce joyau central un dynamisme moderne. Aujourd’hui, la politique, les technologies, les arts, l’entrepreneuriat et la gastronomie s’y entremêlent délicieusement. L’énergie du passé y est demeurée intacte.
Pouvez-vous nommer une chanson ou un album qui vous fait toujours sourire ? Veuillez expliquer pourquoi.
Homeward Bound, de Simon et Garfunkel. J’ai étudié en Allemagne et c’était la première fois que je me trouvais loin de chez moi. J’avais un mal affreux du pays. Ma chanson préférée à l’époque, Homeward Bound, était mon arme secrète. Pour m’aider à tenir le coup et pour consolider mon allemand hésitant, j’ai traduit la chanson en allemand et je n’arrêtais pas de la chanter (disponible en anglais seulement).
Quel est le dernier livre ou film que vous avez recommandé à quelqu’un et pourquoi ?
Un film récent que je recommande fortement est La reine de Katwe, réalisé par Mira Nair (ma cousine). J’ai suivi de près le travail de Mira au fil des ans, et son dernier film pourrait bien être l’un de mes préférés. Il relate la véritable histoire de Phiona Mutesi, une étoile montante des échecs vivant dans le quartier de Katwe à Kampala et incarnée par Lupita Nyong’o. C’est une merveilleuse histoire de réussite personnelle portée à l’écran par de solides acteurs, mais il s’agit aussi d’un film dépourvu de clichés pathétiques ou de préjugés qui caractérisent tant de films tournés en Afrique.
Quelle équipe de sport (professionnelle ou amateur) appuyez-vous ?
J’applaudis les athlètes olympiques et paralympiques canadiens. Cette année, aux Jeux olympiques de Rio, j’ai découvert en même temps que toute la planète d’autres équipes qui méritent les mêmes encouragements que nous réservons à nos équipes nationales, c’est-à-dire la toute première équipe olympique de réfugiés et l’équipe indépendante d’athlètes paralympiques. Ces athlètes viennent de la République démocratique du Congo, de l’Éthiopie, de l’Iran, du Soudan du Sud et de la Syrie, mais ils ont pris part aux Jeux de Rio sous la bannière olympique. Leur courage, leur talent et leur esprit sont pour nous tous un appel à l’action. N’importe où, les réfugiés peuvent réaliser leur potentiel si l’occasion leur en est donnée.
Pourquoi êtes-vous fière d’être Canadienne ?
Je suis née dans un pays et me suis mariée dans un autre, mais j’ai choisi le Canada de plein gré, et c’est le passeport canadien qui a été le plus difficile à obtenir. J’ai trouvé au Canada protection et opportunités. En retour, je m’engage à en faire un lieu où il fait toujours bon vivre, un lieu qui offrira protection et opportunités à de futurs Canadiens. C’est pour cela que je serai toujours fière d’être Canadienne. Non seulement pour ce que le Canada m’a donné et a donné à d’innombrables personnes, mais aussi parce que c’est un projet en cours. Tous les Canadiens et moi-même pouvons contribuer activement à façonner notre pays.
Avis aux lecteurs : L’honorable Ratna Omidvar a pris sa retraite du Sénat du Canada en mai 2023. Apprenez-en advantage sur son travail au Parlement.