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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 4 - Témoignages du 24 février


OTTAWA, le mardi 24 février 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 heures pour examiner la mise en oeuvre et l'application du chapitre 1, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, et des lignes directrices qui s'y rapportent soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous avons le quorum.

Ce matin, nous allons partager notre temps en deux périodes de 45 minutes chacune. Pendant la première moitié de la réunion, nous entendrons l'Association du Barreau canadien représentée par Jennifer Cooper, c.r., présidente du comité de mise en oeuvre des lignes directrices, Section nationale du droit de la famille et Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, du bureau national de l'ABC, ici à Ottawa.

Mme Cooper est avocate, comme me le rappelle le sénateur Jessiman, dans le prestigieux cabinet juridique de Winnipeg, Pitblado & Hoskin.

Vous êtes toutes les deux les bienvenues.

Mme Tamra Thomson, directrice, Législation et réforme du droit, Association du Barreau canadien: Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui représente plus de 35 000 juristes des quatre coins du pays, y compris des avocats, des notaires, des professeurs de droit et des étudiants en droit. Les principaux objectifs de l'Association sont l'amélioration de la loi et de l'administration de la justice. C'est à ce titre que nous sommes venues ici aujourd'hui pour parler de la mise en oeuvre des lignons directrices sur les pensions alimentaires pour enfants.

Notre mémoire a été préparé par la section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien qui s'intéresse aux lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants depuis le début des années 90, lorsque le ministère de la Justice a entamé sa révision du régime actuel. Elle a participé activement aux consultations qui ont mené à la mise en oeuvre des lignes directrices.

La section du droit de la famille représente les avocats de tout le pays qui s'occupent du droit familial au nom des mères, des pères et des enfants. Par conséquent, nous apportons dans ce mémoire une perspective tout à fait particulière en ce sens qu'il n'est pas dans notre intérêt d'examiner un seul point de vue. C'est dans une optique très vaste que nous examinons les questions relatives au droit de la famille et aux lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants.

Je vais maintenant demander à ma collègue, Mme Cooper, d'aborder le contenu du mémoire qui vous a été envoyé.

Le sénateur Jessiman: Vous êtes la directrice, n'est-ce pas?

Mme Thomson: Oui.

Le sénateur Jessiman: Vous connaissez très bien la procédure que l'ABC a suivie pour préparer ce mémoire?

Mme Thomson: Oui.

Le sénateur Jessiman: Pourriez-vous me dire comment vous avez procédé? Vous dites que ce travail a commencé dans la section que dirige Jennifer Cooper. Où est-ce allé ensuite avant que vous puissiez présenter ce mémoire au comité comme l'opinion de l'Association du Barreau canadien?

Mme Thomson: Je dois d'abord signaler que ce mémoire a été approuvé par la section du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien.

Le sénateur Jessiman: Combien de membres cette section compte-t-elle?

Mme Thomson: Elle compte environ 6 900 membres. Toutefois, pour qu'un mémoire puisse être présenté en son nom, il doit être soumis à un processus d'approbation assez rigoureux. Dans ce cas, il serait peut-être instructif d'examiner le contexte dans lequel les mémoires de la section du droit de la famille sont approuvés.

Le sénateur Jessiman: Excusez-moi, mais je ne voudrais pas prendre top de temps. Je m'intéresse surtout à ce mémoire-ci. Vous dites que la section compte 6 900 membres. Je voudrais savoir combien d'entre eux ont vu ce mémoire ou une ébauche de ce texte. Une dizaine?

Mme Thomson: Sénateur, je pense qu'il serait plus instructif pour le comité que je décrive le processus d'approbation. Avant qu'un mémoire ne soit présenté à un comité parlementaire, il faut d'abord que les membres de la section qui s'intéressent au sujet se portent volontaires pour préparer une première ébauche. Ces volontaires peuvent être de n'importe quelle région du pays. Dans ce cas-ci, sept de nos divisions ont exprimé le désir de travailler à ce mémoire.

Premièrement, tout l'exécutif de la section, qui est constitué d'une trentaine de membres, dont chacun représente une division ou est un agent national...

Le sénateur Jessiman: Jusqu'ici, nous savons que sur 6 900 membres, il y en a 30 qui ont examiné ce mémoire en totalité ou en partie. Est-ce exact?

Mme Thomson: C'est la première étape pour ce qui est du groupe qui commence par examiner la question. Nous nous adressons aux experts de l'Association, qui font partie de la section du droit de la famille. L'exécutif, qui compte une trentaine de membres, nomme un certain nombre de personnes intéressées qui préparent une première ébauche du mémoire.

Le sénateur Jessiman: Combien de membres participent à la préparation de la première ébauche? Je voudrais seulement savoir combien de membres de l'Association du Barreau canadien ont participé à la rédaction de ce mémoire.

Mme Thomson: Une dizaine de membres ont travaillé à la première ébauche. Ils ont suivi les politiques approuvées jusque-là par l'Association du Barreau canadien et qui sont conformes...

Le sénateur Jessiman: Je n'y vois pas d'objection. Vous m'avez donné un chiffre et je veux passer à l'étape suivante. Dix membres de la section ont participé à ce travail. Dans la préface, vous dites:

Le présent mémoire a été revu par le comité de la législation et de la réforme du droit.

Je sais que ce comité compte six membres. Est-ce exact?

Mme Thomson: Oui.

Le sénateur Jessiman: Ce comité s'est-il réuni pour discuter de l'ébauche de ce mémoire?

Mme Thomson: Premièrement...

Le sénateur Jessiman: Ce n'est pas une question difficile.

Mme Thomson: Nous avons raté une étape, sénateur Jessiman. Vous semblez très préoccupé par le processus et je crois qu'il faudrait l'exposer au complet aux membres du comité.

Le sénateur Jessiman: Quelle étape ai-je manquée?

Mme Thomson: Nous devons retourner une étape en arrière. Les personnes qui ont préparé la première ébauche du mémoire...

Le sénateur Jessiman: Les 30 membres?

Mme Thomson: Dix de ces 30 membres ont proposé d'inclure certains commentaires dans le mémoire. Le mémoire a ensuite été révisé par les membres de l'exécutif qui ont été élus pour représenter...

Le sénateur Jessiman: S'agit-il des dirigeants?

Mme Thomson: C'est l'exécutif de la section du droit de la famille qui a été élu par...

Le sénateur Jessiman: Combien de ces...

Mme Thomson: Nous avons dit qu'il y en avait 30, qui ont été élus pour représenter les membres de la section des diverses régions du pays.

Le sénateur Jessiman: Ces 30 membres se sont-ils réunis pour en discuter ou leur a-t-on envoyé le texte en leur demandant de l'examiner et de faire leurs commentaires? Comment avez-vous procédé?

Mme Thomson: Ils se sont réunis.

Le sénateur Jessiman: Combien de fois?

Mme Thomson: Pour cette question, ils ont eu une réunion et toute une série d'appels-conférences.

Le sénateur Jessiman: Quand ils se sont réunis, combien sur les 30 étaient présents?

Mme Thomson: Je crois que la plupart d'entre eux participaient à la réunion.

Ces membres ont ensuite discuté du mémoire avec d'autres membres de leur division et de la section. Par conséquent, il s'agit d'un processus représentatif tout comme le Sénat est un organisme représentatif de la population canadienne.

Le président: Combien de temps allons-nous continuer dans cette veine? Je n'en vois pas très bien l'utilité.

Le sénateur Jessiman: C'est très utile.

Le président: J'ai déjà siégé à des comités sénatoriaux qui ont fait comparaître l'Association du Barreau canadien.

Le sénateur Jessiman: C'est important parce que j'ai reçu ce mémoire hier seulement. La Bibliothèque du Parlement l'avait depuis une dizaine de jours. Nous avons des questions qui se fondent sur le mémoire que j'ai reçu hier.

Un membre du comité de la législation et de la réforme du droit m'a dit que le comité qui, d'après le témoin, a révisé ce mémoire, n'a tenu aucune réunion. Il m'a fait parvenir l'ébauche même si je ne l'avais pas demandée. Il m'a dit qu'on lui avait peut-être envoyée pour qu'il fasse ses commentaires en partant du principe que, s'il ne répondait pas, c'est qu'il l'approuvait.

Je lui ai parlé à quatre reprises depuis hier. Il a laissé entendre, et c'est ce qu'il a dit également à la directrice, qu'une partie du texte pourrait faire l'objet d'une étude plus approfondie. Il m'a demandé de poser des questions au sujet de la procédure au cas où cette suggestion ne serait pas faite aujourd'hui afin que tout le monde sache bien qui, à l'Association du Barreau canadien, a approuvé ce mémoire.

Le président: Sénateur, je conviens de la pertinence de cette question étant donné que je me la suis déjà posée par le passé lorsque nous avons entendu le témoignage d'organismes de la taille de l'Association du Barreau canadien. Toutefois, par souci de justice envers tous les membres du comité et les témoins, et pour que nous ayons le temps de discuter de la teneur de ce mémoire, il faudrait que nous avancions. Si vous avez quelque chose à dire à ce sujet, peut-être faudrait-il le faire à la prochaine réunion de l'ABC.

Le sénateur Jessiman: Je voudrais cependant souligner ici que, d'après mes renseignements -- et les témoins affirment le contraire -- le comité de la législation et de la réforme du droit n'a tenu aucune réunion pour discuter de ce mémoire.

Si ces renseignements sont inexacts, je voudrais que le témoin nous le dise.

Mme Thomson: Le mémoire a été approuvé de la façon prescrite dans les statuts de l'Association du Barreau canadien pour l'approbation des déclarations publiques. Ce processus d'approbation, qui a reçu l'agrément du conseil de l'Association, n'exige pas que le comité de la législation et de la réforme du droit se réunisse pour examiner tous les mémoires qui sont soumis au Parlement.

Le comité comprendra qu'étant donné que nous présentons chaque année une trentaine ou une quarantaine de mémoires à des comités parlementaires, il serait très difficile que les membres du comité se réunissent, par téléphone ou en personne, pour examiner chacun de ces mémoires.

Pour ce genre de mémoires dans lesquels la Section prend position en s'appuyant sur les précédents et sur les principes adoptés par le conseil, nous avons l'habitude d'envoyer le texte aux membres du comité de la législation et de la réforme du droit pour qu'ils transmettent leurs commentaires à mon bureau.

Le président: Merci. Sénateur Cools, pouvez-vous conclure rapidement cette première partie de notre réunion, s'il vous plaît?

Le sénateur Cools: Merci, monsieur le président.

Je ne suis pas membre de l'ABC et je ne prétends pas connaître le processus suivi pour formuler des opinions. Je ne connais pas grand-chose quant à la façon dont on parvient à un consensus ou à une entente au sein de l'ABC, mais j'ai entendu ce que le sénateur Jessiman a dit. Il est très important, pour notre comité, que les opinions qui nous sont présentées par des personnes ou des organismes soient vraiment les leurs et comme ce que vous nous dites maintenant diffère beaucoup de ce que vous avez déclaré au départ, je voudrais une clarification. C'est quelque chose de nouveau pour moi. Peu m'importe comment ou combien de fois le comité s'est réuni. Je voudrais savoir si ce mémoire reflète ou non son opinion étant donné qu'il est dit dans la préface que:

Le présent mémoire a été revu par le comité de la législation et de la réforme du droit et a reçu l'approbation, à titre de politique officielle, de la section nationale du droit de la famille de l'Association du Barreau canadien.

J'essaie seulement de comprendre ce qui préoccupe le sénateur Jessiman. Ce mémoire a-t-il été revu ou non par le comité de la législation et de la réforme du droit pour l'Association du Barreau canadien?

Mme Thomson: Le comité de la législation et de la réforme du droit a examiné ce mémoire et les autres mémoires sur cette question qui lui ont été soumis.

Le sénateur Cools: Nous pouvons vous croire sur parole quand vous dites qu'il a été examiné?

Mme Thomson: Oui.

Le sénateur Cools: Très bien. A-t-il été approuvé?

Mme Thomson: Il a été approuvé conformément à la procédure établie dans nos statuts, oui.

Mme Jennifer Cooper, c.r., présidente, comité de mise en oeuvre des lignes directrices, section nationale du droit de la famille: Honorables sénateurs, j'ai un bref exposé à vous faire, après quoi je pourrai répondre à vos questions.

La section nationale du droit de la famille s'intéresse à cette question depuis 1991. En fait, c'est le cinquième mémoire que nous avons préparé sur le sujet. La section nationale du droit de la famille appuie les lignes directrices depuis le début. Nous avons eu quelques difficultés en cours de route, mais en général, nous appuyons les lignes directrices.

Comme vous le savez sans doute, le gouvernement a répondu à certaines demandes de changements. Des modifications ont été apportées aux règlements en décembre 1997. Elles étaient assez mineures et techniques et nous estimons que de nouveaux changements s'imposent.

La plupart de nos huit recommandations sont de nature technique. Dans l'exercice de notre profession, nous avons constaté que certaines phrases de la loi ou certaines procédures pourraient être améliorées.

Nous examinons les divers processus que le gouvernement a mis en place pour voir s'ils signalent efficacement le besoin de changement. Votre comité n'ignore sans doute pas qu'un groupe de travail fédéral-provincial-territorial a été mis en place. Il y a aussi un comité consultatif et l'Association du Barreau a des représentants à ce comité. Il y a également, au sein du gouvernement, une équipe de fonctionnaires responsables des pensions alimentaires pour enfants. Nous espérons que ces personnes préparent de nouvelles modifications.

Il y a deux recommandations un peu plus techniques que je voudrais signaler à votre attention. La première est la recommandation 8 qui figure à la page 9 de notre mémoire. Nous recommandons que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux prennent immédiatement des mesures afin d'améliorer l'accès à l'aide juridique civile et, à cette fin, d'augmenter les fonds accordés à cet égard.

Il ne suffit pas d'avoir de bonnes lois si les gens n'ont pas les moyens de s'en prévaloir. S'il n'y a pas eu une avalanche de demandes de modifications, c'est peut-être parce que les avocats réussissent à négocier une entente avec leurs clients sans qu'il soit nécessaire d'aller devant les tribunaux. Nous craignons toutefois que ce puisse être aussi à cause de l'érosion de l'aide juridique au Canada.

Notre deuxième recommandation, qui peut susciter la controverse, correspond à une position que nous avons adoptée dans notre mémoire précédent et que nous maintenons. Nous voyons des objections aux dispositions des lignes directrices qui permettent de s'écarter du montant prévu lorsque le conjoint exerce son droit de visite au moins 40 p. 100 du temps. Notre recommandation à cet égard figure à la page 4 du mémoire. Nous recommandons qu'on ne puisse déroger aux lignes directrices que si la garde est sensiblement égale.

Ce n'est pas tant une question de droit de visite que de garde véritablement partagée. Nous recommandons de rétablir le libellé du projet de loi initial. Cela correspond à ce que nous avons déjà fait valoir au comité par le passé.

Telles sont les deux recommandations que je désirais souligner. Je suis prête à répondre à vos questions à ce sujet ou sur n'importe quel autre aspect.

Le président: La semaine dernière, nous avons discuté d'une recommandation de Mme Poitras selon laquelle les organismes chargés de faire appliquer la loi au niveau provincial devraient avoir accès aux dossiers de Revenu Canada. Je me suis alors engagé à questionner tous les futurs témoins à ce sujet.

Quelle est votre position?

Mme Cooper: L'Association du Barreau canadien n'a pas de position sur cette question, à ma connaissance. Vous comprendrez que je suis ici à titre de représentante de l'Association. En tant qu'avocate de la famille, personnellement, j'appuierais toute mesure visant à améliorer l'application de la loi. Cela a certainement posé des problèmes pour de nombreux clients. Encore une fois, à quoi sert-il d'avoir une ordonnance du tribunal si elle ne peut pas être entièrement appliquée?

Le président: L'Association du Barreau canadien doit avoir une opinion quant au caractère confidentiel des dossiers de l'impôt et les questions de ce genre.

Mme Cooper: Nous nous ferons un plaisir de répondre à cette question par écrit si cela vous intéresse. Nous nous excusons de ne pas l'avoir prévue.

Le président: Nous l'apprécierions. Merci.

Le sénateur Jessiman: Madame Cooper, comme vous le savez sans doute, le Sénat a pu convaincre le gouvernement de reconnaître le fait que le parent qui n'a pas la garde passe du temps avec ses enfants. Vous avez parlé de la garde partagée. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par là?

Mme Cooper: C'est quand l'autre parent ne se contente pas de recevoir la visite de ses enfants. Il joue un rôle dans leur vie et cela a des conséquences financières compte tenu des frais qui en découlent nécessairement.

Le sénateur Jessiman: N'êtes-vous pas d'accord pour dire que la garde peut être partagée même si ce n'est pas tout à fait de moitié?

Mme Cooper: Oui, sénateur, vous avez raison en ce sens que les parents partagent parfois les prises de décision, mais ils ne jouent pas nécessairement un rôle actif dans la vie quotidienne de leurs enfants.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi faut-il que ce soit 50-50? Cela ne pourrait-il pas être 48-52?

Mme Cooper: Nous ne recommandons pas de chiffre. Le chiffre actuel de 40 p. 100 nous semble problématique. Les gens ont tendance à vouloir fixer un chiffre. Si l'on parlait d'un «partage sensiblement égal», cela laisserait au tribunal la marge de manoeuvre que nous croyons nécessaire pour reconnaître que la garde est vraiment partagée.

Le sénateur Jessiman: À mon avis, cela pourrait tomber jusqu'à 25 p. 100 s'il s'agissait vraiment d'une garde partagée.

Craignez-vous que ce chiffre de 40 p. 100 cause davantage de litiges?

Mme Cooper: Nous le craignons fort, en effet. Bien entendu, il est encore trop tôt pour le savoir étant donné qu'à notre connaissance il n'y a eu que sept ou huit décisions au sujet de la garde partagée. En pratique, nous constatons que les parents qui n'ont pas la garde nous demandent: «Dois-je payer ce montant? Quelles sont les échappatoires? Indiquez-les-moi».

Nous devons leur dire que s'ils peuvent convaincre le tribunal que les enfants doivent rester dormir chez eux le jeudi soir au lieu de rester seulement pour la soirée, cela leur donnera plus d'heures pour atteindre le chiffre de 40 p. 100, ce qui leur permettra de payer moins comme pension alimentaire.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi ne pas voir les choses sous un autre angle? Cela n'invite-t-il pas le parent qui n'a pas la garde des enfants à s'efforcer d'atteindre l'objectif dont nous parlons?

Je connais un homme qui, avant ces lignes directrices, songeait à divorcer. Il est maintenant divorcé. Il me dit qu'il s'occupe des enfants pendant trois jours et quatre nuits de la semaine. Cela lui donne un peu plus de 40 p. 100 du temps, ce qu'il pense équitable. C'est ce que je pense aussi. Estimez-vous que ce n'est pas équitable?

Mme Cooper: Je suppose que si les parents sont arrivés à un consensus, c'est une solution équitable.

Le sénateur Jessiman: Cela fonctionne bien.

Connaissez-vous Philip Epstein?

Mme Cooper: Je sais qui c'est.

Le sénateur Jessiman: Il est conseiller au ministère de la Justice.

Mme Cooper: Oui. J'ai travaillé un peu avec lui.

Le sénateur Jessiman: Quand il a témoigné devant nous, il a dit:

Le deuxième domaine couvert par les lignes directrices pour lequel une certaine latitude est laissée est celui de la garde partagée auquel le comité a consacré beaucoup de temps la dernière fois.

Je le sais, car j'y étais.

Il ajoute:

On a pensé que cela susciterait de nombreux litiges, mais à notre grande surprise, il n'en a rien été jusqu'ici. C'est l'article portant que, si le parent qui n'a pas la garde de l'enfant a l'enfant sous sa garde pendant 40 p. 100 du temps ou plus, il peut y avoir une variation dans les montants prévus.

Il a dit qu'il faudrait apporter des précisions -- et je suis d'accord, comme vous le serez sans doute -- à propos de ces 40 p. 100 ou 30 p. 100, quel que soit le chiffre magique, pour être équitable envers l'autre parent si la garde est vraiment partagée. Si j'ai bien compris, vous dites que non seulement c'est ambigu et complexe, mais que c'est injuste. Vous dites que la garde doit être répartie équitablement. Les circonstances ne le permettent peut-être pas, mais cela incite le parent qui n'a pas la garde des enfants à essayer de les voir plus souvent. Cela lui permettra d'économiser un peu d'argent, mais ce sera seulement pour pouvoir s'occuper de ses enfants.

Ici, vous donnez même des exemples de garde partagée à moins de 50 p. 100. Vous mentionnez un parent qui a ses enfants du jeudi au dimanche, mais vous pourriez limiter cela du vendredi au dimanche, s'il s'agissait vraiment d'une garde partagée et je crois qu'il faudrait en tenir compte.

Mme Cooper: Non.

Le sénateur Jessiman: Pourquoi? C'est une garde partagée.

Mme Cooper: Je n'en suis pas certaine. Nous accordons tous des significations différentes aux diverses expressions. Un parent qui passe très peu de temps avec ses enfants et qui ne dépense pas grand chose pour eux peut quand même avoir obtenu une ordonnance de garde partagée et prendre part à certaines décisions concernant les enfants, par exemple en ce qui concerne le choix d'une école et les traitements médicaux qu'ils reçoivent. Pourtant, ce genre de scénario ne tient pas compte des dépenses et c'est ce dont il est vraiment question ici.

Je ne suis pas d'accord -- et je dirais que la section du droit de la famille non plus -- pour abaisser le chiffre à 30 ou 25 p. 100. Ces lignes directrices tiennent compte du fait que le parent qui n'a pas la garde, qui est le plus souvent le père, va de toute façon dépenser un peu d'argent pour ses enfants, pour les sortir, les nourrir, et cetera. On s'attend normalement à ce qu'il le fasse.

Les lignes directrices n'ont pas été établies pour empêcher tout contact. Normalement, au Canada, l'autre parent a des contacts avec les enfants et on espère qu'il en a suffisamment. C'est seulement lorsque les dépenses sont à peu près les mêmes que le tribunal devrait se servir de ses pouvoirs discrétionnaires. Nous apprécions le fait que le montant indiqué dans les lignes directrices ne soit pas réduit obligatoirement. C'est discrétionnaire.

Dans un cas, le tribunal a estimé que, même si le père avait les enfants à moitié du temps, comme il vivait chez ses parents et ne semblait avoir beaucoup de dépenses, il devait payer le montant fixé. C'est le genre de pouvoir discrétionnaire qui donne parfois de bons résultats. Il faut examiner tous les faits.

Le sénateur Jessiman: Nous ne sommes pas d'accord vous et moi.

Mme Cooper: Nous ne sommes pas d'accord.

Le sénateur Maheu: J'ai écouté avec plaisir certains de vos commentaires. Un groupe de l'Ouest m'a fait des instances au sujet des revenus de l'ordre de 150 000 $. Quand vous parlez, dans votre mémoire, des revenus de 150 000 $ et du fait que le juge devrait fournir les raisons de sa décision par écrit, parlez-vous du revenu du ménage?

Mme Cooper: Le revenu de 150 000 $ dont parlent les lignes directrices est celui du conjoint payeur. Les lignes directrices permettent au tribunal d'abaisser ou d'augmenter le montant si l'intéressé gagne autant d'argent.

Le sénateur Maheu: J'essaie d'établir à quoi il servirait que les raisons soient fournies par écrit si le juge n'est pas obligé de tenir compte des 90 000 $ ou 100 000 $ que le conjoint gagne lorsqu'il fixe la pension alimentaire pour le payeur qui gagne 150 000 $.

Mme Cooper: N'oubliez pas que le tribunal a des pouvoirs discrétionnaires dans ce domaine. Nous allons suivre les jugements afin de voir quand les tribunaux exerceront ce pouvoir discrétionnaire et quels sont les facteurs dont ils vont tenir compte pour modifier le montant. La jurisprudence nous guidera pour conseiller nos clients.

Le sénateur Maheu: À votre avis, arrivera-t-il que le juge tienne compte des 100 000 $ que gagne l'épouse?

Mme Cooper: Vous soulevez une question controversée. De prime abord, nos lignes directrices ne tiennent pas compte de ce que gagne le conjoint bénéficiaire. Néanmoins, nous en tenons compte si l'on invoque des difficultés excessives. Si le payeur dit ne pas avoir les moyens de payer, nous examinons le niveau de vie de chaque ménage. Toutefois, nous disons au départ que tous les payeurs qui gagnent 200 000 $ doivent payer le même montant.

Voulez-vous que je vous répète ce raisonnement?

Le sénateur Maheu: Non.

Mme Cooper: Cela vous a sans doute déjà été expliqué.

Le sénateur LeBreton: Merci d'être venues. Lorsque les représentants d'un organisme présentent un mémoire en son nom, il est évident que l'organisme en question a donné son approbation. Je ne vois pas comment les témoins pourraient ne pas représenter le groupe au nom duquel ils sont venus témoigner. En écoutant le débat ce matin, je me suis dit que tout le monde avait peut-être pris sa dose de tonique Suzanne Tremblay-Don Cherry ce matin. Ma petite-fille dirait «Relaxe, grand-maman».

Pour ce qui est de votre position au sujet des lignes directrices, vous recommandez que les données soient recueillies et analysées par un organisme indépendant. Qui, selon vous, pourrait s'en charger, l'Association du Barreau canadien ou un autre organisme?

Mme Cooper: Comme nous n'avons pas d'argent pour cela, je suppose que nous comptons sur le gouvernement fédéral. Peut-être pourriez-vous poser la question à des représentants du gouvernement s'ils comparaissent devant vous. Je crois que le gouvernement envisage la collecte de données et des recherches sur la question.

Je tiens à souligner que nous appuyons ces lignes directrices à la condition que ces objectifs soient atteints. Nous voulons donc savoir s'ils le sont, si le niveau de vie ne diminue pas dans le foyer des parents qui ont la garde des enfants, afin d'avoir l'assurance que les enfants sont bien traités.

Le sénateur LeBreton: Certaines personnes se sentiraient sans doute rassurées s'il s'agissait d'un organisme indépendant plutôt que d'un groupe relevant directement du gouvernement ou du ministère de la Justice. Cela pourrait être l'Association du Barreau canadien. Comme vous avez formulé cette recommandation, je me demandais si vous aviez pensé à un autre organisme qui pourrait s'en charger.

Mme Cooper: Nous pourrions certainement vous présenter une recommandation à cet égard si vous désirez vous pencher davantage sur cette question. C'est une recommandation importante.

Le sénateur LeBreton: La répartition entre les diverses instances ne semble pas très claire.

Le président a posé une question au sujet de l'accès aux dossiers de Revenu Canada. Comme je l'ai déjà dit à un témoin, je vois des objections à ce que l'on ait accès au dossier fiscal des gens à moins qu'ils ne communiquent ces renseignements volontairement. Je me demande s'il n'est pas contraire à la Charte ou aux lois sur le respect de la vie privée qu'un organisme de l'extérieur ait accès aux données de Revenu Canada. Cette question devrait certainement être réglée entre les parties. Je m'y opposerais vivement.

Mme Cooper: Personnellement, j'ai constaté que la plupart des gens ne voient pas d'objection à fournir leur déclaration d'impôt. Cela pose seulement un problème pour les gens incorrigibles et difficiles.

Le sénateur LeBreton: Je voudrais parler un peu de la garde partagée et du seuil de 40 p. 100. Vous soulevez une excellente question à la page 4 de votre mémoire quant à la façon de résoudre ce problème. La question des 40 p. 100 et de la garde partagée semble susciter la controverse.

L'Association du Barreau canadien a-t-elle fait des études pour déterminer ce qui constitue une garde partagée? Cela dépend-il du temps que l'enfant passe éveillé chez l'un ou l'autre des parents? Bien entendu, les enfants passent un certain temps à l'école ou au lit. Quelqu'un a-t-il essayé d'établir ce qui constitue une garde partagée ou le seuil des 40?

Mme Cooper: Notre mémoire sur la garde et le droit de visite sur lequel portera notre prochaine présentation vous intéressera certainement beaucoup. Il portera justement sur certaines de ces questions.

Une jurisprudence a déjà été établie quant à savoir qui peut réclamer le temps que les enfants passent en camp de vacances ou à l'école. Qui peut compter ce temps? Parlons-nous des heures que l'enfant passe éveillé? Les juges commencent à se pencher sur la question.

Là encore, c'est un exemple de litige regrettable pour les enfants, parce que c'est une source de conflits. Toute cette question va être examinée dans une optique plus large.

Siégez-vous au comité mixte, sénateur?

Le sénateur LeBreton: Non, mais le sénateur Cohen en fait partie.

Mme Cooper: Nous allons faire une analyse approfondie de ce qui constitue la garde partagée.

Le sénateur LeBreton: Avez-vous déjà recueilli des données sur les répercussions que ces changements ont eues sur les enfants? Dans un monde idéal, les parents n'assumeraient pas de nouvelles responsabilités avant de s'être acquittés des anciennes, mais cela manque totalement de réalisme étant donné que les gens se remarient.

Un groupe de votre association a-t-il tenté d'évaluer les répercussions? Cela va-t-il améliorer le sort des enfants à long terme? Jusqu'ici, peut-on dire qu'ils en souffrent ou que leur situation s'est améliorée? Avez-vous des données à ce sujet?

Mme Cooper: Votre dernière question vous ramène à la première. Nous recommandons que ces données soient recueillies. Nous voudrions savoir ce qui suit: Ces lignes directrices ont-elles atteint leurs objectifs, les pensions alimentaires accordées sont-elles plus prévisibles, parvient-on à des règlements en évitant le coût émotionnel et financier des litiges? Les répercussions sur les enfants font précisément partie des choses à évaluer.

Le sénateur LeBreton: On a tendance à oublier les enfants dans ce processus.

Le sénateur Cools: Voici quelque chose de nouveau... les enfants. Comment mesurez-vous les effets qu'ils subissent?

Mme Cooper: Notre organisme ne fait pas d'évaluation comme telle. Notre première recommandation est de faire faire des recherches par un organisme indépendant.

Le sénateur Forest: Je voulais vous questionner au sujet des effets sur les enfants, car c'est ce qu'il y a de plus important.

Je répéterai ce qui a déjà été dit quant à l'atteinte à la vie privée des gens lorsqu'on communique à des tiers leurs déclarations d'impôt. Je sais qu'il est difficile d'obtenir des renseignements, mais je vois là un problème vis-à-vis de la Charte des droits.

Vous avez dit que vous attendiez un déluge de causes? Cela vous rassure-t-il et pensez-vous que les choses se passent bien ou, comme vous l'avez dit, que les gens ne peuvent peut-être pas avoir accès aux tribunaux pour des raisons financières et autres?

Mme Cooper: Cela me rassure. N'oubliez pas que les tribunaux sont comme la pointe de l'iceberg. C'est surtout dans les bureaux des avocats et autour des tables de cuisine qu'il y a de l'action.

Lorsque la législation régissant le partage des biens conjugaux a été adoptée au Canada, il y a près de 20 ans, la confusion régnait au sujet de la jurisprudence et de son interprétation, mais les choses se sont tassées. La plupart des conjoints peuvent en discuter entre eux. Ils savent que la loi prévoit un partage de moitié et ils sont en mesure de se diviser leurs biens. C'est seulement de temps à autre que les gens vont devant le tribunal.

Nous espérons que certains de ces petits problèmes techniques finiront par être réglés et que les gens sauront exactement à quoi s'en tenir. Nous espérons qu'ils pourront discuter ensemble, peut-être avec leur avocat, pour résoudre ces questions sans que cela ne leur coûte trop cher du point de vue émotif et financier.

Le sénateur Forest: Un témoin précédent nous a dit que les gens pourraient avoir des surprises au moment de faire leur déclaration d'impôt parce qu'ils ne se seront pas rendu compte des conséquences. Nous en entendrons peut-être parler davantage à ce moment-là.

Mme Cooper: Pour la question fiscale?

Le sénateur Forest: Oui. Il faut peut-être s'attendre à des problèmes.

Notre comité a longuement examiné ces lignes directrices en ce qui concerne les difficultés excessives. On se demande donc comment cela pourrait être déterminé. Savez-vous à quel point il pourrait être difficile d'interpréter ces dispositions?

Mme Cooper: Je peux vous parler de ma propre expérience en tant qu'avocate qui travaille avec un groupe d'autres avocats de la famille. Je joue également un rôle actif dans cette section, au niveau local, au Manitoba, et nous discutons de ces questions.

Au Manitoba, les juges ne sont pas très enthousiastes vis-à-vis de la disposition concernant les difficultés excessives. Ils ne sont pas enthousiastes à l'idée de s'écarter du montant prévu dans les lignes directrices. Quand un parent leur dit qu'il est lourdement endetté et qu'il n'a pas les moyens de payer la pension alimentaire, cela ne les impressionne pas et c'est peut-être une bonne chose. C'est une bonne chose, car cela nous apporte un peu plus de certitude quant à ce que nous pouvons accomplir.

Il y a eu certains cas de difficultés excessives.

Le sénateur Cohen: Je suis pour la collecte de données. Nous constatons qu'il y a peu d'études sur la garde et le droit de visite qui nous permettent de faire des comparaisons avec ce que nous faisons aujourd'hui. J'aimerais savoir si, grâce aux lignes directrices, il y a moins d'enfants et de parents qui vivent dans la pauvreté. Autrement dit, ont-elles été utiles? J'espère que nous obtiendrons ces renseignements.

D'après votre expérience, le public, les avocats et les juges reconnaissent-ils que le revenu du parent qui a la garde des enfants ne doit pas entrer en ligne de compte pour évaluer la pension alimentaire que doit verser l'autre parent?

Mme Cooper: Encore une fois, je répondrai en fonction de mes propres constatations. Au départ, les lignes directrices ont fait beaucoup de bruit. Les gens avaient peine à y croire. Toutefois, les esprits semblent s'être calmés.

Les avocats ont déjà suffisamment à faire pour veiller à bien interpréter les lignes directrices. Non, cela ne semble pas poser beaucoup de problèmes aux gens. Il n'y a pas eu autant de contestations qu'on aurait pu s'y attendre.

La moitié de mes clients sont des hommes et l'autre moitié des femmes. Il est rare que les hommes disent: «Comment est-ce possible?» Nous nous contentons de dire: «Voici ce que nous allons payer, plus quelques dépenses supplémentaires». Les hommes ne répondent pas: «Mais elle travaille». Ce n'est pas encore arrivé.

Le sénateur Cohen: Vous aborderez peut-être les dispositions d'application dans le mémoire que vous nous présenterez plus tard, mais je me pose des questions au sujet de la confiscation des passeports et des permis. D'autres mesures d'application pourraient-elles être envisagées lorsque le droit de visite est refusé? Généralement, c'est associé à l'argent. Autrement dit, le parent qui a la garde des enfants dit à l'autre: «Si tu ne paies pas, tu ne peux pas voir ton enfant». Nous recevons un tas de lettres à ce sujet.

Y a-t-il des mesures dont vous avez constaté le succès?

Mme Cooper: Pour faire appliquer le droit de visite?

Le sénateur Cohen: Oui.

Mme Cooper: C'est tout à fait en dehors de notre témoignage d'aujourd'hui, mais j'aimerais beaucoup en discuter avec vous. Au Manitoba, nous avons mis en place un programme d'application, mais sans succès. Je me ferais un plaisir d'en parler avec vous après la réunion.

Le sénateur Cools: Tout le monde dit que le droit de visite pose un problème difficile. En quittant le comité, le juge qui a témoigné devant nous au sujet du projet de loi C-41, il a parlé des gens hargneux et du problème insoluble que posait le droit de visite en pareil cas. J'espère que nous aborderons la question à l'autre comité.

Pourriez-vous me fournir une liste de la jurisprudence accumulée jusqu'ici au Manitoba? Avez-vous suivi ces causes?

Mme Cooper: J'ai une liste assez complète, en effet.

Le sénateur Cools: Pourriez-vous la communiquer au comité?

Mme Cooper: Le site Web du ministère de la Justice énumère chaque cause, n'est-ce pas?

Le sénateur Cools: Si vous avez cette liste, nous nous ferons un plaisir d'en recevoir une copie. Le greffier la photocopiera pour nous.

Mme Cooper: Je vous donnerai la liste ou l'endroit où vous pouvez la trouver, car ma liste date d'un mois environ. Si vous voulez la mettre à jour, il y a un site Web qui contient ces renseignements.

Le sénateur Cools: Je peux prendre la liste du mois précédent et trouver ensuite moi-même celle du mois suivant.

Ce que vous dites me paraît intéressant. Cela s'éloigne de ce que nous avons entendu jusqu'ici. En fait, vous dites que le tribunal ne devrait pas exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu'il n'y a pas de véritable garde partagée. Vous parlez également de véritable garde partagée.

Je crois qu'on a exhorté le gouvernement à proposer ces lignes directrices auxquelles nous nous sommes opposés assez énergiquement car notre comité n'aime pas qu'on se serve d'une législation subordonnée pour donner des instructions aux juges. Tout le monde nous a dit: «Non, les juges ne doivent pas avoir ce pouvoir discrétionnaire. Nous avons besoin de lignes directrices uniformes d'un bout à l'autre du pays». Je constate que vous ne partagez pas ce point de vue. Vous semblez dire que vous voulez laisser de nouveau aux juges davantage de pouvoirs discrétionnaires.

Mme Cooper: Je n'en suis pas certaine. Je ne pense pas. Vous dites que le juge doit faire le lien entre le droit de visite et la pension alimentaire alors que nous avons toujours dit que les deux ne pouvaient pas être reliés -- en déterminant si la garde est vraiment partagée. Le juge doit avoir toute latitude pour le déterminer.

La section du droit de la famille et l'Association du Barreau canadien appuient les lignes directrices simplement parce qu'elles suppriment ces pouvoirs discrétionnaires et créent un système objectif. Ce système prévoit certains domaines pour lesquels le juge a des pouvoirs discrétionnaires. Un de ces domaines est la règle dite des 40 p. 100. Dans ce contexte -- que vous appeliez cela une garde partagée ou non -- nous recommandons que le partage soit sensiblement égal. Nous estimons qu'il faut laisser des pouvoirs discrétionnaires aux juges étant donné que cela a des répercussions financières.

Le sénateur Cools: Je vois là un changement de position, mais c'est la vie. C'est très bien.

M. Epstein nous a dit, il y a quelques semaines, que la plupart des membres du Barreau ontarien et lui-même regrettaient plus ou moins que le régime fiscal initial ait été modifié et qu'ils préféraient qu'il soit rétabli. Avez-vous une opinion à ce sujet?

Mme Cooper: Je n'ai pas d'opinion officielle, mais j'ai certainement une opinion personnelle. Je pense que les avocats comme M. Epstein qui ont affaire à des clients avertis, se sont servi de l'ancien système à leur avantage, surtout lorsqu'il y avait une importante disparité entre le revenu du payeur et celui du bénéficiaire. Je l'ai fait aussi. Cette possibilité de planification fiscale a été supprimée.

Le sénateur Cools: Vous reconnaîtrez que cela représente une ponction fiscale de plusieurs millions de dollars. Nous y étions opposés, mais il est fascinant de voir à quel point les choses changent. Elles changent beaucoup plus rapidement qu'on ne pourrait le croire.

Le président: Le témoin n'a pas vraiment pris position contre. Elle a simplement dit que cela avait servi les intérêts de ses clients.

Mme Cooper: Oui, les plus riches.

Le sénateur Cools: M. Epstein a dit, je crois, que les plus riches pouvaient s'en remettre, mais que c'était plus difficile pour les pauvres.

Vous avez dit que, d'après les membres de votre association des quatre coins du pays, certains clients sont maintenant incités à passer le maximum de temps avec leurs enfants de façon à réduire le montant de la pension alimentaire. Je dirais qu'il y a autant de gens qui cherchent à profiter personnellement de la pension alimentaire qu'ils touchent pour leurs enfants.

Dans la vie, il y a toujours des gens qui cherchent à profiter, d'un côté comme de l'autre. S'il y a 10 p. 100 de profiteurs cela vaut généralement pour les deux sexes. Avez-vous une opinion quant aux parents qui se servent de la pension alimentaire pour enfants pour leur propre profit?

Mme Cooper: Je préfère ne pas en parler aujourd'hui. Je ne pense pas que mes clients sont des profiteurs, même pas 10 p. 100 d'entre eux. Je ne vois pas les choses ainsi. Je ne pense pas que la pension alimentaire pour enfants améliore à ce point leur situation financière. Il coûte très cher d'élever des enfants et les montants prévus sont probablement assez équitables.

Le sénateur Cools: Je n'en doute pas. J'ai parlé du fait que certains parents profitent de la pension alimentaire pour enfants. Nous aurons à nous pencher de nouveau sur la question plut tôt que nous ne le pensons, car la pension alimentaire du conjoint est toujours déductible d'impôt. Cette question nous sera soumise sous une autre forme. J'essayais d'avoir un avant-goût de ce qui nous attend prochainement. Il ne fait aucun doute que, de la façon dont c'est structuré, la pension alimentaire pour enfants devient une pension alimentaire pour le conjoint. Nous réexaminerons cette question plus tard.

Le président: Comme il se fait tard, nous devrons en rester là.

Je tiens à remercier Mme Cooper et Mme Thomson d'être venues ici ce matin.

J'ai noté certaines questions sur lesquelles vous vous êtes engagées à préciser vos opinions ou à nous fournir d'autres renseignements. Il y a notamment la question de l'accès aux dossiers de Revenu Canada. Il y avait aussi la question de la jurisprudence manitobaine soulevée par le sénateur Cools. Il y avait également votre première recommandation où vous demandiez que des données soient recueillies par un organisme indépendant. Vous vous êtes engagées à fournir davantage de précisions à ce sujet au comité. Le greffier se fera un plaisir de les recevoir.

Le témoin suivant est Lynn Reierson qui exerce en droit de la famille à Dartmouth. Le mémoire de Mme Reierson vous a été distribué. Je crois qu'elle n'a pas l'intention de le lire, mais qu'elle va le commenter, après quoi nous lui poserons des questions.

La parole est à vous, madame Reierson.

Mme Lynn Reierson, avocate en droit de la famille: Monsieur le président, je vais aborder certaines des questions qui ont été soulevées ce matin et qui me serviront de point de départ.

Il est important de souligner que ce régime est constitué d'un mélange de pouvoirs judiciaires discrétionnaires et de lignes directrices strictes. Au début de ma carrière, les lignes directrices strictes suscitaient de véritables inquiétudes. Je me réjouis donc que l'on ait fait ce compromis, surtout dans certains domaines qui vous préoccupent.

Je vais passer directement aux dispositions concernant la garde partagée étant donné que cela semble susciter des inquiétudes. C'est un domaine dans lequel il est très important de laisser aux juges des pouvoirs discrétionnaires et je me réjouis qu'ils soient accordés. Je n'aime pas les pourcentages fixes. À mon avis, votre comité est tombé dans la même erreur que tout le monde en centrant son attention sur le nombre d'heures. Nous cherchons trop à établir combien d'heures les enfants passent à l'école, au camp de vacances, au lit ou éveillé. Selon moi, la question n'est pas là et c'est pourquoi il faut des pouvoirs discrétionnaires.

Le temps qu'un enfant passe à dormir chez l'un ou l'autre de ses parents n'est pas ce qui compte. C'est un facteur, mais pas un facteur très important. Le temps que le parent passe réellement avec l'enfant compte beaucoup plus que l'endroit où l'enfant dort. Les prises de décisions font partie de la garde partagée, mais selon moi, ce n'est pas ce qui devrait déterminer le montant de la pension ni qui doit la payer.

Pour établir le rapport entre le temps qu'un parent passe avec ses enfants et le montant d'argent qu'il débourse, le tribunal doit se pencher, avec l'aide de ces lignes directrices, sur certaines choses comme: Qui donne de l'argent le matin pour acheter de la pizza à l'école le midi? Qui achète les tickets de tombola pour l'équipe de balle-molle? Qui est l'entraîneur de l'équipe de soccer et emmène tous les enfants chez McDonald après la partie lorsqu'ils ont emporté le championnat? Qui les amène prendre des leçons de natation et leur achète une collation sur le chemin du retour? Qui invite les amis des enfants pour l'après-midi, emmène les jeunes au musée et paie un ticket d'entrée de 5 $ pour chacun des trois enfants et leurs copains? Qui va acheter les espadrilles, non pas les Nikes à 150 $, mais les espadrilles qu'ils doivent porter à la garderie? Qui achète les fournitures scolaires pour le projet à remettre lundi?

Voilà le genre de choses qui devraient exercer une influence sur le montant de la pension alimentaire. Ce sont les dépenses que, pendant des années sous l'ancien régime, les tribunaux ont cherché à établir dans des états financiers gonflés et que les lignes directrices leur permettent maintenant de départager. Si l'on fixe un pourcentage dans les lignes directrices, les gens ne regarderont pas plus loin. Les tribunaux veulent la façon la plus facile de trancher et les avocats aussi, il faut bien l'avouer. Ils tiennent donc compte des 40 p. 100 et demandent: «Où dorment les enfants» au lieu de tenir compte des facteurs importants concernant les dépenses.

Ma deuxième préoccupation va à l'opposé de ce dont tout le monde parle. Il n'y a pas beaucoup de parents qui viennent à mon cabinet me dire qu'ils veulent leurs enfants 40 p. 100 du temps pour ne pas avoir à payer la pension alimentaire. Ce n'est pas un gros problème. Le problème c'est qu'à moins que les deux parents aient de gros moyens, ils n'ont généralement pas suffisamment d'argent pour fournir aux enfants deux foyers adéquats. Même si l'on n'aime pas faire de discrimination entre les sexes, c'est une réalité. Plus souvent qu'autrement, il y un parent émotionnel, et la plupart du temps, ce parent reste la mère. Cela n'a pas vraiment changé. Le fait est que les enfants doivent passer au moins la moitié de leur temps avec leur parent émotionnel.

Si leur parent émotionnel gagne 20 000 $ par an, il ne peut pas offrir un foyer adéquat aux enfants sans pension alimentaire. Même si l'autre parent garde les enfants la moitié du temps, 20 000 $ par an ne suffisent pas à faire vivre une famille. Cela ne pose pas de problèmes si les deux parents gagnent 50 000 $ et plus, car au Canada, tous ceux qui gagnent 50 000 $ ou même un peu moins peuvent apporter l'essentiel à leurs enfants. La question ne se pose même pas à ce niveau. Il s'agit seulement alors de décider comment se partager le temps avec les enfants et qui prend les décisions. À un niveau de 50 000 $, 40 000 $ ou même 30 000 $, peu importe si les deux parents gardent les enfants 50 p. 100 du temps. L'important c'est de savoir si le parent émotionnel, qui gagne 20 000 $, a besoin de la pension alimentaire pour répondre aux besoins fondamentaux des enfants.

Cela va à l'opposé de ce que j'entends dire. Nous devons nous préoccuper de ces questions et les tribunaux ont besoin de pouvoirs discrétionnaires. Ils en ont besoin pour dire que, même si chaque parent garde l'enfant 50 p. 100 du temps, un des deux doit payer une pension alimentaire à l'autre pour que les besoins de base des enfants puissent être satisfaits dans les deux ménages.

D'autre part, il est difficile de définir 40 p. 100. Les autres témoins ont peut-être beaucoup parlé d'autres problèmes, mais les gens ne se rendent pas compte que, même lorsque la garde est partagée de moitié, les deux ménages doivent pouvoir répondre aux besoins des enfants. Voilà ce que j'avais à dire au sujet de la garde partagée.

Je dirige un cabinet spécialisé dans le droit de la famille pour lequel travaillent sept avocats, ce qui représente un gros cabinet pour la Nouvelle-Écosse. Toutes sortes de renseignements circulent entre les avocats. Je reçois des piles de décisions prises suivant les lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants. La documentation que j'ai ici provient d'une réunion que l'Association provinciale du Barreau canadien a tenu le 30 janvier 1998. Il y a là certains des mémoires qui ont été présentés et plusieurs causes qui ne sont pas classées dans un ordre précis. Je peux vous remettre cette documentation si vous le désirez.

J'ai ramassé ce document hier, alors que je m'apprêtais à partir pour l'aéroport. Il est daté du 23 février 1998. C'est une note de service adressée par notre plus jeune avocat à ses collègues de notre cabinet. C'est un résumé de la jurisprudence concernant le coût de l'enseignement postsecondaire. Je vais vous le remettre également.

Pour ce qui est du coût de l'enseignement postsecondaire, j'ai entendu toutes sortes de plaintes quant au fait que les familles intactes n'ont pas à payer pour ces frais et que les familles séparées ne devaient donc pas les payer non plus. J'ai quelques commentaires à ce sujet, si cela vous intéresse.

Le sénateur Cohen: Je voudrais vous féliciter, vous et votre cabinet, pour avoir mis sur pied un programme d'éducation parentale qui me paraît positif. C'est très novateur.

Mme Reierson: Nous avons été les premiers au Canada. Il y a un an environ, le tribunal de la famille de Dartmouth a lancé un programme grâce à des gens comme Jim Williams. Néanmoins, ce programme est seulement offert à la clientèle de ce tribunal. Nous sommes très fiers du nôtre.

Le sénateur Cohen: Je vais en parler à notre comité sur la garde et le droit de visite des enfants.

Mme Reierson: Cela donne de bons résultats dans un cabinet juridique. Il faut un certain temps pour convaincre les autres avocats qu'ils devraient y envoyer leurs clients et que nous n'allons pas les leur voler vu que la procédure est déjà engagée.

Le sénateur Cohen: Pourriez-vous nous expliquer pourquoi cela fonctionne?

Mme Reierson: Nous avons des contacts avec bien des gens qui ne pensent pas en avoir besoin. Lorsqu'un parent vient me voir, que ce soit la mère ou le père -- je connais bien les deux côtés de la procédure -- j'insiste pour qu'il participe au programme d'éducation parentale. Il y a des frais modiques de 30 $ pour les fournitures, mais notre cabinet ne touche aucun honoraire. Nous payons l'animateur.

Je leur demande de participer à ce programme afin que je puisse dire au juge, si la cause va devant le tribunal, qu'ils ont suivi le cours. Je leur demande également la permission d'offrir ce cours à leur conjoint. Si ce dernier refuse, je le fais savoir au tribunal. Vous seriez sidérée de voir combien de gens finissent par participer au programme sous l'effet de telles pressions.

Le sénateur Cohen: Pour ce qui est de l'article 7 sur les ajouts, quels sont les éléments de la liste qui suscitent des problèmes? Est-il trop tôt pour suggérer des changements à l'article 7 des lignes directrices?

Mme Reierson: Les dépenses supplémentaires qui ne créent pas de problèmes sont les frais de garde d'enfants, si ce n'est que de nombreux avocats et juges ne savent pas encore comment fonctionne le régime fiscal au Canada. L'ancien régime fiscal posait également des problèmes. J'espère qu'ils apprendront.

Les primes d'assurances médicale et dentaire ne causent pas de difficultés, pas plus que les frais médicaux. Je m'attends à ce que, dans certains cas, des traitements de médecine douce qui semblaient souhaitables par le passé ne soient plus acceptables pour les parents à cause de leur coût.

Les dépenses extraordinaires pour les études primaires ou secondaires ne posent pas un sérieux problème en Nouvelle-Écosse étant donné qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui paient des écoles privées et ce genre de chose à leurs enfants et, s'ils le font, ils continuent à payer. Cette question n'a pas autant suscité la controverse qu'en Ontario.

Les dépenses d'études postsecondaires posent un problème, mais pas plus que par le passé. Les activités extrascolaires peuvent également poser un problème, car on ne sait pas exactement ce qui est inclut dans les dépenses «extraordinaires».

Le sénateur Jessiman: Vous dites qu'il serait difficile d'établir si la garde est partagée à 40 p. 100. Nous convenons tous que ce serait difficile. Ne pensez-vous pas qu'il serait tout aussi difficile d'établir si elle est «sensiblement égale»?

Mme Reierson: Non. Ce n'est pas moi qui ai proposé qu'elle soit «sensiblement égale», mais c'est une expression que j'ai entendue ici, ce matin. Je ne sais pas quelle est la bonne expression et le mot «égale» n'est peut-être pas le bon. Je ne vise pas 50 p. 100 plutôt que 40 p. 100. Je vise un élargissement de la possibilité d'inclure certaines activités.

Le sénateur Jessiman: Vous proposez d'inclure ce qui est justifié dans les circonstances.

Mme Reierson: Oui. «Sensiblement» est un bon mot, mais peut-être pas «égale». Je ne suis pas d'accord avec vous. Cette expression ne crée pas de problèmes d'interprétation. Les juges du droit de la famille ont l'habitude d'interpréter des expressions comme «sensiblement équitable» ou «moyens et besoins» et ils devraient continuer à le faire.

Le sénateur Jessiman: «Sensiblement équitable» pourrait être une expression préférable.

Mme Reierson: Oui, je préférerais cette expression à un pourcentage ou à l'égalité.

Le sénateur Jessiman: Vous dites qu'il y a toujours une discrimination fondée sur le sexe. Vous voulez sans doute dire que les juges penchent toujours en faveur d'un parent.

Mme Reierson: Non. Je représente de nombreux pères qui demandent la garde de leurs enfants. Comme je travaille à Halifax, ils ne sont peut-être pas aussi nombreux que dans le reste du pays. Je n'ai pas constaté que les tribunaux donnaient la préférence à un sexe ou à l'autre pour ce qui est de la garde et du droit de visite. J'avoue que, lorsque j'ai fait mes débuts dans la profession il y a une dizaine d'années, j'ai constaté une discrimination contre moi en tant qu'avocate et contre les hommes qui demandaient la garde de leurs enfants.

De nos jours, cette discrimination disparaît. C'est en partie attribuable aux excellents membres de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Les nouveaux juges qui y ont été nommés sont arrivés sans ce genre de préjugés.

J'ai dit qu'en réalité, plus souvent qu'autrement, plus de la moitié du temps, mais je n'ai pas des chiffres exacts, le parent émotionnel reste la mère. Ou bien elle reste à la maison ou elle passe plus de temps avec les enfants ou on s'attend à ce qu'elle s'occupe d'eux davantage. Les choses sont ainsi. C'est ce que j'ai dit.

Le sénateur Jessiman: Le compte rendu le confirmera, mais c'est bien.

Connaissez-vous la situation ailleurs comme au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie, dans l'État de Washington ou en Californie?

Mme Reierson: Je sais ce qui se passe par exemple dans l'État de Washington, où la préférence va à la garde partagée. Je ne connais pas parfaitement la loi en vigueur dans chacun de ces pays ou État.

Le sénateur Jessiman: Saviez-vous que deux ou trois d'entre eux ont des lois interdisant la discrimination fondée sur le sexe?

Mme Reierson: Oui. Je sais que la Californie et l'État de Washington ont mis en place une loi régissant la garde et le droit de visite qui accordait la préférence à la garde partagée et répartissait les droits et les responsabilités des parents en fonction des compétences particulières de ces derniers au lieu d'en confier la totalité à l'un ou à l'autre.

Le sénateur Jessiman: À mon époque, très peu de femmes travaillaient si bien que, naturellement, en cas de séparation, c'est la mère qui s'occupait des enfants. Mais comme vous le savez, les deux conjoints travaillent dans de nombreux ménages d'aujourd'hui. Voulez-vous dire que dans certains cas, ce sont les pères qui obtiennent la garde?

Mme Reierson: Oui, certainement. Les hommes de Nouvelle-Écosse qui veulent la garde de leurs enfants viennent souvent me voir parce que c'est moi qui m'en occupe.

Le sénateur Forest: Je me réjouis de vous entendre insister sur le bien-être des enfants. Le programme d'éducation parentale que votre cabinet a mis sur pied en est un bon exemple.

Je crois à l'enseignement postsecondaire et j'aimerais que vous nous en disiez plus sur les problèmes à cet égard, s'ils sont plus nombreux que prévu et ce qu'on pourrait faire pour y remédier.

Mme Reierson: Premièrement, les problèmes concernant l'enseignement postsecondaire s'apparentent à ceux que pose le calcul du revenu du conjoint payeur. Ils ne résultent pas des lignes directrices. Ils existent depuis qu'existe la pension alimentaire pour enfants. Les lignes directrices n'ont pas créé ces problèmes pas plus qu'elles ne les ont réglés et elles ne prévoient pas de mécanismes pour les résoudre.

Le coût des études postsecondaires n'est pas si difficile à déterminer étant donné que c'est un domaine dans lequel les tribunaux ont des pouvoirs discrétionnaires et chaque famille est différente. J'ai grandi dans une famille où personne ne m'a jamais demandé ce que j'allais faire, mais seulement quelle université j'allais fréquenter. Depuis que nous sommes nés, mes trois frères et soeurs et moi, il était entendu que nous irions à l'université. Il aurait été plutôt incongru que mes parents disent plus tard: «Maintenant que nous sommes séparés, nous n'allons plus payer vos études». J'ai grandi dans une ville de 800 habitants. Très peu de gens de cette localité sont allés à l'université; la plupart n'y ont même pas songé.

Je veux vous faire comprendre que, depuis des années, les tribunaux tiennent compte de l'histoire de la famille et des attentes des parents. Ils voient si les parents ont fait des études universitaires, si les enfants peuvent faire des études sur place ou s'ils doivent aller ailleurs, ce qui augmentera les dépenses. Tous ces facteurs restent les mêmes.

En lisant cette note de service, que je vais vous remettre, j'ai l'impression que les tribunaux décident si le payeur doit payer les études universitaires des enfants en fonction de la situation particulière de la famille.

Le sénateur Forest: C'est donc une décision individuelle.

Mme Reierson: Oui, et je crois que cela ne devrait pas changer. Ces lignes directrices laissent au tribunal des pouvoirs discrétionnaires pour examiner la situation de la famille.

Le sénateur Forest: Il y a eu certainement une jurisprudence avant que ces lignes directrices ne soient proposées.

Mme Reierson: Oui, les lignes directrices n'ont pas changé grand-chose.

Le sénateur Cools: Ma question porte sur les enfants majeurs qui font des études postsecondaires ou universitaires. Si j'ai bien compris, il n'y a généralement pas de conflit entre les parents quant à savoir si les enfants qui ont l'âge de faire des études universitaires doivent recevoir une aide financière. Le conflit porte généralement quant à savoir qui doit recevoir cet argent. Par exemple, de nombreux parents qui n'ont pas la garde des enfants m'ont dit qu'ils payaient 1 000 $ ou 1 200 $ par mois, mais que leur enfant, qui était dans une université à l'autre bout du pays, n'en touchait pas grand-chose.

Bruce Haines, un avocat de Toronto, nous a écrit une excellente lettre sur ce sujet. Il souligne que la seule raison pour laquelle la pension alimentaire des enfants majeurs était versée au parent qui en avait la garde était l'ancien régime fiscal et que ce régime ayant été supprimé ou modifié, il n'y a plus de raison de verser cet argent au parent. Il estime que la modification du régime fiscal est une raison de plus pour verser la pension à l'enfant.

Qu'en pensez-vous?

Mme Reierson: C'est une bonne question. Ces lignes directrices sont très utiles pour régler la question des études postsecondaires. M. Haines a raison. Si la pension était payée, jusqu'ici, au parent qui a la garde des enfants, c'était à cause du régime fiscal. Maintenant, nous avons des lignes directrices qui divisent le problème en deux éléments. Premièrement, le parent qui a la garde de l'enfant devrait-il continuer à recevoir de l'argent du fait que l'enfant réside toujours à la maison -- si c'est le cas -- ou qu'il revient à la maison une partie de l'année, si c'est le cas? À part cela, le parent payeur devrait-il verser un montant supplémentaire pour les études postsecondaires?

En lisant cette note de service, j'ai appris que les tribunaux comprenaient cette distinction. Ils décident si le parent qui a la garde de l'enfant doit recevoir un montant pour conserver un logement. Ils prennent une décision distincte au sujet des frais d'études postsecondaires et ordonnent que ces frais soient payés directement à l'enfant ou à l'établissement. À mon avis, c'est exactement ainsi que les choses devraient se passer.

Le président: Je suis désolé, mais nos collègues ont un caucus à 11 h 45. Nous n'aurons donc pas de temps pour un deuxième tour de questions.

Le sénateur Jessiman: C'est dommage parce que j'ai une question importante à soulever.

Le président: Je regrette. Nous manquons de temps. Toutefois, sénateur, si vous voulez soulever votre question, nous pourrons peut-être convaincre Mme Reierson de nous envoyer une réponse écrite.

Le sénateur Jessiman: Je voudrais savoir de quelle façon les lignes directrices ont modifié les décisions que les tribunaux ont déjà prises en ce qui concerne les enfants majeurs. Dans l'affaire Jackson c. Jackson, la Cour suprême du Canada a jugé, en 1973, qu'une fois que les enfants atteignaient l'âge de la majorité, le tribunal devait tenir compte de la situation particulière et des ressources financières des deux parents. Je pense que nous sommes tous d'accord. Vous l'avez dit vous-même. Les tribunaux ont également estimé que c'était à l'enfant ou au parent qui demandait la pension alimentaire de déterminer si l'enfant était toujours un enfant à charge. C'est à cette personne qu'il revient d'en faire la preuve et non pas au payeur.

Mme Reierson: Cela incombe à la personne qui désire modifier l'ordonnance en vigueur.

Le sénateur Jessiman: Oui, mais une fois que les enfants sont majeurs, il y a trois circonstances à considérer: l'invalidité, la maladie ou autre chose. Et selon l'interprétation des tribunaux, cette «autre chose» signifie l'enseignement postsecondaire. Cela fait partie des autres choses. Le fardeau de la preuve incombe à cette personne. Vous pourriez nous fournir une réponse écrite. Je vais au comité législatif qui examine les lois. Je pense que les lignes directrices contiennent des dispositions qui vont à l'encontre de la loi.

Mme Reierson: Le fardeau de la preuve devrait incomber à la personne qui désire modifier l'ordonnance. Si le parent qui a la garde veut augmenter le montant pour les études postsecondaires, c'est lui qui doit en faire la demande. Si le parent payeur veut réduire le montant de la pension, c'est à lui de le demander.

Le président: Je vous demanderais donc d'examiner la question du sénateur Jessiman. Il l'a soulevée plusieurs fois ici et je vous en ai parlé avant la réunion. Il estime qu'il y a là un problème constitutionnel en ce sens que les lignes directrices vont au-delà ou à l'encontre des intentions de la loi. Peut-être pourriez-vous en tenir compte.

Merci, madame Reierson.

Honorables sénateurs, avant que nous ne levions la séance, le sénateur Forest a une question à soulever.

Le sénateur Forest: Monsieur le président, comme vous le savez, notre vice-président, le sénateur Bosa, est malade depuis un certain temps et ne sait pas quand il pourra reprendre ses fonctions. Je voudrais signaler à la présidence que nous avons besoin d'un vice-président suppléant.

Le président: Merci, sénateur.

Êtes-vous d'accord pour que nous élisions un vice-président suppléant?

Des voix: Oui.

Le président: Avez-vous un nom à proposer, sénateur Forest?

Le sénateur Forest: Je voudrais proposer le nom du sénateur Kenny pour le poste de vice-président suppléant.

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Le sénateur Kenny est notre vice-président suppléant.

Ne le prenez pas personnellement, sénateur, mais j'espère que votre nomination sera de courte durée, car nous souhaitons tous le prompt retour de notre collègue, le sénateur Bosa.

La séance est levée.


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