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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages du 17 mars 1998


OTTAWA, le mardi 17 mars 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 heures pour étudier la mise en oeuvre et l'application du chapitre 1, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, et des lignes directrices qui s'y rapportent, soit les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous poursuivons ce matin notre étude du mandat que nous a confié le Sénat, à savoir examiner les lignes directrices fédérales sur les pensions alimentaires pour enfants.

Notre premier témoin est M. Barry R. Gardiner, FCA, comptable agréé d'Edmonton. Il est l'un de ceux qui ont mis au point un logiciel appelé ChildView dont se servent les gouvernements de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et de l'Île-du-Prince-Édouard ainsi que des spécialistes du droit de la famille dans ces provinces pour l'application des lignes directrices sur les pensions alimentaires pour enfants. Il possède une vaste expérience en ce qui concerne le soutien juridique en droit de la famille. M. Gardiner vient de terminer une étude de 2 800 dossiers portant sur des demandes de pensions alimentaires pour enfants et adressées au système judiciaire de l'Alberta entre le 1er mai et le 31 décembre 1997. Grâce à l'analyse de ces cas, M. Gardiner pourra donner au comité une idée de la façon dont les lignes directrices sont appliquées.

Bienvenue, monsieur Gardiner. Je suppose que vous voulez faire une déclaration préliminaire, après quoi les sénateurs pourront poser des questions.

M. Barry R. Gardiner, FCA, comptable agréé: Je vous remercie de me donner la possibilité de témoigner aujourd'hui.

La perspective que j'ai à propos des lignes directrices est différente de celle de la plupart des autres témoins qui comparaissent devant vous en ce sens que je m'intéresse à l'application des lignes directrices ainsi qu'à la prestation des services.

Comme l'a dit le président, je suis comptable agréé. L'un des domaines dans lesquels je me suis spécialisé depuis 18 ans est le soutien juridique, en particulier en ce qui concerne les biens matrimoniaux et les questions de pensions alimentaires, tant pour les enfants que pour les conjoints. Pour ces raisons, mon entreprise avait besoin de logiciels pour nous aider à évaluer les effets après imposition des pensions alimentaires pour enfants et conjoints, et ce, avant le 1er mai 1997, date à partir de laquelle ces deux formes de pensions ont été considérées comme des revenus.

Après la mise en place des lignes directrices, nous avons constaté qu'il nous faudrait modifier nos logiciels en profondeur. En étudiant les premières ébauches des lignes directrices ou les règlements de la Loi sur le divorce, je me suis aperçu qu'il ne suffisait plus de consulter un montant figurant dans un tableau et déterminé à partir du nombre d'enfants dans une province et que la situation se compliquerait grandement pour les profanes s'intéressant aux dépenses spéciales, en particulier aux trois formes de dépenses qui influent sur l'imposition, ainsi qu'au critère du niveau de vie, qui est déterminé en grande partie par l'impôt sur le revenu.

Comme je m'intéressais à la question du soutien juridique, j'ai senti que je devais avoir une très bonne compréhension ainsi qu'une connaissance approfondie des lignes directrices et des chiffres qu'elles comportent. Je voulais également savoir comment le système judiciaire pourrait faire ces calculs et prendre des décisions.

Par conséquent, même si les logiciels n'ont servi qu'à l'interne pendant de nombreuses années, mon associé et moi avons décidé de les offrir à d'autres, et nous nous sommes lancés dans la production de logiciels. Nous avons alors compris la complexité de l'entreprise car chaque province utilise ses propres formulaires et méthodes, non pas pour le calcul des sommes visées dans les lignes directrices, mais pour fournir de l'information au système judiciaire. Dans certaines provinces, les juges disposent d'ordinateurs et d'autres outils pour les aider, mais dans d'autres, ce n'est pas le cas.

Mon autre perspective est celle de la prestation des services. Les logiciels sont également accessibles aux avocats et aux parents, et je m'en suis servi lors de médiations, en particulier pour aider des couples à fixer des montants raisonnables pour des pensions alimentaires, à partir des lignes directrices.

La plupart des aspects des lignes directrices sont, à mon avis, positifs. Comme tout bon comptable, je suppose, j'aime la constance dans l'application. Je me réjouis qu'on ait tenté de prévoir ce que j'appelle un «article 3», c'est-à-dire une limite inférieure pour les montants figurant dans les tableaux. Lorsque les couples se demandent comment fournir un soutien approprié à leurs enfants et ce qu'on attend d'eux d'après le montant prévu à l'article 3, ce montant, qui figure dans les tableaux, leur fournit un point de départ.

Du point de vue comptable, je suis très content qu'on ait supprimé les arguments fondés sur le budget, c'est-à-dire l'ancienne méthode dont on se servait pour fixer les pensions alimentaires pour enfants en évaluant les coûts qu'elles entraînaient. Des considérations d'ordre fiscal, les suppléments et d'autres facteurs de même nature compliquaient encore le processus car la plupart des arguments tournaient autour de très petits montants représentant des dépenses pour enfants qui devaient être jugées acceptables ou non. Selon ce processus, les budgets étaient parfois gonflés ou, dans bien des cas, sous-évalués. L'abolition de cette méthode désuète devrait se traduire par une réduction substantielle des frais juridiques pour les couples.

Dans certains cas, je me réjouis que les pensions alimentaires versées pour des enfants soient exonérées d'impôt. Cette formule comporte des avantages pour bien des gens à qui elles sont versées. En pratique, nombre de prestataires de ces pensions m'ont dit qu'ils les dépenseraient en entier avant le 1er mai et qu'ils sauraient en avril combien ils doivent verser en impôt. Ils éprouveraient des difficultés financières le reste de l'année car Revenu Canada tenterait de récupérer l'impôt. L'exonération d'impôt permet aux gens qui ne peuvent établir de budget pour l'impôt sur le revenu ou faire des versements de dépenser tout ce qu'ils reçoivent.

Les lignes directrices sont également axées sur le règlement des différends car elles ramènent en grande partie le problème au revenu, au nombre d'enfants et au montant figurant dans les tableaux.

Ces lignes directrices comportent toutefois certains aspects négatifs. L'un d'entre eux, toujours du point de vue d'un comptable agréé, est la suppression de la possibilité de planifier l'impôt qui existait lorsque les tranches d'imposition du payeur et du prestataire étaient différentes. Dans le passé, lorsque le payeur touchait un revenu très élevé et que le prestataire devait se contenter d'un revenu très faible, il existait des possibilités de planification d'impôt qui ont été supprimées. Cependant, ces possibilités existent toujours dans le cas des pensions alimentaires versées à des conjoints.

L'autre aspect négatif qui, d'après moi, disparaîtra avec le temps, a trait à l'éducation et à la formation. Il faudra un certain temps à la magistrature, au barreau et aux parents pour comprendre comment les lignes directrices fonctionnent indépendamment des montants figurant dans les tableaux.

J'ai fait un certain nombre de suggestions dans mon mémoire, et j'en ai d'autres que je n'ai pas mises par écrit. J'estime que le critère du niveau de vie dans les cas de difficultés excessives est extrêmement compliqué. Actuellement, bien des gens ne le comprennent pas. En tant que comptable, je préférerais qu'on songe à ramener le critère du niveau de vie à une mesure des liquidités plutôt qu'à un ratio. Actuellement, le critère du niveau de vie, prévu à l'annexe II des lignes directrices, se résume à la valeur absolue de deux nombres: 1,38 et 1,79.

Même si je comprends l'objet de ces mesures, je crois qu'en général, les gens évaluent leur situation financière en regardant combien ils ont en banque à la fin du mois. Selon moi, il faut évaluer le niveau de vie en fonction des liquidités qui subsistent après paiement de toutes les obligations plutôt que sous forme de ratio. C'est très simple à faire parce que le critère du niveau de vie réduit en fait le revenu d'une personne selon les lignes directrices puis déduit l'impôt sur le revenu et les pensions alimentaires pour enfants. On tente d'analyser les liquidités, mais l'analyse nécessaire n'est pas menée à terme.

Lors de mes déplacements au Canada, tant à des fins de formation qu'au cours de rencontres que j'ai eues avec des représentants de gouvernements provinciaux à ce sujet, certains juges m'ont confié qu'au début de l'application des lignes directrices, on manquait de soutien technologique, d'ordinateurs et de logiciels et même de personnel dans bien des cas. Je pense que la situation s'améliorera avec le temps car les provinces ont reçu des fonds pour les aider à lancer le processus. Selon moi, elles devraient certainement utiliser ces fonds, notamment pour former les juges et les greffiers des tribunaux.

En ce qui a trait aux dépenses spéciales, j'aimerais faire les commentaires suivants. Comme vous le savez, les lignes directrices prévoient six formes de dépenses spéciales, dont trois sont liées à des événements majeurs dans la vie d'une famille, unie ou morcelée. Ces trois grandes catégories sont les dépenses relatives à la garde des enfants, aux soins médicaux majeurs et à l'éducation postsecondaire. Les trois formes sont traitées différemment au niveau fiscal et peuvent être considérées par nombre de familles comme des dépenses de base. Les dépenses pour la garde des enfants correspondent à ce qui doit être déboursé pour qu'un des conjoints puisse gagner un revenu. Les dépenses pour soins médicaux majeurs, qui ne devraient pas être refusés aux enfants, et les dépenses qu'entraîne l'éducation postsecondaire, qui concernent en général les études que font les enfants plus âgés dans des universités ou des collèges, sont les plus importantes des dépenses spéciales.

Je propose de supprimer les trois autres catégories parce qu'à mon avis, elles ne sont pas essentielles. La première concerne les primes pour soins médicaux et dentaires, dépenses nécessaires mais très peu élevées. Les dépenses pour enseignement primaire et activités parascolaires sont discrétionnaires, du moins pour les parents. Dans certains cas, elles peuvent certainement être nécessaires, mais je crois que dans l'ensemble, elles sont discrétionnaires.

Je propose que les trois premières catégories de dépenses spéciales, soit pour la garde des enfants, les soins médicaux majeurs et l'enseignement postsecondaire, demeurent inchangées et qu'on remplace les dépenses pour primes pour soins médicaux et dentaires, enseignement primaire et activités parascolaires par un montant plus élevé qui refléterait ces trois dernières catégories dans les tableaux. Autrement dit, si l'on supprimait certaines dépenses spéciales, les montants figurant dans les tableaux pourraient être quelque peu majorés pour en tenir compte, de sorte que les arguments qu'on invoque au Canada à propos des cours d'équitation, de golf ou de piano et des voyages scolaires ne tiendraient plus, et les montants figurant dans les tableaux seraient haussés de façon à reconnaître que ces dépenses sont effectivement engagées par des familles à revenu plus élevé.

Mon quatrième commentaire est que la responsabilité parentale partagée est un arrangement unique. Par le passé, j'ai aidé nombre de pères et de mères à s'entendre sur les coûts que comporte cette entente. Ces parents font en général preuve d'une très grande collaboration. Autrement dit, ils peuvent dialoguer entre eux et avec un tiers comme moi. Ils essaient d'en venir à un accord sur les modalités financières et tous les autres aspects de l'existence de leurs enfants. Les parents qui partagent la garde des enfants n'ont pas de difficultés à s'entendre sur les questions financières, le droit de visite et la garde. Ils sont très coopératifs. Je ne crois pas qu'on puisse créer une formule pour ces parents. En d'autres termes, les lignes directrices prévoient, à l'article 9, un processus permettant aux parents qui partagent la garde de prendre des arrangements financiers. On constate que la majorité des parents dans cette situation peuvent s'entendre sur la plupart des questions, et il n'est donc pas nécessaire d'établir une formule à leur intention.

J'ai également parlé de l'instruction et de la formation des juges et des avocats. Actuellement, ils ne comprennent pas certains des aspects les plus complexes des lignes directrices. Je crois qu'avec le temps, la jurisprudence et la formation nécessaire, ils viendront à les comprendre. Selon moi, les avocats et les juges ne saisissent pas à quel point les pensions alimentaires pour conjoints influent sur les effets des lignes directrices, en particulier sur l'article 7.

Il faut aussi parler des conséquences du versement des pensions alimentaires pour conjoints. Si vous en recevez une, vous perdez d'autres avantages liés aux enfants. Par exemple, si votre revenu imposable augmente, vous perdez la prestation fiscale pour enfants, les crédits pour la TPS et d'autres prestations provinciales qui sont calculées d'après votre revenu. Un jour, les avocats et les juges comprendront l'effet des liens et de la dynamique entre les pensions alimentaires pour enfants et pour conjoints.

Bien que cet aspect ne concerne pas mes activités de tous les jours, depuis que j'ai commencé à produire des logiciels, j'en suis venu à penser que ceux qui en produisent doivent être régis par des normes uniformes. Il existe actuellement quatre programmes au Canada. L'un d'eux est exploité au Québec et au Québec seulement. Les trois autres ont été produits pour être utilisés ailleurs qu'au Québec: ChildView, dont je suis auteur et coauteur, Divorce Mate et Support Works. L'une des difficultés que pose un logiciel est que selon la façon dont il est conçu, vous obtenez des résultats différents en entrant les mêmes données. En tant que comptable agréé, je connais bien le fonctionnement de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans mon cabinet d'experts-comptables, nous nous servons de logiciels pour produire des déclarations de revenus et je sais que si j'utilise un type de logiciels puis un autre, j'obtiendrai les mêmes résultats. Je m'y attends. Mais en ce qui concerne les logiciels portant sur les lignes directrices pour pensions alimentaires pour enfants, on obtient des réponses différentes à cause d'interprétations différentes. Malheureusement, on aboutit à des résultats différents pour une même situation, ce qui me trouble compte tenu de mon expérience avec la Loi de l'impôt sur le revenu.

En ce moment, je suis en contact en Alberta avec un juge du Banc de la Reine qui pose les questions suivantes. Qui surveillera les logiciels? Pourquoi devraient-ils être surveillés? Pourquoi obtenons-nous des résultats différents à partir des mêmes données? Comment les tribunaux accepteront-ils ce genre de preuve électronique? Autrement dit, si une demande est adressée à un tribunal, dois-je m'y rendre chaque fois pour expliquer comment les lignes directrices sont appliquées selon un programme informatique ou le tribunal ne devrait-il pas prendre note que ces logiciels produisent des résultats escomptés? Malheureusement, les logiciels peuvent changer du jour au lendemain parce qu'en modifiant certains codes de sources, leurs auteurs peuvent obtenir un jour des résultats différents de ceux de la veille. Ce fait me trouble car j'estime que pour être appliquées convenablement, les lignes directrices doivent faire appel à des logiciels débouchant sur des résultats.

Le ministère de la Justice a convoqué ici même à Ottawa les quatre producteurs de logiciels et leur a demandé de soumettre leurs logiciels à une étude visant à déterminer s'ils sont suffisamment normalisés et s'ils peuvent utiliser les mêmes paramètres; un dialogue s'est donc établi avec le ministère de la Justice pour faire en sorte que les résultats obtenus à partir des divers types de logiciels soient normalisés.

Ce sont là mes commentaires généraux. Je crois que vous avez tous en main une copie d'une base de données que j'ai réalisée. N'étant ni statisticien chevronné ni scientifique spécialiste des affaires sociales, je ne commente pas nécessairement le contenu des données. Cependant, certains éléments de la base de données m'ont surpris, en particulier en ce qui a trait à l'identité des requérants, à la taille des familles, aux différences entre les demandes adressées par des couples mariés en vertu de la Loi sur le divorce, par opposition à celles qui proviennent de couples non mariés et qui sont régis par les lois provinciales.

Si vous avez des questions à propos de mes commentaires ou de la base de données, je me ferai un plaisir d'y répondre.

Le président: Avez-vous eu l'occasion d'examiner le mémoire que nous a présenté la Equitable Child Maintenance and Access Society dont nous entendrons des représentants dans quelques minutes?

M. Gardiner: On m'en a donné un exemplaire ce matin. Ce groupe est établi en Alberta. J'ai remis à M. LaBerge et à Mme Forbister des copies de mes travaux car je crois qu'il est juste que chaque groupe qui comparaît devant le comité ait accès aux données provenant de cas réels.

Le président: On trouve aux pages 15 et 16 un résumé de leurs recommandations. Vous avez abordé quelques-unes de ces questions dans votre déclaration préliminaire.

Je vous demanderais, si ça ne vous dérange pas, d'y jeter un coup d'oeil. Certaines de ces recommandations représentent des jugements de valeur, c'est-à-dire qu'elles portent sur des questions politiques sur lesquelles votre opinion est aussi valable que celle de quiconque, mais peut-être pas aussi valable que la mienne, sans vouloir vous offenser. Par contre, il en est d'autres à propos desquelles votre opinion professionnelle, votre expérience et vos connaissances seraient extrêmement utiles au comité.

Pourriez-vous en prendre connaissance et les commenter toutes ou en partie selon votre bon vouloir.

M. Gardiner: La première recommandation est celle-ci:

Que les lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants soient établies en fonction du revenu du père et de la mère.

Celle-ci retient mon attention car, comme vous le savez, les tableaux des lignes directrices se fondent sur des présomptions, en ce sens que même si vous considérez le revenu du parent qui n'a pas la garde des enfants, le modèle québécois est mieux compris. Dans ce cas-ci, vous examinez le revenu des deux et dites, par exemple, que le parent qui n'a pas la garde doit contribuer 500 $ et que celui qui a la garde doit fournir 200 $. On comprend très mal que cette équation puisse n'avoir qu'un membre. J'aime le modèle québécois qui tient compte du revenu des deux parents.

Le président: En général, vous appuyez la recommandation numéro 1?

M. Gardiner: Elle se fonde sur le revenu des deux parents. La situation est implicite, mais sans être visible ou transparente.

Le président: Continuez de lire les recommandations, monsieur Gardiner.

M. Gardiner: La recommandation numéro 2 dit ceci:

Que les lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants tiennent compte des frais fixes de l'ex-conjoint qui n'en a pas la garde associés au foyer qu'il doit leur fournir.

J'ignore comment les montants figurant dans les tableaux ont été fixés. Je suppose que quelqu'un, un jour, a décidé de la façon de les établir et a certainement voulu tenir compte des frais fixes liés à l'entretien des résidences.

La recommandation numéro 3 dit ceci:

Que les lignes directrices relatives aux pensions alimentaires pour enfants soient établies en fonction d'une échelle mobile tenant compte du temps que les deux ex-conjoints passent avec leurs enfants.

Mon expérience me porte à me méfier de cette disposition. Depuis que nous avons fixé le seuil des 40 p. 100, j'ai vu des gens compter les jours pour arriver au total de 146. À ma connaissance, il n'y a pas eu d'interprétation judiciaire pour déterminer ce que signifie cette règle des 40 p. 100. Est-ce le temps de veille, par exemple? Les parents ne sont pas responsables de leurs enfants pendant à peine une heure, mais 24 heures sur 24. Le partage des responsabilités à parts égales est l'arrangement le plus valable en matière parentale. Une échelle mobile prenant en compte les visites ou le temps passé avec chaque parent débouche sur une société de commis comptables qui notent le nombre d'heures passées avec les enfants. Ça me laisse perplexe.

La recommandation numéro 6 se lit ainsi:

Que l'on demande à un fiscaliste d'examiner les montants fixés par les lignes directrices, de même que leurs conséquences fiscales, et de faire des recommandations à leur sujet.

J'aimerais qu'il en soit ainsi. Politiques et règlements ont une foule d'implications en matière d'impôt, et la question devrait être confiée à ceux qui peuvent aider les groupes à comprendre les conséquences que comportent certaines décisions.

La recommandation numéro 7 est la suivante:

Que les auteurs des lignes directrices précisent ce qu'ils entendent par dépenses «extraordinaires» et dépenses «ordinaires», et que ce ne soit pas à la jurisprudence de le déterminer.

Je suis d'avis que ces dépenses ne devraient qu'être réduites. Si vous pouvez supprimer des sources de conflit, vous rendrez service aux nombreux parents vivant dans des foyers divisés. Ils pourront ainsi porter plus d'attention à leurs enfants qu'à des montants insignifiants. Vous seriez surpris de connaître les frais juridiques engagés à cause de cours de piano, par exemple. C'est incroyable. Je supprimerais les dépenses liées aux activités parascolaires et fixerais un montant plus élevé dans le tableau pour tenir compte des cours de piano.

La recommandation numéro 9 dit:

Que l'on précise le concept de «difficultés excessives», en ne perdant pas de vue que le conjoint débiteur doit pouvoir disposer de suffisamment d'argent pour vivre.

Dans ce cas-ci, le mot clé est liquidités et non-ratio.

La recommandation numéro 10 est la suivante:

Que le comité recommande que l'on rétablisse le traitement fiscal de l'inclusion et de la déduction.

On pourrait offrir ici un choix. Ceux qui voudraient se prévaloir de cette disposition tireraient parti des résultats. D'autres préféreraient recevoir un montant net au lieu de verser des acomptes provisionnels.

La recommandation numéro 12 dit:

Que l'on procède immédiatement à l'examen des lignes directrices, plutôt que d'attendre quatre ans.

Je suis d'accord. Je ne connais pas le mandat du comité, mais je lui conseillerais d'entendre les témoignages et de faire ses recommandations sans délai afin que nous n'ayons pas à attendre cinq ans avant de faire des changements, car l'inertie risque de s'installer. Une fois les choses en place, elles ne changeront pas avant longtemps. Il serait louable que le comité puisse faire des recommandations et que celles-ci soient retenues. Je n'attendrais pas cinq ans avant de tirer des conclusions.

Recommandation numéro 13:

Que la pension alimentaire prenne fin lorsque les enfants ont atteint l'âge de la majorité ou terminé leurs études secondaires (école secondaire), selon la dernière de ces deux éventualités.

Je connais les graves difficultés qu'éprouvent les enfants à leur majorité ou par la suite. En Alberta, on atteint la majorité à 19 ans. La base de données fait état de très peu de demandes présentées pour des enfants ayant l'âge de la majorité ou plus âgés. Dans la base de données, l'âge moyen des enfants visés en Alberta est de huit ou neuf ans. Les enfants ayant atteint l'âge adulte font exception. Peut-être devrions-nous traiter différemment les cas d'enfants adultes ayant 18, 19 ou 20 ans et nécessitant un soutien financier de la part d'un parent ou des deux pour payer leurs études postsecondaires.

Les trois recommandations suivantes disent ceci:

14. Si le soutien financier des enfants qui ont atteint l'âge de la majorité ou terminé leurs études secondaires doit se poursuivre, que les deux conjoints y soient tenus par la loi.

15. Que les déductions des frais de scolarité et des frais d'études soient attribuées aux parents payeurs proportionnellement au soutien qu'ils accordent.

16. Que ce soit au parent qui a la garde des enfants qu'il incombe de demander des modifications à l'ordonnance alimentaire au profit d'un enfant pour que celle-ci soit maintenue après l'âge de la majorité.

Ces recommandations visent toutes l'enfant adulte qui peut contribuer à son éducation, qui vit peut-être avec un de ses parents ou avec les deux à tour de rôle ou qui ne vit peut-être pas avec eux, mais se trouve dans le besoin. Les adolescents ou les jeunes adultes qui font des études postsecondaires sont dans une situation particulière.

J'approuve certaines de ces recommandations, mais j'en conteste d'autres; certaines risquent de rendre la situation encore plus complexe. L'objectif est de simplifier les choses, mais le processus doit être transparent. Les gens touchés par les lignes directrices doivent comprendre comment elles ont été instaurées au lieu de les contester; ils doivent comprendre leur genèse et savoir qu'elles s'appliquent à tous.

Le président: Merci, monsieur Gardiner.

Le sénateur Cools: Je tiens à remercier M. Gardiner pour avoir comparu devant nous ce matin. Je crois qu'il a consacré beaucoup de temps à ses travaux. Comme son témoignage est beaucoup plus dense que d'autres que nous avons recueillis lors de séances antérieures, je propose que ses documents soient versés au compte rendu.

Nombre de témoins consacrent beaucoup de temps à la rédaction de leurs documents, puis les résument devant nous pour prendre moins de temps, et le compte rendu ne fait état que de ce qu'ils ont dit.

Monsieur le président, le texte de M. Gardiner pourrait-il être versé au compte rendu?

Le président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: C'est d'accord.

(Pour le texte du document, voir l'Annexe 5900/S2-SS-1, 6 «1», p. 6«1»: 8. )

Le sénateur Cools: Monsieur Gardiner, nous sommes toujours heureux lorsque comparaissent devant le comité des témoins de votre calibre à qui on peut demander leur avis sur les recommandations du groupe de témoins suivant. Je vous félicite, de même que les prochains témoins. Je dois dire qu'il se fait un travail fantastique en Alberta dans ce domaine particulier.

Vous avez dit que le comité et les sénateurs devraient se dépêcher de tirer leurs conclusions. Les autres témoins que nous avons accueillis et qui sont en général tous des avocats nous ont dit qu'il était trop tôt pour se prononcer. Vous nous conseillez de tirer des conclusions avant que les systèmes, les attitudes et les méthodes figent. Je vous demande de persister dans votre commentaire.

Le sénateur Cohen: J'aimerais poser une autre question à ce propos. Vous avez également dit, monsieur Gardiner, que les lignes directrices seraient revues dans cinq ans. Je tiens à signaler que lorsque le comité étudiant le projet de loi C-41 s'est réuni, nombre d'entre nous avons déclaré qu'une période de cinq ans était trop longue et que nous aurions aimé que les lignes directrices soient réexaminées dans deux ou trois ans.

Le président: Nous pouvons faire rapport n'importe quand.

Le sénateur Cools: Oui. J'ai examiné une partie de la jurisprudence et j'ai trouvé un cas pour lequel M. Gardiner était témoin expert. Il s'agit de l'affaire Middleton c. MacPherson qui a été entendue à la Cour du Banc de la Reine en Alberta, en juin 1997. À la page 341 de son jugement dans cette affaire, le juge Moreau a dit:

Il serait plus facile pour les tribunaux de déterminer ce qu'est une dépense extraordinaire au titre des études s'ils savaient de quelles dépenses il a été tenu compte pour l'établissement des montants figurant dans les tableaux.

Monsieur Gardiner, vos préoccupations sont plus répandues que nous ne pensons.

Vous parlez de la nécessité que le ministère de la Justice, et donc le Parlement, accorde une attention particulière à la question des normes d'utilisation des logiciels. Je ne vous poserai pas de question à ce sujet, mais je vous remercie de cette recommandation. Monsieur le président, lorsque les représentants du ministère de la Justice comparaîtront à nouveau devant nous, nous pourrions peut-être leur demander d'examiner la question même que M. Gardiner a soulevée.

Honorables sénateurs, il ne faut jamais oublier qu'on nous a dit que ces lignes directrices étaient nécessaires pour simplifier le domaine. Il serait plus simple, par souci d'uniformisation, de prendre des montants du tableau sur lesquels tout le monde puisse se baser. On nous dit maintenant que cela est incroyablement compliqué et qu'une quantité impressionnante de logiciels et de programmes est nécessaire pour que les juges et les avocats puissent comprendre tout cela. De plus, à moins de faire très attention, certains des logiciels actuellement utilisés peuvent produire des résultats différents.

Le dernier point que j'aimerais souligner au sujet des observations de M. Gardiner est sa préoccupation concernant les recommandations du témoin suivant sur le fait que les lignes directrices soient basées sur le revenu des deux parents. Je crois que le témoin a dit avoir du respect pour le modèle du Québec, où les deux revenus sont pris en considération.

Monsieur Gardiner, la raison pour laquelle je précise cela, c'est que vous ne connaissez pas la raison d'être de notre comité et comment nous en sommes venus à ce point. Les renseignements que vous avez présentés ce matin sont difficiles à soumettre au comité. Je dirais même qu'ils sont vagues. C'est le genre de renseignements dont nous avons vraiment besoin. Un des problèmes que cela nous pose est que ces lignes directrices sont appelées «lignes directrices», mais en réalité, elles n'en sont pas. C'est un exercice original de l'utilisation de ce qu'on appelle des lois «subordonnées» ou «déléguées». Autrement dit, des règlements. Il s'agit d'une situation inhabituelle à laquelle nombre d'entre nous se sont objectés lorsque nous a été présenté le projet de loi C-41, qui était essentiellement l'utilisation de règlements pour élaborer ces commandements, ces ordonnances.

Vous n'avez pas bien saisi cela et je me demande si cela vous est possible, en ce qui concerne le recours aux pouvoirs réglementaires pour y parvenir.

M. Gardiner: J'essaierais de répondre à votre question si je comprenais la nécessité politique de tout cela.

Sénateur Cools, votre observation sur les renseignements vagues est intéressante. Je savais cela en Alberta, parce que nous avons commencé le 1er mai, nous avions des données. Elles étaient produites quotidiennement par l'appareil judiciaire. Je tenais avant tout à avoir accès à l'information publique sur ce qui se passe le plus vite possible. Ma prochaine tâche sera d'analyser les dépenses spéciales. Je veux savoir laquelle des six dépenses spéciales est la plus souvent demandée, l'âge des enfants concernés, la fréquence, et cetera, pour pouvoir confirmer mon opinion personnelle que trois d'entre elles sont vraiment importantes et que les trois autres le sont moins, ces dernières concernant les activités parascolaires. C'est un domaine pour lequel vous créez des litiges, car si nous ne débattions pas de budgets gonflés auparavant, nous discutons maintenant pour savoir si des leçons de piano seront prises ou non, si le fils devrait devenir danseur de ballet ou golfeur professionnel. Il faudrait éviter ce genre de choses et pour ce faire, il faut les supprimer d'une des exceptions.

Nous disposons des données. Des projets pilotes fédéraux à court terme sont en cours dans l'ensemble du Canada. Le comité devrait avoir accès aux résultats de ces projets dans le courant de l'été. Je peux vous dire d'avance, au moins en ce qui concerne l'Alberta, ce que vous devriez commencer à voir, c'est-à-dire que les demandeurs et les payeurs sont des hommes et des femmes, les deux ont la garde et il y a des parents qui n'ont pas obtenu la garde.

En ce qui concerne la variation des revenus, il est intéressant de remarquer qu'en situation de responsabilités partagées, le revenu des hommes comme des femmes est plus élevé qu'en situation de garde exclusive ou de garde partagée. Cela indique que le parent qui assume des responsabilités partagées gagne beaucoup d'argent ou plus que la moyenne. C'est intéressant, cependant, je ne sais pas si cela mène à une modification de la loi.

Pour en revenir à votre observation, sénateur Cohen, je savais que les lignes directrices devaient être revues dans cinq ans et je suis heureux d'apprendre que quelque chose sera fait d'ici deux ou trois ans si elles contiennent des iniquités, plutôt que de continuer comme si de rien n'était.

Le sénateur Losier-Cool: Ma question est peut-être plus pertinente pour le groupe qui suit, mais vous avez parlé de responsabilités partagées en indiquant que cela fonctionne et qu'on ne voit pas la nécessité d'inclure une section sur ce point.

Dans les cas de responsabilités partagées que je connais, les parents doivent avoir de l'argent pour que cela fonctionne. Est-ce que vous avez eu la même impression dans les cas que vous avez étudiés?

M. Gardiner: C'est ce que j'ai constaté. Dans l'analyse des cas albertains, les parents en situation de responsabilités partagées envers leurs enfants ont des revenus supérieurs à la moyenne. C'est évident, il y a double emploi des foyers, chacun des parents ayant en général une maison de trois chambres à coucher. Il peut également y avoir dédoublement des coûts liés aux enfants, et cetera.

Les parents dans ces situations ont nécessairement un revenu supérieur à la moyenne. Pour les parents qui aimeraient avoir un tel arrangement et dont le revenu de l'un d'eux est nettement inférieur à celui de l'autre, cela est impossible, à moins qu'une pension alimentaire ne soit versée par l'un des parents à l'autre.

Le sénateur Cools: C'est ce pourquoi le divorce est fait, c'est-à-dire les gens riches.

Le président: Le sénateur Losier-Cool vient du Nouveau-Brunswick, comme le sénateur Cohen.

Le sénateur Cohen: Ma question porte sur l'autre extrémité de l'échelle économique. Qu'arrive-t-il aux gens pauvres qui ne peuvent se payer les services d'un avocat ou d'un comptable? Qu'advient-il d'eux? Qui peut leur apporter le soutien dont ils ont besoin?

M. Gardiner: Pour comprendre les lignes directrices?

Le sénateur Cohen: Oui, parce que l'aide juridique a presque disparu.

M. Gardiner: En Alberta -- mais cela n'est malheureusement pas le cas dans l'ensemble du Canada -- il existe des centres d'aide aux enfants à Edmonton et à Calgary. Les gens non représentés, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas de revenu, peuvent se présenter à ces centres et remplir des questionnaires. On les aidera à en venir à une conclusion sur le montant indiqué dans les tableaux et leurs dépenses. On les fait ensuite comparaître devant un juge avec une analyse complète de leur situation basée sur des preuves factuelles, c'est-à-dire déclarations de revenus et autres. L'appareil judiciaire de l'Alberta peut offrir de l'aide.

Le sénateur Cohen: Qu'arrive-t-il aux personnes non représentées qui ne comprennent pas les aspects juridiques ou qui se disent préoccupées parce qu'elles n'ont pas d'instruction?

M. Gardiner: Dans les centres d'aide aux enfants d'Edmonton et de Calgary, il y a des avocats. Ce ne sont pas des commis, mais de vrais avocats qui comprennent la loi. Une représentation équitable est fournie. Cela est assuré par l'aide juridique.

Cependant, d'autres provinces ne sont pas prêtes à aider les personnes non représentées ou ne connaissant pas les lignes directrices et les incidences qu'elles peuvent avoir sur leur vie. C'est ennuyeux, car lorsque des règlements touchent les gens, il faudrait que ces derniers les connaissent.

Le sénateur Cohen: M. Gardiner a dit que nous devions instruire et former les juges et les avocats. Il a également déclaré qu'ils ont besoin de plus de soutien pour l'utilisation des logiciels, ce qu'ils n'ont pas, et cetera. Vous avez également dit espérer que cette situation change à l'avenir et que cela finira par se produire.

Je m'inquiète du fait que ces lignes directrices n'auraient pas dû être adoptées avant que tout cela ne soit mis en place. Les lignes directrices touchant le mariage, les enfants et le bien-être des familles sont maintenant en vigueur, alors que les juges et les avocats ont encore besoin de formation pour pouvoir les appliquer.

Il faudra penser à cela à l'avenir, car cette situation est injuste pour les Canadiens.

Le président: Encore merci, monsieur Gardiner, pour votre témoignage de ce matin et pour les documents que vous nous avez apportés et qui constitueront une partie du dossier et du compte rendu textuel du comité.

Nous entendrons maintenant Mme Marina Forbister et M. Michael LaBerge de la Equitable Child Maintenance and Access Society.

La Equitable Child Maintenance and Access Society représente actuellement plus de 1 700 familles de l'Ouest canadien. Ses membres sont des hommes et des femmes de l'Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Saskatchewan et du Manitoba. Ce sont des parents, ayant la garde de leurs enfants ou non, des grands-parents et d'autres personnes préoccupées par les injustices qui découlent de l'éclatement des foyers.

Vous nous avez présenté un mémoire. Vous avez la parole.

M. Michael A. LaBerge, président, Equitable Child Maintenance and Access Society: Je vous remercie de nous avoir invités à témoigner une deuxième fois devant le comité. Nous apprécions les efforts déployés par votre comité pour poursuivre l'analyse de différentes questions qui touchent les familles dans l'ensemble du Canada.

D'abord, nous avons présenté un mémoire au comité. En raison des contraintes de temps, nous demandons que notre mémoire soit joint en annexe au compte rendu et qu'il soit traité comme s'il avait été lu.

Le président: D'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

(Pour le texte du document, voir l'Annexe 5900/S2-SS-1, 6 «2», p. 6«2»:19.)

M. LaBerge: Merci. Nous allons commencer.

Mme Marina Forbister parlera de certains des points soulevés dans le mémoire. Je poursuivrai ensuite avec quelques commentaires sur les statistiques que M. Gardiner a rassemblées.

D'abord, en ce qui concerne les données de M. Gardiner, nous avons fait tout notre possible pour qu'il vienne ici. Nous avions les données et nous avons pensé qu'il était important que le comité dispose des données empiriques, les compare pour voir non seulement ce qui se passe, mais qu'il ait également les données anecdotiques connexes et les analyse en conséquence.

J'apprécie le travail qu'a fait M. Gardiner. Comme je lui ai indiqué plus tôt, il y a eu quelques surprises, mais ce n'est pas parce que nous n'avons pas aimé la chanson que nous allons tirer sur le pianiste.

Je vais maintenant demander à Mme Forbister de poursuivre.

Mme Marina Forbister, présidente sortante, Equitable Child Maintenance and Access Society: Je suis comptable agréée et j'ai travaillé dans le domaine de la séparation et du divorce durant environ 15 ans. J'ai déménagé en Alberta il y a trois ans, mais avant cela, j'ai été en pratique publique durant 10 ans et associée dans une firme de CA, où j'ai beaucoup travaillé dans le domaine dont je viens de parler. Je suis une mère ayant la garde et j'estimais depuis un bon nombre d'années qu'il fallait s'occuper de cette question.

Je suis en faveur de lignes directrices. Cependant, le problème est que nous ne sommes pas particulièrement en faveur de ces lignes directrices. Nous croyons que certains aspects de ces lignes directrices pourraient être grandement améliorés.

Premièrement, je tiens à ce que le comité sache quelles sont les références du mémoire. Il s'agit de données préparées par Statistique Canada qui sont basées sur une publication intitulée: «Dépenses des familles au Canada», produite par Statistique Canada, qui donne la répartition, selon l'âge, le sexe et le lieu, de ce qu'il en coûte d'élever des enfants au Canada.

Deuxièmement, nous avons examiné le sommaire du groupe de travail fédéral-provincial-territorial et les montants qu'il a proposés dans les lignes directrices. Nous avons comparé cela avec ce qui a été présenté par le gouvernement fédéral. Comme nous l'avons dit tout à l'heure, nous croyons que le gouvernement fédéral a agi de façon précipitée en publiant ces lignes directrices sans avoir effectué au préalable les analyses nécessaires.

La première recommandation que nous vous faisons est que vous demandiez au ministère fédéral de la Justice d'où proviennent ces chiffres. Car si on ne sait pas ce qu'il y a à la base -- c'est-à-dire le montant indiqué dans les lignes directrices -- il est difficile de déterminer si les lignes directrices sont exactes ou s'il est nécessaire de les rajuster à la hausse ou à la baisse. Nous ne savons pas comment ces montants sont établis. Les juges veulent le savoir, nous aussi, de même que les membres du comité. Ce serait un bon point de départ.

Passons à notre document. J'aimerais apporter une correction à la deuxième ligne de la page 5, qui s'énonce ainsi: «Cependant, dans ces deux cas, le revenu de base est de 65 000 $». Il faudrait lire 60 000 $, à titre d'exemple.

Nous avons brièvement traité des dépenses du parent n'ayant pas la garde. En examinant les chiffres préparés par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial, on ne reconnaissait pas le fait que bien que les enfants vivent chez le parent ayant la garde, le parent n'ayant pas la garde assume cependant ces dépenses.

Lors de son témoignage devant le comité en février, M. Epstein a déclaré qu'une des raisons du maintien de la pension alimentaire pour les enfants de plus de 18 ans ou majeurs était que le parent n'ayant pas la garde doit assurer le gîte et d'autres dépenses pour les six ou sept fois que l'enfant est en congé universitaire. C'est une bonne raison d'inclure ces mêmes dépenses pour le logement du parent n'ayant pas la garde. Même lorsque les enfants vivent chez le parent ayant la garde, l'autre parent assume certaines dépenses.

Je ne traiterai que brièvement du temps consacré aux responsabilités parentales. On a beaucoup parlé de la règle des 40 p. 100. Nous croyons que si ce chiffre était une échelle mobile, il n'y aurait pas autant de poursuites pour tenter d'atteindre les 40 p. 100 et d'essayer d'empêcher l'autre partie de les atteindre. Le chiffre de 40 p. 100 a été choisi pour quantifier ce qui serait «sensiblement égal», mais ce n'est pas vraiment une question litigieuse.

En ce qui concerne les dépenses extraordinaires, lorsque le gouvernement a proposé les lignes directrices, il nous a dit qu'elles diminueraient les poursuites. C'était une de ses promesses. Cela ne s'est pas produit. En réalité, nous avons un montant de base. Une partie peut demander des suppléments, l'autre partie peut demander des réductions et on se retrouve alors avec une poursuite.

Nous croyons qu'il faut régler ces problèmes. Les gens doivent savoir ce qui est inclus dans le montant de base afin de déterminer s'ils ont raison de demander un supplément. Lorsque nous avons comparu devant le comité de l'autre endroit, nous avons indiqué que les dispositions sur les difficultés excessives seraient très difficiles à obtenir et je crois que les données empiriques de M. Gardiner viennent étayer cela. Sur près de 2 800 cas, 34 ont bénéficié de ces dispositions, soit 1,25 p. 100. Comme nous l'avons indiqué, ce n'est pas réalisable.

Nous avons connu un cas où, bien que les lignes directrices soient obligatoires, la juge n'a pas voulu s'y conformer. Le montant indiqué dans les lignes directrices aurait entraîné une réduction de la pension alimentaire pour enfants accordée à notre membre et la juge a tout simplement refusé de s'y conformer. Elle a dit qu'à son avis la preuve ne constituait pas un changement de circonstances. Il n'y a pas de possibilité d'appel dans ce cas. Cela coûte très cher. Si le juge ne veut pas se conformer aux lignes directrices, même si elles sont obligatoires, il ne reste pas beaucoup de choix.

Le président: Je tiens à préciser qu'il faudrait consulter des conseillers juridiques sur ce point.

Mme Forbister: Nous avons eu l'impression que ce jugement était très significatif. S'il a eu lieu, cela doit se produire également ailleurs. C'est pourquoi nous avons apporté ce cas particulier. En fait, la juge n'a pas accepté qu'il y avait un changement de circonstances et ne l'a pas accordé.

Le président: Je ne suis par certain de vouloir traiter de cas particuliers avec le ministère, mais à un moment donné, nous aurons la possibilité de parler à des avocats du ministère de la Justice à ce propos. Veuillez poursuivre.

Mme Forbister: Le traitement fiscal a été abordé devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce lors de l'examen du projet de loi C-92. À ce moment-là, le comité considérait que c'était une initiative fiscale désavantageuse. Nous sommes en faveur de son utilisation par les parties comme disposition facultative.

Par contre, nous ne croyons pas que le fait qu'il impose des difficultés budgétaires soit une raison suffisante de modifier le traitement fiscal, car tous les salaires sont nets. Cela pourrait entraîner une situation dans laquelle l'impôt est prélevé à la source au moyen du programme P.E.M. ou autrement. Il y a des façons d'éviter cela.

Enfin, j'aimerais traiter de la question de la responsabilité. Un de nos membres a écrit au ministre de la Justice précédent, M. Allan Rock, au moment où les lignes directrices ont été mises en place. J'ai une lettre datée du 19 décembre dans laquelle il indique spécifiquement que les tribunaux ont déterminé que la responsabilité n'est pas dans l'intérêt de l'enfant. Je crois que cela démontre très clairement la façon dont l'expression «l'intérêt de l'enfant» a été dénaturée pour lui donner le sens que chacun veut lui donner.

En ce qui concerne l'enfant du mariage, nous croyons fermement qu'une fois que les enfants atteignent l'âge de la majorité, ils ne sont plus des enfants mais des adultes et doivent être traités comme tels. Si notre système social contient une disposition par laquelle ces personnes ont un moyen de financer leurs études, il doit être accessible à tous les enfants. Il ne devrait pas être financé par un seul parent, mais par les deux. Nous croyons que les données empiriques présentées par M. Gardiner indiquent qu'il s'agit d'un aspect important du fait que sur les 2 800 cas, 200 concernaient des enfants adultes. C'est un chiffre très significatif. Des témoins précédents ont déclaré que la disposition sur «l'enfant du mariage» ne touche que quelques cas. En fait, cela touche de nombreux cas.

Pour terminer, j'aimerais faire des observations sur les données empiriques présentées par M. Gardiner à la page F. Il cite des montants de pension alimentaire pour enfants de 19, 29 et 38 p. 100 du revenu brut annuel du payeur. Nous croyons qu'il y a un lien direct avec la capacité de payer.

Pour traduire cela en chiffres, ce que les comptables aiment faire, un revenu de 100 000 $ est considéré comme important au Canada. En Alberta, l'impôt payé sur ce montant serait d'environ 48 000 $. Pour trois enfants, la pension est de 38 p. 100, que j'ai arrondie à 40 p. 100. À ce taux, 40 000 $ du revenu annuel du payeur sont attribués à la pension alimentaire pour enfants, ce qui laisse un montant net de 12 000 $, soit 1 000 $ par mois pour une personne gagnant 100 000 $ par an. Voilà pourquoi nous soutenons qu'il faut prendre en considération le montant net qu'il reste au payeur. Dans de nombreux cas, il ne reste à nos membres que 200 $ par mois pour vivre. Tout en reconnaissant qu'il faut subvenir aux besoins des enfants, cela ne doit pas se faire en mettant un parent dans la pauvreté.

M. LaBerge: J'aimerais poursuivre avec les données de M. Gardiner et résumer quelques pages de statistiques. En cas de doute, M. Gardiner peut me corriger.

Selon la première statistique, 43 p. 100 des cas ont été résolus par les parties intéressées. Cela nous a étonnés. Notre mémoire avait été rédigé avant que nous ayons ces données. Nous doutions des statistiques du groupe de travail fédéral-provincial-territorial, selon lesquelles 10 p. 100 des divorces faisaient l'objet d'un procès et de litige. Nous nous sommes dit que notre province devait être un cas vraiment à part parce que beaucoup de gens ont des problèmes avec leur ex-conjoint et le système judiciaire même. C'est pourquoi nous avons poussé notre recherche plus loin pour voir si les données confirmaient ces chiffres.

Nous nous sommes rendu compte que le chiffre exact n'était pas 10 p. 100, mais 43 p. 100. Environ 43 p. 100 des couples qui divorcent le font sans problème. Cela implique que 57 p. 100 en ont. Dans notre société, nous admettons que les mariages peuvent échouer. Qu'est-ce qui fait que 43 p. 100 des couples divorcent facilement alors que 57 p. 100 d'entre eux ont des problèmes?

M. Gardiner et d'autres témoins avant lui ont déclaré que le partage des responsabilités parentales est en quelque sorte propice à l'entente entre parents. Nous constatons -- et là encore M. Gardiner en a parlé -- que dans l'ensemble, ils respectent les ententes et collaborent. Pour ce groupe, il précise que les parents qui ont la garde partagée disposent d'un revenu plus élevé. Supposons que notre système repose sur le principe de la garde partagée et de la collaboration et non sur la garde unique, le droit de visite, les contestations et la confrontation. Au Canada, on verrait les gens bien mieux respecter la loi, collaborer davantage; beaucoup plus de parents prendraient la peine de discuter si deux avocats leur disaient: selon la loi, il faut établir un plan de responsabilités parentales. On tiendrait compte du temps dont dispose chaque parent, mais il y aurait aussi une ligne directrice qui serait fonction des revenus, car il faut de l'argent pour assurer l'éducation des enfants. Grâce à ces deux facteurs, et selon le principe et l'hypothèse de la garde partagée et de la collaboration, nous vivrions dans une société beaucoup plus saine. C'est là la première statistique portant sur ces couples et c'est pourquoi nous voulions avoir ces données en main.

J'ai d'autres statistiques. Environ 90 p. 100 des parents qui touchent une pension alimentaire pour enfants ont bénéficié d'une augmentation de celle-ci. Pour ces personnes, une fois comprises les dépenses supplémentaires prévues à l'article 7, le pourcentage d'augmentation a été de 25 p. 100. Je me souviens que lors de leur comparution, certains témoins ont dit que personne ne revenait devant les tribunaux, qu'il n'y avait pas de problèmes, et que le système devait donc fonctionner. D'autres ont dit que si les niveaux établis sont si élevés, manifestement, les montants figurant dans les tableaux sont trop bas.

D'après certaines des données de Mme Forbister et certains calculs, nous soutenons que les montants dans certains cas ne reflètent pas les coûts réels engagés de l'éducation des enfants. Nous ne croyons pas qu'il soit dans l'intérêt des enfants que l'un des parents se retrouve dans une situation financière désastreuse. Ces lignes directrices précises ont amené, en l'occurrence, une baisse du niveau de vie du payeur en deçà de ce que lui et ses enfants connaissaient auparavant, et dans certains cas le parent payeur s'est retrouvé acculé à la pauvreté.

Le 24 février, Mme Cooper a cité un juge qui avait fait le commentaire suivant:

Eh bien, vous avez les enfants la moitié du temps, monsieur, mais vous habitez chez vos parents et comme cela ne semble pas vous coûter bien cher, vous paierez le montant fixé par la ligne directrice.

Soyons francs, je trouve cela insultant. C'est exactement ce que nous dégageons des lettres anecdotiques que nous recevons. Il y a des parents, de 45 ans, avec un ou deux enfants, qui ont un commerce rentable et qui sont obligés de revenir en arrière, d'abandonner leur maison unifamiliale et d'emménager avec un copain dans un appartement de deux chambres ou de retourner vivre chez leurs parents âgés.

Les lignes directrices, certains l'ont dit, sont censées amener davantage de certitude et de prévisibilité. D'après les chiffres, 90 p. 100 des parents qui touchent la pension voient augmenter leur revenu, c'est donc dire qu'il faudra payer davantage. On ne dit pas si cela est juste, équitable ou non, ou si même les montants ont été calculés comme il faut.

Un parent d'un, deux ou trois enfants verra 20, 30 ou 40 p. 100 de son revenu brut versé à un autre ménage, pas le sien, celui d'un autre. Bien sûr, ce sont tes enfants et les miens aussi, mais je voudrais qu'ils aient un bon niveau de vie; ce sont mes enfants aussi. Ils ne doivent pas uniquement vivre ailleurs avec l'autre.

L'effet des lignes directrices dans ce cas en particulier est connu: vous subirez une baisse radicale de votre niveau de vie et de votre revenu. Résultat: la personne qui paie ne sera nullement incitée ou motivée à améliorer sa situation financière. Pourquoi une personne devrait-elle travailler davantage si, au bout du compte, plus son revenu augmentera, plus il lui faudra payer.

Dans une perspective nationale -- je n'aurais jamais cru dire cela un jour -- je dirais qu'on n'incite pas les gens à gagner plus d'argent pour récolter plus d'impôts. Ce que nous voyons ici, pour des Canadiens en bonne santé et en mesure de le faire, l'application de ces mesures n'incite pas les Canadiens à se tuer au travail.

Avec la saisie-arrêt et les refus de permis, dans les provinces, on a vu certaines personnes privées des moyens de gagner leur vie pour subvenir à leurs propres besoins et à ceux de leurs enfants. On entend parfois parler de pères mauvais payeurs, expression que j'estime erronée. Beaucoup ne peuvent pas payer, n'ont carrément pas les moyens de payer et d'autres se sont vus privés des moyens de gagner leur vie.

Enfin, j'aimerais parler du système juridique et judiciaire et du ministère fédéral de la Justice. Les Albertains ont perdu beaucoup de confiance et de respect. La confiance et le respect se méritent. On n'y a pas droit automatiquement. Qu'un ministère de notre gouvernement, censé représenter la justice, ose proposer des lois, privilégier une des parties et soutenir que tel citoyen doit être avantagé au détriment de tel autre est injuste, surtout lorsqu'il s'agit de mères, de pères et d'enfants de notre pays.

Dans le système juridique, on constate un manque d'uniformité dans les conseils et les recommandations qui les accompagnent. Il y a un manque d'uniformité de la part de la magistrature quant à l'application des lignes directrices, la pratique des saisies-arrêts et les condamnations aux dépens qui vont presque toujours à l'encontre du parent payeur.

Le niveau de confiance est très bas. Nous avons beaucoup de membres qui ne veulent même pas que leur nom soit mentionné parce qu'ils ne font pas confiance au système. Ils craignent les répercussions du ministère de la Justice ou de la magistrature de la province. C'est un problème. Les normes de la société sont en grande partie responsables de cela. Nous avons assisté hier au comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants et nous avons écouté divers témoins parler des normes sociales touchant aux rôles des mères, des pères, des éducateurs, des payeurs, des fournisseurs de soins, et cetera. Ces normes sociales, les avocats s'en réclament et les avancent aux juges. Les juges suivent également ces normes sociales et basent leurs jugements sur elles. Ce que cela prouve, c'est que les données que nous voyons ici corroborent ce que M. Gardiner disait, à savoir que 57 p. 100 des couples ne réussissent pas à trouver une entente. Le système même doit être refondu, remodelé, il faut informer, uniformiser; il faut qu'on se conforme à la loi, que la justice soit la même pour les deux parents afin qu'ils soient égaux. Cela a toujours été prévu dans la loi. Il ne devrait pas être question de soins principaux, chacun des deux parents doit jouer ce rôle. Qu'un couple décide de se séparer ne veut pas dire que l'un ou l'autre parent aime moins l'enfant.

Votre comité a fait un bon travail tout comme M. Gardiner dans l'examen de nos recommandations.

J'aimerais toutefois préciser à nouveau qu'en ce qui concerne les données empiriques et anecdotiques, je recommande fortement que votre comité ne tire aucune conclusion tant que les données empiriques n'auront pas été recueillies et distribuées à des groupes comme le nôtre et à toutes les parties intéressées des deux côtés de l'équation: celui qui paie et celui qui reçoit. Il y a une question qui n'a jamais été élucidée par le groupe de travail fédéral-provincial-territorial ni le ministère de la Justice, en dépit de nombreuses requêtes: quel est le nom des groupes qui ont véritablement participé et qui ont été consultés tant du côté du parent qui verse la pension que du parent qui n'a pas la garde de l'enfant? Nous n'avons pas encore reçu de réponse. J'aimerais que le comité demande qui faisait partie de ces groupes et quelle a été la contribution des parents payeurs.

En Alberta, nous avons rencontré l'un des membres albertains du groupe de travail. Quand on lui a posé la question, elle nous a répondu qu'il s'agissait d'un oubli. On ne fait pas une étude pendant sept ans pour ne s'intéresser qu'à un membre de l'équation en prétendant un oubli. À notre avis, on a agi délibérément. Quelque chose ne va pas. Nous nous posons de sérieuses questions quant aux chiffres qui figurent dans les lignes directrices. Ce que M. Gardiner indique ici, c'est qu'en fin de compte, l'argent disponible se fait rare pour beaucoup de familles canadiennes.

Cela dit, je tiens à nouveau à remercier le comité sénatorial de nous avoir permis de comparaître ce matin. Je tiens également à vous remercier des efforts soutenus que vous faites pour trouver des solutions aux problèmes des familles canadiennes.

Le président: Nous étions censés entendre un autre témoin ce matin représentant la Nova Scotia Shared Parenting Association. Le témoin n'est pas là et il semble qu'on ne puisse pas le joindre. S'il est en retard, je dirais qu'il est très en retard.

Il nous reste environ 15 minutes pour les questions parce que certains de nos collègues ont une réunion du caucus à 11 h 45. Nous allons commencer par le sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Je tiens à remercier les témoins de leur excellent exposé. Au début de votre mémoire, vous dites que votre organisme représente plus de 1 700 familles.

Je ne veux pas m'immiscer dans vos affaires personnelles, mais est-ce que vous êtes tous les deux des parents qui n'ont pas la garde?

Mme Forbister: Non, moi je l'ai.

Le sénateur Cools: Et vous?

M. LaBerge: Oui.

Le sénateur Cools: Votre organisme est un organisme bénévole?

Mme Forbister: Oui.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, nous recevons ici beaucoup de mémoires. Avant le comité qui a étudié le projet de loi C-41, ces témoins avaient déjà présenté un mémoire tout aussi documenté et solide. Je vous en remercie. Tout cela a été fait de façon bénévole avec des moyens restreints et sans financement public.

Mme Forbister: Nous ne recevons pas de financement, c'est exact.

J'aimerais vous parler d'une des choses que nous avons faites de façon bénévole. Un des témoins précédents a parlé des centres d'aide aux enfants. J'ai fait ma petite enquête pour savoir comment ces centres fonctionnent.

En gros, je suis allée dans un centre et j'ai dit: «J'aimerais savoir ce qu'il faut faire pour présenter une demande en vertu des lignes directrices sur la pension alimentaire pour enfants.» On m'a répondu que je pouvais présenter ma propre demande, mais on m'a recommandé de faire appel à un avocat. Même si on prétend que le service est offert à une personne qui n'est pas représentée, en réalité, ça ne l'est pas. Cela semble favoriser le parent qui reçoit la pension.

Le sénateur Cools: Je pense que vous étiez sur le point de donner plus de détails sur votre déclaration, mais le président cherchait à s'assurer que notre personnel réexamine la question si bien que vous n'avez pas eu la possibilité de parler de l'arrêt dont vous faites état dans votre mémoire. Au paragraphe g) de votre mémoire, vous citez une affaire précise mais vous n'en avez pas donné les références pour le compte rendu. Pourriez-vous nous les donner?

Mme Forbister: Il s'agit de l'arrêt Jones c. Jones.

Le sénateur Cools: Une décision de l'Alberta?

Mme Forbister: Oui. Nous l'avons avec nous.

Le sénateur Cools: Peut-être pourriez-vous en laisser une copie à notre attaché de recherche également.

Mme Forbister: Certainement.

Le sénateur Cools: Vous avez également parlé d'une certaine lettre adressée au ministre de la Justice. Peut-être pourriez-vous en laisser un double que l'on pourrait également distribuer.

Mme Forbister: Certainement.

Le sénateur Cools: S'il y a d'autres documents que vous aimeriez nous laisser, peut-être pourriez-vous en faire une liste et notre attaché de recherche les intégrera à notre collection de données.

M. LaBerge: Nous avons en fait quelques exemples des lettres dont nous avons fait des copies pour le comité, si vous voulez les avoir.

Le sénateur Cools: Cela m'intéresserait. Est-ce que cela intéresse d'autres sénateurs?

Le sénateur LeBreton: Moi.

Le sénateur Cools: Pourriez-vous demander au greffier de faire des copies et de les distribuer aux membres?

Le sénateur Cohen: Lorsque vous avez comparu devant le comité en décembre 1996, vous étiez préoccupée par les effets possibles des suppléments. Quelle est votre expérience à cet égard?

Mme Forbister: Au départ, on se disait que les suppléments seraient exceptionnels et ne s'imposeraient que dans de rares cas. D'après notre expérience avec nos membres, les suppléments sont imposés dans la grande majorité des cas. Les statistiques de M. Gardiner, ce matin, vont dans ce sens.

Essentiellement, il semble que le montant établi dans la ligne directrice soit une somme de base qui finance la nourriture, les vêtements et le logement. Toutes les autres dépenses sont considérées par les tribunaux et le parent qui reçoit la pension comme un supplément.

M. LaBerge: Dans le même sens, d'après nos membres, tout à coup, les coûts augmentent. Par exemple, si le hockey coûtait 100 $ par mois, tout à coup on demande 200 ou 300 $ par mois. L'avocat s'emploie à faire majorer les suppléments jusqu'à la limite parce qu'on prévoit que l'autre partie, selon le montant des revenus, en paiera la plus grande part. Par conséquent, le parent qui a la garde obtiendra plus d'argent s'il présente des arguments et des données par l'entremise de son avocat. Là encore, cela vient accroître l'animosité entre les deux personnes.

Mme Forbister: Oui, et ça fait plus d'argent pour les avocats.

M. LaBerge: Les avocats en tirent plus d'argent, c'est un fait.

Le président: Mme Betty Ann Pottruff, directrice, Direction générale de l'évaluation et de la planification des politiques du ministère de la Justice de la Saskatchewan, qui était également coprésidente du groupe de travail fédéral-provincial sur la mise en oeuvre des lignes directrices a fait une recommandation: que les organismes provinciaux d'exécution de la loi aient accès aux dossiers de Revenu Canada. J'ai dit que je poserais la question aux témoins à l'avenir à ce sujet.

Que pensez-vous de cette recommandation ou y avez-vous songé?

Mme Forbister: Pour ma part, je m'y opposerais plutôt.

Le sénateur Cools: Très bien! Nous nous y sommes opposés fortement ce jour-là aussi.

Le sénateur LeBreton: Oui.

Mme Forbister: Je n'exprime pas ici l'opinion du groupe, mais mon opinion personnelle. Nous nous engageons dans des questions d'ordre constitutionnel et des questions qui relèvent de la vie privée.

En tant que «seconde conjointe éventuelle» -- ce qui n'est pas mon cas actuellement -- l'ex-conjoint d'une autre pourrait savoir quel est mon revenu. Je m'oppose à cela.

Le président: Merci beaucoup, madame Forbister et monsieur LaBerge. Votre témoignage a été très utile.

Le sénateur Cools: Oui, la matinée a été productive.

Mme Forbister: Les chiffres sont disponibles. M. Gardiner peut vous les fournir. Si les chiffres ne sont pas disponibles, ils devraient l'être. Le ministère de la Justice doit en être saisi.

Le sénateur Cools: Ces personnes ont eu beaucoup de difficulté à obtenir l'information qu'elles demandaient.

Peut-être, monsieur LaBerge, pourriez-vous faire part aux membres du comité du genre de pression qu'on a exercé sur vous.

M. LaBerge: Nous avons suivi la filière normale pour obtenir les données. On nous a recommandé de nous adresser au ministère fédéral de la Justice. Après environ une semaine, on nous a informés que les données ne seraient pas disponibles et qu'il nous faudrait recourir à la Loi sur l'accès à l'information. J'avais déjà parlé avec M. Gardiner et je savais qu'il avait les données et qu'il était en train de préparer le rapport confidentiel.

Notre objectif, et celui de groupes comme le nôtre, n'est pas de blâmer, mais d'informer davantage, et de mettre les données à la disposition des gens qui sont habilités à prendre des décisions en ajoutant aux données empiriques et en faisant les recoupements qui s'imposent.

Peut-être n'avons-nous pas transmis notre message aussi clairement qu'on le pensait au départ. Nous avons été déçus de voir qu'il fallait attendre aussi longtemps. Si nous n'avions pas dû attendre, nous aurions pu préparer un examen détaillé des données et nous aurions pu travailler plus étroitement avec M. Gardiner à l'avance.

Le président: Pour être bien clair là-dessus, est-ce que ce sont les fonctionnaires fédéraux ou provinciaux qui vous ont conseillé de recourir à la Loi sur l'accès à l'information?

M. LaBerge: Les deux.

Le président: Vous avez une loi sur l'accès à l'information en Alberta, n'est-ce pas?

M. LaBerge: Oui.

Le président: Monsieur Gardiner, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Gardiner: Oui, la base de données est constituée de renseignements que j'ai recueillis personnellement. Ces renseignements-là n'appartenaient ni à la province de l'Alberta ni au ministère de la Justice. Lorsque M. LaBerge a entendu parler de ce que je faisais, ni le gouvernement de l'Alberta ni le ministère fédéral de la Justice ne pouvait lui fournir les données parce qu'ils ne connaissaient pas mon travail.

Je fais écho à ses propos. Il est important que les gens disposent de renseignements pour prendre des décisions. Dès que j'ai pu faire une synthèse de mon travail, je la lui ai présentée. Malheureusement, je pense qu'il a peut-être mal compris pour qui je faisais le travail. Je ne travaillais pas pour une province ou pour le gouvernement fédéral, mais pour moi-même.

Mme Forbister: Nous ne connaissions pas l'existence de la base de données. Nous ne voulions pas avoir accès à la base de données de M. Gardiner. Nous voulions avoir accès aux rapports du gouvernement fédéral sur la perception des pensions alimentaires, qui sont des documents publics.

Le président: Si cela peut vous consoler, ce qui m'étonnerait, à bien des reprises des membres du Sénat et de la Chambre des communes ont dû recourir à la Loi sur l'accès à l'information pour obtenir des renseignements auxquels nous estimons avoir droit, tout naturellement.

Mme Forbister: Merci.

Le sénateur LeBreton: Je pense qu'il est extraordinaire d'avoir des témoins qui ont une expérience pratique, concrète, plutôt que des gens qui de toute évidence n'ont pas eu à affronter eux-mêmes ou à vivre des situations pareilles.

Le témoignage d'aujourd'hui est incroyablement éclairant. C'est un des meilleurs que nous ayons entendus au comité depuis que j'en suis membre.

Le président: Cela dit, nous allons lever la séance.

La séance est levée.


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