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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 10 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 6 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, se réunit aujourd'hui à 15 h 30 pour en faire l'étude.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous sommes réunis aujourd'hui pour entreprendre l'étude du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise. Le projet de loi S-10 a été déposé au Sénat par notre collègue le sénateur Di Nino.

Le projet de loi a été lu pour la deuxième fois au Sénat le 19 mars et transmis par la suite à notre comité. Nous avons prévu plusieurs réunions dans le but de rencontrer des témoins et de faire l'étude de ce projet de loi. Très court, le projet de loi ne renferme qu'un seul article. Il a pour but d'exempter tous les articles de lecture de la TPS.

Notre premier témoin cet après-midi est le parrain du projet de loi, notre collègue le sénateur Di Nino.

Je crois, sénateur Di Nino, que vous aimeriez faire une brève introduction avant que l'on passe aux questions des participants.

L'honorable Consiglio Di Nino: Merci, monsieur le président. C'est pour moi une toute nouvelle expérience que de témoigner devant un comité. Je suis plutôt habitué à faire face aux témoins et à leur rendre la vie difficile. J'espère que mes collègues seront plus compréhensifs à mon égard que je ne l'ai été moi-même avec certains témoins par le passé et que notre discussion sera fructueuse.

Vous avez entendu les commentaires que j'ai faits à la Chambre lorsque j'ai déposé le projet de loi S-11, mort au Feuilleton au moment où les élections ont été déclenchées. Vous trouverez au hansard les commentaires que j'ai faits lorsque j'ai de nouveau présenté le projet de loi sous le numéro S-10 et je ne vois donc pas l'utilité de les répéter. Mieux vaut consacrer le temps dont nous disposons pour nous pencher sur la question et écouter ce que les témoins ont à dire.

La taxe qu'on impose aux articles de lecture défavorise plusieurs personnes et organisations. Elle entrave les efforts d'alphabétisation. Elle cause un préjudice aux éditeurs de livres et de revues. Elle défavorise les étudiants, tout particulièrement les adultes, ainsi que les libraires et les éditeurs de journaux. Elle défavorise également les poètes, les rédacteurs, les auteurs et combien d'autres.

De façon plus positive, disons que l'élimination de la TPS des articles de lecture profiterait à tous ces gens, tout particulièrement à ceux qui luttent pour améliorer leurs capacités de lecture et d'écriture.

L'élimination de la TPS des articles de lecture favoriserait également l'économie. Elle permettrait d'accroître les ventes de livres, revues, journaux et autres, ce qui pourrait entraîner la création d'emploi à toutes les étapes, de la publication à la vente. Certains des revenus qui ne seraient pas directement versés dans les coffres publics y seraient donc indirectement retournés.

Honorables sénateurs, la question principale ici en est une de confiance. Il me semble essentiel de tenir une promesse qui a été faite aux Canadiens par les chefs de tous les partis politiques, une promesse faite de façon très éloquente par bon nombre de ministres du Cabinet du gouvernement actuel et par la plupart des parlementaires.

On a maintenant réussi à éliminer le déficit et le ministre des Finances Martin est le principal artisan de cette réussite. Des centaines de milliers de Canadiens d'un bout à l'autre du pays ont transmis des pétitions au Parlement, l'exhortant à faire disparaître la TPS des articles de lecture. Le projet de loi S-10 nous permettra de tenir une promesse que la plupart d'entre nous avons faite aux Canadiens au cours des quelques dernières années. L'élimination de la TPS des articles de lecture devrait être l'une des premières dividendes que les Canadiens pourraient recevoir à la suite des sacrifices que nous avons tous faits pour éliminer la dette.

Ce sont là mes commentaires. Je serai maintenant heureux de répondre aux questions.

Vous entendrez les commentaires de nombreux représentants de l'industrie, de la Coalition contre la taxation de la lecture, de certains auteurs, poètes et autres. Nous pouvons certes répondre à des questions à ce point-ci, mais il me fera également plaisir, à la fin de votre étude, de répondre à toute question qui restera alors toujours sans réponse.

Le sénateur Maheu: Sénateur Di Nino, je me rappelle vous avoir déjà demandé pourquoi nous consacrions autant de temps au projet de loi S-10, alors qu'il me semblait aller de soi. Depuis lors, j'ai pris connaissance de certaines opinions divergentes. Il y a en fait un point sur lequel les opinions divergent. Jusqu'où doit-on aller? Quelle définition doit-on donner au terme «article de lecture»? Quels genres de livres et de revues cela comprendrait-il? Les revues pornographiques en feraient-elles partie? Faudrait-il prévoir des catégories d'articles de lecture?

On trouve maintenant les journaux sur Internet. Où se situerait l'autoroute électronique par rapport aux taxes?

Je comprends bien sûr les problèmes auxquels les étudiants et autres font face, mais nous ne pouvons avoir deux niveaux d'imposition. Les gens analphabètes se servent d'ordinateurs. Ils ont recours à des programmes informatiques pour apprendre à lire. On le voit dans nos écoles, à tous les niveaux.

J'aimerais donc que vous nous en disiez davantage sur les médias électroniques et sur le genre de littérature qui devrait faire partie de l'exemption.

Le sénateur Di Nino: Je ne crois pas que ce soit à nous de déterminer le genre d'articles de lecture qui devrait être classifié comme raciste, pornographique ou autre. C'est à mon avis au ministère de la Justice de s'en charger. C'est une question difficile qui exige des jugements de valeurs. Les jugements de valeurs ne sont que des opinions qui diffèrent d'une personne à l'autre.

Quoi que j'en pense moi-même, je comprends très bien les préoccupations qui ont été soulevées par certains de nos collègues et d'autres personnes de l'extérieur du Parlement avec lesquelles j'ai discuté de la question. Je comprends leurs inquiétudes en ce qui touche les écrits d'Ernst Zündel, la revue Penthouse ou toute autre revue ou publication qu'ils peuvent considérer comme pornographique ou à tout le moins peu convenable. Je ne crois pas que ce soit à nous de juger de cette question. Ce n'est pas notre responsabilité.

La question de la technologie électronique qui est en train de révolutionner le monde de l'écrit est également assez simple à régler. Ni le premier ministre du Canada, ni les ministres du Cabinet, ni nos collègues ni moi-même n'avons promis d'éliminer la taxe sur les DC, les cassettes ou autres. Ce que nous avons promis au cours des dernières années, c'est de faire disparaître la TPS sur les articles de lecture. C'est ce que nous avons promis.

Le sénateur Maheu: Comment définiriez-vous le terme «article de lecture»?

Le sénateur Di Nino: On a plusieurs fois essayé de définir ce terme et je n'ai pas la prétention de le faire moi-même. Des experts comparaîtront devant vous au cours des prochaines séances du comité et ils pourront peut-être vous donner des précisions sur cette question. Des représentants de La Coalition contre la taxation de la lecture seront parmi nous aujourd'hui.

À mon avis, cette définition devrait tenir compte des livres, revues, journaux et périodiques de toutes sortes. Autrement dit, chaque fois que des écrits sont offerts au public, que ce soit à la vente ou en bibliothèque ou autres. Je crois que cette définition devrait être assez large.

Le sénateur Rossiter: Sénateur Di Nino, avez-vous une idée des coûts que représente la TPS sur les manuels scolaires, particulièrement au niveau universitaire?

Le sénateur Di Nino: On peut obtenir ces renseignements de deux sources. Les représentants du ministère des Finances m'ont communiqué certains chiffres quand je les ai rencontrés. Les membres de la Coalition contre la taxation de la lecture ont également des données à ce sujet.

Le sénateur Rossiter: Je leur demanderai.

Le président: Sénateur Di Nino, ne vous gênez pas pour prendre votre place parmi nous à la table.

J'inviterais maintenant les représentants de la Coalition contre la taxation de la lecture à prendre place à la table s'il vous plaît.

La Coalition nous a fait parvenir un exposé, mais nous l'avons reçu trop tard pour pouvoir le transmettre aux membres avant la réunion.

Mme Jacqueline Hushion, présidente, Coalition contre la taxation de la lecture: Nous sommes très heureux d'avoir la chance de discuter du projet de loi S-10 avec vous. Nous aimerions remercier tout particulièrement le sénateur Di Nino d'avoir déposé ce projet de loi qui permet aux membres du comité de se pencher sur cette proposition de politique si importante.

La Coalition représente une vingtaine d'organismes qui dans l'ensemble emploient ou fournissent un revenu quelconque à plus de un million de Canadiens, que ce soit les libraires, les éditeurs, les membres de la Fédération canadienne des enseignantes et enseignants, de la Christian Booksellers Association et des Periodical Marketers of Canada, les éditeurs, les journaux communautaires et les quotidiens ou l'Association canadienne des commissions/conseils scolaires, pour n'en nommer que quelques-uns.

Dans ses racines, le projet de loi S-10 n'est pas un projet de loi partisan. Tous les partis ayant un statut parlementaire ont, à un moment ou l'autre, favorisé l'élimination des taxes sur le matériel de lecture. Deux des adresses les mieux énoncées et les plus mémorables faites à cette Chambre, et qui supportaient la non taxation de la lecture, ont été présentées en 1990 par les sénateurs Jacques Hébert et Solange Chaput-Roland. Les sénateurs Davey, Grafstein, Fairbainrn, Frith, Carstairs, Cools et Kirby se sont prononcés en faveur de la non taxation de la lecture comme étant la fondation d'une société instruite -- une société productive sur son propre territoire et compétitive au domaine international.

Les sénateurs Atkins, DeWare, Perrault, Simard, Molgat, Corbin, Spivak et Kelleher ont aussi appuyé ce point de vue. Il y a au Cabinet, des tenants convaincus de ce fait. Le PC, le NPD, le Parti réformiste et le Bloc québécois ont officiellement affirmé leur opposition à la taxation du matériel de lecture, une position distincte de leurs politiques sur la TPS comme telle.

La plupart des membres du G-7 ne taxent par le matériel de lecture. La majorité d'entre eux ont approché le Canada pour suggérer que nous suivions leur exemple. Au Royaume-Uni, le fait de ne pas imposer les livres, les revues et les journaux représente une perte de revenu d'environ 2 milliards de dollars, ce qu'on considère là-bas comme un investissement important. En France, le coût est d'environ 200 millions de dollars canadiens.

Il est de mise que ce projet de loi soit présenté par le Sénat, puisque c'est le comité sénatorial des banques et du commerce qui a originalement tenté de soustraire les livres, revues et journaux de la TPS. Le comité comprenait les sénateurs Murray et Cools. On a dit que l'application de taxes au matériel de lecture est un pas en arrière dans la promotion du développement de la lecture et que la taxation sur le matériel de lecture va contre les recommandations du rapport de la commission Carter qui recommandait que les journaux, revues et livres ne soient pas soumis à la taxe de vente.

Nous pourrions offrir de nombreuses statistiques qui prouvent que cette première taxe depuis la Confédération sur le matériel de lecture a eu des effets négatifs sur la vente, le prêt et la lecture des magazines, livres et journaux. Mais vous avez déjà entendu citer ces statistiques; depuis les huit dernières années et durant les auditions du projet de loi S-11, le prédécesseur du projet de loi S-10.

Il y a cependant une statistique qui ressort fortement et qui mérite qu'on s'y arrête parce qu'elle représente les vues des Canadiens. Depuis 1990, plus de 600 000 signatures de contribuables se sont apposées aux pétitions de la Coalition, présentées à la Chambre et au Sénat. Plus d'un million de cartes postales ont été adressées au gouvernement. Les Canadiens ont été offensés de voir le matériel de lecture capturé par la TPS. Ils en sont toujours offensés. Ils sont offensés qu'une promesse fait par leur premier ministre le 18 novembre 1991 soit toujours en suspens, une promesse comme quoi une fois élus, les taxes sur le matériel de lecture seraient abolies.

Le leader libéral Jean Chrétien s'est engagé, hier, à supprimer la TPS sur les livres, s'il forme le prochain gouvernement. Mais il la conservera sur plusieurs autres produits et services [...]

Nous acceptons que l'objectif premier du gouvernement en matière fiscale était d'éliminer le déficit et, comme l'a dit le sénateur Di Nino, il mérite des félicitations pour avoir réussi à maintenir le cap.

Nous, membres de la Coalition contre la taxation de la lecture, avons fait notre part dans le dossier de la réduction du déficit. Le temps est maintenant venu d'envoyer un signal au pays. Les promesses qui ont été faites doivent être tenues.

Le gouvernement a éliminé la taxe sur les livres dans les écoles et les bibliothèques et les livres ont été exemptés des mesures d'harmonisation dans le Canada atlantique. Le ministre des Finances Martin a pris des mesures appréciables. Ce n'est toutefois qu'un début. Le gouvernement doit maintenant se pencher sur les besoins individuels des lecteurs de revues, livres et journaux qui veulent que les règles du jeu soient équitables, qui s'attendent à ce que leurs achats individuels soient traités sur le même pied que les achats effectués par les institutions de leur province ou de leur localité. Ils s'attendent à ce qu'on les traite équitablement.

Lorsque le gouvernement a décidé d'éliminer la TPS pour les livres achetés par les institutions postsecondaires, il n'a pas tenu compte des étudiants parce que ces derniers achètent individuellement leurs livres. Ils reçoivent une remise des mois après avoir dû acheter leurs articles de lecture pour les cours auxquels ils sont inscrits. Les employés des librairies universitaires nous disent qu'ils entendent régulièrement des étudiants se plaindre au début des sessions.

On a affirmé que l'élimination de la taxe sur les articles de lecture profiterait aux gens à revenus élevés. En réalité, les personnes à faibles revenus consacrent une partie plus importante de leur revenu utilisable à du matériel de lecture. On retrouve ces chiffres dans les statistiques du gouvernement. La taxe entraîne donc davantage de conséquences auprès de cette catégorie de gens.

Les revues sont souvent les articles de lecture de prédilection des gens à plus faibles revenus et des jeunes. Le marché des revues a été fortement touché par l'application de la TPS.

Il y a une histoire que j'ai trouvée bien triste et que je n'ai jamais oubliée. Lorsqu'on a adopté la TPS, les gens qui étaient abonnés à des revues canadiennes ont voulu trouver une façon de protester. Ils ont donc envoyé leur demande de renouvellement d'abonnement en y joignant le montant de l'abonnement, sans la TPS. Ils voulaient montrer leur désaccord envers une mesure gouvernementale, mais c'est l'éditeur de la revue qui en a défrayé le coût. Les éditeurs ont absorbé le coût de la taxe, de peur de perdre ces abonnés. Ils ont donc payé la taxe à Revenu Canada au nom de leurs abonnés.

Nous savons bien que les prix fixes des revues causent un problème. Certains abonnés refusent systématiquement toute augmentation, aussi minime soit-elle. Les éditeurs des revues canadiennes ne se sont pas encore remis des vingt-quatre premiers mois d'application de la TPS.

D'autres ont affirmé que le fait d'éliminer la taxe sur les articles de lecture avantagerait de façon disproportionnée les livres importés. À souligner, le pourcentage des revenus recueillis par les éditeurs canadiens est d'environ 40-60. C'est donc dire que 40 p. 100 des revenus tirés de l'achat de livres au Canada correspond aux ventes de livres canadiens. Compte tenu de la taille de notre voisin du sud, c'est un vif succès.

Le ministère du Patrimoine canadien affirme depuis longtemps qu'en coupant dans les ventes sur le marché canadien en général, une taxe sur les produits de lecture cause un grand tort aux livres écrits au Canada par des Canadiens et pour des Canadiens et désavantage surtout les éditeurs qui publient la plupart des livres canadiens.

En juin 1997, le projet de loi C-32, qui visait à modifier la Loi sur le droit d'auteur, protégeait les droits des éditeurs canadiens, ces éditeurs canadiens qui collaborent avec des entreprises américaines, britanniques, françaises ou allemandes, mais qui sont tout de même des éditeurs canadiens qui importent et vendent des livres pour le compte de sociétés internationales qui n'ont pas de compte d'entreprise au pays. Pourquoi faire une telle chose? On a démontré clairement que le marché de l'édition des livres canadiens tout comme le prix des livres canadiens profitent de l'accroissement de la masse critique que les éditeurs obtiennent en important et en vendant des livres importés et en publiant des livres canadiens. Il y a une certaine symbiose là-dedans. En fait, l'un ne va pas sans l'autre.

S'il y avait moins de livres étrangers sur le marché, il semble évident que moins de livres d'auteurs canadiens seraient publiés. Et ceux qui le seraient coûteraient beaucoup plus cher, ça c'est certain.

Selon l'UNESCO, pour faire vivre une industrie nationale d'édition, un pays doit avoir une population d'au moins 30 millions de personnes qui parlent une langue commune. Notre pays est vaste; il coûte cher à parcourir et à desservir.

Le président: Je dois malheureusement vous arrêter. Nous manquons de temps. J'aimerais que les sénateurs aient le temps de poser certaines questions aujourd'hui. Nous avons déjà votre exposé en main. J'ouvre donc la période des questions.

Le sénateur Maheu: Il y a plusieurs points qui me préoccupent. Personnellement, je suis d'accord avec le mouvement qui favorise l'élimination de la TPS sur les livres. Je me demande toutefois comment on doit définir l'expression «article de lecture».

Devons-nous par exemple exempter de la TPS les publications de Zündel qui publie des écrits racistes? Que faire du matériel pornographique? Pourquoi subventionner des revues pornographiques comme Playboy ou Playgirl en leur accordant des exemptions de taxes? Les journaux font des profits. Conrad Black ne souffre pas et il ne souffrira pas non plus. Y aura-t-il vraiment des conséquences pour les journaux si nous cessons d'imposer la TPS?

Que pensez-vous de ces questions? Le sénateur Di Nino a dit que nous ne devrions pas nous en faire avec les questions de justice. Le fait que la littérature haineuse ne soit pas taxée en vertu de notre régime, je trouve que c'est plus qu'une question de justice -- je considère que c'est une question d'ordre moral.

Nous n'avons pas encore parlé de l'autoroute électronique. Pourriez-vous nous faire part de vos idées là-dessus?

Mme Hushion: Le Code criminel du Canada traite de la littérature haineuse. J'ai moi-même eu à traiter des affaires de littérature haineuse. En fait, si une publication viole le Code criminel, elle ne peut être distribuée, qu'elle soit taxable ou non.

Dans le cas de la pornographie, je suis un parent et une Canadienne honnête, et je partage vos préoccupations. Je partage les préoccupations de tous les Canadiens qui veulent s'assurer que notre politique sociale reflète et soutient les valeurs de notre société.

Cela étant dit, la coalition et moi-même ne pouvons pas vous aider, mais le gouvernement a les lois ainsi que les ressources humaines et financières pour déterminer la manière de supprimer sélectivement la taxe sur la lecture, si c'est ce qu'il veut. Je ne suis pas en position de le faire.

Pour ce qui est des journaux, qui comptent sur leurs revenus, je reviens au principe original et au commentaire du sénateur Di Nino. Le 18 novembre 1991, le premier ministre actuel a promis d'éliminer la taxe s'il était élu, et son parti a formé le gouvernement. De fait, une résolution prioritaire du Parti libéral a suivi, à l'été 1992. Celle-ci se lisait comme suit:

ATTENDU que, pour la première fois depuis la Confédération, le gouvernement conservateur a imposé une taxe sur les revues, livres et journaux...

IL EST CONVENU qu'un gouvernement libéral réaffirmerait les principes historiques sous-entendus dans le fait que les écrits ne soient pas imposables [...] et supprimerait la [...] (TPS) sur les publications.

Cette résolution a été adoptée à l'unanimité au caucus libéral lors d'une séance présidée par Paul Martin.

Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. Est-ce au congrès ou à une réunion du caucus libéral que cette résolution a été adoptée?

Le sénateur Maheu: C'est au congrès.

Mme Hushion: Ça dit que c'est le caucus libéral national.

M. David Hunt, coordonnateur national, Don't Tax Reading Coalition: La motion a été présentée au congrès par le caucus libéral national et adoptée lors du congrès visant à déterminer la politique du parti.

Le sénateur LeBreton: Je voudrais un éclaircissement sur la question des éditeurs de revues. Vous avez dit qu'ils avaient assumé le coût des protestations contre la TPS pendant les 24 premiers mois. Avez-vous une idée de ce que cela a coûté aux éditeurs de revues canadiennes?

M. Hunt: Je n'ai pas de chiffres. Je pense que Paul Jones parlera de cet aspect de la question. Nous pouvons, au besoin, obtenir le chiffre précis et vous le communiquer avant la prochaine audience sur cette question.

Le sénateur LeBreton: Je suis d'accord avec vous sur la question de la définition de l'expression «article de lecture». La littérature haineuse existait bien avant la TPS, et le Code criminel devra comporter des dispositions sur cette question pendant bien des années à venir, j'en suis sûre. Nos délibérations doivent toutefois porter sur les revues, les journaux et tout article de lecture. Cela ne dépend pas de nous. C'est prévu dans le Code criminel.

Pour revenir sur la question de ma collègue, ne serait-ce pas encourager l'achat de publications comme Penthouse et Playboy que de faire en sorte qu'elles ne soient plus taxables? Qu'avez-vous à répondre à cela? Je sais que la plupart des revues ne tombent pas dans cette catégorie, mais comment faire pour exclure les revues dont on veut décourager la lecture?

Mme Hushion: Je ne sais pas, mais je peux vous dire que la majorité des pays où ces revues étaient frappées d'une taxe ayant été abolie par la suite ou encore des pays où ces revues n'ont jamais été taxées ont choisi, en gros, de ne pas s'occuper de ce problème.

M. Hunt: Quelques pays essaient de faire cette distinction, mais ce sont des pays ayant une seule langue. Ces pays ont établi un système d'obtention de permis pour ce type de publications. L'Islande en est un exemple. On trouve dans ce pays une taxe à un taux particulier pour ce type de publications. Comme il n'y a qu'une seule langue, la production des publications est plus facile à contrôler dans ce pays.

La grande majorité des pays de l'OCDE et du G-7 ne font pas une telle distinction. Ils laissent leurs lois criminelles régler ce problème.

Examinons la question dans la perspective inverse. Devrions-nous nous opposer à ce projet de loi et rejeter la promesse écrite du premier ministre à cause de l'existence d'imprimés pornographiques? S'opposer à ce projet de loi parce que la pornographie et la littérature haineuse existent et qu'on croit peut-être que le Code criminel n'est pas assez puissant pour empêcher la publication de tels écrits, cela revient à dire que la poésie, les romans et les revues du Canada doivent être frappés d'une taxe parce qu'il y a de la pornographie dans le monde. Ce raisonnement ne tient pas. La question est de savoir s'il est possible de s'opposer à ce projet de loi pour ces raisons.

Mme Hushion: Vous serez peut-être intéressés à savoir qu'aucun pays du G-7 ne fait cette distinction.

Le sénateur LeBreton: Ce n'est absolument pas ce que je veux dire. Je suis certainement d'accord avec vous.

Le sénateur Kenny: Le sénateur Di Nino mérite des éloges pour avoir présenté cette mesure, formulée dans un esprit très positif.

Je veux me concentrer sur le sens des mots «autre article de lecture». Prévoyez-vous que ce projet de loi pourrait un jour englober les écrits sur support électronique?

Je sais, par exemple, que certaines écoles utilisent des logiciels informatiques dans le cadre de leur programme d'éducation. Sont-ils visés par ce projet de loi? Si oui, combien cela représente-t-il, en coûts?

Mme Hushion: Nous revenons au principe de base, qui s'applique aux livres, aux revues et aux journaux. C'était le cas en 1990, et c'est encore le cas aujourd'hui. Nous ne sommes ni pour ni contre une recommandation au gouvernement demandant l'ajout des logiciels d'éducation. Nous ne sommes pas en mesure de prendre position pour ou contre cette possibilité.

Vous avez raison. Nous sommes à l'aube d'un nouveau millénaire et tout le monde est branché, mais ce projet de loi porte exclusivement sur les livres, les revues et les journaux.

Le sénateur Kenny: Avec tout le respect que je vous dois, le projet de loi dit «autre article de lecture».

Monsieur le président, une définition suffirait peut-être à régler la question. «Autre article de lecture», c'est très général, et je me demande simplement ce que ça peut englober.

M. Hunt: Les mots «autre article de lecture» peuvent avoir été choisis pour que la mesure s'applique aussi à des choses comme des livres sur cassettes pour les handicapés visuels. Le projet de loi sur la taxe de vente harmonisée comporte une définition du mot «livre» qui inclut certains articles n'étant pas imprimés sur du papier -- essentiellement, des formes d'écrits destinées aux personnes handicapées. C'est peut-être aussi l'intention de cette mesure. Je vois que le sénateur Di Nino approuve.

Pour ce qui est de l'estimation des coûts, nous n'avons préparé aucune estimation concernant les formes d'écrits électroniques. Nous pourrions le faire si le comité souhaite que le projet de loi s'applique également à ces formes d'écrits. Nous avons une estimation de ce que ferait l'abolition totale de la TPS sur les écrits -- livres, revues et journaux -- telle que définie dans la promesse écrite du premier ministre. On estime que 182 millions de dollars de recettes tirées de la TPS seraient perdues. On croit que des économies compenseraient les pertes. Une hausse des impôts des sociétés et des particuliers, dans l'industrie de la publication et des domaines connexes, représenterait une hausse d'environ 60 millions. La perte nette est donc d'environ 120 millions de dollars.

Pour mettre ces chiffres en perspective, disons que, selon les estimations du ministère des Finances, les produits qui sont actuellement non taxables et les exemptions représentent des coûts annuels de plus de 6,6 milliards de dollars. Cette exemption additionnelle ne représenterait qu'une fraction de point de pourcentage des recettes auxquelles on renonce déjà.

Je le souligne parce que je suis sûr que, tôt ou tard, vous entendrez les termes «distorsion» et «érosion de la matière imposable» en relation à ce projet de loi. Nous ne devons pas oublier les recettes de TPS auxquelles on renonce en raison des exemptions et articles non taxables.

Mme Hushion: Il y a des exemptions pour les lamas élevés pour leur laine et pour d'autres choses.

Le sénateur Kenny: Monsieur le président, serait-il possible de demander une définition de l'expression «autre article de lecture» avant la prochaine séance? Le sénateur Di Nino semble approuver.

Le sénateur Di Nino: Je tenterai de m'en charger, monsieur le président.

Le président: Je vous remercie, sénateur.

Le sénateur Lavoie-Roux: J'ai toujours été contre la TPS sur les livres. Vous dites qu'il n'y a pas de risque que cette exemption ouvre la porte à d'autres produits. Je n'en suis pas si sûre. Par exemple, pourquoi les disques compacts, qui sont des outils importants, devraient-ils être exclus? Pourquoi conserver la taxe sur les vêtements d'enfants et sur les médicaments? Ils sont aussi très importants. Je ne parle pas de la taxe sur la bière, par exemple.

Je vous souhaite bonne chance. Toutefois, je ne suis pas sûre que cela n'ouvrira pas la porte à autre chose ou à quelqu'un d'autre, même si vous semblez bien sûrs que ce ne sera pas le cas.

Mme Hushion: Nous connaissons des précédents. J'aimerais que David Hunt vous en parle davantage.

M. Hunt: L'assiette de la TPS a été modifiée à plusieurs reprises pour abolir la taxe sur les yogourts et les puddings, les coquelicots du jour du Souvenir, les lamas élevés pour leur laine et le sperme de taureau. Il est arrivé à quelques reprises qu'on modifie le champ d'application de la TPS pour en supprimer des produits ou des services sans que ça donne lieu à de longues files d'attente pour obtenir d'autres exemptions.

Quelques parlementaires ont suggéré d'autres exemptions, mais les Canadiens n'ont pas fait beaucoup de pressions en ce sens. Les Canadiens comprennent qu'il a toujours été dans l'intention de tous les partis siégeant au Parlement de supprimer la TPS sur une certaine catégorie de produits, soit les imprimés -- livres, revues et journaux -- dès qu'on en aurait les moyens. Les Canadiens comprennent que le fait de tenir une promesse faite en 1990, 1992 et 1994 ne veut pas dire que tous peuvent se mettre en file pour faire valoir que leurs produits ou services sont aussi importants que les écrits. Les gens comprennent que le fait de tenir une promesse ne veut pas dire qu'on relance le débat au stade où il était en 1990.

Le président: Je vous remercie beaucoup pour votre mémoire et votre témoignage. Je vous remercie aussi d'avoir répondu à nos questions.

Nous passons maintenant aux témoins du ministère des Finances: MM. Tom McGirr, Kevin White et Steve Tierney.

C'est à vous.

M. Steve Tierney, directeur, Division de la taxe de vente, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Honorables sénateurs, je vous remercie de nous avoir invités à prendre la parole à votre comité aujourd'hui, au sujet de la TPS sur les articles de lecture et du projet de loi S-10.

Comme les sénateurs le savent, la taxe sur les produits et services est une taxe de vente multi-stades payable au moment de la consommation. L'une de ses plus importantes caractéristiques est son assiette très large. C'est un trait caractéristique de tous les régimes de taxe sur la valeur ajoutée existant dans le monde. La taxe à la valeur ajoutée, dont la TPS est un exemple, est maintenant la forme de taxe de vente la plus répandue dans les principaux pays industriels.

En Allemagne, les livres sont frappés d'une taxe de 7 p. 100, en France, de 5,5 p. 100 et en Italie, de 4 p. 100. Le Royaume-Uni ne taxe pas les livres. Dans le cas du Japon, je ne suis pas sûr. Les États-Unis n'ont ni taxe à la valeur ajoutée ni taxe de vente fédérale.

Les taux que j'ai énumérés sont inférieurs au taux normal dans ces pays, mais les livres et l'ensemble des imprimés sont quand même taxés. L'avantage d'avoir une large assiette fiscale, c'est de permettre d'appliquer un taux plus bas à l'ensemble des produits et services. Ainsi, le fardeau est au plus bas taux possible sur un produit ou service particulier.

Le fait de réduire l'assiette fiscale entraînerait une hausse du taux. Dans une société hétérogène, cela signifie qu'on risque de pénaliser certains choix de consommation plutôt que d'autres. En ayant une large assiette fiscale, le gouvernement n'essaie pas d'influencer les choix.

Une large assiette fiscale entraîne aussi une plus grande rentabilité. Les consommateurs sont libres de choisir sans que le régime fiscal vienne influer sur leurs choix. Ils sont libres de dépenser leur argent comme ils le veulent. Cela devrait favoriser les emplois et la croissance économique.

Une large assiette fiscale présente un autre avantage: sa simplicité pour les vendeurs et les administrateurs fiscaux. À la caisse, cela évite d'avoir à choisir entre plusieurs catégories de produits taxables et non taxables.

Vous avez parlé de la définition de l'expression «articles de lecture». Le CD-ROM peut être un article de lecture. Si l'on doit abolir la taxe sur les articles de lecture, on soulève la question de la taxe sur les CD-ROM. On ne peut pas utiliser de CD-ROM sans ordinateur. On en viendrait donc à se demander s'il doit y avoir de la taxe sur les ordinateurs. Dans la plupart des cas, les produits et services se présentent sur un continuum. Il n'y a pas de distinction radicale entre chacun.

Il y a bien des manières de satisfaire à différents objectifs. Le régime fiscal ne devrait pas nuire aux différentes manières de satisfaire à des objectifs.

Plusieurs autres choses pourraient se produire si la taxe devait être abolie sur les articles de lecture. Je me souviens que, à une certaine époque, un grand détaillant d'essence offrait un livre, sans frais, avec l'achat de 20 $ d'essence. Si une chose est gratuite, elle ne peut être taxée. Cela ne fait aucun doute. Toutefois, on recevait ainsi un ensemble de produits comportant de l'essence et un livre. Le détaillant est libre de fixer son prix au niveau voulu. Avoir, dans un même ensemble, un article taxable et l'autre non, cela pourrait être une tactique de diversion. C'est un exemple de ce qui peut se produire quand on a affaire à des articles parfois taxables et parfois non.

Nous croyons qu'il importe de conserver telle quelle l'assiette fiscale de la TPS. J'ai insisté sur la rentabilité. Les travaux de notre ministère ont révélé que, de tous les régimes fiscaux, les plus rentables étaient ceux qui fonctionnaient suivant le principe de la taxe à la valeur ajoutée. Le fait de ne pas taxer les investissements et de percevoir des recettes à même les choix de consommation des gens entraîne moins de distorsion dans l'économie et favorise une plus grande croissance économique, avec tous les avantages que cela comporte.

Si l'on compte moins sur une taxe particulière parce qu'on en a réduit le taux, on doit trouver un autre moyen de percevoir l'argent ainsi perdu. On doit choisir un autre moyen d'imposition -- et aucun n'est plus efficace -- ou une dépense de programme qu'il faudra couper.

La taxe sur les produits et services prévoit des exemptions, notamment sur les produits alimentaires de base, les appareils médicaux, les médicaments d'ordonnance, les loyers résidentiels, les services de garderie, la plupart des services municipaux, l'éducation et les services de santé.

La question que l'on doit toujours se poser, quand vient le temps d'ajouter un élément à la liste d'exemptions, consiste à savoir si les avantages sont plus importants que les coûts associés à cette mesure. L'autre manière d'envisager le problème consiste à déterminer s'il existe un moyen plus efficace d'atteindre l'objectif que la simple abolition de la taxe.

Le gouvernement fédéral a démontré son engagement à l'égard de l'alphabétisation et de l'industrie canadienne de la publication. L'abolition de la TPS serait-elle le moyen le plus efficace d'atteindre les objectifs d'alphabétisation, compte tenu que les plus gros acheteurs de livres sont ceux qui savent déjà lire? Je ne connaissais pas les chiffres que le témoin précédent a cités, mais, selon moi, plus on a d'argent, plus on achète un article particulier.

La grande majorité des pays de l'OCDE imposent une taxe sur leurs articles de lecture. Au Danemark et en Suède, les imprimés sont frappés d'une taxe de 25 p. 100, et ce sont deux des pays où le taux d'alphabétisation est le plus élevé du monde.

Il y a d'autres moyens d'atteindre cet objectif. Le gouvernement fédéral a conçu une autre stratégie qui consiste en un dégrèvement de 100 p. 100 pour les librairies, les écoles, les municipalités, les collèges et les groupes communautaires, lorsqu'ils achètent des livres destinés à promouvoir l'alphabétisation, auquel s'ajoute le financement versé au Secrétariat national à l'alphabétisation. L'an dernier, le financement de cet organisme s'est accru de 30 p. 100, pour atteindre 30,3 millions de dollars.

Pour ce qui est des étudiants et de l'éducation, le gouvernement reconnaît la nécessité d'aider les étudiants. La Stratégie canadienne pour l'égalité des chances a été présentée dans le discours du budget de 1998, de même que le fonds des bourses d'études du millénaire, les bourses d'études du Canada, la hausse du financement des trois conseils subventionnaires afin de promouvoir la recherche au niveau postsecondaire, des allégements fiscaux concernant les intérêts sur les prêts étudiants, l'amélioration du Programme canadien de prêts aux étudiants et la Subvention canadienne pour l'épargne-études, qui représente 20 p. 100 des cotisations dans un régime d'épargne-études enregistré.

En pensant aux mesures antérieures, prises au cours des six dernières années, ajoutons une hausse du crédit d'impôt pour études, qui est passé de 80 $ à 200 $ par mois pour les étudiants; une modification du crédit d'impôt pour frais de scolarité, afin qu'il ne s'applique pas seulement aux frais de scolarité mais aussi aux autres frais obligatoires que les universités et, peut-être, les collèges exigent maintenant; enfin le crédit de TPS, dont on a déjà parlé. Dans l'ensemble, nous offrons 3 milliards de dollars d'allégements fiscaux aux Canadiens à faible revenu.

Le crédit de TPS pour les étudiants s'échelonne de 199 $ par année, pour ceux qui vivent chez leurs parents, à 304 $ par année, pour ceux qui vivent ailleurs. Un crédit de 304 $ par année équivaut à payer la TPS sur des dépenses de 4 300 $.

L'élimination de la TPS sur le matériel de lecture est-elle en règle générale la meilleure façon d'aider les éditeurs canadiens? La réponse n'est pas claire. Car et les éditeurs canadiens et les éditeurs étrangers seraient avantagés.

Il existe peut-être une autre façon d'aider l'édition canadienne. L'approche du gouvernement est plus ciblée, privilégiant le financement du Conseil des arts du Canada. Le gouvernement a augmenté de 25 millions de dollars le financement du conseil et consacre un montant annuel de 15 millions de dollars à d'autres mesures visant à fournir une aide plus directe aux éditeurs canadiens.

Bref, le gouvernement a adopté une réponse assez ciblée en ce qui concerne les objectifs d'alphabétisation, d'éducation et d'aide à l'édition canadienne, eu égard à l'approche globale que consisterait en l'élimination de la TPS sur le matériel de lecture. Et c'est là un facteur très important dans l'accroissement des ressources investies ou la diminution des recettes.

En éliminant la TPS sur le matériel de lecture, on risque de ne pas concentrer efficacement les ressources consacrées à la réalisation des objectifs d'alphabétisation, d'éducation et d'aide à l'édition canadienne, tout en occasionnant, sur le plan de l'efficacité économique, de l'équité pour les consommateurs, du fardeau administratif de l'observation de la loi et de la fiscalité, des coûts pouvant atteindre 300 millions de dollars. Et puis où tracer la ligne? Quels biens et services devrait-on cibler? Vous connaissez probablement mieux que moi la liste des articles que la population souhaite voir exemptés de la TPS. Cela va du mazout de chauffage domiciliaire aux vêtements pour enfants. L'exemption de ces articles courants coûterait près de 2 milliards de dollars.

Le sénateur Kenny: La TPS est une taxe régressive. Ce qui vous plaît en elle, c'est son efficacité et sa facilité d'application. Vous avancez l'idée d'introduire des mesures d'équité sous forme de crédits d'impôt, mais n'en reste-t-elle pas moins une taxe régressive, qui fait plus de tort aux pauvres qu'aux riches?

M. Tierney: Si on associe TPS et crédit d'impôt sur la TPS, il s'avère que ce n'est pas une mauvaise taxe. Son efficacité est un aspect très important, car cette taxe aura permis d'augmenter notre économie beaucoup plus rapidement que toute autre méthode susceptible de percevoir le même montant.

Le sénateur Kenny: Vous dites que c'est une méthode plus équitable que l'application d'un impôt progressif.

M. Tierney: Leurs implications diffèrent à court et à long termes. Chose sûre, c'est une taxe plus efficace. Et du fait qu'elle est plus efficace, la croissance économique qui résulterait d'une intervention équivalente du gouvernement dans l'économie est également plus grande.

Le sénateur Kenny: En supposant que le sénateur Di Nino nous fournisse une définition des «autres articles de lecture» qui exclut les disques optiques compacts et le matériel de lecture électronique dont nous avons parlé tout à l'heure, ne serait-il pas relativement plus simple d'administrer une taxe qui ne s'applique qu'aux livres et aux magazines? J'aimerais que vous compariez les problèmes que cela supposerait avec ceux qu'entraîne l'administration de la taxe applicable aux aliments, article que le gouvernement a préféré exempter. Les aliments constituent un véritable cauchemar.

Nous avons entendu vos propos en faveur de l'élargissement de l'assiette fiscale et voulant que plus le nombre des articles taxés est élevé, plus faible est le taux global. Je vous prie de bien vouloir expliquer au comité pourquoi il serait plus compliqué d'administrer une taxe s'appliquant seulement aux livres à couverture rigide ou souple et aux magazines qu'une taxe sur un panier de provisions contenant des beignets qui, suivant leur mode d'emballage, peuvent être ou ne pas être assujettis à la taxe?

M. Tierney: Dès qu'on se met à tracer des lignes, comme vous le dites si bien, les choses se compliquent. Je ne suis pas sûr de savoir ce qu'il faut entendre par un livre ou un magazine. Je suppose qu'il faut inclure les magazines de bandes dessinées. Le matériel de lecture doit-il comporter un minimum de pages? Une carte est-elle un livre? Si une carte n'est pas un livre, qu'en est-il de l'abonnement au National Geographic qui donne droit à douze magazines et à quatre cartes par an? Qu'en est-il d'une affiche d'Agriculture Canada qui illustre différents poissons et définit chacun d'eux? S'agit-il d'un article de lecture? Plus on pèle l'oignon, dirais-je, plus les choses se compliquent.

Vous aviez parfaitement raison de dire que les produits alimentaires posent un tas de problèmes. Je ne puis pas dire si ce serait plus compliqué ou moins compliqué tant que je ne saurai pas davantage ce qui vous avez à l'esprit.

Le sénateur Kenny: Si vous êtes ici, à ce que je sache, c'est pour nous aider à peler l'oignon. Je crois que l'on s'accorde assez bien sur le principe du projet de loi. Le problème, si problème il y a, se pose lorsqu'il s'agit de définir ce dont on parle. Si vous estimez que le matériel de lecture inclut les cartes et que sais-je encore, eh bien, il faut nous en donner la liste. Qu'est-ce que du matériel de lecture? Qu'est-ce qu'un livre ou un périodique?

Le sénateur Di Nino m'a fait savoir qu'il déposerait une définition excluant les produits électroniques, vous pouvez donc les rayer de votre liste. Mais entretenez-nous au sujet des imprimés afin que nous sachions en quoi ils consistent pour le ministère des Finances.

M. Tierney: Je ne me risquerai pas à en donner une définition, mais je veux bien passer en revue certaines questions. Je ne crois pas qu'il me revienne de vous en fournir une définition. Certains éléments pourraient m'échapper.

Il y a bien sûr la question de savoir comment il convient de définir le «matériel de lecture». Si par matériel de lecture on entend du papier avec des mots écrits dessus, quantité d'articles tomberaient dans cette catégorie, y compris les boîtes de céréales, un exemple pas entièrement farfelu, car une boîte de céréales peut être considérée à la fois comme du matériel de lecture et bien sûr comme un produit alimentaire.

Comme vous le dites si bien, sénateur, il faut savoir tracer la ligne dans le secteur alimentaire. J'ai simplement invoqué le cas pour mieux faire saisir la complexité du dossier et proposer des moyens de réaliser les objectifs visés qui soient moins compliqués.

L'autre question qui se pose au sujet de la TPS est la suivante: Où s'arrêtera-t-on une fois le mouvement amorcé? Autrement dit, quel sera le prochain produit à exempter?

Le président: Je crois que nous avons compris votre point de vue. Vous vous êtes bien fait comprendre.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Je suis assez surprise de votre justification pour garder la TPS sur les livres. C'est un petit exercice de français que je vous donne. J'ai vraiment l'impression ici que le français est une langue minoritaire. Il n'y a jamais un fonctionnaire qui s'adresse à nous en français. Je ne suis pas pour faire ce reproche, c'est un autre problème.

Votre raisonnement pour justifier la TPS sur les livres, c'est que le gouvernement ou les gouvernements ont été généreux quant aux autres mesures qu'ils ont mises en place pour contrer l'analphabétisme. On sait fort bien que les résultats touchant l'alphabétisation sont très mitigés, très pauvres. Si vous regardez les statistiques, vous allez voir que les progrès se font à pas de fourmi, sinon à pas de tortue. C'est un drôle d'argument. La raison pour enlever la TPS était pour habituer les gens à acheter plus facilement les livres. Cela reste quand même un outil dont vous pouvez avoir besoin toute votre vie si vous voulez vous recycler. Je comprends mal votre raisonnement de justifier la TPS par le fait qu'il y ait des subventions données pour l'analphabétisme.

Quels sont, d'après vous, les autres secteurs qui pourraient être rapidement ou facilement l'objet de demandes pour être soustrait à la TPS?

[Traduction]

M. Tierney: Je vais commencer par la deuxième question. Les autres articles qui pourraient figurer sur la liste sont le mazout de chauffage domiciliaire, les vêtements pour enfants, les produits d'hygiène féminine et l'électricité. Tel serait le groupe primaire, les articles dont la population, à ma connaissance, réclame le plus souvent l'exemption. Je crois savoir que ce groupe, si on y ajoute les livres, générerait environ deux milliards de dollars en TPS.

Mes arguments ne portent pas tellement sur la question de savoir si, oui ou non, il faut appliquer la TPS aux livres, mais plutôt sur les avantages d'une assiette fiscale qui soit large. Une réduction de cette assiette, ne serait-ce que très légère au départ, n'est pas sans comporter des risques.

J'estime à 300 millions de dollars la montant de la TPS applicable au matériel de lecture. Si on tient à éliminer la TPS sur les livres, c'est qu'on vise un objectif particulier. Une fois l'objectif bien défini, qu'il s'agisse de l'alphabétisation, de l'éducation ou de l'aide à l'édition canadienne, il faut se demander s'il n'y a pas une autre façon de réaliser cet objectif qui ne viendrait pas compliquer le fonctionnement de notre fiscalité et qui serait peut-être encore plus économique du fait qu'il est possible de cibler l'objectif.

La fiscalité -- notamment en ce qui concerne la TPS -- est un instrument d'application générale. Vous avez déjà fait mention des bons et des mauvais livres, de sorte que je n'y reviendrai pas, mais son application est générale. On ne saurait en ce cas faire une distinction entre bon livre et mauvais livre. Si vous accordez un dégrèvement aux bibliothèques, aux oeuvres de bienfaisance et aux autres organismes qui s'occupent d'alphabétisation, c'est à eux de déterminer ce qui est bon et ce qui ne l'est pas, et le gouvernement n'a pas à intervenir à ce niveau. Ils achètent les livres et le gouvernement leur rembourse la TPS. Ils achètent les livres à des fins d'alphabétisation, ils jouent un rôle prédominant dans la lutte contre l'analphabétisme. Ils choisissent les livres, de sorte que le gouvernement n'a pas à se préoccuper de savoir s'il s'agit d'un bon ou d'un mauvais livre.

Voilà le point que je voulais faire ressortir, outre l'efficacité de la TPS. C'est une bonne taxe en raison de son efficacité, laquelle s'explique par sa large assiette. C'est la caractéristique que l'on trouve dans les systèmes de taxe sur la valeur ajoutée qui sont en vigueur dans le monde et au sein de l'OCDE.

Outre le Canada, trois autres pays du G-7 taxent les livres et les magazines, même si c'est à un degré bien moindre. Les taux de la taxe sur la valeur ajoutée sont généralement supérieurs à 20 p. 100 en Europe, tandis que la taxe sur le matériel de lecture y est généralement moins élevée. Je crois qu'elle se situe entre 4 p. 100 en Italie et 7 p. 100 en Allemagne. En Grande-Bretagne, une telle taxe n'existe pas, naturellement.

Le sénateur Johnstone: Je tiens à féliciter le sénateur Di Nino de son initiative.

Ma confusion vient du fait qu'au début de votre exposé, vous avez dit que la plupart des pays ont une quelconque taxe sur la valeur ajoutée. Or, les témoins qui vous ont précédé ont affirmé que bon nombre de pays n'avaient pas de système de taxe sur la valeur ajoutée.

M. Tierney: C'est vrai que la plupart des pays industrialisés du monde disposent d'un système de taxe sur la valeur ajoutée. C'est le cas du Canada, du Japon, de la Nouvelle-Zélande et de la plupart des pays européens. L'Australie n'a probablement pas encore tranché la question.

Je crois que c'est même une des conditions d'admission dans l'Union européenne. Je sais que l'ACDI et d'autres organismes ont invité des gens de ma division à se rendre dans la plupart des pays développés pour y parler de la taxe sur la valeur ajoutée. Trois anciens hauts fonctionnaires du ministère des Finances sont en Asie du Sud-Est, en Afrique et ailleurs pour conseiller les pays qui sont en train de mettre en place un système de taxe sur la valeur ajoutée.

Quant à la différence qu'il peut y avoir suivant que la taxe sur la valeur ajoutée est appliquée aux livres et aux magazines ou non, je pense que la personne qui m'a précédé à parler de subvention. Au Canada, quand un taux d'impôt réduit est appliqué à quelque chose, on dit que c'est une dépense fiscale, si bien qu'un pays peut à la fois avoir une dépense fiscale et taxer quelque chose. En France, les comptables du ministère des Finances diraient probablement que le gouvernement a dépensé tant par le truchement de cette taxe réduite sur les livres et les magazines. Nous avons un programme d'échange avec l'Union européenne. Nous avons actuellement chez nous quelqu'un de l'Union européenne. Nous lui avons demandé d'établir une liste comparative au plan du traitement fiscal, car il connaît bien la législation. Il travaille actuellement sur la législation en vigueur en Europe. Nous pouvons vous procurer une copie de ce diagramme. Si nous vous avons induit en erreur, nous nous en excusons.

Le président: Je vous remercie, monsieur Tierney, ainsi que les autres témoins du ministère des Finances.

Notre prochain témoin est M. Paul Jones. Je vous souhaite la bienvenue et vous prie de bien vouloir commencer.

M. Paul Jones, président et directeur de Canadian Business Magazine; directeur fondateur de la fondation pour la promotion de l'alphabétisation, ABC Canada: Je suis un ancien président du Groupe d'étude des entreprises canadiennes sur l'alphabétisation et directeur fondateur d'ABC Canada.

Je suis ici aujourd'hui pour représenter la Canadian Magazine Publishers Association qui regroupe les éditeurs de plus de 300 revues. La CMPA approuve de nombreux aspects de la taxe sur les produits et services. Nous approuvons notamment le fait que la TPS s'applique à tout ce qui est fait dans un but autre que journalistique. Nous tirons les deux tiers de nos revenus de la publicité et d'autres activités purement commerciales, et nous reconnaissons qu'il convient d'assujettir ce genre d'activités à la TPS.

Nous nous objectons cependant à l'application de la taxe aux abonnements et aux ventes en kiosque. Certains aspects de la question abordée ici ayant trait aux magazines, je parle également au nom de la Coalition contre la taxation de la lecture dont nous sommes membres.

On a beaucoup parlé cet après-midi de ce qui se fait ailleurs dans ce domaine, et la Coalition contre la taxation de la lecture serait heureuse de mettre à votre disposition le diagramme faisant état de la situation de la taxation du matériel de lecture dans les pays de l'OCDE et du G-7. Comme les exemples scandinaves cités le montrent, l'introduction de cette taxe a toujours été accompagnée de programmes de subventions massives, ce à quoi nous nous opposons chez nous, tout comme le gouvernement d'ailleurs, je suppose. Notre principale partenaire commerciale, les États-Unis, n'impose aucune taxe de vente sur les livres. Le taux d'imposition sur les articles de lecture est peu élevé ou inexistant dans les pays de l'OCDE. Nombreux sont les pays qui taxent le matériel de lecture à un taux variant entre 1 et 3 p. 100. Comme le témoin qui m'a précédé l'a dit, bon nombre des pays européens appliquent des taux d'imposition qui varient suivant le type de matériel de lecteur, mais ces taux sont tous bien inférieurs à celui pratiqué ici.

Il convient de signaler que dans les trois provinces de l'Atlantique où la taxe de vente sur le matériel de lecture -- le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse -- , les magazines, entre autres, sont deux fois plus élevés que dans tous les autres pays du G-7. Compte tenu de la volonté politique qui se manifeste dans ces provinces en faveur d'une économie du savoir, nous y décelons une rupture fondamentale entre l'objectif des gouvernements en place et la fiscalité.

La raison de détaxer les magazines est triple: il y a des questions de commerce international et d'alphabétisation; s'y ajoutent des problèmes d'ordre pratique; et puis il y a les énormes difficultés financières qu'ont connues bien des éditeurs ces huit dernières années.

Les résultats d'études comme celle sur l'efficacité des médias, réalisée au Canada en 1994, ont montré à maintes reprises que les magazines constituent le média le plus instructif et le mieux adapté aux besoins des personnes, et qu'ils ont des retombées positives sur l'économie du savoir. Par ailleurs, l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes menée en 1996 à Statistique Canada a montré que les personnes qui éprouvent des difficultés de lecture sont plus susceptibles de se procurer des périodiques que tout autre article de lecture, les dictionnaires mis à part, et nous croyons que c'est important. C'est vrai que nous appuyons la détaxation de toutes les formes de matériel de lecture, mais cela me donne froid dans le dos quand j'entends parler des livres et non pas des livres, magazines et journaux. Les magazines, eux aussi, sont importants.

Côté pratique, les résultats des études que la CMPA a menées révèlent que 70 p. 100 des magazines américains ne perçoivent pas la TPS sur les abonnements vendus au Canada. Par rapport aux magazines canadiens, ils ont donc un avantage qui varie entre 7 et 15 p. 100. On en discute avec les hauts fonctionnaires depuis des années et, à l'évidence, il n'existe pas de solution à ce problème. Les abonnements sont vendus par la poste et, à moins qu'un lecteur consciencieux ne fasse parvenir la TPS, on ne la verra pas de sitôt.

Pour ce qui est des difficultés économiques que la TPS vaut aux éditeurs, Mme Hushion a parlé tout à l'heure des nombreux éditeurs qui ont dû payer eux-mêmes la TPS. Je voudrais expliquer comment se fait-il qu'il en soit ainsi.

La plupart des publications sont vendues par la poste. Le prix de vente aux consommateurs est le facteur-clé. Une règle de base veut que chaque sou que vous essayez de récolter au-dessus du prix de vente aux consommateurs optimum se traduit par une diminution des ventes totales qui s'explique par un rétrécissement du lectorat. Ainsi, quand la TPS a vu le jour, les éditeurs qui ont voulu percevoir cette taxe, fixée alors à 7 p. 100, ont vu leurs tirages baisser de 6 p. 100, ce qui est sensiblement confirme à la règle de base. Bien des éditeurs ont préféré payer eux-mêmes la TPS dans l'espoir de conserver leurs lecteurs; ils n'ont donc pas pu accroître leurs revenus.

Il faut se rappeler qu'il s'agissait d'une nouvelle taxe. L'ancienne taxe de vente fédérale ne s'appliquait pas à la plupart des intrants utilisés par les éditeurs en tous genres. L'instauration des crédits d'impôt sur les entrants n'a pas amélioré la situation, puisqu'on ne payait pas alors de taxe dans ce secteur.

J'ajouterai que l'instauration subséquente de la TVH dans les trois provinces de l'Atlantique a aggravé encore davantage la situation, en particulier pour les éditeurs de cette région.

En conclusion, pour des raisons de commerce international et d'alphabétisation, à cause des problèmes pratiques et économiques inhérents et à compte tenu de la situation internationale, nous estimons que le projet de loi S-10 mérite votre appui.

Le président: En ce qui concerne la baisse de 6 p. 100 des tirages qui est survenue au moment de l'entrée en vigueur de la TPS, la situation est-elle restée inchangée ou y a-t-il eu amélioration depuis? Nous sommes en 1998 et la TPS a été instaurée en 1991. Qu'en est-il des tirages d'aujourd'hui par rapport à ceux qui avaient cours en 1990?

M. Jones: Dans la plupart des cas, les tirages sont aujourd'hui inférieurs à ce qu'ils étaient en 1991. Ce n'est pas vrai partout, mais telle est la situation globale. Bien d'autres facteurs ont pu intervenir. Chaque éditeur a adopté la stratégie qu'il jugeait la meilleure. Certains d'entre eux ont fini par assumer la taxe, acceptant de diminuer leur prix de vente aux consommateurs pour retrouver leurs tirages d'antan.

Le président: Avez-vous les chiffres exacts?

M. Jones: La Canadian Magazine Publishers Association passe annuellement en revue la liste des membres. Les chiffres par titre sont confidentiels, mais les chiffres globaux sont disponibles à des fins d'analyses diverses.

Le président: Il serait intéressant de pouvoir faire une comparaison entre 1990, l'année qui a précédé l'introduction de la TPS, et 1998 ou 1997.

Le sénateur LeBreton: Ça pourrait aussi aider à répondre à la question que j'ai posée à un témoin précédent au sujet de la perte que ça représente en dollars pour les éditeurs de magazines canadiens.

Le sénateur Maheu: Puis-je, ainsi que je l'ai fait aux autres témoins avant vous, vous demander comment vous définiriez le matériel de lecture?

Vous avez parlé d'inclure les magazines dans le matériel de lecture. Pourriez-vous nous expliquer quel serait l'avantage financier pour des magazines comme Playboy et Penthouse? Les contribuables subventionneraient-ils ces magazines? Ceci nous ramène à la question: que faisons-nous et comment définissons-nous le matériel de lecture.

M. Jones: Il existe plusieurs définitions du matériel de lecture en usage au gouvernement du Canada. Patrimoine canadien en a plusieurs à des fins diverses, et je suis sûr que les autres ministères aussi. En l'occurrence, je suppose que la définition du matériel de lecture applicable est celle qui se trouve dans le projet de loi que nous examinons. Personnellement, ma définition du matériel de lecture ne correspond à aucune de ces définitions.

Pour ce qui est de l'avantage financier pour les éditeurs de matériel de lecture, il est certains éditeurs pour lesquels la CMPA préférerait qu'il n'y en ait pas, comme les éditeurs de matériel de propagande haineuse ou de matériel pornographique. M. Hunt a fait tout à l'heure une remarque très juste. Si cette politique est valable pour les magazines ou les livres traitant de sujets légitimes qui intéressent la vaste majorité des gens, ces préoccupations sont-elles suffisantes pour faire dérailler ce qui autrement serait une initiative tout à fait valable? Ou bien ce genre de matériel devrait-il faire exception? Devrions-nous traiter de ce genre de matériel séparément au lieu de traiter de l'ensemble du matériel de lecture qui peut comprendre certaines choses qui ne nous plaisent pas?

Le sénateur Maheu: Le fait qu'il s'agisse de revues américaines influence-t-il votre point de vue?

M. Jones: Faisons-nous une distinction entre Time et Maclean's? Si nous commençons à faire ce genre de distinction, nous allons avoir d'énormes problèmes.

Le sénateur Lavoie-Roux: Faut-il payer la TPS sur les abonnements à des magazines étrangers? Je n'ai pas l'impression car je suis abonnée à des revues françaises, à moins qu'elle ne soit comprise dans le prix?

M. Jones: Il faudrait en parler au ministère des Finances, mais que je sache, si la personne qui paie l'abonnement a une adresse à l'extérieur du Canada, la TPS ne s'applique pas, comme pour les autres produits. Je pense que c'est ce qui se passe, mais il vaut mieux poser la question à des personnes mieux renseignées.

En ce qui concerne les revues françaises, je ne sais pas, mais d'après nos recherches, 70 p. 100 des magazines américains qui vendent des exemplaires sur abonnement au Canada ne perçoivent pas la TPS. S'ils la perçoivent, en tous cas, ce n'est pas indiqué sur leur formulaire d'abonnement.

Le sénateur Lavoie-Roux: Si je suis abonnée à Maclean's ou à L'Actualité, dois-je payer la TPS?

M. Jones: Absolument. Si vous résidez au Canada, vous devez la payer.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est drôle.

M. Jones: Je suis d'accord.

Le sénateur Kenny: Pourriez-vous dire au comité s'il y a une taxe à payer sur les magazines à tirage dédoublé? Pour ceux qui ne savent pas ce qu'on entend par «tirage dédoublé», c'est ce que font Time ou Sports Illustrated en incluant dans leur magazine un élément à teneur canadienne.

M. Jones: S'ils sont vendus chez les marchands de journaux ou dans les kiosques au Canada, oui. S'ils perçoivent la TPS, comme Time et les exemples que vous avez cités, la réponse est oui.

Le président: Même sur les abonnements?

M. Jones: Oui, même sur les abonnements.

Le sénateur Kenny: Est-ce fonction du lieu où ils sont imprimés?

Le président: Non, du mode de vente.

Le sénateur Kenny: Je peux comprendre qu'on puisse percevoir la TPS dans un kiosque ou chez le marchand de journaux, mais qu'arrive-t-il en cas d'abonnement à un magazine à tirage dédoublé?

M. Jones: Ces publications perçoivent la TPS parce qu'elles ont décidé de le faire.

Le sénateur Di Nino: Pas toutes.

M. Jones: Soixante dix pour cent des magazines américains ne perçoivent pas la TPS.

Le président: Mais Time et Sports Illustrated ont décidé de percevoir la TPS sur les abonnements et de toute évidence sur les exemplaires vendus en kiosque ou chez les marchands de journaux.

Merci pour votre témoignage, monsieur Jones.

La séance est levée.


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