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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages pour la séance du 12 mai 1998 (17 h 50)


OTTAWA, le mardi 12 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-13, Loi constituant la Fondation canadienne de responsabilité sociale de l'industrie du tabac et instituant un prélèvement sur cette industrie, se réunit aujourd'hui à 17 h 50 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Notre premier témoin est M. Rod Parker, président-directeur général du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac.

M. Robert Parker, président-directeur général, Conseil canadien des fabricants des produits du tabac: Comme nous l'avons déclaré devant d'autres comités du Sénat, de nombreux comités de la Chambre et ailleurs, les fabricants des produits du tabac du Canada s'opposent à ce que des mineurs fument. Nous sommes donc d'accord en principe avec l'objectif du projet de loi. Les programmes antitabac devraient cependant se fonder sur des critères raisonnables, en ce sens qu'ils devraient être responsables, efficaces, sensés sur le plan économique et légaux. Comme l'indique clairement notre mémoire, nous ne croyons pas que le processus, la forme et le fond du projet de loi satisfont l'un quelconque de ces critères.

Nos critiques peuvent être divisées en deux grands groupes. Premièrement, le projet de loi constitue le transfert direct d'une responsabilité d'un programme gouvernemental, d'un pouvoir de taxation, d'un espace fiscal et de points d'impôt à de simples particuliers non élus et non comptables. Au cours de la présente législature seulement, s'il est adopté, le projet de loi transférera 500 millions de dollars des fumeurs canadiens au lobby antitabac. Il s'agit là de 125 millions de dollars par année, sans que le gouvernement ait droit de regard. Aucune surveillance ne pourra être exercée par le Parlement. Le vérificateur général lui-même sera dans l'incapacité d'évaluer comment cet argent a été dépensé.

Le deuxième groupe de critiques s'apparente à celles que nous avons soulevées fréquemment par le passé. Elles concernent non pas les objectifs des initiatives antitabac, mais les moyens. Avec ce projet de loi, on assiste à la poursuite des mêmes genres de programmes qui ont échoué par le passé, parce qu'ils ne s'appuyaient pas sur une théorie crédible avant leur mise en oeuvre, et qu'ils n'étaient ni mesurés ni évalués pendant et après celle-ci.

À notre avis, la structure de la fondation continue également d'accréditer la thèse non fondée selon laquelle la décision de fumer est liée uniquement à l'existence de l'industrie et à ses activités de marketing. Ce que les critiques eux-mêmes qualifient de «campagnes pour sataniser l'industrie» vise apparemment à justifier des mesures antitabac draconiennes et, à la limite, parfois illégales. À mes yeux, elles n'ont aucun rapport avec une politique gouvernementale efficace et réfléchie. En particulier, elles n'ont aucun effet sur la décision que prend une personne de fumer ou de ne pas fumer, ni aucun lien avec cette décision. Une approche raisonnée au contrôle du tabagisme ne verra le jour que lorsque ce genre d'exagération disparaîtra du débat, et que l'attention se concentrera sur l'efficacité objectivement mesurée des politiques et programmes antitabac.

Je suis prêt à répondre à vos questions. Avant, cependant, permettez-moi de corriger une information erronée présentée ce matin à ce comité. Mme Callard, qui représentait les Physicians for a Smoke-Free Canada, a apparemment déclaré que les fabricants ajoutaient de l'ammoniaque aux produits du tabac, notamment aux cigarettes. Je ne l'ai pas entendu le dire moi-même, mais c'est ce qu'on m'a rapporté. D'après ce qu'on m'a dit, elle a déclaré que cela ne se faisait pas au cours du processus de fabrication, mais à l'étape de la première transformation du tabac, effectuée par d'autres compagnies, de sorte que les compagnies de tabac puissent nier l'existence d'une telle pratique.

J'ai eu l'occasion de vérifier auprès des trois compagnies. La plus importante de l'industrie, qui contrôle environ les deux tiers des produits du tabac vendus au Canada, possède ses propres opérations de transformation, de sorte que l'accusation ne s'applique pas en l'occurrence. Dans les trois cas, il n'y a pas d'ammoniaque ajoutée au tabac au Canada: à aucune étape, que ce soit au moment de la croissance, de la transformation, de la fabrication primaire ou secondaire, de l'emballage du produit ou de la vente au détail de celui-ci.

Ce n'est que pure invention délibérément présentée au comité, sous le couvert de la protection de ce dernier en matière de diffamation ou d'autres poursuites légales par les fabricants. Je pensais que vous devriez connaître les faits. Cela illustre le genre de choses dont je parlais. Cela montre également pourquoi nous pensons qu'il ne faudrait pas remettre à ces gens 125 millions de dollars par année qu'ils utiliseront selon leur bon plaisir.

Le président: Dans votre exposé, vous laissez entendre que ce projet de loi pourrait excéder les pouvoirs du Parlement fédéral et même possiblement enfreindre la Charte, mais vous n'avez pas développé cette idée. Je ne veux pas dire nécessairement que vous devriez traiter de cette question maintenant, mais je tiens à consigner au compte rendu que vous avez eu l'occasion d'envoyer un de vos experts juridiques ou constitutionnels pour se joindre à un groupe de discussion sur ce sujet. En fait, vous pouvez encore le faire si vous le désirez.

M. Parker: Nous vous savons gré de l'offre. Je vais certainement tenter de répondre à toute question que vous ou vos collègues pourriez avoir au sujet de cette déclaration de notre mémoire. La dernière fois que nous avons comparu devant un comité de cette Chambre au sujet de la Loi sur le tabac, nous nous sommes fait un devoir d'amener des experts constitutionnels qui ont procédé à une critique détaillée des points que nous estimions, et estimons encore, être inconstitutionnels dans ce projet de loi. Pratiquement aucun de ces aspects de la loi n'a été changé. Par conséquent, ma comparution d'aujourd'hui est en fait un crime aux termes de la Loi sur le tabac. Nous en parlerons en fait à une date ultérieure. Je répondrai de mon mieux aujourd'hui aux questions des sénateurs.

Le sénateur Stollery: Le moins que je puisse dire, c'est que j'ai trouvé le témoignage de ce matin plutôt spectaculaire. Je pose ma question du point de vue de quelqu'un qui a déjà été un gros fumeur, mais qui a cessé de fumer quand les cigarettes coûtaient 33 cents le paquet. Je me rappelle très bien les arguments soulevés dans les années 50 avant la publication du fameux rapport de la Chambre des Lords en 1959. Je me rappelle avoir lu le rapport qui réfutait l'argument invoqué à l'époque par les compagnies de tabac et selon lequel rien ne prouvait que fumer cause le cancer. Je m'en rappelle très bien, parce que tout le monde parlait de ce rapport. Après l'avoir lu, on finissait par se dire qu'il faudrait arrêter de fumer si l'on voulait rester en vie.

Votre exposé me rappelle les discussions en 1956 et 1957 lorsqu'il était clair que les gens éprouvaient des problèmes de santé à cause de la cigarette. Selon le témoignage entendu ce matin, 40 000 personnes par année meurent au Canada parce qu'elles fumaient. Acceptez-vous ce chiffre?

M. Parker: Non, monsieur.

Le sénateur Stollery: À votre avis, combien de gens meurent à cause de la cigarette?

M. Parker: Je ne sais pas.

Le sénateur Stollery: L'industrie du tabac n'a-t-elle pas effectué d'études à ce sujet?

M. Parker: Pour commencer, permettez-moi de vous dire ce que nous pensons savoir au sujet des effets du tabac sur la santé. Il est clair depuis longtemps que les risques pour la santé du consommateur de tabac sont énormes. Les risques de contracter une série de maladies et de conditions longue comme le bras augmentent chez les fumeurs, comme groupe. Pour ce qui est de ce chiffre particulier de 40 000 personnes, que je sache, aucune collecte de données n'a jamais été entreprise au Canada. Il s'agit d'une interprétation statistique fondée, à l'origine, sur une enquête effectuée en Californie en 1970 par les Adventistes du Septième jour. Le chiffre augmente de quelques milliers de personnes chaque année, selon le groupe antitabac, sans que j'aie jamais obtenu pour cela une explication satisfaisante.

Outre le risque élevé de contracter ces maladies, nous savons que les fumeurs en tant que groupe ont une espérance de vie plus courte que les non-fumeurs, en moyenne d'entre cinq et sept ans. Le travail scientifique à ce sujet se poursuit. Quant au mécanisme causal, une étude publiée l'automne dernier laissait entendre pour la première fois qu'il existe une preuve que la fumée de tabac cause une maladie particulière, je crois qu'il s'agit d'une forme de cancer du poumon, dont le mécanisme causal n'est pas encore tout à fait compris. Le facteur de risque l'est pour sa part. Il est compris par toute la population, certainement par tous les fumeurs, et l'information à cet effet figure sur les emballages depuis de nombreuses années.

Le sénateur Stollery: La preuve, ce matin, était tout à fait saisissante. J'ignorais que le tabagisme connaissait un tel regain de popularité chez les jeunes. Ma génération, en grande partie, a cessé de fumer.

Acceptez-vous les chiffres qui montrent qu'en Californie, où ils dépensent quatre dollars par habitant pour la sensibilisation au tabagisme, seulement 10 p. 100 des jeunes fument, alors qu'au Canada, où nous dépensons 33c par habitant, 33 p. 100 des jeunes fument?

M. Parker: Je ne suis pas au courant des chiffres de la Californie, parce que je n'ai vu aucun sondage objectif sur le comportement des fumeurs. Je crois que le comité entendra quelqu'un de la Californie qui sera peut-être en mesure de vous renseigner objectivement.

Au Canada, il continue d'exister un désaccord passablement marqué entre les fabricants et le lobby antitabac en général au sujet du tabagisme, des tendances et de la signification de ces dernières au Canada. Les renseignements que nous avons utilisés, et sur lesquels nous fondons nos déclarations sur le sujet, nous viennent d'enquêtes du secteur public effectuées sur une grande échelle par Statistique Canada, habituellement pour le compte d'autres ministères fédéraux comme Santé Canada. Au cours des dernières années, tant Statistique Canada que Santé Canada ont estimé que le comportement en matière de tabagisme au Canada n'avait pratiquement pas changé depuis le milieu des années 80. Nous estimons que c'est le cas. À la fin de ce mois-ci, ou le mois prochain, devrait paraître une enquête d'envergue utilisant des données de 1997, mais nous n'en connaissons pas encore les résultats. Il se pourrait que l'on constate une légère baisse.

À partir des études fédérales, nous avons pu déduire que le tabagisme tant chez les jeunes que chez les adultes a diminué sur une période d'environ 30 ans, à partir du début des années 60 jusqu'au milieu et la fin des années 80. À partir de 1990 et en 1991, il y a eu un revirement de la situation chez le groupe des très jeunes fumeurs. C'est le seul groupe où ce changement s'est produit.

Le sénateur Stollery: Il y a eu augmentation.

M. Parker: Oui. Cela a commencé en 1990 et s'est poursuivi jusqu'à la fin de 1993 ou au début de 1994, pour revenir ensuite aux niveaux précédents. Le chiffre s'est alors stabilisé avant de baisser légèrement. Au cours de la période comprise entre 1986 et 1996, les chiffres pour le début et la fin de la période sont identiques. On n'a enregistré aucune augmentation du tabagisme au Canada depuis la diminution de taxes en 1994. Ce serait plutôt une légère baisse dans l'ensemble.

Si chaque fumeur au Canada qui fume un paquet de cigarettes par jour fumait seulement une cigarette de moins par jour, 19 plutôt que 20, cela ferait une baisse de 5 p. 100. Nous avons peut-être eu une baisse de 4 p. 100 ou un petit peu moins. Les chiffres sont très trompeurs pour diverses raisons.

Il n'y a pas eu d'augmentation du tabagisme chez les jeunes. La hausse intervenue il y a huit ans s'est produite au moment où la publicité était interdite et où les taxes étaient élevées et augmentaient. Cela n'est pas seulement arrivé ici, mais également aux États-Unis et au Royaume-Uni. Cette augmentation ne s'est pas seulement produite pour le tabac; elle s'est produite pour le cannabis et pour la consommation d'alcool par les mineurs, et personne ne sait pourquoi. Dans le cas du cannabis, ce n'était certainement pas attribuable à l'emballage ou à la publicité.

Le sénateur Stollery: Je vis au centre-ville de Toronto. Je dois être dans l'erreur au sujet du nombre d'adolescentes que j'ai vues fumer -- et le nombre semble augmenter. De toute évidence, l'industrie du tabac n'est pas d'accord avec cela.

Le président: J'aimerais savoir de quels chiffres nous parlons, de manière que nous puissions quantifier tout cela.

Dans une étude effectuée pour le ministère fédéral de la Santé, j'ai vu un chiffre pour 1996 qui indiquait que 11 p. 100 des adolescents âgés entre 11 et 17 ans étaient fumeurs, et que 32 p. 100 des adultes de 18 ans et plus l'étaient également. Ces chiffres sont-ils exacts?

M. Parker: J'aimerais vérifier le chiffre de 11 p. 100. Dans l'ensemble, le pourcentage est légèrement inférieur à 30 p. 100. Des chiffres différents recueillis à différents moments avec diverses méthodologies peuvent produire des résultats légèrement différents.

Le président: Est-ce de cet ordre de grandeur?

M. Parker: À 30 p. 100, vous êtes certainement près du chiffre pour la population dans son ensemble. Quinze ans et plus est la division que Statistique Canada utilise.

Le président: Nous devrons parler à Statistique Canada quand ses représentants comparaîtront devant le comité. Les enquêtes effectuées pour Santé Canada répartissaient la population entre les «adolescents» âgés de 11 à 17 ans et les «adultes» âgés de 18 ans et plus.

M. Parker: Les groupes d'âge utilisés par Statistique Canada commencent avec les 15 à 19 ans, puis les 20 à 24 ans, et ainsi de suite.

Le président: Il existe un problème avec les fumeurs de moins de 15 ans.

M. Parker: Absolument. Il y a des jeunes de cet âge qui fument.

Le président: Avez-vous une idée du nombre?

M. Parker: Nous n'effectuons pas de recherche là-dessus, mais à l'occasion, Santé Canada et d'autres groupes en font.

Il y a trois mois, nous avons vu un article de journal qui prétendait que le tabagisme chez les jeunes était en augmentation. On disait qu'en Alberta le chiffre était passé de 22 ou de 24 p. 100 à 48 p. 100. Comme l'industrie n'avait rien entendu dire au sujet d'un tel changement de comportement en Alberta, nous avons obtenu les données de l'enquête. Celle-ci était fondée sur un échantillon d'une trentaine de personnes. C'était une erreur méthodologique, en d'autres mots.

Le président: Les études effectuées pour Santé Canada concernaient un échantillon d'environ 2 000 adultes et d'environ 900 adolescents, ce qui est très bon. C'est un échantillon de bonne taille.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Ce matin des témoins ont dit qu'il y avait une augmentation considérable des fumeurs. Vous venez de nous dire que le pourcentage de fumeurs a diminué. C'est ce que vous avez dit tantôt ou je me trompe?

[Traduction]

M. Parker: Que je sache, on a enregistré ces trois ou quatre dernières années une légère diminution du pourcentage de la population qui fume, et de la quantité fumée, ou des deux. Je ne suis au courant d'aucune augmentation substantielle étayée par une étude objective, statistiquement fiable au cours de la même période.

Un problème se pose à cause des définitions. Qu'entend-on par fumer régulièrement? Qu'entend-on par fumer tous les jours? Si vous demandez à quelqu'un combien il a fumé de cigarettes la semaine dernière, comment savoir à quel point la mesure est exacte? C'est un domaine beaucoup plus compliqué à mesurer que ne le laissent généralement entendre les médias et autres. Cependant, si vous voulez savoir si le tabagisme augmente au Canada depuis 1994, la réponse est non.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: En considérant qu'il y a eu une augmentation des gens habitués au tabagisme, à votre avis, quels sont les principales causes de l'augmentation du tabagisme? Vous pouvez nous le dire? Qu'est-ce qui porte les gens à consommer plus de tabac? Les prix, la qualité, votre publicité?

[Traduction]

M. Parker: Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à la question, parce que, contrairement aux allégations faites plus tôt ce matin, je ne crois pas que le comportement intervient.

J'ai parlé plus tôt d'un désaccord continu et marqué entre nous-mêmes et les organisations antitabac. Pourquoi quelqu'un prétendrait-il que l'information de Statistique Canada n'existe pas ou qu'elle est erronée? De toute évidence, ce pourrait être pour justifier une intervention d'urgence de quelque sorte. En fait, nous croyons que dans l'ensemble le tabagisme a diminué. C'est un énorme problème à mesurer avec beaucoup d'exactitude.

L'objet du projet de loi, et j'imagine celui du comité, et sa préoccupation la plus pressante, vise le tabagisme par les mineurs -- ceux qui n'ont pas l'âge légal d'acheter ou de consommer des cigarettes. Cette situation touche les jeunes, hommes ou femmes. Nous convenons avec les parrains du projet de loi qu'il s'agit là d'un problème sur lequel il faut se pencher. Je ne peux cependant pas vous dire pourquoi le tabagisme a augmenté parce que je ne crois pas qu'il ait augmenté.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: J'aimerais savoir si l'augmentation de 50 cents va avoir une répercussion sur le marché commercial?

[Traduction]

M. Parker: Le prélèvement de 50c. imposé par ce projet de loi représentera environ 1 $ la cartouche une fois le produit vendu au niveau du détail en raison des marges bénéficiaires au détail et en gros.

En général, nous ne nous opposons pas à la théorie selon laquelle il existe une relation inverse entre le prix et la consommation. Autrement dit, avec la cigarette, comme avec tout autre produit de consommation, dès que le prix augmente, la consommation a tendance à baisser.

Le tabagisme n'a pas augmenté au Canada entre 1988 et 1993. Durant cette période, les taxes ont plus que quintuplé, la contrebande s'était implantée au point de représenter 40 p. 100 du marché national et, au Québec, les cigarettes de contrebande constituaient 70 p. 100 du marché. C'est un fait renversant et c'est la première chose que révèlent les chiffres de Statistiques Canada. J'espère que les représentants de Statistiques Canada vous en parleront.

Ce qui s'est passé c'est qu'une partie de la population, ou toute la population dans une certaine mesure, a acheté des cigarettes de contrebande à des prix inférieurs. L'augmentation du prix des cigarettes découlant de la hausse de taxes ne s'est pas pleinement fait sentir.

Il est possible en théorie que, si la contrebande avait été éliminée ou évitée complètement -- c'est-à-dire si le Canada était une île où il n'était pas facile d'y introduire clandestinement des produits prohibés -- l'augmentation du prix des cigarettes aurait pu avoir plus d'impact. Pour moi, l'effet sur la vente de cigarettes au Canada n'a pas été perceptible durant cette période. Comme je l'ai indiqué, le tabagisme chez les très jeunes, qui aurait dû s'en ressentir le plus, a augmenté à partir de 1990 et 1991. Il s'est stabilisé à la fin de 1993 et au début de 1994. La baisse est survenue en février 1994.

Il existe de nombreuses prévisions sur l'effet théorique de la variation du prix sur le comportement des consommateurs. Toutefois, d'après l'expérience des douze dernières années, les résultats sont bien inférieurs aux prévisions.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: L'augmentation de 50 cents par cartouche va peut-être nuire aux fabricants de tabac mais va aider les contrebandiers et les fumeurs sont toujours les mêmes. Les gens qui sont habitués au tabagisme ne vont pas cesser pour 50 cents. Ils vont trouver des moyens pour obtenir des cigarettes à bon marché et on va se retrouver avec les mêmes problèmes au Québec, comme ceux que nous avons connus près de Montréal. Les gens achetaient des paquets de cigarettes et les vendaient en contrebande. Qu'est-ce que vous allez faire pour sauver vos intérêts? Qu'est-ce que la loi va faire pour éliminer la contrebande?

Nous nous trouvons pris en sandwich. Les fumeurs sont comme les alcooliques. Certains s'en sauvent mais d'autres vont continuer à boire. Il y a de la réhabilitation. La cigarette, c'est la même chose. Ceux qui n'ont pas d'argent vont l'acheter à bon marché. Nous allons alimenter les contrebandiers. Qui va en souffrir? Vous, les fumeurs, les gens qui font de la contrebande ou les gouvernements? Comment voyez-vous cette situation?

[Traduction]

M. Parker: Avec ce projet de loi, les fumeurs vont payer près d'un dollar de plus la cartouche. Actuellement, une cartouche se vend entre 28 et 29 dollars en Ontario et au Québec ainsi que dans les provinces de l'Est où la taxe est peu élevée. Je ne pense pas que cette augmentation soit suffisante pour inciter les gens à arrêter de fumer. Ça représente une augmentation de 10 à 15 cents par jour pour celui qui fume à peu près un paquet par jour.

Le problème est le suivant: Il y a deux structures fiscales au Canada. Dans cinq provinces, les taxes très élevées font doubler le prix que je viens de vous donner, et il y a d'autres provinces où les taxes sont moins élevées. Il y a aussi des réserves autochtones où il est possible d'acheter des paquets de cigarettes à bandelettes noires. Dans certains cas même, les autochtones peuvent acheter des paquets à bandelettes de couleur.

En théorie, la bandelette du paquet est noire quand on ne paie ni la taxe de vente provinciale, ni la TPS, ni la taxe provinciale sur le tabac. La différence de prix est d'environ 10 $ la cartouche. D'après ce qui s'est passé à la fin des années 1980, cette marge de profit est suffisante pour inciter les criminels à importer ou à vendre le produit illégalement, parce que les fumeurs économisent 4 $ ou 5 $ la cartouche.

À cette marge de 10 $, réalisée en Ontario ou au Québec, on ajoute jusqu'à 25 $ au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta et même plus en Colombie-Britannique ou à Terre-Neuve, ce qui rend la marge de profit intéressante pour les criminels. La hausse prévue dans le projet de loi augmentera la marge de profit, mais pas de façon significative.

Nous sommes actuellement en pourparlers avec toutes les provinces et avec Revenu Canada pour trouver d'autres mesures de lutte contre la contrebande. La contrebande nuit aux fabricants ici, comme on l'a constaté à la fin des années 80 et au début des années 90. Les contrebandiers peuvent très bien introduire des produits fabriqués n'importe où dans le monde. Peu nous importe que ce soit nos cigarettes ou celles d'autres fabricants qui font l'objet de la contrebande. Nous ne voulons plus de contrebande. Nous aimerions mieux qu'il y ait un seul régime fiscal au Canada pour pouvoir éliminer la contrebande entre les provinces. Voilà la situation.

Je ne peux pas dire si ce projet de loi s'attaque vraiment au problème de la contrebande. D'après moi, rien ne peut arrêter la contrebande d'un produit prohibé ou dont la différence de prix sur le marché noir incite les criminels à en faire le commerce.

Le sénateur Lavoie-Roux: Nous savons que vous approuvez la production de cigarettes, ce sur quoi nous avons des réserves. Par ailleurs, je crois comprendre que vous versez beaucoup d'argent au gouvernement, ce qui est un point positif.

M. Parker: Les fumeurs le font.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y a des observations dans votre résumé que nous devons examiner plus attentivement. Vous soulignez le fait que les groupes antitabac ne sont pas assujettis à une évaluation. Vous avez parfaitement raison. Si on crée une fondation dotée d'un budget important, il faut prévoir des mesures d'évaluation. Puis, vous donnez quelques explications là-dessus. Les membres de la fondation n'auront pas de comptes à rendre au sujet de leurs dépenses. La fondation peut faire double emploi avec le programme public existant, ce qui veut dire que le conseil d'administration de la fondation doit être formé de gens responsables. Il y a des lacunes dans le projet de loi qui vont permettre à la fondation de dépenser plus de 10 p. 100 de son budget en frais administratifs.

Le tabagisme chez les jeunes vous préoccupe-t-il?

M. Parker: Oui, bien sûr, sénateur.

Le sénateur Lavoie-Roux: Vous vous préoccupez même du tabagisme chez les adultes. Il est prouvé que, chez les femmes qui fument, il y a plus de bébés qui naissent prématurément.

M. Parker: Et plus de bébés ayant une insuffisance pondérale.

Le sénateur Lavoie-Roux: Que proposez-vous pour réduire le nombre de jeunes fumeurs? Ce que vous avez fait n'a pas changé grand-chose.

M. Parker: Nous participons déjà à un programme appelé Opération Identification qui vise à empêcher l'accès au tabac, autrement dit à faire en sorte que les mineurs ne puissent pas acheter de cigarettes. Nous participons à ce programme depuis environ 10 ans, en collaboration avec les grossistes, les détaillants, les syndicats visés et d'autres.

Un des problèmes de ce programme c'est que les commis des dépanneurs sont souvent eux-mêmes des mineurs. Ils ont 14 ou 15 ans et changent d'emploi tout le temps. C'est intimidant pour un jeune commis de refuser de vendre des cigarettes à un acheteur peut-être un petit peu plus vieux que lui qui fréquente la même école secondaire. Quoiqu'il en soit, selon la loi, les détaillants doivent demander une pièce d'identité et refuser de vendre des produits du tabac à des mineurs.

Selon la dernière enquête que Santé Canada a rendue publique -- et le ministère en effectue maintenant une chaque année --, cette mesure concernant la vente de cigarettes aux mineurs est respectée à 72 p. 100, ce qui est une augmentation de 22 p. 100 depuis l'entrée en vigueur du programme, il y a deux ans. C'est bien, mais ce n'est pas suffisant. Nous avons élaboré un projet pilote qui doit commencer en Colombie-Britannique pour faire augmenter cette proportion.

Ce n'est pas l'accès au tabac qui incite les jeunes à fumer. En contrôlant l'accès au tabac, on rend le tabagisme plus difficile, mais on ne peut l'éliminer complètement même si la loi était respectée à 100 p. 100.

Nous avons annexé à notre mémoire un document produit par le service de recherche sur le tabac de l'Ontario qui traite des prédicteurs du tabagisme chez les jeunes. L'an dernier, nous avons soutenu que la Loi sur le tabac qui, entre autres, interdit la publicité et limite les commandites, ne s'attaque pas aux vraies causes du tabagisme chez les jeunes.

Vous connaissez l'histoire, que j'ai apprise quand j'étais enfant, de celui qui cherchait son portefeuille au milieu de la nuit, sous un réverbère parce qu'il y faisait plus clair, alors qu'il avait perdu son portefeuille un peu plus loin. Je crois qu'il faut commencer à chercher au bon endroit et se demander qu'est-ce qui motive les jeunes à fumer. C'est d'abord et avant tout par esprit de rébellion qu'ils fument. Il faut aussi tenir compte de facteurs comme l'exemple des parents, la pression des pairs, les mauvais résultats scolaires.

Un certain nombre de recommandations ont été formulées à ce sujet au Forum national sur la santé. Nous pensons qu'elles méritent d'être examinées. Ça ne veut pas dire que les programmes d'information mis en oeuvre dans le passé doivent être abandonnés, mais il faut en changer quelque peu l'orientation. Si vous interdisez catégoriquement à votre adolescent rebelle de 16 ans de faire telle ou telle chose, il est presque assuré qu'il fera exactement ce que vous essayez de l'empêcher de faire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je sais que vous imprimez des avertissements sur vos paquets de cigarettes, mais seriez-vous prêts à financer d'autres études sur l'étiologie du tabagisme chez les jeunes? Est-ce complètement impossible? Je sais bien que vous vendez du tabac.

M. Parker: Nous fabriquons et vendons des produits du tabac.

J'ai parlé de cela il y a un an devant un autre comité. Pour faire plus que ce que nous faisons actuellement, nous devons nous associer à d'autres groupes et organismes. L'industrie est bien prête à envisager des mesures comme celles dont vous venez de parler et d'autres, et elle est prête à les financer.

Tout dépend de la mesure envisagée. Nous avons entendu des choses assez farfelues de la part du lobby antitabac sur ce qui va inciter les gens à arrêter de fumer. Pour nous, ces propositions ne tiennent pas compte de ce qui pousse les adultes et les jeunes à fumer; c'est mal comprendre le problème.

Le sénateur Stollery: J'ai arrêté de fumer parce que je ne voulais pas mourir avant l'heure.

M. Parker: C'est une bonne raison d'arrêter.

Le sénateur Cohen: J'ai travaillé dans la vente au détail. Je sais que la promotion fait augmenter les ventes et incite les gens à acheter. Dans le cas qui nous occupe, elle encourage les gens à fumer.

Quand vous avez comparu devant le comité en 1997, vous avez dit que la publicité n'incitait pas les gens à se mettre à fumer, et que les fabricants admettaient que les jeunes ne devraient pas fumer.

Nous nous demandons pourquoi les jeunes fument. Quand j'avais 13 ans, j'ai commencé à fumer en cachette parce que c'était cool. Les jeunes fumaient parce que c'était cool. Ne pensez-vous pas que la publicité qui montre des sportifs et de beaux pilotes de course n'incite pas, par association, les jeunes à trouver que fumer est cool? Quand j'étais jeune, ça m'aurait impressionné. J'aurais pensé que c'était bien de fumer parce qu'un tel ou un tel en faisait la promotion.

M. Parker: C'est très difficile de généraliser à partir de la réaction d'une personne.

Une vingtaine de pays dans le monde ont interdit la publicité et les commandites de tabac, dans certains cas depuis 20 ans. Il faut vérifier si, dans ces pays, le fait d'interdire ou de limiter la publicité a été utile. D'après ce qu'on sait, rien n'indique que des mesures de ce genre réduisent le tabagisme. En fait, dans deux pays scandinaves, le tabagisme chez les jeunes a augmenté depuis l'interdiction. Pourquoi? Ça ne semble pas logique. C'est peut-être parce que quand un pays met tout en oeuvre pour empêcher la publicité d'un merveilleux produit, les jeunes de 16 ans en demandent.

Pendant un ou deux ans, on a fait un coup publicitaire en Europe en lançant sur le marché, en Angleterre et aux Pays-Bas, des cigarettes appelées Death Brand, dans un paquet noir avec une tête de mort. Il y en avait aussi d'une autre marque, les Death Lights, qui étaient vendues dans un paquet blanc avec une tête de mort. L'avertissement sur le paquet: «N'achetez pas ce produit, il est extrêmement dangereux», contrastait violemment même avec celui qui figure sur les paquets de cigarettes vendus au Canada. Ces cigarettes se sont vendues comme des petits pains, et ce sont les adolescents qui les achetaient.

Nous avons au Canada une expérience pratique de l'interdiction de la publicité depuis 10 ans. Entre début 1989 et 1995, il n'y a pas eu de publicité de produits et un peu de publicité de commandite. Alors que nos taux de tabagisme sont en général restés stables, les taux de tabagisme aux États-Unis ont légèrement diminué, sans qu'il n'y ait de tels contrôles en place.

Tout ce que je peux vous dire, c'est que je ne crois pas que la décision de fumer par opposition à la décision de choisir une marque soit influencée par la publicité de cigarettes, de voitures ou de savon. En effet, vous prêtez beaucoup d'attention à la publicité lorsque vous avez décidé que vous voulez une voiture. Je ne crois pas qu'une annonce publicitaire puisse vous persuader d'acheter une voiture si vous n'en voulez pas, et c'est ce dont il s'agit ici.

Le président: Nous allons devoir approfondir ces questions avec d'autres témoins et nous aurons la possibilité de le faire. Merci beaucoup d'avoir comparu aujourd'hui, monsieur Parker.

M. David Bonfilio, notre prochain témoin, va nous parler de ce qui fonctionne bien dans d'autres instances, en ce qui concerne notamment l'éducation du public visant à diminuer le tabagisme au sein de la population. Il va pouvoir nous dire, à tout le moins, ce qui fonctionne bien en Californie, sans toutefois nécessairement se limiter à cette instance.

Bienvenue au Canada et à ce comité.

M. David Bonfilio, ancien président, American Cancer Society, California Division, Inc.: Je suis bénévole pour l'American Cancer Society. J'ai fait carrière dans la banque et je ne suis pas activiste de carrière.

Lorsque l'American Cancer Society a facilité l'adoption de la Proposition 99, programme finançant la lutte contre le tabagisme en Californie, nous avons promis aux électeurs de Californie de ne pas accepter d'argent susceptible d'en découler. L'American Cancer Society ne tire aucun profit, directement ou indirectement, de la Proposition 99.

J'ai eu la possibilité de parcourir le projet de loi S-13 et j'y vois plusieurs aspects positifs, susceptibles d'améliorer un programme de lutte contre le tabagisme au Canada. D'abord, il prévoit un prélèvement et non une taxe; il n'est donc pas assujetti au processus budgétaire. Deuxièmement, les fonds et les programmes seront gérés par une fondation distincte du gouvernement. Ces deux éléments me plaisent beaucoup et vous comprendrez pourquoi en m'écoutant.

En 1988, les électeurs de la Californie -- 57,8 p. 100 d'entre eux -- ont adopté la Proposition 99 qui prévoyait une surtaxe de 25 sous applicable à chaque paquet de cigarettes ainsi qu'un montant équivalent applicable aux autres produits du tabac. Les fonds ainsi recueillis ont été affectés comme suit: l'éducation en matière de santé -- 20 p. 100. Il s'agissait de prévenir et de diminuer l'usage du tabac, surtout chez les jeunes enfants. La recherche -- 5 p. 100 -- pour financer la recherche sur les maladies liées à l'usage du tabac. Les services hospitaliers -- 35 p. 100. Les services de médecins -- 10 p. 100 -- pour offrir l'assurance-maladie à ceux qui n'en avaient pas. Les ressources publiques -- 5 p. 100 -- pour une question liée à l'environnement -- on retrouve de très curieuses coalitions en Californie -- et 25 p. 100 n'étaient pas affectés de façon précise et devaient servir à n'importe lequel des cinq objectifs ci-dessus.

Ces fonds ont permis l'instauration du California Tobacco Control Program en 1990, programme visant à modifier les normes sociales de l'usage du tabac, à créer une société sans fumée et à diminuer l'usage du tabac de 75 p. 100 avant l'an 2000.

Le California Tobacco Control Program représente 61 services locaux de la santé, des centaines d'organisations communautaires, quatre réseaux ethniques, onze programmes communautaires régionaux, une campagne médiatique d'avant-garde à l'échelle de l'État et près de 1 000 commissions scolaires de l'État. Ces organismes s'efforcent ensemble et de façon polyvalente de modifier la façon dont le tabac et son usage sont perçus par les collectivités de Californie. Depuis 1988, le taux de tabagisme des adultes en Californie a chuté de 42 p. 100, touchant 16 p. 100 de la population au lieu de 26 p. 100.

Alors que la Proposition 99 était entièrement financée, le taux du tabagisme chez les jeunes s'est stabilisé, tandis que tous les autres États des États-Unis enregistraient une augmentation à cet égard. La Proposition 99 a permis aux habitants de la Californie d'économiser un milliard de dollars américains en coûts médicaux. D'après la recherche, la campagne antitabac, englobant des programmes communautaires et scolaires, une publicité antitabac et des programmes de vie sans fumer, a permis à l'État d'économiser 211 millions de dollars américains par année en coûts médicaux et autres.

Les sociétés de tabac dépensent près de 450 millions de dollars américains chaque année en Californie. Depuis 1989, la Californie dépense en moyenne 84,3 millions de dollars américains par année pour les programmes de lutte contre le tabagisme. Vous pouvez voir que l'industrie du tabac dépense cinq fois plus que nous.

Pour vous montrer l'effet de ces deux programmes, notamment celui des médias, je vais vous donner deux exemples. En 1993, une étude de l'industrie du tabac -- faite pour en dénoncer une autre -- a indiqué que deux tiers des enfants de six ans reconnaissaient Joe Camel et comprenaient que c'était de la publicité pour les cigarettes. Une étude du programme des médias de Californie effectuée en 1992 a montré que les adultes se souvenaient des annonces publicitaires antitabac, à 75 p. 100 pour les jeunes adultes -- par «jeunes adultes» je veux parler de ceux de plus de 18 ans -- et à 50 p. 100 pour les adultes de plus de 45 ans, tandis que les adolescents se souvenaient de la campagne antitabac à plus de 80 p. 100. Les jeunes se rendent donc parfaitement compte de ce qu'ils voient et entendent.

Comme je l'ai indiqué au début de mes observations, le projet de loi S-13 présente des caractéristiques qui me plaisent. La Proposition 99 est assujettie au processus budgétaire de la Californie, ce qui a causé des problèmes. Avant l'exercice 1997, la Proposition 99 n'était pas entièrement financée. Au début de 1993, des fonds importants ont été affectés à d'autres besoins en raison d'une crise budgétaire en Californie, ce qui s'est directement traduit par une augmentation de 30,8 p. 100 de l'usage du tabac chez les jeunes Californiens entre 1993 et 1995, touchant 11,9 p. 100 de cette population au lieu de 9,1 p. 100. Maintenant que la Proposition 99 est entièrement financée, nous sommes confiants de pouvoir recommencer à dénormaliser le tabac.

La Proposition 99 était et reste un programme global. Une augmentation de prix peut être contrecarrée par l'industrie, comme elle l'a fait au milieu des années 90 en Californie, mais une augmentation de prix assortie d'un plan global, incluant les médias, le milieu de travail et les écoles, peut fonctionner.

Le sénateur Kenny: Vous dites que le gouvernement a économisé un milliard de dollars en coûts de santé, puis vous quantifiez les économies réalisées par les particuliers à cet égard.

M. Bonfilio: C'est le contraire. Nous estimons qu'il s'agit d'un milliard de dollars d'économies pour les particuliers contre 211 millions de dollars pour l'État.

Le sénateur Kenny: Dans le contexte de notre projet de loi, nous avons essayé de calculer quand nous pourrions bénéficier de retombées en matière d'économies de coûts de santé; d'après nous, cela devrait prendre du temps -- tout comme cela prend du temps à un cancer de se développer. Nous avons estimé qu'il faudrait attendre peut-être 15 ans avant de commencer à profiter des retombées et à réaliser de véritables économies. Pouvez-vous expliquer pourquoi vous avez pu, en Californie, réaliser des économies beaucoup plus tôt que ce que nous prévoyons?

M. Bonfilio: Tout d'abord, l'usage du tabac ne provoque pas seulement le cancer. Il peut atteindre le coeur, les poumons et beaucoup d'autres organes du corps. Dans le cas des nourrissons, il faut parler de la mort soudaine du nourrisson; il ne faut pas non plus oublier les coliques et toutes sortes de maladie qu'attrapent les enfants. Nous réalisons donc des économies pour ce qui est des maladies liées au tabac et pas uniquement le cancer. Certaines de ces maladies se déclarent très rapidement.

Le sénateur Kenny: D'après votre expérience, peut-on dire que nous pouvons nous attendre à profiter des retombées de ce projet de loi beaucoup plus tôt que prévu?

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Kenny: Avez-vous compilé la liste des gagnants et des perdants suite aux projets adoptés en Californie?

M. Bonfilio: Nous avons une liste de certains des gagnants et des perdants, que j'ai remise à votre bureau.

Le Department of Health Services, qui fait partie de l'administration de l'État de Californie, gère ce programme et effectue des achats surveillés, au hasard, dans les magasins. Un employé accompagne un mineur dans un magasin de détail pour voir si le jeune peut acheter des cigarettes.

Ce programme a débuté en décembre 1995 et en mars 1997, plus de 2600 vérifications avaient été faites dans 54 comtés, soit sur presque tout le territoire de la Californie. On a pu s'apercevoir que les ventes illégales de tabac dans l'État avaient diminué, passant de 37 p. 100 en 1995 à 29,3 p. 100 en 1996, grâce à ce programme. Cela fonctionne donc.

Un autre exemple m'est venu à l'esprit aujourd'hui. J'ai appelé Sacramento, parce que je voulais un exemple un peu plus frappant; je veux parler des jeunes afro-Américains du centre-sud de Los Angeles. Pour ceux qui se souviennent des émeutes Rodney King, c'est dans le centre-sud de Los Angeles, quartier extrêmement pauvre, que les émeutes ont été les pires.

Dans le cadre de la Proposition 99, une coalition communautaire de lutte contre les abus d'intoxicants a été créée. De jeunes afro-Américains ont décidé de leur propre chef de contrôler les panneaux publicitaires de leur quartier. Ils voulaient en connaître le contenu. Ils sont allés ensuite dans un quartier affluent, de haut niveau, pour y examiner les panneaux publicitaires. Lorsqu'ils se sont rendu compte qu'ils étaient manipulés, ils ont été tellement en colère qu'ils sont allés interpeller la société de panneaux publicitaires en déclarant qu'ils n'acceptaient pas ce genre de chose. La société a été bien embarrassée, car ces jeunes avaient amené les médias avec eux. La société a décidé de laisser les jeunes concevoir leurs propres messages antitabac et les afficher sur les panneaux publicitaires. Non seulement avons-nous fait comprendre à ces jeunes qu'ils étaient manipulés, mais nous leur avons également donné une façon de surmonter ce problème.

Le sénateur Kenny: J'aimerais que vous prêtiez attention au projet de loi S-13. Peut-être pourriez-vous vous reporter à la page 3 à la rubrique intitulée «Mission». Nous ne nous attendons pas à ce que vous soyez spécialiste de notre législation, mais nous vous demandons de nous donner un témoignage d'expert sur votre législation. Puisque vous avez pu examiner la mission prévue dans cette loi, pensez-vous qu'elle nous donne suffisamment de marge de manoeuvre pour instaurer des programmes du même genre que ceux qui existent en Californie? La mission indiquée dans ce projet de loi est-elle suffisamment globale pour nous permettre d'avoir des programmes comme les vôtres, programmes à l'origine du recul sans précédent du tabagisme?

M. Bonfilio: Je crois que oui, notamment le dernier alinéa qui stipule: «prendre toute autre mesure susceptible de l'aider à réaliser sa mission.»

Le sénateur Kenny: Vous croyez donc que ce projet de loi permet d'atteindre les mêmes objectifs.

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Kenny: J'ai eu l'occasion de rencontrer l'actuelle présidente de l'American Cancer Society. J'imagine qu'elle a participé à l'élaboration de la Proposition 99.

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Kenny: Elle nous a dit que vous seriez prêt à nous faire part des résultats des programmes réussis que vous avez instaurés, et également des programmes qui n'ont pas connu autant de succès. Au cas où cette législation serait adoptée, cela nous permettrait de ne pas réinventer le monde.

M. Bonfilio: Certainement. Nous avons confié notre campagne médiatique aux Centers for Disease Control si bien que nous pouvons faire bénéficier tous les États de notre expérience au lieu de la garder pour nous seuls. Nous sommes très préoccupés par les répercussions éventuelles de toute législation sur les ventes internationales de tabac qui pourrait être adoptée aux États-Unis. Nous sommes prêts à agir sur la scène internationale.

Le sénateur Kenny: Dans vos observations, vous avez souligné le mérite d'un prélèvement pas opposition à une taxe et dit qu'un prélèvement exige que tous les fonds soient dépensés pour les objectifs énumérés dans le projet de loi.

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Kenny: Ai-je raison de dire que dans le cas de la Californie, alors que les législateurs avaient initialement accepté la Proposition 99, ils ont succombé à la tentation après un certain temps et décidé d'affecter les fonds prévus pour les programmes antitabac à d'autres choses?

M. Bonfilio: La Proposition 99 est une décision populaire qui n'est pas passée par le processus législatif. En Californie, les électeurs peuvent adopter des lois directement. Cependant, pour toute loi entraînant l'affectation de fonds, il faut obtenir une législation habilitante du corps législatif. Elle fait alors partie du processus budgétaire. Lorsque nous avons rédigé la proposition initiale, nous avons fait l'erreur de faire intervenir le corps législatif.

Si vous examinez notre mémoire, vous verrez le tableau du sommaire budgétaire indiquant les fonds affectés au Department of Health Services, au Department of Education, aux services médicaux, et au compte de recherche, d'une année à l'autre. Vous pouvez voir les variations des montants affectés à ces divers programmes. L'exemple du Department of Health Services est probablement le meilleur. A 100 millions de dollars par an, il est entièrement financé. En 1992, 1993, 1994, 1995, 1996 et 1997, il n'a pas été entièrement financé à cause de la récession que nous avons connue en Californie dans les années 90. Il y a eu à ce moment-là d'autres besoins, comme l'assurance-maladie des démunis si bien que le corps législatif et le gouverneur ont affecté les fonds à ces autres programmes.

Le sénateur Kenny: Vous avez également dit qu'il y avait un avantage à ce que le fonds soit géré par une fondation indépendante du gouvernement. Pourriez-vous préciser votre pensée?

M. Bonfilio: Depuis que le programme est complètement financé, nous avons eu des problèmes avec le compte des médias. Nous avons eu des annonces publicitaires agressives qui ont eu un grand impact sur la population au début du programme. L'administration actuelle ne tient pas à être aussi directe que la précédente. Nous n'avons pas le même contrôle.

Vous avez dit que vous aviez rencontré Jenny Cook; elle a été nommée par le gouverneur présidente du comité, lequel a publié ce rapport. Le comité est critique à l'égard de l'administration, du compte des médias et de la façon dont il est géré. Il vaut beaucoup mieux séparer la fondation du gouvernement, si vous le pouvez.

Le sénateur Kenny: Vous dites que le gouvernement a subi les pressions de l'industrie et que pour une raison ou une autre, il a décidé de mettre un terme à la publicité antitabac. En fait, le gouvernement a censuré l'effort des groupes de santé dans leur lutte contre le tabagisme chez les jeunes.

M. Bonfilio: Les sociétés de tabac dépensent chaque année 450 millions de dollars en Californie, ce qui est énorme pour l'économie; tous ces fonds ne sont pas affectés à la publicité.

Le sénateur Kenny: Je suis sûr que nous pouvons tous lire entre les lignes.

Le président: Combien coûte un paquet de cigarettes en Californie?

M. Bonfilio: Bonne question. Je ne fume pas depuis de nombreuses années et je n'en suis pas sûr. Je crois que c'est un peu plus qu'un dollar.

Le président: Que l'on me corrige si j'ai tort, je crois qu'un paquet de cigarettes coûte près de 4 $ en Ontario.

M. Bonfilio: Oui, les cigarettes canadiennes sont plus chères.

Le président: En Ontario, le paquet coûte 4 $ et en Californie entre 1 et 1,50 $. C'est vraiment bon marché.

M. Bonfilio: Oui.

Le président: Pourtant, vous avez enregistré ce recul, fort considérable.

Vous nous dites que les sociétés de tabac dépensent près de 450 millions de dollars par année en Californie pour la publicité, le marketing et la promotion axés essentiellement sur les jeunes. Vous dites également que depuis 1989, la Californie dépense en moyenne 84,3 millions de dollars par an pour les programmes antitabac.

M. Bonfilio: Oui.

Le président: Êtes-vous en train de dire que vos 84,3 millions de dollars sont plus efficaces que leurs 450 millions de dollars?

M. Bonfilio: Oui.

Le président: Pourquoi?

M. Bonfilio: Dans l'exemple des jeunes afro-Américains du centre-sud de Los Angeles, nous avons pu prouver qu'ils étaient manipulés. Nous avons pu donner de telles preuves à plusieurs reprises, et les Californiens le comprennent. À l'heure actuelle -- et cela dure depuis trois ou quatre ans -- si vous demandez aux électeurs de Californie si nous devrions avoir un bon programme antitabac, 70 p. 100 vont répondre oui. C'est régulier.

Le président: Est-ce parce que la publicité des médias -- qui est la plus efficace -- est de votre côté?

M. Bonfilio: C'est à cause de tous les facteurs en jeu. Nous dénormalisons l'usage du tabac de tous les côtés.

Le président: La plupart des fonds sont affectés à la publicité des médias.

M. Bonfilio: En dollars, oui. Toutefois, en ce qui concerne le nombre de programmes, plus de fonds sont affectés aux collectivités et aux écoles qu'aux médias.

Le président: Quelles sont les restrictions imposées aux sociétés en matière de publicité? Peuvent-elles faire de la publicité à la télévision et à la radio, dans les journaux et les magazines?

M. Bonfilio: Elles ne peuvent faire de publicité que dans les journaux et les magazines, mais peuvent également en faire lors de manifestations sportives et autres événements du genre.

Le sénateur LeBreton: Autrement dit, vous êtes arrivé à ces excellents résultats en vous lançant dans une grande campagne de démystification. Vous n'avez pas adopté de lois visant à restreindre la publicité du tabac en Californie, laquelle est autorisée dans la presse écrite ou pour la commandite de manifestations sportives. La publicité de produits du tabac n'est pas interdite lors de courses automobiles, que ce soit en Californie ou dans d'autres parties des États-Unis. D'après votre témoignage, grâce à un tel prélèvement et à une campagne médiatique très ciblée visant à contrecarrer la publicité de l'industrie, il est toujours possible d'obtenir de tels résultats, même s'il n'est pas interdit aux sociétés de faire de la publicité ou de commanditer des manifestations sportives.

M. Bonfilio: Effectivement, mais nous essayons d'interdire la commandite d'événements sportifs, lesquels sont très importants pour les jeunes. Les jeunes essaient d'être «cool», «sexy» et cherchent à grandir le plus vite possible. Tout ce dont nous nous souvenons lorsque nous étions jeunes s'applique également aujourd'hui. Nous essayons d'obtenir ces mêmes genres d'interdictions.

Le sénateur LeBreton: Vous proposeriez donc en Californie une méthode semblable à celle que nous proposons dans le projet de loi S-13 visant à remplacer la commandite des sociétés du tabac dans le cadre de manifestations sportives et culturelles comme le théâtre? Qu'est-ce qui est envisagé en Californie? Que disent les organismes culturels et les responsables du sport à propos de la commandite? S'attendent-ils à ce que vous trouviez une solution financière de remplacement?

M. Bonfilio: Non. Une société de tabac devait être le principal commanditaire de la foire Del Mar, près de San Diego -- je crois qu'il s'agissait de Marlboro. La collectivité s'y est fortement opposée, notamment la collectivité latino-américaine, puisque les participants -- fort nombreux à cette foire -- sont essentiellement latino-américains. Ils ne voulaient qu'une société de tabac soit le commanditaire principal et ont déclaré qu'ils n'iraient pas à la foire si Marlboro en était le commanditaire. Les responsables de la foire ont refusé la commandite de Marlboro et la collectivité a déclaré qu'elle ferait tout pour trouver un commanditaire de remplacement, mais le gouvernement ne s'y est pas engagé.

Le sénateur LeBreton: La manifestation a-t-elle eu lieu? Ont-ils pu trouver d'autres commanditaires?

M. Bonfilio: Ils peuvent trouver des commanditaires de remplacement.

Le sénateur LeBreton: C'est un problème. Beaucoup de groupes sportifs et culturels s'inquiètent énormément à ce sujet. Le projet de loi de mon collègue vise, au bout d'un certain temps, à remplacer le financement publicitaire et de commandite par ce prélèvement. Je me demandais si la Californie avait envisagé d'ajouter cette caractéristique à la Proposition 99.

M. Bonfilio: Nous avons aux États-Unis ce que nous appelons le Premier amendement -- qui cause plusieurs problèmes dans ce domaine.

Le sénateur LeBreton: Ce serait contre la loi?

M. Bonfilio: Oui. Il faudrait que l'industrie du tabac soit d'accord.

Le sénateur LeBreton: Dans un avenir prévisible, nous continuerons donc à voir des manifestations commanditées en Californie et dans d'autres régions des États-Unis, puisque le Premier amendement s'applique à l'ensemble du pays.

M. Bonfilio: Oui, à moins d'avoir plus de procès comme celui du Minnesota.

Le sénateur Stollery: Pour ce qui est de la mission de la fondation, exposée dans le projet de loi, je vois que l'alinéa 5e) prévoit de surveiller l'usage des produits du tabac en recueillant et en faisant publier des statistiques sur cet usage. Vous avez entendu le témoin précédent, M. Parker. Il semble un peu curieux que 40 ans après que le problème a été clairement compris, l'industrie du tabac continue de démentir toutes les statistiques. Il est difficile de croire qu'au bout de 40 ans, nous n'avons pas une certaine idée de la situation et mettons en doute l'exactitude de certaines de ces statistiques.

Retrouve-t-on le même genre de sophismes et de démenti général des statistiques en Californie? Est-ce une procédure standard de l'industrie du tabac?

M. Bonfilio: Oui. Vous avez peut-être vu à la télévision les PDG des principales sociétés américaines du tabac déclarer devant le Congrès qu'ils ne pensaient pas que le tabac pouvait engendrer la dépendance. Nous avons transformé cette déclaration en une annonce publicitaire antitabac qui disait: «Qui pensent-ils faire marcher?» C'est exactement ce que pensent les habitants de Californie.

Le sénateur Stollery: Je remarque que l'alinéa 5e) stipule «en recueillant..., en faisant publier des statistiques». Après avoir lu ceci et écouté l'un des représentants de l'industrie du tabac, il me semble que ce pourrait être une très bonne chose. J'espère qu'il serait ainsi difficile de démentir la légitimité des statistiques recueillies en vertu de cet alinéa. Cela me paraît une excellente idée, surtout face aux démentis généralisés des sociétés de tabac.

M. Bonfilio: Je suis d'accord avec vous. Même si des chercheurs fort estimés ont fait ces études en Californie, touchant de vastes segments de la population et obtenant des renseignements statistiques pertinents, les sociétés du tabac vont continuer à démentir cette information ou déclarer: «Ce n'est pas tout à fait exact.»

Le sénateur Nolin: Vous avez dit que votre budget avait diminué à cause du processus budgétaire de la Californie. Pourriez-vous nous expliquer l'effet que cela a eu sur le tabagisme chez les adolescents?

M. Bonfilio: Je vais regarder mes documents afin de les citer correctement. Chez les adolescents, le taux est passé de 9,1 à 11,1 p. 100, entre 1993 et 1995.

Le sénateur Nolin: Cela coïncide avec la période où votre financement a diminué?

M. Bonfilio: Cela coïncide avec une baisse importante du financement, effectivement.

Le sénateur Nolin: Vous avez fait des recherches à ce sujet et vous êtes convaincu que c'est ce qui explique l'augmentation du tabagisme chez les adolescents?

M. Bonfilio: Oui.

Le sénateur Cools: J'ai été vivement intéressée par ce que vous avez dit au sujet des jeunes afro-Américains et de leur initiative. Avez-vous des données sur l'usage du tabac par les adolescents noirs dans ces ghettos, par rapport à l'usage du tabac par des adolescents non noirs ou blancs dans d'autres quartiers? Je commence à m'intéresser aux difficultés des jeunes dans les ghettos, parce que beaucoup d'entre eux sont marginalisés dans des jungles de béton. Je crois bien que ce sont les Américains qui ont inventé l'expression «classe marginale».

Pourriez-vous nous donner quelques explications à ce sujet? Je n'en ai pas nécessairement besoin pour appuyer le projet de loi du sénateur Kenny, mais j'aimerais avoir quelques idées sur l'usage relatif du tabac.

M. Bonfilio: L'usage du tabac chez les jeunes latino-Américains et afro-Américains a été pendant longtemps, un rayon d'espoir. En effet, dans ces collectivités, la structure familiale est beaucoup plus solide. Pendant longtemps, il n'était tout simplement pas «cool» pour des jeunes Latino-Américains ou afro-Américains de fumer. Vous savez sans doute que notre Surgeon General a dévoilé un rapport il y a deux semaines indiquant que, à l'échelle du pays, on note une augmentation d'environ 70 p. 100 du taux de tabagisme chez les jeunes afro-Américains et une augmentation d'environ 35 p. 100 chez les jeunes Latino-américains. Nous essayons de voir si ces chiffres sont exactement les mêmes en Californie. Nous savons qu'il y a une augmentation en Californie dans ces deux groups de population, mais nous ne savons si elle est de la même ampleur. Toutefois, comme ces jeunes du centre-sud de Los Angeles l'ont découvert, ce sont les quartiers mal desservis qui sont ciblés.

Le sénateur Cools: Avez-vous des idées ou des données sur les différences entre adolescents noirs et latino-américains et adolescentes noires et latino-américaines? J'ai lu quelque part qu'il y a une différence en fonction du sexe.

M. Bonfilio: On retrouve une différence dans les taux de tabagisme entre les deux sexes dans toutes les races. Les taux de tabagisme chez les adolescentes sont plus élevés que chez les adolescents. Je n'ai personnellement pas vu de données en fonction des origines ethniques, si bien que je ne peux pas répondre à votre question. Toutefois, je peux vous dire qu'il y a une différence.

Le sénateur Cools: Les adolescentes fument plus?

M. Bonfilio: Malheureusement, oui.

Le sénateur Cools: C'est ce que l'on m'a dit. Je ne voulais pas le croire et je cherchais à me le faire confirmer.

Le président: Cultive-t-on le tabac en Californie?

M. Bonfilio: Si oui, c'est à très petite échelle.

Le sénateur LeBreton: Je crois bien que le taux de tabagisme chez les adolescentes canadiennes est également plus élevé.

Avez-vous fait des études en Californie établissant un lien direct avec le régime et le désir d'être mince?

M. Bonfilio: Une étude a été faite dans le cadre du programme. Près de 10 facteurs doivent être pris en compte. Le poids et l'aspect extérieur sont l'une des raisons invoquées par les jeunes pour expliquer leur usage du tabac. Il ne s'agit plus simplement d'être «cool», «in»; il ne s'agit pas d'émulation; c'est aussi une question d'aspect extérieur.

Le sénateur LeBreton: Les jeunes femmes semblent croire que si elles fument, elles mangeront moins -- que cela leur coupera l'appétit.

M. Bonfilio: Elles ont tellement entendu dire que les gens qui cessent de fumer prennent du poids qu'elles pensent que si elles commencent à fumer, c'est l'inverse qui se produira.

Le sénateur LeBreton: Cela me fait penser à l'annonce publicitaire de Virginia Slims.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bonfilio, pour votre exposé.

Le sénateur Kenny: J'aimerais également remercier M. Bonfilio d'être venu de si loin et d'avoir été si utile. J'aimerais saisir l'occasion, puisque nos délibérations sont diffusées sur la Chaîne parlementaire, pour encourager les auditeurs intrigués par ce que nous a dit M. Bonfilio au sujet de la Proposition 99, de nous écrire et d'écrire à leurs députés, lesquels voudraient savoir si vous pensez que ce qui s'est fait en Californie pourrait être servir au Canada.

J'aimerais également saisir l'occasion pour indiquer aux membres du comité la présence de M. Roy Cullen, député d'Etobicoke-Nord, présent parmi nous ce soir. Il s'est chargé de parrainer le projet de loi à la Chambre des communes.

Je vous souhaite la bienvenue, monsieur Cullen et si vous avez le temps de vous joindre à nous, n'hésitez pas à le faire.

M. Roy Cullen, député: Merci beaucoup.

Le président: Nous avons plusieurs sujets très importants à aborder. Tout d'abord, comment peut-on inciter les adolescents à éviter ou à cesser de fumer? Comment un fonds pour l'éducation des jeunes pourrait être utilisé dans le cadre de cet exercice?

Notre prochain groupe est prêt à intervenir. M. John Luik, universitaire et auteur de plusieurs articles sur le tabagisme chez les adolescents est un membre de ce groupe. C'est M. Parker du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac qui a proposé le nom de M. Luik; cela ne veut pas dire que ce dernier représente ici l'industrie du tabac. Il a été recommandé pour ses références universitaires et autres à ce sujet.

Les quatre autres témoins ont été proposés par les parrains du projet de loi, le sénateur Kenny et le sénateur Nolin. Cela ne veut pas dire que le sénateur Kenny et le sénateur Nolin sont responsables de ce que ces témoins vont dire. Je voulais simplement préciser comment ces personnes ont été choisies.

M. John C. Luik, à titre personnel: Honorables sénateurs, merci de m'inviter à parler de ce sujet. Ceci étant dit et en dépit de votre hospitalité, j'aimerais indiquer que la question que vous posez n'est pas la bonne. En effet, il ne s'agit pas de savoir comment on peut inciter les adolescents à éviter ou à cesser de fumer mais, plus exactement, de savoir s'il est possible d'inciter les adolescents à éviter ou à cesser de fumer. Plus particulièrement, il faut se demander s'il est possible d'inciter les adolescents à éviter ou à cesser de fumer grâce à l'un ou l'autre des mécanismes prévus dans ce projet de loi.

Vous allez peut-être demander pourquoi je manifeste autant de pessimisme après une aussi bonne journée de questions au sujet du tabagisme chez les adolescents. Permettez-moi de vous en donner plusieurs raisons. Sans aucun doute, les mesures de politique officielle instaurées par ce gouvernement et par les gouvernements précédents, et qui ont été recommandées à des comités comme le vôtre ces 20 dernières années au Canada, ne peuvent être décrites que comme étant de flagrants échecs, lorsqu'on les évalue par rapport à des critères objectifs, notamment celui que vous utilisez lorsque vous examinez n'importe quelle politique officielle: ces mesures ont-elles fonctionné? Ont-elles diminué le nombre obstinément élevé des enfants qui continuent de fumer au Canada?

Examinons les éléments de preuve -- qui ne sont pas ceux de l'industrie du tabac. Il s'agit des éléments de preuve présentés par Santé Canada, puisque c'est de ce ministère que découlent les statistiques, ou de Statistique Canada, si vous préférez une source universelle, indubitablement objective. D'après ces statistiques, au cours des six ou sept dernières années au moins, il n'y a pas eu diminution importante du tabagisme chez les jeunes au Canada.

Lorsque l'on revient à la question de savoir si les mesures de politique officielle adoptées par cet organe et par la Chambre des communes et instituées ces 20 dernières années ont fonctionné, il faut répondre de façon nuancée: elles ont fonctionné pour certains jeunes. Ces 25 dernières années, le taux général de tabagisme chez les jeunes de moins de 19 ans est passé de 40 p. 100 environ à -- selon la source des statistiques -- 21 ou 29 p. 100 ou, dans certains cas, 30 p. 100. Il y a donc eu une certaine diminution du nombre des jeunes gens qui fument.

Que prévoient ces mesures? Elles prévoient augmenter les restrictions en matière d'accès, repousser l'âge auquel il est légalement autorisé d'acheter des cigarettes, interdire la publicité et les activités de promotion du tabac, restreindre l'accès aux cigarettes de façon plus vigoureuse, proposer un emballage neutre pour toutes les cigarettes et augmenter considérablement le prix. Toutes ces mesures n'ont pas réussi à modifier ce nombre obstinément élevé d'adolescents -- près d'un tiers -- qui continuent de fumer régulièrement au Canada.

Il est intéressant de noter que dans la plupart des pays industrialisés, au cours de l'adolescence, la plupart des jeunes -- de 75 p. 100 à 82 p. 100 selon le pays -- vont essayer une cigarette. Seulement 30 p. 100 environ d'entre eux -- ou 25 p. 100, selon la source de statistiques -- vont devenir des usagers réguliers et quotidiens du tabac. Lorsque nous nous demandons comment on peut inciter les adolescents à éviter ou à cesser de fumer, on ne parle pas des trois quarts de ceux qui essaient une cigarette, mais des 25 p. 100 ou 30 p. 100 qui deviennent des fumeurs réguliers.

Lorsque j'ai commencé mon exposé par une question quelque peu cynique, à savoir si en fait vous posez la bonne question, je voulais dire que collectivement, toutes ces politiques n'ont pas vraiment réussi à modifier le noyau dur des fumeurs réguliers.

Quelle peut en être la raison? À mon avis, ce projet de loi va simplement perpétuer les erreurs de politique des 20 dernières années. Il confie en effet la responsabilité de la politique relative à l'usage du tabac à ceux-là mêmes qui ne comprennent pas pourquoi les adolescents fument et qui, pendant 25 ans, n'ont pas été capables de concevoir une politique efficace pour empêcher le tabagisme chez les jeunes. À mes yeux, c'est une mesure vraiment curieuse de politique officielle, puisqu'elle confie à ceux qui n'ont pas pu régler le problème du tabagisme chez les jeunes la responsabilité de l'atténuer.

Pourquoi dis-je qu'ils n'ont pas réussi à régler ce problème? La réponse est assez évidente. Leurs recommandations de politique, les quatre ou cinq que je vous ai citées au début -- augmenter les taxes, restreindre la publicité et l'accès, repousser l'âge auquel il est légalement possible d'acheter du tabac -- vont toutes, à l'exception de celle relative à l'accès, à l'opposé de ce qui est avancé dans les articles spécialisés sur le taux de tabagisme chez les jeunes. Par conséquent, il n'est pas surprenant qu'aucune de ces mesures de politique officielle n'ait porté fruit, aucune ne s'appuyant sur ce qu'avancent les spécialistes en la matière.

Par exemple, il y a trois ou quatre ans, avec un collègue de Concordia, j'ai témoigné devant un organe de la Chambre des communes et également ici même. Nous avons présenté l'une des études les plus complètes jamais faites sur les raisons pour lesquelles les jeunes commencent, en fait, à fumer. Deux Canadiens ont participé à cette étude de Conrad, Flay et Hill. Il s'agit de certains des meilleurs chercheurs sur le tabagisme chez les jeunes au monde. Au bout de quatre ans, quels sont les résultats? Aucun des prédicteurs de l'usage du tabac chez les jeunes n'a été examiné par le gouvernement du Canada.

Quels en étaient les prédicteurs les plus importants? L'un des plus intéressants indiquait que l'usage du tabac fait partie d'un ensemble de dispositions à prendre des risques que l'on retrouve chez les adolescents. Notez cette expression «dispositions à prendre des risques» qui décrit également le fait de ne pas porter de casque en motocyclette, de ne pas mettre de ceinture de sécurité, d'avoir des relations sexuelles risquées et non protégées, de faire des excès d'alcool, de fumer du tabac et de la marijuana. En d'autres termes, nous parlons ici des mêmes 30 p. 100 de jeunes qui, d'après les statistiques, prennent des risques, qu'il s'agisse du tabac, de l'alcool, des drogues douces ou des ceintures de sécurité.

Le travail de Conrad, Flay et Hill et d'autres a été révisé il y a deux ans, lorsque Flay et d'autres ont publié un ouvrage très complet sur la théorie de l'influence triadique. Leurs recherches font apparaître les trois facteurs de risque les plus importants qui permettent de voir si ces jeunes vont, en fait, devenir des fumeurs. Ont-ils des dispositions à prendre des risques, se rebellent-ils contre les parents ou les symboles d'autorité, le gouvernement ou l'école, sont-ils des décrocheurs ou ont-ils de mauvais résultats scolaires.

Depuis 20 ans, alors que le gouvernement prend des mesures pour lutter contre le tabagisme et écoute des propositions faites par les témoins qui comparaissent devant vous et qui seront considérés comme les nouveaux mandarins de la politique de lutte contre le tabagisme en vertu de cette loi, pas un seul de ces prédicteurs n'a jamais été englobé dans le cadre d'une politique officielle au Canada. Au contraire, on ne cesse de vous dire que c'est la publicité du tabac qui incite les jeunes à fumer et cela, malgré le fait que le tabagisme chez les jeunes n'a absolument pas diminué au cours des neuf années -- ou presque -- où il n'y a pas eu de publicité du tabac au Canada.

L'étude commandée par le gouvernement lui-même, le Forum national sur la santé, qui a présenté son rapport il y a deux ans à David Dingwall, a dressé une liste de sept ou huit options de politique sur la façon de régler le problème du tabagisme chez les adolescents. Aucune de ces options -- que je cite dans mon exposé -- n'a été examinée par Santé Canada ou par le mouvement antitabac au Canada.

Par conséquent, lorsque j'exprime certains doutes au sujet de ce projet de loi et que je crains qu'il ne puisse permettre de régler le problème du tabagisme chez les adolescents, c'est en me fondant sur les résultats obtenus par ceux qui, en vertu de ce projet de loi, deviendraient responsables de la politique relative au tabac au Canada. Ces résultats ne peuvent être qualifiés que de scandaleux, puisque rien n'a été réglé au sujet du tabagisme chez les adolescents.

Dans cet esprit, je dois vous faire une contre-proposition: si en fait, vous voulez véritablement régler le problème du tabagisme chez les adolescents, je propose la création d'un groupe d'universitaires compétents, de réputation internationale, qui savent pourquoi les enfants commencent à fumer. Je ne me classe pas parmi ces gens-là; je parle de ceux qui publient étude après étude dans les revues universitaires. En fait, je vous proposerais ensuite de prendre des mesures en tenant compte de l'école, de l'alphabétisme, de la prise de risques et de la rébellion.

Cela ne fera certainement pas la une des journaux, contrairement à l'interdiction de la commandite ou de la publicité ou encore l'augmentation du paquet de cigarettes de 2 $, ce qui, bien sûr, intéresse les médias, mais je vous invite à examiner si cela a permis de quelque manière que ce soit d'arrêter les jeunes de fumer.

Mon message, cynique, est le suivant: il ne s'agit pas de savoir «comment» régler le problème, mais de savoir «si» on peut le régler -- si l'on conserve les mêmes politiques en vigueur depuis des années. Malheureusement, ce projet de loi confie cette responsabilité aux mêmes experts fatigués dont les politiques n'ont rien donné. D'ici 10 ans, nous nous retrouverons ici et vous poserez la même question: Pourquoi 30 p. 100 des jeunes Canadiens fument-ils régulièrement? Il faut établir un lien entre les preuves scientifiques irréfutables données à propos du tabagisme chez les jeunes et la politique officielle. Les parrains du projet de loi n'ont absolument aucune idée de ces preuves et ne sont donc pas prêts à les prendre en compte.

[Français]

Mme Lilianne Bertrand, directrice, Promotion de la santé, Heart and Stroke Association: Je vous remercie de nous donner l'occasion, à la Fondation des maladies du coeur du Québec, de vous présenter une expérience que nous avons tenue en 1996-1997 auprès des adolescents de 12 à 17 ans au Québec.

Nos objectifs étaient de viser au départ les adolescentes. Notre grand objectif était de réduire le tabagisme tout en parlant d'estime de soi et de poids-santé. La fondation croyait avoir l'expérience au niveau de l'alimentation pour pouvoir orienter les jeunes vers une meilleure alimentation tout en cessant de fumer.

Notre objectif était de travailler auprès des communautés. Il était important pour nous que ces jeunes rayonnent dans leur communauté. Nous sommes donc partis de ces objectifs pour développer notre projet.

Avant de commencer le projet, nous avons établi un comité aviseur. Nous sommes allés dans les communautés et dans les maisons de jeunes pour rencontrer les jeunes et les intervenants. Notre projet au départ se déroulait à l'extérieur du milieu scolaire. La fondation avait déjà une expertise en milieu scolaire, mais il y avait aussi des projets au Québec sur la prévention du tabagisme qui se tenaient dans les écoles. Nous tenions à nous adresser surtout aux centres de jeunes et aux maisons de jeunes pour rejoindre aussi les décrocheurs. Il était important pour nous de rejoindre cette classe de la population.

Lorsque nous avons fait notre étude de faisabilité auprès des jeunes et des intervenants, nous nous sommes rendus compte que l'on ne devait pas s'adresser simplement aux adolescentes, mais aussi aux adolescents parce qu'à cet âge, il ne faut pas exclure l'un ou l'autre. Il faut absolument qu'ils soient ensemble pour obtenir un résultat et rejoindre l'une de ces populations.

Pour notre projet, nous avons fonctionné par appel d'offres. Je dois aussi vous mentionner que nous avons pu réaliser ce projet grâce au support de Santé Canada. Comme notre projet se voulait être pour les jeunes et par les jeunes, nous avons demandé aux maisons de jeunes de soumettre un projet qui devait viser les objectifs que nous nous étions fixer, c'est-à-dire: la station du tabagisme, l'estime de soi et le poids santé.

Nous avons reçu une trentaine de projets et de ces 30 projets, 21 ont été retenus dans toutes les régions du Québec.À la fondation, nous avons divisé la province en 10 régions et nous y avons tenu des projets dans ces 10 régions. Les projets étaient de toutes sortes: nous avons reçu des concours de dessins, des rallyes, des escalades, des pièces de théâtre et des CD-Rom ont été produits. Par la suite, nous avons évalué chacun de ces projets.

Au départ, nous tenions à faire une trousse à outils pour distribuer aux jeunes et aux maisons de jeunes. Les 21 projets se sont tenus dans les maisons de jeunes, par les jeunes, avec l'aide des intervenants, et la Fondation des maladies du coeur.

Nous tenions aussi à ce que les jeunes soient présents dans la communauté. C'était important pour nous que les jeunes rayonnes. Pour les aider à être un peu plus présent, nous avons produit du matériel de promotion, des affiches, des signets pour aider les jeunes à être connus dans le milieu et à influencer leur communauté.

Dans l'évaluation que nous avons faite par la suite, nous avons remarqué que plusieurs de ces groupes avaient effectivement été présents dans le milieu soit en étant à la télévision communautaire ou en mobilisant des gens pour des marches. Lorsqu'ils faisaient un souper, les parents étaient présents. Les adultes étaient auprès d'eux pour vivre cette expérience.

Nous avons ensuite bâti notre trousse à outils. Les participants de ces 21 projets devaient nous soumettre une façon de faire. Par exemple, s'ils avaient monté une pièce de théâtre, ils devaient nous dire comment ils l'avaient montée. Comment ils ont bâti cette activité? Où ils ont trouvé l'information sur le tabagisme, le poids santé et l'estime de soi pour l'inclure dans leur projet. Chacune des activités a été construite de la même façon et compilée dans un guide que nous voulions diffuser à travers la province. Nous en avons imprimé 1 000 copies, en français et en anglais, adressées à toute notre population. Notre seul problème dans le cadre du projet, a été le manque de temps. Même si ce programme s'est étalé sur une période d'un an le manque de temps fût notre pire obstacle. Même les jeunes avait un problème de temps pour bâtir leur projet. Nous leur avions demandé de soumettre un projet dans des périodes temps incroyables et ensuite de le bâtir. Nous sommes arrivés à la limite du temps pour bâtir la trousse et nous avions épuisé la subvention de Santé Canada ce qui ne nous a pas permis de faire une diffusion comme nous l'aurions souhaité.

Les trousses ont été distribuées à travers la province, mais nous n'avons pas réussi à rejoindre les 700 groupes de jeunes que nous avions sur notre liste à cause du manque de ressources.

Si nous avions eu le temps et un peu plus d'argent, nous avions prévu faire de la formation à partir de ces «kits». Les jeunes avaient besoin de cette formation pour pouvoir bâtir et s'appuyer pour aller un peu plus loin. Nous avons manqué de temps et d'énergie pour pouvoir le faire.

Durant l'année du projet, une firme externe a évalué le projet. Ils ont rencontré les jeune et les intervenants. Cette firme nous a rapporté que ce projet avait été très apprécié par les jeunes parce qu'il avait été bâti par les jeunes. Ils s'étaient impliqués et avaient été chercher l'information. C'est ce qui avait soulevé l'intérêt de ce projet.

[Traduction]

Mme Dawn Walker, directrice générale, Institut canadien de la santé infantile: L'Institut canadien de la santé infantile (ICSI) est le seul organisme national non gouvernemental qui se consacre entièrement à la mise en oeuvre de programmes de promotion de la santé et de prévention de la maladie destinés aux jeunes du Canada. Depuis plus de 20 ans, l'ICSI veille à ce que les problèmes et les besoins des jeunes Canadiens soient entendus.

Grâce à la recherche, l'éducation, la surveillance de la santé des enfants, l'appui de partenaires et de nombreuses publications et d'autant de programmes, l'Institut s'évertue à favoriser le bien-être des enfants et à promouvoir tant la santé physique qu'émotionnelle.

Tout comme mon collègue, je pense que nous connaissons les nombreuses raisons qui poussent les adolescents à fumer. Les plus répandues sont généralement fondées sur une croissance et un développement attendus et normaux: intégration sociale à des groupes d'affinités, comportement normal de rébellion face aux parents et détachement attendu de ceux-ci, besoin d'indépendance, disposition à prendre des risques, préoccupation par l'image de soi comme le contrôle du poids et la libération des contraintes.

Durant les années de formation, en fait dès l'âge de trois ans, nous subissons tous l'influence de ce qui nous entoure, y compris de la publicité sur le tabac, et des campagnes de promotion qui symbolisent un style de vie enviable et offrent de véritables réponses et solutions aux facteurs de stress en jeu durant la croissance et le développement de l'adolescent.

Si le tabac n'engendrait pas de dépendance, cette habitude souvent décrite comme un rite de passage disparaîtrait comme toutes les autres. À mesure qu'ils grandissent, les adolescents adoptent un comportement de plus en plus modéré. Toutefois, dans le cas du tabac, certains demeurent accrochés et ils ont besoin d'aide soutenue et globale, offerte par plusieurs sources à la fois, pour arrêter de fumer.

Certains cessent effectivement de fumer, habituellement pour une raison précise, par exemple les jeunes hommes qui veulent améliorer leur performance sportive. D'autres ont cessé de fumer ou ont réduit leur consommation quand les prix ont monté en flèche. De nombreuses jeunes femmes, malheureusement, n'ont pas de raison précise de cesser de fumer jusqu'à ce qu'elles soient enceintes. C'est alors que beaucoup d'entre elles, la majorité, croit-on, cessent de fumer. Toutefois, le taux de rechute durant le post-partum, qui est d'environ 75 p. 100, est alarmant, puisque le nouveau-né et l'enfant en pleine croissance vivent dans un milieu où au moins un parent fume, si ce n'est souvent les deux.

Nous savons que les enfants qui vivent avec un parent fumeur sont plus susceptibles de mourir au berceau, d'avoir des otites et des infections des voies respiratoires et de devenir eux-mêmes des fumeurs, durant l'enfance ou à l'adolescence.

Nous savons que cesser de fumer exige de la motivation, qui peut venir de nombreuses sources. Certains abandonnent la cigarette pour épargner les autres, pour économiser, pour des raisons de santé, et ainsi de suite. Nous savons aussi qu'il existe des barrières physiologiques et psychologiques réelles à surmonter quand on veut renoncer à une habitude qui engendre une dépendance. Il faut que les fumeurs qui essaient de renoncer à la cigarette puissent recourir à des programmes soutenus et globaux et compter sur de l'aide de plusieurs sources, par exemple à la maison, à l'école et au travail. Il faut qu'ils puissent obtenir cette aide à peu de frais et dès qu'ils en ont besoin.

Les besoins de chacun sont uniques, de sorte que chacun réagit différemment aux mêmes approches. Il faut donc trouver différents modèles, offrir des programmes d'aide professionnelle, d'aide personnalisée et d'aide des pairs ainsi que des séances de groupe. Il n'existe pas de solution simple et universelle.

Nous avons besoin de fonds indépendants. Il faut offrir des programmes d'aide soutenue et globale. Par exemple, nous disposons actuellement de beaucoup de ressources, de modèles et d'information élaborés dans le cadre de la Stratégie de réduction de la demande de tabac et nous avons un énorme recueil de tous les programmes-jeunesses. Toutefois, bon nombre d'organismes n'ont pas actuellement les fonds voulus pour faire connaître cette documentation. D'autres n'ont pas l'argent voulu pour l'acheter. Il n'y a pas d'argent pour réimprimer la documentation et il n'y a pas d'argent pour mettre en oeuvre les programmes.

C'est le cas notamment de notre propre programme, intitulé Helping our Kids Breathe Easy, qui vise à aider nos enfants à mieux respirer. C'est un programme communautaire qui vise à réduire la fumée de tabac ambiante qui affecte nos enfants. Pour l'instant, nous n'avons pas d'argent pour poursuivre l'exécution du programme, pour l'adapter aux adolescents, voire pour s'attaquer de manière globale à la question complexe de la rechute durant le post-partum.

Je suis actuellement directrice générale de l'Institut canadien de la santé infantile. Auparavant, j'étais directrice de la Division du tabac, de l'alcool et des autres drogues de la Direction de la promotion de la santé de Santé Canada. Forte de l'expérience acquise à Santé Canada, j'aimerais recommander qu'il n'y ait pas de lien de dépendance entre le fonds, d'une part, et la bureaucratie gouvernementale et le système politique, d'autre part. En effet, l'aide financière accordée à la réduction de la demande de tabac est sporadique, souvent freinée par d'autres priorités ou abandonnée en raison des autres exigences du jour et d'impératifs politiques.

En guise de conclusion, j'aimerais vous parler d'une dernière raison pour laquelle les adolescents fument et vous entretenir de la raison pour laquelle ils continuent de le faire. Malheureusement, tout revient à une question de confiance. En dépit de leur attitude rebelle, de leur scepticisme apparent et de leur propension à prendre des risques, ils continuent d'avoir en nous une confiance aveugle comme lorsqu'ils étaient enfants. On les entend souvent dire: «Si le tabac était vraiment nocif, il serait illégal». Que la société, leurs parents et les gouvernements, compte tenu des faits, les laissent vraiment fumer dépasse leur entendement. Le plus grand défi actuel, dans toute campagne publique visant à réduire la demande de tabac, est d'écarter cette impression que la société et le gouvernement protègent les enfants et les jeunes.

Ce qu'a dit mon collègue de la Californie au sujet de la campagne menée là-bas m'a bien fait plaisir. Mon expérience cadre tout à fait avec ce qu'il a décrit.

Comment le gouvernement peut-il convaincre les jeunes, au moyen d'une campagne de publicité, que le tabac rend vraiment malade et tue quand le même gouvernement en autorise la promotion et la vente?

Nous aimerions que soit établi un fonds indépendant qui appuierait des campagnes plus soutenues, plus directes et plus percutantes de même que des programmes de prévention et de cessation qui auraient vraiment une influence.

Le président: Je vous remercie.

[Français]

M. Mario Bujold, Conseil québécois sur le tabac et la santé: J'ai été surpris et même ahuri des propos de M. Parker un peu plutôt qui représentait l'industrie du tabac. En l'écoutant, je me disais que l'on ne vit pas sur la même planète ni à la même époque. M. Parker ose prétendre que les 40 000 décès que l'on annonce au Canada, par année, dus au tabagisme ne sont pas des données fiables. Je me demande où il prend ses sources. J'en ai vu des études et j'en vois régulièrement. Ce sont des données fiables. Il dit que les mesures d'éducation n'ont aucune efficacité, que tous les programmes d'éducation n'ont aucune efficacité. Je me demande où il prend ses données parce notre organisme en général, concrètement, jour après jour, sur le terrain intervient auprès des jeunes en particulier et on voit jusqu'à quel point cela a un effet. Des études démontrent l'impact que peuvent avoir des programmes de réduction du tabagisme chez les jeunes.

Cela dit, le tabagisme chez les jeunes, selon les données fiables, je le répète, a pris des proportions inquiétantes, en particulier au Québec. Vous n'êtes pas sans savoir ou peut-être que je vous l'apprend que le pourcentage des jeunes qui fument au Québec a doublé en cinq ans, entre les années 1991 et 1996. Il est passé de 19 p. 100 à 38 p. 100. Le tabagisme atteint même jusqu'à 43 p. 100 chez les jeunes filles.

On parle ici d'un problème de santé énorme, vraiment un problème de santé public majeur et une situation tout à fait inacceptable.

Il est quand même étrange de constater que cette situation, en fait d'augmentation du tabagisme au cours de ces cinq dernières années, correspond à la période où il y a eu, d'une part, une baisse des taxes sur le tabac. On a tous connu le phénomène de la contrebande en 1994 et la baisse des taxes qui a suivi. Dans les statistiques, on constate que la courbe augmente de façon très importante après 1994 jusqu'en 1996: phénomène étrange. On a constaté aussi que l'industrie du tabac s'est mise à faire beaucoup plus de publicité et de promotion durant ces mêmes années, sous toutes sortes de forme, notamment la commandite. Elle est un moyen pour les compagnies de tabac de véhiculer leur message. Elles vont se défendre que la commandite n'est pas de la publicité. Ils sont les seuls à le croire. Les publicitaires disent que la commandite est de la publicité.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour inciter les adolescents à ne pas fumer ou à cesser de fumer. C'est vraiment la question qu'on se pose aujourd'hui. Est-ce que l'on doit hausser les taxes au niveau antérieur à 1994? Est-ce qu'on devrait interdire la publicité et la promotion des produits du tabac? Même si on posait ces deux actions, cela serait insuffisant. Cela aurait sûrement un effet sur la consommation du tabac chez les jeunes contrairement à ce que l'industrie du tabac prétend. Mais c'est insuffisant. Le problème est beaucoup plus large que cela.

Une étude récente nous éclaire sur les types d'interventions qui peuvent être faites. On a eu des exemples de la Californie, il y en aura d'autres au cours de la présentation. Une étude récente faite au Québec compare différentes études de par le monde réalisées pour la prévention du tabagisme chez les jeunes et qui tire des conclusions sur les approches qui ont le plus de chance d'être efficaces auprès des jeunes. J'ai dans le cadre du mémoire que je vous ai présenté, relevé certains des éléments de cette étude qui m'apparaissent très intéressants.

Première des choses, les auteurs de cette étude définissent le problème du tabagisme chez les jeunes et ce qui amène les jeunes à fumer. Ils disent notamment que les jeunes commencent à fumer parce que leurs amis fument. Ils sont influencés par les autres. Ils essaient par curiosité. Ils trouvent cela «cool» fumer. Les jeunes qui fument sont plus populaires, leur mère ou leur père fume. Pour eux fumer est un élément positif. Ils ont une image positive du tabagisme. On peut se demander pourquoi. Ils croient qu'au fond le tabac va leur permettre d'être mieux, d'être supérieurs, d'être plus appréciés et d'avoir peut-être une meilleure image, d'être, finalement, quelqu'un de mieux. Quand on regarde la publicité des compagnies de tabac, c'est ce qu'on leur présente, des modèle de gens qui sont des héros, qui sont en haut d'une montagne, qui ont gravi la montagne et tout à coup ils sont vraiment au sommet. Quand on regarde Jacques Villeneuve, l'association se fait rapidement: Jacques Villeneuve est un modèle pour les jeunes. Ce ne sont pas tous les jeunes qui veulent devenir coureur automobile, sauf que Jacques Villeneuve devient un modèle, une personne à imiter. Il ne fume pas mais l'image qu'il transmet, c'est que la cigarette est un phénomène acceptable et souhaitable et associé à son succès. C'est dangereux et il y a un problème.

Je vous nommais tantôt les raisons qui amènent les jeunes à fumer. On constate que c'est un ensemble de facteurs et c'est beaucoup l'environnement social qui va faire en sorte que les jeunes vont fumer ou non. Il y a effectivement plusieurs facteurs qui amènent les jeunes à fumer. La perception et l'attitude à l'égard de la cigarette peuvent être influencés par ces situations sociales. Une étude, du US Surgeon General et du US Department of Health and Human Services, montre justement les approches de prévention du tabagisme chez les jeunes qui sont les plus efficaces. Ils ont défini un modèle qui permet de comprendre ce qui amène les jeunes à commencer à fumer. Ils ont identifié cinq étapes qui amènent les jeunes à commencer à fumer. Ces étapes sont la préparation, qui est le moment où les jeunes ne fument pas mais où ils sont en train de se faire une idée par rapport à leur perception du tabagisme, ce qu'ils pensent et perçoivent comme étant la cigarette. Une autre étape est l'essai, le moment où le jeune fume une première cigarette. Après l'étape de l'expérimentation, le jeune va fumer de façon régulière et répétée. Cela va se faire avec les amis, les collègues et tout cela. Après on parle d'un usage régulier et vraiment d'un problème d'accoutumance dont le jeune n'arrive pas à se défaire. Ce sont les cinq étapes définies par ces chercheurs.

Dans cette étude, ils ont tenu compte d'un ensemble d'études réalisées pour en arriver à cette synthèse. Je ne vous donnerai pas tous les détails de ce qui se dit dans ce tableau. Vous l'avez dans le mémoire que je vous ai remis. De façon générale, ce qu'il faut retirer de ce mémoire, c'est qu'il faut intervenir au niveau social de l'environnement du jeune.

Il faut lui donner des moyens pour qu'il ait une meilleure estime de lui-même afin qu'il puisse développer les capacités qui vont lui permettre de résister à la cigarette qu'on lui offre, mais il faut aussi intervenir au niveau de la société, de la famille, du milieu scolaire ou autre, et par différents moyens. Mon collègue va parler de façon plus spécifique du genre d'interventions qui peuvent être faites, pour quelles raisons et de quelle façon elles peuvent être faites. Je ne m'étendrai donc pas sur cette dimension.

Il n'y a pas qu'une seule approche efficace pour réduire le tabagisme chez les jeunes mais un ensemble de moyens, comme le disait M. Bonfilio précédemment, qui vont faire en sorte que la cigarette soit dénormalisée dans la société. La raison pour laquelle les jeunes fument beaucoup, est qu'ils perçoivent la cigarette comme quelque chose d'attrayant, de normal et de pratiquement souhaitable. Souvent les parents jouent un rôle important à cet égard mais ce ne sont pas les seuls responsables. La publicité va inévitablement avoir un effet sur les perceptions que les jeunes peuvent avoir du tabac.

De façon générale, on peut retenir de tout cela des interventions qui feront appel à des programmes éducatifs touchant à l'estime de soi, et des programmes qui interviendront aussi au niveau de politiques et qui favoriseront la santé. Cela peut être des politiques d'interdiction de fumer dans certains milieux comme l'école, par exemple. On peut utiliser une approche qui favorisera aussi un développement des liens avec la communauté et la famille, et utilisera les gens de cet environnement pour aider le jeune à ne pas commencer à fumer; des campagnes présentées de façon plus large au niveau communautaire et médiatique; des politiques fiscales intéressantes ou favorables.

Par exemple, on sait que l'accessibilité du tabac pour les jeunes, contrairement à ce que prétendent certains, est un facteur important qui va faire qu'ils vont commencer ou non à acheter des cigarettes et commencer à fumer. Le fait que le prix des cigarettes soit plus élevé est un facteur qui va les dissuader de commencer à fumer.

J'ai parlé des restrictions dans le milieu de travail ou scolaire. Les interdictions au niveau de la promotion et de la publicité des produits du tabac m'apparaissent être tout à fait nécessaires.

Pour parler de notre propre expérience, depuis trois ans on a conçu et élaboré un programme de prévention du tabagisme à la grandeur du Québec qui s'appelle «La gang allumée pour une vie sans fumée», en anglais «Youth Coalition Against Smoking». Le programme est offert depuis ce temps dans des centaines d'écoles et de maisons de jeunes à travers la province. Le principe de base de ce programme est de laisser la place aux jeunes pour qu'ils définissent eux-mêmes le genre d'intervention qu'ils croient être le plus efficace pour amener les autres jeunes à ne pas commencer à fumer.

Les jeunes ont les solutions pour inciter d'autres jeunes à ne pas commencer à fumer. Ils sont eux-mêmes dans la même situation, donc ils sont tout à fait en mesure de dire et d'intervenir auprès d'autres jeunes de façon efficace. C'est ce qu'on constate avec le programme qu'on a mis sur pied où les jeunes sont vraiment des modèles pour les plus jeunes ou encore des jeunes du même groupe d'âge.

Les deux dernières années de ce programme nous ont permis de sensibiliser directement plus de 89 000 jeunes à travers la province. On n'a pas mesuré à l'intérieur de ce programme l'impact, à savoir combien de jeunes ont arrêté de fumer, parce que les budgets qu'on avait pour réaliser ce programme ne nous permettaient pas de faire une étude scientifique valable au niveau de l'impact.

Les commentaires des intervenants dans les écoles et les maisons de jeunes, par rapport à l'intervention et la progression qu'a connu ce programme au cours des trois dernières années, nous démontrent clairement l'efficacité de ce programme. Il serait intéressant de mesurer à quel point cela peut avoir un impact. Les jeunes et les intervenants adhèrent à cette démarche, c'est signe qu'on peut faire quelque chose et que cela donne des résultats.

[Traduction]

M. Roy Cameron, directeur, Projet de Waterloo sur le tabac, Centre de recherche sur le comportement et l'évaluation des programmes, Institut national du cancer du Canada: Je vous remercie de m'avoir invité à prendre la parole dans le cadre de ces importantes audiences. Je suis d'accord avec M. Luik quand il dit qu'il faut que notre action se fonde sur des faits scientifiques. Contrairement à lui, cependant, je suis convaincu qu'on pourrait justifier, sur le plan scientifique, d'agir tout de suite -- de prendre des mesures énergiques. Nous avons certes beaucoup à apprendre, mais nous en savons beaucoup aussi.

Si nous voulons vraiment régler le problème du tabagisme chez les jeunes, il faut reconnaître qu'il n'existe pas de solution magique, qu'aucune mesure ne pourra, à elle seule, être déterminante.

Si nos intentions sont sérieuses, il faut mettre en place une série de politiques, de programmes d'information et d'intervention dans les médias qui sont cohérents, qui se complètent les uns les autres et qui sont harmonisés. L'adoption de politiques créerait un environnement au sein duquel les jeunes seraient moins exposés aux influences qui les incitent à fumer.

La première grande mesure à prendre, sur ce plan, est d'interdire la publicité du tabac. Je vous donne un exemple. Vous ne connaissez peut-être pas la campagne de publicité Joe Camel menée aux États-Unis. Jusqu'en 1988, seuls des vieux fumaient des Camel. Seulement un demi de 1 p. 100 du marché des jeunes en consommait. Trois ans après le début de la campagne Joe Camel, cette marque de cigarette occupe 32,8 p. 100 du marché des jeunes fumeurs. Voilà à mon sens un très bon indice de l'influence qu'a la publicité du tabac sur le comportement des jeunes. Quand l'industrie nous demande de croire qu'elle ne cherche qu'à concurrencer les autres pour une part du marché, souvenez-vous de cette campagne. Elle nous demande de croire qu'elle est capable d'influencer un fumeur de 18 ans sans avoir quelque effet que ce soit sur son amie qui ne fume pas encore. À mon avis, il s'agit-là d'une stratégie de marketing extrêmement bien fignolée.

La preuve existe que l'interdiction de la publicité aura vraisemblablement une influence, en ce sens qu'il est établi que la publicité du tabac a une incidence sur le comportement des jeunes. Je viens de vous donner un exemple, mais si vous souhaitez en savoir davantage, je vous conseille la lecture de deux rapports. L'un est celui qui a été rendu public par le Surgeon General des États-Unis. L'autre est un rapport qu'a préparé notre centre pour l'Institut national du cancer du Canada.

La deuxième grande mesure à prendre est d'accroître les taxes. Je ne me donnerai même pas la peine de vous l'expliquer davantage. M. Parker a reconnu qu'à mesure qu'augmente le prix, la consommation baisse.

Il faut ensuite limiter l'accès aux produits. On vous a parlé de l'expérience vécue en Californie qui prouve que l'accès peut être limité, et je crois qu'il y a lieu de prendre des mesures à cet égard. Je suis également convaincu qu'il importe d'interdire la cigarette dans les lieux publics, pour éviter qu'il n'y ait des fumeurs là où se rassemblent les jeunes. Que je sache, il n'est pas démontré que cela a une influence, mais c'est une mesure plausible et sensée.

Pour ce qui est de l'aspect éducatif, si vous lisez le rapport du Surgeon General de 1994, vous constaterez que les programmes destinés aux élèves du primaire réduisent effectivement le tabagisme chez les jeunes.

Nos propres travaux de recherche à l'Université de Waterloo ont révélé que ces programmes sont des outils très efficaces dans les écoles où il y a beaucoup de tabagisme. Ils ne le sont peut-être pas dans les écoles où il y a très peu de fumeurs. Il faudra peut-être réorienter ces programmes. Cependant, nous en savons beaucoup au sujet de leur efficacité.

J'aimerais mentionner que, dans le cadre de notre étude d'intervention qui a servi à évaluer notre programme par échantillonnage au hasard avec l'appui des instituts nationaux de la santé des États-Unis, notre groupe a effectué beaucoup de recherche sur l'esprit de rébellion et le début de l'adolescence. C'était une étude importante qui a porté sur 5 000 enfants répartis dans 100 écoles. Nous avons étudié l'esprit de rébellion et nous avons constaté que les enfants rebelles étaient effectivement susceptibles de commencer à fumer. Notre programme a eu une bonne influence sur eux, toutefois, tout comme il a eu une bonne influence sur d'autres enfants. En d'autres mots, rien dans notre étude ne laisse croire que la préoccupation de M. Parker est justifiée, que l'on pourrait faire augmenter le nombre de fumeurs en cherchant trop à le faire diminuer.

Le sujet suivant concerne les programmes destinés au secondaire. On a effectué très peu de recherche dans les établissements secondaires. Notre groupe, dans le cadre de l'étude dont je vous ai parlé, a élaboré et évalué une stratégie d'intervention dans les établissements de niveau secondaire. Nous avons constaté qu'elle entraînait une baisse sensible des fumeurs parmi les jeunes hommes, mais pas chez les jeunes femmes. À la lumière de ces résultats, l'Ontario a mis ce programme à la disposition de tous les établissements d'enseignement secondaire de la province.

On passe ensuite à l'abandon de la cigarette chez les jeunes. La plupart des jeunes veulent arrêter de fumer. Très peu d'entre eux prévoient continuer de fumer pendant longtemps. Nous en savons très peu, selon moi, sur la façon de les aider. Il faudrait effectuer des travaux de développement et d'évaluation en vue de mettre sur pied des programmes efficaces pour aider les jeunes à cesser de fumer.

Nous avons aussi besoin de programmes communautaires qui mobiliseront toute la collectivité en matière de prévention. Cinq études environ révèlent actuellement que les programmes exécutés dans les écoles sont encore le moyen le plus efficace lorsqu'ils sont jumelés à un programme communautaire plus complet.

Je n'ai rien à dire au sujet des médias, sauf qu'il faudrait à mon avis que leurs initiatives renforcent les initiatives prises sur le plan de la politique et de l'éducation. Ils devraient viser à contribuer à la réalisation des objectifs du programme sur ce plan.

Je conviens avec vous que l'évaluation est un outil extraordinairement important pour guider nos efforts. Nous avons beaucoup à apprendre. À mesure que le monde évolue, il se peut qu'il faille réorienter nos programmes, et il nous faut avoir l'heure juste. Il faut que nous sachions constamment ce qui marche et ce qui ne marche pas de manière à pouvoir adapter nos programmes de manière intelligente.

C'est dans cet esprit et en vue de vous donner une idée de ce qui existe et de ce que l'on pourrait faire que notre groupe de l'Université de Waterloo a dressé le profil du tabagisme dans les écoles. Nous avons élaboré un questionnaire lisible par machine que peuvent remplir les enfants et les enseignants. Les résultats sont ensuite communiqués à l'école. Nous traitons le questionnaire par ordinateur afin de produire un rapport qui informe l'école des habitudes des fumeurs à l'école même; d'où se situent les écoles sur ce plan, par rapport aux autres de la province et du pays, où les enfants achètent leurs cigarettes et comment ils perçoivent le tabagisme. Ce questionnaire s'est avéré très utile pour faire prendre conscience du problème à l'école et il pourrait avoir le même effet sur la collectivité.

Enfin, il importe d'investir en R-D. J'y vois deux tâches distinctes. L'une consisterait à repérer les programmes, les politiques et les médias qui se sont avérés efficaces ailleurs. Il ne s'agit pas de réinventer la roue. Des gens cherchent des solutions à ce problème partout dans le monde. Il faudrait repérer les solutions qui se sont avérés efficaces ailleurs et les importer.

Il faut aussi élaborer, ici même, des politiques, des programmes et des supports publicitaires qui n'existent pas ailleurs, mais dont nous avons besoin. Il faut non seulement les développer, mais également les évaluer avec rigueur pour en vérifier l'efficacité.

Le président: Madame Walker, en tant qu'ex-fonctionnaire fédérale, vous avez acquis une certaine expérience de la stratégie de 1985 visant à réduire l'usage du tabac et, je suppose, du programme de marketing social lancé en 1987 -- la publicité antitabac et tout le pataclan. Ces annonces qui allaient être diffusées étaient très percutantes, selon moi. Êtes-vous d'accord avec M. Luik pour dire que cette stratégie a été un échec?

Mme Walker: Non. Je ne crois pas comme les autres que cette stratégie ait échoué. Elle n'a peut-être pas atteint suffisamment de jeunes pour avoir un effet sensible, mais nous le savions au départ.

Le projet de loi à l'étude me plaît parce que j'estime qu'une stratégie de marketing soutenue sera plus efficace si elle est menée indépendamment du gouvernement.

Le président: Pour quelle raison?

Mme Walker: Quand nous avons commencé à faire des mises à l'essai auprès de groupes-cibles et que nous avons monté la campagne publicitaire, nous avons essayé de le faire avec transparence en ayant recours à un comité consultatif composé de personnes venues de tous les coins du Canada. Quand nous avons commencé à élaborer la campagne, elle a perdu de son effet percutant. Elle s'est adoucie, parce qu'on en craignait le prix politique. L'exercice est devenu très difficile. Nous avions toute la documentation de la Californie. Nous avions des idées et nous avions engagé des agences publicitaires pour trouver de l'information percutante. Nous tentions de faire contrepoids à l'information manipulée par l'industrie du tabac. Nous tentions d'informer les jeunes de cette manipulation. Le fait de s'attaquer de front à l'industrie suscitait une certaine nervosité.

J'ose espérer que, s'il existe un fonds indépendant qui peut peut-être agir plus directement sans se préoccuper de la dimension politique, il sera plus efficace.

J'ai éprouvé de la frustration lorsque j'ai travaillé à plusieurs stratégies de réduction de la demande de tabac -- parce qu'il y en a eu plusieurs -- à cause du manque de durabilité et de perspective d'ensemble. La mise en oeuvre de la stratégie est sporadique à l'échelle nationale et d'un établissement à un autre. Certains organismes d'hygiène publique reçoivent des fonds pour élaborer et mettre en oeuvre des programmes, d'autre part. D'autres encore sont incapables de le faire intégralement. Les enfants ne reçoivent pas un message soutenu. On offre très peu aux jeunes qui décident qu'ils souhaitent cesser de fumer. On procède au petit bonheur. Tout se fait à la pièce, sans perspective d'ensemble. C'est sur ce plan que j'estime que la stratégie a été un échec.

Le président: Des pressions politiques étaient-elles exercées sur les responsables du programme?

Mme Walker: J'ignore si on peut vraiment parler de «pressions politiques». Comme dans tout autre programme du gouvernement, on se préoccupait certes de la dimension politique.

Le président: Ces annonces télévisées étaient très puissantes. Je me souviens du cocktail, du verre rempli de poison -- des substances toxiques que le bonhomme s'apprêtait à avaler. L'autre dont je me souviens était celle du bébé au berceau entouré de fumée. Le message n'était pas flou. Les annonces avaient beaucoup de force de frappe. Seriez-vous prête à dire que ce qu'il fallait, c'était plus d'annonces comme celle-là ou de faire passer ces annonces plus souvent?

Mme Walker: En termes de portée, il s'agissait-là de messages passés en douceur. Nous avions des annonces beaucoup plus percutantes. Comme l'a mentionné notre collègue de la Californie, elles s'attaquaient à certaines publicités des fabricants de tabac. Nous essayions de contrecarrer l'image du fumeur qui escalade les montagnes et qui fait de l'équitation, l'image de Virginia Slims, plutôt que de mettre en évidence les effets nocifs du tabac.

Toutefois, une campagne publicitaire de courte durée ne suffit pas.

Le président: Combien de temps a duré cette campagne?

Mme Walker: Les annonces n'ont été diffusées que pendant trois mois environ.

Le président: Le marketing social a commencé en 1987. La campagne de publicité n'a-t-elle duré que trois mois?

Mme Walker: Les annonces n'ont été diffusées que pendant quelques mois. De pareilles annonces demeurent sans impact réel à long terme si on ne les voit pas constamment.

Le président: Il n'y a plus de stratégie, n'est-ce pas?

Mme Walker: C'est vrai. Son absence explique le problème en partie, le manque de durabilité des campagnes dans les médias, de programmes d'information ou de réactions collectives au tabagisme chez les jeunes.

Le sénateur Stollery: J'ai été frappé par les propos de M. Luik quand il a dit qu'il était contre l'idée de confier le volet éducatif à ce groupe de personnes. J'étais justement en train d'examiner qui en faisait partie, à l'article 11 du projet de loi. Le comité consultatif

peut se composer de représentants de l'industrie du tabac, de représentants des ministres provinciaux de la Couronne chargés de la santé, de représentants de groupes de professionnels de la santé et des autres personnes que le ministre juge appropriées.

N'êtes-vous pas d'accord avec cette disposition? Y trouvez-vous de quoi à redire?

M. Luik: Cette disposition me trouble beaucoup. Je n'ai pas constaté, au sein de ces groupes, en tout cas certes pas au sein de l'industrie du tabac et dans aucun des autres, des compétences en matière de stratégie de réduction du tabac. Santé Canada avoue que, durant les années où il a déployé les plus grands efforts, le taux de tabagisme chez les jeunes Canadiens s'est mis à augmenter. Comment peut-on croire que ces groupes ont les compétences voulues pour proposer une stratégie efficace, particulièrement quand on sait qu'ils ont poussé les gouvernements successifs du Canada à adopter une orientation inefficace?

Les orientations dont s'est doté le gouvernement ont été en grande partie proposées et défendues par ceux-là mêmes dont il est question dans le projet de loi. Cela me semble singulièrement étrange.

Le sénateur Stollery: Vous faites allusion aux ministres provinciaux de la Couronne?

M. Luik: Oui.

Le sénateur Stollery: Vous y incluez aussi les représentants des groupes de professionnels de la santé?

M. Luik: Oui.

Le sénateur Stollery: Nous avons entendu des spécialistes de nombreuses disciplines et, de toute évidence, ils ne sont pas d'accord avec vous. Vous voyez-vous comme un renégat?

M. Luik: Sur ce point très précis, je me qualifierais certes de renégat, effectivement. Je vais vous dire quelque chose au sujet des médecins. Sauf votre respect, ce n'est pas parce qu'on est un professionnel de la santé, que l'on est médecin, que l'on sait comment empêcher les jeunes de fumer. Le médecin est peut-être très calé pour décrire les conséquences du tabagisme sur la santé. Par contre, lorsqu'il est question de la psychologie de l'adolescent et de la propension de celui-ci à prendre des risques, cela dépasse souvent ses compétences.

Le sénateur Stollery: Le docteur Stewart, président du Council for Tobacco Control, est médecin. Je l'ignorais. Par contre, le M. Cameron n'est pas médecin, paraît-il.

M. Luik: Être docteur ne signifie pas que l'on est médecin. Ni lui ni moi ne sommes médecins.

Le sénateur Stollery: Vous êtes certes un renégat.

M. Luik: Nous sommes des spécialistes des sciences sociales.

Le sénateur Stollery: Êtes-vous en étroite relation avec l'industrie du tabac?

M. Luik: En tant que président, comme je l'ai dit au début, j'ai agi comme consultant pour elle.

Le sénateur Johnstone: Je vous remercie de vos exposés. Ils m'ont impressionné. Je retiens une chose: les enfants nous font confiance. Par conséquent, que la société puisse autoriser la vente de ce poison dépasse leur entendement. Est-ce bien ce que vous avez dit? Auriez-vous autre chose à ajouter à ce sujet?

Mme Walker: J'ignore si je puis vous en dire plus à ce sujet. C'était toujours la même rengaine au sein des groupes échantillons. Avant de travailler pour Santé Canada, j'ai passé huit ans à travailler auprès des jeunes pour l'Union chrétienne de jeunes gens. Ils le disaient constamment.

Au sein de ma propre famille -- j'ai élevé six filles --, deux de mes enfants fument. Le taux de fumeurs au sein de ma propre famille est donc de 30 p. 100. Ces deux jeunes femmes sont foncièrement convaincues que, si le produit était réellement aussi nocif, il ne serait pas autorisé sur le marché. C'est plutôt simple.

Le sénateur Kenny: J'ai deux questions que j'aimerais aborder avec M. Luik. On peut lire, en partie, au paragraphe 5(1) du projet de loi:

f) recueillir, commanditer, commander ou mener des recherches sur l'usage des produits du tabac chez les jeunes et sur les moyens de les motiver soit à s'abstenir d'en commencer l'usage soit à le cesser;

g) mettre au point et distribuer des outils pédagogiques, planifier et exécuter des stratégies de communication, mener des campagnes publicitaires, utiliser les médias et diffuser de l'information par d'autres moyens afin de décourager et prévenir l'usage des produits du tabac par les jeunes;

Durant votre témoignage devant notre comité, vous avez manifesté une nette préférence pour le groupe de jeunes qui prennent des risques. Vous semblez croire que ce groupe mérite un examen plus détaillé afin d'essayer de concevoir des stratégies qui permettraient de le rejoindre.

M. Luik: C'est juste.

Le sénateur Kenny: Compte tenu de l'alinéa 5(1)f), croyez-vous qu'il serait possible de le faire?

M. Luik: Non, parce que ceux qui le feraient ont déjà opté pour une méthode de réduction de l'usage du tabac qui est à l'opposé de l'analyse dont je viens de vous parler. On le voit bien au fait qu'ils ne portent pas attention à la recherche publiée sur l'esprit de rébellion et sur la propension à prendre des risques.

Le sénateur Kenny: Selon vous, ce sont donc les personnes choisies plutôt que le projet de loi qui posent problème. Le texte donne la marge de manoeuvre voulue, mais vous ne croyez pas que les personnes qui sont désignées ont la compétence voulue pour le faire?

M. Luik: Si j'étais convaincu qu'il y avait moyen de trouver un groupe de personnes n'ayant pas passé par l'école de la politique gouvernementale (qui s'est avéré un échec et qui a abouti à un taux de tabagisme chez les adolescents de 30 p. 100 au Canada), je croirais alors qu'il y a de l'espoir. En toute franchise, je vois cela comme une tentative en vue de créer une fondation qui se perpétuerait indéfiniment déployée par ceux qui en fait ne savent rien ou qui sont fermés aux approches nouvelles.

Le sénateur Kenny: Vous aviez des choses plutôt péjoratives à dire au sujet de certains. Il conviendrait peut-être d'en identifier. Vous me corrigerez s'ils ne figurent pas sur votre liste. Parmi ceux qui ont appuyé le projet de loi, on trouve l'École pour les études sur la toxicomanie, la Société canadienne du cancer, l'Association médicale canadienne, le Conseil canadien des infirmières[iers] en nursing cardiovasculaire, l'Institut canadien des inspecteurs en hygiène publique, l'Association canadienne de la santé publique, la Fondation des maladies du coeur du Canada, l'Association pulmonaire du Canada, l'Institut national du cancer du Canada, l'Ontario Medical Association, l'Association des infirmières et l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa. Je ne vous ai cité que quelques noms d'une liste dix fois plus longue. Je m'excuse auprès de ceux que je n'ai pas nommés. Sont-ce là les groupes dont vous avez une si piètre opinion?

M. Luik: Prenons un exemple qui illustrera la compétence de ces groupes. La plupart d'entre eux ont appuyé les mesures de banalisation des emballages dont ont été saisis le Sénat et la Chambre des communes en 1994. Presque tous ces groupes ont manifesté leur appui. Nombre d'entre eux ont contribué à la «recherche» effectuée sur la banalisation des emballages. Arrêtons-nous justement à cette question d'emballage neutre. Elle vous en dira long sur la compétence des chercheurs, sur la base de recherche et sur la logique de leur raisonnement au sujet de la lutte contre le tabagisme.

Sans s'appuyer sur la documentation, ils ont produit beaucoup de rapports de recherche sur «une théorie tout à fait nouvelle» selon laquelle, si on banalisait les emballages de cigarettes, on découragerait les enfants de fumer.

Il est particulièrement intéressant de noter que l'Institut national du cancer du Canada a présenté les résultats d'une étude selon lesquels les groupes échantillons d'enfants avaient dit, lorsqu'on leur avait présenté les emballages neutres, qu'ils seraient en fait plus attirés par ceux-là que par les autres. Voilà un groupe de personnes que vous avez vous-même choisies et qui contredit ce que vous préconisez auprès du Sénat et de la Chambre des communes.

Si c'est là le calibre des recherches effectuées par ces gens -- proposer la banalisation des emballages alors que leurs propres données empiriques prouvent qu'elle donne le résultat inverse de celui qui est recherché --, je dirais alors effectivement que leur compétence n'a pas beaucoup de valeur.

Vous avez beaucoup entendu d'affirmations erronées de la part de ce groupe, bien que je ne lui enlève pas certaines choses très positives qu'il a dites. Je suis d'accord avec bon nombre de mes collègues, particulièrement en ce qui concerne l'estime de soi et le risque. Même au sein de ce groupe, on vous a davantage parlé de ce qu'a fait le gouvernement au cours des 20 dernières années, plutôt que d'aborder les questions difficiles comme celles que proposait le Forum national sur la santé.

Le rapport du Forum national sur la santé sur la consommation excessive de substances par les jeunes est l'un des quelques rapports que le gouvernement actuel a décidé de ne pas publier. Il existe un résumé de ce document. Pourquoi a-t-on décidé de ne pas le publier? Selon moi, il décrit, comme je l'ai résumé dans mon mémoire, de nombreuses options peu populaires qui sont difficiles à financer et qui mettent plus de temps à donner des résultats. Elles vont contre le grain des groupes que vous avez mentionnés.

Si c'est là votre liste, je vous rappelle ce qu'ils ont fait lorsqu'il était question de banalisation des emballages. Si c'est là le calibre de leur recherche et leur «nouveau raisonnement» sur le sujet, je ne ferais pas appel à leurs services comme experts.

Le sénateur Kenny: Madame Walker, quelle est la chose dont vous avez le plus besoin pour réaliser vos objectifs en matière de santé infantile?

Mme Walker: Il est difficile de choisir. Je suis d'accord avec mon collègue pour dire que nous avons besoin d'en savoir davantage au sujet de l'âge pivot auquel le jeune commence à prendre des risques et à fumer. Nous avons fait de l'excellent travail en ce qui concerne les casques de vélo. Auparavant, il était rare de voir un cycliste porter le casque. Aujourd'hui, ils en portent tous. Nous avons aussi pas mal bien réussi à faire changer les jeunes d'attitude au sujet de l'alcool au volant. Nous n'avons pas remporté autant de succès en ce qui concerne l'usage du tabac. Je persiste à croire que le fait que la nicotine engendre une dépendance rend cette habitude différente de tous les autres comportements du jeune qui cherche à prendre des risques. Nous n'en savons tout simplement pas assez sur la façon de régler ce problème.

Donc, pour répondre à votre question, si j'avais à choisir, ce serait d'en savoir plus à ce sujet.

Le sénateur Kenny: Vous nous avez dit tout à l'heure que le projet de loi à l'étude vous plaisait. Comment vous aidera-t-il à obtenir cette chose dont vous avez besoin?

Mme Walker: Nous avons besoin de recherche soutenue, de programmes soutenus et d'une approche communautaire soutenue dans les médias en vue de rendre la consommation de tabac moins acceptable socialement. Je ne crois pas que la bureaucratie gouvernementale, où l'argent arrive par cycles, y parviendrait.

Le président: Les priorités changent.

Mme Walker: Oui. Tout dépend de la façon dont vous vous y prenez. J'aime l'idée d'indépendance, à condition qu'il y ait une évaluation et que l'on rende des comptes.

Le sénateur Kenny: Monsieur Cameron, si vous aviez à choisir, quel serait votre plus grand besoin?

M. Cameron: Je suis d'accord avec Mme Walker que nous avons besoin de plus de connaissances. Toutefois, ce dont nous avons le plus besoin, c'est d'argent pour mettre en oeuvre des programmes et faire de la formation.

Le sénateur Kenny: Le projet de loi à l'étude prévoit-il les fonds dont vous avez besoin?

M. Cameron: Je le crois. Pour vous donner un exemple, notre groupe a effectué une étude nationale des établissements d'enseignement pour le compte de Santé Canada en 1993. Il cherchait à savoir quels programmes étaient en place dans les écoles du pays. Nous avons constaté que, bien qu'il y ait des programmes dont l'efficacité est prouvée, moins du tiers des établissements prétendaient en avoir un en place. Dans les établissements de niveau secondaire, les programmes étaient pratiquement inexistants.

Il existe des programmes qui, bien qu'imparfaits, peuvent être déterminants, surtout dans les établissements à risque élevé. Selon moi, si nous avions l'argent pour les mettre en oeuvre et l'infrastructure voulue pour appuyer ceux qui les exécutent, ils auraient un impact.

Le sénateur Cohen: Pour faire suite à ce qu'a dit Mme Walker, nous avons aussi eu du succès lorsque nous avons ciblé les jeunes enfants et que nous les avons encouragés à dire à leurs parents de ne pas fumer parce que c'était mauvais pour leur santé. De nombreux parents ont cessé de fumer.

Mme Walker: Oui. Nous avons aussi réussi à convaincre les femmes enceintes. Par contre, notre action auprès des femmes après qu'elles ont donné naissance est un échec.

Le sénateur Cohen: Dans votre exposé, vous avez dit que de nombreuses jeunes femmes n'ont pas de raison de cesser de fumer jusqu'à ce qu'elles soient enceintes et qu'après avoir donné naissance, 75 p. 100 d'entre elles recommençaient à fumer. Elles ont compris subitement qu'il était dangereux de fumer durant la grossesse, mais elles ne sont pas conscientes que la fumée secondaire est tout aussi dangereuse?

Mme Walker: Beaucoup d'entre elles en sont conscientes. Cependant, beaucoup de jeunes fumeuses qui ont des enfants en bas âge sont soumises à d'énormes stress. Elles nous disent: «Ne m'enlevez pas ma seule source de réconfort. Elle ne coûte pas cher, et je peux l'emporter avec moi. Elle me donne quelques minutes de répit». Tant que nous n'aurons pas réussi à remplacer cela et à aider ces femmes à gérer les autres formes de stress, nous ne réussirons pas à briser le cercle vicieux. C'est là notre pierre d'achoppement, chez les mères qui fument.

Le président: L'exposé du témoin de la Californie, M. Bonfilio, était intéressant. En Californie, ils ont réussi à faire reculer sensiblement le taux de tabagisme chez les adultes et les adolescents. Ils y sont parvenus dans une juridiction où les cigarettes coûtent un peu plus de 1 $ le paquet et où l'industrie est libre d'agir comme bon lui semble. En fait, il nous a dit que les fabricants de tabac dépensaient chaque année 450 millions de dollars en publicité et en promotion. Son témoignage semblait appuyer le projet de loi du sénateur Kenny, en ce sens que l'argent consacré à la lutte contre le tabagisme et à l'information antitabac est efficace. Toutefois, la Californie ne dépense que 84 millions de dollars par année à cette lutte.

Si l'industrie consacre 450 millions de dollars à vanter le tabac, que faut-il en conclure? Si j'étais Rob Parker du Conseil canadien des fabricants des produits du tabac, j'aurais été réconforté par cette partie du témoignage de M. Bonfilio.

Au Canada, nous avons interdit la publicité. Un paquet de cigarettes coûte plus de 4 $ dans cette province et nous sommes sur le point d'interdire la commandite. On se demande si les mesures coercitives ou négatives que nous avons prises ou allons prendre sont efficaces.

[Français]

Je pose la question à monsieur Bujold qui a traité de la commandite.

M. Bujold: Je veux bien proposer une réponse à cette question. Je pense que la particularité de la Californie, c'est que les interventions qui ont été menées ont été faites justement au niveau de l'environnement social. Elles ont touché plusieurs aspects de l'environnement social. On sait très bien qu'en Californie, comme dans d'autres États américains, ils ont beaucoup d'avance sur nous sur l'interdiction de fumer dans les milieux de travail, dans les lieux publics, dans les écoles, à différents endroits dans la société. Ils ont davantage, à mon avis, travaillé sur l'aspect dont on parlait tantôt de «dénormaliser» la question de l'usage du tabac dans la société.

C'est ce que je comprenais des propos de notre témoin de la Californie; malgré les efforts publicitaires des compagnies de tabac, la réaction de plusieurs personnes est de constater qu'il se font manipuler par l'industrie du tabac parce qu'on ne leur dit pas la vérité, la réalité. Dans les faits, il y a des risques pour la santé. Ce n'est pas bien socialement, de moins en moins d'après moi, c'est beaucoup rattaché à cela.

C'est un bel exemple d'efforts qui peuvent fonctionner et qui peuvent faire en sorte que toute une population change la perception qu'elle a de l'usage du tabac.

Le président: Est-ce que vous dites que les mesures incitatives ou de persuasion valent mieux que les mesures coercitives?

M. Bujold: Pas nécessairement, parce qu'ils ont des mesures coercitives en Californie, quand on parle de loi qui s'applique à des édifices publics.

Le président: Pour ce qui est de la publicité ou la commandite, par exemple.

[Traduction]

Tout est permis en Californie.

[Français]

M. Bujold: Il faudrait voir effectivement dans quelle mesure les gens peuvent faire tout ce qu'ils veulent. Je ne suis pas assez au fait des études ou des recherches faites sur le sujet. D'après moi, il y a vraiment eu, au niveau de la population en général, une compréhension du problème du tabagisme qui est plus forte parce qu'ils ont pris des actions qui ont fait en sorte que cette compréhension est meilleure. Maintenant en fait, la publicité a beaucoup moins d'efficacité chez cette population.

Le président: Est-ce que vous trouvez que les mesures qu'on a prises au Canada, au niveau provincial et municipal, visant l'interdiction du tabac sur la place publique ne sont pas aussi efficaces?

M. Bujold: Je pense que oui. Elle ne sont pas suffisamment efficaces non parce que les lois ne sont pas bonnes mais parce que leur application n'est pas faite de façon suffisamment sérieuse.

Entre autres, au Québec, je connais davantage cette réalité et c'est le cas du Québec. Une loi existe et elle a même été la première loi au Canada, la Loi sur la protection des non fumeurs dans certains lieux publics.Par contre, cette loi est mal respectée. Il y a des endroits dans les hôpitaux où les gens fument, ce qui est inacceptable.

Ce n'est pas tout d'avoir une loi, il faut avoir des mesures qui vont faire que cette loi va être respectée. C'est la même chose au niveau de l'éducation. Ce n'est pas tout d'avoir un programme d'éducation, comme le disait mes collègues. Il faut pouvoir le diffuser, il faut pouvoir le rendre accessible aux gens. Il faut pouvoir vraiment faire en sorte que les jeunes soient en contact avec ces messages. Cela prend plus qu'une volonté politique. Cela prend des outils qui vont dans ce sens.

[Traduction]

Le président: Je reprends ce que disait Mme Walker que le problème de la publicité antitabac n'a pas été sa qualité, mais sa continuité et sa constance.

M. Luik: Ce que vous dites est très intéressant. Il est paradoxal -- parce que je ne sais pas si quelqu'un ici peut expliquer la situation -- qu'aux États-Unis, durant les nombreuses périodes auxquelles vous faites référence, malgré le laxisme des politiques de lutte contre le tabac ou l'absence de ces politiques, le taux de tabagisme chez les adolescents ait été inférieur à celui du Canada. C'est paradoxal?

Je dois contester tout ce qu'on dit sur la «dénormalisation». Je pense qu'il est déjà hors norme de fumer au Canada. Il est interdit de fumer dans les endroits publics, au travail, dans les lieux assujettis à la réglementation fédérale, comme les banques, et dans les transports publics. Pour 80 p. 100 des Canadiens, il n'est pas acceptable socialement de fumer. Il me semble qu'on a déjà dénormalisé cette habitude.

Fait intéressant, la dénormalisation du tabagisme comporte un risque. En effet, les jeunes, qui sont plus vulnérables, sont les plus attirés par les comportements jugés anormaux par la société. Ainsi, en voulant dénormaliser le tabagisme, on court un grand risque, celui d'inciter les jeunes à fumer.

Je ne suis pas le seul à être de cet avis. Dans une étude effectuée en 1993 au Royaume-Uni par le Royal College of Physicians and Surgeons, on invite le gouvernement britannique à bien vérifier si ses campagnes publiques de dénormalisation du tabagisme n'incitent pas plutôt les jeunes justement visés par ces campagnes publicitaires à fumer. Il faut se demander si une stratégie de dénormalisation a vraiment du sens.

Nous ne parlons pas ici des 80 p. 100 de jeunes pour qui fumer est un rite de passage et qui arrêtent de fumer. On parle des jeunes pour qui le risque et la rébellion sont des valeurs fondamentales.

Ce qui est déconcertant à ce sujet, même si je suis d'accord avec ce que disent mes collègues au sujet des programmes d'information, c'est qu'on essaie de changer les valeurs fondamentales d'un adolescent qui a le goût du risque. C'est très difficile de changer les valeurs de n'importe qui. C'est encore plus difficile de changer celles d'un jeune téméraire et contestataire. En fait, c'est peut-être impossible.

Contrairement à ce qu'on prétend sur le sujet, il faut dire que nous ne pourrons peut-être jamais réduire à moins de 15 p. 100 le taux de tabagisme chez les jeunes au Canada, parce que c'est la proportion de jeunes qui adoptent des comportements à risque.

Le président: Je ne sais pas d'où viennent ces chiffres. Les derniers chiffres que j'ai vus à ce sujet étaient de 11 p. 100, et ils étaient de 8 p. 100 avant. Nous entendrons bientôt des représentants de Statistique Canada qui, j'espère, vont nous donner l'heure juste à ce sujet.

M. Luik: Ils vont tout vous révéler.

Le sénateur Spivak: Je ne comprends pas les propos de M. Luik sur la dénormalisation. Les enfants vont au cinéma et ils suivent les chanteurs rock. Les statistiques montrent que depuis quelques années on fume dans presque tous les films, tandis que ce n'était pas le cas avant. On voit la cigarette partout, et aussi à la télévision. C'est considéré normal de fumer. Nous n'avons pas dénormalisé cette habitude pour les jeunes.

M. Luik: Je ne dis pas qu'on l'a fait complètement, mais on l'a sûrement fait dans une large mesure.

Le sénateur Spivak: Pour vous, quelle est l'influence du cinéma et de la télévision?

M. Luik: La très grande majorité des Canadiens adultes ne fument pas aujourd'hui. Ce n'est pas comme dans les années 1950. Tous les adultes que j'avais comme modèles à l'époque fumaient et je n'ai jamais fumé. Je dirais que ne pas fumer est aujourd'hui le comportement normalement accepté au Canada.

Le sénateur Stollery: Je ne suis pas sûr d'être d'accord avec ça. Il est vrai que ceux qui fument à la porte des immeubles vous regardent d'un air embarrassé. Comme disait un de mes amis, fumer c'est étaler sa stupidité. Les gens qui doivent sortir dans le froid pour fumer ont l'air mal à l'aise.

Mais ce n'est pas vrai dans le cas des jeunes que je croise sur la rue College à Toronto, où je vis. Je n'ai pas besoin des chiffres de Statistique Canada pour apprendre ce que je vois tous les jours quand je me promène sur la rue College et que je croise quatre adolescentes qui fument sans vouloir s'en cacher et sans avoir l'air embarrassé le moins du monde. C'est de plus en plus populaire, il n'y a pas de doute là-dessus. Je le constate tous les jours où je vis.

La situation est aujourd'hui bien différente de ce qu'elle était quand les gens de ma génération ont arrêté de fumer. J'ai commencé à fumer après la guerre. Tout le monde ici se rappelle sûrement du climat qui régnait quand ils ont commencé à fumer. Nous n'étions pas des gens téméraires. Fumer c'était faire comme tout le monde.

Ce que je trouve différent maintenant, c'est que le lobby du tabac semble s'être affaibli. Il n'était pas faible dans les années 1980. J'aimerais que quelqu'un me donne son avis là-dessus. Toute personne associée au lobby du tabac, un administrateur ou un entrepreneur, risque de faire l'objet d'importantes poursuites en justice avant que la question ne soit réglée. C'est une tendance qui se dessine aux États-Unis. On va verser des sommes énormes en dommages-intérêts, il n'y a pas de doute. Il a fallu des années. On a réfuté leurs arguments sur la question du cancer.

Faire la promotion du tabagisme entraîne de graves conséquences juridiques. C'est évident. Dans cinq ans, quand la situation sera pire, ceux qui auront fait la promotion du tabac vont s'exposer à des poursuites judiciaires parce qu'ils auront fait la promotion de produits qui tuent. Nous le savons tous.

Je crois que le projet de loi du sénateur Kenny va être adopté parce que le pays est prêt pour une mesure semblable. Les Canadiens voient ce qui se passe. L'autre jour, des hauts fonctionnaires canadiens ont reconnu qu'on mettait de l'ammoniaque dans le tabac, mais seulement à titre expérimental.

Ils ne l'ont pas vraiment mis dans les cigarettes. La population est consciente de tout cela.

Pensez-vous que le climat est différent de ce qu'il était dans les années 1980? Comme le président l'a dit, les priorités politiques changent. Nous le comprenons. Le climat n'est-il pas différent quand ceux qui font la promotion du tabac risquent d'avoir à en assumer de graves conséquences sur le plan juridique?

Mme Walker: Le milieu d'aujourd'hui est bien différent. Nous en savons davantage. Nous sommes mieux renseignés sur le tabac et sur les constituants chimiques du tabac. On a aussi connu tout un virage. Les adultes savent maintenant que le tabac a des répercussions sur leur santé et ces répercussions sont beaucoup plus claires aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a un certain nombre d'années. Ça fait une grande différence.

Nous venons de terminer une enquête sur la pollution environnementale et ses effets sur la santé des enfants. Nous pensions que les pesticides et certains autres agents polluants seraient en cause, mais nous avons découvert que le premier agent de pollution est la fumée de tabac ambiante. Cette enquête a été effectuée auprès de 500 fournisseurs de soins de santé au Canada. Nos connaissances sur les effets du tabac et ses implications sur la santé sont beaucoup plus précises aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 20 ans.

[Français]

M. Bujold: Si le tabac n'existait pas aujourd'hui et qu'on voulait mettre en marché ce produit, on peut penser tout à fait que ce serait absolument impossible avec la connaissance de 50 ans de recherches qui démontrent que le tabac tue. C'est clair. Personne ne se questionne là-dessus. On ne peut pas interdire du jour au lendemain la vente du tabac, cela créerait toutes sortes de problèmes de contrebande. Il y a des millions de Canadiens qui sont dépendants d'un produit dont ils ne peuvent pas se défaire du jour au lendemain.

Maintenant qu'on sait cela, qu'est-ce qu'il faut faire? Comment on fait pour revenir en arrière? L'idée est de nous donner des moyens pour retourner en arrière où il y aura le moins possible de gens qui vont consommer ce produit qui, une fois sur deux, tue. C'est la question.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Nous savons que 40 000 Canadiens sont morts l'an dernier, que 40 000 mourront cette année et que 40 000 autres mourront l'an prochain. Ce qui est déroutant à ce sujet c'est qu'il n'y a pas beaucoup de réactions sur le plan politique. Pourquoi les foules ne se massent-elles pas devant les édifices du Parlement pour manifester leur mécontentement?

Je sais bien que ce n'est pas tellement votre domaine, mais quelqu'un peut-il me dire pourquoi les Canadiens ne réagissent-ils pas davantage? Il n'y a pas une famille canadienne qui n'a pas été touchée.

M. Cameron: Je n'ai pas d'explication poussée sur la question. Cependant, je dirais que nous avons parlé de 40 000 décès sans mettre de visage sur ces statistiques. Je crois que les gens sont touchés par la vie des autres, surtout ceux qu'ils connaissent, ceux qui sont proches d'eux, ceux auxquels ils peuvent s'identifier. Et je ne pense pas qu'on ait parlé de ça.

Mme Walker: Il faut parler de ces 40 000 personnes mortes trop tôt. Les gens meurent et nous allons tous mourir. J'ai moi-même appris au cours de la dernière année que certains d'entre nous meurent plus tôt que d'autres. Ces 40 000 personnes meurent trop tôt à cause du tabagisme, parce qu'ils ont fumé eux-mêmes ou parce qu'ils ont été atteints par la fumée de tabac ambiante.

Je suis tout à fait d'accord, nous n'avons pas mis de visage sur ces chiffres, et pas de visage assez jeune.

Le président: C'est intéressant et encourageant.

Nos prochains témoins vont nous expliquer pourquoi les groupes culturels et les organisations sportives qui sont commandités par les compagnies de tabac ont besoin d'un fond de transition. Pour en discuter, nous accueillons M. Marcel Côté et le Dr Alain Poirier.

[Français]

Le docteur Poirier nous a fait parvenir un document trop tard dans la journée pour que l'on puisse le distribuer. Ce sera fait demain. Je suppose que vous avez une déclaration d'ouverture à faire, monsieur Côté.

M. Marcel Côté, auteur, Tobacco Sponsorship Study (Nov. 1997): Je pourrais prendre une dizaine de minutes pour faire état d'une étude que nous avons faite l'été dernier à la demande des organisateurs des principaux événements culturels et sportifs au Québec qui recevaient des commandites.

On a publié les résultats à la fin de l'été. L'exemple du Québec, le portrait qu'on peut tracer au Québec peut servir à l'ensemble du Canada. L'étude a été largement diffusée au Québec, mais très peu d'ailleurs ont Canada. Alors je vais peut-être vous en présenter les points saillants qui vont démontrer l'importance que la commandite du tabac a pris dans les événements et organisations sportives et culturelles au Canada.

[Traduction]

En 1997, on a évalué qu'on dépensait 130 millions de dollars au Québec, dont 85 millions pour les activités sportives et culturelles. Ce budget de commandites a énormément augmenté depuis le milieu des années 1980 parce qu'on organise beaucoup de festivités dans les villes; les festivals de jazz et d'autres festivals d'été et d'hiver ont tous demandé à être commandités. Ce sont les compagnies de tabac qui ont largement favorisé l'essor de ce marché.

En 1997, les compagnies de tabac ont versé 37 p. 100 des 130 millions de dollars de commandites au Québec. Sur ces 130 millions, 85 millions ont servi à financer des activités culturelles et sportives.

Normalement, les commandites représentent environ 37 p. 100 des fonds d'un événement. C'est la principale source de financement des activités culturelles et sportives -- elle est plus importante que la vente des billets, les subventions, les dons et les recettes réalisées par les restaurants et autres activités commerciales du genre.

Nous avons étudié la situation des huit événements les plus importants à se dérouler au Québec, et qui recueillent probablement 40 p. 100 des commandites, pour évaluer le rôle joué par les fabricants de tabac. Je répète que les fabricants de tabac versent environ 37 p. 100 de l'ensemble des fonds. Si on regarde la pyramide, dans sept cas sur huit, une compagnie de tabac a été le commanditaire principal. Ç'a été le cas pour le Festival de jazz, le Festival Juste pour rire, les spectacles de feux d'artifice, le Grand prix de Trois-Rivières et le Grand prix de Montréal, de grands événements. Le principal commanditaire de tous ces événements, sauf un, a été une compagnie de tabac qui a fourni, en moyenne, 15 p. 100 des recettes des événements, en espèces. Seules les compagnies de tabac versent leurs commandites en espèces. Sans compter que ces compagnies ont fait, au Québec, de la publicité gratuite pour ces événements pour une valeur de 11 millions de dollars. Pour le Grand prix de Montréal, les annonces sont en bleu avec quelques logos de Player's. Du Maurier fait la même chose pour les arts. Ces coûts de publicité ne sont pas compris dans les chiffres. Au Québec seulement, ils ont atteint environ 11 milliards de dollars.

Les deuxièmes commanditaires, qui versent environ le tiers de ce que les premiers fournissent, sont les brasseries, les compagnies de téléphone et celles qui veulent atteindre un grand public. Viennent ensuite les troisièmes et les plus petits commanditaires. Les plus gros montants sont versés par ceux qui se situent en haut de la pyramide. Plus de 55 à 60 p. 100 de l'argent que les événements reçoivent au début de leurs activités et qui aident à verser les dépôts pour les artistes, les pilotes automobiles et les joueurs de tennis viennent des fabricants de cigarettes.

Nous avons étudié la situation de 80 plus petits événements et, dans leur cas, la pyramide n'est pas exactement la même. En fait, ils n'ont habituellement pas de commanditaire principal. Ils sont commandités à la fois par une brasserie, une banque et une compagnie de téléphone. Dans leur cas, les commandites représentent des revenus un peu moins importants que la vente des billets, bien que ce soit les subventions qui soient les plus importantes.

Que se passera-t-il quand les compagnies de tabac ne commanditeront plus ces événements, quand le budget de commandites sera amputé de 37 p. 100? Il y a une courbe. Comme j'aurais dit autrefois quand j'enseignais l'économie, il faut comprendre la loi de l'offre et de la demande. Si on réduit la demande de commandites, le prix des commandites va chuter. Ce n'est pas une demande non significative. C'est une amputation importante parce qu'on élimine 37 p. 100 des fonds. Beaucoup d'ajustements devront se faire. On ne peut supprimer 37 p. 100 des fonds de commandites sur le marché sans provoquer toute une série d'importants ajustements.

Les festivals de jazz de beaucoup de grandes villes canadiennes vont aller quêter auprès des brasseries, des compagnies de téléphone et d'autres entreprises. Ils vont chercher à s'en sortir. Quand on enlève le mât de la tente, la tente s'écroule. Les prix seront touchés. Il y aura toute une série d'importants ajustements.

Nous prévoyons que trois des huit principaux événements qui se déroulent au Québec vont simplement disparaître. Nous ne les nommerons pas, mais c'est ce que leurs chiffres montrent. Les brasseries, par exemple, ne vont sûrement pas les commanditer. Contrairement à ce que les gens pensent, les commandites n'ont pas augmenté depuis trois ans. Le marché est calme actuellement. D'après ce que nous ont dit les brasseries, les banques et les loteries, elles ne sont pas prêtes à investir davantage dans ce domaine.

La commandite joue un rôle précis en communication, et les banques ne veulent pas investir davantage parce que les compagnies de tabac ne sont plus de la partie. Il y aura peut-être un petit ajustement, ou il peut y avoir une hausse parce que les prix vont baisser, mais ce ne sera pas de beaucoup. Il y aura moins de commandites. Évidemment, selon nous, il faut réduire de façon graduelle le budget de commandites pour essayer d'atténuer l'impact de ce choc soudain parce que c'en sera un. On le constatera l'an prochain quand des événements seront annulés. C'est comme ça qu'on en prendra conscience.

[Français]

Le président: Docteur Poirier, est-ce que vous êtes médecin ou avez-vous un doctorat en sciences sociales?

M. Alan Poirier, porte-parole, Quebec Compensation Fund: Je faisais le calcul tantôt, j'ai été 12 ans à l'université. Pour me défendre, je peux dire que j'en ai passé seulement sept à la faculté de médecine. J'ai étudié en santé communautaire, où j'ai obtenu une maîtrise, et en biologie. Cela doit me donner quelques crédits.

Effectivement, je suis médecin. Je suis porte-parole du Focus, ce n'est pas encore un «compensation fund», mais c'est un mouvement qui a fait la promotion, dans les derniers six mois, d'un fonds québécois. Le Focus est un fonds pour la culture, le sport et la santé.

Le fait que je sois médecin mais que j'aie été aussi animateur de télévision, membre de l'Union des artistes, me met au coeur même du paradoxe du tabac qui est toujours là. Il y a de gros problèmes de santé associés au tabagisme, par contre cela génère beaucoup d'argent pour la promotion d'événements qui sont eux aussi générateurs de santé.

C'est toujours le problème avec le tabac, les paradoxes. Un assez évident est que si c'est mauvais pour les jeunes, pourquoi cela devient bon tout d'un coup à l'âge de 19 ans. On va toujours être confronté à ce genre de paradoxe. Du point de vue toxicologique et pharmacologique, il n'y pas de doute que ce produit devrait être banni, rendu illégal. Au plan sociologique ou simplement historique, c'est évidemment impossible, d'autres l'ont dit avant au moi.

Qu'est-ce qu'on fait dans ce contexte? On ne peut pas faire grand-chose. Chaque État doit constamment recommencer la bagarre. Il y a 180 États membres de l'OMS. La bagarre se passe au niveau des États, comme au Canada aussi pour chacune des provinces où on recommence tout le temps ce genre de débat sur ce paradoxe du tabac en ce qui concerne toutes les mesures législatives.

Chacune n'est jamais bonne en soi. Elles sont bonnes quand elles sont prises ensemble et qu'elles sont associées à l'éducation. Évidemment, la stratégie de l'industrie du tabac est toujours d'abaisser la crédibilité de tout le monde. On l'a vu tout à l'heure, il n'y a personne de compétent, y compris à la fin pour se contredire et dire qu'il n'y a personne de compétent. De toute façon, il est impossible de changer les valeurs même si l'on trouvait quelqu'un apparemment plus compétent que tous ceux qui ont été proposés.

Il y a toujours des paradoxes à soulever par l'industrie du tabac sur le dossier du tabac étant donné que c'est un produit qui devrait être illégal par ses 43 éléments cancérigènes.

Le dossier de la commandite ne fait pas exception. Avec autant de polluants, le produit n'est légal que par défaut, c'est clair. Est-ce que la commandite d'un produit doit aussi être légale par défaut, si le produit l'est lui-même par défaut? Ma réponse est non.

S'il n'est pas capable de l'éliminer, le gouvernement peut réduire les conséquences de ce problème chronique. Une de ces façons est de réduire la commandite.

J'étais ici, il y a à peu près un, an avant l'adoption du projet de loi et je parlais des problèmes de la commandite. Je disais qu'il y avait une solution qui était celle d'un fonds. Ce n'était pas populaire à l'époque. Après cette défaite, plusieurs intervenants au Québec ont décidé, de dire que cette idée a obscurci tout le discours sur les mesures législatives sur le tabac et il fallait mieux faire connaître cette idée d'un fonds.

On a donc pris le bâton du pèlerin et créé ce mouvement qui est devenu public le 14 octobre en conférence de presse où déjà nous avions recruté une centaine d'organisations. Pas des organisations essentiellement de la santé, elles étaient déjà d'accord. La coalition québécoise que vous avez entendu ce matin avait dans sa plate-forme, avant l'adoption de la loi fédérale, l'interdiction de la commandite et la création d'un fonds de compensation.

Cela n'a pas été retenu et cela revient heureusement à la surface. Maintenant, nous avons décidé d'en faire la promotion auprès d'un peu tout le monde: les médias, les décideurs québécois et, évidemment, les événements sportifs et culturels. Tout ce qu'ils nous disaient ce qu'il n'y avait pas de solutions intéressantes qui ont été proposées, il faut des amendements.

C'est ce qu'on a fait en créant le Focus ,en recrutant des organisations. On a fait le tour des cabinets des ministres et des médias. On a essayé de recruter les huit grands événements sportifs et culturels. On a eu des discussions avec eux, on a présenté au ministre du Tourisme qui, lui-même, s'est fait notre porte-parole et l'a présenté aux huit grands événements. Maintenant, les grands événements savent qu'il existe des solutions.

On s'est inspiré des fonds californiens -- pas vraiment parce qu'il n'y pas de compensations de la commandite -- mais surtout australiens. Dans les documents que je vous ai fait parvenir, il y a trois ou quatre descriptions de fonds australiens.

Par exemple, ce fameux fonds australien qui devrait être démantelé et que l'on critique. C'est une commission parlementaire qui a fait la recommandation. Elle n'a pas été retenue. On voulait démanteler ce fonds, le seul, ce n'était pas pour le démanteler, c'était pour le réintroduire, si on veut, dans les ministères respectifs, santé, culture et cetera.

Ce n'est pas démantelé dans le sens que cela n'avait pas du tout marché. C'était de changer les façons de faire. C'est très bien décrit dans la lettre signée par le directeur exécutif de l'Australie du sud. Vous avez aussi des lettres qui décrivent des résultats intéressants en matière de santé.

Ces fonds sont différents de celui dont vous avez entendu parler en Californie par rapport au fait qu'effectivement, ils compensent les événements sportifs et culturels. Ils l'ont fait de façon transitoire, c'est-à-dire la priorité, de façon transitoire, était pour les événements déjà commandités mais le fonds n'est pas disparu après trois ou quatre ans, la compensation est restée au niveau des événements sportifs et culturels, en plus d'avoir de l'éducation pour la santé. De front, ces fonds australiens avaient deux objectifs, éducation pour la santé et compensation des événements.

La logique derrière cela est celle avec laquelle les Québécois adhèrent. Je vais parler d'un sondage tout à l'heure. Les événements qui ne sont pas actuellement commandités y adhèrent aussi. Les événements sont eux-mêmes générateurs de santé et rejoignent les gens dans un contexte positif et favorable.

On zappe la télévision et on sait que derrière la publicité, quelqu'un veut nous vendre quelque chose. Ce n'est pas le cas dans un événement. On y assiste parce qu'on l'aime, parce qu'il est agréable, dans une atmosphère de plaisir, de vacances. C'est la meilleure association. C'est mieux qu'une publicité directe. Les spécialistes en commandite le savent, comme Vincent Fisher, que j'avais cité à la commission il y a un an. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est dans le livre des spécialistes.

Donc cela marche bien la commandite. C'est pour cela qu'un fonds doit continuer de s'associer à ces événements, pas seulement après un an ou deux ans mais continuer d'être associé pour passer des messages de santé.

C'est d'ailleurs, à mon sens, la justification pour que ce fonds de compensation soit permanent. Le tabac produit un problème de santé permanent de sorte que le fonds devrait s'associer à des événements qui eux génèrent des messages positifs et rejoignent les gens de façon permanente en y associant des messages de santé. Sans message de santé un fonds de compensation n'a pas vraiment sa justification à long terme.

Le fonds, pendant ces six mois depuis octobre, tente de convaincre nos décideurs: tous les cabinets des ministres au Québec ont été rencontrés ou presque. Les ministres de la Culture, des Finances, de la Santé et du Tourisme ont été rencontrés directement, pas juste leur cabinet, pour leur expliquer. Je pense qu'on a réussi à les convaincre tellement que le 13 février dernier, le ministre des Finances du Québec, M. Landry, a annoncé qu'en appui au projet de loi québécois qui doit être déposé dans deux jours, jeudi le 14 mai, qu'à même la nouvelle taxe qu'il imposait au produit du tabac, il créait un fonds de l'ordre de 12 millions.

Le Focus avec ses 220 membres réclamait 60 millions seulement pour le Québec. Pourquoi? Selon les chiffres, on parlait de commandites venant de l'industrie du tabac, chose certaine, à 60 millions, on était au-dessus dessus du montant de commandites actuelles de l'industrie du tabac. On demandait 60 millions pour rejoindre les organisations qui ne reçoivent pas de l'industrie du tabac mais aussi pour y inclure les fameux messages éducatifs. Donc c'était la demande, le montant 60 millions.

Deuxièmement, les organisations sportives, culturelles, le monde du théâtre que nous avons rejoints et qui ont adhéré à notre mouvement, ne nous ont pas dit que cela devrait être géré par le gouvernement. Des fonds dans le milieu du tourisme, gestion de la route verte, plein de fonds ont été créés ces dernières année. Ces fonds, bien sûr, ont une représentation gouvernementale. C'est le gouvernement qui vient chercher l'argent dans la poche d'une industrie, mais il est confié aux gens qui s'y connaissent le mieux. L'action est locale dans la création des fonds.

C'est un peu ce que l'Australie fait avec des fonds provinciaux subdivisés en sous-éléments dans chacun des secteurs: fonds pour racing, pour le sport, pour la culture, ainsi de suite.

Je pense que c'était les deux principaux éléments que les gens réclamaient. On entend moins les représentants des huit grands événements parce qu'ils savent qu'il y a une solution. Ils ne peuvent pas publiquement dire que c'est une très bonne idée. Pourquoi? Comme le dirait un de mes bons amis, ce serait se tirer une balle dans le pied et en passant par le genou. Cela fait mal. Actuellement, ils reçoivent beaucoup d'argent de l'industrie du tabac. Ils ne sont pas pour dire: non, on ne veut pas d'argent d'un fonds. Ce serait, évidemment, suicidaire pour eux à ce stade-ci. On sait par des discussions informelles qu'ils pensent ceci: continuez votre bon travail, si l'argent vient, on va être bien content avec la formule d'un fonds.

Si le fonds canadien fonctionne avant ou après ou pendant le fonds québécois, pour toutes les provinces, indépendamment de ce que le Québec choisira de faire, la gestion de ce fonds devrait être décentralisée au niveau des provinces. Je suis un spécialiste en santé publique, en promotion de la santé -- on a parlé tantôt des grandes campagnes nationales -- ce qui marche vraiment, même dans les campagnes médiatiques, c'est quand elles sont arrimées aux autres activités dans le domaine de la santé et de l'éducation. S'il y a un domaine qui est provincial, ce sont bien celui-là. Les activités communautaires, municipales, le marketing social et les autres stratégies qui fonctionnent en promotion de santé doivent être développées ensemble pour avoir des résultats efficaces. L'ensemble des mesures présentées par le docteur Cameron doivent être arrimées au meilleur niveau là où l'on planifie ses activités.

C'est possible que ce que vous proposez dans votre projet de loi soit arrimé aux autres activités provinciales en termes d'éducation et de santé.

Après le 13 février, 31 000 jeunes québécois ont signé une pétition remise à M. Landry pour le féliciter de ce mouvement. À partir du moment où on a lancé l'idée en octobre, dans les mouvements scolaires au Québec, les jeunes avaient embarqué dans cette idée -- on revient sur les jeunes -- et 31 000 signatures ont été remises après l'annonce du ministre Landry pour le féliciter. Cette pétition avait été organisée pour l'encourager à le faire mais l'annonce, c'est rare, est arrivé avant même que la pétition soit arrivée. Donc la pétition est arrivée comme des félicitations au ministre Landry. Si ce fonds est lié au projet de loi dont on a annoncé la venue, seulement pour 12 millions -- je vous dis que c'est deux sous par paquet de cigarettes -- cela ne serait pas très difficile de monter à 24 ou 25 millions. Ce n'est pas une grosse affaire en taxation. Cela ne relance pas la contrebande non plus. Pour obtenir la compensation actuelle de 25 millions pour la commandite au Québec, ce serait quatre sous par paquet de cigarettes.

J'ai cru comprendre que si M. Landry ne reçoit pas un coup de main du fédéral avec cette idée du fonds de compensation, il n'hésiterait pas à prendre un autre deux sous. La taxe a augmenté de plus de deux sous au mois de février. Il en réserve un deux sous par paquet pour ce fonds. Si le fédéral ne s'avançait pas avec un fonds dans ce domaine, ce serait possible de passer de deux à quatre sous par paquet pour avoir un fonds plus intéressant. Cela ne satisferait pas encore les membres de notre Focus puisque nous demandions 60 millions. On est rendu à dix sous par paquet de cigarette. Je ne pense pas que cela relance la contrebande.

Le président: Il nous reste une vingtaine de minutes.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Monsieur Côté, votre exposé était captivant, même s'il m'a un peu fait peur parce qu'il m'a rappelé certains de mes cours d'économie. Ce que vous dites a sûrement du bon sens.

Selon vous, les groupes que vous avez pressentis, comme les banques, semblent hésiter à donner plus. D'après ce que vous dites, elles auraient déjà planifié leurs investissements pour un certain temps. C'est probablement assez raisonnable qu'une entreprise planifie sa stratégie de promotion et de dons un ou deux ans à l'avance.

J'aimerais savoir quelle influence politique ces commandites donnent aux compagnies de tabac. L'an dernier, quand on a déposé le projet de loi C-71 sur le tabac, je dois avoir reçu 50 lobbyistes à mon bureau. Il n'y en avait pas un qui représentait une compagnie de tabac, mais ils recevaient tous de l'argent de ces compagnies. Ils ont eu énormément d'influence sur la Colline.

Pourquoi d'autres secteurs, comme les banques, dont la réputation n'est pas reluisante -- mais qui ne tuent quand même pas 40 000 de leurs clients chaque année -- n'ont pas pensé utiliser la commandite pour influencer les gens à Ottawa.

M. Côté: Les compagnies de tabac n'ont pas d'autre choix parce que vous leur avez fermé toutes les autres portes. Effectivement, les compagnies de tabac ont fait gonfler le prix des commandites parce que c'est leur seule façon de faire parler d'elles. Le gras tue probablement plus de gens que la cigarette.

Le sénateur Kenny: Non.

M. Côté: Je pense aux crises cardiaques. Vous pourriez interdire graduellement une autre substance. Les derniers à recevoir des commandites des compagnies de tabac recevront beaucoup d'argent. C'est pourquoi les banques n'investiront jamais autant que ces compagnies. Si les compagnies de tabac étaient autorisées à faire de la publicité, elles réduiraient leur budget de commandites. C'est un marché créé par la réglementation.

Je vis au centre-ville de Montréal. Je profite des activités qui s'y déroulent. Tout l'été, grâce aux fumeurs, nous avons droit à toutes sortes de distractions. Nous avons un stade et des divertissements dans les rues. C'est le seul moyen de promotion qui leur reste et tout leur budget de promotion est investi sur ce marché.

Le sénateur Kenny: Je comprends, comme vous le dites, que la valeur des commandites va baisser. Sans le principal participant, le principe de l'offre et de la demande agit. Je comprends. Cela dit, vous indiquez que c'est une aubaine pour les banques, par exemple, qui ont ici l'occasion d'accroître leur influence politique à rabais. Pourquoi les astucieux banquiers ne s'engagent-ils pas dans cette voie?

M. Côté: Ça peut augmenter parce que les prix vont baisser. D'après ce que les commanditaires nous ont dit, ça n'augmentera tout de même pas beaucoup. Disons, pour donner un chiffre, qu'il en coûte 1 million de dollars pour être le commanditaire principal d'un événement important comme le Festival Juste pour rire Craven «A» qui se déroule à Montréal. Qui paiera pour avoir cette commandite? Il n'y a probablement pas une compagnie qui versera cette somme parce qu'elle a d'autres moyens de promotion. Elle peut faire de la publicité. Pour elle, cette commandite vaut peut-être la moitié moins, parce qu'elle a d'autres moyens de s'annoncer. Comme les compagnies de tabac n'ont pas d'autres moyens de promotion, elles sont prêtes à payer le gros prix.

Le sénateur Kenny: Je comprends. Au risque de me répéter, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ils n'ont pas compris l'importance politique de ces commandites? Il y a plein de ces gens qui sont venus ici au nom des compagnies de tabac. Si les banques envoyaient autant de représentants frapper à nos portes, elles se porteraient très bien.

M. Côté: Avec le temps, les compagnies ont fini par attribuer beaucoup d'argent à une minorité de gens. Elles consentent à ceux qui organisent des activités culturelles et sportives des sommes importantes qui représentent 15 p. 100 de leur revenu total. Il n'y a pas un magazine dont 15 p. 100 des revenus viennent d'un seul annonceur. C'est l'effet de concentration des fonds et le fait que toutes les autres portes sont fermées aux compagnies de tabac. Appelez cela comme vous voulez.

Le sénateur Kenny: Je vois ce que vous voulez dire. Je crois comprendre que vous recommandez une réduction graduelle des commandites, n'est-ce-pas? L'aspect du projet de loi à ce sujet aurait du sens pour vous, le fait de prévoir une réduction graduelle?

M. Côté: Oui.

Le sénateur Kenny: Monsieur Poirier, votre approche est intrigante. Si je vous ai bien compris, vous voulez essentiellement que le fonds de transition soit associé à des messages d'éducation en matière de santé.

Le projet de loi n'exclut pas cette possibilité. La fondation ou le conseil pourrait décider que c'est une des solutions qui lui semble la plus efficace. Je ne dis pas que c'est ce qui se passerait. Le projet de loi laisse cette décision au conseil, mais il n'exclut pas cette possibilité.

[Français]

M. Poirier: J'avais compris que les 50 millions associés à la compensation des événements...

[Traduction]

... diminueraient graduellement pour disparaître complètement après quelques années, et que toute cette somme serait consacrée aux programmes d'éducation. C'est parfait pour la promotion de la santé, mais ces événements sont justement un bon moyen de promouvoir la santé et ils ont vraiment besoin d'argent. J'ai animé une émission de télévision qui avait besoin d'un budget de commandites d'un million de dollars. Je sais que c'est difficile de recueillir autant d'argent. Je suis au coeur du paradoxe. Les événements culturels et sportifs ont vraiment besoin de financement. Si le projet de loi n'exclut pas cette possibilité, très bien, mais ce n'est pas exactement ce que j'avais compris. Je pensais qu'il n'y aurait plus d'argent pour les événements culturels et sportifs après cinq ans.

Le sénateur Kenny: C'est exact, monsieur. Le financement des événements sportifs et culturels cesse après cinq ans. C'est un fonds de transition qui diminue de 20 p. 100 par année, comme dans le cas du soutien financier des producteurs de tabac. À mesure que ce financement diminue, celui du fonds d'éducation pour les jeunes augmente.

Le conseil chargé d'administrer la fondation a beaucoup de latitude quant à l'utilisation des fonds. Il peut les investir dans toutes sortes d'activités pour déterminer ce qui fonctionne. Si vous pensez qu'il est possible de promouvoir la santé auprès des jeunes en commanditant ces événements, vous pouvez essayer de convaincre le conseil d'administration qui pourrait alors décider de les financer. Cette solution peut toujours être retenue aux termes du projet de loi tel qu'il est libellé.

M. Poirier: Les milieux culturels et sportifs seraient plus rassurés s'il ne s'agissait pas d'un fonds de transition. On ne devrait pas laisser ce fameux conseil d'administration décider de tout. Si le fonds était géré par le milieu et s'il devait toujours y avoir de l'argent disponible, les groupes artistiques et culturels seraient plus disposés à accorder leur appui.

[Français]

Tant mieux si ce n'est pas exclu de la proposition, mais je suis sûr que ce serait plus facilement supporté par le milieu artistique, culturel, sportif et touristique si, dès le début, les projets du fonds étaient clairs.

[Traduction]

Le sénateur Kenny: Je comprends votre point de vue et je suis d'accord. Merci.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Poirier, en Australie, que vous avez citée en exemple, on nous a montré qu'on avait réussi à trouver d'autres commanditaires que les fabricants de tabac, et les événements sportifs et culturels ont pu survivre.

Je crois comprendre que certains pays d'Europe ont aussi interdit la publicité et la commandite des fabricants de tabac. Qu'est-ce que ces pays ont prévu comme mesure de transition?

Comme vous le savez, on a menacé de retirer des événements, particulièrement le Grand Prix de Montréal et la course de voitures de Toronto, si les activités de commandite et de publicité étaient interdites. Ces événements sont indispensables aux économies de Toronto, Vancouver et d'autres villes.

Quels pays européens ont interdit les activités de commandite et de publicité des fabricants de tabac? En Australie, comment a-t-on compensé cette perte de revenus?

M. Poirier: Je ne sais pas ce qui s'est passé dans des pays comme la France et l'Allemagne. Cependant, je sais qu'en Belgique on demande, comme ici au Québec, un fonds de transition. L'idée du fonds de transition nous vient de là. Je n'ai pas d'autres renseignements sur ce qui se passe en Europe.

M. Côté: Nous n'avons pas pu établir de parallèle utile parce que nous avons créé, au Canada, une situation qui a graduellement tout interdit aux fabricants de tabac sauf la commandite des événements sportifs et culturels. En dedans de cinq ans, il y avait des festivals de jazz dans toutes les villes. En Europe, il y avait différents modes de promotion avant qu'on décide d'interdire toutes les formes de publicité sur le tabac. La commandite a été attaquée de toute part.

C'est seulement au Canada qu'on leur a permis de se bâtir un lobby, dont les festivals de jazz sont l'événement principal. Je crois qu'il y a des festivals de jazz dans toutes les grandes villes maintenant.

Si on supprime tout d'un coup la commandite, il n'y a plus d'espoir pour ces événements. Les grands événements ont mis en place des machines de commandite et ils comptent habituellement quatre ou cinq employés qui sont affectés à temps plein à la recherche de commandites. Si on ne fait rien, ils vont se raccrocher au moindre espoir et ravir le financement de tous les plus petits événements qui comptent sur les commandites locales. Ça va causer d'énormes perturbations. Les effets seront draconiens parce que notre situation est assez unique en son genre.

Le sénateur LeBreton: Vous dites qu'en France, en Belgique et en Allemagne la dépendance n'était pas la même. C'était plus diversifié.

M. Côté: Il y a beaucoup plus de publicité sur l'alcool là-bas. Les commandites sont différentes.

Le sénateur LeBreton: Autrement dit, c'est un problème uniquement canadien?

M. Côté: La situation du Canada est bien particulière. On a laissé un phénomène se produire. Ce n'était peut-être pas le but recherché, mais c'est ce qui s'est passé dans les années 1980 et 1990 quand les fabricants de tabac ont découvert un nouveau débouché et créé ces festivals.

Le sénateur LeBreton: Le financement de transition prévu dans le projet de loi S-13 est déterminant en raison des retombées économiques?

M. Côté: Oui, mais il est loin d'être idéal. Je ne sais pas si le conseil aura le courage de financer Peter Sampras. La commandite ne prône pas l'égalité et n'est pas nécessairement politiquement correcte. Il y a beaucoup de décisions politiques à prendre si vous voulez prendre la place des commanditaires. Les commanditaires s'intéressent seulement à ce qui remporte beaucoup de succès, au nombre de gens qui vont voir leurs annonces à la télévision et sur le site d'un événement. C'est ce qui motive les commanditaires. Ces fonds ne sont pas toujours utilisés de façon politiquement correcte. On voudra commanditer des troupes de théâtre et de danse plutôt que des matchs de boxe.

C'est pourquoi ce n'est pas une solution idéale, mais c'est beaucoup mieux que rien.

Le sénateur LeBreton: Pensez-vous que ces événements vont quitter le Canada si on interdit la commandite des fabricants de tabac?

M. Côté: Il est sûr que certains vont partir. Certains vont se réorganiser et d'autres vont mettre fin à leurs activités. Nous pensons que 40 p. 100 des commandites vont disparaître. Ce chiffre tient compte de la baisse du prix et des nouveaux joueurs. Environ 40 p. 100 des fonds de commandite vont disparaître. On ne peut pas penser que ça n'aura aucun effet. Les gens vont en souffrir.

Le sénateur LeBreton: Quel effet aurait cette perte d'argent sur une ville comme Montréal?

M. Côté: Ce n'est pas la fin du monde. Les grandes villes vont survivre. Elles ont des économies dynamiques. Des milliers d'emplois seront perdus, c'est sûr, mais dans une ville comme Montréal il y a plus d'un million d'emplois. Nous parlons de quelques milliers d'emplois sur une base annuelle.

C'est probablement l'ambiance estivale qui va changer le plus et, si rien n'est fait, les plus petits événements vont en souffrir avec l'effet d'entraînement. Je ne suis pas ici pour vous dire quoi faire. Je n'ai pas étudié la question, mais il est certain qu'il y aura un effet d'entraînement. On ne peut pas éliminer 40 p. 100 des fonds sans ébranler le marché.

[Français]

M. Poirier: Ce que je voulais dire, c'est qu'il faut tirer profit de l'expérience de l'industrie du tabac. Il me fait de la peine de dire cela, mais ils sont très habiles pour rejoindre les publics cibles. Je vais vous citer deux constatations qui font partie du document qui a été déposé.

[Traduction]

Il vient de la Western Australian Health Promotion Foundation. On dit et je cite:

Les fabricants de tabac ont bien ciblé leurs commandites. Nous estimons que les fumeurs sont 1,8 fois plus susceptibles de participer à des événements autrefois commandités par les compagnies de tabac qu'à d'autres événements. Ces commandites offrent donc une excellente occasion de lancer des messages antitabac et autres aux groupes à risque.

Nous avons donc à apprendre de leurs méthodes de promotion et de leurs aptitudes à atteindre différents groupes-cibles.

On ajoute:

On sait que les spectateurs et les participants particulièrement d'activités sportives ont des habitudes de vie nuisibles pour la santé, en ce qui concerne l'usage du tabac, la consommation d'alcool et la protection solaire.

La protection solaire est un problème particulier en Australie parce que les gens ont la peau claire. Je poursuis:

Si l'on cible judicieusement les commandites de promotion de la santé, l'état de santé des spectateurs et des participants d'activités sportives devrait s'améliorer à long terme.

[Français]

M. Côté faisait référence au courage de cette fondation de financer des événements sportifs dans une forme qui n'est peut-être pas tout à fait classique. Effectivement, une fondation gérée par les gens du milieu va prendre ce genre de risque et devrait tirer profit de l'habileté de l'industrie du tabac, même s'ils nous disent qu'ils ne connaissent rien du comportement des jeunes et qu'ils n'ont pas fait d'étude pour le comprendre.

L'expérience australienne montre que les événements commandités par l'industrie du tabac rejoignaient vraiment des gens qui ont un certain profil de risque, entre autres dans le domaine sportif. Le fait de ne pas tenir compte de l'expérience de l'industrie du tabac dans le domaine de la commandite et de se retirer de tous les événements que l'industrie commanditait serait une perte pour une future fondation.

L'industrie -- on ne le saura jamais officiellement -- avait de très bonnes analyses pour décider d'appuyer tel type d'événement ou tel autre en termes de leur popularité. M. Côté l'a dit, ils recherchaient des retombées positives à partir de leur commandite et de l'exposition dans les médias. Ce sont des événements populaires et recherchés. C'est ce que les messages de santé doivent rechercher aussi. Au lieu de se dissocier complètement de la popularité des événements, il faut bâtir là-dessus, il me semble, pour transporter d'une façon nouvelle des messages de santé auprès des jeunes et de la population du Canada ou du Québec.

Le président: Je vous remercie, docteur Poirier et monsieur Côté. Je m'excuse de vous avoir fait patienter quelques heures.

[Traduction]

Malheureusement, le Sénat a siégé beaucoup plus longtemps que prévu aujourd'hui et les comités n'ont pas été autorisés à se réunir avant l'ajournement du Sénat.

Nous vous remercions beaucoup d'avoir contribué de façon extrêmement intéressante et précieuse à notre discussion.

La séance est levée.


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