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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 12 - Témoignages pour la séance du 26 mai 1998


OTTAWA, le mardi 26 mai 1998

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, se réunit ce jour à 10 heures pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Il s'agit d'un projet de loi très simple. Il ne comporte qu'un seul article, qui vise l'élimination de la TPS applicable aux articles de lecture.

Lors de notre première réunion, nous avons entendu l'auteur du projet de loi, notre collègue, le sénateur Di Nino. Nous avons également entendu des représentants du ministère des Finances ainsi que de la Don't Tax Reading Coalition et de la ABC Canada Literacy Foundation.

Notre premier témoin est M. Peter Gzowski. Des présentations aux personnes ici réunies, voire même à n'importe quel Canadien, seraient superflues. Pendant de nombreuses années, M. Gzowski a assuré, sur les ondes du réseau radiophonique anglais de la société Radio-Canada, un forum des plus précieux qui a permis aux Canadiens de se parler, de s'écouter et d'enrichir leurs connaissances. Bienvenue parmi nous, monsieur Gzowski.

M. Peter Gzowski, figure médiatique, fondateur, Peter Gzowski Invitational Golf Tournaments for Literacy: Cela fait un an moins quelques jours que j'ai animé ma dernière émission de radio chez CBC. Je dois vous avouer que je suis toujours quelque peu en manque, mais j'entreprendrai néanmoins de clore mes remarques avant 12 heures dans le gros du pays, ou 12 h 30, à Terre-Neuve.

Je vous remercie de l'occasion qui m'est ici donnée, monsieur le président. Je suis encouragé par mon souvenir de la dernière fois que j'ai eu l'honneur de comparaître devant un comité sénatorial, il y a de cela près de 30 ans. Je suis également encouragé par les conséquences des délibérations de ce comité. J'étais alors le rédacteur de la revue Maclean's, qui était à l'époque publiée mensuellement. Le comité était le comité spécial sur les moyens de communication de masse du sénateur Davey. L'enquête menée par ce comité a débouché sur le projet de loi C-58 qui, s'appuyant sur des idées pour la première fois mises de l'avant par la Commission royale O'Leary sur les publications, a changé le visage des revues canadiennes à jamais -- ou en tout cas jusqu'à aujourd'hui, avec les nouvelles technologies et les nouvelles forces mondiales qui menacent de nouveau leur avenir.

Lorsque j'ai comparu la dernière fois, il y avait peut-être sur le marché une cinquantaine de revues canadiennes. Parmi elles, une poignée seulement pouvaient être décrites comme étant des revues d'intérêt général -- c'est-à-dire qui ne parlaient pas de camions et d'autobus ou d'ornithologie. Aujourd'hui, il y en a des centaines. La revue Maclean's elle-même a eu beaucoup de succès et est guère reconnaissable comme étant la descendante de la publication dont j'ai assuré l'édition. Bien que leurs situations financières demeurent à bien des égards précaires, ces revues ont contribué et continuent de contribuer à une nation qui survit glorieusement malgré toutes ses tribulations, et d'en faire partie. Elles nous ont permis de nous raconter nos histoires les uns aux autres. Elles ont été une partie de ce que nous sommes.

Sénateurs, la question à laquelle votre comité se trouve confronté a-t-elle des dimensions semblables? De prime abord, vraisemblablement pas. L'avenir de la lecture n'est pas menacé en 1998 de la même façon que l'avenir des revues était menacé en 1969. L'on pourrait cependant supposer que les effets à long terme du genre de changements que vous êtes en train d'examiner puissent avoir le même genre d'impact salutaire sur la lecture de publications de tous genres qu'ont eu sur la publication de revues les changements survenus dans les années 60 et au début des années 70.

Les similitudes paraissent remarquables. La plus évidente, bien sûr, est que vous examinez en même temps une question de taxation, d'utilisation d'un changement dans notre régime fiscal pour réaliser, non pas forcément une amélioration fiscale, mais une fin sociale souhaitable. Plus intéressant encore, je dirais, est le fait que la mesure que vous êtes en train d'envisager exige exactement le même genre d'initiative politique courageuse et pleine d'imagination que celle que les législateurs d'il y a une génération avaient été prêts à prendre: devancer l'opinion publique, si cela est nécessaire -- non pas aller à l'encontre de l'opinion publique, mais bien la devancer -- et modifier la loi pour faire du pays un pays meilleur.

Je ne sais si je peux m'autoriser à prétendre étayer vos arguments. Mon propre parcours, depuis ma dernière comparution ici, m'a fait emprunter diverses avenues -- et je m'empresse de préciser qu'aucune d'entre elles ne devait tendre à faire de moi une figure médiatique -- intéressant surtout les revues, les livres, les quotidiens et la radiodiffusion. Dans le cadre de l'un quelconque de ces rôles, car même mes postes à la radio et à la télévision ont approfondi ma compréhension de ce que signifie l'écrit pour les Canadiens, j'aurais pu comparaître devant vous pour plaider la cause de la suppression de la taxe sur la lecture. Permettez-moi de laisser la cause louable et quasi irrésistible des industries de l'écriture et de l'édition et des milliers d'emplois que celles-ci représentent à d'autres, pour tenter de vous parler, si vous le voulez bien, au nom non seulement des lecteurs en général, mais bien d'un certain genre de lecteur dont je connais aujourd'hui très bien la situation.

Il y a une douzaine d'années environ, j'ai pu investir mon métier et la petite gloire qu'il m'apportait en une cause en laquelle je croyais et qu'il me faisait plaisir de servir: l'alphabétisation. Depuis, je m'y suis plus profondément investi que je n'aurais jamais rêvé. Les tournois de golf et autres événements organisés dans le pays et qui portent mon nom ont permis de réunir jusqu'ici près de 5 millions de dollars destinés à aider les gens à apprendre à lire et à écrire. D'autre part, nous avons réussi à davantage sensibiliser les gens au problème et aux mesures qu'il convient de prendre pour le corriger, et à établir partout au pays des réseaux, souvent entre les secteurs public et privé. Comme je l'ai souvent dit, plus j'ai entrepris de choses, plus j'ai appris. Plus j'ai appris, plus j'ai voulu intervenir.

Je suis plutôt fier de ces efforts, mais je les soulève ici non pas pour m'auto-féliciter, mais pour faire ressortir le sentiment de frustration parallèle que je ressens. En dépit de tous les progrès qu'a enregistrés le mouvement d'alphabétisation depuis que j'ai atterri parmi ses rangs, le besoin demeure sisyphien. Malgré tous nos efforts -- et des centaines de milliers de Canadiens ont aidé -- près de 45 p. 100 d'entre nous avons toujours de la difficulté à lire ou à écrire. La moitié de ces personnes vivent des difficultés telles que leur capacité de composer avec la vie de tous les jours en est atteinte: cela va de la capacité de lire les instructions en matière de sécurité sur un lieu de travail à celle de lire les panneaux des rues pour se rendre à une entrevue pour un emploi. Dans une société civilisée et bienveillante en cette fin du vingtième siècle, ceci est non seulement intolérable sur le plan éthique, mais économiquement paralysant.

La suppression de la taxe sur les livres, les périodiques et les journaux serait-elle la solution magique qu'attend le mouvement d'alphabétisation? Le monde ne serait-il pas merveilleux si la solution à une toute situation du genre était aussi simple que cela? L'idée qu'une mère assistée sociale, chef de famille monoparentale, qui ne peut pas lire l'étiquette sur le flacon de médicament que doit prendre son enfant, est privée de cette connaissance par une surtaxe de 7 p. 100 qu'il lui faudrait payer pour acheter des outils d'instruction, est aussi absurde qu'elle est triste.

Cependant, permettez-moi, mesdames et messieurs les sénateurs, de vous soumettre ceci. L'alphabétisation est, ou devrait être, un droit civil dans cette société, et si des millions de personnes, sans que ce soit de leur faute, sont tombées dans les fissures de notre système d'éducation universelle, n'y a-t-il pas une obligation sociale, une obligation publique, de leur tendre la main pour les aider à escalader le mur pour sortir de la noirceur? Le secteur public a fait une plus grosse contribution à la lutte pour l'alphabétisation que ne le savent la plupart des gens. Le financement conservateur de l'ordre de 55 millions de dollars annoncé il y a à peine dix ans a fait la différence entre la survie et l'écroulement de nombre de groupes qui luttent sur les premières lignes.

Il serait négligeant de ma part de ne pas souligner la contribution et le soutien qui ont été assurés au mouvement par le sénateur Fairbairn. Une part importante du produit de la largesse fédérale -- je citerai, à titre d'exemple, le financement de démarrage de nombre de projets lancés en mon nom -- a apporté plus d'encouragement que de facilitation. De plus en plus, au fil des ans, les 55 millions de dollars initiaux allant s'épuisant, le fardeau est retombé sur le secteur privé et les bénévoles. Les profits de la mondialisation nous disent peut-être bel et bien que c'est ainsi que devraient être les choses, mais dans le monde que les «mondialisateurs» nous ont apporté, la pression exercée sur le secteur privé pour porter le fardeau précédemment épaulé dans ce pays par le public est immense.

Il est permis de se demander si l'alphabétisation ne devrait pas recevoir un plus important appui de la part de ressources publiques plus fiables. La suppression de la taxe sur la lecture assurerait précisément cet appui. Cela représenterait la valeur symbolique de la reconnaissance de l'importance de la lecture et de l'écriture dans nos vies, et aurait, pour effet pratique, de faire en sorte que les outils de formation et d'apprentissage soient plus facilement accessibles aux personnes qui en ont besoin. La mère qui élève seule son enfant et qui est confrontée à une étiquette compliquée sur un flacon de médicament ne pourrait peut-être pas tout de suite acheter les outils dont elle a besoin, mais les institutions que nous essayons de bâtir en vue de l'aider seraient mieux en mesure de lui tendre la main. Cela ferait que le financement de la formation serait plus généreux, sans pour autant que l'on empiète sur un domaine qui est du ressort des provinces. Le rapport de 118 millions de dollars -- si c'est là le chiffre sur lequel nous pouvons nous entendre -- serait ainsi mis à la portée du segment le plus méritant de la société canadienne.

Ce serait une initiative courageuse, originale et louable. J'espère que votre comité trouvera le moyen de faire en sorte que ce soit réalisable. Je vous remercie encore une fois de m'avoir offert ainsi l'occasion de défendre cette cause.

Le sénateur LeBreton: Merci d'être venu comparaître ici aujourd'hui. Votre argumentation est très convaincante.

Comment définissez-vous «articles de lecture» et comment traitez-vous des revues qui sont de nature pornographique ou des publications considérées comme étant de la propagande haineuse? D'aucuns craignent que, si la TPS applicable aux articles de lecture est supprimée, on aidera en fait ces industries.

M. Gzowski: La solution à ce problème ne réside pas dans le domaine fiscal. Il est facile pour les personnes oeuvrant dans mon domaine d'être partisans de la liberté totale en matière d'expression d'idées. Tous mes instincts me disent que la censure, quelle qu'elle soit, est une mauvaise chose. Cependant, j'ai eu l'occasion d'examiner certaines des publications qui sont disponibles dans ce pays, et je parle ici non seulement de la pornographie mais également de la propagande haineuse. J'aimerais bien pouvoir brûler tout cela, si je le pouvais. Cela me rend malade.

Je suis convaincu que la solution ne réside pas dans le régime fiscal. Il est difficile de définir ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas. Je ne pense pas que ce soit du tout le propos du gouvernement d'aborder ce problème dans le projet de loi à l'étude.

Je me sens mal à l'aise lorsque je pense à certaines de ces sales revues. Elles coûtent 7 $ ou 8 $ et elles sont enveloppées de cellophane. Je n'arrive pas à m'imaginer le cochon qui va les acheter en train de se dire: «Oh la la! Ce sera 7,49 $ au lieu de 7 $». Là n'est pas la solution.

Le sénateur LeBreton: Je soulève cela uniquement car c'est un argument.

M. Gzowski: Je comprends cela, mais cela représente une partie insignifiante de ce que les gens lisent.

Le sénateur LeBreton: C'est sans doute une chose qui devrait être réglée dans le cadre du Code criminel.

M. Gzowski: Le Code criminel traite de cela, mais peut-être pas de façon satisfaisante. Nous pourrions discuter de cela à l'occasion d'une autre réunion. Assurément, c'est une question qui doit être réglée dans le Code criminel, et qui n'a rien à voir avec l'objectif louable dont nous parlons ici.

Le sénateur Di Nino: Merci d'être venu comparaître devant le comité pour appuyer un projet de loi que j'ai parrainé.

Nous nous efforçons de confirmer la valeur de la suppression de cette taxe, grâce au projet de loi S-10, pour les Canadiens, surtout en ce qui concerne l'alphabétisation. Si les articles de lecture devaient coûter 7 p. 100 de moins, pensez-vous que cela changerait quelque chose? Cela encouragerait-il davantage de personnes à lire? Vendrait-on davantage de publications?

M. Gzowski: L'acte symbolique que j'ai mentionné -- c'est-à-dire, de dire que la lecture et l'écriture ont une importance sociale pour nous -- encouragerait davantage de personnes à lire.

L'un des aspects les plus difficiles des débuts du mouvement d'alphabétisation était la difficulté que l'on éprouvait à obtenir des gens qu'ils reconnaissent quels étaient leurs besoins. J'espère que le mouvement a pour la plupart surmonté cela. Les gens se rendent compte que leurs manquements ne sont presque jamais de leur faute, et il est maintenant possible d'avancer. De façon très concrète, ce symbolisme encouragerait davantage de personnes à rechercher le genre d'aide que nous essayons de mettre à leur disposition.

Les articles de lecture sont souvent achetés en gros, et représentent une partie importante du budget de toute organisation de défense de l'alphabétisation. Sur le plan pratique, les 7 p. 100 qui ne seraient pas réels pour mon gros dégueulasse hypothétique chez le dépanneur seraient très réels pour les personnes qui achètent ces articles de lecture et qui tentent de les distribuer.

Je vous invite à assister à l'un quelconque des milliers d'ateliers d'alphabétisation qui sont tenus un petit peu partout au pays. Vous y verrez la quantité d'articles de lecture qui bénéficieraient de l'aide qu'apporterait le projet de loi S-10.

Le sénateur Ferretti Barth: Des taxes continueraient-elles d'être payées pour les revues importées au Canada?

M. Gzowski: Je supposerais que non. C'est ce que nous disent les éditeurs de revues. À l'heure actuelle, les éditeurs de nombre de périodiques américains arrivent à contourner la taxe de vente. En ce qui concerne le cas qui nous occupe, je crois fermement que ce que recherchent les éditeurs de revues canadiennes n'est pas l'exclusion d'autres revues, mais bien la possibilité de les concurrencer sur un terrain de jeu égal. J'aurais tendance à penser que, dans ce cas-ci, ce qui est bon pour la revue canadienne est bon pour la revue importée.

Le sénateur Ferretti Barth: Je vous pose cette question car les gens sont nombreux à aimer lire des ouvrages étrangers.

Une fois la taxe ajoutée, le prix peut être très élevé, surtout pour les étudiants. Un ouvrage littéraire peut coûter 7 $ à 8 $, voire plus. Les étudiants ne peuvent pas se permettre d'acheter de tels livres. L'élimination de la TPS applicable aux articles de lecture aiderait ces personnes désireuses de lire des ouvrages étrangers.

M. Gzowski: Absolument, la taxe de vente ne devrait pas être appliquée aux articles ou aux revues importés.

Le sénateur Johnstone: Monsieur Gzowski, si je vous ai bien compris, vous avez dit que près de 45 p. 100 des Canadiens ont de la difficulté à lire et à écrire. En quoi la suppression de la TPS applicable aux articles de lecture viendrait-elle en aide à ces personnes? L'aide que cela leur procurerait serait-elle significative?

M. Gzowski: Premièrement, j'aimerais clarifier ce chiffre de 45 p. 100, ainsi que l'autre chiffre que j'ai cité, correspondant à à peu près la moitié de celui-là. Ce que j'ai voulu dire, c'est que 22,5 p. 100 d'entre nous avons des difficultés graves et débilitantes pour ce qui est de la lecture et de l'écriture. Depuis la publication par Southam, en 1987, de Broken Words: Why Five Million Canadians are Illiterate, on ne cesse de multiplier les mesures des chiffres concernant les analphabètes, l'analphabétisme ou son contraire.

Après toutes mes années d'expérience, tout ce que je sais c'est qu'il s'agit d'une grosse pyramide: à son sommet, se trouvent ceux d'entre nous qui avons la chance de prétendre lire et écrire facilement. Plus vous descendez vers les paliers inférieurs de la société, plus la difficulté ressort. Ainsi, le chiffre actuel serait de 45 p. 100. Cependant, cela change.

De quelle façon la suppression de la taxe sur la lecture améliorerait-elle le lot de ceux qui font partie de ces 45 p. 100, demandez-vous? À court terme, cela ne les aiderait pas du tout. Une personne à Restigouche ne se réveillerait pas en se disant: «Mon Dieu, je peux lire, parce que ça coûte 7 p. 100 de moins».

La valeur symbolique n'est peut-être pas un argument utile pour les politiques qui s'occupent non pas de symboles, mais de réalités fiscales. La reconnaissance symbolique que la lecture est une partie, non seulement de la vie culturelle, mais également de la vie active réelle, encouragerait sérieusement toutes les personnes oeuvrant dans le mouvement d'alphabétisation. Je parle ici non seulement des bénévoles, des parrains, des travailleurs et des gens sur la ligne de front comme moi, mais également des personnes les plus importantes, ceux et celles qui apprennent.

Je compte que vous êtes tous au courant du fait qu'un amendement semblable a été apporté aux lois fiscales encore une fois, si j'ai bien compris, par suite des exhortations de mes collègues chez ABC Canada. Le ministère des Finances a décidé que ne constitue plus un avantage imposable un cours suivi par un employé, aux frais de l'employeur, visant à améliorer ses aptitudes technologiques. Il s'agit là d'un important pas en avant. Pour moi, cela me semble être du gros bon sens, mais loin de moi l'idée de me prononcer sur la relation entre le bon sens et la loi.

Le sénateur Murray: Dans toute juridiction.

M. Gzowski: Je n'ai rien voulu viser de précis, sénateur Murray.

Le projet de loi sur la taxe sur la lecture semble être un plaidoyer en faveur du bon sens, du bon sens qui sert.

Ces 7 p. 100 dans le budget d'un groupe de défense de l'alphabétisation sont très réels pour ceux d'entre nous qui cherchons à tirer le maximum de chaque pièce de dix cents que nous pouvons obtenir auprès de golfeurs non méfiants, de parrains généreux du secteur privé et de personnes partout au pays. Ces 7 p. 100 m'aideraient certainement beaucoup, moi.

Le président: Dans son budget de 1996, M. Martin a offert un remboursement à 100 p. 100 de la TPS sur les livres pour les bibliothèques publiques, les institutions éducatives, les municipalités et les oeuvres de charité et organisations à but non lucratif admissibles. Cela n'est-il pas venu en aide à des groupes comme le vôtre?

M. Gzowski: Cela n'existe pas, de groupes comme le mien. Je suis celui qu'on met de l'avant et qui flotte de ci de là. Je suis étroitement lié, d'une certaine façon, au Frontier College, car c'est lui qui était mon parrain lorsque je me suis lancé dans le mouvement. Je siège à un comité qui va aider dans la célébration de son 100e anniversaire, qui est tout à fait remarquable. Il s'agit d'une réalisation énorme. Je sais que s'il bénéficiait de cette exemption, ce serait important. Ce serait un important pas en avant pour eux.

Le sénateur Maheu: Au départ, j'étais tout à fait en accord avec le principe du projet de loi. Cependant, plus j'entends d'explications, moins j'ai de certitude.

M. Gzowski: J'espère que je ne vous ai pas poussée plus loin dans cette direction.

Le sénateur Maheu: Si. Vous avez dit que l'avenir de la lecture n'est pas menacé et que la définition de ce qu'est un article de lecture ne devrait pas relever du domaine fiscal. J'ai l'impression que c'est là une échappatoire. J'aimerais que vous m'expliquiez un petit peu mieux cela.

On vient de vous demander si le fait de soustraire à la TPS les groupes de défense de l'alphabétisation, les collèges et les bibliothèques, et cetera, avait aidé. Vous avez répondu que oui. Je suis préoccupée par la question de la définition de «articles de lecture». Je songe, par exemple, aux gens qui lisent des livres sur l'Internet ainsi que sur CD-ROM. Feraient-ils partie du groupe qui ne paierait plus la taxe?

Les périodiques étrangers sont encore une autre question. Comment aidons-nous nos groupes de défense de l'alphabétisation en supprimant la taxe applicable à certaines revues, alors que la taxe sur la valeur ajoutée est un phénomène quasi mondial? Je pense que c'est cela que nous essayons de faire.

Si nous commençons à sabrer la taxe à droite, à gauche, et au centre, je me demande comment cela pourra aider, si les groupes de lutte pour l'alphabétisation sont déjà protégés en vertu des dispositions du budget de 1996. Pourriez-vous m'expliquer davantage cela?

M. Gzowski: Certainement, sénateur. Vous m'avez posé deux ou trois questions, ce qui me fait penser que je pourrais vous obtenir un poste au réseau radiophonique de CBC, bien que je n'y aie que très peu d'influence moi-même. Un vieux truc est de poser deux questions et d'espérer obtenir une bonne réponse à l'une d'entre elles.

Permettez-moi de revenir sur la question des CD-ROM et de l'Internet. À l'heure actuelle, je n'ai pas la moindre idée de la façon de traiter de cela. Chaque aspect de ma vie me dit à quelle vitesse incroyable l'Internet et les CD-ROM remplacent l'écrit et que nous n'aurons plus besoin de livres.

Chaque jour je lis davantage de livres sur des personnes qui ferment boutique sur l'Internet, et je le comprends. Je sais que les ventes de livres sur l'Internet sont une préoccupation, et une préoccupation d'ailleurs croissante, des éditeurs. Les ventes par Internet représentent à l'heure actuelle 2 p. 100 des ventes totales de livres. Au fur et à mesure que la technologie remplacera ce que sont pour moi des articles de lecture, nous aurons vraisemblablement besoin de nouvelles définitions, mais je ne suis pas habilité à les établir. Lorsque le rapport du comité ici présent sera plus près de déboucher sur des lois, peut-être que certaines définitions seront établies. Ce pourrait être très intéressant de siéger à un comité chargé de définir ce qui constitue un article de lecture. Pour ma part, je pense que nous sommes en train de parler de ce sur quoi le gouvernement a fait campagne, soit la suppression de la taxe sur les articles de lecture tels que nous les connaissons à l'heure actuelle, c'est-à-dire livres, revues, journaux et périodiques.

Lorsque je parle de l'importance du fait de rendre plus accessibles les articles de lecture, il en ressort une question très intéressante. Il a été souligné, à très juste titre, que jusqu'ici, les exemptions ont dans une large mesure satisfait ce besoin. Cependant, mesdames et messieurs les sénateurs, j'approche dangereusement de faire un plaidoyer en faveur de l'alphabétisation que je prononce trop souvent. Vous pouvez quantifier la capacité d'un enfant de lire ou d'écrire. Vous pouvez entrer dans la maison de quelqu'un y compter les livres qui s'y trouvent. S'il y en a dix ou plus, cet enfant lira bien. S'il y en a moins de dix, cet enfant aura du mal. Il s'agit là d'une découverte extraordinaire qui résulte d'études savantes sérieuses, mais c'est le reflet de quelque chose de beaucoup plus profond dans le contexte de la nécessité qu'il y ait alphabétisation.

Lorsque je parle d'alphabétisation, l'une des choses que je m'empresse toujours de souligner est que les personnes qui sont passées entre les mailles du filet ne sont pas le résultat d'un échec du système scolaire. Dans notre société, l'on s'attaque déjà beaucoup trop aux enseignants. Ces personnes sont plutôt le produit de l'échec social de la famille, de la communauté et de la société qui les entourent. Si nous faisions en sorte que soient plus accessibles les articles de lecture, cela ne pourrait que les aider d'une façon très appréciable et très réelle.

Le président: Je pense que nous allons clore là-dessus, monsieur Gzowski. Merci beaucoup d'être venu comparaître et de nous avoir expliqué vos opinions. Vous parlez du point de vue d'une personne qui est depuis longtemps active dans le mouvement d'alphabétisation et qui porte, de façon très efficace, ce mouvement à l'attention des Canadiens.

[Français]

Il nous fait grand plaisir de vous d'accueillir M. Roch Carrier, auteur, ex-directeur du Conseil des arts du Canada.

[Traduction]

Il est un auteur dont les histoires ont apporté un plaisir incomparable à des générations de Canadiens, et surtout de jeunes Canadiens. Bienvenue.

[Français]

M. Roch Carrier, auteur, ex-directeur, Conseil des arts du Canada: C'est certainement un honneur de me présenter au comité pour réfléchir à certains aspects du projet de loi S-10.

[Traduction]

Il y a de nombreuses années, j'étais un gamin vivant dans une région très éloignée où c'était une grosse réalisation que de terminer sa septième année. J'étais intéressé par la boxe, le hockey et la chasse. Les gros emplois dans ce coin-là étaient ceux de camionneur ou de bûcheron. Mais mon père avait d'autres ambitions pour moi. Il a trouvé quelques livres bon marché et les a rapportés à la maison. C'était les premiers livres qu'on avait chez nous. J'ai ouvert les livres et j'ai vu quelque chose sur les nuages, quelque chose sur l'Espagne, quelque chose sur la photographie, quelque chose sur Toronto et quelque chose sur la pêche. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce que j'ai ouvert ces livres, livres qui ont été achetés à un prix défiant toute concurrence et auxquels n'était appliquée aucune taxe.

Si vous me demandiez si la lecture devrait être taxée, ma réponse serait la suivante: j'aimerais que tous les enfants de notre pays se voient accorder la possibilité de voir leur vie transformée par la lecture.

Lorsque je rencontre des enfants -- et cela arrive assez souvent dans toutes les régions du pays -- je leur pose la question suivante: «Lis-tu?» Plus de 80 p. 100 d'entre eux répondent en disant: «Non, je préfère regarder la télé». C'est un problème national, ainsi qu'international. Quoi qu'il arrive avec la technologie, hommes et femmes devront néanmoins continuer de pouvoir lire et écrire pour mener à bien leur carrière. Une taxe peut-elle aider face à ce problème?

J'ai fait un petit peu de recherche. En 1949, le gouvernement du Canada a créé une commission royale chargée d'examiner l'avancement des arts, de la littérature et des sciences au Canada. Son rapport est un document merveilleux et je recommande à chacun de le lire. C'est un document qui véhicule une vision, et je suis convaincu qu'à cette époque-là, lorsque les gens ont lu ce document, ils ont dit «Ces gens-là sont des rêveurs. Nous ne pouvons pas faire cela», mais c'est cette vision qui a créé le Canada d'aujourd'hui.

J'aimerais mentionner deux des recommandations de ce rapport, paru en 1952. La première recommandation était que le gouvernement abolisse la taxe de 8 p. 100 applicable à l'importation des livres et à l'impression des livres. La deuxième recommandation était la création du Conseil des arts du Canada.

Permettez-moi de vous citer quelques chiffres. En 1957, 55 ouvrages littéraires ont été publiés dans le Canada anglais -- un pays riche. Par suite de l'application des recommandations de la Commission royale, il y a eu une histoire de réussite, que j'aimerais vous raconter. L'an dernier, le Conseil des arts du Canada a appuyé 750 nouveaux livres et 768 nouveaux livres en français. C'est là le résultat d'un travail difficile accompli par des personnes oeuvrant dans le domaine de l'édition. C'est également le résultat d'une vision qui a été traduite en des politiques.

Aujourd'hui, nous sommes responsables de cette vision. Je vous en prie, n'imposez pas de taxe sur les articles de lecture. Ne faites pas en sorte que la lecture soit difficile. Ne créez pas de problèmes supplémentaires. Lorsqu'on parcourt le Canada, on découvre quantité de divergences, dans, par exemple, la façon dont les renseignements sont fournis aux localités et dans la façon dont des connaissances sont distribuées aux différentes localités.

Même à l'intérieur d'une même région, il y a des divergences entre les différences institutions ou établissements. Dans certains endroits que j'ai visités, certaines écoles n'avaient pas les moyens d'avoir une bibliothécaire pour s'occuper des enfants ou pour s'occuper des livres. Dans certaines bibliothèques, j'ai vu de vieux ouvrages, aux pages écornées et usées. J'ai également constaté de mes propres yeux des cas d'impossibilité d'acheter de nouveaux ouvrages. Je vous en supplie, faites en sorte que la lecture soit possible. N'ajoutez pas au fardeau de ceux et celles qui luttent déjà pour diffuser informations, connaissances et culture.

Les résultats des politiques appliquées par suite des travaux de la Commission royale sont une histoire de réussite. Je parle surtout de livres, car c'est cela que je connais le mieux, mais à l'heure actuelle de nombreux écrivains Canadiens connaissent des carrières internationales. Des livres sont lus et étudiés. C'est une belle réussite. C'est également une belle réussite parce que cela a créé tout un nouveau domaine, celui de la littérature pour enfants.

Lorsque mes enfants grandissaient il y a de cela 25 ans, il n'existait presque pas de livres pour eux. On n'écrivait pas de livres dont le héros de l'histoire était un Canadien qui faisait quelque chose d'intéressant. Cela ne se faisait tout simplement pas à cette époque-là. Aujourd'hui, la littérature pour enfants est une réussite, et les enfants devraient avoir accès à ces livres.

Comme cela a déjà été mentionné, la lecture, cela commence à la maison. Nous devrions faire en sorte que ce soit facile pour les parents d'acheter des livres. En tant qu'écrivain, je peux vous dire que c'est une expérience fort triste que de voir quelqu'un qui fait la queue avec un bout de papier dans sa main. Cet enfant veut acheter votre livre, mais il n'en a pas les moyens. Alors il vous tend un bout de papier pour avoir votre autographe. Que l'on fasse en sorte que la lecture soit accessible. L'imposition d'une taxe n'est pas la façon d'y parvenir.

Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous exprimer mes opinions.

Le président: Merci, monsieur Carrier. Le rapport de commission dont a fait état M. Carrier est le rapport de la Commission royale dirigée par Vincent Massey, et qui a mené à la création du Conseil des arts du Canada.

[Français]

Le sénateur Maheu: Je vous félicite, monsieur Carrier, de votre implication depuis votre tout jeune âge. Vous avez dit qu'un peu partout au pays les bibliothèques n'ont pas d'argent pour acheter des livres. Vous nous demandez de faire en sorte que la littérature soit disponible pour tout le monde, y inclus la littérature pour les enfants. Mes petits-enfants vont à toutes les semaines chercher des livres à la bibliothèque.

Dans quelle mesure l'abolition de la taxe de la valeur ajoutée en vigueur à travers le monde va empêcher les bibliothèques d'acheter des livres ou d'embaucher des bibliothécaires? Le témoin précédent nous dit que l'avenir de la lecture n'est pas en danger.

Je me demande comment définir la lecture et les livres vis-à-vis Internet: est-ce que tous les livres ou une grande majorité des livres sont disponibles aux étudiants sur Internet? Est-ce qu'on enlève la taxe sur Internet, les disques et les livres? Est-ce qu'on va détaxer également les ordinateurs? Dans des bibliothèques urbaines, vous avez accès aux ordinateurs qui peuvent vous donner les renseignements que vous ne trouvez pas dans certains livres de la bibliothèque.

J'appuie totalement ce projet de loi et je voudrais qu'on l'adopte immédiatement. Il faudrait d'abord que l'on donne une définition de ce qu'est la lecture. En 1996, le budget de M. Martin a déjà accordé à certains groupes dont les bénévoles, les bibliothèques et les écoles une exemption de la taxe fédérale. Que peut-on faire de plus? Qu'est-ce que cela va nous donner de plus?

M. Carrier: Vous avez, en fait, posé plusieurs questions. On peut toujours trouver plusieurs raisons pour lever une taxe. On peut trouver, si vous voulez, de très bonnes raisons de lever une taxe sur le pain ou sur le lait. On peut toujours le justifier. En ce qui concerne Internet, malgré tout ce que l'on connaît du monde informatique, c'est encore un objet non identifié. Certaines personnes vous diront qu'avec Internet, c'est la fin du livre. D'autres personnes vous diront qu'avec Internet, les enfants n'ont jamais lu autant. Ils lisent grâce à Internet plus qu'ils ne veulent bien l'admettre. On ne le sait pas encore. Je pense qu'il faudra quelque temps avant de pouvoir se faire une opinion tout à fait précise sur la question.

La réalité pour tout le monde de l'imprimé, c'est la compétition très considérable avec le monde de l'informatique. Tous les gens qui sont dans l'un ou l'autre de ces domaines vous le diront.

Dans une aventure où on ne sait pas exactement où on s'en va, est-ce le bon moment d'imposer à un des combattants, je retourne à une métaphore de boxe, de porter un sac qui contient une taxe considérable? Ce n'est peut-être pas le bon moment. Laissons jouer les événements.

En ce qui regarde la définition de la lecture, même si c'est ma principale occupation depuis 50 ans, je ne saurais vous donner une définition tout à fait satisfaisante. La lecture est une consommation qui se situe à toutes sortes de niveaux et dans toutes sortes d'espace. C'est pourquoi ma tendance serait d'être aussi ouvert que possible à cette action qui consiste à acquérir de l'information, une connaissance et même un plaisir intellectuel.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino: Monsieur Carrier, M. Gzowski nous a dit que près de la moitié des Canadiens éprouvent de la difficulté à lire et qu'environ la moitié de ceux-là sont gravement handicapés. Pour illustrer cela, M. Gzowski a évoqué la mère assistée sociale qui ne sait pas correctement préparer les céréales pour ses enfants, parce qu'elle ne sait pas lire les instructions sur la boîte.

Est-ce que la TPS sur la lecture n'élargit pas le fossé entre ceux qui peuvent se permettre un ordinateur, qui ont accès à l'Internet et au CD-ROM et ceux qui ont beaucoup de mal à seulement acheter des livres du fait de leur budget très limité? À votre avis, est-ce que la TPS sur les livres a agrandi le fossé entre les possédants et les démunis?

M. Carrier: À mes yeux, la TPS n'est pas le problème; j'achète les livres que je veux acheter. Peu d'écrivains peuvent en faire autant. Le revenu moyen d'un écrivain au Canada est d'environ 4 000 $ par an.

Bien que la TPS ne me pose pas de problèmes personnellement, ce n'est pas le cas de tout le monde. Ce n'est particulièrement pas le cas des établissements tels que les petites bibliothèques et les écoles. Oui, il est vrai qu'un très grand pourcentage de Canadiens ne savent pas bien lire. Je ne pense pas que la suppression de la taxe soit la solution à tous ces problèmes. Cependant, ayons l'esprit pratique. Attaquons les problèmes l'un après l'autre. Si les livres deviennent plus accessibles, alors nous aurons gagné quelque chose.

Encore une fois, je le répète, la lecture commence à la maison. J'aimerais prendre deux minutes pour vous conter une anecdote. Je me rendais à Toronto pour assister à une manifestation organisée par M. Gzowski. La personne qui est venue me chercher à l'aéroport était un homme très bien. Il m'a dit: «M. Carrier, voyez-vous ce banc?» J'ai dit: «Oui». Il m'a dit: «C'était mon banc». J'ai demandé: «Comment cela?» Il m'a dit qu'il avait vécu dans la rue, après avoir passé du temps en prison pour de petits délits. Je lui ai demandé pourquoi. Il m'a dit que c'est parce qu'il avait eu du mal à l'école, qu'il détestait l'école et ne voulait plus y aller. Il voulait avoir les mêmes choses que ses amis qui allaient à l'école, et il commettait de petits délits. La raison de tout cela est qu'il avait de la difficulté à lire. Cependant, grâce à l'un de ces merveilleux programmes, il a appris à lire. Aujourd'hui il est responsable d'un programme social et règle les problèmes qu'un grand nombre d'adultes de Toronto connaissent parce qu'ils ne savent pas lire.

Le problème est beaucoup plus vaste qu'une taxe. Nous devons, en tant que société, prendre des décisions concernant l'avenir. À l'avenir, nos enfants devraient jouir du privilège de savoir lire, et lire dans leur famille. C'est le meilleur départ pour une bonne vie.

Le sénateur Di Nino: Il y a quelques instants, M. Gzowski a fait état de la valeur symbolique qu'aurait la suppression de cette taxe. Pourriez-vous nous donner votre avis là-dessus, s'il vous plaît?

M. Carrier: Ce serait une merveilleuse victoire pour nous tous, car le gouvernement manifesterait ainsi que la lecture est importante pour l'avenir de nos enfants et du pays. Ce serait une merveilleuse victoire et un merveilleux cadeau fait au pays.

Certes, moins d'argent irait au budget du ministère des Finances. Cependant, davantage d'argent irait aux Canadiens et, par conséquent, au gouvernement, parce qu'il y aurait tellement plus d'activité économique.

Le sénateur Chalifoux: Monsieur Carrier, je vous remercie de votre exposé très réfléchi. J'ai beaucoup de chance, en ce sens que je viens d'une province qui n'a pas de taxe provinciale. Savez-vous si les provinces taxent les livres et la lecture?

M. Carrier: Oui. Cependant, je ne veux pas l'affirmer catégoriquement, car je ne suis pas un spécialiste.

Je suis du Québec, où il y a une exonération partielle. Mais je sais qu'au niveau des commerces, beaucoup de librairies perçoivent la taxe.

Le sénateur Chalifoux: D'après ce que vous savez, quel effet ce projet de loi aurait-il sur les taxes de vente provinciales imposées sur les livres?

M. Carrier: C'est difficile à dire. Mon impression est que si la taxe fédérale était annulée, les gouvernements provinciaux ne pourraient maintenir les leurs.

Le président: Avant l'introduction de la taxe de vente harmonisée dans les provinces atlantiques, il n'y avait pas de taxe provinciale sur la lecture, je crois.

Avec la taxe de vente harmonisée, les contribuables dans ces trois provinces atlantiques sont maintenant frappés par les taxes provinciales et fédérales combinées. Je ne sais pas trop ce qu'il en est dans le restant du pays. Je ne pense pas qu'il y ait de taxe de vente provinciale sur la lecture en Ontario, n'est-ce pas?

Le sénateur Maheu: Je ne suis pas sûre. Je sais qu'elle s'applique dans les provinces Atlantiques.

Le sénateur LeBreton: Monsieur Carrier, vous dites que l'on peut justifier les taxes. Nous vivons certainement dans une société qui essaie de justifier toutes sortes de taxes, mais j'ai été intéressée par votre remarque disant que nul n'oserait taxer le lait et le pain. Je me souviens du débat sur la TPS -- et nous en portons encore les cicatrices. L'alimentation, y compris le lait et le pain, bien entendu, a été exemptée. On pourrait faire valoir la même argumentation pour ce qui est des familles à faible revenu essayant d'acheter des livres.

M. Gzowski a évoqué les familles pauvres qui n'ont pas autant d'argent pour acheter des livres à leurs enfants et ne sont probablement pas suffisamment organisées pour envoyer leurs enfants dans les bibliothèques publiques et ce genre de choses. Pour ces familles, le prix d'un livre joue beaucoup.

J'ai été frappée par votre statistique selon laquelle 80 p. 100 des jeunes gens disent préférer la télévision à la lecture. Il est peut-être plus facile, surtout dans les familles à faible revenu, d'allumer la télévision que de lire des livres, simplement parce que les familles n'ont pas les moyens de les acheter. C'est plus commode.

Vous dites que vous n'oseriez pas taxer la nourriture des enfants. Pourquoi taxerions-nous la nourriture de l'esprit?

M. Carrier: Vous parlez des familles à faible revenu. Il y a beaucoup de familles à faible revenu qui sont monoparentales, généralement la mère, et c'est très souvent une mère très instruite. Pour elle, cette taxe fait une différence. Beaucoup de gens dans cette situation vous diront qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter les livres.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Carrier, d'avoir pris la peine de comparaître devant notre comité et aussi d'apporter votre prestigieux soutien au projet de loi du sénateur Di Nino.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre les représentants de la Canadian Booksellers' Association et de Indigo Books and Music. Soyez les bienvenus. Vous avez la parole.

Mme Sheryl McKean, directrice générale, Canadian Booksellers' Association: Nous sommes ravis d'être là. C'est pour nous une occasion très spéciale de vous soumettre des données que nous espérons utiles. Il importe que vous sachiez exactement qui je représente. La CBA, la Canadian Booksellers' Association, représente plus de 1 300 librairies du Canada. Il s'agit de librairies spécialisées, de librairies universitaires, de librairies indépendantes et de chaînes indépendantes. Certaines sont des magasins grande surface. Ce sont des librairies très petites aussi bien que des très grandes surfaces, jusqu'à 20 000 ou 25 000 pieds carrés. Nos libraires emploient des milliers de Canadiens et servent un public innombrable.

Pour diverses raisons, nos membres sont radicalement opposés à la TPS sur les livres. La première raison est qu'ils la considèrent discriminatoire à l'égard des familles à faible revenu. Plus le revenu disponible est faible, et plus lourde devient la taxe. Ce sont peut-être là les gens qui ont le plus besoin de livres, s'ils veulent échapper au piège de la pauvreté dans lequel ils sont pris.

Une autre raison est qu'une promesse a été faite aux libraires, et cette promesse n'a pas été tenue. Ils estiment avoir été floués. Les Canadiens avec lesquels nos membres traitent chaque jour estiment avoir été floués par leurs élus.

Ils sont opposés également parce qu'ils considèrent que le livre est une chose à part. Un livre instruit, distrait et sert de référence. Pour beaucoup, il est un compagnon. Un livre, du fait de sa spécificité, ne peut réellement être comparé à d'autres produits. Un livre n'est pas une couche jetable. Un livre est employé année après année pour son usage initial. Il n'a pas besoin d'être recyclé pour être utile. Un exemple serait The Stone Angel, un livre qui a plus de 20 ans et qui est utilisé de diverses façons. Il est utilisé dans les écoles, et c'est donc un manuel d'éducation, d'une certaine façon. C'est aussi, bien entendu, un roman, c'est-à-dire qu'il est employé comme distraction. C'est un livre qui, comme beaucoup d'autres livres, enseigne la culture canadienne et qui permet aux Canadiens de s'exprimer. Il nous aide à comprendre le point de vue des autres Canadiens.

Nous considérons que les livres sont le produit culturel canadien le plus performant. Si l'on maintient la TPS sur les livres, moins de Canadiens pourront en acheter. Si moins de Canadiens peuvent acheter des livres, les libraires en vendront évidemment moins. S'ils vendent moins de livres, ils vont disparaître. S'ils disparaissent, cela se répercutera sur l'édition. Si l'édition souffre, l'écriture en souffrira. Toute la chaîne sera touchée. Elle se ressent aujourd'hui des effets de cette taxe.

Il est important pour les Canadiens, pour notre produit culturel et notre économie, que les livres soient exemptés de la TPS.

Je suis accompagnée de Gailmarie Anderson. Elle est la nouvelle présidente de la Canadian Booksellers' Association, mais elle est également propriétaire d'une librairie dans une localité rurale. Nous avons également avec nous Dan Mosersky, qui représente les librairies grande surface des centres urbains. Demain, vous entendrez un libraire universitaire, qui vous apportera une autre optique encore. J'aimerais demander à Mme Anderson de faire son intervention.

Mme Gailmarie Anderson, nouvelle présidente, Canadian Booksellers' Association: J'aimerais vous faire part de mon point de vue personnel sur la suppression de la TPS sur les livres et les articles de lecture. Comme Mme McKean l'a indiqué, je suis propriétaire d'une petite librairie indépendante dans une localité rurale de la Saskatchewan et, comme des centaines de mes collègues à travers le pays, la TPS sur les livres et les articles de lecture a sérieusement nui à mon commerce. Je suis également éducatrice professionnelle, portant un vif intérêt à la lecture et à son apprentissage dans la prime enfance et la TPS sur les livres a des répercussions néfastes dans ces domaines clés.

Être libraire est plus qu'un travail. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est un mode de vie, parce qu'une librairie devient partie intégrante d'une collectivité et de son identité culturelle. Nous, libraires, avons la tâche ultime de mettre des livres dans les mains du public.

Nous faisons en sorte que les Canadiens aient accès aux livres et nous travaillons étroitement avec les écoles et les bibliothèques pour faciliter aux gens la lecture et l'apprentissage et introduire des livres dans le foyer. J'applaudis aux propos de M. Carrier concernant l'importance d'avoir des livres chez soi, car si les enfants ont des livres chez eux, ils peuvent apprendre à lire.

Il faut que les librairies puissent survivre dans l'économie d'aujourd'hui. La suppression de la TPS donnerait les moyens aux consommateurs individuels et aux personnes à faible revenu, de même qu'aux personnes âgées et aux étudiants, d'acheter des livres. Cela stimulerait le marché et ouvrirait l'accès des Canadiens aux livres. Tous les jours des clients me demandent: «Faut-il payer la TPS sur les livres et les magazines?» Neuf ans après, ils posent encore la question. Chaque jour, je dois dire aux enfants qu'ils doivent ajouter la TPS à l'argent qu'ils ont pour acheter un livre. Je vois des parents qui achètent un livre au lieu de deux pour leurs enfants, à cause du coût supplémentaire. Pour une petite librairie, la TPS fait qu'il est plus difficile de survivre et pour les Canadiens, elle rend l'accès aux livres plus difficile.

Mme McKean a dit que les Canadiens se sont sentis offensés lorsque le gouvernement a imposé la TPS sur les livres. Nous considérions la lecture comme un privilège social. Les livres sont notre identité culturelle et nous étions fiers que le Canada parraine les écrivains et les éditeurs et aide l'industrie du livre.

Dans cette industrie, nous apprécions tous que les bibliothèques et les établissements d'enseignement aient été exonérés de la TPS, comme le sénateur Maheu l'a indiqué. Cela a eu un effet direct. Dans ma petite localité, les conseils scolaires ont commencé à acheter davantage de livres depuis la suppression de la taxe.

Étant donné la confiance du gouvernement dans l'économie, c'est un bon moment de supprimer la TPS. Il y a autant de raisons de supprimer la TPS qu'il y a de Canadiens. Nous applaudissons vos efforts en ce sens et je vous en remercie infiniment.

Dans un épisode de Star Trek: The Next Generation, le principal moyen du capitaine Picard pour se détendre est d'aller au coffre-fort du vaisseau spatial Enterprise, d'en retirer un vrai livre et de le lire. C'est une source de distraction éternelle. En tant que Canadiens, nous devrions la chérir et nous devrions supprimer la taxe et la TPS sur nos livres.

M. Dan Mosersky, vice-président, Indigo Books and Music: Les membres de la CBA et les libraires sont en première ligne dans la bataille sur la TPS. Chaque jour, depuis le 1er janvier 1991, nous essuyons les doléances concernant l'application de la TPS aux livres, aux magazines et aux journaux que nous vendons. Chaque jour, les clients nous disent: «Est-ce que le gouvernement n'a pas promis d'exempter les livres de la TPS?» Notre réponse est: «Oui».

Les Canadiens n'ont pas admis la TPS sur les livres. D'aucuns prétendent que les Canadiens se sont habitués à payer la TPS. C'est peut-être vrai pour d'autres produits, mais ce n'est certainement pas vrai s'agissant des livres et autres articles de lecture. Les Canadiens partout s'élèvent contre la TPS -- tant parce qu'elle restreint leur budget pour les livres qu'à cause d'une opposition de principe à la taxation des livres. Des pétitions et des lettres demandant au Parlement de supprimer la TPS sur la lecture continuent d'inonder la Chambre des communes et le Sénat. Au dernier décompte, plus de 600 000 Canadiens avaient signé des pétitions, dont beaucoup dans nos magasins de détail.

Ceci est la première taxe sur la lecture depuis la Confédération et nous pourrions citer quantité de statistiques montrant qu'elle a des effets négatifs sur notre capacité à mettre des livres dans les mains et les foyers des Canadiens. Au cours des huit dernières années, et lors des audiences sur le projet de loi S-11, le prédécesseur du projet de loi S-10, vous avez entendu les statistiques et on est venu vous dire que la TPS nuit gravement à la lecture, aux prêts et à la vente de livres, de magazines et de journaux au Canada.

Selon mon expérience quotidienne personnelle, la TPS fait une différence dans les décisions d'achat des lecteurs. Premièrement, ils remarquent que la TPS s'ajoute à la facture. Ils choisissent ensuite de ne pas acheter un livre, ou d'en acheter moins que ce qu'ils prévoyaient.

Les étudiants se retrouvent évincés. Les libraires des campus entendent régulièrement les étudiants dire qu'ils n'ont pas les moyens d'acheter tous leurs manuels, parce que la TPS de 7 p. 100 équivaut au prix d'au moins un de leurs livres. Ils n'ont pas les moyens d'acheter tous les livres dont ils ont besoin et se voient pénalisés. La TPS a réduit les achats de manuels par les étudiants. Comme vous le savez, les étudiants achètent leurs manuels en septembre et en janvier. Le crédit d'impôt de TPS pour les personnes à faible revenu ne les aide pas beaucoup, car ils reçoivent le crédit au printemps, après le moment où ils doivent acheter leurs livres. Les manuels pour un semestre peuvent représenter une dépense de plusieurs centaines de dollars. La TPS fait une réelle différence dans les tendances d'achat des étudiants.

En 1996, le gouvernement a supprimé la taxe sur les livres achetés par les écoles et les bibliothèques, mais n'a rien fait pour les étudiants qui doivent acheter eux-mêmes leurs manuels. Les employés des librairies universitaires servent quotidiennement les étudiants. Ils partagent leurs préoccupations et ils comparaîtront demain pour vous expliquer la gravité de ce problème pour les étudiants, pour l'éducation et pour l'avenir du Canada.

La taxe sur la lecture est régressive. Certains ont fait valoir que la suppression de la taxe sur la lecture profiterait aux plus aisés. En réalité, selon Statistique Canada, les personnes à faible revenu, en particulier les étudiants, consacrent un plus fort pourcentage de leur revenu disponible aux livres et magazines.

On dit que la suppression de la taxe sur les livres bénéficierait de façon disproportionnée aux livres importés. Or, Patrimoine Canada a toujours affirmé le contraire. En réduisant les ventes sur le marché canadien, la taxe nuit de façon disproportionnée aux livres d'auteurs canadiens publiés pour des lecteurs canadiens et pénalise le plus les ouvrages d'auteurs canadiens.

Les libraires canadiens ont besoin de bons chiffres de vente de tous les livres pour survivre, pour alimenter l'activité des éditeurs, des auteurs, des correcteurs d'épreuves, des illustrateurs et de quantité d'autres Canadiens, et contribuer ainsi à préserver une économie culturelle vitale.

Nous considérons qu'une aide directe à l'édition d'ouvrages canadiens est appropriée, mais ces livres ne doivent pas rester dans les entrepôts des éditeurs à accumuler de la poussière. Sans détaillants pour vendre les livres au public, peu importe que l'on publie ou non des livres canadiens. La TPS menace la survie des libraires et de toute l'édition canadienne.

Pour ce qui est du coût, nous croyons savoir que la TPS sur la lecture rapporte environ 182 millions de dollars par an. Ce chiffre se décompose en 66 millions de dollars en provenance des livres, 47 millions de dollars des magazines, 66 millions de dollars des quotidiens et 3 millions de dollars des journaux communautaires. C'est là le montant des recettes qui ne rentreraient pas si la lecture était détaxée.

La taxe sur la lecture représente un surcroît de recettes pour le gouvernement. Avant la TPS, les articles de lecture étaient expressément exonérés de la taxe sur les ventes fabricants, à tous les niveaux de la production.

La suppression de la TPS sur la lecture entraînerait une majoration sensible des recettes fédérales de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés qui compenserait la baisse des recettes de TPS. Des études au Royaume-Uni montrent que pour chaque dollar perçu sur les articles de lecture entraîne une baisse des recettes de l'impôt des particuliers et des sociétés équivalant à 60 p. 100 des recettes perçues.

Nous estimons que la suppression de la TPS sur la lecture produirait 54 millions de dollars de recettes supplémentaires sous forme d'impôts sur le revenu et d'économies, plus près de 1 000 emplois nouveaux dans une industrie à forte participation de main-d'oeuvre hautement qualifiée.

Maintenant que le budget est équilibré, le ministre des Finances envisage des petites réductions d'impôt étroitement ciblées qui encourageraient une meilleure productivité et la croissance économique. Les Canadiens ont mérité un allégement fiscal, à titre de dividende de la bataille contre le déficit. Les Canadiens ont toujours considéré que les livres et les articles de lecture ne devraient pas être taxés. Le gouvernement en a convenu de façon répétée. Il est temps de tenir la promesse de détaxer la lecture. Il est temps d'écouter les Canadiens. Il est temps d'agir à ce sujet. Ne taxez pas la lecture.

Le sénateur Maheu: Merci beaucoup de votre exposé, monsieur Mosersky. J'ai une question et quelques remarques auxquelles l'un ou l'autre d'entre vous peut répondre.

Vous avez cité certains chiffres concernant le coût fiscal. Pourriez-vous répéter votre chiffre concernant la TPS? J'ai des chiffres totalement divergents venant du ministère des Finances.

M. Mosersky: Nous l'estimons à 182 millions de dollars par an.

Le sénateur Maheu: Je crois savoir que c'est 100 millions de dollars pour les livres et environ 150 millions de dollars pour les magazines et les journaux. Lorsqu'on parle de TPS, il ne faut pas oublier la TVP, qui s'applique dans la plupart des provinces, de même que la taxe de vente harmonisée dans les Maritimes, dont on a déjà fait état.

M. Mosersky: Il n'y a de taxe de vente provinciale sur les livres dans aucune province.

Le sénateur Maheu: Il me semble que la TPS est perçue sur les magazines et les journaux.

M. Mosersky: C'est juste.

Le sénateur Maheu: Pourrions-nous revenir à ma première question, s'il vous plaît? Comment définissez-vous «articles de lecture», s'agissant de l'autoroute électronique? Ensuite, je crois savoir que les bibliothèques et les groupes d'alphabétisation ne sont pas taxés.

M. Mosersky: Je ne suis pas en mesure de répondre à la question au sujet de l'autoroute électronique. En ce qui nous concerne, nous voulons que la modification dise: «textes écrits, livres, magazines, périodiques et journaux». Nous ne faisons pas de distinction entre les types d'articles de lecture.

Le sénateur Maheu: Voulez-vous dire qu'ils dégagent ou non des revenus publicitaires?

M. Mosersky: Non. Nous pensons que l'on peut continuer à dégager des revenus publicitaires et que cela soit taxable. C'est la vente de l'article de lecture lui-même qui ne devrait pas être taxé.

Cependant, je pense que l'on pourrait facilement inclure les CD-ROM et les produits de l'Internet comme articles de lecture et imprimés. C'est ma réponse personnelle, pas nécessairement celle de l'industrie. Il s'agit en fin de compte de liberté d'expression et la taxation limite la liberté d'expression. Par conséquent, il y a de très bons arguments à faire valoir en faveur de l'inclusion de ces formes de communication, d'expression et d'écriture dans les articles exonérés.

Le sénateur Maheu: Je suppose que 250 millions de dollars de recettes fiscales perdues ne vous inquiètent pas.

M. Mosersky: J'ai assisté à quantité de réunions, dans les années 1990 et 1991, où nous nous battions contre l'imposition initiale de la taxe. Beaucoup de gens du ministère des Finances disaient que ce serait financièrement neutre. En tant que citoyen ordinaire, c'était un terme qui ne m'était pas très familier. Si la taxe était financièrement neutre et si cette industrie n'avait jamais produit de recettes, d'une certaine façon, vous avez récolté un gain inattendu de 250 millions de dollars.

L'aide gouvernementale à l'industrie a décliné au cours des huit à dix dernières années. Un autre argument qui nous avait été présenté était que les recettes accrues retourneraient en quelque sorte à l'industrie, ce qui n'a pas été le cas.

Mme McKean: Il y a différentes options en ce qui concerne la définition d' «article de lecture». Il y a une définition dans la loi sur la taxe d'accise. Elle n'englobe pas, et je ne pense pas qu'elle devrait englober, les CD-ROM. Il y a une différence d'usage très nette. Lorsque vous prenez un livre, un magazine ou un journal, vous n'avez besoin de rien d'autre pour pouvoir le lire, à moins que vous ne soyez aussi âgé que moi et ayez besoin de lunettes. On ne peut lire un CD-ROM, il faut avoir un ordinateur pour cela. Il y a donc une différence considérable.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Nous disons que les jeunes lisent de moins en moins. Est-ce vraiment à cause de la taxe ou de la télévision qui est entrée dans nos maisons et qui attire l'attention de la famille, surtout celle des enfants? Plusieurs émissions s'adressent aux enfants et les mères sont parfois très contentes de les installer devant la télévision au lieu d'aller au magasin pour y acheter des livres. Est-ce que les ventes de livres ont diminué suite à l'imposition de la taxe ou suite à l'avènement de la télévision?

Est-ce que tout le matériel qui s'adresse aux handicapés visuels et auditifs est considéré comme du matériel de lecture? Est-ce que les livres de la méthode Braille sont taxés ou pas? Est-ce que les cassettes pour les sourds-muets sont considérées comme du matériel de lecture?

[Traduction]

Mme Anderson: J'aimerais répondre d'abord à votre première question, sénateur, et je suis désolé de ne pas parler français.

J'ai ma librairie depuis 20 ans. Je l'ai ouverte parce que j'ai emménagé dans une localité où il n'y avait pas de librairie et je ne pensais pas pouvoir survivre sans cela.

Le président: Où est-ce?

Mme Anderson: Je vis à Melfort, en Saskatchewan, à deux heures au nord de Saskatoon.

À cette époque, il y a 20 ans, la plupart des gens achetaient des livres pour leurs enfants. C'était juste au début de l'émission Sesame Street. C'est vrai, la télévision a eu une incidence. Cependant, je pense que la société n'accorde pas aux livres l'importance qu'ils devraient avoir. Si, en tant que culture littéraire, nous continuons à chérir le livre, davantage de parents devront essayer de mettre des livres à la disposition de leurs enfants. Toutes ces années, nous avons toujours eu conscience qu'il nous fallait encourager les parents à acheter des livres à leurs enfants, ce qui à mon avis fait une différence dans leur éducation.

Pour ce qui est des livres en braille et des cassettes pour handicapés visuels, je ne sais pas s'ils sont taxés. J'ai l'impression qu'ils ne sont pas taxés en Saskatchewan, parce qu'ils entrent dans une certaine catégorie exonérée de la taxe provinciale. Je ne sais pas ce qu'il en est de la TPS.

M. Mosersky: La plupart des livres à grands caractères et des cassettes audio vendus au détail sont taxés.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Alors ils sont considérés comme des articles de lecture, même les méthodes de Braille?

[Traduction]

M. Mosersky: Les livres en gros caractères sont considérés comme des articles de lecture.

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Alors la loi va aussi aider les handicapés de notre société?

M. Mosersky: C'est exact.

[Traduction]

Le sénateur LeBreton: Je trouve l'argumentation très convaincante. Je suis préoccupée par les familles à faible revenu et les personnes âgées à revenu fixe, car c'est là que réside le problème. Est-ce que ce groupe exprime la plus vive opposition? Un livre de 20 $ coûte 21,40 $ à la caisse.

Les gens s'habituent peut-être à la TPS, mais ils ne s'habituent pas à la payer sur les livres. Sont-ce les jeunes et les personnes à revenu fixe qui continuent à réclamer des comptes au gouvernement? Le gouvernement a promis par deux fois d'enlever la TPS sur les livres, bien que quelques-uns aient stupidement promis de la supprimer sur tout. Nous connaissons tous cette histoire.

Mme Anderson: Nous voyons cela chez les personnes à revenu fixe, les personnes âgées, les étudiants et les enfants, qui tous forment un lectorat différent. Chaque jour, ils demandent si la TPS s'applique toujours aux livres.

Le sénateur LeBreton: Ils ont pleinement connaissance de la promesse.

Mme Anderson: Tout à fait.

Le sénateur LeBreton: Vous êtes commerçante. Nous avons reçu ici des témoins du ministère des Finances, qui avaient des arguments convaincants disant que la TPS est une taxe sur la consommation et non le revenu, ce qui est généralement admis. Ils sont réticents à établir de nouvelles exemptions qui compliqueraient les choses pour les commerçants en les obligeant à modifier leurs caisses enregistreuses, et cetera. Je suis sûre que c'est un problème que vous aimeriez bien avoir.

Mme Anderson: J'adorerais avoir ce problème.

Le sénateur LeBreton: Est-ce que vous vendez presqu'exclusivement des livres, ou bien vendez-vous aussi d'autres choses?

M. Mosersky: Nous avons d'autres produits. Presque tous les détaillants aujourd'hui ont des systèmes de contrôle des stocks informatisés ou des systèmes de point de vente sophistiqués qui pourraient facilement être adaptés à différents produits.

Le sénateur LeBreton: Tout comme une épicerie.

M. Mosersky: Oui. Certains articles sont taxables, d'autres non. Pour nous, ce serait un problème tout à fait mineur.

Le président: Je remercie les témoins d'avoir pris la peine de venir témoigner aujourd'hui à l'appui du projet de loi du sénateur Di Nino.

La séance est levée.


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