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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 26 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 17 février 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 15 h 50 pour étudier les dimensions de la cohésion sociale au Canada dans le contexte de la mondialisation et des autres éléments économiques et structurels qui influent sur les niveaux de confiance et de réciprocité dans la population canadienne.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, avant de passer à l'ordre du jour d'aujourd'hui, j'ai une petite question de régie interne à régler. Comme vous le savez, notre comité a un sous-comité, le sous-comité des anciens combattants, qui est présidé par notre collègue, le sénateur Orville Phillips. Comme vous le savez également, ce sous-comité a étudié la question des services de santé dispensés aux anciens combattants, et il doit déposer son rapport au plus tard le 26 février. Il y a une motion lui permettant de déposer son rapport auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas à cette date. Toutefois, ce rapport doit venir de notre comité, qui est le comité parent, si je puis m'exprimer ainsi. Comme notre comité ne siégera pas la semaine prochaine non plus, je voudrais que nous adoptions une motion autorisant le sénateur Butts, qui est vice-présidente de ce comité, et moi-même, en tant que président, à recevoir ce rapport en votre nom afin qu'il puisse être déposé comme il se doit auprès du greffier du Sénat.

Sénateur LeBreton, avez-vous une motion?

Le sénateur LeBreton: Oui. Je propose que le président et la vice-présidente soient autorisés à recevoir et à adopter, au nom du comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le rapport du sous-comité des anciens combattants sur l'état des soins de santé au Canada dispensés aux anciens combattants et aux personnes des Forces armées canadiennes.

Le président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: La motion est adoptée. Merci, chers collègues.

Aujourd'hui, nous continuons notre étude sur la cohésion sociale et nous allons parler de l'accès à l'enseignement postsecondaire. À cette fin, nous entendrons aujourd'hui trois témoins très compétents dans ce domaine: M. Paul Kitchin, directeur général de l'Association nationale des collèges carrières, Mme Terry Anne Boyles, vice-présidente des Services nationaux de l'Association des collèges communautaires du Canada, et M. Thomas G.F. Townsend, du ministère du Développement des ressources humaines, qui est coprésident du Comité consultatif intergouvernemental sur l'aide financière aux étudiants. Je vais d'abord demander aux deux représentants du secteur privé, si je peux les décrire ainsi, de faire chacun un bref exposé. Puis je vais donner la parole à M. Townsend. Nous passerons ensuite aux questions et aux discussions.

Vous avez devant vous les biographies impressionnantes de ces trois témoins, alors je ne les lirai pas à haute voix. Je souhaite la bienvenue à nos témoins et je cède la parole à M. Paul Kitchin.

M. Paul Kitchin, directeur général, Association nationale des collèges carrières: Monsieur le président et sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de vous faire cet exposé aujourd'hui. Je vais prendre quelques minutes pour vous parler de l'organisme que je représente et de notre perception du milieu de l'enseignement postsecondaire, et je vais ensuite examiner certains des facteurs déterminants de l'accès à l'enseignement postsecondaire.

En tant que directeur exécutif de l'Association nationale des collèges carrières, l'ANCC, je représente les établissements postsecondaires privés sous réglementation provinciale qui exercent leurs activités dans des petites, des moyennes et des grandes localités d'un bout à l'autre du pays. Ces établissements forment des Canadiens de tous âges depuis environ 130 ans, soit depuis 1968.

Cette année, nous prévoyons que plus de 150 000 étudiants seront inscrits à des programmes menant à l'obtention de diplômes ou de certificats, dans quelque 1 200 établissements de ce genre. C'est un secteur qui n'est pas bien compris, qui n'est pas bien reconnu et qui a peut-être certaines caractéristiques uniques du point de vue de l'accès.

Un sondage récent mené auprès d'environ 10 000 de nos étudiants révèle qu'approximativement 65 p. 100 de nos effectifs sont des femmes. Quarante pour cent de nos étudiants ont des personnes à charge. Nous avons aussi découvert que 17 p. 100 de nos étudiants ont déjà fréquenté une université canadienne et que 29 p. 100 ont déjà fréquenté un collège communautaire. Nous avons une population étudiante très diversifiée.

Pour avoir une idée juste du milieu de l'enseignement postsecondaire à ce moment-ci, il faut examiner les caractéristiques démographiques de la population étudiante, ainsi que les fournisseurs qui existent actuellement, ce qui comprend à la fois le gouvernement et les fournisseurs de l'extérieur.

De notre point de vue, il y a certainement eu un changement dans les caractéristiques démographiques de la population étudiante. Des phénomènes récents comme les familles à deux revenus, l'éclatement de la famille, les progrès technologiques et la tendance vers la mondialisation ont tous eu une incidence sur le type de personnes qui s'intéressent à l'acquisition continue du savoir et qui envisagent de retourner faire des études postsecondaires.

Il y a des gens que nous pourrions qualifier de non traditionnels, des gens qui étaient marginalisés auparavant. J'inclus dans cette catégorie les membres des groupes visés par l'équité en matière d'emploi: les femmes, les minorités visibles, les personnes handicapées et les autochtones. Il y a aussi des gens dont les antécédents sociaux et économiques sont très différents. D'une part, il y a les parents qui sont seul soutien de famille et les anciens bénéficiaires d'aide sociale qui essaient de réintégrer le marché du travail et, d'autre part, il y a les travailleurs qui ont un emploi et qui essaient d'accroître leurs compétences. Il y a aussi les chômeurs qui essaient encore une fois de réintégrer le marché du travail par suite de tous les exercices de réduction et d'optimisation des effectifs que nous avons subis.

Il faut aussi regarder les antécédents scolaires. D'une part, il y a les décrocheurs des écoles secondaires, des collèges communautaires, des universités et des écoles professionnelles. D'autre part, il y a, comme je l'ai déjà mentionné, les diplômés d'autres programmes d'enseignement postsecondaire. C'est très diversifié.

Le message qui ressort de l'examen de cette diversité d'antécédents, c'est qu'on ne peut pas mettre tous ces gens dans le même moule. Ce genre de modèle ne fonctionnera pas. Notre système d'enseignement postsecondaire doit être assez flexible pour permettre à tous les Canadiens de retourner faire des études postsecondaires et répondre de façon adéquate à leurs besoins.

Du point de vue des fournisseurs, il y a, bien entendu, les établissements publics. Il y a les établissements privés comme ceux que je représente. Il y a aussi des organismes sans but lucratif. Ils ont tous recours à différentes méthodes d'enseignement, allant de l'enseignement traditionnel en classe aux cours magistraux, à l'apprentissage autonome et à l'enseignement pratique. Nous avons aussi maintenant l'enseignement par vidéoconférence, l'enseignement interactif en direct, qui sont des formes d'enseignement à distance.

Si on examine la question de l'accès, les besoins auxquels il faut répondre sont très divers. Lorsque nous avons discuté avec nos membres pour essayer de choisir le principal facteur déterminant de l'accès, nous en sommes venus à la conclusion que c'était l'aide financière. L'attitude du public est un autre facteur déterminant, dont nous parlerons aussi.

Nous reconnaissons qu'il y a différentes façons d'obtenir de l'aide sociale ou financière, que ce soit les prêts aux étudiants financés par le gouvernement, les prêts personnels, l'aide aux familles, les programmes de formation ou les bourses. Ce sont toutes là des formes d'aide qui sont accessibles.

Pour ce qui est du programme de prêts aux étudiants du gouvernement, nous nous inquiétons des étudiants qui, lorsqu'ils demandent de l'aide, ont un besoin particulier auquel on ne répond pas. Même s'ils sont admissibles à une aide financière, il ne suffit pas pour eux de s'inscrire à un programme et d'y rester. Nous avons un problème avec le fait qu'on donne de l'argent, sous forme de prêts, à des gens qui ont très peu d'expérience en gestion financière. Lorsqu'on remet à ces gens une somme assez importante au début du semestre, ils reviennent souvent voir les gestionnaires et les propriétaires en disant: «Cela fait deux mois que le semestre est commencé et je n'ai plus d'argent. Je vais devoir me retirer du programme». Nous savons par expérience que le retrait est probablement un des facteurs clés dans les cas de défaut de paiement. C'est donc un problème pour nous.

Cela m'amène à soulever la question des cas de défaut de paiement des prêts et de la désignation de l'établissement. Dans certains milieux, on a exprimé l'idée selon laquelle le taux de défaut de paiement chez les anciens étudiants d'un établissement devrait être une indication de la qualité de l'enseignement dispensé dans cet établissement. Nous sommes contre cette idée. Il y a peut-être un fond de vérité dans cela, mais nous estimons que ce genre de généralisation est une erreur. Selon nous, le taux de défaut de paiement devrait être vu comme un signal d'alarme. Le rendement des établissements en question doit alors être examiné de plus près pour ce qui est des choses dont ils sont responsables et sur lesquelles ils exercent un certain contrôle: le recrutement et la rétention des étudiants, le taux de réussite des étudiants et le placement des étudiants dans des emplois. Nous avons certaines préoccupations à cet égard.

Je vais faire une dernière remarque. J'ai parlé de l'attitude du public. Dans notre pays, les gens ont toujours eu une attitude différente selon qu'il s'agit d'établissements d'enseignement publics ou privés. On croit que, si l'enseignement est dispensé par le secteur privé et que des profits peuvent être tirés de cette activité, il y a nécessairement quelque chose de mauvais dans cela. Nous sommes certainement contre cette notion. Notre industrie, qui forme des Canadiens depuis plus de 130 ans, a un dossier remarquable. Nous ne semblons pas avoir de difficulté à comprendre que nous construisons des routes, des autoroutes et des ponts qui peuvent servir à la fois au transport public et au transport privé, mais lorsqu'il est question d'enseignement, les conseillers des programmes gouvernementaux ou les conseillers d'orientation des écoles secondaires ont une certaine attitude à l'égard des programmes non universitaires.

En réalité, les sondages menés auprès des gens qui choisissent de fréquenter les établissements du secteur privé révèlent que la principale raison pour laquelle ces gens choisissent un établissement en particulier est sa réputation. La deuxième raison est la durée et l'intensité du programme, en ce sens que ce genre de programme leur donne accès plus rapidement au marché du travail. Ils aiment le fait que le programme est conçu en fonction du client, qu'on peut s'y inscrire à n'importe quel moment, sans avoir à attendre pour commencer la formation, et que ces écoles fonctionnent 12 mois par année.

Ce serait une erreur que d'essayer de dissuader ces étudiants de s'inscrire au programme de leur choix. Rien ne garantit que les étudiants qui ont fait défaut de paiement dans le passé ne feront pas la même chose dans un autre établissement ou un autre programme. Nous croyons que le défaut de paiement peut être attribuable à de nombreuses causes, allant de problèmes systémiques à l'information que les étudiants reçoivent au sujet du programme auquel ils s'inscrivent.

L'an dernier, le gouvernement a présenté une mesure législative qui, selon nous, contribuera à atténuer le problème du défaut de paiement. Nous croyons que ce serait une erreur que de prendre des décisions hâtives avant que cette mesure législative n'ait eu le temps d'avoir un impact, ce qui, selon nous, pourrait prendre encore deux ou trois ans.

Je vais arrêter ici et serai prêt à répondre à des questions plus tard.

Le président: Merci beaucoup, M. Kitchin.

Mme Boyles est vice-présidente des Services nationaux de l'Association des collèges communautaires du Canada. Je suppose que la différence de point de vue entre vous et M. Kitchin est semblable à la différence entre certains établissements du secteur privé et du secteur public.

Mme Terry Anne Boyles, vice-présidente, Services nationaux, Association des collèges communautaires du Canada: Vous avez partiellement raison. Je crois que vous constaterez que nous avons des intérêts communs relativement à certains des points que je vais soulever. Nous travaillons certainement ensemble au sein de l'Alliance canadienne des organismes d'enseignement et de formation. Parfois, nos intérêts sont complémentaires. Parfois, nous avons des points de vue différents.

Le président: Nous sommes prêts à entendre votre exposé, Mme Boyles.

Mme Boyles: Monsieur le président et sénateurs, au nom de l'Association des collèges communautaires du Canada, je suis très heureuse d'être ici pour vous présenter notre point de vue sur la question de la cohésion sociale et, plus précisément, sur l'accès à l'enseignement postsecondaire. Je vais parler brièvement d'un document que nous avons préparé et qui est utile pour l'examen de ces questions. Je vais ensuite parler de façon plus précise de trois points en particulier.

Dans la trousse que vous recevrez plus tard, vous trouverez un document intitulé «La société de l'apprentissage». Comme vous, nos membres, en consultation avec les groupes communautaires, les organismes, les travailleurs, les entreprises et les groupes visés par l'équité en matière d'emploi dans diverses localités d'un bout à l'autre du pays, ainsi que nous-mêmes au niveau national, en consultation avec d'autres groupes, en sommes venus à la conclusion que nous devons commencer à voir le Canada comme une société de l'apprentissage.

Nous avons examiné la question de la mondialisation et de la technologie. Nous avons examiné les questions sociales et culturelles qui touchent les Canadiens et la réalité du contexte canadien. Nous avons déterminé les caractéristiques d'une société canadienne de l'apprentissage: la collaboration et une attitude positive. Nous avons ensuite examiné une série de choses que nous tous, depuis les responsables des programmes d'éducation de la prime enfance jusqu'aux personnes qui aident les personnes âgées à contribuer à la vie de leurs collectivités, pourrions faire pour mobiliser nos efforts afin d'assurer l'avenir de notre pays. Je vous conseille de lire ce document. C'est un document de base que nous utilisons pour nous aider à réfléchir à tout ce que nous faisons en tant qu'association et que nos membres utilisent dans leurs propres processus de planification stratégique et de consultation dans leurs collectivités.

Je veux parler plus particulièrement du besoin d'aide financière aux étudiants, des programmes relatifs au marché du travail et des programmes postsecondaires dans notre pays, et de l'incidence de la technologie.

Notre association a un groupe de travail national qui examine la question de la dette étudiante et des besoins financiers globaux de la famille relativement à l'enseignement postsecondaire. Nous avons travaillé longuement avec Développement des ressources humaines Canada. Au cours des quelques dernières années, diverses mesures fédérales ont contribué à soulager certaines des préoccupations concernant la dette étudiante. Nous croyons que, à long terme, certaines de ces mesures, comme l'élargissement du programme de régimes enregistrés d'épargne-étude et la création du Fonds de dotation des bourses d'études du millénaire, aideront les familles.

La question de la dette occupe encore un rang très élevé sur notre liste de priorités. Par conséquent, nos membres nous ont demandé d'établir un groupe de travail. Celui-ci comprend des étudiants, des représentants du secteur des services aux étudiants dans nos établissements et des membres des conseils des gouverneurs de nos établissements. Le groupe de travail examine surtout la question du partage des responsabilités: les responsabilités de la personne et de sa famille, les responsabilités des établissements eux-mêmes relativement aux changements à apporter, les responsabilités des gouvernements relativement à ce qu'ils peuvent faire et ce qu'ils font, les responsabilités des associations d'étudiants, qui contribuent aussi au coût de l'éducation, de même que les responsabilités des travailleurs et des entreprises dans notre pays.

Ce groupe de travail est à mi-chemin de son mandat. Il se réunira de nouveau ce week-end ici même, à Ottawa. Il a fait une analyse de la conjoncture. Il s'intéresse particulièrement aux personnes qui ne sont pas admissibles au programme canadien de prêts aux étudiants ou à des programmes provinciaux semblables ou qui, pour des raisons de famille, de culture ou d'aversion pour l'endettement, ne profitent pas de ces programmes.

Nous nous penchons principalement sur le cas des étudiants qui n'ont pas accès aux programmes d'aide et sur le manque d'information concernant ces étudiants. Nous cherchons à savoir comment ces gens financent leurs études postsecondaires. Nous réunissons actuellement un certain nombre d'études plus spécifiques qui, nous l'espérons, serviront de base à une étude beaucoup plus vaste de la question du financement des études postsecondaires dans les deux secteurs, public et privé.

D'après les renseignements que nous avons, nous savons que des gens de la classe moyenne hypothèquent ou vendent leur maison pour pouvoir être admissibles aux programmes d'aide financière offerts par les banques. Nous savons que des gens utilisent leurs propres cartes de crédit ou celles de leur famille pour financer leurs études postsecondaires.

Nous savons qu'il y a des problèmes réels dans certaines régions du pays où le coût des études postsecondaires est plus élevé que la valeur de la maison familiale. Les gens qui vivent dans ces localités sont très inquiets de leur avenir. Nous savons qu'il y a maintenant des familles au Canada qui -- encore une fois, nous n'avons pas entendu ce genre de chose depuis un certain nombre d'années -- doivent choisir quel membre de la famille pourra faire des études postsecondaires. Nous voyons cela dans ce qui était traditionnellement la classe moyenne. Cela commence à être une importante source de préoccupation pour nos membres, pour les conseils des gouverneurs de nos établissements qui élaborent les plans stratégiques et qui cherchent comment leurs propres établissements peuvent s'adapter et faire des changements pour alléger les pressions financières.

Pour ce qui est des recommandations à cet égard, notre analyse révèle un manque réel d'information à ce sujet. Nous recommandons qu'une analyse pancanadienne majeure soit entreprise sur la façon dont les personnes et les familles financent les études postsecondaires, sur les fardeaux d'endettement individuels ou familiaux qui sont associés à ces études, et aussi sur les obstacles financiers qui ont empêché certaines personnes d'avoir accès à l'enseignement postsecondaire. Je parle ici des gens que nous ne voyons même pas dans nos établissements ou dans les autres établissements.

Nous prévoyons avoir de la documentation ou des rapports provisoires sur le sujet au cours des prochains mois. Nous serions heureux de les partager avec votre comité si vous êtes encore à l'étape des délibérations.

Sur la question du Programme canadien de prêts aux étudiants, nous réitérons certaines des remarques faites par M. Kitchin sur la question de la désignation de nos établissements. On s'inquiète beaucoup, d'un bout à l'autre du pays, que les futurs étudiants ne puissent pas obtenir de prêts parce que ceux qui les ont précédés ont fait défaut de paiement. Nous croyons qu'un nombre important de variables sociales et économiques entrent en jeu. Dans le cas des établissements publics, les provinces et territoires ont déterminé, de façon très délibérée, que les programmes offerts dans ces établissements sont importants pour répondre aux besoins économiques et sociaux de leur région ou du pays. Selon nous, on ne devrait pas recourir à un mécanisme financier lié au défaut de paiement comme deuxième niveau de prise de décision quant à la validité de ces programmes dans notre pays. Nous recommandons donc qu'aucun programme d'études ne soit exclu de l'admissibilité aux programmes de prêts aux étudiants. Évidemment, dans le cadre de ces discussions, nous continuons de travailler avec nos partenaires à Développement des ressources humaines Canada pour déterminer comment nous pouvons atténuer certaines des causes de l'endettement des étudiants et du défaut de paiement des prêts aux étudiants.

L'autre secteur dont je veux parler est celui des programmes relatifs au marché du travail et des programmes d'études secondaires et postsecondaires. Je suis certaine que vous savez que, depuis quatre ans, il y a eu des changements importants dans la façon dont les programmes relatifs au marché du travail sont financés et administrés aux niveaux fédéral, provincial et territorial. La Loi sur l'assurance-chômage a été remplacée par la Loi sur l'assurance-emploi, et les ententes de développement du marché du travail transfèrent une grande partie de la responsabilité à cet égard aux provinces et territoires. Je crois que ces ententes ont déjà toutes été signées, sauf en Ontario.

Ces changements ont eu des répercussions très graves sur l'accès aux études pour divers groupes. Je parle principalement des groupes visés par l'équité en matière d'emploi et des gens qui, auparavant, avaient accès à des programmes financés par le Trésor, mais qui ne sont désormais plus admissibles aux programmes. La phase de transition elle-même présente des obstacles importants juste par sa complexité.

Nous croyons que certains de ces obstacles disparaîtront d'ici deux ou trois ans, mais, en attendant, il y a une masse très critique de gens qui ont besoin de formation et qui sont incapables d'obtenir cette formation à cause de problèmes liés à la transition. Nous croyons qu'il est important d'examiner cet aspect à ce moment-ci.

Même sans la transition, certaines personnes n'auront toujours pas accès à la formation. Ce sont les gens qui ont peut-être décroché du système scolaire régulier ou ceux qui entreraient dans notre système ou dans d'autres systèmes pour obtenir les préalables afin de pouvoir faire ensuite des études postsecondaires ou qui s'inscriraient directement à des études postsecondaires. Nous recommandons que les programmes d'aide financés par le Trésor soient rétablis pour ce groupe particulier de personnes. Nous reconnaissons évidemment que certains groupes désignés continuent d'être admissibles aux termes de la Loi sur l'assurance-emploi.

Nous sommes aussi extrêmement préoccupés par les coupes dans le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui est venu remplacer le Financement des programmes établis. Les transferts au titre de l'enseignement postsecondaire ont été réduits d'environ 1 milliard de dollars, et environ 1 milliard de dollars de plus ont été retranchés à certains programmes d'emploi dans la plupart des provinces à cause de la situation économique au pays.

Notre organisation, notre président, les gouverneurs d'un bout à l'autre du pays et nos étudiants recommandent que ces compressions soient éliminées. Même si nous reconnaissons que le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux vient d'être augmenté de 3 p. 100, nous croyons que les obstacles qui empêchent les gens d'avoir accès au système d'enseignement postsecondaire sont une préoccupation sociale et économique importante pour notre pays.

L'autre question qui nous préoccupe est l'iniquité qui est apparue dans ce secteur. D'après les discussions que nous avons eues avec nos collègues au gouvernement fédéral et dans certaines provinces, nous savons qu'ils partagent notre inquiétude à l'égard des différentes formules utilisées pour déterminer si les personnes sont admissibles ou non à une aide financière dans le cadre du régime d'assurance-emploi.

D'importantes variations ont commencé à se manifester, même pour les gens qui sont admissibles. Il y a des différences dans la façon dont les programmes d'acquisition de compétences, de prêts et de subventions sont appliqués d'un bout à l'autre du pays. On s'inquiète du fait qu'on transforme en prêts, et donc en dette future, ce qui aurait été des subventions sous l'ancien régime d'assurance-chômage. La situation est parfois aggravée par le fait que ces gens ont peut-être aussi des enfants qui commencent des études postsecondaires.

L'autre élément est qu'il est très difficile pour certaines personnes de prendre des décisions. Ces gens ont souvent des défis à relever dans leur vie. Nous voulons certainement appuyer ces gens dans leur processus de formation, et le fait qu'ils se retrouvent sur des listes d'attente comme les autres est un obstacle. Nous recommandons le rétablissement de ce que nous appelons l'achat de places ou de blocs de places pour que les chômeurs puissent avoir accès à la formation pendant leur période d'admissibilité à l'assurance-emploi.

Le président: Je crois que je vais devoir vous interrompre ici, Mme Boyles.

Chers collègues, vous avez le mémoire que Mme Boyles nous a présenté. Les recommandations se trouvent à la dernière page. Il y a aussi un mémoire sur l'impact de la technologie, et je suis absolument certain que vous aurez l'occasion de poser des questions à ce sujet durant la période de discussion.

Je vais maintenant donner la parole à M. Townsend, un fonctionnaire fédéral qui compte plus de 25 ans d'expérience. Il est présentement directeur général au ministère du Développement des ressources humaines. Il est ici à titre de coprésident du Comité consultatif intergouvernemental sur l'aide financière aux étudiants.

M. Townsend, je suis certain que vous allez commencer par nous dire ce qu'est le Comité consultatif intergouvernemental sur l'aide financières aux étudiants.

[Français]

M. Thomas G. F. Townsend, vice-président, Comité consultatif intergouvernemental sur l'aide financière aux étudiants: L'accès à l'éducation postsecondaire est d'une importance capitale pour les deux ordres de gouvernement. Les gouvernements provinciaux sont responsables de l'instruction, des niveaux de financement et de la performance des établissements d'enseignement postsecondaires. Le gouvernement fédéral est chargé de faire progresser les dossiers économiques et sociaux prioritaires du pays afin d'assurer l'accès des Canadiens aux études supérieures et de promouvoir la mobilité académique entre les provinces et l'extérieur du Canada.

[Traduction]

Le Comité consultatif intergouvernemental est un groupe formé de représentants du gouvernement fédéral et des provinces, compte tenu du fait que ces deux niveaux de gouvernement ont des programmes d'aide financière aux étudiants, qu'il s'agisse de prêts, de bourses ou de subventions. Le comité s'intéresse à deux grandes sphères d'activité: la politique en matière d'aide financière aux étudiants et, en particulier, l'incidence de cette politique sur l'accès.

Je vous ai fourni deux documents, qui sont des rapports que les groupes utilisent dans une structure de comité comme le Comité consultatif intergouvernemental. Ces deux documents portent sur la question de l'accès, et j'espère qu'ils vous seront utiles.

Les aspects opérationnels de l'aide financière aux étudiants au Canada sont aussi importants. Comme les deux niveaux de gouvernement offrent de tels programmes, il est important que les programmes se complètent et que, en fait, les efforts déployés au niveau fédéral ne créent pas de difficultés en ce qui a trait aux programmes provinciaux, et vice versa.

Nous nous intéressons principalement à l'aspect financier, mais, du point de vue général de l'accès, nous nous intéressons aussi de plus en plus aux questions non financières.

Au Canada, nous devons nous préoccuper de la préparation aux études postsecondaires. Malgré de très bons efforts et un bon rendement par rapport aux autres pays membres de l'OCDE, 15 p. 100 des Canadiens ne terminent jamais leurs études secondaires. Environ 30 p. 100 des Canadiens décrochent. Toutefois, près de la moitié des décrocheurs retournent à l'école et terminent leurs études secondaires. Dans un pays comme le nôtre, 15 p. 100 est une proportion considérable.

Traditionnellement, les jeunes des groupes défavorisés ont un taux de décrochage scolaire élevé. La plus récente étude internationale sur l'alphabétisation des adultes révèle qu'environ 20 p. 100 de nos diplômés du secondaire n'ont pas le niveau de connaissances que nous associerions normalement à des emplois de débutant sur le marché du travail ou à la poursuite d'études postsecondaires. Ce sont des préoccupations importantes pour nous.

De plus, nous nous préoccupons des questions entourant la valeur que les Canadiens accordent aux études postsecondaires. Il est primordial pour nous, en tant que pays, d'avoir une très grande participation, mais l'importance des études postsecondaires n'est pas bien comprise par tous les Canadiens, et l'acquisition continue du savoir n'est pas considérée comme une norme par tous les Canadiens.

Comme je l'ai déjà mentionné, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont mis sur pied des programmes visant à éliminer les obstacles financiers qui nuisent à l'accès à l'enseignement postsecondaire. En fait, chaque année, au Canada, quelque 500 000 étudiants, soit environ un tiers des gens qui font des études postsecondaires, reçoivent une forme quelconque d'aide gouvernementale. Cette aide vise évidemment à garantir que ces personnes termineront leurs études pour pouvoir profiter des avantages que procure un diplôme d'études postsecondaires.

Selon une évaluation récente du Programme canadien de prêts aux étudiants, il est très probable que l'aide aux étudiants puisse favoriser à la fois l'accès aux études postsecondaires et l'achèvement de ces études. La grande majorité des répondants -- bien au-delà de 75 p. 100 -- ont dit que, s'ils n'avaient pas reçu d'aide financière du gouvernement, ils n'auraient même pas pu envisager de faire des études postsecondaires. Il est donc important d'associer ces programmes à nos taux très élevés de fréquentation d'établissements postsecondaires.

En conclusion, il y a trois grands facteurs que mes collègues provinciaux et moi-même jugeons importants pour ce qui est de l'accès à l'enseignement postsecondaire. Nous voulons voir à ce qu'il y ait des investissements dans le capital humain à partir des toutes premières années, à ce que les obstacles soient éliminés et à ce que des incitatifs soient prévus afin d'élargir le plus possible l'accès à l'enseignement postsecondaire.

Nous voulons sensibiliser la société à la nécessité de s'adapter à l'économie axée sur l'information. Nous voulons aussi que les Canadiens en général comprennent l'importance de l'acquisition continue du savoir.

Nous voulons prévoir des mesures pour aider ceux qui se heurtent à de sérieux obstacles ou qui n'ont pas les connaissances qui leur faciliteraient l'accès à l'enseignement postsecondaire.

Le sénateur LeBreton: J'ai une question à poser à M. Kitchin ou peut-être à un ou l'autre de nos témoins. Elle porte sur toute la question de l'éducation. Pensez-vous qu'on met trop de pression sur les jeunes Canadiens pour qu'ils aillent à l'université même si ce genre d'études ne leur convient pas? C'est peut-être parce que leurs parents, dont beaucoup n'ont pas eu eux-mêmes la chance de faire des études postsecondaires, estiment qu'il faut un diplôme universitaire pour s'assurer une certaine position sociale et une certaine qualité de vie.

Par ailleurs, y a-t-il des secteurs d'emploi où il y pénurie de main-d'oeuvre à cause de cette attitude de la société selon laquelle il n'y a rien de mieux qu'un diplôme universitaire?

M. Kitchin: En réponse à votre première question, je présenterais la situation différemment. Ce n'est peut-être pas qu'on insiste trop sur l'importance des études universitaires, mais plutôt que les gens ne sont pas assez au courant des autres genres de programmes qui sont offerts dans les collègues communautaires ou dans les écoles professionnelles privées. Je dirais que ce problème remonte probablement jusqu'aux services de consultation d'orientation dans les écoles secondaires. Beaucoup de conseillers ont fait des études universitaires, et c'est ce qu'ils connaissent le mieux.

Je sais que nos membres, et les membres de l'association de Terry Anne aussi, j'en suis certain, essaient de communiquer avec les écoles secondaires pour mettre les gens au courant de toutes les possibilités qui s'offrent à eux. Je crois qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à cet égard. Chaque individu doit évaluer ses propres capacités et ses propres intérêts et décider s'il est préférable pour lui de poursuivre ses études dans une université, un collège communautaire ou une école professionnelle privée.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, nous voyons beaucoup de renseignements contradictoires concernant, par exemple, la technologie de l'information. Les renseignements que nous recevons nous amènent à croire qu'il y a des lacunes au niveau des compétences, qu'il y a beaucoup d'emplois pour lesquels les gens n'ont pas les compétences nécessaires. Pourtant, lors d'une réunion à laquelle j'ai assisté cette semaine, des représentants de DRHC ont dit que leurs études ne confirment pas l'existence d'une lacune au niveau des compétences à ce moment-ci. Je ne peux pas vraiment en dire plus long à ce sujet. Mme Boyles ou M. Townsend pourraient peut-être nous éclairer à cet égard.

Mme Boyles: Comme M. Kitchin l'a mentionné, il y a un nombre important de diplômés d'université qui fréquentent nos établissements. Dans le moment, 25 p. 100 de nos étudiants ont un diplôme universitaire. Ces étudiants viennent chez nous pour ajouter cette formation pratique et axée sur l'emploi à la formation peut-être plus générale qu'ils ont reçue à l'université. Cela coûte cher à un pays. Nous cherchons certainement des moyens de fournir aux étudiants les ponts qui leur permettraient d'obtenir une combinaison de ces deux types de formation, si c'est ce dont ils ont besoin pour leur carrière.

Pour ce qui est de la lacune au niveau des compétences, nous travaillons en étroite collaboration avec les conseils des secteurs industriels; nous participons aussi aux études sectorielles qui sont effectuées par Développement des ressources humaines Canada. Dans certains secteurs, comme ceux de l'environnement et des services, il semble y avoir d'importantes lacunes au niveau des compétences, et on essaie d'ouvrir plus de programmes dans ces secteurs. Comme bien d'autres organismes dans le pays, nous travaillons avec le groupe d'experts sur les compétences qui examine les compétences critiques nécessaires en biotechnologie et dans d'autres domaines. Nous avons plus d'information et, comme Paul l'a mentionné, une partie de cette information est contradictoire dans une certaine mesure.

L'autre point à souligner est que, si on regarde le domaine de l'ingénierie et des sciences appliquées, il y a généralement quatre ou cinq techniciens et technologues pour chaque ingénieur. Par conséquent, dans le domaine de l'ingénierie, nous croyons qu'il y a beaucoup plus de possibilités d'emploi pour les gens qui connaissent les applications que pour ceux qui sont formés pour prendre les décisions. Évidemment, les diplômés de ces programmes ont un taux de placement de 90 à 95 p. 100. S'il y a une lacune au niveau des compétences, il faut faire plus de places dans les programmes postsecondaires pour combler cette lacune.

M. Townsend: Je pourrais peut-être donner un exemple personnel. Mes parents m'ont encouragé à aller à l'université. Je crois que, à cette époque, les études universitaires étaient probablement considérées comme une grande porte d'entrée dans la société et dans le monde du travail. Ce qui est important aujourd'hui, c'est que les Canadiens fassent des études postsecondaires, ce qui comprend les universités, les collèges et les collèges privés de formation professionnelle. Et ce qui est plus important encore, c'est qu'ils comprennent que l'acquisition du savoir est un processus qui dure toute la vie.

Les Canadiens sont d'excellents apprenants tant qu'ils sont dans le système scolaire. Nous avons de très bons résultats comparativement aux pays de l'OCDE pour ce qui est de notre apprentissage jusqu'au milieu de la vingtaine environ. Nous apprenons cependant moins bien après cet âge. Je crois que c'est probablement le changement le plus important que nous allons devoir faire dans notre pays afin d'assurer notre productivité et notre rendement économique à long terme, ainsi que la cohésion sociale, puisque c'est cette question qui vous intéresse.

Le sénateur LeBreton: On entend souvent dire qu'il y a pénurie de main-d'oeuvre dans les métiers parce que ceux-ci sont perçus comme n'étant pas aussi attrayants pour certaines personnes, et ce, même si, sur le plan de la valeur monétaire, certains de ces gens de métier sont probablement mieux payés que certains diplômés d'université. Je me demande si nos collèges communautaires et nos établissements d'enseignement postsecondaire acceptent des étudiants qui seraient probablement très à l'aise d'exercer un métier. Il n'y a rien de mal à faire carrière dans un métier, particulièrement s'il y a pénurie de gens de métier qualifiés, comme c'est le cas maintenant.

Mme Boyles: Un sondage Angus Reid a été fait à l'automne. Les résultats de ce sondage ont été rendus publics il y a deux jours à la Conférence des collèges communautaires de l'Ontario. Ces statistiques révèlent un changement important dans l'attitude de la population en général à l'égard des études non universitaires, à l'égard de l'enseignement collégial axé sur les techniques et les métiers. Les premiers indicateurs sont très forts. Les gens croient que les diplômés des collèges ont de bonnes possibilités d'emploi et de rémunération, et ils sont prêts à encourager les membres de leur famille à faire des études collégiales.

La revue Maclean's a publié un numéro intitulé «Why College Grads Get Jobs», et Karen Johnson continue de suivre ce dossier à l'échelle nationale. Nous ferons un suivi sur ce changement d'attitude dans l'ensemble du pays.

Le sénateur Butts: Merci beaucoup, chers invités, d'être venus nous aider. Je veux poser quelques questions à M. Kitchin.

Je crois comprendre que votre organisme regroupe 1 200 collèges privés ou collèges de formation professionnelle. Est-ce exact?

M. Kitchin: Il y a 1 200 collèges de ce genre qui sont enregistrés d'un bout à l'autre du pays. Près de 500 des plus importants sont membres de l'Association nationale des collèges carrières.

Le sénateur Butts: Quelle proportion représentent-ils dans l'ensemble du pays? Pouvez-vous nous donner une idée?

M. Kitchin: Ce serait 500 sur 1 200. Ce dernier nombre représente les collèges qui sont enregistrés auprès des autorités provinciales.

Le sénateur Butts: Il y en a donc beaucoup qui ne sont pas enregistrés.

M. Kitchin: Il y a des organismes de formation privés offrant des programmes menant à l'obtention d'un certificat qui ne sont pas enregistrés auprès des autorités provinciales ou qui ne sont pas autorisés par ces dernières.

Le sénateur Butts: C'est donc un secteur complètement ouvert.

M. Kitchin: Il n'y a pas de réglementation. Je ne sais pas si c'est nécessairement là un jugement de valeur. Il y a de l'excellente formation qui se donne dans ce secteur.

Si un établissement privé offre un programme de formation professionnelle en ce sens qu'il fournit toutes les compétences nécessaires pour entreprendre une carrière, la législation provinciale exige qu'un tel établissement soit enregistré.

Le sénateur Butts: Est-ce le cas dans chaque province?

M. Kitchin: Oui.

Le sénateur Butts: Je pense particulièrement à la formation des préposés aux soins personnels. J'ai eu quelque chose à voir avec ces cours à un certain moment. Certains de ces cours durent huit semaines, d'autres durent six mois, et d'autres durent un an. Il n'y a pas de critères d'admissibilité pour les enseignants dans les collèges de formation professionnelle ni pour les gens qui s'inscrivent aux cours.

Mme Boyles: Sur la question des préposés aux soins personnels, Développement des ressources humaines Canada et Santé Canada sont sur le point d'entreprendre une étude sectorielle nationale dans le domaine des soins à domicile. L'Association canadienne de soins et services communautaires et nous-mêmes travaillons en vue de cette étude depuis déjà un certain temps. À la première réunion, la question de la formation, qui peut varier entre une formation d'un mois et des études de deuxième cycle, sera examinée. C'est une priorité. Les réunions commenceront ce week-end.

Le sénateur Butts: C'est bien. Nous allons enfin faire quelque chose dans ce domaine. J'ai pris la parole des douzaines de fois à des cérémonies de remise de diplômes dans ce domaine. Je suis étonnée lorsque je regarde le programme d'études de ces établissements. Il y a une très forte demande de travailleurs dans ce domaine aujourd'hui.

M. Kitchin: En Ontario, le ministère de la Santé a travaillé avec le secteur des collèges communautaires et avec le secteur privé pour élaborer un programme de formation de préposés aux services personnels, qui sont à la fois des auxiliaires familiaux et des aides soignants. Dans notre secteur, le programme d'études est le même, le nombre d'heures de formation est le même et, en fait, il y a un examen provincial commun qui est administré par notre bureau.

Je crois que vous avez raison. Il y a des secteurs, comme celui des soins à domicile, où il faut apporter des améliorations. Il y a une mise en garde que je fais toujours relativement à la durée d'un programme, que ce soit cinq, six ou huit mois, soit qu'il faut regarder le nombre réel d'heures de formation. C'est une mise en garde que je fais toujours.

Le sénateur Butts: Je suis heureux de savoir que quelqu'un travaille pour régler ce problème.

Mme Boyles, pensez-vous que certains de vos membres sont menacés par les universités? Certaines universités ont englouti des collèges communautaires et ont combiné les cours traditionnels menant à l'obtention d'un grade universitaire avec des cours plus pratiques. Est-ce que cette menace existe dans votre groupe?

Mme Boyles: Je ne crois pas. Nous partons du principe selon lequel on a besoin des deux types d'établissement. Certains de nos membres sont en fait des collèges universitaires. Par exemple, le University College of Cape Breton et le University College of the Cariboo ont été capables de s'acquitter de leur mandat de développement communautaire, social et économique en plus de leur mandat de formation scolaire. Je ne crois pas que cela soit perçu comme une menace. Les collèges cherchent plutôt à voir comment les deux types d'établissement peuvent être complémentaires pour offrir aux Canadiens la formation dont ils ont besoin.

Le sénateur Butts: C'est peut-être là une des menaces, la capacité de transformer les cours, de les changer, de remplacer certains d'entre eux par d'autres, comme des cours de plomberie et ainsi de suite. Je suppose que c'est un autre problème de synchronisation.

C'est aussi un problème pour les enseignants, dont certains sont mis à pied parce que leur cours est devenu désuet, ou lorsqu'il faut ajouter de nouveaux cours. C'est un véritable problème sur le plan de la main-d'oeuvre. Pouvez-vous répondre à cela, s'il vous plaît?

Mme Boyles: Certainement. Les problèmes d'adaptation de la main-d'oeuvre dans le secteur de l'enseignement postsecondaire sont semblables à ceux qui existent dans n'importe quel autre secteur au Canada. Nous avons fait une étude, qui a été financée par Développement des ressources humaines Canada, sur l'emploi dans notre secteur et sur les programmes d'adaptation et de perfectionnement professionnel accessibles aux enseignants lorsqu'un programme n'est plus en demande dans la conjoncture économique et sociale, lorsqu'ils ont besoin de formation ou lorsqu'ils veulent travailler dans d'autres domaines.

Le sénateur Cohen: Merci pour votre exposé. J'ai deux remarques à faire et deux brèves questions à poser. Premièrement, je voulais signaler au député que la nouvelle sous-ministre du Développement des ressources humaines, Mme Clara Morris, vient du Nouveau-Brunswick. Elle apportera au ministère la saveur et la façon de penser du Canada atlantique, et je crois qu'elle sera une bouffée d'air frais.

Le sénateur LeBreton: On fait un peu de publicité?

Le sénateur Cohen: Pour ce qui est des collèges communautaires, je voulais faire une remarque. Je viens de Saint John.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est vous qui êtes une bouffée d'air frais au Sénat.

Le sénateur Cohen: Oui. La demande de diplômés des collèges communautaires est forte dans notre ville. En fait, ils ont un emploi assuré presque à partir du moment où ils commencent leur cours, et il y a une très longue liste d'attente pour entrer dans les collèges communautaires. Je vois une tendance tout à fait différente.

Ma préoccupation concerne les étudiants qui doivent se retirer des programmes parce qu'ils ont utilisé tout leur argent au début de leur cours. Le gouvernement leur donne une subvention forfaitaire. J'ai siégé au comité du Sénat qui a étudié la Loi sur l'assurance-emploi. Je sais que les gens étaient très inquiets qu'on passe de l'achat direct de programmes ou de places de formation à ce nouveau concept. Comme il faut quelques années avant que l'impact de ces changements se fasse sentir, le gouvernement accepterait-il peut-être de réexaminer les changements qui ont été apportés? Pourrais-je avoir des commentaires sur la différence entre ce qui se faisait avant et ce qui se fait maintenant à cet égard?

M. Townsend: La question porte sur l'achat de places de formation dans les établissements par rapport au versement de fonds directement à l'apprenant.

Le sénateur Cohen: Elle se rapporte à l'achat de bloc de places, n'est-ce pas?

M. Townsend: La politique du ministère a été de mieux équiper l'apprenant et de lui permettre de choisir le programme qui, selon lui, répond le mieux à ses besoins. On s'est donc écarté de l'achat de places pour aller vers le financement de l'apprenant, ce qui cadre mieux avec cette politique globale.

Le sénateur Cohen: Nous avons entendu dans deux exposés que le financement de l'apprenant n'est probablement pas une méthode aussi efficace qu'on l'aurait souhaité au départ. Y a-t-il une chance que le gouvernement réexamine toute cette question? Pourrais-je avoir des commentaires à ce sujet de la part des témoins d'après leur expérience personnelle?

M. Townsend: Il y a des cas, comme celui que M. Kitchin a mentionné, où l'aide financière est fournie en un seul versement et, dans bien d'autres cas, elle est fournie en deux versements, un au début de la période d'étude et un au milieu de la période d'étude. Certaines provinces qui ont travaillé avec nous font des versements plus réguliers. La Saskatchewan, par exemple, fait des versements mensuels. Le Québec fait des versements réguliers aux étudiants depuis longtemps. Cela semble répondre à une partie de la question que vous avez soulevée. Il y a des améliorations à apporter à la façon dont l'aide financière est versée aux apprenants pour régler, du moins en partie, ce problème.

Le sénateur Cohen: Mme Boyle ou M. Kitchin, aimeriez-vous répondre?

Mme Boyle: Oui. Je voudrais dire deux choses. La Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre a récemment entrepris une étude majeure des provinces et des principaux dispensateurs au Canada. Le projet de rapport sera soumis au cours de la réunion que tiendra la commission la semaine prochaine. Nous comptons un membre au sein de cet organisme. Nous avons vu les données et elles contiennent une information abondante sur toutes ces questions. Nous avons recommandé à la commission de partager cette information avec la collectivité lorsqu'elle aura été publiée car elle contient des renseignements précieux.

Deuxièmement, un groupe d'étude conjoint, coprésidé par la province et le ministère, a été chargé d'examiner certaines injustices.

Nous croyons qu'elles se produisent en partie dans les phases de transition. C'est le cas pour certains types de clients, alors que pour d'autres les points que vous avez soulevés poseront un problème à long terme. C'est, du moins, ce que nos collègues des organismes sociaux au Canada, des organisations ouvrières et nous-mêmes croyons. La vraie question, à savoir retenir l'achat comme une option pour les provinces, est très importante.

M. Kitchin: En principe, nous ne nous opposons pas à ce que nos clients puissent choisir l'établissement qui leur convient le mieux. Je ne vois pas pourquoi, comme le disait Mme Boyles, on ne pourrait pas permettre au client d'effectuer des achats en bloc ou des achats directs ou à quelqu'un de le faire en son nom. Il y a évidemment un risque à remettre un montant important à une personne qui ne possède pas nécessairement les compétences voulues en matière de gestion financière ou budgétaire. Nous ne leur rendrions pas nécessairement service. C'est pourquoi nous sommes plutôt en faveur d'un système de versements périodiques.

Le sénateur Cohen: Constituez-vous des partenariats avec d'autres organisations au sein de la société afin de combattre l'exclusion sociale de certaines personnes et quel rôle le gouvernement devrait-il jouer à cet égard?

Mme Boyles: Les collèges sont sensés être des prolongements des collectivités qu'ils servent. Pour de nombreux collèges communautaires, instituts de technologie et CEGEP, le partenariat et la collaboration avec les autres groupes fait partie intrinsèque de leur rôle. Ces établissements collaborent étroitement en ce sens. Ils travaillent en étroite collaboration avec des groupes comme les organismes au service des familles d'immigrants, la Open Door Society, les programmes pour les Indiens non inscrits, les Métis, les groupes d'aide aux femmes prestataires d'aide sociale, afin de réduire ces obstacles et ils organisent des ateliers et donnent de la formation sur des questions de ce genre. Cela fait partie de notre raison d'être. Au plan national, le partenariat et la collaboration avec des organisations de ce genre représentent un aspect fondamental de notre travail.

Le sénateur Cohen: Les entreprises participent-elles aux partenariats dans les collèges communautaires et les écoles privées? Commencent-elles à le faire?

Mme Boyles: Dans notre cas, certainement. Tous les programmes de nos établissements comptent des comités consultatifs constitués de représentants des milieux d'affaires, de l'industrie et des organismes sociaux. Les liens étroits avec ces milieux font partie de l'idéologie des collèges.

M. Kitchin: Il existe une collaboration limitée entre notre secteur et l'industrie; il y a une certaine collaboration. Il est certain que sur une base empirique les établissements s'efforcent d'utiliser les ressources communautaires.

Mme Boyles a parlé plus tôt de l'alliance canadienne des organismes d'enseignement et de formation, dont nous sommes les cofondateurs. Nous avons créé cet organisme afin de regrouper les organisations d'enseignement et de formation. Cet exercice a pour but de faciliter le regroupement de plusieurs organismes qui portent un intérêt commun à un projet afin qu'ils puissent y travailler ensemble. Je crois que neuf autres groupes siègent à cette table, dont des universités, des conseils scolaires, le Rassemblement canadien pour l'alphabétisation et d'autres groupes. Je crois que le moment actuel et le contexte sont propices à la recherche de moyens d'action communs.

Je crois que nous avons parlé plus tôt de la nécessité d'avoir davantage d'accords de transition et d'articulation des programmes entre les secteurs, pour que les clients, les étudiants puissent faire reconnaître les crédits qu'ils ont déjà acquis, au Canada ou à l'étranger, et n'aient pas à reprendre des cours lorsqu'ils changent de secteur ou d'établissement.

M. Townsend: Puis-je ajouter un exemple? Développement des ressources humaines a appuyé de nombreux conseils sectoriels. Un conseil peut regrouper des représentants d'une entreprise et des travailleurs du secteur de l'acier, par exemple. Ces conseils sectoriels ont collaboré avec certaines institutions représentées par Mme Boyles, pour s'assurer que leurs employés se voient créditer la formation reçue dans cette industrie pour les fins d'obtention d'un diplôme. Cela réduit évidemment le temps que les travailleurs intéressés mettent à obtenir leur diplôme. C'est important pour eux, car ils travaillent. C'est également un excellent moyen d'inciter les gens à continuer d'apprendre.

L'organisation que représente Mme Boyles, notre propre organisation et d'autres examinent actuellement des moyens de s'assurer que les crédits obtenus dans le cadre d'une évaluation antérieure de l'apprentissage ou dans des établissements sont pleinement transférables d'un collège à l'autre au Canada. C'est le but de notre projet actuel.

Le président: Je crois que c'est une chose importante, comme l'éducation fondée sur la coopération. Avez-vous connaissance d'une étude ou d'un rapport provenant du gouvernement ou de l'une de vos organisations qui indique dans quelle mesure les entreprises canadiennes aident les étudiants, soit directement par des bourses d'études, bourses ou autres, ou même indirectement dans les établissements d'enseignement postsecondaire? Existe-t-il, à votre connaissance, un rapport ou une étude qui traite de la question?

M. Townsend: Je pourrais vous donner de l'information convaincante, sinon définitive, contenues dans une étude que nous avons effectuée avec EKOS et qui portait sur les employeurs et leur disposition à former leurs employés. L'étude ne contient pas de données statistiques précises, mais elle vous donnera une idée des employeurs qui ont été sondés. L'étude portait également sur le soutient à la formation, non seulement la formation en établissement scolaire mais également la formation axée sur la technologie, c'est-à-dire dispensée au moyen d'ordinateurs, sous forme de téléenseignement et autres moyens semblables. Vous auriez ainsi une idée de ces aspects de la formation.

Mme Boyles: C'est là une information que nous avons cherché à obtenir, mais que nous n'avons pas réussi à trouver durant l'étude effectuée par notre groupe de travail sur l'endettement des étudiants. L'information a été préparée par le ministère, sauf erreur, en vue de la première réunion du conseil d'administration du Fond de bourses d'études du millénaire. L'information portait plus précisément sur les bourses d'études et venait compléter l'information concernant les programmes de prêts et les programmes de subventions et l'information touchant l'aide du gouvernement à l'enseignement postsecondaire. On y trouve certains renseignements, mais en ce qui concerne la contribution des entreprises canadiennes, nous n'avons rien trouvé.

Le président: En ce qui a trait à l'aide générale d'organismes philanthropiques privés à l'éducation et aux étudiants, je n'ai pas trouvé de documentation préparée comme telle. J'aimerais bien savoir quel rôle jouent ces organismes.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est la première fois que j'ai le plaisir de rencontrer quelqu'un qui est attaché au Comité consultatif intergouvernemental sur l'aide financière aux étudiants. J'ai fait partie d'un sous-comité du Sénat qui a étudié les problèmes de l'enseignement postsecondaire au Canada. Nous avons fait le tour des provinces, sans aller dans chaque ville, et une des questions qui semblait être un obstacle presque insurmontable pour les étudiants qui désiraient poursuivre des études postsecondaires était l'assistance financière. Je voudrais savoir dans quelle mesure cela représente une réalité difficile pour les étudiants.

Ma deuxième question: où en êtes-vous quant aux problèmes d'analphabétisation? C'est un sujet dont on parle beaucoup et dont on a beaucoup parlé ces dernières années. Le problème existe toujours. Dans quelle mesure, si on ne parvient pas à le contrôler, allons-nous pouvoir assurer la cohésion sociale entre les gens qui ne peuvent pas lire et la société en général?

M. Townsend: Je vais répondre à la deuxième question d'abord. Au Canada, on a très peu d'analphabètes purs, des personnes qui ne savent ni lire ni écrire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il y en a très peu?

M. Townsend: Très peu.

Le sénateur Lavoie-Roux: Ce ne sont pas les statistiques qu'on nous donne.

M. Townsend: Nous avons, par exemple, un taux plus élevé de personnes ayant des difficultés à lire et à écrire. À peu près 25 p. 100 de notre population a des difficultés à fonctionner dans un milieu qui demande de lire ou d'écrire. Environ 46 p. 100 de notre population ne peut lire et écrire à un niveau compétitif dans une économie de connaissances.

Le sénateur Lavoie-Roux: C'est énorme!

M. Townsend: Le défi est énorme. Un des problèmes qu'on a avec le défi, c'est qu'ici, quand on parle d'analphabétisation, les gens croient souvent qu'il s'agit d'une personne qui ne peut ni lire ni écrire. Moi je lis, ce n'est donc pas un problème pour moi. Mais dans l'économie de connaissances, ce n'est pas simplement une question de lire et d'écrire, c'est une question de lire et d'écrire à un niveau de plus en plus élevé. C'est cela notre défi au Canada. Si on ne pratique pas nos capacités quotidiennement, elles se détériorent. On remarque que même une personne qui détient un diplôme universitaire, si elle ne pratique pas ses capacités, elle ne fonctionne pas à un niveau jugé nécessaire pour être compétitif dans une économie globale. L'alphabétisation change notre défi au Canada. Il faut encourager tout le monde à continuer à maintenir ses capacités.

Le sénateur Lavoie-Roux: Est-ce que vous trouvez que le gouvernement fait suffisamment d'efforts pour encourager ceux qui ne savent ni lire ni écrire, c'est-à-dire pour les aider à apprendre à lire et à écrire et aux autres, pour maintenir cette capacité de lire avec compréhension et d'écrire dans une langue qui soit compréhensible pour tout le monde?

M. Townsend: Non, on devrait faire bien plus au niveau des connaissances. Il faut faire comprendre l'importance de pratiquer nos capacités.Nous avons des améliorations à apporter au niveau de la coordination des programmes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. À un niveau, nous sommes performants, et à un autre, il y a un grand défi sur lequel on devrait continuer à travailler.

Le sénateur Lavoie-Roux: Pour ma première question, je faisais référence à l'étude du Sénat sur l'enseignement postsecondaire, et une des difficultés qui nous était parue la plus grande pour les étudiants, c'était la question de l'assistance financière et de l'endettement. Le gouvernement a instauré les bourses du millénaire, mais avant de faire appel à ces bourses, il faut être rendu à un certain niveau d'études. Voyez-vous un obstacle à aller au niveau postsecondaire et à l'université, et que devrait faire le gouvernement?

M. Townsend: L'aide financière aux étudiants est quelque chose d'important dans l'accès aux études postsecondaires. On voit dans les données de Statistique Canada que ce sont les groupes à revenu moyen et faible qui y ont accès. On note quand même des augmentations de participation au niveau de ces groupes. On se pose la question à savoir si l'endettement qui continue d'augmenter décourage certaines personnes qui ne veulent pas avoir un niveau d'endettement relié aux études. On n'est pas en mesure de répondre à ces questions, mais c'est une question qu'on étudie. Jusqu'à maintenant, on ne voit pas d'effets négatifs au niveau de l'accès aux éudes postsecondaires à cause d'un manque d'aide financière.

La question de l'endettement est également très sérieuse. À ce niveau, on doit toujours regarder la capacité de la personne à payer ses dettes lorsqu'elle est sur le marché du travail. On voit que la limite des prêts entre les gouvernements fédéral et provinciaux monte jusqu'à près de 10 000 $ par année et parfois plus dans certaines provinces. On en est rendu à un point où on doit regarder les autres formes d'aide financière. Augmenter les niveaux de prêts n'est pas nécessairement la meilleure pratique pour les gouvernements.

La question de l'endettement est toujours une question qu'on doit regarder en fonction des salaires que les personnes gagnent après les études postsecondaires. Il faut dire qu'au Canada, les salaires associés à un diplôme d'études universitaires ou à un diplôme d'études collégiales sont toujours très bons, et une grande partie des étudiants ont toujours la capacité de rembourser leur prêt étudiant. On arrive aux limites du problème.

[Traduction]

Ce n'est pas l'impression que nous avons eue lorsque nous nous sommes rendus dans les diverses régions du Canada. Les étudiants s'endettent beaucoup, sauf au Québec où il y a déjà un programme de bourses d'études. Je crois qu'il s'agit vraiment d'une décision difficile à prendre. Les étudiants sont peut-être prêts à poursuivre des études postsecondaires, mais si une dette de 65 000 $ les attend après l'obtention de leur diplôme, je crois qu'il y a peu de gens, même parmi les personnes plus avancées en âge, qui soient prêts à s'endetter autant. Croyez-vous que le gouvernement en fait assez? Comment pourrait-il en faire un peu plus?

Le président: Ce n'est peut-être pas une question très appropriée pour un haut fonctionnaire.

Le sénateur Lavoix-Roux: Il pourrait s'agir de n'importe quel gouvernement.

M. Townsend: Lorsqu'on examine les faits, on constate que beaucoup d'étudiants sont en défaut de paiement, mais les choses se sont tout de même légèrement améliorées depuis la dernière fois que nous avons évalué la situation. Pour certains étudiants, une dette de 15 000 $ peut paraître énorme, alors que pour d'autres ce sera moins inquiétant. Pour les fins de la politique, nous avons examiné la capacité des particuliers à affecter un certain pourcentage de leur revenu au remboursement de leur dette. Dans l'état d'endettement actuel, il semble que les diplômés soient en mesure de rembourser leur dette.

Le sénateur Poy: Madame Boyles, vous disiez que des familles hypothèquent leur maison ou utilisent leur carte de crédit pour payer des études postsecondaires à leurs enfants. Est-ce nouveau?

Mme Boyles: Nous croyons que cela se fait depuis déjà de nombreuses années, mais la pratique semble s'être beaucoup accentuée depuis quelques années. C'est pourquoi l'endettement des étudiants et l'aide financière aux étudiants est l'une des grandes priorités de notre association. La question préoccupe beaucoup nos membres, partout au Canada. Selon nous, les gens manquent d'information à ce sujet.

Les personnes qui combinent les prêts d'études, les prêts du gouvernement à d'autres formes d'aide financière risquent de se retrouver devant une dette énorme à leur sortie de l'école. La question est très préoccupante et c'est pour cette raison que nous l'examinons. Nous entendons recommander qu'elle fasse l'objet de recherches analytiques beaucoup plus poussées et d'une vaste étude nationale.

Le sénateur Poy: Comment les prêts accordés à des étudiants des collèges communautaires se comparent-ils à ceux que reçoivent les étudiants de niveau universitaire?

Mme Boyles: Les modalités du programme de prêt sont les mêmes. Les étudiants passent habituellement moins d'années dans un collège d'enseignement communautaire. Ils y restent deux ou trois ans, à moins d'avoir déjà un diplôme d'études de quatre ans; le cas échéant, ils font six ou sept ans d'études et accumulent une dette beaucoup plus lourde.

Le sénateur Poy: Comment les nombres d'étudiants se comparent-ils? Y a-t-il plus d'étudiants de niveau universitaire que d'étudiants des collèges communautaires qui doivent emprunter? Avez-vous des chiffres à ce sujet?

Mme Boyles: Je crois que 40 p. 100 des prêts vont à des étudiants de niveau collégial, 10 p. 100 à des étudiants d'établissements privés et le reste à des étudiants de niveau universitaire. On compte davantage d'étudiants de niveau universitaire parce que ces derniers étudient plus longtemps.

Le sénateur Cools: Je remercie les témoins. Je crois que c'est M. Townsend qui disait que 20 p. 100 des diplômés de niveau secondaire ne sont pas qualifiés pour obtenir un emploi. Ai-je bien compris?

M. Townsend: Oui. Ces données sont tirées de l'enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes. L'étude comporte cinq niveaux d'évaluation. Les deux premiers niveaux de compétence ne sont pas jugés suffisants pour permettre à une personne d'obtenir un emploi de débutant.

Le sénateur Cools: Avez-vous des données comparables au sujet du pourcentage de diplômés universitaires?

M. Townsend: L'étude montrait qu'une personne qui aurait ces niveaux de compétence ne pourrait pas être diplômée d'une université.

Le sénateur Cools: J'y ai pensé en même temps que vous le disiez car je me demandais ce que vous entendiez par «aptitude au travail». Cela veut-il dire, par exemple, qu'une personne doit savoir épeler ou répondre correctement au téléphone dans un bureau? Ou encore savoir qu'il faut noter un message téléphonique sur un bloc notes plutôt que sur un petit bout de papier déchiré et chiffonné? Je me demandais ce que vous entendez par aptitude au travail.

M. Townsend: Prenons l'exemple du secteur de la construction. Une personne qui ne saurait pas lire une mise en garde sur une bouteille de dissolvant ne serait pas apte au travail.

Le sénateur Cools: Il s'agit là de connaissances vraiment élémentaires.

M. Townsend: Oui. Cette personne serait incapable, en l'occurrence, de participer au processus des séries de qualité ISO 9000 de l'Organisation internationale de normalisation.

Le sénateur Cools: En somme, il faut savoir lire.

M. Townsend: Dans ce genre de travail, oui. De fait, on a procédé à une évaluation des aptitudes à lire, à écrire et à calculer.

Le sénateur Cools: C'est épouvantable, n'est-ce pas? Voici pourquoi je pose la question. Il y a quelques jours, j'accordais une entrevue, au réseau de Radio-Canada, je crois. Après l'entrevue, le journaliste m'a dit: «C'est merveilleux de vous interviewer, car vous répondez par des phrases complètes». Cela m'a beaucoup étonnée et je ne savais pas quoi répondre. Je ne m'étais jamais arrêtée à réfléchir à cela. Depuis, j'écoute parler les gens. Font-ils encore des phrases complètes, c'est-à-dire des phrases qui ont un sujet, un verbe et un complément?

Je suis de plus en plus curieuse au sujet de ce que vous appelez l'aptitude au travail. Cette expression désigne essentiellement la capacité d'entrer dans une société, d'agir et de vivre au sein d'une collectivité de façon acceptable pour ses membres. En fait, on peut définir cette expression comme on veut.

Le président: Vous avez fait une longue phrase, sénateur.

Le sénateur Cools: Tout à fait.

M. Townsend: L'aptitude à l'emploi est indispensable à la vie en société.

Le sénateur Cools: Effectivement. Je vous remercie.

Le président: Monsieur Townsend, votre comité intergouvernemental joue-t-il un rôle dans le programme fédéral des Bourses d'études du millénaire ou est-ce la responsabilité exclusive de la fondation que dirige M. Montey?

M. Townsend: La fondation entretient des liens étroits avec le comité. De fait, M. Norm Riddell, le directeur exécutif de la fondation qui relève de M. Montey, viendra nous rencontrer à notre prochaine réunion. La fondation utilisera probablement les méthodes qui sont déjà en usage dans les provinces pour évaluer les besoins d'aide financière des étudiants pour les fins du programme de bourses d'études, ce qui devrait engendrer une étroite collaboration avec les systèmes provinciaux.

Le président: Que fera votre comité intergouvernemental? Quel sera votre rôle?

M. Townsend: Dans ce cas précis, le comité permettra à la fondation d'accéder, sur une tribune unique, à tout le personnel provincial affecté à l'aide financière aux étudiants ainsi qu'à nous-mêmes au niveau fédéral. Il est aisé de communiquer, de développer des idées, de mettre à l'essai des modèles que la fondation pourra vouloir utiliser pour savoir comment une bourse d'étude est accordée. La fondation aura accès à une salle pleine de gens qui connaissent à fond ce genre de sujet.

Le président: Je ne veux pas vous entraîner sur un terrain politique où vous ne désirez peut-être pas vous engager, mais vous vous souviendrez que l'Assemblée nationale du Québec a dit au gouvernement fédéral de laisser le Québec fixer les critères et désigner les récipiendaires. Le Québec enverra ensuite les noms de ces personnes au gouvernement fédéral et ce dernier leur fera parvenir un chèque aux couleurs de l'unifolié. Est-ce toujours, selon vous, une solution viable au plan administratif?

M. Townsend: La fondation et la province de Québec devraient en discuter.

Le président: Vous avez bien répondu, monsieur Townsend.

Je remercie les témoins de nous avoir fait passer un après-midi très intéressant.

La séance est levée.


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