Délibérations du comité sénatorial permanent
des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 29 - Témoignages du 10 mars 1999
OTTAWA, le mercredi 10 mars 1999
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, saisi du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information, se réunit aujourd'hui à 15 h 42 pour examiner le projet de loi en question.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Le comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son examen du projet de loi C-208, Loi modifiant la Loi sur l'accès à l'information. Vous vous souviendrez que nous avons reçu hier Mme Colleen Beaumier, députée, qui parraine ce projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre des communes, de même que d'autres parties intéressées.
Aujourd'hui nous avons le grand plaisir d'accueillir, comme premier témoin l'honorable John Reid, c.p., commissaire à l'information, qui est accompagné du sous-commissaire à l'information, M. Alan Leadbeater, qui se trouve à la gauche de M. Reid, et de M. Daniel Brunet, conseiller juridique.
Pour la gouverne des membres qui ne sont pas au Parlement depuis aussi longtemps que moi, l'honorable John Reid a été élu six fois à la Chambre des communes à titre de candidat «libéral-travailliste». C'était le seul député à la Chambre des communes à employer cette désignation. Il a été élu député six fois à partir de 1965, dans la circonscription électorale de Kenora-Rainy River. Il a également été ministre pendant l'un des mandats du premier ministre Trudeau. En réalité, il est arrivé à la Chambre des communes quand son prédécesseur, feu William Benidickson, a été nommé au Sénat. Voilà donc en bref le profil biographique de M. Reid. Vu sa vaste expérience politique et gouvernementale, il est à mon avis éminemment qualifié pour occuper le poste qu'il détient actuellement et auquel il a été nommé, si je ne m'abuse, par suite d'un accord unanime de la part des deux Chambres du Parlement. C'est bien ça, monsieur Reid?
M. John Reid, c.p., commissaire à l'information du Canada: Oui.
Le président: Félicitations. Depuis combien de temps occupez-vous ce poste?
M. Reid: J'ai été nommé à mon poste le 1er juillet de l'année dernière, soit la date du 15e anniversaire de la promulgation de la loi. Je suis le troisième commissaire à l'information.
Le président: Merci beaucoup. M. Reid a de brèves remarques liminaires à nous faire, et nous ouvrirons ensuite la période des questions.
M. Reid: Merci beaucoup, monsieur le président, pour cette introduction, et pour l'invitation à rencontrer les membres du comité.
Si le projet de loi C-208 est adopté, ce sera seulement la seconde fois que la Loi sur l'accès à l'information subit une modification de fond en ses 16 années d'existence. La première fois qu'on l'a modifiée, c'était pour donner aux personnes qui ont des déficiences sensorielles un droit d'accès aux documents sur des supports de substitution.
À mon avis, le changement que propose le projet de loi C-208 se fait attendre depuis longtemps et il renforcerait beaucoup le droit d'accès aux documents détenus par le gouvernement. Comme vous le savez, s'il était adopté, ce projet de loi créerait une nouvelle infraction applicable aux fonctionnaires. Il existe très peu d'infractions de cette nature; en fait, il ne m'en vient que deux autres à l'esprit -- l'abus de confiance et la torture. Une telle mesure est nécessaire à cause de l'énorme pouvoir détenu par les fonctionnaires en vertu du contrôle qu'ils exercent sur de vastes fonds de renseignements. En promulguant la Loi sur l'accès à l'information, le Parlement a fait pencher la balance du pouvoir sur l'information du côté des particuliers, au lieu de celui de l'État. Les fonctionnaires sont maintenant contraints de communiquer les documents demandés, sauf dans 13 cas bien précis -- tels que la protection de la vie privée, l'application de la loi, l'intérêt national et les intérêts commerciaux privés. De plus, les fonctionnaires sont obligés de communiquer ces documents dans un délai précis, qui est ordinairement de 30 jours.
Il va sans dire que le respect de ces droits dépend de l'intégrité des fonctionnaires qui détiennent les documents et reçoivent les demandes. Si des fonctionnaires détruisent, modifient ou cachent des documents, ou s'ils conseillent à d'autres de le faire, dans le but d'entraver le droit d'accès, ils sapent les fondements de ce droit.
Je vais maintenant vous parler pendant quelques instants des constatations du Commissariat concernant la modification et la destruction des documents, afin de vous montrer que l'infraction prévue par le projet de loi C-208 aiderait à régler un problème réel. Au cours des dernières années, à l'issue de trois des enquêtes menées par le Commissariat, mon prédécesseur, John Grace, a conclu que des documents avaient été détruits ou modifiés dans le but d'entraver le droit d'accès.
Dans deux de ces cas, ces actes avaient été commis pour éviter de l'embarras à certains ministères. Dans le troisième cas, M. Grace conclut qu'on avait détruit des documents pour éviter d'avoir des comptes à rendre et d'être tenu légalement responsable d'une terrible tragédie. Il s'agit, bien sûr, de la destruction des enregistrements sonores des réunions du Comité canadien du sang durant lesquelles celui-ci a pris, au sujet du système canadien de collecte et de distribution du sang, d'importantes décisions ayant un rapport avec l'affaire du sang contaminé. Dans un cas, un fonctionnaire à Transports Canada a cherché à faire détruire tous les exemplaires d'un rapport de vérification peu flatteur pour éviter d'avoir à le communiquer en réponse à une demande d'accès. Dans l'autre cas de ce type, qui a fait plus de bruit, des officiers du MDN ont modifié des documents avant de les communiquer en réponse à une demande de renseignements. Dans ce dernier cas, les documents en question n'étaient pas de nature particulièrement délicate. On y proposait des réponses à d'éventuelles questions de la part des médias.
Ce qui était embarrassant pour le MDN, c'est qu'il avait communiqué officieusement une version modifiée de ces documents à un journaliste, qui avait ensuite présenté une demande officielle d'accès à ces documents. Le MDN ne voulait pas que ce journaliste découvre que le ministère était loin d'avoir tout révélé lors de la première demande. On a donc modifié la réponse officielle pour la rendre conforme à une réponse officieuse. Un cadre a aggravé les choses en demandant à une secrétaire de détruire les documents originaux afin que personne ne sache que des modifications y avaient été apportées.
Dans chacun de ces trois cas, des cadres ont participé à ces manoeuvres inacceptables. Au MDN, deux officiers ont été traduits devant le tribunal militaire. L'un d'entre eux a été acquitté de l'accusation d'avoir supprimé un dossier et commis un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline. L'autre a été accusé d'avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document et d'avoir été négligent dans l'exécution de ses tâches. Il a plaidé coupable à l'accusation de négligence, reçu une réprimande et été condamné à une amende de 2 000 $. L'incident concernant les enregistrements du Comité du sang fait actuellement l'objet d'une enquête menée par la GRC. En ce qui concerne Transports Canada, aucune mesure disciplinaire n'a été prise contre le fonctionnaire qui a essayé de détruire le rapport de vérification embarrassant.
La plupart des fonctionnaires sont des professionnels honorables et intègres. Cependant, dans toute organisation de grande taille, on trouve des personnes malhonnêtes à tous les niveaux. Même parmi les gens les plus probes, certains ne comprennent pas bien les obligations qu'ils ont envers le public à titre de fiduciaires des ressources d'information fédérales. Bien que la Loi sur l'accès à l'information soit en vigueur depuis 16 ans, beaucoup croient encore être les propriétaires des documents qu'ils produisent et détiennent. Il arrive même de temps à autre aux fonctionnaires les plus minutieux d'enlever et de détruire les papillons adhésifs fixés à des documents, et bien peu d'employés songent à leurs obligations légales avant de supprimer du courrier électronique et des messages vocaux. Une fois le projet de loi C-208 adopté, les fonctionnaires seront très motivés à agir comme des dépositaires consciencieux, plutôt que comme les propriétaires des documents gouvernementaux. Les fonctionnaires se soucieront beaucoup plus de faire le nécessaire pour qu'on élimine des documents conformément aux autorisations obtenues de l'Archiviste national. C'est la Loi sur les Archives nationales, et non la Loi sur l'accès à l'information, qui établit les règles régissant la manière d'éliminer les documents gouvernementaux.
Le projet de loi C-208 prévoit qu'une intervention visant à entraver le droit d'accès est une condition à remplir pour qu'il y ait infraction, et je m'empresse de me déclarer en faveur de cette condition. Nous voulons que les fonctionnaires gèrent les documents avec minutie et intégrité, mais il ne faut pas les effrayer au point de les rendre apathiques et incapables de prendre les décisions quotidiennes qui s'imposent concernant l'élimination des documents. Cela ne serait pas dans l'intérêt public. À mon avis, le projet de loi dont vous êtes saisis réalise un juste équilibre en ce sens qu'il met les fonctionnaires en garde contre la commission d'actes visant à entraver délibérément le droit d'accès, tout en leur garantissant que les décisions éclairées et prises de bonne foi, même si elles ne sont pas toujours judicieuses, ne donneront pas matière à condamnation et à sanction.
Monsieur le président, je suis maintenant à votre disposition pour répondre aux questions des membres du comité.
Le président: M. Reid vient de nous expliquer, à l'aide de divers exemples, les raisons pour lesquelles il faut adopter ce projet de loi. Les quelques exemples qu'il nous a cités concernent la période du mandat de son prédécesseur, John Grace. Il estime que ce projet de loi incitera vivement les fonctionnaires à agir comme des dépositaires consciencieux des documents gouvernementaux. Il est en faveur du projet de loi.
Monsieur Reid, l'un des témoins que nous avons reçus hier nous signalait que nous n'avons pas de loi au Canada concernant la gestion des documents publics -- du moins, aucune loi qui serait comparable à celles qui existent dans d'autres pays. Quel est votre avis et celui de vos collaborateurs à ce sujet? Faut-il une telle loi au Canada?
M. Reid: Nous en avons déjà une. La Loi sur les Archives nationales explicite de quelle façon, pour quelles raisons et dans quelles conditions on peut détruire les documents et quels documents doivent être conservés et remis aux Archives nationales.
Le président: Oui, la discussion entre moi-même et le témoin concernait la prise de notes et la création de documents au sein de l'appareil gouvernemental. Dans certains pays, semble-t-il, il existe une loi qui précise de quelle manière et dans quelles circonstances cela doit se faire. Le témoin -- il s'agissait en fait de M. Rubin, que vous avez sans doute rencontré en juillet dernier, sinon avant -- disait justement que nous avons besoin de ce genre de loi au Canada. Est-ce que vous ou votre prédécesseur auriez envisagé cette possibilité?
M. Reid: Il a raison. Il n'existe pas de loi au Canada prévoyant obligatoirement la création de documents, selon les conditions que vous venez de décrire. Et nous ne nous sommes pas interrogés jusqu'à présent sur la nécessité de créer une telle loi au Canada.
Le président: Monsieur Leadbeater.
M. Alan Leadbeater, sous-commissaire à l'information du Canada: Monsieur le président, les États-Unis, par exemple, ont une loi sur les archives publiques exigeant que les fonctionnaires, dans l'exercice de leur mandat, créent des dossiers qui documentent de façon adéquate leurs principales activités et décisions et les considérations qui les ont portés à diverses démarches. C'est d'ailleurs une question qui nous préoccupent, puisque certains fonctionnaires visés par la Loi sur l'accès à l'information se sont dit par le passé que la meilleure façon de se protéger serait de cesser de prendre des notes et de préparer les procès-verbaux de réunions, et cetera. C'est probablement une ligne de conduite mal avisée, puisque la loi prévoit suffisamment d'exemptions pour assurer cette protection. Mais nous avons effectivement examiné la possibilité d'incorporer dans la Loi sur les Archives nationales une disposition semblable à celle que renferme la loi américaine. Notre bureau a d'ailleurs présenté plusieurs recommandations, entre autres celle que je viens d'évoquer relativement à cet aspect-là de la vie utile d'un document.
Le président: Avez-vous recommandé une initiative législative?
M. Leadbeater: Oui, il s'agirait de modifier la Loi sur les Archives nationales, pour exiger non seulement la conservation de documents, avec l'approbation de l'archiviste, mais la création de dossiers qui documentent de manière adéquate les activités, considérations et décisions des fonctionnaires dans l'exercice de leur mandat.
Le président: Et où en est votre recommandation?
M. Leadbeater: Nous avons communiqué cette recommandation au gouvernement et au Parlement. Cela a été fait en 1993-1994, et nous avons également recommandé à l'époque que la Loi elle-même fasse l'objet d'un examen. Jusqu'à présent, aucune mesure n'a été prise pour y donner suite.
Le président: Le prédécesseur de M. Reid a-t-il fait des recommandations concernant d'autres éventuelles modifications à apporter à la Loi?
M. Leadbeater: Oui, il y a en tout 43 recommandations, qui visent toute une série d'éléments, soit les exclusions, les pouvoirs, la méthode de nomination du commissaire, et cetera.
Le président: Présentez-vous des rapports réguliers à un comité parlementaire de la Chambre des communes, un peu comme le commissaire aux langues officielles, par exemple, qui se présente devant le Comité mixte des langues officielles? Existe-t-il un comité semblable dans votre domaine d'activité?
M. Reid: Nous sommes responsables devant le Comité de la Justice de la Chambre des communes. D'après mon prédécesseur, il y a une discussion générale au comité sur le rapport proprement dit, mais aucune mesure n'est prise, notamment par le comité, pour donner suite aux demandes présentées.
Le président: Il y a quelques semaines, nous avons eu le plaisir au Sénat d'accueillir en comité plénier le Commissaire à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips. Cela s'est très bien passé, et c'est un exercice qu'il faudrait répéter plus souvent. Ce serait quelque chose à envisager.
M. Reid: Je serais ravi de le faire.
[Français]
Le sénateur Gill: Je siège à ce comité depuis peu. Je ne sais pas si le sujet des incidences que cette loi peut avoir sur l'information a déjà été abordé lorsqu'il y a eu une délégation de responsabilités du gouvernement et une délégation à une tierce partie. Quelle est l'incidence de cette loi sur ceux qui reçoivent l'autorité ou à qui on a délégué l'autorité dans un domaine de gestiont? Comment la loi s'applique-t-elle et quelle incidence cela peut-il y avoir sur ceux qui ont reçu un mandat par délégation?
M. Daniel Brunet, avocat général, Commissariat à l'information: Si je comprends bien votre question, vous demandez quel est l'effet, en vertu de la loi, la modification proposée au projet de loi C-208, à l'égard de ceux à qui le ministre délègue le pouvoir de prendre une décision sur le refus ou le fait de donner accès à de la documentation?
Le sénateur Gill: Dans certains cas, le gouvernement ou un ministère délègue une autorité quelconque sur une partie de programme ou une partie de services à l'entreprise privée ou à des organismes municipaux ou, par exemple, à des organismes autochtones à partir du ministère des Affaires indiennes.
Dans le cas des budgets décentralisés, nous donnons une autorité, nous transférons une délégation d'autorité. Est-ce que cela s'applique aux gens qui reçoivent cette délégation d'autorité? Quel impact cela peut-il avoir sur les gens? Normalement, c'est la responsabilité dugouvernement.
M. Brunet: La loi s'applique seulement aux documents qui sont en possession des ministères, des institutions gouvernementales. La Loi sur l'accès à l'information ne s'applique pas aux activités du secteur privé, ou, par exemple, par des bandes autochtones. Ce ne sont pas les institutions gouvernementales. La loi s'applique aux institutions fédérales couvertes par le régime. L'article proposé dans le projet de loi C-208 s'adresse aux fonctionnaires. Ce sont les fonctionnaires qui, dans l'accomplissement de leurs tâches, s'il y a un ou l'autre des actes qui est visé à l'article 67.1(a), commis par un fonctionnaire, celui-ci s'expose à une responsabilité criminelle et à devoir répondre devant une cour de justice du fait qu'il a détruit de la documentation. C'est cela que vise le projet de loi.
Le sénateur Gill: La gestion devrait normalement être faite par le gouvernement, par des fonctionnaires au niveau gouvernemental, au sein d'un ministère quelconque. Si ce ministère ou cette organisation décide de décentraliser une partie de ses responsabilités ou de son programme à une autre partie, cela se fait par délégation d'autorité. C'est une délégation que le fonctionnaire ou le ministère fait par le biais de tiers. Ces tiers ne doivent-ils pas prendre la même responsabilité qui est assumée normalement par le gouvernement pour l'accès à l'information et pour tout ce qui y est relié?
M. Brunet: Je vous répondrai de façon générale mais pour répondre à un cas pratique, il faudrait voir ce que prévoit cette loi en particulier. Si nous avions un cas pratique où l'on parle de la nature de la délégation dont on parle, de quoi parle-t-on exactement? Si c'est une entente contractuelle pour gérer qui est confiée à l'entreprise privée, ce n'est pas une institution fédérale gouvernementale. Vous comprenez?
Le sénateur Gill: Oui.
[Traduction]
M. Leadbeater: Par exemple, lorsque les services de contrôle de la circulation aérienne étaient assurés au Canada par des fonctionnaires travaillant pour Transports Canada, les documents qu'ils utilisaient quotidiennement étaient visés par la Loi sur l'accès à l'information. Mais ces services sont assurés à présent par NAV CAN, qui est une entreprise privée, et ces documents ne sont donc pas visés par la Loi sur l'accès à l'information. Par conséquent, si NAV CAN décidait de détruire des documents, ce ne serait pas pour entraver le droit d'accès à l'information, car cet organisme n'est pas visé par la Loi en question. Mais vous avez raison de dire que les décisions prises par le gouvernement sur la prise en charge de certaines fonctions vont influer sur le champ d'application de ce projet de loi. Celui-ci ne s'appliquera qu'aux organismes qui sont actuellement visés par la Loi sur l'accès à l'information.
M. Reid: C'est un peu préoccupant en ce qui me concerne, étant donné que NAV CAN continue de remplir ce qu'on pourrait appeler un mandat public, mais il a été décidé qu'elle ne devrait pas être visée par la Loi sur l'accès à l'information. À mon avis, lorsque le gouvernement décide de transférer certaines responsabilités à d'autres organismes, ces derniers devraient continuer d'être visés par la Loi sur l'accès à l'information, du moment que leurs principales tâchent correspondent à un service public. Par exemple, il est question de créer de nouvelles agences spéciales, entre autres une agence spéciale qui sera chargée de percevoir les impôts. On peut supposer que cette dernière continuera d'être visée par la Loi sur l'accès à l'information, mais il sera intéressant de voir exactement ce qui sera décidé en fin de compte. Je crains que nous affaiblissions le droit d'accès des citoyens aux documents si nous décidons que la Loi ne s'appliquera pas à certains organismes. NAV CAN en est justement un excellent exemple.
Le président: Parcs Canada a déjà été transformé en agence semi-gouvernementale. Elle va sûrement être assujettie à la Loi sur l'accès à l'information.
M. Reid: Oui, elle l'est déjà.
Le président: Et j'imagine que la nouvelle Agence des douanes et du revenu du Canada sera également visée par la Loi sur l'accès à l'information. Il s'agit de fonctionnaires qui administrent une loi du Parlement. Peut-on dire que NAV CAN administre également une loi du Parlement ou des règlements d'accompagnement?
M. Reid: À mon avis, sa situation a changé. Il est clair que cet organisme exerce des fonctions publiques, et de plus, il n'a pas de concurrents.
Le président: Autrement dit, il détient un monopole.
M. Reid: Oui, effectivement. À ce moment-là, cet organisme relève de la responsabilité du gouvernement fédéral.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Je ne suis pas du tout contente des pénalités qui s'appliqueront aux gens qui commettent des actes criminels et qui sont passibles d'un emprisonnement maximal de deux ans et d'une amende de 10 000 dollars. L'autre infraction est passible d'une peine de six mois d'emprisonnement et d'une amende maximale de 5 000 dollars. Je trouve cette mesure très dérisoire. Je crois que c'est vraiment jouer avec l'intelligence des gens.
Il faut penser que nous avons une société dans laquelle il y a des individus très informés et ils sont passibles à un emprisonnement de deux ans ou d'une amende de 2 000 dollars et, dans le deuxième cas d'une amende 5 000 dollars. Je ne suis pas d'accord du tout. Il n'est pas difficile de trouver 10 000 dollars pour payer une amende ou pour sortir de prison pour une personne qui commet un acte criminel.
Au nom de l'intelligence de nos concitoyens, je crois que même avec l'intervention des policiers, il y avait des infractions, dont la peine était fixée à des montants supérieurs, qui était toujours remises jusqu'à ce que la loi soit adoptée à la Chambre des communes.
Je ne suis pas d'accord. Ce projet de loi ne s'applique pas à la Loi sur la protection des renseignements personnels qui fait partie intégrante de la Loi sur l'accès à l'information. Ne pensez-vous pas que cette loi devrait s'appliquer également aux deux lois parce que vous couvrez un certain champ d'information mais vous ne tenez pas compte des autres qui sont aussi importants. Cela représente l'intégrité de l'individu canadien. J'aimerais que vous m'expliquiez cela s'il vous plaît.
[Traduction]
M. Reid: Je vous signale que ce serait la première fois que la Loi sur l'accès à l'information prévoit des amendes. La Loi prévoit toute une série de calendriers d'exécution et d'obligations aux fonctionnaires, mais aucune pénalité, sauf dans des cas d'obstruction. Il s'agirait donc de la première fois qu'on inflige une amende importante. Deuxièmement, l'amende prévue pour les cas d'obstruction se monte à environ 1 000 $, si je ne m'abuse. Il s'agirait donc d'une augmentation considérable des amendes pour des infractions plus graves, de sorte que les amendes traduiraient la gravité de l'infraction. Mais j'insiste surtout sur le fait qu'il s'agirait là d'une modification importante à la Loi sur l'accès à l'information -- la première modification importante à y être apportée, à part celle concernant les déficiences sensorielles; et en proposant une amende, elle renforce à mon avis la Loi actuelle. Sur le plan psychologique, c'est un excellent changement, à notre sens. Mais pour ce qui est de l'importance des amendes prévues, je demanderais à M. Leadbeater de compléter ma réponse à ce sujet.
M. Leadbeater: Je ne sais pas au juste qui serait le mieux placé pour déterminer quelle amende devrait correspondre aux différents types d'inconduite. Cette amende, quelle que soit son importance, mettra un terme à la carrière de tout fonctionnaire condamné. Le coupable pourrait avoir à payer une amende de 5 000 $, de 10 000 $ ou de 100 000 $, ou avoir à purger une peine d'emprisonnement de cinq ou 10 ans, dans des cas très graves de destruction de documents. À votre avis, ce n'est peut-être pas tout à fait suffisant, mais rappelez-vous qu'il s'agira parfois de cas mineurs de destruction et qu'une amende aussi considérable semblera excessive. Je ne sais pas au juste comment il faut décider. Mais il s'agit d'une nette amélioration par rapport à l'actuelle amende prévue pour tout cas d'obstruction. Du point de vue de la sévérité, elle est semblable à ce que prévoit actuellement le Code criminel pour l'abus de confiance. À mon avis, elle communique un message tout à fait approprié. Mais je suis d'accord avec vous pour dire qu'il est difficile de fixer le montant de l'amende, très difficile.
En ce qui concerne l'autre question que vous avez soulevée, vous avez parfaitement raison. La possibilité d'atteinte au droit à la protection de la vie privée par suite de la destruction de documents est tout aussi inacceptable que lorsque l'accès à l'information est en cause. Les particuliers ont le droit de demander à voir leur propre dossier, de l'examiner, et de le faire corriger s'il contient des erreurs. Si quelqu'un détruit des documents pour vous empêcher de voir votre propre dossier, c'est tout aussi inadmissible. Les cas concrets d'incidents de ce genre ont concerné la Loi sur l'accès à l'information. Voilà ce qui a motivé à mon avis le dépôt de ce projet de loi d'initiative parlementaire. Mais je ne suis pas en désaccord avec vous lorsque vous dites que cela concerne également la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Est-il possible d'ajouter les renseignements personnels à ce projet de loi C-208? Nous parlons des renseignements concernant le gouvernement et d'autres entreprises gouvernementales telles la fonction publique et les fonctionnaires. Tant qu'ils sont de même caractère, pourquoi laisser de côté la protection des renseignements personnels sans les intégrer dans ce projet de loi? Qu'ils soient de nature gouvernementale ou personnelle, ce sont des renseignements dont la protection est détruite.
[Traduction]
M. Reid: Monsieur le président, il sera possible de le faire, car la Loi sur la protection des renseignements personnels est actuellement à l'étude à la Chambre des communes dans le cadre de l'examen du commerce électronique. Cette étude porte spécifiquement sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, et elle offre l'occasion aux sénateurs et aux députés de la Chambre des communes d'y apporter les modifications appropriées.
Le sénateur Butts: Merci infiniment pour votre exposé, monsieur Reid. J'ai besoin de votre aide. Je comprends mal certaines de vos affirmations. C'est peut-être parce que je n'ai pas eu le temps de lire votre mémoire à l'avance. Vous parlez de trois cas particuliers, mais sur combien en tout? J'imagine que des millions de documents passent dans le système tous les jours. Je suppose que vous n'êtes pas en mesure de me dire combien d'entre eux ont fait l'objet d'une enquête, par exemple. J'ai compris qu'il y a eu trois enquêtes. Si seulement trois documents sur plusieurs millions ont dû faire l'objet d'une enquête, à mon avis, nous n'avons pas besoin d'une loi.
M. Reid: Dans ces cas précis, trois documents très importants avaient été modifiés. Comme je vous le faisais remarquer tout à l'heure, de façon générale, la Loi donne de bons résultats, et nous ne rencontrons pas ce genre de difficultés. Mais au cours des trois ou quatre dernières années, il y a eu quelques incidents fortement médiatisés qui concernaient des cas réels. Il est clair qu'il faut faire quelque chose, et pour moi, la proposition dont vous êtes saisis correspond à la solution.
Le sénateur Butts: Mais dans ces trois cas, il a été possible d'imposer des pénalités ou d'autres sanctions en l'absence de cette modification.
M. Reid: Oui, dans les cas où il était question d'actes criminels. Comme je l'expliquais tout à l'heure, dans le cas de Transports Canada, aucune mesure n'a été prise. Par contre, des mesures ont été prises dans le cas qui concernait le ministère de la Défense nationale, et nous savons tous qu'il y a eu une commission d'enquête royale sur la question du sang contaminé.
Le président: Et les employés du ministère de la Défense nationale, ont-ils été condamnés?
M. Reid: L'un des employés a été acquitté, et l'autre, condamné.
M. Leadbeater: Il avait plaidé coupable. Mais notre expérience démontre que ce n'est pas une situation typique. Il est très rare que des fonctionnaires détruisent les documents en vue d'entraver le droit d'accès; vous avez tout à fait raison. Personne ne prétendrait que ce genre de chose se produit tous les jours. Dans le cadre de nos enquêtes -- et nous en menons environ 1 500 par année -- nous allons peut-être trouver chaque année un ou deux cas où un document aura été enlevé d'un dossier; des fois il s'agit de notes écrites à la main sur le document qui sont effacées avant d'être remis à l'auteur de la demande, ou de petites notes écrites sur des autocollants qui sont enlevés. Dans bon nombre de cas, ces actes sont le résultat d'ignorance de la part de fonctionnaires qui ne savent pas ce que désigne le terme «document». Les gens pensent qu'un «document» est obligatoirement un document officiel. Mais en réalité, c'est tout ce qui existe. À mon avis, ce changement va encourager les fonctionnaires à s'assurer de mieux comprendre leurs obligations.
Le sénateur Butts: Donc, plutôt que trois, c'est 1 500 le chiffre qui m'intéresse. Ça m'aide un peu. J'aimerais savoir en savoir plus long sur le rapport entre les Archives nationales, la Loi sur les Archives nationales et ces fonctionnaires. Votre mémoire indique que la Loi sur les Archives nationales explicite les règles à suivre pour le déclassement ou la destruction de documents gouvernementaux. Est-ce que cela veut dire qu'un responsable des Archives nationales donne l'autorisation ou non de détruire certains documents? Qu'est-ce qui se passe au juste? Quelle est la procédure à suivre?
M. Leadbeater: La Loi sur les Archives nationales prévoit des calendriers de déclassement ou de destruction de différentes catégories de documents que tient chaque institution gouvernementale. Les documents éphémères -- c'est-à-dire de petites notes prises lors de conversations téléphoniques, des ébauches, et cetera. -- peuvent être détruits sans l'autorisation de l'Archiviste national. Par contre, les documents de fond -- dans notre bureau, il s'agirait de nos dossiers individuels, de nos documents d'enquêtes, et cetera. doivent être examinés par les archivistes des Archives nationales avant de pouvoir être détruits. C'est-à-dire que l'archiviste prend des échantillons et les garde pour la postérité. Les responsables des Archives nationales nous fixent des dates précises; c'est-à-dire que nous sommes autorisés à détruire les documents après 10 ou 15 ans, selon le cas. Comme cette procédure est en place, les gens qui ont recours à la Loi sur l'accès à l'information ont la certitude que les documents qu'ils demandent existent toujours; autrement dit, ils n'ont pas été détruits peu de temps après avoir été créés.
Le sénateur Butts: Ainsi la responsabilité des fonctionnaires n'est pas aussi importante que je le croyais. Toutes ces décisions sont prises par un tout autre groupe. Vous aurez peut-être un jour à mener une enquête sur l'autre groupe, plutôt que sur des fonctionnaires. J'ai posé la même question de façon un peu différente hier quand j'ai demandé ceci: «Est-ce que l'employé qui se contente d'observer la consigne risque de devenir bouc émissaire?»
Si les responsables des Archives autorisent un fonctionnaire à détruire un document, et que cinq ans plus tard, on découvre un problème -- comme c'était le cas pour les prothèses mammaires -- qui va payer les pots cassés?
M. Reid: Si ce document est détruit conformément au calendrier fixé par l'Archiviste national, selon les prescriptions de la Loi, il s'agit à ce moment-là d'une destruction légitime, et la Loi proposée ne s'appliquera pas. Il s'agirait alors de l'exercice approprié des pouvoirs prévus par la loi. Par contre, le projet de loi C-208 prévoit des sanctions lorsque des documents sont détruits sans que ce genre d'autorisation ait été accordé.
Le sénateur Butts: Mais quelqu'un pourrait peut-être faire un faux document d'autorisation des Archives.
Le président: Je remercie M. Reid et ses collègues du Commissariat de l'information. Vous avez tous été très utiles. Nous passons au témoin suivant.
Nous accueillons maintenant M. Michael A. Dagg, président de l'Association canadienne d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels, ainsi que Mme Jacqueline Bilodeau, ancienne présidente de cette association. Ils nous ont fait parvenir un mémoire, que vous avez actuellement sous les yeux.
Vous avez la parole.
M. Michael A. Dagg, président, Association canadienne d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels: Je suis très heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de présenter les vues de l'Association aux sénateurs membres du comité. Il s'agit d'une question très importante. D'abord, permettez-moi de préciser que je me présente devant vous aujourd'hui à titre de président d'une association dont les membres sont surtout des fonctionnaires en poste aux paliers fédéral, provincial et municipal. Nous avons également d'autres membres qui travaillent dans le secteur privé. Je suis un peu unique, en ce sens que je gagne ma vie en présentant des demandes d'accès à l'information. Je ne fais pas partie de la bureaucratie, mais je partage les préoccupations des fonctionnaires. Cette loi pourrait les toucher de façon négative. Nous voulions donc saisir l'occasion de vous sensibiliser à ce problème.
Nous appuyons ce projet de loi. À notre avis, ce dernier est extrêmement important, car il faut prévoir l'obligation morale de faire les choses correctement, en fonction de certaines normes. Si vous ne faites pas les choses correctement, vous allez faire l'objet de sanctions. Mais selon ma propre expérience de demandeur, il arrive relativement peu souvent que l'accès à certains documents soit refusé sans justification, mais cela arrive. Jusqu'à présent, il n'y avait pas de mécanisme pour régler ce genre de problème. Ce projet de loi prévoit justement un mécanisme pour traiter les doléances de personnes qui sont insatisfaites du traitement de leur demande.
Notre mémoire présente nos six grandes préoccupations, et ma collègue, Jaqueline Bilodeau, va vous en parler dans quelques instants.
Maintenant j'aimerais présenter nos recommandations, et vous pouvez nous poser des questions par la suite, si vous voulez.
À mon avis, vous devez adopter ce projet de loi malgré ses prétendus défauts. Il faut absolument une mesure de ce genre. Nous recommandons également son réexamen. C'est-à-dire qu'à notre avis, le comité devrait s'engager à réexaminer la Loi dans trois ans, afin d'évaluer son succès. Lors de l'adoption de la Loi sur l'accès à l'information, cette même recommandation a été faite -- à savoir que le Parlement réexaminerait la Loi par la suite pour déterminer si elle avait donné les résultats escomptés. Cela a été fait en 1986. Il est nécessaire de réexaminer et d'actualiser les dispositions législatives pour qu'elles soient bien adaptées aux conditions de l'époque. Nous recommandons également que le Conseil du Trésor et le ministère de la Justice préparent, à l'intention des fonctionnaires, des lignes directrices sur leurs obligations en vertu de cette loi. C'est tout à fait essentiel, à notre avis. Nous demandons également que tous les fonctionnaires soient informés de leurs obligations en vertu de cette loi. Bon nombre des personnes que j'ai consultées -- il s'agit surtout de fonctionnaires -- avant de préparer ce mémoire n'étaient même pas au courant mais quand les gens entendent dire qu'ils pourraient aller en prison ou passer pour des criminels, ils commencent à s'intéresser à la question. Ça, c'est l'aspect positif. Comme vous l'expliquera ma collègue, l'autre aspect, ce sont les préoccupations de nos membres. Un document attaché à notre mémoire présente la réaction d'un de nos membres, avocat et ex-procureur, qui permet de voir le projet de loi sous un tout autre angle.
[Français]
Le président: Madame Bilodeau, avez-vous quelque chose à ajouter?
Mme Jacqueline Bilodeau, présidente sortante, l'Association canadienne d'accès à l'information et de protection des renseignements personnels: Je vais parler des préoccupations qui nous ont été soumises par quelques-uns de nos membres. L'Association canadienne d'accès à l'information est une association nationale qui comprend quelque 300 membres à l'échelle du pays et également aux États-unis, en Europe et en Australie.
Étant donné le très court échéancier dont nous avons disposé, nous n'avons pas pu rejoindre tous les membres. Néanmoins, je crois que nous pouvons regrouper en trois catégories les commentaires que nous avons reçus.
Essentiellement, il y a tout le problème de la responsabilité et des obligations qui sont imposées aux fonctionnaires et plus particulièrement au personnel travaillant dans le domaine de l'accès à l'information. Cet amendement à la loi attribue une imputabilité criminelle aux les individus et ce n'est peut-être pas tout à fait équitable.
Lorsque le sénateur Gill parle de la délégation d'autorité, très souvent la délégation des coordonnateurs d'accès à l'information des ministères vient directement du ministre qui l'a donné au sous-ministre, qui le donne aux coordonnateurs d'accès à l'information. Si jamais un document était détruit, caché ou modifié, une des préoccupations majeures des membres serait de se demander qui serait imputable. Est-ce que ce serait le coordonnateur d'accès à l'information, parce que c'est lui qui signe les réponses aux demandes d'accès à l'information, la divulgation du document puisqu'il a reçu cette imputabilité de la part du sous-ministre et du ministre, alors qu'il n'est peut-être pas au courant des erreurs, omissions ou abus de pouvoir qui ont été commis par d'autres personnes dans le ministère?
Les membres ont peur que cela crée un climat de méfiance au sein de la fonction publique qui pourrait être quelque peu contraire à l'esprit de la loi visant plutôt à faciliter l'accès du public aux documents détenus par les institutions gouvernementales. Cela pourrait également porter atteinte à la réputation des coordonnateurs d'accès à l'information et de leur personnel et également de tout fonctionnaire en dehors même du domaine de l'accès à l'information.
Même si un fonctionnaire pouvait être blanchi, il pourrait toujours y avoir un doute qui demeurerait à l'effet qu'il y a quand même une enquête criminelle qui a été effectuée. Il n'y a jamais de fumée sans feu.
Il y a également tout l'aspect de la dénonciation. Je déteste ce terme de « délateur », qui tout de suite me frappe. Je sais que nous l'utilisons beaucoup dans le Code criminel mais ce terme a une connotation très négative. Nous parlons presque d'espionnage. C'est tout le climat malsain que cela peut causer qui m'inquiète.
Les coordonnateurs de l'accès à l'information et le personnel portent deux chapeaux. Ils sont à la fois des fonctionnaires du gouvernement et responsable de l'application de la Loi sur l'accès à l'information. Où leur loyauté doit-elle résider s'ils se rendent compte que leur patron, un haut-placé, a détruit sciemment un document? Les impacts sur sa carrière peuvent être très significatifs.
D'un autre côté, s'il n'y a pas dénonciation, ce fonctionnaire peut se faire imposer des amendes importantes et même risquer d'aller en prison. C'est donc une des préoccupations des membres. Nous nous demandions si des mesures disciplinaires ne seraient pas justifiées dans le cas présent. Certains préféreraient que des mesures disciplinaires soient mises en place, que la Commission de la fonction publique gère ce processus et qu'un comité soit établi pour juger les cas d'obstruction à la loi.
Notre troisième préoccupation est le problème de la gestion des documents dont nous avons peu parlé. Nous avons dit qu'il y avait des cédules de disposition des documents et c'est exact. Nous avons la Loi sur les archives nationales. Il existe également une politique établie par le Conseil du Trésor sur le «Management of Government Information Holding» et, également, la politique sur la sécurité. En vertu de la Loi sur l'accès à l'information chaque document doit indiquer une motion de sécurité protégée avec pièce jointe et pour tel motif.
Si ce projet de loi est adopté, il faudra éduquer les gestionnaires des dossiers dans les ministères pour vraiment faire en sorte que tous les documents soient bien répertoriés et bien classifiés avant de se rendre aux Archives nationales, pour éviter qu'un employé junior détruise un document par inadvertance et se retrouve avec 5 000 dollars d'amende.
Cela résume assez bien les préoccupations de nos membres. Je parle en connaissance de cause puisque j'ai travaillé longtemps dans le domaine de l'accès à l'information. Je parle aujourd'hui au nom de l'Association canadienne d'accès à l'information et en tant que citoyenne.
Le président: Je vous remercie, madame Bilodeau. Ceci étant dit, vous partagez entièrement l'avis de votre collègue à l'effet que l'on devrait approuver le projet de loi tel quel. Vous ne proposez pas d'amendements à ce projet de loi?
Mme Bilodeau: Certains membres nous ont fait part qu'ils auraient préféré des mesures disciplinaires établies plutôt qu'un projet de loi. Ils ont suggéré un comité, par exemple, qui serait administré par la Commission de la fonction publique. Ce comité n'existe pas actuellement.
Est-ce que nous pouvons modifierle projet de loi à cette étape-ci? Je vous ai fait part des préoccupations pratico-pratiques, la vie sur le terrain.
Le président: J'apprécie ce que vous avez dit. Si je vous ai bien compris, vous n'avez pas de modifications à suggérer à ce projet de loi. Vous ne voulez pas que ce comité modifie le projet de loi. Monsieur Dagg, madame Bilodeau, représentez-vous la même association?
Mme Bilodeau: Oui. Dès le début nous avons fait quatre recommandations à l'effet que le projet de loi aille de l'avant mais qu'il y ait une révision approfondie dans trois ans des deux lois: la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur les renseignements personnels.
Le président: Au dos de votre aide-mémoire je constate qu'il y a les quatre recommandations dont la première est: «Veuillez promulguer le projet de loi», et les trois autres recommandations. Je remarque aussi, à la deuxième page: «Les préoccupations de nos membres».
[Traduction]
M. Dagg: Nous voulons surtout insister sur le fait que ce projet de loi est nécessaire et que nous sommes en faveur de son adoption. Par contre, il est important de se rendre compte que dans le contexte bureaucratique, les choses ne sont jamais si claires. Nous voulions vous faire comprendre que nos membres, qui sont des gens ayant énormément d'expérience, sont préoccupés par certains éléments du projet de loi. Et si certains de nos membres ont des préoccupations, c'est parce qu'ils travaillent dans un contexte où ce genre de difficultés peut surgir. Ils sont tout à fait convaincus que c'est eux qui vont mis en tôle. Le mécanisme prévu s'enclenchera, et ils en seront les victimes, plutôt que les personnes qui sont les vrais coupables.
Le président: Une fois que nous aurons pris une décision sur le projet de loi, le comité pourra examiner vos recommandations et décider ou non de les inclure dans un rapport ou de demander au président d'attirer l'attention du Sénat là-dessus. C'est alors que nous déciderons des mesures à prendre vis-à-vis de vos recommandations. Mais pour le moment, vous êtes d'avis qu'il faut adopter le projet de loi dans sa forme actuelle.
M. Dagg: Oui.
Le président: Je voudrais vous poser une question, qui rejoint d'ailleurs ce que disait Mme Bilodeau, à savoir que ce projet de loi ne vise pas la Loi sur la protection des renseignements personnels. Le sénateur Ferretti Barth a soulevé ce même point tout à l'heure.
Ce projet de loi ne vise pas la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui fait partie intégrante de la législation relative à l'accès à l'information. Il me semble que ce projet de loi devrait viser les deux lois. Mais cette décision pourrait avoir des conséquences négatives involontaires.
Pourriez-vous m'expliquer votre argument à ce sujet, parce que je ne suis pas sûr de bien le comprendre?
M. Dagg: J'ai demandé le renvoi d'une affaire devant la Cour suprême du Canada qui a été décidée par cette dernière en juin 1997. La Cour suprême a accepté la notion selon laquelle les deux lois doivent être interprétées ensemble. Si vous ne le considérez pas comme formant une seule loi, vous pourriez avoir des problèmes. Par exemple, la définition de renseignements personnels qu'on retrouve dans la Loi sur l'accès à l'information repose sur un article précis de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il faut bien se rendre compte que ces deux lois sont interdépendantes. Dans certains cas, un document est un document. Beaucoup de gens présentent des demandes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l'accès à l'information. Dans certains cas, ils ont peut-être pu présenter une demande uniquement en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, et pourquoi créer une situation où certaines personnes n'ont pas les mêmes droits si d'autres provinces considèrent que c'est la Loi sur l'accès à l'information qui s'applique même lorsqu'il s'agit de documents personnels.
Le président: J'aurais aimé que Mme Beaulieu soit présente; on aurait pu lui poser la question avant de prendre une décision au sujet du projet de loi. Elle n'est pas là.
Avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec elle ou avec d'autres responsables gouvernementaux?
M. Dagg: Jusqu'à présent, non. Je voulais simplement vous mettre au courant des préoccupations de certains de nos membres qui travaillent avec cette loi sur une base quotidienne.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Je remercie madame Bilodeau et monsieur Dagg pour leur présentation. Votre quatrième recommandation:
d) Nous avons besoin d'une analyse exhaustive de la Loi sur l'accès à l'information et la protection des renseignements personnels, qui a déjà 15 ans.
Est-ce que ceci ne devrait pas être un préalable à l'adoption du projet de loi C-208 parce que si nous trouvions des failles dans la Loi sur l'accès à l'information ou dans son application, ce serait le bon moment d'ajouter des éléments qui corrigeraient ce qui pourrait être déficient dans la Loi sur l''accès à l'information?
M. Dagg: Dans le passé, il y a eu plusieurs occasions d'amender la loi. Le problème est que nous n'avons pas obtenu de résultats. Si on attend pour une révision complète, nous attendrons peut-être encore deux ou trois ans. C'est un sujet très compliqué et il y a beaucoup de politique là-dedans. Il faut organiser le consensus du Parlement afin d'obtenir une loi que tout le monde puisse abroger. Là se situe le problème. Il faut organiser la situation. Nous avons maintenant un problème particulier avec les ministères de la Défense et de la Santé.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous ne jugez pas qu'il soit nécessaire de faire cette analyse exhaustive de la Loi sur l'accès à l'affirmation avant l'adoption du projet de loi C-208?
M. Dagg: Non.
Le sénateur Lavoie-Roux: Si après coup on faisait cette étude exhaustive et qu'on trouvait des lacunes sérieuses ou devant être corrigées, nous reviendrions par la suite?
M. Dagg: C'est pourquoi nous avions suggéré la recommandation numéro deux. Remarquez que le projet de loi sur l'accès à l'information au Québec prévoit une amende pour les fonctionnaires ne suivant pas la loi, mais nous nous demandons combien de temps ils ont utilisé cette clause. Dix ans après l'adoption de la loi, il y a eu un cas très sévère et ils ont congédié certains fonctionnaires à cause d'un problème de fuites de renseignements personnels. Ceci n'était même pas prévu dans la loi. Ils ont utilisé d'autres moyens. Pour le moment, nous pensons qu'il y a une lacune dans la loi fédérale à cause du manque de clauses proposées dans le projet de loi C-208.
Le sénateur Lavoie-Roux: Selon vous, le projet de loi C-208 vient corriger certaines lacunes de la Loi sur l'accès à l'information, mais il faudrait poursuivre l'analyse de l'application de la Loi sur l'accès à l'information pour être bien certains que s'il existe d'autres déficiences, elles soient corrigées?
M. Dagg: Oui. Il existe beaucoup d'autres déficiences. Une révision de ce genre exige un effort important du Parlement afin d'arriver à un résultat acceptable.
Le sénateur Lavoie-Roux: Dans la Loi sur l'accès à l'information telle qu'elle existe aussi, il n'y avait pas de dispositions pour une révision après une certaine période de temps?
M. Dagg: Il y a eu révision trois ans après la mise en vigueur de la loi, mais ils n'ont pas voulu revoir la question. Nous avons eu seulement une révision exhaustive en 1996.
Le sénateur Lavoie-Roux: Au Québec, la Loi sur l'accès à l'information fait-elle encore problème?
M. Dagg: Oui.
Le sénateur Lavoie-Roux: Vous suggérez l'adoption du projet de loi mais en prenant garde de le réexaminer dans trois ans. Et même avant cette période de trois ans vous suggérez l'examin de la Loi sur l'accès à l'information. Est-ce cela votre message?
M. Dagg: Oui.
Mme Bilodeau: Il est certain que dans un monde idéal, il serait préférable que la Loi sur l'accès à l'information ait déjà fait l'objet d'une étude plus approfondie. Nous avons entendu le témoignage du commissaire à l'information, M. Reid, où il mentionnait que son prédécesseur, M. John Grace, avait soumis 43 recommandations pour faire modifier la loi et depuis 1992 rien ne s'est produit.
Ce projet de loi ne touche qu'à un aspect de la loi, c'est un ajout mais cela ne modifie pas le reste de la Loi sur l'accès à l'information qui, à mon avis, devrait être revue parce que c'est une loi qui date quand même de 15 ou 16 ans. Depuis 1983 beaucoup de choses ont changé. De plus en plus nous parlons de documents électroniques. Je crois qu'il est important d'examiner cette loi et de la mettre au goût du jour. Si nous pouvions le faire au même moment que la révision de la Loi sur les renseignements personnels, le projet de loi C-54, tant mieux mais je ne sais pas si cela est possible.Le projet de loi est à l'étape de la troisième lecture. Ce sont nos recommandations.
Le sénateur Lavoie-Roux: Concernant le projet de loi sur l'accès à l'information, avec l'avènement de l'électronique et de l'Internet, est-ce que la Loi sur l'accès à l'information devient plus susceptible d'être enfreinte? C'est un des aspects qui devraient être examinés afin de s'assurer que c'est étanche. Il serait facile pour un fonctionnaire de passer sur Internet une information quelconque.
M. Dagg: Je reçois des documents électroniquement et je reçois des réponses électroniquement. Il n'y a aucun règlement qui contrôle ce genre d'accès.
Le sénateur Lavoie-Roux: C'est moins étanche que ce ne l'était au début?
Mme Bilodeau: Beaucoup de fonctionnaires considèrent un courriel comme n'étant pas vraiment un document.
Le président: Je tiens à remercier nos deux témoins. Je vais vous la question habituelle, à savoir si vous êtes prêts à procéder à l'étude du projet de loi article par article, étant donné qu'il n'y a qu'un seul article à ce projet de loi.
[Traduction]
Ce projet de loi n'a qu'un seul article.
Le sénateur Butts: Honorables sénateurs, je propose que le comité procède immédiatement à l'examen article par article du projet de loi C-208.
Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des sénateurs: D'accord.
Le président: C'est adopté.
Je vais vous expliquer la procédure. C'est un peu comme les litanies des saints, pour ceux et celles qui les connaissent. Moi, je pose une question, et au lieu de répondre «priez pour nous», vous dites, «adopté», à moins que vous ne décidiez de nous mettre des bâtons dans les roues en proposant un amendement.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Avant que vous procédiez à vos litanies, pouvons-nous introduire dans notre rapport au Sénat une recommandation afin que la Loi sur l'accès à se l'information soit examinée?
Le président: Nous pouvons prendre cela en considération après avoir traité du projet de loi.
Le sénateur Lavoie-Roux: Je voudrais quand même que cela fasse partie du projet de loi.
Le président: Nous aurons l'occasion d'en parler.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, l'article 1 est-il adopté?
Honorables sénateurs: Adopté.
Le président: C'est adopté.
Le titre, est-il adopté?
Honorables sénateurs: Adopté.
Le président: Adopté.
Dois-je faire rapport du projet de loi C-208 au Sénat sans amendement?
Honorables sénateurs: D'accord.
Le président: D'accord. Je fais rapport du projet de loi sans amendement demain après-midi.
Le sénateur Lavoie-Roux a soulevé la question des recommandations ou préoccupations de deux de nos témoins d'aujourd'hui et la possibilité de les incorporer à notre rapport. Comme vous le savez, selon les règles, le comité doit faire rapport du projet de loi sans amendement, mais la coutume au Sénat veut que nous puissions y annexer des observations.
Par conséquent, peut-être pourrais-je vous demander de songer aux recommandations que nous ont faites M. Dagg et Mme Bilodeau. Voulez-vous recommander que le présent comité examine les effets de la loi dans trois ans? Est-ce votre souhait, sénateurs?
Le sénateur Cools: Pourquoi pas dans cinq ans? Je me demande s'il y a une raison particulière pour ce délai. C'est une recommandation tout à fait appropriée; je me demandais simplement pourquoi on avait choisi ce délai.
Le président: Il y a aussi la recommandation selon laquelle le ministère de la Justice et le Conseil du Trésor préparent des lignes directrices à l'intention des fonctionnaires pour les informer de leurs obligations aux termes du projet de loi.
Il me semble que c'est le genre de chose qui se fera automatiquement. Mais on peut toujours annexer cette recommandation. Ainsi nous demanderons que tous les fonctionnaires soient informés de leurs obligations aux termes du projet de loi. C'est sans doute une observation tout à fait pertinente.
Le sénateur Cools: Une demande n'est pas une observation. Il faudrait un libellé un peu différent. Je n'ai pas le texte sous les yeux, mais si c'est quelque chose qui va figurer dans un rapport, nous devrions plutôt dire: «Nous espérons que...» ou «Nous espérons que telle chose se réalisera...» Il faut que ce soit une recommandation, et non une demande.
Le président: Nous pouvons exhorter le gouvernement à prendre certaines mesures.
La troisième recommandation indique que nous avons besoin d'une analyse exhaustive de la Loi sur l'accès à l'information et de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui sont en vigueur depuis 15 ans. Voulons-nous entériner cette recommandation?
Le sénateur Lavoie-Roux: Sur les quatre recommandations, c'est celle-là qui me semble la plus importante.
[Français]
Le président: La recommandation faite par les témoins que nous venons d'entendre est que nous avons besoin d'une analyse exhaustive de la Loi sur l'accès à l'information et à la protection des renseignements personnels qui a déjà 15 ans. Appuyez-vous cette recommandation?
Le sénateur Ferretti Barth: Oui.
[Traduction]
Le président: Nous pouvons sans doute l'inclure dans nos observations.
Le sénateur Cools: On pourrait dire qu'une analyse s'impose.
Le sénateur Butts: Mais on parle ici de la Loi sur l'accès à l'information, et non de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
Le président: Quand j'en parlerai en Chambre, je mentionnerai les préoccupations dont M. Dagg et Mme Bilodeau nous ont fait part.
Le sénateur Butts: Mais on nous a dit que ces recommandations concernent des modifications à apporter à la Loi sur la protection des renseignements personnels.
[Français]
Le sénateur Lavoie-Roux: Il est normal que la Loi sur l'accès à l'information soit examinée, que des correctifs y soient apportés. Cela m'apparaît tout à fait légitime.
[Traduction]
Le président: Nos adjoints vont préparer un projet de rapport contenant nos diverses observations.
Le sénateur Cools: J'aimerais bien le voir.
Le président: Le sénateur Butts se fera un plaisir de vous consulter à ce sujet. On parle ici d'observations.
Le sénateur Cools: Oui, d'observations.
Le président: Elles ne font pas vraiment partie du rapport.
Le sénateur Cools: Non, elles ne font pas partie du rapport, mais quand elles sont adoptées, elles font désormais partie intégrante de ce qui est adopté par le Sénat. Ainsi elles sont un peu plus importantes. Elles ont un peu plus de poids.
Le président: Le Sénat adopte le projet de loi sans amendement. Les observations ne sont pas vraiment adoptées. Elles sont annexées à la demande du comité.
Le sénateur Cools: Tout dépend de la motion. Si elles sont intégrées au rapport sur le projet de loi, elles pourront être adoptées. Et j'aimerais bien voir ce rapport.
Le président: Le sénateur Butts en a pris bonne note et elle se mettra en rapport avec vous.
La séance est levée.