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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 36 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 9 juin 1999

Le comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, saisi du projet de loi C-66, Loi modifiant la Loi nationale sur l'habitation et la Loi sur la Société canadienne d'hypothèques et de logement et une autre loi en conséquence, et du projet de loi C-64, Loi instaurant un programme d'indemnisation pour les expositions itinérantes se réunit aujourd'hui à 15 h 55 pour examiner lesdits projets de loi.

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum.

Chers collègues, nous avons aujourd'hui un programme un peu plus chargé que prévu. Nous sommes saisis de deux projets de loi d'initiative gouvernementale, soit le projet de loi C-66 et le projet de loi C-64, et j'avais l'intention de faire l'examen article par article du projet de loi C-66 aujourd'hui même. Cependant, notre collègue, le sénateur Chalifoux, a demandé que le comité entende les témoins du Congrès des peuples autochtones, qui voudraient présenter leurs points de vue sur le projet de loi en question.

Vu l'importance de l'organisme en question, de cette mesure législative et des remarques qu'ils voudraient nous faire à ce sujet, je pensais qu'il serait approprié d'accéder à cette demande. Ils sont donc présents aujourd'hui et nous allons les entendre.

Vous vous souviendrez également qu'à la dernière réunion du comité, nous avons clairement indiqué aux représentants du gouvernement qu'ils seraient nos derniers témoins. Par conséquent, les responsables de la SCHL sont également présents. Quand nous aurons entendu les remarques des représentants du Congrès des peuples autochtones, je donnerai la parole aux responsables de la SCHL.

Ensuite, si vous le jugez souhaitable, nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi C-66.

Ensuite, nous entendrons les témoins du gouvernement au sujet du projet de loi C-64.

Mais nous devons tout d'abord régler certaines questions administratives qui concernent le budget du sous-comité des affaires des anciens combattants. Vous vous rappellerez que le sous-comité a élu un nouveau président, notre collègue, le sénateur Balfour, qui est parmi nous aujourd'hui, et que le Sénat a donné au comité un ordre de renvoi renouvelant son mandat général, qui est d'examiner et d'approfondir toute question touchant les anciens combattants. Le comité a donc transmis cet ordre de renvoi au sous-comité.

Cet automne, le sous-comité a l'intention d'aller à Charlottetown car, comme vous le savez déjà, c'est là que se trouve l'administration centrale du ministère des Affaires des anciens combattants. À cette fin, il a donc présenté un budget -- que vous avez sous les yeux -- de 17 500 $. Le président demande donc une motion d'adoption du budget du sous-comité.

Le président du sous-comité est présent, si jamais vous désirez lui poser des questions à ce sujet.

Est-ce que l'un d'entre vous voudrait proposer une motion d'adoption du budget?

Le sénateur Gill: J'en fais la proposition, monsieur le président.

Le président: Si vous n'avez pas de questions à poser au président du sous-comité, nous allons mettre la question aux voix. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: Le budget est donc adopté. Je remercie le sénateur Balfour de sa présence.

Passons maintenant au projet de loi C-66. Nous recevons cet après-midi les représentants du Congrès des peuples autochtones, dont le président, Harry W. Daniels, qui est assis en face de vous, connaît bien les membres des comités parlementaires. Il est accompagné de Frank Palmater, vice-président, et de Lorraine Rochon, chef de cabinet.

Je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire à faire, monsieur Daniels.

M. Harry W. Daniels, président, Congrès des peuples autochtones: Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de m'excuser auprès du comité d'avoir chambardé votre programme. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir accepté de nous entendre.

Le Congrès des peuples autochtones est un organisme national dont le rôle consiste à défendre et à protéger les intérêts de ses membres autochtones -- c'est-à-dire des Métis, des Indiens inscrits et non inscrits, et des personnes d'origine autochtone visées ou non par un traité qui vivent hors réserve. Nos membres sont au nombre de 800 000 et constituent le plus important groupe de citoyens autochtones dans tout le Canada.

Nous avons eu l'occasion d'examiner le projet de loi C-66, et je dois vous dire, sénateurs, qu'il nous préoccupe beaucoup. Cette mesure législative apporte des changements de fond, plutôt que mineurs, à la Loi nationale sur l'habitation. Par exemple, elle va permettre d'assurer des prêts à l'habitation dans les réserves sans garantie du MAINC. Nous sommes très contents de ce changement, qui n'est pas un changement superficiel; ses effets sur les peuples autochtones seront au contraire très importants.

De même, le projet de loi élimine les obstacles associés aux prêts que peuvent demander les propriétaires d'habitations urbaines pour des fins de rénovation; là, aussi, il s'agit d'un changement de fond sur lequel nous sommes tout à fait d'accord.

Nous appuyons également l'idée d'élargir le mandat de recherche de la SCHL pour qu'il comprenne le financement à l'habitation et l'abordabilité des logements. Ce changement aura, j'en suis sûr, une incidence considérable sur le genre de projets de recherche que financera la SCHL. En fait, nous avons certaines idées sur la question de l'abordabilité des habitations que nous aimerions communiquer à la SCHL en temps et lieu.

Par contre, les aspects positifs du projet de loi paraissent dérisoires par rapport aux répercussions fort négatives de certaines de ces dispositions sur les peuples autochtones. Par exemple, le projet de loi abroge l'article 95 de la Loi nationale sur l'habitation. L'article 95 constitue le fondement législatif du Programme de logement pour les autochtones en milieu urbain, d'autres programmes d'habitation à but non lucratif, et d'une bonne partie du Programme de logement pour les ruraux et les autochtones. Qu'arrivera-t-il au programme de logement à but non lucratif une fois que cette disposition aura été abrogée?

De plus, le projet de loi ajoute un nouvel article qui donnera à la SCHL des pouvoirs considérables puisque cette dernière pourra désormais consentir des prêts ou faire des contributions visant des ensembles d'habitation et fixer des conditions et modalités relatives à ces mêmes prêts ou contributions. Quelle sera l'incidence de cette disposition sur les habitations autochtones actuelles? La SCHL s'emparera-t-elle de ce qu'elle considère être les revenus excédentaires des sociétés d'habitation autochtones? Quand je lis l'article proposé, j'ai l'impression que ce sera possible.

Après l'adoption de ce projet de loi, la Loi nationale sur l'habitation ne mentionnera guère le logement social. Nous ne sommes pas d'accord pour que la SCHL abandonne son rôle dans le domaine du logement social.

De plus, le projet de loi C-66 élimine toute référence aux peuples autochtones dans la Loi nationale sur l'habitation. Je crois comprendre que nous serons désormais considérés comme des «personnes». Mais les peuples autochtones du Canada sont des peuples distincts, comme le précise d'ailleurs l'article 35 de la Constitution. Le gouvernement fédéral est d'accord là-dessus. Où retrouve-t-on cette reconnaissance des peuples indiens, métis et inuits du Canada dans le projet de loi C-66?

Les lacunes de ce projet de loi nous préoccupent tout autant que les dispositions qu'il propose. Le projet de loi C-66 est censé traduire le résultat d'une révision complète de la Loi nationale sur l'habitation. Il s'agit en fait de la première révision de la loi depuis plusieurs dizaines d'années. Pour le gouvernement fédéral, c'était l'occasion rêvée de respecter les engagements qu'il a pris vis-à-vis des peuples autochtones dans le livre rouge du Parti libéral et dans le rapport intitulé: «Rassembler nos forces».

Dans ce document, «Rassembler nos forces», le gouvernement reconnaît que l'un des éléments les plus importants pour créer un sentiment de bien-être chez les gens est justement l'accès à des habitations de qualité élevée.

Où sont donc les programmes d'habitation pour les autochtones vivant en dehors de la réserve? J'aimerais savoir ce que la SCHL compte faire face à la pénurie de logements touchant les autochtones vivant hors réserve; seulement à Ottawa, il y a plus de 800 personnes sur la liste d'attente. Plus de 400 Indiens et Métis âgés attendent des unités de logement spécial et la situation est encore plus grave dans l'ouest du pays. En ce qui nous concerne, c'est tout à fait inadmissible.

Dans «Rassembler nos forces», le gouvernement fédéral s'est engagé à réaliser l'autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones. Il dit ceci:

Le gouvernement fédéral est prêt à envisager différentes démarches en matière d'autonomie gouvernementale, y compris la création d'établissements tout à fait autonomes, le transfert des programmes et services, et des gouvernements populaires.

Pourquoi alors le projet de loi C-66 est-il muet sur la question de l'autonomie gouvernementale? Pourquoi la SCHL ne peut-elle pas transférer aux peuples autochtones la responsabilité des programmes d'habitation pour les autochtones?

Quand DRHC a cessé de dispenser lui-même les programmes de formation, il a transféré la responsabilité des programmes de formation des autochtones non pas aux provinces, mais aux organismes autochtones. Pourquoi la SCHL ne peut-elle pas en faire autant pour les programmes d'habitation destinés aux autochtones?

Dans «Rassembler nos forces», le gouvernement fédéral a promis d'établir de nouvelles relations avec les peuples autochtones. Dans ce document, le gouvernement du Canada déclare qu'il est d'accord avec la notion sous-jacente, à savoir que l'élaboration et la mise en application des politiques et la prestation des programmes et services devraient traduire le caractère de ces nouvelles relations.

Et que fait ce projet de loi pour établir ces nouvelles relations avec les peuples autochtones? Il élimine toute référence aux peuples autochtones dans la Loi nationale sur l'habitation. Il ne prévoit aucunement que nous participions à l'élaboration des politiques ou à la prestation des programmes. Il ferme les yeux sur notre qualité de peuple distinct et ne reconnaît aucunement la responsabilité fédérale vis-à-vis des peuples autochtones.

Si c'est à cela que fait allusion le gouvernement fédéral en parlant de nouvelles relations, ne venez pas demander à notre organisme de soutenir cette mesure législative. À mon avis, cependant, il serait encore possible de la récupérer si nous y apportions un certain nombre d'amendements clés.

D'abord, nous proposons d'ajouter au projet de loi un article permettant à la SCHL de conclure des ententes en matière de logement social avec les personnes ou organismes représentant les peuples autochtones du Canada. Ainsi nous aurions dans la Loi nationale sur l'habitation un article visant les autochtones qui serait l'équivalent de l'article 99 de la Loi actuelle, qui permet la conclusion d'entente avec les provinces dans le domaine du logement social.

Deuxièmement, nous proposons l'adjonction d'un article d'exception afin de garantir que les ententes actuelles en matière de logement social et les programmes d'habitation à but non lucratif ne seront pas touchés par l'abrogation de l'article 95 et l'introduction du nouvel article proposé.

Troisièmement, les articles du projet de loi relatifs au conseil d'administration de la SCHL devraient être modifiés pour garantir qu'au moins l'un des huit administrateurs sera autochtone. Ainsi la SCHL communiquerait clairement à la population canadienne son désir de faire participer les peuples autochtones à l'élaboration des politiques et au processus décisionnel.

Quatrièmement, la SCHL devrait être tenue de déposer devant le Parlement les conditions et modalités qu'elle accepte en vertu de la Loi nationale sur l'habitation révisée. Ainsi les opérations et décisions de la SCHL pourraient désormais être examinées par le Parlement.

Avant de vous remercier, monsieur le président, je voudrais déposer auprès du comité un documentaire que j'ai produit intitulé Nobody's Indians qui a été diffusé à la chaîne de télévision de Rogers. Il décrit en détail l'état déplorable des habitations des Indiens des régions boisées qui habitent les collectivités de Pickle Lake, Sioux Lookout, et Red Lake du nord de l'Ontario. Ces personnes, qui ont quitté la réserve, vivent sous des arbres et sur des terrains de décharge publics.

Je suis actuellement en train de faire le montage de Nobody's Indians II, qui décrit les conditions de vie d'autochtones vivant au centre-ville de Vancouver, de Toronto et de Montréal, qui sont tout aussi déplorables. Si nous n'avons pas notre mot à dire sur tout éventuel changement dans le domaine de l'habitation, nous perdrons tout. Cette question intéresse au plus haut point l'ensemble des autochtones vivant hors réserve.

Nous avons également une copie du document intitulé: A Question of Fairness, produit par notre organisme, et dans la mesure du possible, monsieur le président, je vous en fournirai d'autres exemplaires.

Si le gouvernement compte modifier la Loi nationale sur l'habitation de façon à exclure les peuples autochtones, les sénateurs constateront qu'une telle décision risque de causer de très graves problèmes au Canada.

Le président: Merci, monsieur Daniels. Est-ce que vous-même ou un représentant de votre organisme avez comparu devant le comité de la Chambre des communes chargé d'examiner ce projet de loi?

M. Daniels: Je dois vous avouer, monsieur le président, que nous ne l'avons pas fait, et ce pour diverses raisons. Nous n'avons pas beaucoup de personnel pour s'occuper de ces choses-là et ce n'est qu'au printemps que nous avons appris l'existence de ce projet de loi. Ce n'est que dernièrement que le sénateur Chalifoux et d'autres m'ont mis au courant de la situation. Je suis content d'avoir pu en parler avec vous. Si nous avions agi plus tôt, nous aurions peut-être pu influencer les choses.

Le président: Savez-vous si d'autres organismes autochtones ont comparu devant le comité de la Chambre?

M. Daniels: Non.

Le président: Avez-vous été consulté au sujet de ce projet de loi?

M. Daniels: Non.

Le sénateur Cohen: Monsieur Daniels, merci pour votre exposé qui était à la fois succinct et précis.

Lorsque le ministre a comparu devant le comité, je lui ai demandé pour quelle raison le gouvernement n'a pas cru bon, dans le cadre d'une révision importante de la Loi nationale sur l'habitation, de prévoir des mesures visant à régler la crise actuelle de l'habitation. C'est justement cette crise qui semble être la question la plus importante dans tout ce dossier, après la mise en place de conditions, dans la partie du projet de loi qui traite des assurances, qui met tout le monde sur un pied d'égalité. Le ministre m'a donné une réponse plutôt évasive. Il m'a dit qu'ils avaient dépensé telle somme et il m'a énuméré la liste des mesures qu'ils avaient prises. Mais je ne me rendais même pas compte de la gravité de la situation chez les autochtones. Je vous remercie d'ailleurs d'avoir attiré notre attention sur ce problème, car à mon avis, les préoccupations qui ont été exprimées au sujet du logement social et de l'abdication du gouvernement, qui avait la responsabilité d'agir sur le problème dans les plus brefs délais, sont tout à fait valables. Je voulais faire ce commentaire et déclarer publiquement qu'en tant que comité, nous avons déjà posé la question au ministre. Nous allons d'ailleurs inclure vos recommandations, qui sont très bonnes, dans notre rapport.

M. Daniels: Ce projet de loi nous préoccupe beaucoup. Nous avons déjà proposé à la SCHL qu'elle procède à d'autres changements en ce qui concerne le logement social destiné aux peuples autochtones.

La situation est déplorable. Si nous avions plus de personnel et plus de temps, nous aurions pu intervenir plus rapidement. Mais nous sommes un petit organisme qui représente un grand nombre de personnes, et nous manquons de fonds. Ce ne sont pas des excuses; ce sont des faits. Donc, nous serions très reconnaissants de tout appui que vous ou d'autres pourriez nous apporter pour ce qui est de protester contre les modifications qui sont apportées à la Loi nationale sur l'habitation, modifications qui visent à exclure les personnes que nous représentons.

Le sénateur Cohen: Vous proposez également que l'un des administrateurs soit un membre de la collectivité autochtone, et c'est une proposition qui me semble fort valable. L'un des reproches formulés à l'égard de ce projet de loi est justement le fait que les administrateurs devraient représenter davantage les Canadiens qui ont besoin de logement social. Merci de nous avoir rappelé cet élément important.

Le sénateur Wilson: Comme le sénateur Cohen, j'estime que vous avez attiré notre attention sur une question très importante.

Pour ce qui est de nommer un autochtone au conseil d'administration, votre recommandation aurait peut-être plus de chance d'être acceptée si la communauté autochtone avait un nom à proposer. Avez-vous des suggestions à faire concernant la procédure qu'on pourrait suivre à cet égard?

M. Daniels: Vous avez raison. La plupart d'entre vous savez certainement que 79 p. 100 des autochtones au Canada vivent hors réserve. Cinquante-trois pour cent des 480 000 Indiens qui ont le droit de vivre dans la réserve n'y vivent pas. Seulement 220 000 Indiens vivent dans la réserve. Il y a actuellement environ 40 000 Inuits, et ils ne sont pas du tout concernés par les terres de réserve.

La personne qui ferait partie du conseil d'administration devrait connaître à fond la question. Peu importe qui c'est. Peut-être pourrions-nous élire ou nommer quelqu'un. Quand vient le moment d'élaborer des politiques relatives au logement social, il faut que l'un des membres du conseil d'administration puisse parler pour nos peuples et expliquer leur situation. Il faudrait que la personne choisie soit bien respectée par l'ensemble des trois communautés -- indienne, inuite et métisse.

Le sénateur Wilson: Je vous encourage à y réfléchir un peu plus parce qu'il est tout à fait possible qu'on retienne votre proposition, et à ce moment-là, il s'agira de savoir qui devrait être le représentant des autochtones. La communauté autochtone n'est pas plus homogène que la communauté dominante. Je ne sais pas au juste de quelle façon cela pourrait se faire pour que cette personne soit responsable devant la communauté autochtone tout en ayant l'impression de jouir de son appui, mais je suis convaincue que si vous y réfléchissez, vous pourrez proposer quelque chose.

M. Daniels: Je suis d'accord. Ce que vous dites est tout à fait juste. Il faut quelqu'un qui sait ce qu'il fait et de quoi il parle. Il est tout à fait possible de trouver des gens comme ça. Je suis convaincu que les trois organismes pourraient se réunir pour en discuter et proposer le nom de quelqu'un. Si cette recommandation est communiquée à la SCHL, avec l'appui du comité, nous trouverons certainement une formule à proposer.

Le président: Monsieur Daniels, l'idée de transférer aux provinces la responsabilité de l'habitation est sur la table depuis un certain moment. Avez-vous discuté avec le gouvernement -- soit les dirigeants politiques, soit les responsables de la fonction publique, de la possibilité de transférer la responsabilité du logement social aux organismes autochtones?

M. Daniels: Oui, nous en avons discuté avec les premiers ministres à deux reprises en leur demandant leur soutien. Ce sont nos peuples et nos organismes qui devraient être responsables du logement social, plutôt que les administrations provinciales. C'est à nous de diriger ces programmes.

Le président: Donc, à votre avis, ce sont les provinces plutôt que le gouvernement fédéral qui devraient prendre l'initiative?

M. Daniels: Il reste combien de provinces?

M. Frank Palmater, vice-président, Congrès des peuples autochtones: Trois provinces n'ont pas encore signé l'accord de transfert des responsabilités.

M. Daniels: Nous sommes intervenus à plusieurs reprises, mais il semble que personne ne nous écoute.

Le président: J'ignore la réponse, mais c'est une question intéressante. Vous dites que lorsque DRHC a cessé d'assurer la prestation directe des programmes de formation, il a transféré la responsabilité des programmes de formation des autochtones non pas aux provinces mais aux organismes autochtones. On se demande alors pourquoi la SCHL ne pourrait pas en faire autant pour les programmes d'habitation destinés aux autochtones. Quand je poserai cette question aux fonctionnaires, ils me diront certainement qu'il s'agit là d'une question de politique.

Et où en sont vos discussions?

M. Daniels: Nous nous sommes adressés au ministre Gagliano et à d'autres lors de réunions sur la question de l'habitation tenues à Toronto et à Vancouver, et jusqu'à présent, nous n'avons pas eu beaucoup de succès, puisque la réaction n'a pas été très positive.

Le sénateur Chalifoux: Le comité sénatorial permanent des affaires autochtones mène actuellement une étude sur la question de l'habitation chez les autochtones. Un plan d'action, en plus des résultats de l'étude, seront disponibles d'ici la fin septembre.

Le président: Comment est-ce que cela pourrait se faire? Serait-ce aux provinces, à qui on a déjà transféré la responsabilité des programmes de logement social, de confier cette responsabilité aux organismes autochtones, ou serait-ce au gouvernement fédéral de le faire?

M. Palmater: Cela pourra se faire si les ententes conclues par le gouvernement fédéral et les provinces prévoyaient cette possibilité.

Dans le cas des trois provinces qui n'ont pas encore signé, il serait possible d'incorporer dans l'entente un article prévoyant que tout ce qui profite aux signataires profiterait également à tous ceux qui adhèrent à l'entente.

Le président: Quelles sont les trois provinces qui n'ont pas encore signé?

M. Palmater: La Colombie-Britannique a déjà déclaré qu'elle ne signera pas l'entente en raison des problèmes sociaux des peuples autochtones et de la situation relative à certaines unités de coopératives d'habitation là-bas.

L'Ontario en est une autre. Il paraît que l'Ontario a l'intention de signer, mais seulement si les coopératives et les organismes autochtones ne participent pas à l'entente.

Je sais que le Québec n'a pas encore adhéré à l'entente, mais c'est surtout pour des raisons monétaires.

Le sénateur Watt: Monsieur Daniels, vous avez dit dans votre introduction qu'à votre avis, ce projet de loi n'englobe pas l'ensemble des peuples autochtones du Canada. D'après vous, ce projet de loi vise davantage les Indiens qui vivent dans la réserve, puisqu'il n'englobe ni les Indiens hors réserve ni les Inuits.

La ligne de démarcation pour ce qui est de l'application de ces mesures et la responsabilité du gouvernement semble être le 60e parallèle, même si ce critère est tout à fait inapplicable dans la pratique.

À mon avis, ce projet de loi visera les Inuits des Territoires du Nord-Ouest. Êtes-vous d'accord?

M. Daniels: Je n'en sais rien. Je n'ai pas fait une analyse approfondie du projet de loi. Il est possible qu'ils soient déjà visés par l'accord du Nunavut.

M. Palmater: Grâce à ce projet de loi et l'accord du Nunavut, les Inuits seront visés par la nouvelle Loi nationale sur l'habitation.

Le sénateur Watt: Vous parlez de l'accord de transfert des responsabilités?

M. Palmater: Oui.

Le sénateur Watt: Le gouvernement du Canada a des obligations légales très claires. Plusieurs traités ont été adoptés par le Parlement. Autrement dit, les relations entre les deux nations, c'est-à-dire la population du Canada qui est représentée par la Couronne et les groupes autochtones, qui sont représentés par les différents organismes, sont bien établies. De temps en temps, ces organismes concluent des accords exécutoires avec la Couronne.

Si vous deviez défendre ces accords exécutoires devant la Cour suprême du Canada, vous auriez certainement gain de cause. Il n'y a pas de doute à ce sujet. D'ailleurs, cela s'est fait à plusieurs reprises au cours des années. Quand le gouvernement fédéral prétend ne pas être lié par tel traité ou ne pas avoir telle responsabilité, les décisions de la cour indiquent le plus souvent le contraire.

Monsieur le président, la Convention de la Baie James et du Nord québécois est devenue force de loi par l'entremise du projet de loi C-9 et d'une loi rédigée par la province en question en 1975.

Je vous pose la question suivante pour être sûr qu'elle soit inscrite au procès-verbal: est-ce qu'un accord exécutoire, tel que la Convention de la Baie James et du Nord québécois, l'emportera sur un accord considéré comme un traité conclu entre deux nations?

Si tel est le cas, l'obligation du gouvernement du Canada est claire, bien que ce dernier refuse toute responsabilité légale depuis 1993. Nous lui avons justement reproché cette attitude. À l'heure actuelle, c'est par le biais d'un mécanisme de règlement des différends que sera décidée la question.

Le gouvernement maintient qu'il n'a aucune responsabilité à cet égard, puisqu'il s'agit d'une question de politique. Dans les négociations avec la Couronne, c'est donnant, donnant. Si vous donnez quelque chose, vous voulez nécessairement obtenir quelque chose en échange.

Je me souviens très clairement de tout cela, car j'ai été l'un des négociateurs en chef dans le dossier de l'habitation. Je voulais garantir le maintien du programme et l'accès de tous les Indiens, qu'ils soient dans la réserve ou hors réserve, à ce programme. Cela concerne justement les peuples autochtones qui vivent dans la région de la Baie James et les Inuits du Nord québécois.

Je regrette d'avoir à vous dire que le projet de loi C-66 néglige cet élément de la question. Comment corriger ce problème? Eh bien, il faudra rédiger un article particulier, car il s'agit d'un texte légal signé par les deux nations. Cette situation pose d'ailleurs problème depuis 1993. J'étais la dernière personne à pouvoir garantir la construction de 40 habitations dans le nord du Québec. Par la suite, le gouvernement a commencé à nier ses responsabilités à cet égard.

Il y a eu également le rapport Tate avant 1993. Nous avons eu le rapport final en 1993, étant donné que le gouvernement du Canada a dit qu'il n'était plus du tout responsable de la reconduction des programmes sociaux. Il a pu le reconduire pendant encore deux ans, c'est-à-dire jusqu'en 1995. Cette année encore, il a accordé 5 millions de dollars de plus. Mais il faut absolument rectifier ce problème. Je ne sais pas s'il sera possible de le faire dans ce projet de loi, mais il faut absolument réfléchir à cette problématique.

M. Daniels: À la page 8, nous proposons d'adjonction d'un article d'exception en vue de garantir que les ententes actuelles en matière de logement social et les programmes de logement à but non lucratif ne soient pas touchés par l'abrogation. Nous pourrions peut-être y ajouter les mots que voici «dans le cadre des traités et des accords des temps modernes protégés par le paragraphe 35(3) de la Loi constitutionnelle de 1982».

Le sénateur Watt a parfaitement raison. Nous en discutons, mais nous ne sommes toujours pas sûrs de son incidence sur les traités et les accords conclus à l'époque présente. Si ce projet de loi a préséance sur tout le reste, nos traités n'auront peut-être plus aucune valeur. Je n'en sais rien; je ne suis pas avocat. Il faut qu'on se fasse conseiller à cet égard.

[Français]

Le sénateur Gill: Je vais faire un petit rappel historique, des souvenirs pas très agréables, mais il faut quand même s'en rappeler parfois. En 1970, j'étais impliqué dans le conseil comme chef, et cetera. Les allocations d'habitation provenant du ministère des Affaires indiennes se situaient à 5 000 $ ou 6000 $. Il n'y avait pas d'autres moyens d'avoir des habitations sur des réserves indiennes à l'intérieur des communautés et il n'y avait absolument rien à l'extérieur. Cela a duré pendant plusieurs années.

Si je comprends bien, le programme de la SCHL a commencé vers les années 1983 ou 1984. Les besoins sont considérables à l'intérieur comme à l'extérieur des communautés. Beaucoup de gens sortent des communautés et vont à l'extérieur maintenant et il faudra répondre à ces nouveaux besoins. Ce sont, en anglais, les «backlogs» et on devra éventuellement travailler là-dessus.

Je fais partie du comité des affaires des Indiens et des Inuits et je parraine ce projet de loi. Nous avons commencé à faire du travail à ce comité, en particulier dans le domaine des relations entre les autochtones et les non autochtones. Nous sommes donc en train d'examiner beaucoup de choses.

J'aimerais connaître votre opinion sur les points suivants. Au Nouveau-Brunswick, au Québec et un peu partout au pays, des ententes ont été conclues avec des groupes qu'on pourrait appeler des coopératives ou d'autres groupes.Des ententes ont été signées avec la SCHL. Dans ma région, Gilles Bérubé a un programme d'habitation de 2 000 à 4 000 habitations et le besoin est aussi grand à l'extérieur des communautés.

À mon avis, nous n'avons pas besoin de nous «enfarger». Lorsque j'étudie attentivement le projet de loi C-66 qui modifie l'autre projet de loi, j'ai l'impression, à moins que ma compréhension soit incorrecte, qu'on enlève certains termes, «Indiens» par exemple, pour enlever des contraintes. Votre perception est-elle comme la mienne? Une fois ces contraintes disparues, il me semble qu'à travers les négociations et le travail que nous sommes en train de faire au niveau de l'habitation, nous serons en mesure de progresser.

Il y a une situation particulière chez les autochtones. On peut pas dire que la situation des communautés était un problème, un handicap. On savait que la SCHL pouvait aller dans les communautés mais elle ne pouvait pas y aller par d'autres intermédiaires. J'ai maintenant la conviction que nous pourrons y aller. Il reste des particularités pour les autochtones qui sortent des communautés et je pense que cela devra continuer à être négocié, mais j'ai l'impression que ce projet de loi aplanira des obstacles. On va tout de même devoir continuer à négocier. J'ai entendu dire qu'il y a une dizaine de bureaux qui gèrent les parcs de logements, c'est considérable. Ces programmes devront être poursuivis et améliorés.

Est-ce possible, par l'entremise de vos organisations, de continuer à gérer par de la négociation et à améliorer les choses? J'essaie de voir si le projet de loi peut poser des obstacles à ce sujet. Ma perception est qu'il enlève certaines barrières qui existaient auparavant. J'aimerais avoir vos commentaires.

[Traduction]

Le sénateur Cohen: Le sénateur Gill avance de bons arguments, mais ils n'ont pas grand-chose à voir avec le projet de loi dont nous sommes actuellement saisis. Il parle de ce qui arrivera après coup, mais nous examinons ce projet de loi en vue de faire des recommandations. Je voulais faire cette précision pour les fins du procès-verbal.

M. Daniels: Si nous avons voulu comparaître devant le comité, c'est en raison de l'incertitude qui plane sur toute cette initiative. C'est par ignorance pure et simple que je vous dis cela -- je ne sais de reproches à personne -- mais j'ai l'impression qu'il n'y a pas eu beaucoup de discussion sur l'incidence des modifications proposées sur les peuples autochtones. J'essaie simplement d'attirer votre attention là-dessus; à savoir, qu'il existe une Association nationale du logement autochtone. Nous savons qu'environ 120 groupes au Canada sont membres de l'ANLA. Nous nous demandons par conséquent quelles seront les conséquences de ce projet de loi pour tous ces accords.

Sénateur Gill, je préférerais que vous mettiez en place un nouveau régime avant d'éliminer les restrictions qui visent le gouvernement ou nous-mêmes. Si le sénateur Chalifoux et ses autres collègues ont quelque chose à proposer, je vous encourage vivement à en discuter. Le Sénat est censé être une chambre de réflexion. Réfléchissons donc bien à la question en reconnaissant que cette mesure législative a des conséquences graves pour la communauté autochtone et qu'il convient par conséquent de les examiner. Bon nombre des 800 000 personnes dont je vous parlais tout à l'heure n'ont pas les moyens de faire eux-mêmes cet examen.

M. Palmater: Depuis plusieurs années, surtout que le gouvernement fédéral s'est engagé à transférer aux provinces la responsabilité du logement social -- les organismes d'habitation autochtones essaient de trouver leur petit créneau. Comme je suis du Nouveau-Brunswick et j'ai travaillé dans le domaine de l'habitation pendant presque 13 ans avant de m'intéresser à la politique en milieu autochtone, je sais comment la province et le gouvernement fédéral ont tendance à interpréter ces accords. Au moment où le programme est dispensé aux bénéficiaires, il est parfois totalement différent du concept original, tout simplement parce qu'on n'a pas tenu compte de certaines restrictions et circonstances.

Je ne dis pas nécessairement que tout le projet de loi est mauvais. Il a tout de même des éléments positifs. Vous pourriez faire ce que propose le sénateur Gill -- c'est-à-dire adopter un projet de loi qui permet à la SCHL de prendre certaines mesures qu'elle devra prendre à titre de société de la Couronne responsable de l'habitation au nouveau millénaire. Cependant, le gouvernement a déjà transféré aux provinces la responsabilité du logement social. Ce projet de loi n'offre aucune sécurité aux peuples autochtones -- pas plus que les transferts sociaux. Les administrations provinciales prennent toutes sortes d'engagements en nous disant qu'elles ne vont certainement pas compromettre les accords que nous avons déjà conclus avec le gouvernement fédéral. Cependant, aucune province n'a élaboré jusqu'à présent une politique sur le logement social qui vise les autochtones hors réserve. Pourtant, cette responsabilité relève d'elles.

Il n'y a pas de crédits. D'où obtiennent-elles le financement nécessaire? Eh bien, certains premiers ministres nous ont dit à différentes réunions qu'ils aimeraient bien aider ces gens-là mais qu'ils n'ont pas d'argent. Ils prétendent que les coffres sont vides. Le gouvernement national n'assume pas non plus la responsabilité du logement social, et par conséquent, nous n'avons plus que les programmes sociaux. Mais les programmes sociaux ne génèrent pas suffisamment de crédits pour permettre aux administrations provinciales de construire de nouvelles unités d'habitation. Il n'y en a pas. Elles n'existent pas, alors comment répondre aux besoins des populations autochtones? Nous sommes là à titre de représentants élus des peuples autochtones. Les besoins sont impérieux; c'est un fait établi.

Si vous éliminez les dispositions restrictives qui empêchent actuellement la SCHL de faire certaines choses, en y ajoutant d'autres articles qui lui permettent de faire d'autres choses, une fois de plus, nous serons les laissés pour compte de cet exercice. Les dispositions restrictives devraient effectivement être éliminées. Nous l'avons d'ailleurs déjà dit: certaines des modifications proposées permettront à la SCHL de devenir un organisme plus efficace. Cette dernière veut transférer toute la responsabilité du logement social aux mêmes provinces qui nous disent sans arrêt qu'elles n'ont pas les crédits nécessaires pour financer des initiatives dans ce domaine. Elle essaie de nous encourager en disant: «Nous allons vous en donner un peu plus dans le cadre de cet exercice de transfert des responsabilités.» Et un article particulier de l'accord de transfert permet à chaque province de participer à une entente favorable. C'est-à-dire que si une province négocie une entente plus intéressante, les autres pourront y participer. Dans certaines provinces, le transfert des responsabilités en matière de logement social a donné de très bons résultats -- en Nouvelle-Écosse, par exemple. Le fournisseur autochtone en Nouvelle-Écosse a la responsabilité de tous les logements sociaux, pas uniquement ceux qui sont destinés aux peuples autochtones. Il s'agit de plus de 2 000 unités. Nous assurons l'administration de l'ensemble de ces unités, mais la Nouvelle-Écosse est la seule province à avoir adopté un tel régime.

Dans certaines provinces, si les fournisseurs autochtones ont des difficultés, la SCHL les met en tutelle ou les traîne devant les tribunaux en vue de déterminer la source des difficultés. Nous avons fait une proposition à la SCHL en décembre, mais ce n'est que la semaine prochaine qu'un responsable de la SCHL va m'en parler. Ils sont occupés, mais moi aussi. C'est tout de même assez long pour obtenir une réponse. Nous voulions essayer d'aider les organismes du logement qui ont des difficultés, par l'entremise de l'association autochtone qui a été mise sur pied pour trouver des solutions à leurs problèmes. Par exemple, si la SCHL ne vous permet pas de continuer parce que vous n'avez pas les compétences nécessaires en gestion, à ce moment-là, nous allons essayer de vous obtenir la formation qu'il vous faut. Il y a toutes sortes de possibilités, mais nous ne pouvons pas en profiter.

Je ne voudrais pas que ce projet de loi soit adopté dans l'espoir que le sénateur Chalifoux et d'autres membres du comité des affaires autochtones réussissent à l'améliorer. Ça ne marche jamais. Et nous nous appuyons sur 500 années d'histoire pour faire cette affirmation.

M. Daniels: Pour vous expliquer un peu la façon dont se fait ce transfert de responsabilités, le 22 mars, nous avons rencontré à Regina les premiers ministres provinciaux. Roy Romanow présidait la réunion et tous les premiers ministres étaient présents, à part celui du Québec. Nous avons parlé du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux. Les provinces ont reçu 916 $ par mois par personne pour tous les habitants de la province. Sur cette base, la Saskatchewan a touché 78 millions de dollars au nom de notre peuple; le Québec, environ 2 milliards de dollars; l'Ontario, environ 1,7 milliard de dollars, et ainsi de suite. Je leur ai dit: «Je suis tout à fait d'accord pour que vous receviez ces crédits si vous êtes d'ores et déjà en mesure de présenter un plan qui explique de quelle façon vous allez transférer cet argent à notre peuple.» Mais c'était trop tard, parce qu'ils avaient déjà signé leur accord. Je leur ai également dit: «Si chaque premier ministre peut me dire comment il compte dépenser cette allocation par personne qu'il a reçue pour les autochtones, c'est très bien.» Je suis resté là, mais pas un seul n'a proposé de plan. Après, j'ai dit à M. Romanow: «Donnez-moi donc les 78 millions de dollars. Je suis résident de la Saskatchewan. Je vais créer la capacité qu'il faut. Nous allons former les techniciens et les enseignants et nous assurer que les hôpitaux et les écoles resteront ouvertes. Nous allons consacrer ces 78 millions de dollars à notre peuple, pour que cela se fasse.» Nous ne sommes donc pas d'accord pour que ces crédits nous soient retirés en faveur des provinces. Le seul qui ait accepté de nous transférer directement ces crédits et de nous permettre de les dépenser comme bon nous semble était Mike Harris. Il l'a même déclaré en plénière, quand tout le monde écoutait. Il a dit: «J'aime bien ce plan, car il m'est impossible de l'exécuter.» Ensuite, à huis clos, quand chacun cherchait à protéger ses 78 millions de dollars ou ses 2 milliards de dollars, M. Harris a dit: «C'est toujours le plan de M. Daniels qui me plaît le plus car il me serait impossible de faire cela. Nous ne savons pas exactement ce qu'il faut à son peuple. Pourquoi ne pas leur donner tout simplement tous ces crédits?»

Le président: C'est une anecdote fort intéressante que vous racontez là.

M. Daniels: Et quel est le plan de la SCHL pour les peuples autochtones?

Le président: Bonne question. Monsieur Daniels, je ne sais pas si un membre du comité voudra proposer vos amendements. Comme vous le savez, cela peut se faire ici, pendant l'examen article par article du projet de loi, ou encore à l'étape du rapport -- en supposant que le projet de loi soit renvoyé au Sénat -- ou à l'étape de la troisième lecture.

Nous allons nous arrêter là, car je ne sais pas si les sénateurs acceptent vos propositions et projets d'amendement et sont prêts à les proposer aujourd'hui même ou à un autre moment, et dans l'affirmative, à quel moment ils voudraient les proposer. Entre-temps, le comité aura l'occasion de discuter de ces questions avec les représentants de la SCHL, qui attendent de témoigner devant le comité. Ils sont venus pour discuter des témoignages que nous avons reçus d'autres témoins au sujet de ce projet de loi. Ils viennent d'entendre vos propos et ils ont une copie de votre mémoire. Ils vont peut-être vouloir y réagir. Qu'ils le fassent ou non, les sénateurs pourront toujours leur poser des questions à ce sujet.

Là-dessus, je me permets de vous remercier et d'inviter les représentants de la SCHL à s'asseoir à la table.

M. Daniels: Merci, monsieur le président. Si vous voulez nous parler, nous sommes tout à fait disposés à répondre à vos questions en privé ou dans un autre contexte. Je voudrais remercier le comité sénatorial d'avoir accepté d'entendre nos vues. Nous vous en sommes très reconnaissants. Bonne chance dans vos délibérations.

Le président: Sénateurs, nous accueillons les représentants de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui vous sont bien connus.

Monsieur Rochon, je crois comprendre que vous avez une déclaration liminaire à nous faire.

[Français]

M. Marc Rochon, président, Société canadienne d'hypothèques et de logement: Je vous remercie de l'invitation de rediscuter avec vous du projet de loi C-66. J'aimerais réagir à certains des points que les témoins ont soulevés dans leur exposé et plus particulièrement sur l'uniformisation des règles du jeu dans le domaine de l'assurance hypothécaire et sus certains effets du projet de loi C-66 sur le logement social.

Voyons d'abord la question de l'assurance hypothécaire. Notre compétiteur, comme vous le savez, a fait valoir que le principal objectif du projet de loi constitue, et je cite:

[...] à uniformiser les règles du jeu entre la SCHL et GE Capital.

Or à notre avis, cet argument est faux. Nous admettons que certaines dispositions du projet de loi peuvent avoir cette conséquence, mais ce n'est pas l'objectif premier du projet de loi C-66.

Le projet de loi C-66 vise avant tout à donner au gouvernement du Canada les moyens d'aider les Canadiens et les Canadiennes à se loger convenablement. Le but de ce projet de loi n'est pas de garantir une part de marché à l'une des plus puissantes sociétés commerciales au monde. Nous favorisons une juste concurrence et ce projet de loi permet justement la mise en place d'un nouveau cadre financier entre notre actionnaire et la SCHL, un cadre qui favorisera une plus grande uniformité des règles du jeu.

[Traduction]

Cependant, monsieur le président, étant donné que le comité a déjà beaucoup entendu parler de la différence entre la garantie offerte par le gouvernement à la SCHL et à la compagnie GE, c'est-à-dire la garantie de 100 p. 100 par rapport à celle de 90 p. 100, je pensais que vous aimeriez avoir d'autres précisions à ce sujet. On vous a dit que la part de marché de GE ne pourrait continuer à croître. GE vous a dit que les banques seraient réticentes à traiter davantage avec elles en raison des besoins en capital légèrement plus élevés associés à leurs prêts assurés. Mais les faits que nous avons réunis démontrent la situation inverse.

En octobre dernier, par exemple, la Banque Royale du Canada, le plus important prêteur hypothécaire du Canada, a donné la consigne à ses succursales d'accorder 50 p. 100 de leurs chiffres d'affaires en matière d'assurance hypothécaire à la société GE. En mai de cette année, cette même banque a encore envoyé un avis à ses succursales pour les exhorter à privilégier GE. Si les succursales de la Banque Royale observent la consigne, le résultat en sera une augmentation importante de la part du marché de GE et une réduction correspondante de la part de marché de la SCHL.

De même, au mois de mai, la Banque de la Nouvelle-Écosse a écrit une lettre à ses succursales pour les informer que la banque et la société GE avaient «établi un partenariat important dans d'autres domaines commerciaux clés». La lettre en question exhorte les succursales à faire appel à la société GE.

Plutôt que de travailler moins avec GE, comme l'a dit lui-même le président de GE Capital, au moins deux grandes banques ont pris des mesures au cours des dernières semaines pour travailler en plus étroite collaboration avec GE Capital.

Il semble que les autres avantages que peut offrir GE à ses clients compensent amplement le prétendu désavantage qu'elle aurait en raison de la garantie offerte par le gouvernement. Et quels sont ces avantages? Eh bien, en tant que grande multinationale ayant des activités diversifiées, GE a la possibilité de relever son chiffre d'affaires dans le domaine de l'assurance hypothécaire, et là je cite, «par le truchement de partenariats établis dans d'autres domaines commerciaux clés». Nous ne sommes pas en mesure de vous dire quels sont ces partenariats ou ces domaines commerciaux clés, mais on peut supposer que la Banque de la Nouvelle-Écosse aiguille les clients qui ont besoin d'assurance hypothécaire vers GE en échange d'autres avantages que peut lui offrir un service quelconque de l'empire GE.

Monsieur le président, permettez-moi de vous en donner un autre exemple. J'ai à la main une brochure publiée par GE et la Banque canadienne impériale de commerce dans laquelle on offre un certificat-cadeau pour des appareils ménagers GE aux consommateurs dont les prêts hypothécaires sont assurés par GE. Monsieur le président, à la SCHL, nous ne fabriquons ni cuisinières ni réfrigérateurs. Nous n'avons pas de matériel à offrir -- seulement des services de qualité exceptionnelle.

La SCHL ne jouit donc pas des avantages associés au marketing croisé.

De plus, comme vous l'a déjà indiqué notre ministre, GE n'a pas les mêmes obligations que la SCHL en ce qui concerne l'exécution des politiques gouvernementales, alors que c'est justement cela notre raison d'être en tant que société de la Couronne.

Le gouvernement peut obliger la SCHL à utiliser ses bénéfices pour assurer une assurance hypothécaire à des Canadiens qui autrement se verraient refuser ce genre d'assurance sur le marché privé. La semaine dernière, GE disait qu'elle recevait des demandes dans toutes les régions du pays, mais elle n'a jamais indiqué qu'elle approuvait les demandes qu'elle reçoit dans toutes les régions du pays. Par contre, monsieur le président, nous offrons nos services dans tout le Canada, et nous continuerons à le faire.

En 1995, le président de GE Capital Assurance Hypothèque de l'époque a dit ceci: «En 1996, nous allons cibler tout le marché canadien.» Il voulait dire en réalité que GE ciblerait les segments les plus rentables du marché canadien. Elle a fait une petite sélection. Elle n'a pas ciblé le marché des logements locatifs; elle n'est pas présente dans les réserves des Premières nations; elle n'a pas non plus ciblé le marché des ensembles d'habitation novateurs et abordables destinés aux Canadiens à faible revenu, marché assuré par la SCHL, conformément à la politique gouvernementale.

La semaine dernière, GE a déclaré qu'elle envisagerait de remplir ces fonctions non commerciales, mais uniquement si elle recevait des subventions du gouvernement. Monsieur le président, grâce au projet de loi C-66, les Canadiens pourraient profiter de ces avantages, sans avoir à en supporter des coûts supplémentaires, en passant par la SCHL. Pourquoi nos citoyens devraient-ils avoir à payer davantage pour traiter avec GE?

[Français]

Notre compétiteur n'a pas besoin d'une aide supplémentaire de l'État canadien pour soutenir la concurrence. Elle profite déjà des avantages inhérents à une société multinationale. C'est en fait la SCHL, compte tenu de ses responsabilités d'intérêt public, qui devra toujours déployer des efforts considérables pour être à la hauteur de ce très puissant concurrent.

Toutes ces remarques visent à rétablir les faits, mais en ce qui concerne le niveau de garantie, le véritable débat concerne la méthode à adopter. Une loi est-elle le meilleur moyen de déterminer quel soutien le gouvernement doit accorder à une entreprise privée? Nous pensons que non. À notre avis, il est préférable de recourir à l'entente actuelle entre GE Capital et le ministère des Finances, entente que GE Capital semble être en train de négocier avec nos collègues au ministère des Finances.

Permettez-moi maintenant de vous parler du logement social, sujet dont on vient de discuter avec M. Daniels.

[Traduction]

On a soulevé deux questions clés -- la protection de l'aide assurée aux ensembles d'habitation sociale et la capacité de la nouvelle Loi nationale sur l'habitation de réagir aux besoins en matière de logement des Canadiens faiblement rémunérés, y compris les autochtones.

Certains ont exprimé leurs préoccupations -- et c'est tout à fait normal, dans cette période d'évolution -- concernant le soutien dont pourraient bénéficier les ensembles d'habitation actuels. Certaines des mêmes préoccupations ont été exprimées cet après-midi, et à cet égard, je me permets de déclarer que le gouvernement du Canada dépense encore 1,9 milliard de dollars par année pour 645 000 unités de logement social. Bon nombre de Canadiens dépendent de ce soutien financier pour obtenir des logements acceptables et abordables. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le gouvernement du Canada a déclaré à maintes reprises qu'il entend respecter l'ensemble de ses engagements financiers. Nombre de ces unités font partie d'ensembles d'habitation à but non lucratif ou de coopératives d'habitation qui font l'objet d'ententes légales distinctes qui prévoient des modalités particulières en matière d'aide gouvernementale. Il n'est pas question de modifier ces contrats sans l'accord des deux parties. Même si la responsabilité d'administrer ces ententes est transférée aux gouvernements provinciaux, ou à une agence administrative distincte, comme le propose la Fédération de l'habitation coopérative du Canada, les résidents de ces coopératives et de ces habitations à but non lucratif seront protégés.

[Français]

En ce qui concerne les effets de ces modifications sur la capacité du gouvernement à fournir une aide au logement aux Canadiens à faible revenu, je tiens à ce qu'une chose soit claire. Toute forme d'aide au logement pouvant être offerte en vertu de la Loi nationale sur l'habitation actuelle restera possible une fois que le projet de loi C-66 sera devenu loi. Seul le projet de loi C-66 peut donner au gouvernement du Canada la marge de manoeuvre dont il a besoin pour concevoir de nouvelles formes d'aide et pour travailler en collaboration avec les autres paliers du gouvernement: le secteur sans but lucratif et le secteur de l'habitation.

Le projet de loi C-66 fera de la Loi nationale sur l'habitation un outil beaucoup plus puissant et moderne pour aider les personnes défavorisées à se loger convenablement.

Je vous remercie de votre attention. J'espère qu'à la suite de cet exposé, vous serez en mesure d'appuyer ce projet de loi tel qu'il a été rédigé.

[Traduction]

Le sénateur Doody: Monsieur Rochon, merci pour cet exposé plutôt commercial mais plein de verve. À mon avis, la SCHL est entre de très bonnes mains, et nous n'avons donc pas à trop nous inquiéter de la concurrence.

Je dois vous dire que j'ai été très impressionné par votre exposé, bien que vous n'ayez pas répondu à plusieurs questions qui m'embêtent depuis que j'ai regardé ce projet de loi pour la première fois.

D'abord, pourquoi êtes-vous contre l'idée d'accorder le même traitement au secteur privé? Le ministre a clairement indiqué qu'il voudrait, dans la mesure du possible, mettre tout le monde sur un pied d'égalité. Il estime que les règles du jeu devraient être les mêmes pour tout le monde, et que c'est au ministère des Finances de déterminer dans quelle mesure c'est possible ou non. Du moment que les secteurs public et privé offrent les mêmes services, il me semble normal de leur accorder le même traitement sur le plan législatif.

La partie du projet de loi qui traite des assurances m'embête également. Elle donne à la SCHL une grande marge de manoeuvre pour ce qui est de changer d'orientation, d'élaborer de nouveaux produits, et de changer son approche vis-à-vis du marché. Tout cela n'est pas précisé, mais le fait est que vous avez une latitude illimitée en ce qui concerne votre capacité de pénétrer de nouveaux secteurs d'activité. Je crois comprendre que le secteur privé, c'est-à-dire vos concurrents, n'ont pas cette même possibilité aux termes du projet de loi proposé. Ils seront obligés de s'aligner sur vous, à condition évidemment que vos projets soient autorisés par les autorités réglementaires et autres. Mais contrairement à la SCHL, on ne cherche pas à les motiver à élaborer de nouveaux produits ou à pénétrer de nouveaux marchés. Peut-être pourriez-vous m'expliquer les raisons de cette différenciation, car j'avoue ne pas très bien la comprendre.

M. Rochon: D'abord, permettez-moi de répéter ce qu'a dit notre ministre au sujet de la garantie de 100 p. 100. À mon sens, tel n'est pas l'objet de ce projet de loi. Il s'agit plutôt d'une discussion ou d'une négociation entre le ministère des Finances et l'entreprise privée concernée.

Le sénateur Doody: Excusez-moi de vous interrompre. Peut-être que mes prémisses sont inexactes. J'avais vraiment l'impression, après avoir écouté la déclaration du ministre devant le comité -- et je pourrai toujours vérifier le compte rendu par la suite -- qu'à son avis, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous les intéressés, et que c'est justement là l'un des principaux objectifs du projet de loi. Je suis à peu près sûr qu'il a dit ça.

M. Rochon: Monsieur le président, le président de GE Capital a bel et bien indiqué au comité que son entreprise est actuellement en négociation avec le ministère des Finances. Si je ne m'abuse, il a dit que ce n'était pas encore «dans le sac», et on peut donc supposer que les négociations sont toujours en cours. Mais de toute façon, cela ne nous concerne pas.

Le sénateur Doody: Je parlais plutôt des déclarations du ministre.

M. Rochon: Je vous ai dit, sénateur, que nous sommes très contents d'avoir des concurrents. Nous voulons cependant être sur un pied d'égalité avec nos concurrents, et c'est au gouvernement de déterminer comment il s'organisera avec GE, par l'entremise du ministère des Finances.

Je me permets de vous dire en passant que nous n'offrons pas les mêmes services que GE. Nous offrons de meilleurs services à l'ensemble des Canadiens, où qu'ils habitent au Canada, c'est-à-dire d'un bout à l'autre du pays.

Le président: Mais pourquoi êtes-vous contre l'idée de permettre à la SCHL et à son concurrent du secteur privé d'offrir la même garantie? Je suppose qu'il n'est pas concevable que la Couronne décide de rabaisser la garantie de la SCHL à 90 p. 100?

M. Rochon: Pourquoi pas?

Le sénateur Doody: Parce que c'est une société de la Couronne.

Le président: Oui, la Couronne en est la propriétaire et doit absolument soutenir la SCHL. À votre connaissance, existe-t-il d'autres sociétés de la Couronne qui ne sont pas soutenues à 100 p. 100 par la Couronne? Moi, je n'en connais pas.

M. Rochon: Par rapport à cette question-là, je dirais que c'est plutôt à mes maîtres politiques de déterminer quelle ligne de conduite leur semble la plus appropriée. À mon avis, cette question est sans pertinence pour le projet de loi dont vous êtes actuellement saisis.

Le président: Je suis d'accord avec vous, mais estimez-vous que le fait d'offrir la même garantie aurait des conséquences négatives pour vous?

M. Rochon: Il ne fait aucun doute qu'il y aurait des conséquences. Il reste à savoir si elles seraient négatives ou positives. Nous sommes bien obligés de nous adapter à la réalité, et si les règles du jeu devaient changer, je suppose que nous serions alors plus à même de vous répondre.

[Français]

C'est une hypothèse, et je suis incapable d'y répondre.

[Traduction]

Le président: Donc, en principe, vous n'êtes pas contre.

M. Rochon: Non.

Le président: N'avez-vous pas conseillé au gouvernement de ne pas adopter la ligne de conduite évoquée par M. Gagliano?

M. Rochon: Nous avons donné certains conseils à M. Gagliano avant qu'il ne comparaisse devant le comité, monsieur le président. Il a ensuite fait certaines déclarations, et nous nous y conformerons évidemment.

Le sénateur Doody: Pourriez-vous répondre à la deuxième partie de ma question, au sujet de la mise au point de nouveaux produits?

Mme Karen A. Kinsley, vice-présidente, Stratégie, Société canadienne d'hypothèques et de logement: GE a exprimé ses préoccupations à l'égard de la possibilité qu'elle puisse difficilement lancer de nouveaux produits sur le marché, à cause de la garantie offerte par le gouvernement. Rien n'empêche une entreprise privée d'être novatrice et de lancer de nouveaux produits sur le marché. Elle craint de ne pas y arriver à cause de la garantie gouvernementale. Il s'agit donc de savoir si le gouvernement devrait soutenir tous les projets de GE sur le marché ou s'il devrait plutôt, dans un contexte de concurrence loyale, n'appuyer que les activités de la SCHL que lui impose son mandat.

Jusqu'à présent, le gouvernement a toujours dit que c'est cette dernière ligne de conduite qui lui semble la plus appropriée. Nous comprenons très bien que cela ne plaise pas beaucoup aux responsables de GE et qu'ils aimeraient que le gouvernement garantisse tout ce qu'ils font, mais à mon sens, ce ne serait guère raisonnable, puisque le gouvernement s'exposerait à certains risques si jamais ses produits n'ont pas de succès.

Le sénateur Doody: Encore une fois, j'ai dû mal entendre ou mal lire les témoignages. D'après ce que j'avais pu comprendre, une entreprise privée demandait les mêmes droits, privilèges et possibilités dont jouit n'importe quelle société pour ce qui est de mettre au point de nouveaux produits. Je ne crois pas qu'elle ait demandé -- du moins, elle ne l'a pas dit directement, que je sache -- que toutes ses activités, quelles qu'elles soient, fassent l'objet d'une garantie gouvernementale. Ce serait tout à fait ridicule. Même l'entrepreneur le plus optimiste ne s'attendrait pas à ce que le gouvernement fasse une bêtise pareille. Je ne crois pas que nous en soyons là. J'avais tout simplement l'impression qu'ils voulaient être assujettis aux mêmes règles et profiter des mêmes possibilités que la société de la Couronne.

Mme Kinsley: Elle a exactement les mêmes possibilités que la SCHL sur le marché actuel.

Le sénateur Doody: Aux termes de ce projet de loi?

Mme Kinsley: Aux termes de la loi actuelle, et de ceux du projet de loi.

Le sénateur Poy: Monsieur Rochon, vous avez parlé dans votre exposé du problème du logement social et de formes nouvelles d'aide au logement. Ce projet de loi donnera beaucoup de latitude au gouvernement dans ce domaine. Pourriez-vous réagir aux remarques de M. Daniels au sujet de différents problèmes?

M. Rochon: Je pense que nous pourrons effectivement vous donner des réponses. Je vais demander à mon collègue, M. Stewart, de vous répondre.

M. Douglas A. Stewart, vice-président, Société canadienne d'hypothèques et de logement: M. Daniels a soulevé un grand nombre de questions. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner en détail son mémoire, alors je vais me borner aux principaux points qu'il y aborde. Je vais ensuite demander à mes collègues, M. Brodsky et M. Asselin, de compléter mes remarques.

Je voudrais surtout vous expliquer la différence entre la politique gouvernementale et la loi. La grande majorité des points soulevés par M. Daniels concernent surtout la politique du gouvernement dans différents domaines. Par exemple, il a parlé des crédits qui sont consacrés aux programmes de logement social destinés aux peuples autochtones.

M. Daniels et le gouvernement peuvent ne pas être d'accord sur des questions de politique -- et il existe dans plusieurs domaines des désaccords tout à fait salutaires -- mais à mon avis, ils devraient être d'accord sur l'incidence de ce projet de loi. Ce projet de loi offre au gouvernement un outil beaucoup plus puissant que ceux dont il a disposé jusqu'à présent pour assurer une aide au logement aux citoyens canadiens, où qu'ils soient, qui en ont besoin. Ce projet de loi garantira une plus grande efficacité en ce qui concerne nos programmes actuels, et une sphère d'activité plus importante.

L'une des dispositions clés du projet de loi a pour effet d'éliminer certaines restrictions visant la SCHL en ce qui concerne les partenariats. Ainsi nous pourrons travailler avec une gamme beaucoup plus vaste d'organismes, y compris les organismes autochtones.

La SCHL a lieu d'être fière du travail qu'elle a accompli par le passé avec les organismes autochtones. Je remercie d'ailleurs M. Palmater pour ses remarques concernant l'entente conclue avec la Nouvelle-Écosse -- si je ne m'abuse, André Asselin a d'ailleurs une connaissance directe des modalités de cette entente; or, les relations entre les deux parties seront certainement favorisées par le projet de loi.

La plupart des programmes de logement social au Canada sont assujettis à des ententes conclues par le gouvernement fédéral et l'organisme chargé d'exécuter le programme.

Je voudrais que ce soit bien clair: le projet de loi n'influera aucunement sur ces ententes. Elles sont déjà en place et par conséquent, elles ont la priorité. Aucune disposition de ce projet de loi n'influera sur les ententes actuelles relatives à l'attribution des logements sociaux aux différents groupes au Canada.

Pour ce qui est du transfert aux provinces de la responsabilité du logement social, je vous ai fait circuler l'article 22 de l'entente. Si vous l'examinez, vous verrez qu'il prévoit que les provinces doivent absolument respecter ces ententes, même après avoir conclu l'entente de transfert des responsabilités avec le gouvernement fédéral et après avoir commencé à administrer ces ensembles d'habitation en notre nom.

Le sénateur Poy: Vous avez dit que le gouvernement respectera les ententes déjà en vigueur, mais M. Daniels s'inquiète pour l'avenir. Qu'arrivera-t-il à l'avenir si tout n'est pas prévu dans ce projet de loi? Que feront-ils par la suite?

M. Stewart: Il s'agit d'ententes à long terme qui seront en vigueur pendant encore un bon moment. Le gouvernement respectera les engagements qu'il a pris dans ces ententes jusqu'au moment de leur expiration. Ces ententes ne prendront pas fin avant très longtemps, et elles seront respectées.

M. André Asselin, directeur, Planification stratégique, Division des politiques et du marketing, Société canadienne d'hypothèques et de logement: Il faut bien comprendre que la durée de la plupart de ces ententes est de 35 ans et que le gouvernement fédéral s'engage, aux termes de ces ententes, à continuer d'offrir une aide financière. Je vous signale également qu'une bonne partie de l'aide assurée aux provinces -- et non seulement aux groupes d'autochtones vivant en milieu urbain -- a été fournie aux termes de ces mêmes ententes. Si ce projet de loi et les changements qu'on prévoit d'apporter à l'article 95 était digne de mépris, les provinces auraient certainement protesté si elles avaient été convaincues que nous pourrions leur enlever cette aide. Mais aucune d'entre elles n'a exprimé de telles préoccupations. J'insiste d'ailleurs là-dessus. Rien dans cette entente ne pourrait avoir des conséquences négatives pour les Premières nations.

[Français]

Le sénateur Lavoie-Roux: Je sais bien que ce n'est pas vous qui avez préparé le projet de loi, mais vous avez sans doute été consulté. Est-ce que les autochtones ont été consultés? Il semble y avoir une telle disparité entre la teneur du projet de loi et les représentations faites par les autochtones.

Je me réfère à la page 6 du mémoire de M. Daniels, et je cite:

[Traduction]

Dans le document intitulé «Rassembler nos forces», le gouvernement fédéral a promis d'établir de nouvelles relations avec les peuples autochtones du Canada.

[Français]

Il demande d'être représenté au conseil d'administration. Est-ce une chose qui vous apparaît faisable et souhaitable?

M. Rochon: C'est faisable et souhaitable.

Le sénateur Lavoie-Roux: Qui décidera finalement?

M. Rochon: Celui qui nomme les membres du conseil d'administration, notre actionnaire, le gouvernement du Canada.

Le sénateur Lavoie-Roux: Sur la question, est-ce qu'il y a eu une consultation avec les autochtones?

M. Rochon: Sur l'ensemble des négociations avec les provinces, il y a eu des rencontres régulières entre mon ministre et différents groupes autochtones. Et il y a toujours des rencontres régulières avec mon ministre et différents groupes autochtones.

Le sénateur Lavoie-Roux: Comment expliquez-vous alors qu'il y a une telle disparité entre las teneur du projet de loi et ce que les autochtones souhaitent?

M. Rochon: Je crois que le projet de loi va rencontrer les besoins des autochtones beaucoup plus facilement que la loi actuelle. C'est une question d'interprétation de la portée des amendements. Sans doute qu'il y a de l'éducation à faire.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je trouve que vous êtes dans une positions tellement opposée sur des points importants qu'on se demande si cela n'a pas été rédigé -- c'est mon expression -- en ignorant les représentations des autochtones. Ont-ils eu le loisir de faire des représentations?

M. Rochon: Oui, ils ont eu le loisir d'en faire à la Chambre des communes. Devant vous cet après-midi, ils ont choisi de vous réserver le privilège de leur présentation.

[Traduction]

Le sénateur Butts: Ma question, qui est assez spécifique, prolonge la remarque du sénateur Lavoie-Roux. Un représentant de la Banque de Montréal nous a parlé du conseil d'administration, composé de neuf personnes dont sept autochtones, conseil d'administration qui a justement son mot à dire sur tout ce dont on parle actuellement. Quels sont les rapports entre la Société canadienne d'hypothèques et de logement et ce conseil d'administration?

M. Stewart: La SCHL n'entretient pas de relations officielles avec la Banque de Montréal en ce qui concerne le programme d'habitation et de services bancaires pour les autochtones. Il s'agit d'une initiative du secteur privé exclusivement et donc d'un conseil d'administration privé.

Le sénateur Butts: Je suppose que ce conseil d'administration aurait pu comparaître devant le comité à titre de témoin?

M. Stewart: Oui.

[Français]

Le sénateur Robichaud: En réponse au sénateur Lavoie-Roux, vous avez dit que vous avez eu des consultations avec les autochtones. On semble nous dire que certains groupes n'ont pas été consultés. Est-ce que dans vos consultations avec les provinces, certains groupes étaient plus régionaux que nationaux?

M. Rochon: Des séances d'information ont été offertes à tous les groupes qui sont nos clients traditionnels et ceux qui s'en sont prévalus se sont déclarés satisfaits. Je présume que les autres avaient une connaissance du projet de loi proposé et une assurance qu'il allait satisfaire leurs besoins. Mon collègue, M. Stewart m'informe à l'instant qu'il a consulté les associations nationales des autochtones.

Le sénateur Robichaud: Des consultations ont donc été faites?

M. Rochon: Oui.

[Traduction]

Le sénateur Chalifoux: Je vous remercie pour cet exposé intéressant, même si j'ai des préoccupations à ce sujet. Le projet de loi influe sur vos relations avec les peuples autochtones, qu'ils vivent dans la réserve ou hors réserve, car les traités touchant les autochtones hors réserve seraient tout de même visés. De tous les ministères fédéraux, à l'exception du MAINC, la SCHL est l'organisme dont les activités ont le plus d'impact sur les peuples autochtones alors que dans le cas des autochtones hors réserve, c'est l'organisme qui influence le plus leur situation.

Depuis une vingtaine d'années, je suis active dans le domaine du logement pour les autochtones. À une époque, 40 p. 100 du financement fédéral des logements hors réserve venait de la SCHL. Étant donné l'impact important de vos activités, pourriez-vous me dire quels ont été les résultats des consultations menées auprès des autochtones au sujet de ce projet de loi?

M. Stewart: Là je pense que les questions que vous me posez concerne surtout la politique du gouvernement.

Le sénateur Chalifoux: Non, pas du tout. Je vous parle de consultations, pas de politique. Je vous pose une question sur les consultations que vous avez menées au sujet du projet de loi. Je voudrais savoir combien d'organismes autochtones ont été consultés et combien ont participé directement à des discussions avec vous quand vous prépariez le projet de loi?

M. Stewart: Pendant l'étape de rédaction du projet de loi, nous avons organisé des séances d'information, comme vous l'a déjà dit M. Rochon, qui étaient destinées à tous les groupes avec lesquels nous traitons normalement. J'ai moi-même fait un exposé devant le comité du logement de l'Assemblée des Premières nations. Nous avons examiné en détail le projet de loi et nous avons longuement discuté des crédits fédéraux destinés aux programmes de logements pour les autochtones. Ils ont fini par reconnaître que le projet de loi était moins important dans ce contexte que les intentions du gouvernement vis-à-vis de l'application de ce dernier.

Le sénateur Chalifoux: Quelle sera l'incidence du projet de loi sur l'article 95 de la Loi nationale sur l'habitation?

M. Stewart: Le projet de loi C-66 aura pour résultat de renforcer encore plus l'article 95. Ainsi nous aurons plus de latitude pour répondre aux besoins des Canadiens à faible revenu.

Le sénateur Chalifoux: Vous parlez des Canadiens à faible revenu. Je trouve intéressant que deux tiers des Canadiens soient propriétaires de leur maison. Nous sommes l'une des populations les plus privilégiées au monde en ce qui concerne le logement. Mais moins de 5 p. 100 des Canadiens autochtones sont propriétaires d'une maison. En quoi le projet de loi C-66 sera-t-il avantageux pour les peuples autochtones?

M. Stewart: L'un des avantages, c'est que nous aurons plus de latitude pour lancer de nouveaux produits d'assurance hypothécaire. Il nous sera plus facile d'offrir ces produits dans la réserve. Nous aurons également une plus grande marge de manoeuvre, si le gouvernement souhaite nous donner ce mandat, d'encourager l'accession à la propriété de diverses façons plus traditionnelles.

Le sénateur Chalifoux: Je connais très bien la situation en matière de logement des Métis vivant en milieu urbain en Alberta, car je travaillais dans ce domaine il y a très longtemps. À l'époque, nous voulions être en mesure d'offrir à nos locataires la possibilité d'acheter leurs maisons. On nous a dit que si nous faisions ça, nous ne pourrions pas remplacer les maisons à faible loyer.

Ce projet de loi aidera-t-il les locataires à acheter leurs maisons tout en garantissant qu'une partie des logements continueront d'être offerts à faible revenu?

M. Stewart: Je vais demander à M. Brodksy de vous donner la réponse exacte à votre question du point de vue juridique, mais le principal objet du projet de loi est d'éliminer bon nombre des restrictions législatives qui auraient pu nous empêcher de faire ce genre de choses par le passé. De façon générale, le projet de loi C-66 nous donnera beaucoup plus de latitude pour ce qui est de mettre sur pied ce type de programmes novateurs sans pour autant influencer la situation en ce qui concerne les logements qui existent déjà.

Le sénateur Chalifoux: Les associations d'habitation seraient alors obligées de négocier de nouvelles ententes pour l'acquisition d'unités de logement pour les travailleurs économiquement faibles et des groupes de ce genre. Que pense la SCHL de l'idée d'avoir à conclure de nouvelles ententes? Vous avez déjà parlé des anciennes ententes, mais là je vous parle d'ententes nouvelles.

M. Stewart: La politique du gouvernement consiste à transférer aux provinces l'administration de ces ententes.

Le sénateur Chalifoux: C'est regrettable.

M. Stewart: Si le groupe concerné voulait apporter des modifications à l'entente, il serait obligé de les négocier avec la province.

Le sénateur Chalifoux: Ce n'est guère une bonne nouvelle pour les peuples autochtones du Canada. Les Indiens soumis à des traités relèvent de la responsabilité du gouvernement fédéral. Les Métis sont dans une sorte de vide. Certains relèvent de la responsabilité fédérale et d'autres, de la responsabilité provinciale. C'est triste, car j'ai l'impression que vous abdiquez votre responsabilité, notamment à l'endroit des Indiens assujettis à des traités au Canada.

Le sénateur LeBreton: M. Rochon ne sera sans doute pas surpris d'entendre que j'ai une question à lui poser concernant la sélection du nouveau conseil d'administration.

D'abord, votre exposé était excellent, comme d'habitude. Vous avez parlé de vos concurrents du secteur privé. Si j'ai bien compris, monsieur Rochon, vous n'affirmiez pas que vos concurrents du secteur privé ne sont pas libres de faire preuve d'innovation pour exploiter les possibilités du marché dans les limites de leur licence? Je suppose que vous ne laissiez pas entendre que le fait d'avoir accès à d'autres produits leur donnait un avantage par rapport à la SCHL, n'est-ce pas?

En réponse à un de mes collègues, vous avez dit que vous ne craigniez pas la concurrence de toute façon, et que vous seriez bien obligés de l'affronter. Le ministre a déclaré, au moment de témoigner, qu'il n'y voyait aucun inconvénient. Il a essentiellement renvoyé la balle aux responsables du ministère des Finances.

J'aimerais obtenir des éclaircissements à ce sujet.

M. Rochon: J'aimerais bien avoir une petite usine de fabrication de cuisinières et de réfrigérateurs que je pourrais ensuite offrir aux gens pour les encourager à traiter avec nous. Voilà la réalité du marché; c'est comme ça que ça marche, et du point de vue de notre culture organisationnelle, cela demandera une certaine adaptation de notre part car notre organisation a 51 ans et nous y voyons un défi tout à fait nouveau.

Cela dit, loin de moi l'idée de contredire mon ministre. Nous sommes convaincus que le ministère des Finances réglera son différend, le cas échéant, avec GE, et c'est tout. Nous n'aurons certainement pas peur de nos concurrents, et de même, nous n'empêcherons aucunement GE d'innover si c'est ça qu'elle souhaite faire.

Le sénateur LeBreton: Ni aucun autre concurrent du secteur privé, puisque ce sera désormais possible.

M. Rochon: Nous souhaitons mener, plutôt que de suivre.

Le sénateur LeBreton: Merci pour cette précision.

C'est peut-être une question injuste, car M. Rochon et moi partagions certaines responsabilités à une autre époque. Mais nous parlions tout à l'heure des changements apportés à la composition du conseil d'administration, et au paragraphe 25(1), 6(1) du projet de loi à la page 19, on lit ceci: «Le conseil d'administration se compose du président du conseil, du Président et des huit autres membres.»

Dans l'explication, il a été mentionné -- et nous en avons discuté -- que le changement apporté à ce paragraphe consiste à faire remplacer les «deux fonctionnaires» par des gens du secteur privé. Cela me paraissait tout à fait logique, puisque la Société canadienne d'hypothèques et de logement est une société de la Couronne tout à fait indépendante qui concurrence d'autres entreprises du secteur privé. J'ai eu l'avantage d'avoir pu retrouver et relire certains vieux documents que j'avais gardés. Pourriez-vous m'expliquer pourquoi ils ont conservé le paragraphe qui dit ceci: «Le conseil, avec l'approbation du gouverneur en conseil, nomme trois vice-présidents et fixe leur traitement»? C'est peut-être une question injuste, mais est-ce vraiment nécessaire si le conseil d'administration ne comptera désormais plus de fonctionnaires? Nous avons déjà des directives précises en ce qui concerne le président du conseil, le président et les huit autres membres, mais pourriez-vous me dire si ces trois postes de vice-présidents sont actuellement comblés?

M. Rochon: Non.

Le sénateur LeBreton: Est-ce vraiment nécessaire de conserver ce paragraphe? Par contre, je ne prétends pas qu'il ne serait pas possible de faire ça ultérieurement, si nous jugions utile d'y mettre un peu d'ordre. Mais est-ce vraiment nécessaire de le conserver? N'est-il pas plus logique que vous, le président du conseil, le Président et le conseil d'administration décidiez vous-mêmes de ces détails-là, plutôt que par décret du conseil? Évidemment, moi-même je n'aurais jamais voulu éliminer certaines de mes propres responsabilités a l'époque où j'exerçais d'autres fonctions. Mais il reste que ce paragraphe me semble un peu superflu. Peut-être qu'un de vos collègues pourraient me répondre.

M. Rochon: L'actionnaire, c'est-à-dire le gouvernement, s'est penché sur la question et a décidé de conserver le statu quo en ce qui concerne ces postes-là. Cependant, le gouvernement n'exerce pas son pouvoir de nomination vis-à-vis de ces postes depuis quatre ans.

Le sénateur LeBreton: Cela ne veut pas dire qu'il ne le fera pas à l'avenir.

M. Rochon: Le gouvernement pourrait effectivement décider à l'avenir d'exercer son pouvoir de nomination.

Le sénateur LeBreton: N'est-ce pas un peu injuste pour la direction de la SCHL? Nous savons tous ce que c'est que d'avoir à chercher des gens, et puis là, tout d'un coup trois personnes sont nommées au conseil de la SCHL par décret du conseil. Il est évident que vous êtes en concurrence. Vous avez votre propre plan d'affaires. Est-ce que le fait que ces postes continuent d'exister, même s'ils ne sont pas comblés pour le moment, ne pose pas des problèmes pour le Président et la direction de la SCHL?

M. Rochon: Puisque le gouvernement n'a pas exercé ce pouvoir, nous ignorons pour l'instant si cela nous créera des difficultés ou non. Nous avons une bonne capacité d'adaptation. Je suis sûr que si l'actionnaire nous demande d'engager des employés additionnels, nous accéderons à sa demande.

Le sénateur LeBreton: Pour les fins du compte rendu, ces trois postes -- là j'exprime mon opinion personnelle -- auraient pu être supprimés de la loi au moment où on rédigeait les modifications. Il n'était pas nécessaire de les conserver dans la loi.

Le sénateur Watt: Je vais d'abord vous donner mon interprétation du projet de loi, et ensuite j'aurai des questions à vous poser.

Ce projet de loi permettra à la SCHL de travailler davantage avec les Premières nations et d'envisager de participer à diverses entreprises commerciales qui aideraient les Premières nations. Le projet de loi prévoit également que la SCHL continuera d'assurer l'aide financière correspondant aux engagements pris vis-à-vis d'ensembles d'habitation dans les réserves, et ce pour un coût annuel d'environ 160 millions de dollars. Il précise que la SCHL prendra également de nouveaux engagements financiers en vue de financer la construction d'environ 1 000 unités par année, tout en accordant 8 millions de dollars par année au Programme d'aide à la remise en état des logements. C'est bien ça?

M. Rochon: Je suppose que oui.

Le sénateur Watt: Le projet de loi prévoit ensuite que les Indiens et les bandes indiennes continueront d'être visés par le projet de loi C-66. C'est du moins ce que j'ai cru comprendre; c'est bien ça?

Le président: Quel est le document que vous lisez?

Le sénateur Watt: Il s'agit de la réaction du gouvernement à la lettre du sénateur Chalifoux.

Ce que j'essaie de vous dire, c'est que ce projet de loi fait constamment mention des bandes indiennes et du peuple indien sans jamais parler des Métis ou des Indiens. Il va sans dire qu'il est avantageux pour les Inuits et les Métis de s'éloigner du modèle des logements sociaux en faveur d'entreprises davantage commerciales. Mais c'est justement ça qui a toujours manqué au sein de notre société.

Pour en revenir à la question du logement social, ce projet de loi inquiète non seulement les Métis, mais aussi les Inuits. Le gouvernement du Canada semble s'éloigner de l'engagement social qu'il a pris. Si l'intention est de respecter les modalités des ententes, comme le prétend votre collègue, pourquoi ne pas en faire expressément mention dans le projet de loi pour que les inquiétudes des peuples autochtones ne conduisent pas à une confrontation? En général, les confrontations coûtent très cher.

M. Stewart: J'aimerais réagir à ce que vous avez dit au sujet des références qui sont faites aux peuples autochtones dans ce projet de loi. Dans l'actuelle Loi nationale sur l'habitation, il est question des Indiens et des bandes indiennes. Mais le projet de loi C-66 propose de supprimer la totalité de ces références. Nous avons voulu les éliminer pour éviter d'être limités par certaines dispositions de la loi. Par le passé, par exemple, quand nous traitions avec un groupe donné, il nous est arrivé d'avoir à nous demander s'il s'agissait d'une bande indienne et si nous étions vraiment en mesure de faire ce que nous nous proposions de faire. Nous avons donc décidé d'éliminer toutes ces références pour que les dispositions de la loi puissent bénéficier tous les Canadiens, quels qu'ils soient.

M. Brodsky: Ce projet de loi contient une disposition qui prévoit explicitement le maintien des modalités des ententes relatives à des ensembles d'habitation conclues précédemment. L'article 38 du projet de loi C-66 représente en effet une disposition transitoire qui garantit l'application de certaines dispositions de la loi actuelle. Ainsi personne ne pourra enfreindre une disposition quelconque des ententes actuellement en vigueur. C'est justement l'un des points qu'a soulevés M. Daniels. Eh bien, la réponse à sa question se trouve dans la disposition du projet de loi C-66 visant à protéger les ententes déjà en vigueur. C'est cet article-là qui prévoit cette protection.

Le sénateur Watt: Cela m'amène à vous poser une autre question. Si c'est vrai, pourquoi y a-t-il eu sans arrêt des problèmes dans les négociations entre le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et le gouvernement du Canada dans les négociations sur le logement?

M. Rochon: Nous ne pouvons répondre pour le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le sénateur Cools: Ma question n'a rien à voir avec tout ce qui s'est déjà dit. Elle concerne le paragraphe 11(1) du projet de loi, qui se trouve à la page 11, sous la rubrique «RECHERCHE EN MATIÈRE D'HABITATION, URBANISME ET ACTIVITÉ INTERNATIONALE». En vertu de cet article, vous pouvez:

j) exercer des activités de recherche et de planification et fournir de l'information et des services en ce qui concerne le financement de l'habitation, l'accès à une diversité de logements abordables, le cadre de vie ou l'urbanisme ou qui sont destinés à contribuer à l'essor du secteur de l'habitation au sein de l'économie nationale.

Ce projet de loi a donc une dimension internationale.

Que signifie cet article et pourquoi est-il nécessaire?

M. Brodsky: Cette partie-là du projet de loi a pour objet de soutenir la politique énoncée dans le nouvel article 3 du projet de loi relativement au mandat de la SCHL en matière de financement de l'habitation, à savoir l'abordabilité, la concurrence et d'autres objectifs.

Cet article précise que la SCHL a effectivement un mandat de recherche dans les domaines suivants: le financement de l'habitation, l'accès à une diversité de logements abordables, et l'urbanisme, et dans d'autres domaines destinés à contribuer à l'essor du secteur de l'habitation au sein de l'économie nationale. Cette disposition complète donc le mandat général énoncé au nouvel article 3 du projet de loi C-66.

Le sénateur Cools: Je comprends très bien; c'est plutôt la dimension internationale que je ne comprends pas.

Le président: Cet élément a fait l'objet d'une longue discussion avec le ministre et d'autres.

Le sénateur Cools: Je me demande ce que peut faire une société de la Couronne canadienne sur la scène internationale pour promouvoir l'habitation.

M. Stewart: Quand le gouvernement a réexaminé notre mandat en 1996, conformément à la demande qui avait été faite en ce sens par le secteur de l'habitation proprement dit, on nous a demandé d'aider le secteur canadien du logement à vendre ses produits et services à l'étranger, et nous avons donc assumé ce rôle.

L'un des principaux outils qui permet au secteur de l'habitation de vendre ses produits et services est l'information. Les dispositions du projet de loi C-66 vont justement nous permettre de faire de la recherche et de constituer des données qui permettront aux constructeurs, élaborateurs de produits, architectes, promoteurs et autres participants du secteur de l'habitation à obtenir des informations plus exactes pour mieux pénétrer les marchés étrangers de l'habitation.

Le président: Je voudrais remercier une fois de plus les représentants de la SCHL de leur présence. Nous avons passé en revue l'ensemble des questions que traite cette mesure législative, et même un certain nombre de questions qui dépassent un petit peu les paramètres de cette dernière. Merci infiniment de votre présence.

Chers collègues, nous en sommes à notre troisième réunion sur le projet de loi et il n'y a plus de témoins à entendre. Il est prévu à l'ordre du jour que nous procédions immédiatement à l'examen article par article du projet de loi C-66.

Nous avons évidemment la possibilité de faire l'examen du projet de loi article par article, conformément à la procédure normale. Mais il y a d'autres possibilités. Si un sénateur veut proposer un amendement, avec la permission des membres, je pourrais passer immédiatement à l'article que vous souhaitez modifier. S'il n'y a pas d'amendements, avec la permission des membres, le président pourrait accueillir une motion visant à faire rapport du projet de loi sans amendement. Je m'en remets à votre volonté.

Le sénateur Doody: Monsieur le président, j'aimerais faire une observation concernant la partie du projet de loi qui m'intéressait le plus au départ, bien que la question du logement social me paraît de plus en plus intéressante.

Au départ, j'avais l'intention de proposer plusieurs amendements aux dispositions d'ordre social du projet de loi, mais j'ai l'impression que le comité dans son ensemble ne souhaite pas vraiment modifier ce projet de loi. Le ministre a clairement indiqué que le principal objectif de cette mesure est de mettre tous les acteurs du secteur de l'habitation sur un pied d'égalité. Je crois comprendre que des discussions sont actuellement en cours avec les responsables du ministère des Finances, et que ces discussions semblent maintenant assez prometteuses.

Donc, au lieu de procéder à l'examen article par article en proposant des amendements qui ne vont sans doute pas être adoptés ni par le comité ni par le Sénat, je proposerais que nous demandions au personnel de préparer un texte indiquant que ces questions ont été portées à la connaissance du comité et qu'elles devraient être prises en compte, et que d'autre part, nous remercions le ministre de s'être montré sensible aux préoccupations qui ont été exprimées. Nous devrions essayer d'aller de l'avant, en ce qui concerne les éléments positifs du projet de loi, tout en insistant sur le fait qu'il présente, de l'avis de certains, des difficultés du point de vue de la situation des peuples autochtones, du logement social et de certaines questions commerciales; il reste que le projet de loi permettra à tous les acteurs du secteur de l'habitation d'être sur un pied d'égalité et de profiter ainsi pleinement des possibilités qu'offre le marché.

Voilà ce que je proposerais, mais il va sans dire que c'est aux membres du comité de prendre la décision.

Le président: Les sénateurs ne sont pas sans savoir que pour ce qui est de faire rapport d'un projet de loi sans amendement quitte à y rattacher certaines observations ou recommandations, il existe de nombreux précédents. Je pense que c'est justement ce que nous propose le sénateur Doody relativement à l'assurance hypothécaire.

Le sénateur Doody: En effet.

Le président: Souhaitez-vous qu'on aborde également les questions qui ont été soulevées devant le comité cet après-midi?

Le sénateur Doody: Oui, ce serait tout à fait possible. Des préoccupations à la fois très graves et sincères ont été exprimées au sujet de ce projet de loi qui peuvent ou non être justifiées. Les fonctionnaires nous ont indiqué que les préoccupations des peuples autochtones n'étaient pas justifiées. Mais nous pourrions peut-être simplement signaler que ces préoccupations existent en demandant des réponses. Mais il ne convient pas à mon avis d'essayer maintenant de modifier le projet de loi. De toute façon, nous n'avons pas la capacité de recherche nécessaire pour le faire.

Le sénateur Cools: Je suis d'accord avec l'idée de faire rapport du projet de loi en y rattachant une série de remarques concernant les préoccupations qui nous ont été exprimées aujourd'hui.

J'ai fait un peu de recherche sur l'examen article par article des projets de loi. Je constate que le Sénat commence à prendre l'habitude de ne pas adopter les projets de loi en comité. Je vous exhorte donc à adopter le projet de loi sans amendement avant de voter sur l'idée de faire rapport du projet de loi sans amendement. Je comprends très bien que de nombreux sénateurs ne souhaitent pas se donner la peine de faire l'examen article par article, mais nous avons tout de même la possibilité de voter sur des groupes d'articles.

Le président: Je suis d'accord avec vous, sénateur, et c'est ce que je vais faire, si j'ai la permission de tous les membres.

Le sénateur Cools: Je suis d'accord avec le sénateur Doody pour y rattacher des remarques.

Le sénateur Gill: Je suis d'accord.

Le sénateur Lavoie-Roux: Je ne sais pas s'il est possible de faire ce que propose le sénateur Doody. À la page 8 du mémoire, on nous recommande d'apporter un amendement au projet de loi. Je trouve tout à fait légitime de demander que l'un des administrateurs soit autochtone. À mon avis, nous devrions au moins accepter cet amendement-là. Il faudrait l'ajouter au projet de loi.

Le sénateur Doody: Est-ce qu'on peut présenter cela sous forme de recommandation?

Le sénateur Lavoie-Roux: Oui, on devrait faire cette recommandation.

Le président: On peut faire toutes les recommandations qu'on veut, à condition que les membres soient d'accord.

Est-ce que cela convient aux membres du comité?

Des voix: D'accord.

Le président: Il s'agirait donc d'une observation ou d'une recommandation.

Le sénateur Cohen: Je suis d'accord avec le sénateur Doody et tous les autres. Il faudrait y rattacher une déclaration assez énergique concernant le logement social et le problème des sans-abri au Canada, en insistant sur les préoccupations exprimées par la communauté autochtone. L'effort actuel n'est tout simplement pas suffisant, malgré ces autres unités qui sont en construction. Je terminerais le texte en citant l'exemple de la Nouvelle-Écosse. Ils ont eu beaucoup de succès dans ce domaine, alors il est clair que des initiatives de ce genre peuvent être très bénéfiques.

Le président: Sénateur Butts, vous opposez-vous à l'idée de citer l'exemple de la Nouvelle-Écosse?

Le sénateur Butts: Non.

Le président: C'est souvent les détails qui posent problème. Notre collègue de la bibliothèque du Parlement, qui a entendu tous les témoignages, sera chargé de rédiger ce texte. Il pourra préparer des remarques à la lumière de notre discussion, mais il faudrait tout de même que je puisse faire circuler le texte demain matin, en supposant que je fasse rapport du projet de loi demain après-midi. Est-ce que cela vous va?

Des voix: D'accord.

Le président: Pour la gouverne de tous nos collègues, il conviendrait que je repasse en revue avec vous la procédure que nous allons suivre. Je ne voudrais pas qu'il y a de malentendus demain après-midi.

Dès que nous le pourrons demain matin, le greffier et moi enverrons un courriel à tous les membres du comité. Si vous me contactez par la suite, nous pourrons discuter d'éventuels changements à apporter au texte. Si je n'ai pas de vos nouvelles, je vais supposer que ce texte est satisfaisant.

Tout le monde a compris?

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je suppose que nous allons déclarer que nous faisons rapport du projet de loi avec une série d'observations. Il faut que ce soit clair que nous rattachons des observations au projet de loi.

Le président: Je vais aborder la façon dont nous allons faire rapport du projet de loi dans quelques instants.

Le sénateur Lavoie-Roux: Il pourrait s'agir d'observations et de recommandations.

Le sénateur LeBreton: Avons-nous le temps d'y rattacher les observations tout de suite, ou faudrait-il attendre d'avoir fait l'examen article par article?

Le président: Le sénateur Doody propose de ne pas apporter d'amendements au projet de loi. Il recommande par contre que nous y rattachions nos observations sur l'assurance hypothécaire et le logement social, de même que la question du conseil d'administration, et que ces observations soient directement rattachées au projet de loi.

Si les membres du comité sont d'accord avec cette idée et la procédure que j'ai proposée, je voudrais obtenir une motion proposant que le comité se passe de l'examen article par article du projet de loi.

Le sénateur LeBreton: Si vous me permettez, je voudrais y inclure une observation sur les trois postes de vice-présidents. Nous sommes à une époque où l'on attache une importance primordiale à l'efficacité et aux résultats. Puisque ces postes ne sont pas comblés, je voudrais qu'on attache une observation pour indiquer que cet article n'est pas nécessaire. La Société canadienne d'hypothèques et de logement semble très bien fonctionner sans ces trois vice-présidents. Ai-je la possibilité de faire cette observation maintenant?

Le président: Vous ne cherchez pas à modifier le projet de loi mais plutôt à y rattacher une observation, et à cet égard, il y a deux formules possibles. Par exemple, vous pourriez dire: «Certains membres du comité étaient d'avis que...» Si tous les membres du comité sont d'accord avec votre observation, cependant, nous pourrions dire plutôt: «Le comité estime que...»

Quel était l'objet de votre intervention, sénateur?

Le sénateur LeBreton: L'un des articles du projet de loi précise que le conseil d'administration, avec l'approbation du gouverneur en conseil, nomme trois vice-présidents et fixe leur traitement. Comme les témoins nous l'ont fait remarquer, ces postes ne sont pas comblés depuis un long moment et pourraient continuer d'être vacants. Pourquoi faut-il conserver ces postes alors qu'ils ne sont pas nécessaires? Pourquoi ne pas les éliminer, en modifiant la loi en conséquence, pour prévenir toute possibilité d'abus? Il ne faut pas se leurrer. Les abus sont toujours possibles. Les gouvernements se succèdent.

Le président: Vous dites donc que le gouverneur en conseil détient ce pouvoir depuis longtemps.

Le sénateur LeBreton: C'est un pouvoir qui n'est pas exercé actuellement, mais il n'y a pas de garantie que le gouvernement ne voudra pas un jour l'exercer. Si j'étais directeur à la SCHL, je ne sais pas si je serais très contente de me faire imposer des gens qui n'auraient peut-être même pas l'expertise nécessaire pour travailler efficacement au sein de l'organisation. D'après les témoignages que nous avons reçus, le gouvernement ne comble pas ces trois postes car, de toute évidence, il ne voit pas la nécessité de le faire. Pourquoi donc ne pas éliminer la possibilité qu'un gouvernement futur soit tenté de combler ces trois postes? D'ailleurs, cela suppose des frais connexes, qui viendraient s'ajouter aux salaires des trois vice-présidents de cette société de la Couronne, pour des bureaux, des secrétaires, et cetera. C'est une dépense inutile.

Il est clair que cette société de la Couronne est très bien administrée. Pourquoi conserver cette disposition? Si nous étions directeurs d'un organisme gouvernemental, nous ne serions pas très contents de nous faire annoncer un jour au téléphone que trois personnes arrivent à nos bureaux demain et qu'elles viennent d'être nommées vice-présidentes. Je suis sûre que mes collègues sont du même avis que moi à cet égard. Moi, je suis d'accord avec le sénateur Doody.

Je demande simplement qu'il y ait un moyen d'assurer l'équilibre des pouvoirs. Si nous constatons qu'il y a des abus à l'avenir, le compte rendu de nos délibérations indiquera au moins que nous n'avons pas approuvé cet article lorsque le comité était saisi du projet de loi.

[Français]

Le sénateur Gill: En fait, si je comprends bien, on adopte sans amendement le projet de loi C-66. Par contre, des observations seront faites, selon une certaine formulation. Si on veut qu'elles soient générales, elles devront être approuvées par la majorité des membres, quoique ce soit secondaire par rapport au projet de loi. Par contre, j'aimerais bien que ce soit très précis. Si ces observations proviennent seulement de quelques sénateurs, je suggère que cela soit mentionné comme tel.

Le Président: C'est précisément la question que j'aurais posée au comité. Vous avez bien entendu les propos du sénateur LeBreton. S'agit-il d'une observation du comité ou de plusieurs sénateurs?

[Traduction]

Est-ce que certains sénateurs sont d'accord?

Le sénateur Robichaud: Certains.

Le sénateur Poy: Oui, certains.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Si on dit qu'on veut recommander le projet de loi sans amendement, il ne faudrait quand même pas déguiser des amendements en quelque part.

[Traduction]

Le sénateur Doody: On peut tout simplement parler d'«observations et recommandations».

Le président: Si les sénateurs changent d'avis au sujet des amendements, je pourrais toujours les présenter à l'étape du rapport, ou à l'étape de la troisième lecture.

Le sénateur Cools: Quand je vous faisais certaines suggestions tout à l'heure au sujet des observations, je tenais pour acquis que ces observations feraient l'objet d'un accord de la part de tous les membres du comité. Je veux bien inclure des observations qui ont l'aval de tous les membres, mais je ne suis pas d'accord pour inclure des observations qui ont le soutien de seulement certains membres du comité. Je pensais qu'on allait parler de façon générale de certaines préoccupations relatives au logement social et à la situation des autochtones -- c'est-à-dire de préoccupations plus générales sur lesquelles nous sommes tous d'accord.

À mon avis, la préoccupation qu'exprime le sénateur LeBreton est tout à fait valable; mais on pourrait à mon avis la traiter de façon tout aussi efficace au cours du débat en troisième lecture.

Le sénateur Doody: Nous avons déjà été confrontés à ce problème en comité, et normalement nous le réglons en ajoutant au rapport la phrase que voici: «De même, certains honorables sénateurs avaient des préoccupations à l'égard de l'article X, et cetera, et cetera, et le jugeaient superflu ou inutile.»

Le président: Du point de vue de la procédure, ça ne pose aucun problème.

Le sénateur Cools: Il y a quelques semaines, à la Chambre même, une question a été soulevée sur ce point précis par le sénateur Lynch-Staunton ou le sénateur Kinsella. Le Président s'est prononcé sur la question. Quoi qu'il en soit, là nous parlons de la possibilité de présenter des observations précises qui ont l'aval de tous les membres du comité pour communiquer au gouvernement que certains éléments du projet de loi laissaient à désirer. Par conséquent, il faut qu'il y ait consensus, en ce qui me concerne. Si nous ne sommes pas d'accord, c'est très bien.

Le président: Oui, je comprends.

Le sénateur Cools: Ça me convient parfaitement.

Le président: Ce que propose le sénateur LeBreton et d'autres membres est, aux yeux de certains sénateurs, une formule bien préférable à celle qui consisterait à adopter la coutume américaine des rapports minoritaires. Nous ne souhaitons pas adopter cette coutume.

Le sénateur Cools: Non, absolument pas. Mais si nous continuons de la même manière, je vais peut-être inscrire mon opposition à l'idée d'inclure des observations.

Le sénateur LeBreton: Je suppose que j'essaie en quelque sorte d'éviter qu'un pauvre diable reçoive un jour un coup de fil de quelqu'un qui lui dit: «Je veux cette reconnaissance.» Je suis en faveur d'un texte, parce que nous avons travaillé très fort en comité et nous avons examiné en détail le projet de loi. Nous avons reçu des témoins et entendu les arguments pour et contre. À mon sens, faire rapport du projet de loi sans amendement, et sans y rattacher une série de remarques pour expliquer notre position sur divers point serait une très mauvaise chose. Les gens nous demandent souvent ce que nous faisons ici. Eh bien, nous venons de passer des heures et des heures en comité, et un texte de ce genre permettrait de répondre à cette question-là.

Le sénateur Doody: Je pense que nous sommes déjà tous d'accord sur l'idée d'y rattacher un texte.

Le sénateur LeBreton: Mais le sénateur Cools a dit qu'elle ne serait peut-être plus d'accord pour qu'on le fasse.

Le sénateur Cools: Quand j'ai dit tout à l'heure que j'étais d'accord avec la proposition du sénateur Doody concernant une série d'observations, j'ai précisé qu'à mon sens, ces observations devaient avoir l'aval de tous les membres du comité.

Le sénateur Doody: Même si certains sénateurs ne sont pas d'accord, nous pourrions simplement indiquer qu'il s'agit de l'opinion de la majorité des sénateurs, ou d'un certain nombre de sénateurs -- ou peu importe. Il est impossible d'être unanime sur tout.

Le sénateur Cools: Et comment allez-vous faire approuver ce texte par les membres?

Le président: Eh bien, nous allons devoir rédiger ce texte avec grand soin et nous vous l'enverrons par courrier électronique demain matin, si ça convient à tout le monde.

Honorables sénateurs, avec la permission des membres, il est proposé par le sénateur Butts que le comité se passe de l'examen article par article du projet de loi C-66.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Le sénateur Cools: Non. Je m'oppose à l'idée de laisser tomber l'examen article par article du projet de loi. Je suis prête à voter sur des groupes d'articles, quitte à mettre aux voix tous les articles du projet de loi d'un seul coup. Mais il n'est pas normal de laisser tomber l'examen article par article d'un projet de loi.

Le président: J'accepte votre position. Je voudrais donc une motion d'adoption du titre, du titre abrégé et des articles 1 à 43 inclusivement.

Le sénateur Butts: J'en fais la proposition.

Le président: C'est adopté.

Maintenant j'ai besoin d'une autre motion.

Il est proposé par le sénateur Cools que l'on fasse rapport au Sénat du projet de loi C-66 sans amendement.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: C'est adopté.

Le sénateur Cools: À condition que nous rattachions des remarques à notre rapport, c'est très bien.

Le président: Nous avons convenu de présenter un texte avec nos observations au moment de faire rapport du projet de loi, et l'ébauche de ce texte vous sera envoyée à vos bureaux par courrier électronique. Le sénateur Cools la recevra demain matin par télécopieur.

Si je n'ai pas de vos nouvelles, je vais présumer que vous approuvez l'ébauche.

Merci à vous tous.

Nous devons maintenant aborder le projet de loi C-64. Ne me citez surtout pas, mais je crois savoir que le projet de loi C-64 n'est pas une mesure controversée. Je demanderais donc aux fonctionnaires du ministère du Patrimoine canadien de venir nous rejoindre à la table.

Le projet de loi C-64, Loi instaurant un programme d'indemnisation pour les expositions itinérantes a été lu une deuxième fois à la Chambre la semaine dernière. Elle est parrainée par notre collègue, le sénateur Poy. Si je ne m'abuse, vous avez tous des copies d'une lettre rédigée par Matthew Teitelbaum, du Musée des beaux-arts de l'Ontario, dans laquelle il indique son appui pour ce projet de loi.

J'ai reçu un appel aujourd'hui de Richard Darrack, de l'Association des musées canadiens, qui me faisait part du vif enthousiasme de l'association à l'égard de ce projet de loi, de leur reconnaissance pour les efforts déployés par tous les partis politiques, de l'intérêt qu'ils portent à cette mesure législative, et du fait que le Sénat aurait intérêt à faire adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais. Ils espèrent effectivement qu'il sera adopté rapidement, car ils estiment que cette mesure représente un progrès très important.

Et si cela ne vous suffit pas, nous avons également parmi nous les représentants du ministère du Patrimoine canadien.

Je voudrais donc demander à Mme Sarkar de faire ses remarques liminaires.

Mme Eileen Sarkar, sous-ministre adjointe, Arts et patrimoine, ministère du Patrimoine canadien: Monsieur le président, je vais aborder dans mes remarques liminaires les éléments fondamentaux du projet de loi et notre approche à cet égard.

D'abord, en expliquant ce projet de loi à des gens qui ne sont pas des spécialistes de l'indemnisation ou de l'assurance, nous précisons toujours dès le départ qu'indemnisation n'est pas synonyme d'assurance. Quand il est question d'indemnisation, c'est l'État qui assume les risques financiers au lieu de payer des primes d'assurance.

Le gouvernement fédéral avait un excellent programme d'assurance entre 1985 et 1995. Il a fait des versements d'environ 6 millions de dollars au cours de cette période par le truchement d'un programme à frais partagés qui a permis de faciliter l'organisation d'un grand nombre d'expositions itinérantes au Canada. Mais à l'heure actuelle, la demande l'emporte sur la capacité du gouvernement de verser des primes d'assurance.

Dans le cadre de ce programme d'indemnisation, le gouvernement ne verserait une indemnisation qu'en cas de dommages ou de pertes. Ce sont les seules sommes qui seraient versées par le Trésor fédéral. Ainsi il faudrait s'assurer que les participants au programme respectent des critères rigoureux.

Il existe des programmes d'indemnisation dans 14 pays industrialisés -- que je ne nommerai pas -- qui ont des caractéristiques semblables à celles que nous avons prévues pour le programme canadien. Dans les pays qui ont déjà un programme de ce genre, ou alors il n'y a pas eu de demandes d'indemnisation du tout, ou alors il y en a eu très peu. Par exemple, aux États-Unis, où un programme d'indemnisation existe depuis 24 ans, par suite de deux demandes d'indemnisation, ils ont fait des versements totalisant 102 000 $. Les gens qui organisent des expositions sont par nature assez conservateurs et prudents.

[Français]

Les objectifs de ce programme sont les suivants: accroître l'accès à notre patrimoine; faire augmenter le nombre d'expositions itinérantes interprovinciales au pays; encourager la présentation de grandes expositions -- ici on parle en grande partie des expositions qui viennent de l'étranger et qui ont des retombées économiques assez importantes -- et ce, tout en réduisant les frais et en minimisant les risques.

[Traduction]

Les musées canadiens appuient vivement ce projet de loi et exercent des pressions pour l'avoir depuis environ 10 ans. Il leur permettra soit de ne plus payer de primes d'assurance, soit de payer des primes réduites. Là où ils n'auraient pas versé des primes, ce serait parce que leur assurance interne visant l'ensemble de leurs collections couvrirait la franchise rattachée à notre garantie.

Permettez-moi de vous en donner un autre exemple assez frappant. Au milieu des années 1990, le Musée des beaux-arts du Canada a organisé une exposition des oeuvres du Groupe des Sept. Cette exposition a été lancée à Ottawa, et a ensuite été présentée à Toronto, Vancouver et Montréal. Le coût des assurances pour cette exposition itinérante était de 80 000 $. D'après nos estimations, si le programme d'indemnisation avait été en vigueur à l'époque, le coût des assurances aurait été de seulement 5 000 $, puisqu'ils auraient eu à payer seulement la franchise.

Il est fort probable, à notre avis qu'ils réinvestissent les économies dans d'autres activités qui sont tellement importantes pour les musées, y compris la préparation et l'organisation d'expositions. Ils seront également en position concurrentielle -- et ils ont bien insisté là-dessus -- quand viendra le moment de négocier avec des pays étrangers pour faire venir des expositions au Canada. Bon nombre de ces pays sont très contents de savoir que le gouvernement offre une garantie.

[Français]

Quant à l'admissibilité au programme pour les expositions internationales, il suffit d'avoir un seul lieu de présentation. Cela veut dire que cela pourrait être dans un seul musée dans une seule province. Par contre, les expositions canadiennes doivent circuler au moins dans deux provinces pour promouvoir l'échange entre les Canadiens. Il y aurait des critères d'admissibilité rigoureux au point de vue sécurité, contrôle environnemental et manipulation des objets pour des raisons évidentes, c'est-à-dire réduire les risques. Enfin, nous aurons accès au conseil des spécialistes en gestion de risque dans la détermination des candidats pour le programme.

[Traduction]

Tout à l'heure, j'ai parlé d'une franchise qui sera automatique. C'est le principe des risques partagés. Pour les petites demandes d'indemnisation couvrant ce que nous appelons les contre-temps associés à des expositions itinérantes -- c'est-à-dire des dommages mineurs -- les musées seraient obligés de prendre eux-mêmes des assurances ou de recourir à leurs assurances internes pour couvrir ce genre d'éventuelles dépenses. C'est une formule très économique car autrement, tout un groupe de bureaucrates seraient tenus de passer des heures et des heures à régler des demandes mineures. Les compagnies d'assurances sont mieux placées pour faire ce travail.

À notre avis, cette mesure traduit un partenariat entre le gouvernement et les établissements. De plus, elle se fonde sur les programmes d'indemnisation de tous les autres pays qui en ont.

J'insiste donc sur les avantages économiques et autres pour les établissements hôtes et les provinces, régions et municipalités concernées, du point de vue des emplois et des recettes fiscales que génèrent ces expositions. Par exemple, quand le Musée des beaux-arts de l'Ontario a présenté l'exposition Barnes entre septembre 94 et janvier 95, l'activité économique nette associée à l'exposition s'est chiffrée à 137 millions de dollars, sous forme de produits et services, pour le grand Toronto métropolitain. Elle a permis la création de 2 000 emplois. En tout, elle a généré des taxes et impôts fédéraux, provinciaux et municipaux de l'ordre de 42 millions de dollars. Nous avons d'ailleurs des chiffres comparables pour l'exposition des oeuvres de Renoir.

Voilà donc qui termine mon exposé, sénateurs. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Qu'est-il arrivé au programme dont vous avez parlé tout à l'heure qui était en vigueur entre 1985 et 1995?

Mme Sarkar: Eh bien, il a disparu pendant l'exercice d'examen des programmes, de même que plusieurs autres programmes, d'ailleurs.

Le président: Et comment a-t-il été approuvé? Par l'entremise d'un projet de loi comme celui-ci, c'est-à-dire une loi du Parlement?

Mme Sarkar: Non. Il s'agissait d'un simple programme de dépense.

M. David Walden, directeur, Biens immobiliers culturels, ministère du Patrimoine canadien: C'était un programme qui relevait directement du ministère mais qui n'avait pas d'assise législative. Il a été créé pour permettre de partager les frais des assurances.

Le président: Et en prévoyant une assise législative pour ce programme, vous espérez, je suppose, éviter que ce programme fasse l'objet de réductions budgétaires à l'avenir; c'est ça?

Mme Sarkar: C'est-à-dire que si le gouvernement doit assumer un risque financier correspondant à 1,5 milliard de dollars, il semble normal de prévoir une autorisation législative en bonne et due forme, comme celle qui existe dans d'autres pays.

Le président: Si j'ai bien compris, le programme qui était en vigueur entre 1985 et 1995 a fait des versements totalisant 5 millions ou 6 millions de dollars. Est-ce que cette somme a été payée progressivement à raison de petits montants, ou est-ce qu'il y a eu un ou deux versements substantiels?

M. Walden: Cette somme correspond au coût global des assurances prises sur cette période de 10 ans. Les frais de ces assurances ont été partagés avec les établissements. Le coût global a donc été d'environ 6 millions de dollars.

Le président: Donc il ne s'agissait pas de dépenses substantielles pour des dommages ou des pertes?

M. Walden: Le montant global versé pour des sinistres était de moins de 600 000 $, mais il s'agissait de sinistres pour lesquels il n'y avait pas de franchise. Il reste que la majorité des demandes d'indemnisation étaient pour de touts petits montants, dans certains cas, aussi peu que 150 $.

Le sénateur LeBreton: Ce programme vous permettrait essentiellement de faire des économies vis-à-vis d'une police d'assurance dont vous n'aviez pas vraiment besoin. En suivant la procédure que prévoit le projet de loi, vous ferez des économies substantielles d'année en année, au lieu de continuer à payer des primes d'assurance alors que vous ne présentez jamais de demandes d'indemnisation. C'est bien ça?

Mme Sarkar: C'est exact. Le gouvernement fédéral n'aura rien à payer tant qu'il n'y aura pas de demandes d'indemnisation, et les demandes représentant un faible montant seront couvertes par la franchise. Vu la demande à l'heure actuelle et la multiplication des grandes expositions, si nous devions maintenir un programme d'assurance à frais partagés, il est fort probable que les établissements y auraient de plus en plus recours.

Le sénateur Butts: Dans votre texte, vous parlez d'expositions internationales qui sont présentées dans un seul lieu. Mais qui décide du lieu de l'exposition? Est-ce l'organisateur de l'exposition qui décide ou qui?

Mme Sarkar: Je vais demander à mon collègue de vous répondre, parce qu'il s'y connaît beaucoup plus que moi, mais j'ai cru comprendre que normalement, nous recevrions une demande d'un musée particulier, tel que le Musée des beaux-arts de l'Ontario ou le Musée des beaux-arts de Montréal, qui aurait déjà négocié avec un autre musée, comme le Louvre ou un musée de Londres, pour faire venir une exposition au Canada. Si cet établissement-là répondait à nos critères très stricts, qui visent à garantir que les objets de la collection seront traités correctement et bien présentés, nous approuverions le choix ou la décision d'un de nos clients.

Le sénateur Butts: C'est l'objet de vos critères d'admissibilité, n'est-ce pas?

Mme Sarkar: Oui.

Le sénateur Butts: Quand il s'agit d'expositions canadiennes qui concernent deux provinces, qui va décider quelles provinces vont participer?

M. Walden: Encore une fois, le programme prévoit que nous réagissions aux demandes d'indemnisation qui nous sont présentées par les établissements -- c'est-à-dire les musées, les archives et les bibliothèques -- qui ont organisé l'exposition et fixé le programme des tournées. Donc ce sont les organisateurs de l'exposition qui vont prendre la décision. Normalement, un établissement organise une exposition et l'offre ensuite à d'autres établissements au pays qui ont des collections semblables ou une population qui pourrait s'intéresser au sujet qu'elle traite.

Le sénateur Butts: Donc, vous n'auriez pas le pouvoir de vous assurer que des provinces qui sont plus petites ou plus pauvres auraient de meilleures chances qu'à l'heure actuelle de pouvoir présenter ces expositions?

M. Walden: Nous avons fait une étude des expositions assurées dans le cadre du dernier programme d'assurance et de celles qui sont prévues d'ici l'an 2002, et nous constatons que des établissements dans chacune des provinces seront en mesure d'organiser des expositions qui seraient admissibles au programme.

Le sénateur Butts: Ce serait donc à la province de faire la demande?

M. Walden: Ce serait à l'établissement hôte de la province d'en faire la demande.

Le président: Le comité de la Chambre des communes qui a examiné le projet de loi C-64 a recommandé, si ma mémoire est bonne, que la loi soit réexaminée dans cinq ans. Pourquoi?

M. Jeff Richstone, conseiller juridique, ministère du Patrimoine canadien: Oui, sénateur, le comité a effectivement décidé d'y incorporer un article de réexamen de la loi. C'est un article classique qu'on retrouve déjà dans bon nombre de lois. À l'heure actuelle, plus de 50 lois actuellement en vigueur comportent un article de ce genre.

Le président: Je comprends. C'est donc le comité qui a décidé d'y incorporer cet article.

M. Richstone: Oui. Il s'agit de l'article 5.1, et l'idée était de permettre au Parlement, après la période en question, de procéder à un réexamen général de la loi, pour voir s'il donne de bons résultats, et éventuellement faire des recommandations et recevoir des témoignages, s'il le jugeait approprié.

Le président: Ça recommence. Ce n'est pas vous que je critique, mais j'aimerais informer les sénateurs du parti ministériel que cet article se lit maintenant ainsi:

Le Parlement désigne ou constitue un comité parlementaire chargé spécialement de l'examen, cinq ans après l'entrée en vigueur de la présente Loi, de l'application de celle-ci.

Mais dans la marge, le titre est le suivant:

Examen par un comité des Communes.

Je ne sais pas si ces petites notes explicatives font partie du projet de loi.

M. Richstone: Non, elles n'en font pas partie.

Le président: Peut-être devrions-nous y ajouter: «Examen par un comité du Sénat».

M. Richstone: Monsieur le président, si vous me le permettez, tout cela s'explique par la procédure qui a été suivie relativement à ce projet de loi. C'est-à-dire qu'il a été déposé devant un comité de la Chambre des communes, et modifié à l'étape du rapport sans que les notes qui apparaissent dans la marge ne soient modifiées. J'espère que le président acceptera l'opinion du conseiller juridique, à savoir que les notes peuvent être modifiées. Elles peuvent être modifiées par le Sénat ou par les rédacteurs du Sénat, d'après ce qu'on m'a dit, sans qu'on modifie le projet de loi, car c'est ça qui est fait normalement. Il suffirait à mon avis de confier cette tâche à la personne qui s'en charge normalement.

Le président: On pourrait aussi dire: «Examen par un comité du Parlement».

M. Richstone: Comme vous le savez, monsieur le président, la Loi d'interprétation précise que l'objet des notes marginales n'est pas de faciliter l'interprétation de la loi, mais la plupart d'entre nous regardons ces notes pour avoir une idée du sujet, et je pense qu'il serait effectivement utile d'avoir une note marginale qui reflète la réalité de la situation.

Le président: Très bien. Pour ce qui est du fond de la disposition, il y est question d'un comité parlementaire qui serait chargé spécialement de l'examen; puisque vous êtes le conseiller juridique du ministère qui est directement intéressé par ce projet de loi, pourriez-vous me dire si le terme «parlementaire» a son sens habituel -- c'est-à-dire qu'il englobe le Sénat et la Chambre des communes -- ou signifie-t-il plutôt que ce sera l'un ou l'autre, selon la Chambre qui y arrivera la première?

M. Richstone: J'hésite beaucoup, monsieur le président, à répondre à une question qui concerne la procédure parlementaire. Je pense que vous avez beaucoup plus d'expérience de la question que moi.

Le président: Merci. C'est un sujet qui m'intéresse. À mon avis, ce n'est pas l'opinion de l'homme dans la rue qui nous intéresse ici. À mon avis, l'une des Chambres ne pourrait pas s'appuyer sur cette disposition pour prendre une telle initiative. Le Parlement, c'est le Parlement, et il englobe le Sénat et les Communes.

M. Richstone: C'est un argument tout à fait valable. En même temps, notre recueil de droit englobe à l'heure actuelle un certain nombre de lois qui comportent ce même article; donc, il existe des précédents. Par exemple, l'article 88 de la Loi sur les langues officielles est très semblable. La Loi canadienne sur la protection de l'environnement comporte également un article semblable. Et les modifications récemment apportées à la Loi sur le droit d'auteur, par le truchement du projet de loi C-32, adopté au cours de la dernière législature, comprenaient un article semblable.

Le président: Un article prévoyant l'examen de la loi?

M. Richstone: Oui, par un comité parlementaire chargé spécialement de l'examen; voilà le libellé qui est normalement utilisé.

Le président: Et cela a été fait dans certains cas?

M. Richstone: Dans le cas de la Loi sur les langues officielles, oui.

Le président: Donc par un comité mixte.

M. Richstone: Encore une fois, c'est ce que j'ai cru comprendre, mais il ne s'agit certainement pas de la position officielle du ministère. De toute façon, le ministère ne pourrait jamais prendre de position officielle sur la question, parce que cette question relève de la prérogative du Parlement. Je crois comprendre, cependant, que les leaders des deux Chambres du Parlement décident entre eux de la procédure à suivre, et que les deux Chambres reçoivent des propositions qui lui permettent ensuite de déterminer si c'est un comité de la Chambre ou un comité mixte qui va assumer cette tâche.

Le président: À mon avis, c'est ça qu'il faudrait faire dans ce cas-ci. Les deux Chambres devraient s'entendre, à mon avis. Vous êtes d'accord avec moi?

Des voix: D'accord.

Le président: Chers collègues, avez-vous d'autres questions à poser aux fonctionnaires?

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Une exposition itinérante a lieu à une période bien définie dans l'année, soit une année au Québec et l'année ensuite en Ontario. Elle peut même faire une tournée partout au Canada et même à l'extérieur.

Si une exposition itinérante connaît un grand succès dans une province, est-il possible de la revoir au même endroit l'année suivante?

Mme Sarkar: C'est une question assez technique. Je pense que chaque demande sera traitée. Il existe une limite globale dans le projet de loi qui fait qu'à l'intérieur d'une année fiscale, on ne veut pas dépasser 1,5 milliard de dollars. C'est une chose qu'il faut calculer. De plus, c'est l'institution hôte de l'exposition qui applique les critères d'admissibilité.

Le sénateur Ferretti Barth: Vous avez parlé du programme du ministère du Patrimoine canadien qui existait avant. Avec l'application de la loi, vous devez vous adapter aux exigences du programme du ministère. Vous le faites cette année et l'année d'après, vous ne pouvez pas le refaire.

Avec cette loi, une exposition itinérante aura la possibilité de se présenter sur les lieux dans une année ou deux. La représentation n'est pas limitée à une seule année. Est-ce le cas? Pouvez-vous répéter l'expérience?

Si je veux faire une exposition itinérante cette année, aurai-je la possibilité de la refaire l'année prochaine ou dans deux ans au même endroit, dans le même musée?

M. Walden: En pratique, cela n'arrive pas ainsi. Normalement, les lieux sont choisis à l'avance. L'exposition fait sa tournée. C'est arrivé récemment avec une exposition de Van Gogh présentée au Musée des beaux-arts de l'Ontario et suite à une approbation, l'exposition a été présentée à Winnipeg.

Le sénateur Ferretti Barth: Elle peut être présentée de nouveau où elle a déjà eu lieu?

M. Walden: Normalement, une autre exposition serait prévue à cet endroit.

Le sénateur Ferretti Barth: Cette loi a pour but de promouvoir l'art à travers le pays. Une exposition itinérante peut aller n'importe où. Si une exposition connaît du succès dans une province, peut-elle retourner dans cette même province plus tard?

Mme Sarkar: Rien ne l'empêche. Si les gens qui ont organisé l'exposition veulent répéter l'expérience et si tous les partenaires sont d'accord, il n'y aurait pas de problème à ce que cette exposition se présente à notre programme comme candidate. Elle ne serait pas automatiquement exclue puisqu'elle a déjà été dotée d'une approbation.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, une fois de plus, nous pouvons procéder immédiatement à l'examen article par article du projet de loi, ou si vous voulez indiquer un article que vous souhaitez modifier, on peut passer tout de suite à cet article-là.

Sinon, avec la permission des membres, le président pourrait recevoir une motion proposant que le titre, le titre abrégé et les articles 1 à 6, inclusivement, soient adoptés et fassent partie intégrante du projet de loi C-64.

Le sénateur LeBreton: J'en fais la proposition.

Le président: Merci, sénateur. Plaît-il au comité d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: C'est adopté.

Je suis maintenant prêt à recevoir une motion proposant que le comité fasse rapport au Sénat du projet de loi C-64 sans amendement.

Le sénateur LeBreton: J'en fais la proposition.

Le président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le président: C'est adopté.

Merci infiniment à vous tous de votre présence.

La séance est levée.


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