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ILLE - Comité spécial

Drogues illicites (spécial)


Délibérations du comité spécial sur les
drogues illicites

Fascicule 20 - Témoignages


MONCTON, le mercredi 5 juin 2002

Le Comité sénatorial spécial sur les drogues illicites se réunit aujourd'hui à 14 heures pour réexaminer les lois et les politiques antidrogue canadiennes.

L'honorable Pierre Claude Nolin (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Il nous fait grand plaisir d'être à Moncton aujourd'hui. Le comité spécial a décidé, dès le début de ses travaux, d'entendre les experts à Ottawa — ceux du Canada et de plusieurs pays — afin d'obtenir le maximum d'information. Nous voulons aussi entendre les témoignages des Canadiens et des Canadiennes qui travaillent dans le domaine complexe des drogues et de leur abus.

[Traduction]

Nous tenons à remercier madame le maire Jackson de nous avoir permis d'envahir son royaume et de nous avoir gentiment autorisés à être ici.

Je tiens à rappeler au témoin que tout ce qui se dit ici est protégé par l'immunité parlementaire. Comme nous avons décidé de parler ouvertement, l'immunité parlementaire protège les témoins. Ainsi, tout ce que vous dites ici ne pourra être retenu contre vous devant un tribunal, pour une poursuite au criminel ou au civil.

Monsieur Maillet, allez-y.

[Français]

M. Achille Maillet, directeur, Services de toxicomanie, Santé régionale: Monsieur le président, je suis le directeur des Services de toxicomanie dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Je suis accompagné par ma collègue, Chantal Cloutier-Vautour, qui est une conseillère pour les jeunes depuis une douzaine d'années.

Je vous remercie de nous avoir invités à présenter notre point de vue au Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites.

Tout d'abord, j'aimerais vous donner une vue d'ensemble des services de dépendance que nous offrons dans la région sud-est du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

Addiction Services est engagé à promouvoir un mode de vie sain par la réduction de la surconsommation d'alcool, d'autres drogues et du jeu et au moyen de services d'éducation, de prévention, de counselling et de traitement qui comprennent évidemment des programmes de désintoxication et de prise en charge en clinique externe.

Le personnel qui travaille aux bureaux d'Addiction Services se compose de travailleurs sociaux, d'infirmières, de divers conseillers et de préposés. Nous travaillons tous ensemble, selon une approche multidisciplinaire conçue pour offrir un éventail complet de services et de programmes à la population du sud-est du Nouveau-Brunswick, et ce, dans les deux langues officielles.

Nous fournissons des services d'éducation, de prévention et de consultation à divers groupes et particuliers intéressés à se mettre au fait des connaissances et des compétences utilisées dans le domaine de la lutte contre la toxicomanie. Plus d'un millier d'activités et de services d'éducation et de prévention communautaires sont offerts chaque année par les conseillers et les autres employés d'Addiction Services en vue de mobiliser des groupes communautaires.

Nous offrons également des services de counselling professionnel aux toxicomanes et à leurs proches. Après avoir obtenu la formation voulue, les membres du personnel fournissent des services permanents d'éducation et de counselling aux joueurs compulsifs et aux membres de leur famille, ainsi qu'à des groupes de jeunes, de parents, de femmes, de personnes âgées, et cetera.

Nos conseillers proposent aux adolescents des séances de groupe et du counseling. Dix des 15 écoles secondaires du sud-est du Nouveau-Brunswick peuvent compter sur les services de l'un de nos conseillers. De plus, nos conseillers travaillent en étroite collaboration avec les familles, offrant aux parents d'adolescents toxicomanes des séances d'information et des groupes de soutien.

Nos services de désintoxication s'adressent tant aux hommes qu'aux femmes. L'aire de traitement du centre compte 20 lits, et des infirmières, des préposés, des conseillers en soins infirmiers et des agents spécialisés en toxicomanie sont présents sur place 24 heures sur 24. De plus, un médecin vient rendre visite aux clients régulièrement.

Parmi les autres services que nous offrons, mentionnons les programmes d'aide aux employés. Nous participons en outre beaucoup à la formation des enseignants, des parents, des professionnels de la santé, du personnel d'exécution de la loi et d'autres groupes spécialisés. Nous avons des bureaux satellites en région rurale ainsi que des programmes à l'intention des élèves et des professeurs. Je vous ai déjà parlé des groupes de soutien des parents, mais nous avons aussi des groupes à l'intention des jeunes ainsi que des programmes à l'intention des délinquants, qui sont offerts de concert avec le personnel d'exécution de la loi et le ministère du Solliciteur général. Nous offrons également des programmes d'aide pour les personnes qui souhaitent cesser de fumer. De plus, nous orientons nos clients vers d'autres ressources communautaires au besoin, car nous travaillons en partenariat.

Je tiens à souligner que tous nos programmes sont axés sur la prévention, c'est-à-dire la prévention primaire, la prévention secondaire et la prévention tertiaire. Autrement dit, tous nos programmes sont des programmes de prévention dont l'objectif global consiste à prôner un mode de vie plus sain pour les habitants de la région sud-est du Nouveau-Brunswick. Je tiens également à souligner que nous offrons désormais nos services et nos programmes en partenariat avec de nombreux groupes communautaires de la région.

Mesdames et messieurs les sénateurs, votre document fait état à maintes reprises du cannabis et des nombreux problèmes qu'il soulève, et j'aimerais faire un bref commentaire sur chacun.

La première question qu'il faut se poser est celle-ci: l'usage du cannabis mène-t-il à la consommation d'autres drogues plus dures? Je me contenterai de préciser que, par exemple, dans notre programme de désintoxication, de 70 à 80 p. 100 des clients qui y sont admis admettent que le cannabis a été leur première drogue de choix. Je dois ajouter qu'à notre clinique externe, les conseillers constatent que près de 50 p. 100 des clients qui se présentent confirment que le cannabis est leur seule drogue de choix, mais ils finissent tout de même dans nos services. Dans la section réservée aux jeunes, 90 p. 100 des clients confirment que le cannabis est leur drogue de prédilection. Sa consommation leur a causé de graves problèmes, comme nous pouvons le constater chaque jour, qui les ont menés à nos centres de traitement. Parmi les clients dont je vous ai parlé et qui suivent une cure de désintoxication, 80 p. 100 consomment de la marijuana, 15 p. 100, du haschisch, et 5 p. 100 de l'huile de haschich. Je tiens à souligner que la quasi-totalité des consommateurs de cocaïne qui viennent à nos installations ont d'abord commencé par consommer du cannabis.

Le document sur les pratiques exemplaires que vous connaissez sûrement et qui est tiré de la Stratégie canadienne antidrogue mentionne que les jeunes consomment toujours de l'alcool et du cannabis comme drogues de prédilection. Mesdames et messieurs les sénateurs, c'est certainement le cas des adultes de notre région. De plus, 5 p. 100 des adolescents qui consomment du cannabis finissent par consommer des drogues plus puissantes.

Ensuite, nous nous sommes posé la question suivante: le cannabis engendre-t-il une dépendance? Dans votre document, vous mentionnez que de 8 à 10 p. 100 de la population adulte en deviendra dépendante. Cela représente environ 200 000 Canadiens. De plus, si nous poursuivons le même raisonnement, 15 p. 100 des jeunes deviendront toxicomanes ou dépendants. Nous savons maintenant qu'une personne qui consomme régulièrement du cannabis risque davantage d'avoir des problèmes en raison de cette toxicomanie, par exemple des troubles du sommeil, une dépression, les troubles de l'alimentation et d'autres. Dans les pratiques exemplaires, on dit que 29 p. 100 des utilisateurs connaîtront des troubles mentaux et éprouveront des problèmes de comorbidité.

On s'est posé une troisième question: en quoi le cannabis affecte-t-il la santé physique ou psychologique? Les cannabinoïdes ont une certaine utilité pour combattre quelques affectations médicales, mais selon nous, uniquement en phase terminale. Utilisé dans des traitements, le cannabis peut provoquer d'autres problèmes de santé. Par exemple, parmi les effets physiques maintenant connus, mentionnons la bronchite chronique, une prévalence plus élevée d'infections pulmonaires, une réduction de la mobilité spermatique et des concentrations de testostérone, une diminution de l'efficacité du système immunitaire, des lésions cérébrales permanentes, et cetera.

En ce qui concerne les effets psychologiques, nous lisons souvent qu'il affecte la prise de décision, les émotions et la mémoire, lesquelles font appel, comme nous le savons, à la partie frontale du cerveau. Une augmentation des psychoses, des dépressions, de la paranoïa, de l'incidence de problèmes comportementaux, ainsi qu'une perte de motivation sont d'autres effets, et certains articles nous révèlent que les consommateurs sont six fois plus susceptibles de présenter ces symptômes que les non-utilisateurs.

Le document pose ensuite la question suivante: la consommation de cannabis a-t-elle un lien avec la criminalité? Mesdames et messieurs, j'aimerais illustrer la relation entre la criminalité et les drogues en vous parlant de la petite caricature que j'ai vue récemment. Le taux de criminalité a réellement baissé, mais l'homme représenté dans la caricature dit: «Savez-vous comment on y arrive? Facile! Tout d'abord, nous légalisons les drogues, puis le vol à main armée, ensuite le meurtre, les viols, l'incendie criminel, et cetera.» Cela n'a pas tellement rapport, mais...

Le président: Est-ce le genre de preuve que vous utilisez pour étayer votre argument?

M. Maillet: Pas vraiment. Je le répète, c'est seulement une caricature.

Le président: Je vous interromps, monsieur, parce que nous avons tenté d'adopter une approche très rigoureuse, et nous y sommes parvenus depuis 22 mois. Je veux m'assurer que vous comprenez bien pourquoi nous faisons cela.

M. Maillet: Absolument.

Le président: Merci.

M. Maillet: La consommation de cannabis a-t-elle un lien avec la criminalité? Encore une fois, le document sur les pratiques exemplaires de la Stratégie canadienne antidrogue mentionne que la probabilité de commettre des crimes augmente avec l'usage ou la surconsommation, et au même rythme. La plupart de nos clients se livrent au trafic, au vol à l'étalage ou à la prostitution pour subvenir à leurs besoins en drogues, parce que nombre d'entre eux ne sont pas autonomes puisqu'ils ont été expulsés de leur domicile ou de l'école et parce que leurs comportements ne sont pas acceptables aux yeux de la société.

Mesdames et messieurs, le document posait ensuite la question suivante: «Le cannabis affecte-t-il la conduite d'un véhicule?» Nous avons découvert que 16 p. 100 des accidents mortels sont causés par des conducteurs sous l'influence du cannabis, puisque cette drogue réduit la concentration et nuit au processus de décision; en fait, sur ces points, elle s'apparente un peu à l'alcool. Le cannabis est maintenant considéré par bien des gens comme une importante cause d'accidents de la route. Nous avons récemment lu une étude où l'on établissait que le cannabis était en cause dans 45 p. 100 des accidents. La proportion semble être plus élevée chez les jeunes de moins de 25 ans. Selon ces études, le cannabis causerait une réduction de la précision avec laquelle sont effectuées les tâches, prolongerait le temps de réaction, réduirait la maîtrise du conducteur sur la position qu'il occupe dans la voie, nuirait à sa capacité de suivre une voiture, augmenterait le nombre de collisions, allongerait le temps nécessaire pour freiner et pour partir. Ces résultats sont tirés de la «Canadian Health Review» et aussi d'un document publié par le département de la santé et de l'épidémiologie de l'université Dalhousie.

Vous avez ensuite posé la question suivante: les jeunes sont-ils victimes du cannabis? Mesdames et messieurs, les professionnels du réseau d'éducation vous diront que le plus grave problème auquel ils se heurtent en classe, c'est que trop d'étudiants sont sous l'influence du cannabis.

Il y a quelques années, dans l'une de nos écoles secondaires au Nouveau-Brunswick, nous avons perdu sept jeunes en moins d'un an. Ces décès tragiques avaient une chose en commun: la plupart de ces adolescents consommaient du cannabis. Loin d'être une drogue douce, le cannabis a une grande toxicité et contient plus de 400 substances chimiques ainsi que cinq cancérogènes reconnus. De cinq à dix milligrammes de THC suffisent pour produire une intoxication dangereuse. De plus, depuis 20 ans, la concentration en THC a augmenté de deux à 40 p. 100. Il y a même une étude qui a révélé que la concentration de THC a connu une augmentation de 1 400 p. 100.

La consommation de marijuana est associée à des anomalies des cellules du tractus respiratoire inférieur. Elle est également associée à une augmentation du risque de cancer, de lésions pulmonaires et de grossesses à risque. C'est ce qu'affirment les «Médecins pour un Canada sans fumée».

Les agents cancérogènes de la marijuana sont beaucoup plus forts que ceux du tabac. De plus, comme on l'a déjà dit plus tôt, la marijuana fait augmenter la prévalence de maladies pulmonaires, réduit la mobilité spermatique, nuit aux réactions du système immunitaire et peut causer certaines lésions cérébrales.

Il convient également de souligner que le syndrome amotivationnel, une psychose qui se démarque par une diminution de la motivation, est plus fréquent chez les consommateurs de marijuana, tout comme l'anxiété intense, la panique et la dépression, puisque le cannabis est un dépresseur et un hallucinogène puissant.

Sénateurs, en conclusion, en ce qui concerne la politique publique, je suggérerais fortement que nous placions à l'avenir davantage l'accent sur la prévention, la sensibilisation, les programmes d'éducation à l'intention des adolescents, des parents, des enseignants, des professionnels de la santé, du personnel d'application de la loi et d'autres groupes. Tout cela devrait être fait en partenariat avec d'autres groupes communautaires, ainsi qu'avec d'autres organismes gouvernementaux.

[Français]

Pour nous, cela ne fait aucun sens de légaliser une drogue, avec tous les points d'interrogation et les faits concluants que nous voyons comme conséquences de l'usage du cannabis. Si c'était à refaire, je ne pense pas qu'avec les informations que l'on a présentement, on voudrait légaliser la nicotine et même l'alcool.

Du moment où l'on envisage de légaliser une drogue, on peut conclure qu'il y aura plus de disponibilité, et, conséquemment, plus de consommation, et donc, plus de problèmes.

Finalement, n'oublions pas que le cannabis n'est pas nocif parce qu'il est illégal, mais plutôt que le cannabis est encore illégal parce qu'il est nocif.

Monsieur le président, je vous souhaite beaucoup de sagesse dans vos délibérations.

Mme Chantal Cloutier-Vautour, conseillère auprès des jeunes, Services de toxicomanie, Santé régionale: Je voudrais ajouter quelques points. Je suis conseillère en toxicomanie depuis 12 ans.

[Traduction]

J'ai travaillé avec au moins 8 000 enfants de notre région. Certains de ces jeunes m'ont parlé de l'utilisation et de la légalisation des drogues dans cette région. La plupart d'entre eux comprennent que ce phénomène n'est certes pas à leur avantage. Même les jeunes qui en consomment régulièrement comprennent les répercussions de la criminalité chez les usagers. À leurs yeux, la légalisation réduirait la perception de risques actuellement associée à la consommation de drogues. Ils croient réellement que, puisque l'usage de drogue a augmenté depuis deux ans, elle constitue maintenant une partie d'une importante problématique dans leur école. Voilà ce que j'ai fait avec les enfants. J'ai travaillé avec mes collègues toutes ces années en y consacrant tout mon temps, et je ne pense pas qu'il soit maintenant temps de tout abandonner.

Il semble tellement apparent qu'à l'époque de la prohibition l'alcool constituait réellement un problème majeur. Maintenant, nous savons que l'alcool nous a fait du tort et a mené tant de gens à l'accoutumance en plus de coûter si cher à la société que je ne pense pas que nous devrions répéter l'erreur avec le cannabis.

Je ne sais pas si vous avez des questions à me poser. J'aimerais que vous en ayez au sujet de ce que nous faisons à notre centre et au sujet de tout le travail que nous faisons avec ces clients. Je vous invite à me poser autant de questions que vous voulez.

Le sénateur Banks: Même si vous avez, dans votre exposé, pris bien soin de mentionner la source des informations que vous nous avez données, auriez-vous la gentillesse de remettre au greffier des exemplaires de ces documents dont vous avez souligné les parties ou dont vous avez parlé, pour que nous puissions facilement les retracer? Je pense que nous avons probablement la plupart de ces études.

J'aimerais obtenir des précisions sur le chiffre que vous nous avez donné dans votre réponse à notre question cinq: 16 p. 100 des accidents mortels et jusqu'à 45 p. 100, selon une étude. Avez-vous pris note de l'origine de ces études? Je veux obtenir le plus d'information possible et je vous serais reconnaissant de nous en informer.

M. Maillet: Nous allons remettre tout cela au greffier.

Le sénateur Banks: En ce qui concerne votre réponse à la question 3, j'aimerais que vous nous donniez la source du commentaire dans la rubrique «Effets physiques», quatrième point, «lésions cérébrales permanentes». Auriez-vous l'obligeance de nous dire la source précise de cette information?

De plus, dans la rubrique «Effets psychologiques», pourriez-vous nous dire la source du commentaire «Augmentation des psychoses». J'imagine que vous parlez de patients déjà enclins à la psychose, laquelle est susceptible d'être exacerbée par le cannabis. Si c'est ce que vous voulez dire, nous sommes d'accord avec ça.

M. Maillet: C'est exact.

Le sénateur Banks: Au dernier point, dans votre réponse à la question trois, vous dites: «Les clients sont six fois plus susceptibles de manifester ces symptômes que les non-utilisateurs.»

J'aurais maintenant quelques questions vous poser, si vous le permettez. En lisant votre réponse au point quatre, je présume que vous parlez des drogues en général et non du cannabis en particulier. Est-ce exact?

Mme Cloutier-Vautour: Vous voulez savoir si le cannabis est la seule drogue qui créerait un tel effet?

Le sénateur Banks: Par exemple, personne jusqu'à présent ne nous avait dit que des gens devaient se prostituer dans la rue pour pouvoir se payer du cannabis, ou que des gens commettaient des vols à l'étalage pour ce faire. Qu'ils fassent le trafic, je veux bien, mais nous n'avons pas entendu parler de gens qui commettaient des vols à l'étalage pour s'acheter du cannabis.

Mme Cloutier-Vautour: Monsieur le président, j'aimerais répondre à cette question. Je travaille principalement avec des enfants. Certes, les jeunes ne quittent pas leur domicile pour se prostituer afin de devenir toxicomanes, c'est plutôt le contraire. Ce qui se passe, c'est que les jeunes consomment tellement de drogues que cela modifie leur façon de penser et la façon dont ils fonctionnent en famille, de sorte qu'on leur demande de partir et qu'ils se trouvent évincés de leur domicile. Il leur faut alors survivre dans la rue, et ils ont énormément de mal à y arriver parce qu'ils n'ont pas obtenu de diplômes. La prostitution devient alors parfois leur seul moyen de survie. Parfois, c'est aussi le vol à l'étalage. C'est la seule façon, et je le constate chaque jour, dans le cas des jeunes que je vois comme clients; à un moment ou à un autre, il leur faut faire cela pour survivre.

Le sénateur Banks: Les jeunes qui consomment du cannabis, et c'est tout?

Mme Cloutier-Vautour: Oui.

Le sénateur Banks: Mais pas d'autres drogues?

Mme Cloutier-Vautour: Sénateur, oui, ils consomment parfois d'autres drogues. Il arrive un moment où des souteneurs ou d'autres personnes qui vendent de la drogue dans la rue leur font essayer des drogues plus puissantes. Cependant, s'ils se retrouvent dans la rue, c'est à cause de la drogue qu'ils ont consommée en premier.

Le sénateur Banks: Je suppose que je dois vous croire. C'est la première fois que j'entends cela, que des jeunes sont chassés de leur domicile parce qu'ils fument du cannabis ou qu'ils sont forcés à se prostituer pour la même raison. Et vous dites que vous voyez ça chaque jour?

Mme Cloutier-Vautour: Oui, chaque jour.

Le sénateur Banks: Dans votre réponse à la question trois au sujet des effets néfastes sur la santé physique et psychologique, vous dites être en faveur du recours au cannabis à des fins médicales seulement pour les maladies en phase terminale. Qui ou qu'est-ce qui définit que la maladie est «terminale»? Par exemple, la sclérose en plaques est terminale, dans la mesure où elle est incurable. Nous ne pouvons pas en corriger les lésions. Personne ne s'en remet.

Mme Cloutier-Vautour: Je suis heureuse que vous en parliez, parce que ma sœur souffre de sclérose en plaques et que nous avons parlé bien souvent de cet aspect. Ce n'est certes pas une solution. Il existe actuellement des médicaments qui sont beaucoup plus bénéfiques pour elle que le cannabis. Dans son cas, le cannabis créerait des problèmes respiratoires que ne créeraient pas les autres types de médicaments qui existent actuellement sur le marché pour ce type de maladie et pour bien d'autres maladies également.

Le sénateur Banks: Certaines personnes atteintes de sclérose en plaques nous ont dit que, pour le soulagement de certains symptômes qu'ils éprouvent particulièrement, et qui, comme vous le savez, diffèrent d'une personne à une autre, le cannabis est plus efficace que d'autres médicaments, et que dans certains cas, il est le seul à procurer un soulagement efficace quand ils éprouvent certains symptômes.

Mme Cloutier-Vautour: Je peux facilement comprendre pourquoi ils disent cela. Comme le cannabis est un dépresseur, il les aide à relaxer et à oublier leurs divers problèmes, et il est certainement utile à cet égard, mais nous ne pouvons pas oublier les risques supplémentaires d'autres maladies auxquelles ils sont exposés s'ils consomment du cannabis. Je pense qu'on tente actuellement de mettre au point un appareil pour ce genre de médicaments qui contribuerait à réduire un peu les problèmes que le cannabis provoque pour le système respiratoire.

Le sénateur Banks: C'est exact, parce qu'il n'y a pas de combustion avec ces appareils.

Mme Cloutier-Vautour: Cependant, à l'heure actuelle, oui, elle suscite d'autres problèmes.

Le sénateur Banks: Dans votre réponse à notre question un, vous dites:

Permettez-moi simplement de vous dire que, à notre clinique de désintoxication, de 75 à 80 p. 100 des clients admis confirment faire du cannabis leur drogue de choix.

À coup sûr, ce n'est pas pour le cannabis qu'ils suivent une cure de désintoxication. Ils y vont sûrement pour perdre leur assuétude à une autre substance ou une autre drogue.

M. Maillet: Oui, pour bon nombre d'entre eux, bien d'autres substances sont en cause, qu'il s'agisse d'alcool ou d'autres drogues. Cependant, un important pourcentage de ces gens y sont parce que leur usage du cannabis leur procure certains des problèmes qu'ils auraient avec l'alcool. Par exemple, des problèmes de relations, des problèmes financiers, de la dépression et d'autres problèmes du genre, et ils viennent nous consulter pour ça. Je ne dis pas que d'autres drogues ne sont pas en cause. Dans bien des cas, elles le sont, mais certains de ceux qui viennent frapper à notre porte ne consomment que du cannabis.

Le sénateur Banks: Viennent-ils vous voir pour subir une cure de désintoxication?

M. Maillet: La cure de désintoxication suppose un seul élément de plus que la désintoxication physique, la période d'élimination des drogues de l'organisme. Nous avons une sorte de «miniréadaptation». Nous avons des conseillers, des séances d'éducation et tout le tralala.

Le sénateur Banks: Ces gens étaient là pour d'autres choses que ce qui concerne précisément le centre de désintoxication.

Parlez-nous donc un peu des séances de groupe que vous faites avec les jeunes. Sont-elles efficaces? Comment fonctionnent-elles? Qu'est-ce que vous découvrez?

Mme Cloutier-Vautour: En 1996, un nouveau modèle a été mis en place dans notre région, avec l'approche de Tammy Bell. Tammy Bell est une travailleuse sociale américaine, et elle a mis au point une méthode qui consiste à établir un genre d'approche différent au sein du réseau scolaire, selon laquelle nous travaillerions avec des enfants qui en sont à diverses étapes, depuis celle où l'idée d'arrêter n'est pas envisagée, c'est-à-dire lorsque les enfants ne connaissent pas la relation entre leur consommation et les conséquences négatives qu'elles pourraient avoir sur leur vie, et diverses étapes comme ça. Nous avons tenu des séances avec ces groupes à l'école, au cours desquels nous rencontrions des enfants chaque semaine, parfois chaque jour, pour discuter de diverses questions comme les relations familiales et l'effet direct des symptômes de leur consommation sur leur vie, dans ses aspects physiques et psychologiques. Cependant, il me semble que très peu de gens comprenaient en quoi la drogue les affecte sur le plan physique et psychologique. Ces jeunes ne peuvent pas bien fonctionner à l'école, et nous avons pu, dans notre groupe, en récupérer quelques-uns pour les amener à fonctionner à l'école. C'est donc dire que nous avons perdu moins d'enfants. Il y a eu moins de décrocheurs depuis que nous sommes allés dans les écoles pour travailler avec ces enfants. Ces enfants ont très peu de concentration, pas beaucoup de mémoire et une très faible estime de soi. Leur consommation leur cause tant de problèmes: lorsqu'ils commencent à consommer cette drogue douce, leur course vers la maturité s'arrête: ils cessent de faire du sport, ils cessent de grandir, ils cessent de fonctionner à l'école. Il nous faut les réengager dans leur vie, dans la société, et c'est ce que nous faisons dans ces groupes.

Le sénateur Banks: Les élèves se portent-ils volontaires pour faire partie de ces groupes?

Mme Cloutier-Vautour: Certains d'entre eux le font, et certains autres nous sont envoyés par les tribunaux, par le réseau scolaire et par les parents. Je dirais que la plus grande part d'entre eux viennent d'eux-mêmes parce qu'ils comprennent que la drogue affecte leur vie.

Le sénateur Banks: Ça semble très efficace.

Mme Cloutier-Vautour: Je le pense. Je pense que nous avons beaucoup de succès. À la fin de la présente année scolaire, la plupart des enfants qui ont adhéré au groupe vont être promus.

Le sénateur Banks: Bravo.

Mme Cloutier-Vautour: C'est une réussite.

M. Maillet: Si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais ajouter que ce sont les enfants dont Mme Cloutier-Vautour parle, mais nous avons aussi d'autres joueurs, d'autres groupes comme les parents et les enseignants. Autrement dit, d'autres gens contribuent à résoudre le problème, pour ainsi dire.

[Français]

Le président: Avant de donner la parole à ma collègue, j'aimerais vous demander quelques questions au sujet de la population desservie par votre service. Vous desservez une population de combien? Combien de milliers de personnes pourraient avoir accès à vos services? Et quelle est la clientèle spécifique?

Mme Cloutier-Vautour: Une population de 80 000 personnes.

M. Maillet: C'est pour Moncton.

Mme Cloutier-Vautour: On dépasse ce nombre, mais dans la région immédiate, c'est 80 000 personnes.

M. Maillet: Et pour la région du grand Moncton, je dirais 200 000 personnes en tout, monsieur le président.

Le président: C'est la population générale?

M. Maillet: Oui, sous ma responsabilité. Au niveau de la province, les chiffres se comparent. Il y a sept régions, et les chiffres donnés sont pour la province. Mais moi, je parle en tant que directeur général du sud-est du Nouveau- Brunswick.

Le président: Je présume que, dans votre document, vous relatez la réalité de vos services?

M. Maillet: Oui.

Le président: Vous parlez de ceux de votre région?

M. Maillet: Exactement.

Le président: J'essaye de voir, en terme de nombres, combien de personnes en moyenne, par année, utilisent vos services?

M. Maillet: À peu près 1 000 personnes suivent un programme de désintoxication; et 900 personnes suivent des sessions de «counselling» en tant qu'externes. On parle d'à peu près deux mille personnes. Et on a de 400 à 500 jeunes.

Le président: Les services de désintoxication n'incluent pas les jeunes?

M. Maillet: Oui, ils peuvent inclure les jeunes. Le chiffre de 1 000 personnes démontre le total de personnes en désintoxication. Et le chiffre de 900 personnes démontre ceux qui suivent des sessions de «counselling», comme je viens de le dire, en tant qu'externes. On va aussi dans les écoles.

Le président: Si on regarde la totalité des jeunes qui utilisent vos services, il y en a combien par année?

Mme Cloutier-Vautour: Quatre cent dix.

Le président: J'aurais une dernière question. Vous avez fait une énumération des effets de la drogue, tant physiques que psychologiques. Est-ce que ce sont des effets que les gens du service sont à même de constater?

M. Maillet: Il faudrait que je vérifie avec les infirmières qui travaillent dans le domaine.

Mme Cloutier-Vautour: Elles sont toutes d'accord au niveau de ce qu'elles voient. Je n'ai pas les chiffres exacts.

Le président: Sans nous attarder aux chiffres, j'ai les mêmes questions que mes collègues. Ce n'est pas la première fois qu'on reçoit des gens qui donnent des services comme les vôtres. On en a aussi entendu une quantité de témoins à qui on a posé des questions spécifiques sur les effets, tant physiques que psychologiques. Et lorsque vous parlez de lésions permanentes au cerveau, c'est sûr que cela éveille l'imagination des gens.

Également, on voudrait savoir si, dans votre région, vous avez détecté ce genre d'effet. Si oui, j'aimerais que ce soit bien documenté, tout en protégeant la vie privée des gens.

On aimerait avoir une description aussi rigoureuse possible de la façon dont vous avez découvert cela, et si cela touche plus d'un cas.

Il est possible qu'on rencontre, dans des endroits particuliers, des effets propres à une région. Vous n'êtes pas obligés de nous remettre cela tout de suite. Vous pourrez le remettre au greffier. On vous donnera les coordonnées.

M. Maillet: Ce qu'on vous donne est basé sur la littérature des recherches faites. Quant aux symptômes, je peux vous dire qu'on les voit, mais je ne peux pas vous dire s'ils sont liés uniquement au cannabis. Je ne peux pas vous répondre tout de suite de façon très précise, mais je vais donner suite à votre demande.

Le président: Vous êtes au courant que les effets sur la santé sont au coeur de nos préoccupations.

M. Maillet: Oui.

Le président: Nous essayons de comprendre l'ensemble de ces effets, et vous semblez avoir une énumération plus exhaustive que celle qu'on a rencontrée à ce jour. Et c'est sur cela que nous voulons nous centrer.

[Traduction]

Le sénateur Banks: J'ai une autre question. Je vous ai donné une liste de choses que j'aimerais que vous nous procuriez, de la documentation et des sources, entre autres choses. J'ai oublié de vous poser une question au sujet de votre réponse à la question deux concernant la dépendance. C'est dans la dernière phrase, où vous dites que:

[...] chez 29 p. 100 des usagers, nous constatons des troubles de santé mentale ainsi que des problèmes de co- morbidité.

Mme Cloutier-Vautour: C'est tiré du guide des pratiques exemplaires que j'ai juste ici et que vous pouvez consulter.

Le sénateur Banks: Si vous pouviez prendre note de ce passage et le remettre au greffier, je vous en serais reconnaissant.

Le sénateur Rossiter: Je m'intéresse aux programmes à l'intention des étudiants et des enseignants que vous avez énumérés à la page 2 de votre mémoire. Les étudiants dont vous parlez, je présume, sont de niveau secondaire, au premier et au deuxième cycle.

Mme Cloutier-Vautour: Vous me demandez si les enfants que je vois sont au premier ou au deuxième cycle du secondaire?

Le sénateur Rossiter: Oui.

Mme Cloutier-Vautour: Nous en voyons des deux, mais à l'heure actuelle, nous consacrons la plus grande part de nos énergies aux élèves du deuxième cycle du secondaire. Nous voyons encore les étudiants du premier cycle, mais nous consacrons la plus grande part de nos énergies au deuxième.

Le sénateur Rossiter: Les enseignants participent-ils à ce processus? Et qu'en est-il des informations que vous leur transmettez?

Mme Cloutier-Vautour: Oui, ils participent. Nous offrons une certaine formation à tout le personnel des écoles et lui demandons de se préparer à prendre note de tous les symptômes, physiques et psychologiques, qui peuvent se manifester et de nous adresser les élèves en cause.

Le sénateur Rossiter: Avez-vous des programmes pour les écoles intermédiaires, le premier cycle du secondaire, en vue de transmettre aux jeunes toutes les informations que vous avez à propos de la consommation de drogues?

Mme Cloutier-Vautour: Nous travaillons actuellement à un nouveau modèle. Je suis heureuse que vous me posiez cette question, parce que l'un des principaux obstacles que nous constatons chez les conseillers actuellement, c'est que comme nous passons tant de temps dans les écoles du deuxième cycle du secondaire, nous remarquons que certains enfants ont déjà une dépendance au moment où ils atteignent ce niveau. Nous comprenons qu'il nous faut passer plus de temps au premier cycle du secondaire, mais nous n'avons ni les installations ni les ressources pour travailler avec un autre groupe. Nous pensons devoir changer notre optique très bientôt parce que nous passons à côté de bien des enfants dont la toxicomanie est très avancée au moment où ils atteignent le deuxième cycle. Il nous faut nettement travailler sur cette question.

M. Maillet: Nous sommes certainement très préoccupés par le fait que nous n'allons pas tellement dans les écoles intermédiaires, parce que la prévention devrait commencer au moins en cinquième année. Nous avons certains programmes, et la GRC a le PSED, par exemple. Notre présence y est minimale, et s'il y a un secteur qu'il faut renforcer, c'est bien celui des écoles intermédiaires.

Le sénateur Rossiter: Le programme Tammy Bell, dont vous avez parlé, savez-vous comment il fonctionne? Travaillez-vous avec les enfants une fois qu'ils ont commencé à consommer de la drogue?

Mme Cloutier-Vautour: C'est ce qu'ils ont fait aux États-Unis. Tammy Bell est une Américaine, et elle a entrepris ce programme ou ce modèle avec des jeunes plus âgés. Il a été mis en place en 1996. Cependant, au cours des deux dernières années, nous avons constaté une augmentation importante de l'usage chez des jeunes beaucoup moins âgés que ceux que nous voyions il y a deux ans. Ainsi, lorsque ne parlons à des jeunes de 16 ans, ils nous disent qu'ils consomment des drogues depuis au moins quatre ans. Nous constatons maintenant une grande différence. Lorsque j'ai commencé en 1990, les enfants de l'époque commençaient à consommer seulement au deuxième cycle du secondaire, mais c'est bien différent maintenant. Il nous faut nous réadapter.

[Français]

Le président: J'aurais une dernière question, monsieur Maillet. Depuis quand travaillez-vous dans ce domaine?

M. Maillet: Dans ce domaine, depuis près 25 ans. Je travaille beaucoup dans le domaine de l'éducation, de l'administration, qui comprend la désintoxication et le «counselling». Nos programmes touchent toutes les dépendances. Comme je le disais tantôt, tous nos programmes sont des programmes de prévention primaire. Nous essayons de prévenir, avant que le problème ne surgisse, et cela, avec l'aide des parents et aussi des enseignants.

Cela fait 25 ans que je travaille dans le domaine de la prévention. Avant cela, je travaillais dans le domaine de la santé publique au ministère de la Santé.

Le président: À la page 5, en bas, vous mentionnez un taux de THC de 40 p. 100. Est-ce que cette donnée provient d'une analyse en laboratoire qui a été faite ici dans la région?

Mme Cloutier-Vautour: C'est canadien, oui.

Le président: Où avez-vous trouvé ces données? Étaient-elle liées au cannabis, au haschisch ou à l'huile de haschisch?

Mme Cloutier-Vautour: Elles étaient reliées au cannabis et à ses dérivés. C'était de 15 p. 100 pour le cannabis jusqu'à 40 p. 100 pour l'huile de haschisch.

Le président: Donc, il ne s'agit pas seulement de marijuana.

M. Maillet: Non. On s'excuse pour le manque de précision.

Le président: Comme nous vous l'avons dit au début, nous allons vous donner la carte professionnelle du greffier. N'hésitez pas à nous envoyer ces données assez rapidement, parce que nous sommes en train de colliger les informations. Faites-nous parvenir les informations que nous vous avons demandées afin que nous donnions à votre témoignage toute la rigueur et la force probante qu'il mérite.

M. Maillet: Merci, monsieur le président. Nous sommes tellement convaincus de notre affaire au niveau de la légalisation et de la décriminalisation que nous nous permettons de temps en temps de faire une petite farce. Nous nous en excusons.

Le président: Il n'y a pas de quoi.

Nous entendrons ensuite M. Pierre Robert, du Centre Portage. Il semble qu'il n'est pas arrivé.

[Traduction]

Notre témoin suivant est Mme Beverly Best, conseillère municipale, Salisbury. Nous vous écoutons.

Mme Beverly Best, conseillère municipale, Salisbury: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier l'honorable Pierre Claude Nolin et les membres du comité sénatorial spécial de me donner l'occasion de venir exprimer nos opinions sur le cannabis. En lui-même, il s'agit d'un sujet délicat, et la plupart des Canadiens ont des opinions fort différentes à ce propos. Je pense que la décision est difficile en raison des effets de cette drogue sur nos jeunes et sur les valeurs canadiennes.

Le Canada est un pays aussi grand que magnifique, mais lorsque je m'arrête pour penser à certains changements que j'ai constatés au cours de ma vie relativement courte, je me demande si nous ne sommes pas en train d'éroder nos valeurs et d'abaisser nos normes, c'est-à-dire celles qui font du Canada un pays où il fait si bon vivre.

Nous avons tous entendu parler des crimes horribles et des milliers de morts attribuables au terrorisme. Et c'est par le commerce de la drogue que les terroristes obtiennent la plus grande partie de leurs fonds.

C'est à un âge maintenant beaucoup plus jeune que nos enfants font l'expérience de l'alcool, du cannabis, du LSD et de la cocaïne. La consommation d'alcool, notamment par des mineurs, constitue un important problème partout au Canada. La prohibition n'a pas fonctionné dans le cas de l'alcool, alors on l'a légalisé, il s'agit maintenant d'une substance contrôlée. Cependant, l'alcoolisme a coûté la vie à bien des gens et a détruit bien des familles. En raison des pressions répétées exercées par le public et des appels à l'aide des victimes, nos lois sont maintenant plus fermes, et les tribunaux les appliquent avec plus de rigueur.

Si le comité sénatorial spécial décidait d'appuyer la décriminalisation du cannabis, nous aimerions que des politiques sensées et bien définies soient mises en place avant que la décriminalisation n'ait cours. Nous aimerions que ceux qui font le commerce illégal de la drogue subissent des peines plus lourdes, soient tenus de payer des amendes plus lourdes et soient forcés à suivre un programme de réhabilitation comprenant notamment une désintoxication.

La décriminalisation ne veut pas dire la légalisation du cannabis. Par conséquent, quelles garanties mettrait-on en place pour notre système d'éducation? Les écoles vont, comme il se doit, continuer d'appliquer leur politique de tolérance zéro en ce qui concerne la consommation et la possession illégale de drogue ou d'accessoires facilitant la consommation de drogue. Qui sera là, ou vers qui les écoles pourront-elles se tourner pour protéger leurs valeurs? On peut dire la même chose de nos lieux de travail, où il nous faut maintenir un environnement sans drogue.

On nous a dit — et nous avons pu le constater — que les consommateurs de cannabis perdent leur motivation, deviennent paresseux, n'ont plus le cœur à rien, ont des pertes de mémoire, n'ont pas de concentration, sont déprimés et ont une faible estime d'eux-mêmes. Les utilisateurs chroniques adoptent des comportements agressifs et violents et s'isolent de plus en plus. Notre système d'éducation doit payer le prix du manque de motivation des étudiants et de leurs piètres résultats scolaires. Sommes-nous censés permettre aux étudiants de traverser tout le système scolaire sans avoir de bonnes notes et sans acquérir une éthique du travail?

Mes récentes expériences de travail dans un programme de lutte contre la drogue m'ont appris que l'éducation, la prévention et la réduction des torts constituent une pratique qui fonctionne; cependant, les centres et les programmes d'éducation qui peuvent aider nos jeunes éprouvent énormément de difficultés à obtenir du financement, si tant est qu'ils le peuvent. Les centres de lutte contre la toxicomanie sont financés par notre régime d'assurance-maladie dont les ressources sont déjà étirées à l'extrême. Souvent, les centres ne savent pas s'ils seront encore ouverts l'année suivante.

La décriminalisation du cannabis pourrait entraîner une nouvelle hausse du nombre de consommateurs. Parmi ceux-là, on pourrait trouver des jeunes qui n'en consomment pas actuellement en raison de la crainte d'obtenir un casier judiciaire. D'autres, sensibles aux pressions plus fortes exercées par leurs pairs, en consommeront, considérant qu'il n'y a pas de risque. Qui les éduquera et leur transmettra les informations précieuses qui pourront leur permettre de faire un choix sain et de dire non aux drogues?

Selon les statistiques, de 5 à 10 p. 100 des utilisateurs deviennent toxicomanes. Si l'on décriminalise le cannabis, va-t- on créer une dépendance envers ce médicament psychotrope? La surconsommation entraîne toujours une dépendance. L'attitude de l'utilisateur commence à changer en raison des effets qu'exerce la drogue sur son système nerveux central. Il se crée une tolérance, de sorte que la quantité consommée doit augmenter. Après une certaine période, l'individu se tournera vers d'autres drogues pour changer ses perceptions. Comme toutes les autres drogues, le cannabis est recherché pour les effets qu'il produit sur la façon dont nous nous percevons.

Selon nous, une partie du raisonnement qui sous-tend l'idée de décriminaliser le cannabis est l'argent qu'on peut épargner. Cet argent pourrait être consacré à l'éducation de nos jeunes sur les drogues illégales. Nous pourrions appuyer des programmes et des conseillers en toxicomanie dans nos écoles et éduquer nos enfants à un âge très jeune pour leur montrer à dire non aux drogues, tout en offrant des programmes pour aider les parents et les familles affectés par la drogue et l'alcoolisme.

Le cannabis devra toujours être acheté auprès d'un revendeur, c'est-à-dire une personne sans conscience dont la seule idée est de faire de l'argent. Qu'est-ce qui l'empêchera de trafiquer le cannabis en y mélangeant d'autres drogues pour s'assurer de la fidélité irréprochable de sa clientèle? Comment pouvons-nous protéger nos jeunes contre des revendeurs? Grâce à des programmes proactifs, et en enseignant à nos enfants à faire des choix sains. Nous avons déjà des lois très strictes sur le commerce des drogues illégales.

Aujourd'hui, nos forces policières ont de la difficulté à condamner une personne de conduite avec les facultés affaiblies en raison d'une surconsommation d'alcool. Grâce à l'ivressomètre, une condamnation est possible, et le conducteur peut être accusé sur place. Pour pouvoir porter des accusations contre un conducteur chez qui l'on soupçonne la consommation de drogue, il faut une analyse sanguine ou un échantillon d'urine. Dans les deux cas, il faut une ordonnance du tribunal, ce qui peut prendre beaucoup de temps. Mettrons-nous en place un outil pour accélérer cette méthode, de façon à retirer des routes les conducteurs qui ont consommé de la drogue avant qu'un accident ou un décès se produise?

Je vous ai fait part de mes préoccupations et de mes questions au sujet des effets que pourrait avoir la décriminalisation du cannabis. J'ai parlé à plusieurs Canadiens et leur ai distribué mon document de travail. Tous sont revenus me voir pour me dire que la décriminalisation était la solution. Personne ne préconisait le statu quo.

Nous pensons que le système actuel impose des contraintes à nos forces policières et à nos tribunaux. Souvent, les jeunes se rient des lois actuelles, témoignant un manque de respect absolu envers notre police et nos lois. Les juges donnent leur chance à des jeunes accusés de possession en espérant leur épargner un casier judiciaire. J'adore mes enfants et les jeunes en général. Je déteste l'idée de voir un simple manque de jugement ou un mauvais choix amener le jeune à avoir un casier judiciaire qui pourrait l'empêcher d'avancer dans la vie. Il faut instaurer des garanties pour protéger nos jeunes et faire en sorte que nos valeurs soient sauvegardées et nos normes, maintenues.

Avec la discussion en cours sur la décriminalisation du cannabis, nous estimons que le gouvernement du Canada doit procéder à un examen attentif de la Loi sur les jeunes contrevenants, pour renforcer les peines imposées aux jeunes qui commettent un crime grave.

Quelle réaction notre approche libérale envers le cannabis aura-t-elle sur la relation entre les États-Unis et le Canada? Les Américains sont nos voisins et nos amis. En raison de cette relation, nous devons penser aux effets que nos politiques pourraient avoir, mais ce ne devrait pas être un facteur déterminant. Le Canada doit faire ce qu'il y a de mieux pour notre pays et ses habitants.

Pour terminer, j'aimerais dire que j'ai touché aux quatre points les plus importants qui sont associés à la décriminalisation du cannabis. Les points que nous aimerions que le comité examine sont les suivants:

1) Les politiques bien rédigées et bien définies sur le cannabis avant toute décriminalisation.

2) Notre système d'éducation et nos lieux de travail doivent mettre en place des garanties pour protéger légalement le droit à un milieu sans drogue.

3) Il faut débloquer des fonds pour des programmes d'éducation, de prévention et de réduction des préjudices. Les centres d'aide aux toxicomanes doivent obtenir un financement distinct et garanti.

4) Examiner et modifier notre Loi sur les jeunes contrevenants, afin de renforcer les peines pour les crimes graves.

J'aimerais remercier le comité d'avoir bien voulu accepter mon mémoire et lui souhaite tout le succès voulu pour la suite de ses audiences.

Le sénateur Banks: Nous vous remercions d'être présent parmi nous. Êtes-vous monsieur Best?

M. Al Breau, Services de toxicomanie, Santé régionale: Non, je m'appelle Al Breau, et je suis coordonnateur du programme de lutte contre l'alcool et les drogues de la Ville de Salisbury.

Le sénateur Banks: Donc, madame Best, vous êtes conseillère municipale?

Mme Best: Oui. Je suis conseillère municipale de Salisbury. Par l'entremise de la Fédération canadienne des municipalités, j'ai présenté en octobre dernier une demande de subvention, et j'ai eu la chance de recevoir une subvention de 8 500 $ pour mener un programme pilote d'une durée de six mois sur la lutte contre les drogues à Salisbury.

Le sénateur Banks: Veuillez nous en parler brièvement.

Mme Best: Nous organisons des tables rondes: l'une a eu lieu en décembre, et nous en tiendrons une autre la semaine prochaine. Neuf municipalités de partout au Canada se réunissent pour tenter d'organiser la lutte contre les drogues: nous nous demandons ce que nous pouvons faire, comment nous pouvons réduire les préjudices et cherchons d'abord et avant tout à adopter une approche proactive de l'éducation en cette matière.

Le sénateur Banks: Votre ville fait partie des neuf municipalités?

Mme Best: Oui. Nous sommes la seule collectivité rurale dont la candidature ait été retenue.

Le sénateur Banks: Nous connaissons le programme. Merci beaucoup, et félicitations.

Mme Best: Merci

Le sénateur Banks: J'aurais deux questions à vous poser. Tout d'abord, vous dites que le cannabis est une drogue d'introduction et vous affirmez que la tolérance à cette drogue augmente et que l'utilisateur en vient à en vouloir davantage. De quelle source tenez-vous cette information? D'entretiens avec les usagers?

Mme Best: Principalement de mes entretiens avec les usagers, mais aussi dans certains documents que j'ai lus dans le cadre des programmes de la stratégie antidrogue, et, enfin, de discussions que j'ai eues personnellement avec les usagers.

Le sénateur Banks: Les usagers vous ont-ils dit qu'ils venaient à acquérir une tolérance et qu'ils voulaient plus de cannabis pour obtenir un effet quelconque? Est-ce cela que vous voulez dire?

Mme Best: Oui. Ils veulent un cannabis plus puissant. Bien des jeunes à qui j'ai parlé ont peur de prendre d'autres drogues, mais ils veulent ressentir plus d'effets. Ils veulent obtenir quelque chose de plus, et ils combinent parfois le cannabis à l'alcool, ce qui peut être mortel.

Le sénateur Banks: Vous avez également mentionné que les usagers chroniques affichent un comportement agressif et violent. C'est la première fois que nous entendons dire cela. En fait, on nous a plutôt dit le contraire. Pourriez-vous nous dire comment vous en êtes arrivée à cette opinion? Je parle du cannabis, pas d'autres drogues, et pas non plus de la combinaison cannabis-alcool.

Mme Best: Je l'ai constaté de visu. M. Breau aimerait également vous dire un mot à ce sujet.

M. Breau: Quand ils ne reçoivent pas leur drogue au moment voulu, par exemple, dans le cas d'un jeune de 17 ans qui quitte l'école, s'il n'a pas sa drogue après l'école, il va commencer à être de très mauvaise humeur, à afficher une mauvaise attitude et à argumenter, jusqu'au point où il devient violent et quitte la maison en claquant la porte; c'est de ce genre de comportement agressif dont je parle.

Le sénateur Banks: Sous l'effet du cannabis?

M. Breau: Sous l'effet du cannabis. Strictement. Aucune autre drogue n'est en cause.

Mme Best: J'ai pu le constater moi-même.

Le sénateur Rossiter: Pouvez-vous imaginer qu'il y ait eu d'autres incidents à l'école ou certaines tensions qui aient engendré ce comportement? Est-ce que tout était calme et tranquille?

M. Breau: C'était un jour normal. À vrai dire, j'ai vu hier un jeune afficher le même genre de comportement. Après une journée normale marquée par les contraintes habituelles, dès qu'il arrive chez lui après l'école, s'il ne peut pas fumer sa marijuana, son comportement change.

Le sénateur Rossiter: Il se procure la marijuana chez lui?

M. Breau: Non, il l'achète de son revendeur. Mais s'il ne peut trouver son revendeur, il est naturellement de mauvaise humeur lorsqu'il entre à la maison, fait des crises de colère et autres choses du genre.

Le sénateur Rossiter: Pensez-vous que ce jeune agisse ainsi en raison de son tempérament naturel?

M. Breau: Pas du tout. Cependant, dès que la drogue est éliminée de son organisme, il cherche à tout prix à en obtenir davantage, et c'est de ce genre de dépendance physique dont parlait M. Maillet un peu plus tôt; le symptôme de sevrage de la marijuana.

Le président: Durant combien de temps la personne affiche-t-elle ce comportement?

M. Breau: Durant des heures.

Le président: Lorsque vous dites «des heures», voulez-vous dire deux ou dix heures?

M. Breau: Je dirais que les changements émotionnels commencent à se produire en deux ou trois heures environ.

Le sénateur Banks: J'aimerais un peu approfondir le sujet. Si nous sommes si intéressés par ce commentaire, c'est que, en 22 mois d'audience, jamais personne ne nous a parlé de cette réaction. Nous avons entendu toutes sortes de témoignages à propos de toutes sortes de choses, mais personne ne nous a jamais dit qu'un usager occasionnel...

M. Breau: Pardon. Nous ne parlons pas d'usagers occasionnels, d'une personne qui fumerait un joint toutes les deux ou trois semaines. Nous parlons de quelqu'un qui fume chaque jour quatre ou cinq joints.

Le président: Nous parlons d'au moins deux grammes de cannabis par jour?

M. Breau: Au moins deux grammes, mais parfois moins.

Le président: Quel âge a ce jeune?

M. Breau: Dix-sept ans. Il a commencé à fumer à 15 ans.

Le sénateur Banks: Selon vous, les problèmes de ce jeune ont été causés par le cannabis? Si je vous demande ça, c'est qu'il me semble que cette personne pourrait avoir de plus graves problèmes que la seule consommation de cannabis.

M. Breau: Il boit très peu d'alcool. Il ne s'enivre pas, mais il s'intoxique à la marijuana.

Le président: Je suppose que vous connaissez son milieu familial, son milieu de travail, et que tout le reste est normal?

M. Breau: Quand ce n'est pas normal, c'est qu'il est en état de manque ou de sevrage de la marijuana. C'est là que ça devient problématique, lorsqu'il devient agressif, qu'il se querelle avec sa mère, qu'il brise les liens familiaux et qu'il se retrouve seul.

Le sénateur Banks: Parlons-nous d'une personne en particulier ou de toutes les personnes avec...?

M. Breau: Je vous donne simplement un exemple. Il y en a bien d'autres que je pourrais vous donner ou des jeunes connaissent la même expérience.

Le sénateur Banks: De façon aussi marquée?

M. Breau: Oui, de façon aussi marquée.

Le sénateur Rossiter: Dans votre région?

M. Breau: Oui. Je travaille pour Addiction Services depuis 23 ans, et j'ai pu le constater durant tout ce temps. C'est fondamentalement ce à quoi M. Maillet faisait allusion.

Le président: Vous êtes sûr que le jeune ne consomme pas d'autre chose que du cannabis?

M. Breau: Seulement de la marijuana, chaque jour.

Le président: Vous en êtes sûr?

M. Breau: Oui. Du moins, c'est ce qu'il m'a dit.

Mme Best: Mais rien ne nous dit que la personne qui le lui vend ne vend que du cannabis.

Le président: Nous pouvons facilement concevoir qu'il y a un mélange de toutes sortes de drogues. Mais nous parlions de cannabis, qui est la substance la moins adultérée. Êtes-vous la seule personne à travailler avec ces jeunes, ou d'autres professionnels travaillent-ils avec eux?

M. Breau: Addiction Services.

Le président: Les deux personnes qui étaient ici avant vous?

M. Breau: Oui.

Le président: Ces personnes connaissent bien ces cas?

M. Breau: Oui.

Mme Best: Si vous me permettez, ça ne m'étonne pas du tout que vous n'ayez pas entendu parler de cet effet du cannabis ou de...

Le président: Oh, nous en avons beaucoup entendu parler.

Mme Best: Peut-être avez-vous entendu parler du cannabis, mais pas de cet aspect en particulier. Dans nos tables rondes, nous parlons le plus souvent des villes, et vous savez que notre collectivité est petite. Il n'y a que 2 000 habitants à Salisbury. Au cours de ces discussions, les gens des villes ne veulent même pas entendre parler du cannabis. Ils sont très préoccupés par d'autres drogues. Alors, selon moi, ils en minimisent naturellement les effets, parce qu'ils les examinent selon leur propre point de vue. Ce qui les inquiète, c'est l'échange des seringues, et d'autres types de drogues comme l'acide, le LSD et l'héroïne. Je sais que vous avez tenu des audiences à Vancouver, et vous aurez peut-être appris qu'ils dépensent un demi-million de dollars par jour en services ambulanciers seulement pour les toxicomanes.

Le sénateur Banks: Selon notre mandat, nous devons pour l'instant nous concentrer particulièrement sur le cannabis, même si cela débouche manifestement sur d'autres choses. Notre examen porte très clairement sur le cannabis. Lorsque nous étions à Vancouver et au centre-ville de Montréal, et à d'autres endroits aussi, nous avons posé des questions précises au sujet du cannabis, et on ne nous a pas donné d'exemple comme celui que vous décrivez pour la place Saint-Louis.

Le président: Nous avons entendu parler de ce genre de réaction pour d'autres types de drogue, mais pas pour le cannabis.

Ce jeune a-t-il des troubles du sommeil? Dort-il bien?

M. Breau: Autant que je sache, il dort bien. C'est tout ce que je peux dire. Je n'ai pas ce genre de discussion avec lui

Le président: Comment est-il après avoir fumé de la marijuana?

M. Breau: Plus détendu, plus conciliant.

Le sénateur Banks: A-t-il parlé à un psychologue?

Mme Best: Ce jeune ne s'est présenté à nous que dernièrement parce que notre programme était offert à son école. La troupe de théâtre de l'école secondaire J. M. A. Armstrong a monté une pièce sur la toxicomanie. Elle a été présentée aux classes de la 5e à la 12e année. Après chaque séance, Al prononçait une allocution, et peut-être que ce jeune y a trouvé quelque chose d'intéressant, parce qu'il est venu nous voir.

M. Breau: Ce qu'il m'a dit, c'est: «Je veux redevenir le garçon que j'étais.» Il parlait d'avant l'âge de 15 ans, parce que c'est à cette époque qu'il a commencé à consommer du cannabis. Il a maintenant 17 ans, et il a perdu toute motivation, toute énergie et n'a pas la volonté de faire quoi que ce soit. C'est un solitaire. Il a perdu le contact avec ses amis. Il est toujours de mauvaise humeur lorsqu'il n'a pas fumé. C'est exactement ce que lui m'a dit. Il m'a dit qu'au moins 90 p. 100 des jeunes de son école fument de la marijuana.

Le président: Ont-ils un comportement semblable au sien?

M. Breau: Ils ne fument peut-être pas autant que lui, mais ils fument.

Le sénateur Banks: Selon vous, où obtient-il l'argent nécessaire pour acheter quatre ou cinq joints par jour?

M. Breau: Comme je vous l'ai déjà dit, il utilise probablement des moyens illégaux pour se procurer l'argent. Bien des élèves ont un emploi à temps partiel, et tout leur argent leur sert uniquement à acheter de la marijuana.

Le sénateur Banks: Ça vous prend tout un emploi à temps partiel pour pouvoir vous permettre d'acheter quatre ou cinq joints par jour.

M. Breau: Ils savent comment se procurer la drogue, et les revendeurs leur font aussi crédit.

Le président: Savez-vous combien coûte un gramme de marijuana dans la rue?

M. Breau: Non, je ne sais pas à l'heure actuelle combien cela coûte. Je dirais à peu près 20 $. Je sais qu'il m'a également dit devoir beaucoup d'argent à son revendeur.

Le président: Mesdames et messieurs, notre témoin suivant est le sergent Ed MacEachern, de la Gendarmerie royale du Canada.

Le sergent Edward J. MacEachern, GRC: Honorables sénateurs, je vous remercie de me donner l'occasion de venir vous parler. Je m'appelle Ed MacEachern. Je suis sergent à la GRC.

J'aimerais tout d'abord préciser que, à titre de membre de la GRC, je suis heureux de voir que vous vous penchez sur les politiques actuelles qu'applique notre pays en matière de drogue. Comme vous le savez, la GRC a déjà énoncé sa position au sujet de la décriminalisation et de la légalisation de drogues actuellement illicites devant votre comité sénatorial spécial sur les drogues illégales et devant le comité parlementaire, et nous espérons que vos efforts donneront naissance à une orientation gouvernementale sous forme de stratégie nationale de lutte antidrogue.

Je suis persuadé que le Nouveau-Brunswick ne diffère pas des autres provinces au chapitre de la façon dont il applique les lois, sauf peut-être sur le plan de l'ampleur avec laquelle il le fait. Le mandat de la GRC au Nouveau- Brunswick consiste à appliquer la loi, à prévenir le crime et à maintenir la paix, l'ordre et la sécurité. Nous nous acquittons de notre mandat dans le domaine de la lutte antidrogue également. Dans mes activités journalières, je participe à ce mandat précis.

Je crois savoir que la raison de ma présence ici aujourd'hui est de vous donner un aperçu de la situation du Nouveau-Brunswick au chapitre de l'application des lois antidrogue. C'est ce que je vais tenter de faire.

Je suis rattaché à la Sous-direction de l'exécution des lois fédérales du quartier général de la division «J» de la GRC à Fredericton, où j'occupe le poste de coordonnateur antidrogue. À cette fin, je travaille avec les unités fédérales d'application de la loi qui sont nos sections antidrogue, ou escouades antidrogue.

La GRC a une obligation contractuelle envers la province du Nouveau-Brunswick et, à ce titre, nous fournissons des services d'exécution de la loi à toutes les régions rurales de la province, à un important nombre de petits districts de service et de petites municipalités, ainsi qu'à un nombre important de grandes municipalités. De plus, nous avons des unités fédérales d'application de la loi dans toute la province, et au chapitre de l'application des lois antidrogue, nous possédons des bureaux et des officines à Bathurst, Moncton, Saint-Leonard, Saint John et Fredericton.

En termes simples, je dirais que notre personnel fédéral d'application de la loi se consacre à des enquêtes à grande échelle sur des groupes du crime organisé aux échelles provinciale, interprovinciale, nationale et internationale. Nos détachements provinciaux ou contractuels sont chargés de cibler les trafiquants de drogue locaux et ceux de la rue, mais souvent, pour remédier à un important problème de trafic dans la localité, nos unités fédérales mettent en commun leurs ressources avec celles de nos détachements pour parvenir à un but précis.

Il y a plus de 30 ans que je participe à l'application des lois antidrogue dans la province. J'ai pu observer la croissance et le déclin de nombreux types de drogue de la rue. Avec les années, la cocaïne est devenue l'une des drogues de choix, et l'une de ses formes les plus puissantes, le crack, a été très en vogue dans la région de Saint John de 1996 à 2000. Des fumeries de crack apparaissaient presque du jour au lendemain, avec toute la violence dont elles s'accompagnent.

Au cours des ans, la demande en LSD et en autres drogues psychédéliques a augmenté, puis diminué, puis repris de la vigueur. L'héroïne est apparue dans nos villes durant une courte période à plusieurs reprises au cours des ans, dont récemment, et on observe actuellement une hausse marquée de la consommation illégale et du trafic des drogues d'ordonnance, en particulier le Dilaudid, un analgésique légal dont les propriétés sont semblables à celles de l'héroïne. Les politiques du Nouveau-Brunswick au chapitre des médicaments d'ordonnance ont dernièrement été fort ctitiquées par les autorités américaines, qui les jugeaient laxistes, et qui favorisent l'utilisation du Dilaudid et d'autres drogues semblables par les toxicomanes dans l'État voisin du Maine.

Durant tout ce temps, le cannabis, dans ses trois formes les plus courantes, la marijuana, le haschich et l'huile de haschich, est demeuré la drogue illicite la plus populaire.

En ce qui concerne la lutte antidrogue au Nouveau-Brunswick, et ailleurs, à la GRC, notre mandat au chapitre des enquêtes exige que nous concentrions notre travail sur les groupes du crime organisé. Ce faisant, nous ciblons par nécessité des groupes et des personnes qui font le commerce d'une grande diversité de substances contrôlées. Les trafiquants de drogue sont motivés par le profit, et au Nouveau-Brunswick, ils se spécialisent rarement pour longtemps dans un type de drogue particulier.

Malgré toutes les années où j'ai travaillé à l'application de la loi au Nouveau-Brunswick, je n'ai toujours pas rencontré de trafiquant de drogue motivé par des facteurs altruistes. Le profit est sa seule raison d'être, sa seule mesure de la réussite. Si vous l'empêchez de vendre de la cocaïne, il se tournera dès le lendemain vers les amphétamines. Si vous l'empêchez de faire un commerce rentable de la marijuana, il vendra de l'héroïne ou trouvera d'autres façons d'obtenir de la marijuana. Un trafiquant de drogue est un trafiquant de drogue, et le produit qu'il vend est celui qu'il n'a aucun mal à obtenir. Cela vaut autant pour celui qui fait le commerce de joints de marijuana au coin de la rue les vendredis soirs que pour le gros importateur de cocaïne qui possède des comptes de banque à l'étranger et mène grand train, et c'est vrai aussi pour nos organisations criminelles. Ces gens-là exploitent la misère. Elles détruisent la vie des gens et de leur famille. La police communautaire du Nouveau-Brunswick cherche à poursuivre ces criminels sans leur laisser la moindre chance.

Au cours des dernières années au Nouveau-Brunswick, nos principales enquêtes sur la drogue ont révélé que les groupes organisés présents dans la province ont noué des liens solides avec le crime organisé traditionnel ailleurs au Canada et en Amérique du Nord, ainsi que dans les pays européens. La fin, en janvier dernier, d'enquêtes conjointes à Saint-Léonard et dans d'autres petites villes du nord du Nouveau-Brunswick, ainsi qu'à Moncton, à Fredericton et à Sussex, nous ont permis de le confirmer. On a encore une fois pu faire la preuve de l'existence de liens clairs entre des groupes du crime organisé. Les drogues illicites et l'argent confisqué dans le cadre de ces enquêtes et la saisie de fonds et de biens obtenus ou produits par la criminalité atteignent une valeur qui se chiffre en millions de dollars et comprennent de la marijuana, du haschich, de la cocaïne, des drogues chimiques, des voitures, des chalets, des articles personnels de grand luxe, et cetera.

Je sais que votre comité souhaite concentrer son travail sur le cannabis et sa décriminalisation et sa légalisation. Certains croient que si nous devions légaliser la marijuana, par exemple, nous nous trouverions essentiellement à priver les criminels et les organisations du crime organisé de leurs profits. Sans m'attacher au mérite ou aux lacunes d'une telle proposition, je souhaiterais que quiconque prend la décision finale à la fin du débat ait bien pris soin de ne pas faire d'un tel axiome l'élément d'un raisonnement global, même en partie. Je tiens à souligner que l'alcool et le tabac sont des produits légaux et contrôlés par le gouvernement, ce qui n'empêche pas le marché noir d'en faire un commerce manifeste et fructueux. Toutes les fois où il existe une ouverture, le crime organisé n'hésite pas un seul instant à exploiter la situation.

Je sais que ces gens n'iront pas s'imaginer que, parce que le gouvernement prend des mesures pour légaliser la marijuana, leur commerce ne pourra plus être rentable pour eux. Notre gouvernement a récemment pris des mesures rigoureuses pour se doter de lois suffisamment efficaces pour permettre la lutte contre le crime organisé, parce qu'il a reconnu à quel point ces groupes peuvent être insidieux, violents, tordus et imaginatifs.

Au Nouveau-Brunswick, nous enquêtons également sur la culture de la marijuana. L'an dernier, en seulement deux descentes, nous avons saisi 24 000 plants de marijuana adultes dans le nord du Nouveau-Brunswick. Ces deux champs de marijuana étaient gardés par des hommes armés. Lorsque nos membres, accompagnés par un maître de chiens et un chien spécialisé dans la recherche de drogue se sont approchés de ce champ, l'un des suspects a tiré sur notre chien, qui, heureusement, n'en est pas mort. Cette enquête en particulier a encore une fois permis d'établir des liens clairs entre les organismes du crime organisé ailleurs au Canada.

Au cours des deux dernières années, on a eu d'autres exemples au Nouveau-Brunswick où des champs de marijuana étaient protégés par des pièges: par exemple, des fils dissimulés déclenchaient, lorsqu'on s'y prenait les pieds, des explosifs ou des fusils artisanaux conçus pour blesser. Ce n'est pas là l'œuvre de personnes qui cultivaient de la marijuana pour leur usage personnel.

Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas des gens qui cultivent de la marijuana pour leur seule consommation personnelle. Bien sûr, il y en a, mais nous n'enquêtons pas de façon active sur ce genre de production ou de producteur. Cependant, dans le cours normal de nos tâches, si nous tombons sur quelqu'un qui cultive ou possède quelques plants ou une petite quantité de marijuana, nous ne fermons pas les yeux puisque ce serait ne pas tenir compte d'infractions à la loi que nous nous sommes engagés par serment à punir. Ces drogues sont saisies et, lorsque la situation le justifie, des accusations sont portées.

L'an dernier au Nouveau-Brunswick, il y a eu quelque 400 cas déclarés d'accusations de possession de cannabis. Je ne sais pas combien de ces infractions visaient des récidivistes, mais je penserais que, en général, c'était le fait d'agents de police qui faisaient d'autres tâches et qui tombaient par hasard sur des quantités relativement minimes de marijuana, qu'ils saisissaient. Je pense que cela forme la plupart de ces cas. Je ne crois pas savoir que des membres de la GRC incluent la possession lorsqu'ils planifient leurs activités; en fait, ils tombent sur ces infractions dans le cours normal de leurs activités ou lorsqu'ils arrêtent des personnes pour d'autres raisons.

Je pourrais continuer ainsi; cependant, je pense que ce que j'ai dit jusqu'ici dépeint assez clairement la situation de la lutte antidrogue de la GRC au Nouveau-Brunswick. Dans notre province à tout le moins, vous ne pouvez avoir une image claire de la lutte antidrogue si vous n'examinez pas plusieurs drogues illicites, parce qu'elles sont étroitement liées aux trafiquants que nous pourchassons. On observe fréquemment l'échange de marijuana et d'autres drogues, et les revendeurs de drogue apprennent fréquemment de la bouche de leur fournisseur, souvent en plein milieu d'une transaction, que le haschich qu'ils avaient consenti à vendre plus tôt n'est soudainement plus disponible, de sorte qu'on leur offre de la cocaïne, de la marijuana ou du Dilaudid.

Ainsi se termine mon exposé.

Le sénateur Rossiter: Le Dilaudid a-t-il un autre nom?

Sgt. MacEachern: Ce n'est pas une drogue tellement usitée ici au Nouveau-Brunswick, sénateur. Elle peut avoir d'autres noms, mais on l'appelle habituellement Dilaudid. Les drogues semblables comme l'Oxycodone, par exemple, sont offertes sur le marché dans le Maine et parfois au Nouveau-Brunswick, mais on l'appelle habituellement Dilaudid. Dans la rue, on va parler de D, ou de D8, en faisant allusion à la taille des capsules.

Le sénateur Rossiter: À quoi sert normalement ce médicament?

Sgt. MacEachern: Son usage légal est celui d'un analgésique, et il est censé pouvoir soulager des douleurs vives. C'est un médicament légal, prescrit par les médecins.

Le sénateur Rossiter: Je pensais à une autre drogue qui est un médicament d'ordonnance légal et qui est utilisé de façon illicite.

Le sénateur Banks: Merci, sergent, d'être venu nous parler. Vous dites que la plupart des accusations de possession simple portées par vos collègues, lorsqu'il s'agit réellement de possession simple et non pas de possession à des fins de trafic, ne seront pas portées contre des criminels endurcis. Vous dites que les drogues sont découvertes de façon accidentelle. D'autres témoins nous avaient déjà dit cela. Il y a un nombre très important de personnes au Canada qui, pour une raison que bien des gens considèrent comme une affaire de manque de jugement, ou de malchance, ou de quelque chose qui ne s'apparente pas à une grave menace pour la société, doivent porter durant toute leur vie l'odieux d'une accusation criminelle, sinon d'une condamnation. Lorsqu'on les accuse, on prend leurs empreintes digitales, entre autres choses. Bien des gens nous ont dit que la grande majorité de ces personnes ne sont pas une menace pour la société, et qu'elles ne le deviendront jamais du fait de la marijuana, en particulier, ni probablement de bien d'autres choses. Elles n'iraient pas non plus enfreindre la loi d'une autre façon. Cependant, chaque année, quelque 30 000 personnes se font prendre, dont un nombre important, sinon la grande majorité, doivent répondre à des accusations, parce qu'on a accidentellement découvert la drogue.

Que pensez-vous personnellement de ce fait? Nous avons entendu deux versions. Bien des gens nous ont dit: «Tant pis.» Nul ne peut prétendre ignorer que cela contrevient à la loi, qu'il ne savait pas, alors qu'il en subisse les effets. Par contre, bien des gens nous ont dit qu'un casier judiciaire leur nuisait énormément lorsqu'ils voulaient se rendre dans un autre pays ou obtenir un emploi, de sorte que leur vie est ruinée en partie par un incident somme toute mineur. À titre de policier, que pensez-vous de tout cela, sergent MacEachern?

Sgt. MacEachern: Oui, à titre de policier, mais aussi de père.

Ce que j'en pense personnellement, sénateur, varie selon la situation. De façon générale, comme vous l'avez mentionné, des personnes relativement innocentes, des jeunes, peut-être, devront avoir un casier judiciaire pour le reste de leurs jours, pour ce seul incident, et je pense que cela peut parfois être un peu trompeur. Il y a toute sortes de mesures accessibles, des mesures juridiques, pour quiconque a un casier judiciaire pour cette seule raison. Il y a toutes sortes de façons bien simples de remédier à la situation, par exemple demander un pardon pour faire effacer le casier judiciaire. Ce serait là, selon moi, l'une des solutions qui s'offrent à une personne qui doit assumer le fardeau d'un casier judiciaire pour une simple erreur stupide faite lorsqu'elle avait 18 ans.

Cela dit, à mon avis, la plupart des policiers n'affirmeraient jamais que la personne accusée de possession simple devrait avoir un casier judiciaire. Je n'aime même pas utiliser le terme «possession simple». Encore une fois, nous croyons qu'il existe des façons de procéder autres que le fait d'imposer à la personne un casier judiciaire pour le reste de sa vie. Il y a certaines mesures que la personne elle-même peut prendre. Il y a aussi le fait que ce ne sont pas les empreintes digitales de tout le monde qui sont prises. Pour chacune des 30 000 personnes dont vous avez parlé, je dirais que, dans la mesure où elles n'ont pas déjà un casier judiciaire en rapport avec autre chose, on n'a probablement pas pris leurs empreintes digitales. En particulier, s'il est question d'une infraction relevant de la nouvelle loi, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, pour la possession de moins de 25 grammes, il me semble que c'est cela, les empreintes digitales ne sont pas prises. Si on a pris les empreintes digitales de la personne, celle-ci a droit, même au tribunal, même si elle plaide coupable, de prendre des mesures pour s'assurer qu'elle n'a pas de casier judiciaire. Les gens ont ce droit. C'est une infraction punissable par procédure sommaire; or, pour les infractions punissables par procédure sommaire, à moins qu'une alternative ne s'impose sans équivoque, la personne a le droit de s'assurer qu'un casier judiciaire ne soit pas établi.

Je ne suis donc pas tout à fait convaincu par les arguments de ceux qui affirment que les gens vont être pris avec un casier judiciaire pour le reste de leur vie. Cela dit, tout de même, je suis d'accord avec le ton global qui se dégage de cet argument: je ne souhaite pas voir un jeune homme ou une jeune femme avoir un casier judiciaire le reste de sa vie pour une affaire — et, encore une fois, j'hésite à employer le terme — de «possession simple», mais je comprends bien cette position. Voilà ma réponse à votre question, sénateur.

Le sénateur Banks: Vous avez affirmé qu'il finirait par y avoir un marché noir de toute façon, quoi qu'il advienne. Présumons que, d'une façon ou d'une autre, la sanction imposée pour possession est réduite ou atténuée d'une façon ou d'une autre. Dans un tel cas, comment est-ce qu'il se créerait un marché noir de toute façon? Disons que je suis revendeur et que j'ai dans mon sac de la marijuana, et que la personne à qui je veux vendre cette marijuana peut aller au bout de la rue et, d'une façon ou d'une autre, en acheter de quelqu'un d'autre que moi, et de façon légale, ou, disons, d'une façon qui entraîne des sanctions moins lourdes, comment vais-je persuader quiconque d'acheter ma mari à moi, plutôt que ce qu'on peut obtenir ailleurs en s'exposant à une sanction moindre?

Sgt. MacEachern: J'imagine. sénateur, que je peux répondre à cela en disant qu'il existe un marché noir pour les autres marchandises; l'alcool, par exemple.

Le sénateur Banks: Y a-t-il des contrebandiers d'alcool au Nouveau-Brunswick?

Sgt. MacEachern: Je crois qu'on a répondu à votre question, sénateur.

Le sénateur Banks: Les magasins d'alcool ferment-ils à deux heures de l'après-midi?

Sgt. MacEachern: Non, mais ce qui arrive, par exemple, c'est qu'il y a des enquêtes sur certaines personnes, des criminels organisés — j'emploie avec plus ou moins de rigueur le terme «crime organisé» — qui approvisionnent les bars en alcool de fabrication clandestine, l'alcool est mis en bouteille et vendu dans des bars, mais il n'est pas produit par une distillerie dûment licenciée dans des conditions réglementées. Voilà, justement, un marché noir.

On trouve aussi des exemples de cette vieille pratique — la contrebande d'alcool — encore aujourd'hui, dans une certaine mesure. Certes, cela n'a pas la même ampleur que par le passé puisque les magasins Service New Brunswick vendent de l'alcool pratiquement partout maintenant, alors que, il y a de cela des années, les établissements vendant de l'alcool ne se trouvaient que dans les grands centres et ils fermaient leurs portes à 4 heures de l'après-midi ou quelque chose du genre.

Tout de même, il existe des façons de se débrouiller, et tout ce que je dis, enfin, pour ce qui est du lien avec la marijuana, c'est que je ne saurais vous dire précisément comment ils procéderaient. Mais je peux vous le garantir, sénateur: ils le feraient, au moment choisi.

Le sénateur Banks: Si je suis propriétaire d'un bar et que j'ai les bons contacts, je peux me procurer de l'alcool, je le présume, à un tarif inférieur à celui de la régie des alcools.

Sgt. MacEachern: Certainement.

Le sénateur Banks: Et le faire passer pour de l'alcool de bar?

Sgt. MacEachern: Si cela vous chante, oui, vous pouvez le faire.

Le sénateur Banks: Qu'est-ce qui arrive alors?

Sgt. MacEachern: Cela arrive, et il arrive aussi que de l'alcool américain volé soit passé en contrebande, que de l'alcool canadien qui a été volé se retrouve entre les mains de groupes ou d'individus peu recommandables, qui le vendent à des propriétaires de bar qui, parfois, sont au courant de l'affaire et, parfois, ne se méfient de rien, et ainsi de suite. Il y a donc un marché noir qui existe; il suffit d'avoir de l'imagination.

Le sénateur Banks: Quand il y a du vol, il y a toujours un marché noir.

Sgt. MacEachern: Tout à fait.

Le sénateur Banks: Si quelqu'un vole une cargaison de pneus ou de jeans, alors il y a un marché noir pour que ces biens puissent être écoulés?

Sgt. MacEachern: Tout à fait.

Le sénateur Banks: Comment croyez-vous vous tirer d'affaire en ce qui concerne le passage en contrebande de drogues illicites le long de la côte du Nouveau-Brunswick? Les gens choisissent les petits ports où vous n'avez pas de détachement et où il n'y a pas d'agent de la douane qui soit présent 24 heures sur 24 — et quelqu'un pourrait arriver et décharger Dieu sait quoi, puis reprendre le large sans que quiconque s'en aperçoive. Croyez-vous que cela est courant? Permettez-moi d'élargir la question un peu, pour ainsi dire, et je m'excuse de jouer un peu dans les plates-bandes d'un autre comité: en mer, avez-vous les moyens voulus pour surveiller la situation à l'occasion, pour y jeter un coup d'œil, ou disposez-vous de contacts qui, dans tels lieux côtiers, sont susceptibles de communiquer avec vous si une embarcation étrange arrive à une heure bizarre?

Sgt. MacEachern: Oui, nous en avons. Comme c'est le cas pour nos programmes d'exécution de la loi sur terrre, nous sommes limités par les ressources à notre disposition, mais nous avons conclu des partenariats avec les Forces armées canadiennes; nous avons des partenariats avec la Garde côtière canadienne. Bien entendu, nous avons aussi des partenariats avec nos amis américains. Nous avons des programmes communautaires comme les programmes de surveillance côtière, par lesquels nous entreprenons de renseigner les gens qui vivent dans ces lieux isolés, sinon tout près, sur l'opportunité de nous avertir — prendre le téléphone, faire un appel anonyme, et nous avertir des activités curieuses qui peuvent se dérouler et ainsi de suite.

La réponse à votre question est donc «oui», au moyen des ressources limitées à notre disposition, nous faisons de notre mieux pour surveiller les situations dont vous avez parlé. Jusqu'à quel point arrivons-nous à régler le problème? Je suppose que quand nous aurons effectué cette saisie, vendredi soir prochain, sur la côte, à Saint John, il faudra dire que, le lendemain, il y aura encore de la drogue qui se vendra dans la rue. Cela dit, il est difficile de jauger le taux de succès. Il est extrêmement difficile de le faire.

Le président: Quelle est la taille du marché noir au Nouveau-Brunswick pour le seul cas du cannabis?

Sgt. MacEachern: Je ne suis pas sûr de comprendre ce que vous entendez par «taille», sénateur.

Le président: La taille exprimée en dollars par année.

Sgt. MacEachern: Des millions et des millions de dollars.

Le président: Y a-t-il un chiffre qui vous vient à l'esprit, 10, 20, 30?

Sgt. MacEachern: Si je disais que le marché noir illicite pour le cannabis, la marijuana et l'huile de haschich au Nouveau-Brunswick s'élève à 15 millions de dollars, je ferais là une estimation prudente. Ce serait prudent comme estimation, à mon avis.

Le président: Diriez-vous donc que ce serait entre 15 et 25?

Sgt. MacEachern: Je dirais facilement cela, sénateur, oui.

Le président: Combien se vend un gramme dans la rue?

Sgt. MacEachern: Selon la qualité de la substance telle que présentée par le revendeur, quelque part entre 10 et 25 $.

Le président: Au Nouveau-Brunswick, y a-t-il des gens qui bénéficient d'une exemption sous le nouveau régime de réglementation?

Sgt. MacEachern: Oui, il y en a.

Le président: Savez-vous de qui il s'agit?

Sgt. MacEachern: Parlez-vous des restrictions médicales et de tout cela?

Le président: Oui.

Sgt. MacEachern: Je ne sais pas de qui il s'agit, mais les autorités gouvernementales le savent certainement, et je crois que la police dans le secteur le sait aussi, oui.

Le président: D'accord. La police est renseignée?

Sgt. MacEachern: Oui.

Le président: On sait où vivent ces gens?

Sgt. MacEachern: Oui.

Le président: Avez-vous eu connaissance de cas d'abus de la part de ces gens?

Sgt. MacEachern: Non.

Le président: Quelle est la concentration de THC la moins élevée que l'on trouve au Nouveau-Brunswick, et quelle est la plus élevée?

Sgt. MacEachern: La moins élevée se situerait probablement autour de 3 p. 100 — et je parle de la marijuana. La plus élevée serait probablement — et je ne devine pas — si ma mémoire me sert bien, c'est probablement autour de 20 à 25 p. 100.

Le président: Pour le cannabis seulement?

Sgt. MacEachern: Pour la marijuana.

Le sénateur Banks: Et c'est plus élevé pour les huiles?

Sgt. MacEachern: Ah, bien sûr que oui. C'est très élevé pour la marijuana et l'huile de haschich. J'allais dire «moyen» — mais cela n'existe pas, mais «moyen» pour ce qui est des chiffres du haschisch.

Le président: Pour Salisbury, vous êtes au courant de notre histoire, et des questions et réponses que nous avons eues avec ces gens.

Sgt. MacEachern: J'ai eu la chance d'y être affecté, sénateur, oui.

Le président: Il y a un revendeur là qui est très efficace.

Sgt. MacEachern: Oui.

Le président: Vous savez parfaitement ce que je veux dire quand je dis «efficace». Il a beaucoup de succès.

Sgt. MacEachern: Oui.

Le président: Je suis certain que vous allez en aviser les agents responsables dans ce secteur, aussi.

Sgt. MacEachern: Je suis sûr qu'on me dira qu'ils le savent déjà, sénateur.

Le président: Honorables sénateurs, notre prochain témoin est M. Mike Patriquen. Il est membre du Parti Marijuana du Canada.

M. Mike Patriquen, Parti Marijuana du Canada: Sénateurs, j'ai eu beaucoup de difficulté à déterminer de quel aspect particulier de la prohibition du cannabis j'allais vous parler aujourd'hui. J'ai étudié ce qui vous a été dit jusqu'à maintenant et les questions que vous avez soulevées par la suite. J'ai remarqué que le comité cherche à se donner une idée plus précise des façons de réduire les méfaits causés par le cannabis et la prohibition du cannabis. Cela a été dit maintes et maintes fois: les plus grands méfaits en ce qui concerne la prohibition du cannabis tiennent aux lois prévoyant la prohibition et non pas à quelque grand mal qui aurait pour origine le cannabis lui-même. C'est sur ce problème que j'aimerais que vous vous penchiez.

Je vous demanderai de garder à l'esprit tout témoignage que vous avez pu recueillir jusqu'à maintenant sur l'histoire des lois régissant le cannabis au Canada. L'interdiction du cannabis n'a été ajoutée qu'à titre de modification de la loi sur l'opium en juin 1923. Le débat au Parlement s'est limité à une considération: «Messieurs, une nouvelle drogue est ajoutée à l'annexe.» La juge canadienne Emily Murphy était partie en croisade pour débarrasser le pays du «fléau jaune», l'opium, au moment où les autorités américaines, les autorités du monde entier commençaient à envisager d'interdire le cannabis.

Les premiers reportages de la chaîne de journaux Hearst présentaient le cannabis comme une substance maudite. Les reporters ont été appelés à lui trouver un nouveau nom: la «marijuana». On a raconté l'histoire de Mexicains fous qui violaient des femmes blanches sous l'influence de la marijuana. La juge Murphy avait noué des liens très étroits avec les groupes d'intérêt américains en question, dont les Dupont et les Rockefeller. Pendant sa croisade contre l'opium, elle a fait sien le message anticannabis américain et s'est mise à dénoncer les méfaits de la marijuana.

La revue Macleans s'est faite l'écho de ses paroles dans une série d'articles où le cannabis était décrit comme une substance maléfique qui provoque instantanément une dépendance. Il suffit d'en tirer une bouffée pour devenir un meurtrier fou. La presse jaune a fait ses choux gras des histoires de fous de la marie-jeanne. D'où la prohibition au Canada, malgré le fait que personne ne connaissait le cannabis sauf pour dire qu'elle semblait populaire auprès des immigrants mexicains aux États-Unis, dépeints comme une menace pour les emplois des Blancs et les femmes blanches. C'est de cette façon que les Hearst ont présenté la question.

Les peines prévues au Canada étaient draconiennes: l'emprisonnement pour avoir consommé ou possédé; une peine pouvant aller jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité pour avoir possédé de la marijuana en vue d'en faire le commerce; une peine de sept ans pour avoir continué à cultiver le chanvre, qui était très populaire à l'époque; une peine d'emprisonnement obligatoire de sept ans pour l'importation de la substance au pays, quelle que soit la quantité; et le fouet, à la discrétion du juge.

Au fil des ans, seules deux modifications de fond ont été apportées à ces dispositions. Le recours au fouet n'est plus possible pour le juge, et la peine obligatoire de sept ans pour importation a été éliminée. Jugée peine cruelle et inhabituelle, elle a été déclarée anticonstitutionnelle.

Je vais me concentrer sur les méfaits que cause la prohibition du cannabis au Canada, du fait de l'imposition sévère des lois qui la régissent et du fait de ces lois elles-mêmes. Parfois, je parlerai des difficultés bien réelles que j'ai vécues moi-même dans le contexte.

Des 65 000 cas d'arrestation effectués au Canada en l'an 2000 en rapport avec le cannabis, 45 000 concernaient des cas de possession simple. J'avance que 45 000 Canadiens, pour cette seule année, ont vu leur vie bouleversée en raison de ce fait, justement — le fait de consommer de la mari. Un casier judiciaire, pas d'études supérieures, des possibilités de voyages limitées, les possibilités d'emploi limitées, tout cela pour rien.

J'ai commencé à fumer de la mari en 1970, à l'école secondaire. J'ai envisagé la possibilité, je l'ai essayée, je n'y ai rien vu de mal et j'ai continué à consommer. Les gens ouverts d'esprit devraient avoir la liberté de faire les choix qui leur conviennent. Tout au moins, c'est ce qu'on nous enseignait à l'école, à l'époque.

Au milieu des années 70, au moment où j'en étais à ma troisième année d'un programme universitaire d'études préparatoires en droit, je me suis fait prendre, le samedi soir, à une petite fête organisée à l'université, avec un lid de mari que je venais d'acheter pour 20 $. Je n'ai eu qu'à payer une amende, mais j'ai eu un casier judiciaire. Pas d'études en droit. Pas de perspective d'emploi au sein d'une grande entreprise. Tous mes rêves évanouis, aussi vite que cela, pour rien.

En 1982, à l'époque où je vivais en Jamaïque, j'ai aidé un vieux copain d'université à acheter du cannabis. Il s'est trouvé, plus tard, à le rapporter au Canada. J'ai été impliqué, accusé, et je suis revenu au Canada de mon propre gré pour le procès. Le juge chargé du procès, ayant entendu la preuve, a déterminé que j'avais joué un rôle périphérique dans l'affaire, mais il a également déterminé qu'il devait m'imposer une peine d'emprisonnement obligatoire de sept ans dans une prison fédérale, que j'ai purgée d'une façon ou d'une autre. Comme je l'ai dit, la Cour suprême du Canada a établi depuis qu'il s'agissait là d'une peine anticonstitutionnelle parce que cruelle et inhabituelle.

À l'époque, en 1982, en raison de mes démêlés en ce qui concerne la marijuana et des peines dures prévues par les lois en la matière, non seulement j'avais perdu tout espoir d'avoir une carrière, mais, encore, j'avais dû envisager de subir une peine d'emprisonnement de sept ans dans un établissement fédéral. Ne serait-ce que pour cela, j'ai le droit de vous parler du degré de gravité des dispositions législatives en question.

En 1992, peu après avoir achevé de purger la peine de sept ans, j'ai été arrêté pour culture de cannabis. Le tribunal a appris que cela était survenu à une époque où j'étais malade. En 1997, on m'a imposé une peine d'emprisonnement de 13 mois pour cette infraction.

La période allant de 1992 à 1997 a été bien occupée par l'enquête préliminaire, le procès avec jury où j'ai été acquitté, un appel porté devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse par la Couronne, l'appel porté devant la Cour suprême du Canada par la défense, puis un deuxième procès avec jury où on m'a déclaré coupable d'avoir cultivé un plant.

Avec tous les meurtres, viols et vols sur lesquels devraient se pencher la police, les tribunaux et les prisons, ce genre d'enquête et de poursuite n'était pas dans l'intérêt du public canadien. De même, cela ne représentait pas une utilisation justifiée de ressources limitées. Les ressources sont toujours dites limitées quand il est question du défendeur, par exemple au moment où on refuse de lui accorder de l'aide juridique. Il n'y a jamais de pénurie quand c'est la Couronne fédérale ou la GRC qui en a besoin, ou quand la justice pénale décide d'enfermer des contrevenants non violents.

Mon fils est né la veille du jour où j'ai été accusé de complot en vue d'importer du cannabis au Canada. Il est né à Montego Bay, en Jamaïque. Ma femme était enceinte de huit mois quand j'ai été accusé de culture de mari en 1992. Ma fille, née de cette grossesse, avait quatre ans quand on m'a imposé en 1997 une peine d'emprisonnement pour avoir cultivé un seul plant en 1992.

En février 2000, j'ai fait l'objet d'accusations pour infraction commerciale et culture de la marijuana. J'ai fait l'objet d'un mandat d'emprisonnement, et la possibilité de cautionnement m'a été refusée en raison des infractions commises auparavant, que je viens de vous décrire intégralement. En juin 2000, j'ai été arrêté à nouveau en rapport avec des actes qui ont été antérieurs à la première date d'arrestation. Comme il y a eu deux actes d'accusation distincts, cela a fait doubler tous les coûts et tout le temps exigé par l'ensemble des parties. Les autorités fédérales ne se préoccupent pas des coûts. Ce n'est rien pour eux. Elles espèrent provoquer la ruine financière du défendeur pour le forcer à plaider coupable.

Il y a quelques mois, après des années de démarches judiciaires visant à mettre de l'ordre dans ces accusations — et je témoigne que cette époque nous a coûté, à notre famille entière, sa santé physique, psychique et financière — j'ai plaidé coupable à l'accusation de marijuana en vue d'en faire le trafic et de complot en vue de vendre la marijuana. Une quantité modeste de marijuana était en jeu, soit 4,5 kilos. En août, cette année, je m'attends à recevoir une peine d'emprisonnement de six ans dans un établissement fédéral.

La moitié des Canadiens est d'avis que l'infraction en question ne devrait même pas en être une. Six ans, c'est long, pour une période de réadaptation. Comment réadapter quelqu'un qui, simplement, pense comme la moitié des Canadiens autour de lui? Essayer de modifier une pensée fondamentale comme celle-là, ce n'est pas réhabiliter quelqu'un, c'est essayer de contrôler la pensée.

En août 2001, j'ai bénéficié d'une exemption fédérale aux dispositions législatives en vue de consommer, de posséder et de produire de la marijuana. En avril, cette année, j'ai dû me plier à la rigoureuse marche à suivre afin de tenter de bénéficier à nouveau des dispositions nouvelles, plus ouvertes, transparentes et plus humaines concernant l'accès au cannabis à des fins médicales. Plutôt que de demander seulement à mon médecin personnel de présenter une demande nouvelle, j'ai recouru à deux spécialistes. La Dre Mary Lynch, que vous avez accueillie comme témoin, a signé ma demande, tout comme son collègue, le Dr Clark. Madame Lynch, comme vous le savez est directrice du service de traitement de la douleur, ou Pain Management Unit, de l'hôpital général Victoria, à Halifax, et figure parmi les meilleurs chercheurs qu'ait Santé Canada en ce qui concerne le cannabis. La seule modification que les spécialistes ont apportée à ma demande d'exemption, c'était de dire que la dose initiale doit être augmentée de 250 p. 100.

J'ai vu maintenant plusieurs situations tout à fait paradoxales. On m'envoie dans un établissement pénitencier fédéral purger une très longue peine d'emprisonnement pour avoir fait quelque chose que j'ai maintenant le droit de faire en application du permis fédéral qui m'est accordé, exception faite de la vente d'une partie de la drogue.

Soit dit en passant, les sondages montrent que seule une faible minorité de Canadiens, et même d'Américains, soutient les lois actuelles en matière de cannabis. Dans un épisode récent des Simpsons, un médecin, parlant de la marijuana a dit: «Maintenant, c'est seulement illégal si vous aimez cela.» Voilà qui résume bien la situation.

L'autre situation paradoxale est d'ordre médical. J'ai maintenant trois médecins, dont deux spécialistes de la douleur, qui ont mis leur réputation en jeu et signé ma demande pour affirmer que rien d'autre que le cannabis ne peut réprimer la douleur constante et chronique que je ressens. Ils affirment que tous les autres traitements ont été mis à l'essai et ont échoué ou n'ont probablement pas de chance raisonnable de succès. Rien ne marche comme la mari.

Je suis appelé à purger une peine d'emprisonnement de six ans dans un établissement fédéral, là où il n'y a pas de marijuana. Anne McLellan a affirmé récemment qu'il faudra compter «plusieurs années» avant que la mari de source gouvernementale soit accessible aux bénéficiaires d'exemption qui en ont besoin, comme moi-même. On ne peut cultiver sa propre marijuana en prison; mais je demeure un des 102 Canadiens qui ont le droit de cultiver de la mari à des fins médicales.

Tout autre traitement exigé, étant donné l'état de santé du prisonnier, est garanti par le Service correctionnel du Canada, sauf le traitement au cannabis. Il n'est pas offert en ce moment, et on m'envoie en prison, là où je vais souffrir, sans traitement, d'abord et avant tout pour en avoir cultivé!

Ce n'est tout de même pas la fin de l'histoire. En arriver à presque détruire une famille parce que le père a cultivé de la marijuana ne suffit pas. La GRC a remarqué que nous sommes les propriétaires d'une maison en banlieue de Halifax. Elle a décidé de la saisir. Nous avons contracté l'hypothèque pour acheter cette petite maison en 1988: en 2001, 13 ans plus tard, je me suis reconnu coupable d'avoir cultivé six mois plus tôt de la marijuana, dont la majeure partie a été saisie par la police. Ils m'ont enregistré, quand j'ai dit que j'avais perdu l'argent; néanmoins, ils ont intenté une poursuite en vue de saisir notre maison familiale. Pourquoi? Pour mettre à la rue ma femme et mes enfants pendant que je purge une peine fédérale? Les autorités fédérales n'apprécient pas les militants qui parlent fort comme moi ni ce qu'ils font. Elles ont tendance à écraser ce genre de tentative.

Durant l'enquête que la GRC menait sur nos affaires, ma femme a été congédiée sans justification du poste de direction qu'elle occupait depuis dix ans. Tout juste avant l'enquête, Melanie était devenue l'étoile de son organisation nationale. Melanie, bien que aucunement soupçonnée de quelque affaire ayant trait au cannabis et connue comme ayant une carrière depuis la fin de ses études secondaires, a également été accusée de possession du produit de la criminalité, c'est-à-dire le domicile familial.

Ayant dépensé tout notre argent pour nous défendre contre les accusations liées au cannabis, nous nous sommes retrouvés en difficulté financière en attendant l'enquête préliminaire sur l'affaire des produits de la criminalité; nous sommes maintenant contraints de nous défendre contre une équipe d'enquêteurs de la GRC, de procureurs fédéraux et comptables judiciaires. L'enquête, commencée en avril, devrait se prolonger pendant un bon bout de temps encore. Si l'un ou l'autre d'entre nous est cité à procès dans cette affaire, cela veut dire que nous allons devoir assumer au minimum 80 000 $ en honoraires professionnels pour essayer de protéger non seulement notre innocence, mais également l'avoir propre de 50 000 $ immobilisé dans notre maison.

Il n'y a pas que les lois qui sont draconiennes, l'imposition des lois et l'exécution des lois le sont aussi. La Couronne, dont les champs de responsabilité en matière de poursuite sont peu nombreux, y va à fond de train dans ces affaires de marijuana. Pour la GRC, ceux qui cultivent la mari sont des cibles faciles; c'est pour cela qu'ils se trouvent dans sa mire. Une presse qui s'intéresse à la question, les arrestations faciles, des peines importantes comme dans ce cas-ci. Ils devraient plutôt essayer de gagner leur pain, s'occuper de la criminalité qui nous afflige.

J'espère avoir bien fait de vous parler de ces expériences personnelles de la loi de la mari dans la rue, que j'ai accumulées le temps d'une vie. Je vous demande d'avoir l'obligeance de recommander que l'on mette fin à la prohibition.

Le président: À quel moment vous a-t-on imposé la peine de sept ans, à quelle date?

M. Patriquen: C'était le 4 mars 1985.

Le président: Et c'était pour trafic de cannabis?

M. Patriquen: Pour complot en vue d'importer de la marijuana, 60 livres.

Le président: Saviez-vous que, depuis 1996, la possession de moins de 30 grammes de marijuana ne donne pas lieu à l'établissement d'un casier judiciaire? Je ne parle pas de votre cas particulier, puisque vous venez de nous relater deux pages du cahier de votre vie dans ce registre.

M. Patriquen: Sur les demandes d'emploi des grandes sociétés, sur les demandes de visa et les demandes touchant les études supérieures, il faut répondre à la question: avez-vous déjà été accusé d'avoir commis une infraction criminelle? Et non pas: «Avez-vous un casier judiciaire?» Ou encore: «Si nous cherchons un casier judiciaire, allons-nous trouver quelque chose?» Il existe plusieurs façons de contourner le problème, et c'était une solution tout à fait partielle à un très grand problème.

Le président: Je sais, mais vous pourriez dire que nous jouons sur les mots. À proprement parler, l'accusation n'est pas une infraction criminelle, moins de 30 grammes; c'est un cas de possession simple.

M. Patriquen: À la lecture de votre site Web, j'ai remarqué que vous définissez la décriminalisation comme étant le fait d'éliminer du Code criminel l'infraction dite de possession simple et les sanctions pénales qui l'accompagnent. Je dois souligner que c'est là une erreur.

Le président: Nous ne disons pas cela.

M. Patriquen: Monsieur le président, ça se trouve sur votre site Web. Je l'ai lu ce matin.

Le président: Si vous prenez notre document et que vous regardez le tableau, vous le verrez, en haut.

M. Patriquen: Il y est dit qu'on abrogerait les articles du Code criminel sur la possession. Là où je veux en venir, c'est qu'aucune de ces infractions liées au cannabis ne se trouve dans le Code criminel. Elles se trouvent dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui ne fait pas partie du Code criminel. C'est une loi fédérale distincte. De fait, la question a été soulevée et a été confiée à la Cour suprême du Canada, en 1979, dans l'affaire Patrick Howser; à ce moment-là, la Cour suprême du Canada a établi que les infractions liées au cannabis — de nom, de nature, de par leur essence et substance — ne sont pas criminelles. La Cour ajoute que ce type d'infraction n'est rien de plus qu'un manquement à un règlement fédéral, comme un manquement à la Loi sur les télécommunications ou un manquement à la Loi sur l'aéronautique. Le seul aspect criminel qui entre en ligne de compte est dû au fait que les peines d'emprisonnement sont si sévères que nous devons en suivre l'évolution; or, la seule façon d'en suivre l'évolution est de recourir à la méthode du casier judiciaire. Je voulais simplement souligner cela.

Le président: Vous êtes donc d'accord avec moi quand je dis que la possession de moins de 30 grammes, depuis 1996, n'est pas une infraction criminelle? C'est une infraction punissable par voie sommaire. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Patriquen: J'ai déjà entendu cela. Je ne peux dire que j'ai fait des recherches là-dessus.

Le président: Vous avez parlé brièvement du nouvel usage médical de la marijuana.

M. Patriquen: Oui.

Le président: Pouvez-vous nous donner des précisions sur la démarche que vous avez employée pour obtenir que trois médecins étudient le dossier, vous ou les amis de votre organisation? Pouvez-vous expliquer au comité quelle est votre opinion personnelle ou le point de vue de votre organisation sur cette réglementation?

M. Patriquen: Je peux vous dire ce qu'en pense l'organisation, et je peux vous parler de mes expériences personnelles, selon ce que vous préférez, ou des deux.

Mon expérience personnelle, c'est qu'il a fallu huit mois entre le moment où mon médecin a d'abord présenté une demande, après un an de diagnostics et d'autres essais thérapeutiques. Il a fallu huit mois entre le moment où nous avons présenté une demande et celui où j'ai reçu mon exemption en août 2001. On m'a dit que je pouvais cultiver dix plants, ce qui donne deux grammes par jour. Deux semaines auparavant, le nouveau règlement sur l'accès à la marijuana à des fins médicales est entré en vigueur, et on m'a dit que je n'aurais pas à présenter une nouvelle demande dans le cadre du nouveau règlement, mais que celui-ci entrerait en vigueur l'année suivante, au moment où je voudrais présenter une nouvelle demande, et que je serais tenu de présenter une demande sous un régime plus sévère, ce que je viens de faire. Il est très difficile, compte tenu des consignes que donne l'Association médicale canadienne et ses assureurs, de trouver un médecin qui envisagera même de parler de la possibilité de prescrire la marijuana comme traitement médical. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des médecins du pays, d'après mon expérience et celle d'autres membres du parti, refusent même d'en parler à leurs patients parce que l'Association médicale canadienne leur a dit de ne pas le faire, tout d'abord. Ensuite, leurs assureurs leur ont dit dans une lettre très claire que, pour l'assurance sur la faute professionnelle, si jamais une demande était formulée en rapport avec la prescription de cette substance, l'assurance ne valait pas.

Tout de même, j'ai eu la chance d'être accepté comme un patient au service de traitement de la douleur de l'hôpital général Victoria, et la Dre Mary Lynch connaît très bien ce sujet. Elle a envisagé le recours à la marijuana dans le cadre d'un traitement et, après avoir examiné la situation davantage, elle a déterminé que cela était indiqué dans mon cas. Je me considère comme très chanceux. C'est une marche à suivre très rigoureuse.

Enfin, pour ce qui est du point de vue du parti et de mon opinion politique, toute cette histoire du règlement sur l'accès à la marijuana à des fins médicales n'est qu'une mascarade de la part du gouvernement fédéral, à la suite de la décision dans l'affaire Parker en Ontario, dont vous êtes conscient, j'en suis sûr. Il lui fallait trouver quelque chose, sinon certains articles de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances auraient été déclarés anticonstitutionnels; ils ont donc intégré cela. Tout de même, l'accès est presque impossible. Il n'y a que Santé Canada qui sait combien de demandes ont été transmises au cours des six derniers mois, mais je sais, pour moi-même, que les fonctionnaires ont approuvé moins de 275 d'entre elles, pour la consommation, et 102, pour la production. Par conséquent, ce n'est plus qu'une mascarade.

Ils m'ont appelé en décembre et m'ont dit que nous allions avoir accès aux produits cultivés à Flin Flon, en février, que la récolte était prête et que cela serait traité en janvier.

Le président: À quel moment ont-ils communiqué avec vous? Qui a communiqué avec vous et qu'est-ce qu'il vous a dit?

M. Patriquen: Il y avait un agent responsable de mon cas, je ne me souviens pas de son nom.

Le président: C'était à quel moment?

M. Patriquen: C'était vers la fin décembre. On m'a dit que nous aurions accès au produit en février. La seule chose qui restait à faire, c'était de trouver le mode de distribution de choix, que ce soit par messager ou par l'entremise d'une pharmacie. Les responsables de Santé Canada devaient régler quelques questions. Ils devaient aussi regarder le prix. Ils ont dit: «Si nous devons demander des frais pour la production et la distribution, ce sera environ 10 $ le gramme, et si nous ne demandons des frais que pour la distribution, ce sera environ 2 $ le gramme.» Après cela, nous n'en avons jamais plus entendu parler. Puis, M. Rock a quitté la scène, et Anne McLellan est devenue ministre de la Santé, et elle a affirmé, peu après avoir entamé ses fonctions, que le produit ne serait pas distribué du tout; qu'il allait être détruit.

Le président: Je suis sûr que vous connaissez le phénomène des «clubs de compassion» qu'il y a au Canada — à Vancouver, Montréal et Toronto.

M. Patriquen: Oui, sénateur.

Le président: Y a-t-il une organisation de ce genre dans la région de l'Atlantique?

M. Patriquen: Il y a un gars très courageux qui a mis sur pied un très petit établissement non commercial à Halifax, et il a eu droit à l'attention constante des médias et de la police. Pour être franc, il a la trouille.

Dans la région de l'Atlantique, les peines sont probablement de dix à 20 fois plus sévères qu'elles le sont plus à l'Ouest. Pour cette raison, il n'y a pas de club compassion ici.

Le sénateur Banks: Je vous pose la question suivante parce que vous n'êtes pas tout à fait inexpérimenté à cet égard — pourquoi supposez-vous que les peines sont plus sévères ici? Je ne crois pas vraiment que vous vouliez dire qu'elles sont, littéralement, de dix à 20 fois plus sévères, mais qu'elles sont beaucoup plus sévères. À votre avis, pourquoi est-ce le cas?

M. Patriquen: Je dois vous dire, sénateur, que j'ai fait beaucoup de recherche sur les peines imposées à la suite de condamnations en rapport avec la marijuana, depuis deux ans. La peine la plus importante, parmi celles que j'ai repérées, a été imposée à un gars qui devra purger une peine de quatre ans en prison, et il a témoigné, il a admis au juge qu'il cultivait de la marijuana dans plusieurs entrepôts depuis dix ans. Au moyen de ses propres aéronefs, il en exportait aux États-Unis. Cela lui a rapporté plusieurs millions de dollars. De fait, il avait même une participation de 50 p. 100 dans le tribunal et la prison de Golden (Colombie-Britannique) où avait lieu son procès et où il était détenu, et la peine d'emprisonnement de quatre ans est la plus sévère que j'ai vue pour ce genre de chose.

Pourquoi une telle disparité dans les peines qui sont imposées? Si vous étudiez la jurisprudence, vous constatez que la disparité régionale à cet égard vise à prendre en considération tout problème régional. On sait que s'il y a plus de vols par effraction dans un secteur que dans un autre, alors il faut peut-être adopter des peines plus sévères dans ce cas. Tout de même, je dirais que la Colombie-Britannique compte probablement 50 fois plus d'opérations de culture illicite et d'exportation vers les États-Unis que la région de l'Atlantique; et les gens là-bas composent très bien avec la situation. De fait, c'est très bon pour leur économie. Ici, c'est de l'activité très limitée. On pourrait dire, j'imagine, que c'est en raison des peines draconiennes que, peut-être, nous le faisons. Peut-être que tout cela fonctionne; je n'en sais rien. Néanmoins, quelle que soit la voie adoptée, c'est beaucoup plus sévère dans l'Est que dans l'Ouest.

Le sénateur Banks: C'est uniquement par curiosité personnelle pour votre situation personnelle que je pose la question: avez-vous recouru à des mesures d'appel extraordinaires en rapport avec la peine d'emprisonnement qui vous attend?

M. Patriquen: J'aimerais bien le faire, sénateur, mais comme je l'ai dit pendant mon témoignage, nous n'avons même pas les moyens de nous payer un avocat pour assurer notre défense à l'enquête préliminaire pour essayer de sauver notre maison. Bon, je suis sûr que je pourrais contester la constitutionnalité des dispositions législatives de détermination de la peine, faire valoir que les autorités ne peuvent m'envoyer souffrir en prison sans mes médicaments, mais une contestation du genre ferait intervenir des gens de Santé Canada, d'Ottawa, qui devraient se rendre à Halifax — un certain nombre d'experts. Tout cela est coûteux. Plus il y a l'avocat. Il faudrait engager environ 25 000 à 30 000 $ pour poser cette question au tribunal. Je ne pourrais certainement pas me lever et plaider cette cause moi-même. Il y a toute une jurisprudence qu'il faut approfondir, sans oublier le témoignage d'experts.

Le sénateur Banks: C'est seulement à propos de votre femme. Êtes-vous madame Patriquen?

Mme Melanie Patriquen: Oui, je le suis, sénateur.

Le sénateur Banks: Avez-vous été licenciée après avoir été accusée de possession des produits de la criminalité?

Mme Patriquen: Non.

M. Patriquen: Permettez-moi d'intervenir. J'ai eu l'occasion, il y a dix jours, de contre-interroger le principal enquêteur de la GRC qui a envoyé à l'employeur de Melanie la lettre à cet égard. Je lui a demandé pourquoi il avait donné dans la lettre tant de précisions sur la condamnation liée à la marijuana.

Le président: Une chose, monsieur Patriquen. Est-ce que cela fait l'objet d'un procès en ce moment?

M. Patriquen: D'une enquête préliminaire.

Le président: Je dois, bien entendu, signaler que tout ce qui se dit aujourd'hui est privilégié et que vous êtes à l'abri de toute poursuite, que ce soit civile ou criminelle. Tout de même, les juges qui instruisent une cause n'aiment pas qu'on discute de l'affaire en dehors du tribunal.

M. Patriquen: Très bien, je ne dirai rien de plus.

Le président: Le silence serait à conseiller.

M. Patriquen: Merci, sénateur.

Le sénateur Banks: Je ne savais pas qu'il y avait un procès en vue.

Il y a encore une toute petite chose qui me travaille. À quelques reprises, par le passé, quand vous avez eu affaire à la marijuana, par exemple pour en vendre, vous deviez savoir que l'acte était jugé répréhensible ou, tout au moins, vous deviez savoir que c'était illégal?

M. Patriquen: Oui, sénateur. Je crois qu'il y a toute une distinction à faire entre ce qui est condamnable et ce qui est illégal.

Le sénateur Banks: Mais vous saviez que quelques-unes de ces activités étaient illégales. Vous étiez également conscient de la distinction entre, du point de vue juridique, la possession d'une drogue et la vente de la drogue.

M. Patriquen: Oui, sénateur. Du point de vue juridique, je reconnais que je n'ai pas agi correctement. Sur le plan moral, je n'ai rien fait de mal.

Le sénateur Banks: Je vais relire votre histoire. Je m'excuse d'en avoir raté une partie, mais je suis sûr que tout est là. Je vous souhaite bonne chance.

Le président: Merci beaucoup de votre témoignage. S'il y a encore des renseignements que vous voulez remettre au comité, nous vous laisserons la carte avec l'adresse électronique de la greffière, et vous pouvez nous transmettre cela.

La séance est levée.


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