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Résumé des réunions tenues à Washington, D.C.

par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense

du lundi 24 mars au jeudi 28 mars 2003


Lundi 24 mars 2003

Christopher Sands, associé principal, Projet Canada, Centre for Strategic and International Studies (CSIS)

M. André Belelieu, associé en recherche, Centre for Strategic and International Studies (CSIS)  

Le sénateur Kenny lance la discussion en demandant pourquoi le Canada n’a pas été inclus dans la liste des pays qui viennent en aide aux États-Unis, autrement dit, la liste des volontaires, malgré le soutien qu’il a apporté dans le Golfe persique et sa promesse de fournir des troupes pour l’Afghanistan.  

M. Sands invoque un certain nombre de raisons, faisant surtout valoir que les États-Unis sont entièrement centrés sur l’Irak et que le Canada n’est pas à l’avant-scène pour le moment. D’autre part, le fait est que l’administration Bush en particulier et le Parti républicain en général n’aiment pas le Parti libéral, une attitude qui remonte à l’époque où Lloyd Axworthy était ministre des Affaires étrangères. Il faut s’attendre à ce que cette froideur persiste tant qu’il n’y aura pas de changement dans l’idéologie du Parti libéral. (Sands croit d’ailleurs que ce n’est pas à l’avantage des États-Unis.) Le peu d’attention que les gens en dehors du « circuit canadien » prêtent au Canada se concentre sur ce que les médias rapportent des propos de la faction anti-américaine du Parti libéral.  

L’administration et l’opinion publique américaines considèrent la guerre en Irak comme le prolongement de la guerre contre le terrorisme et, aux États-Unis comme au Canada, les représentants de l’administration américaine se sont dit déçus que le Canada ne voit pas les choses de la même façon.  

En réponse à une question du sénateur Banks quant au fait que les États-Unis jouent la « carte de la loyauté », M. Sands répond qu’en effet, l’administration américaine a souvent joué la « carte de la loyauté » (contre ses adversaires internes ainsi que le Canada et le Mexique, par exemple) et la « carte de la gratitude » (contre la France, par exemple et contre le Canada en raison de sa facilité d’accès au marché des États-Unis) pour convaincre les récalcitrants à l’intérieur du pays comme à l’extérieur.  

M. Sands mentionne au comité que les États-Unis ont perdu confiance dans l’ONU; l’administration actuelle a toujours été sceptique au sujet de cette organisation et depuis la débandade concernant une deuxième résolution du Conseil de sécurité, la plupart des gens s’en sont détournés et ont même laissé entendre que les États-Unis devraient songer à renoncer à leur siège permanent au Conseil de sécurité.  

Le sénateur Kenny fait remarquer que les États-Unis doivent se rendre compte qu’il ne suffit pas d’obtenir l’appui des gouvernements démocratiques et qu’il faut également rallier l’opinion publique. M. Sands répond que l’administration sait que les Forces canadiennes étaient déjà déployées au maximum et qu’elles ne s’attendaient pas à grand-chose de plus qu’un soutien diplomatique.  

Le sénateur Cordy pose une question sur les torts que l’intervention unilatérale des États-Unis en Irak a causés aux Nations Unies. M. Sands répond qu’à son avis l’administration Bush se méfiait déjà des Nations Unies au début de son mandat et qu’elle semblait maintenant lui avoir retiré sa confiance. On  laisse entendre que les Nations Unies devraient réviser leurs institutions, et surtout la composition du Conseil de sécurité.  

Les liens étroits qui unissent la Grande-Bretagne et les États-Unis ont fait du Canada un « outsider ». Le premier ministre Blair visait l’après-guerre et a vu l’occasion de se servir de la coalition pour modifier les institutions multilatérales et l’attitude des États-Unis vis-à-vis de ces dernières, surtout en ce qui concerne les Nations Unies.  

M. Sands fait valoir que le Canada n’a pas fait état de son soutien et de ses réalisations sur la scène mondiale avec suffisamment de vigueur. Selon lui, le Canada devrait insister davantage sur les aspects positifs. Il a récemment déclaré au magazine Macleans que « l’administration américaine prend note des attaques personnelles lancées contre elle (et M. Bush) et que de tels propos confirment que le Canada n’est plus un ami fiable ».

 

Major général Michael Dunn, J-5 intérimaire, Ministère de la défense

Le sénateur Kenny entame la discussion en déclarant que les membres du comité sont venus à Washington en tant qu’amis des États-Unis et alliés dans la guerre contre le terrorisme. Le comité s’intéresse à deux questions en particulier : la guerre et le Commandement du Nord.  

Le général Dunn déclare au comité que les États-Unis ont établi leur stratégie de guerre contre l’Irak en partant du principe qu’ils seraient responsables de la reconstruction après le conflit. Des mesures extraordinaires ont donc été prises pour éviter de faire des victimes chez les civils et de causer des dégâts inutiles dans l’économie non militaire. Cela explique pourquoi il n’y a pas eu d’offensive aérienne massive avant le début des opérations terrestres.  

Bien que le régime irakien ait distribué des vivres et du matériel à la population juste avant le début de la guerre, si l’électricité est coupée, l’eau potable viendra rapidement à manquer. La coalition aura pour priorité de rétablir l’approvisionnement en eau potable et il est donc prioritaire de préserver ou de restaurer le réseau électrique. On songe à embaucher des soldats irakiens et à les payer avec les avoirs de l’Irak et de Saddam Hussein qui ont été gelés. L’un des gros problèmes à résoudre pour l’administration de l’après-guerre sera de décider de la monnaie à utiliser en Irak. Le général Dunn prévoit la tenue d’une « conférence de Bagdad » une fois que les hostilités auront pris fin pour discuter de la « reconstruction du pays ». Il pense que les Nations Unies adopteront probablement une résolution leur permettant de participer aux efforts de reconstruction. Les États-Unis s’attendent à ce que les Irakiens rebâtissent leur pays grâce à une aide importante des organismes non gouvernementaux.  

À la question de savoir pourquoi le Canada n’est pas cité parmi les volontaires alors qu’il continue de soutenir la guerre contre le terrorisme, le général Dunn répond qu’il n’a pas été inclus, car le gouvernement canadien ne le souhaitait pas. Cette réponse amène certains membres du comité à mentionner que les Libéraux qui critiquent les États-Unis ont été marginalisés au sein du parti.  

Le général Dunn reconnaît que les États-Unis et l’Europe ne se font pas du tout la même idée de la nature et de l’ampleur de la menace terroriste. Les États-Unis se sont laissé prendre par surprise le 11 septembre. Depuis, ils ont constaté que leur infrastructure comptait plus de 30 000 cibles critiques, un chiffre trop élevé pour assurer une protection adéquate. On a donc décidé d’attaquer les États terroristes pour prévenir une future attaque lancée avec des armes de destruction massive. Le général Dunn laisse également entendre que la Corée du Nord pose un problème qui pourrait contribuer à la prolifération des armes de destruction massive si on n’y remédie pas.  

Le sénateur Kenny souligne que le Canada préfère le multilatéralisme à l’unilatéralisme pour faire face aux crises internationales. Suite au 11 septembre, le Canada a adopté une loi draconienne pour resserrer l’accueil des immigrants et des demandeurs d’asile, il a investi des milliards dans le renforcement de la sécurité aux frontières et a largement augmenté le budget des services de renseignement et de l’armée.  

Le général Dunn répond que les inspections ne peuvent assurer le désarmement que dans des cas comme celui de l’Afrique du Sud dont le gouvernement voulait se débarrasser de ses armes de destruction massive; l’Irak a refusé de coopérer dès le début et les Nations Unies ont souvent omis de contacter les États-Unis. Ces derniers ne pouvaient pas attendre que le multilatéralisme donne finalement des résultats parce qu’au bout de 10 années d’inaction, la prolifération des armes de destruction massive allait modifier les relations bilatérales.  

Le général Dunn déclare au comité, en ce qui concerne le Commandement du Nord, que ce dernier dispose actuellement d’environ 30 p. 100 de ses effectifs. Une fois qu’il sera entièrement opérationnel, il aidera à placer tout le problème de la défense de l’Amérique du Nord dans sa juste perspective. L’assistance du Canada est importante ne serait-ce que parce que la loi interdit aux États-Unis d’espionner son voisin nordique. Le Commandement du Nord devra notamment veiller à ce que les divers organismes échangent des renseignements et mettent au point des moyens d’acheminer l’information jusqu’au niveau de la police locale, des inspecteurs des douanes et de l’immigration, etc.  

Le général Dunn laisse entendre que le Canada doit insister sur les aspects positifs et se vanter davantage de l’aide qu’il apporte aux États-Unis. Le sénateur Kenny remarque que les États-Unis n’ont pas présenté d’arguments convaincants au public canadien pour déclarer la guerre à l’Irak. Le Canada demeure toutefois déterminé à lutter contre le terrorisme et a annoncé son intention d’envoyer, encore une fois, un important contingent militaire en Afghanistan.  

 

Michael O’Hanlon, attaché supérieur de recherche, études sur la politique étrangère, The Brookings Institution

Dans sa déclaration liminaire, le sénateur Kenny s’avoue très surpris de voir le Canada absent de la liste des amis des États-Unis étant donné sa contribution à la guerre contre le terrorisme et sa décision de redéployer des forces de combat en Afghanistan. Il ajoute que la stratégie de guerre des États-Unis ne se limite pas à des objectifs militaires et qu’elle vise à implanter la démocratie en Irak en espérant que cela se répercutera dans tout le Moyen-Orient. Mais il s’inquiète également des répercussions du conflit sur le commerce bilatéral et des effets de la liste d’amis des États-Unis sur les membres du Congrès.  

M. O’Hanlon répond au comité qu’en refusant de participer à la guerre en l’Irak ou même à l’appuyer sur le plan diplomatique, le Canada avait raté l’occasion de compter parmi les « principaux alliés » comme la Grande-Bretagne et l’Australie. Les dommages seraient encore plus grands si l’Américain moyen remarquait le manque de soutien du Canada et si les membres du Congrès décidaient d’exploiter la situation. Même le déploiement de forces canadiennes en Afghanistan pourrait donner au public américain l’impression que le Canada n’est pas prêt à le soutenir dans le conflit irakien. Il estime que le Canada devrait revoir sa décision de ne pas participer à la guerre en Irak et refuser de se joindre à l’ISAF en Afghanistan. L’administration ne subit pratiquement aucune pression en faveur d’un règlement des questions économiques en suspens comme le conflit sur le bois d’œuvre et le Canada ne lui a donné aucune raison d’user de son influence.  

D’un autre côté, les États-Unis ont besoin de toute l’aide qu’ils pourront obtenir pour stabiliser l’Irak après la guerre (même de la France et de l’Allemagne) car ils ne pourront pas fournir suffisamment de soldats pour maintenir une « force de stabilisation ». Ce problème suscite des divergences de vue quant au nombre de soldats nécessaire après la guerre : le Pentagone parle de 500 000 tandis que le Secrétaire à la défense, Donald Rumsfeld, croit que 100 000 suffiront.  

M. O’Hanlon estime que l’administration n’a pas encore fait la preuve d’un lien entre le gouvernement irakien et al quaïda. Il évalue les membres de « l’axe du mal » et estime que l’Irak n’aurait pas eu accès à la bombe nucléaire avant 10 ans et que la menace chimique et bactériologique était donc la plus importante. La capacité nucléaire de la Corée du Nord représente un défi particulier. Une politique reposant sur des menaces et des tentatives d’étranglement économique a conduit le régime à se retrancher derrière le nationalisme, mais l’administration Bush s’est mise à dos les sud-coréens ce qui rend peu probable la possibilité d’une frappe préventive. La politique de « la carotte et le bâton » donnerait sans doute des résultats à la condition que la carotte soit plus visible que le bâton. Certains analystes croient que la Syrie sera la prochaine cible, mais ils ne pensent pas que des arguments valides penchent de ce côté-là. Le régime iranien a manifesté des signes de modération en s’efforçant de ne pas offenser les États-Unis et en soutenant même discrètement l’offensive contre le régime de Saddam Hussein en Irak. 

En ce qui concerne le  Patriot Act, M. O’Hanlon déclare que cette loi fait passer la sécurité avant les libertés civiles. Néanmoins, à l’avenir, les documents de voyage devront intégrer des identifications biométriques et les autorités douanières américaines accorderont la priorité aux pays qui émettent des documents de voyage hautement sécuritaires. Les intérêts des États frontaliers limiteront les répercussions de la loi sur le Canada étant donné que ces États veulent le resserrement de la frontière à la condition que cela ne nuise pas au commerce entre le Canada et les États-Unis.  

La première guerre du Golfe s’est déroulée avec une facilité inattendue, mais George Bush père a perdu les élections qui ont suivi parce que l’économie s’était mal comportée. Il y a de bonnes chances que l’histoire se répète et que le fils, malgré une seconde guerre du Golfe facile, connaisse le même sort que son père pour des raisons identiques.  

Vers la fin de la réunion, les membres du comité soulèvent la question des exportations canadiennes de gaz, de pétrole et d’électricité en faisant remarquer que le Canada est le principal fournisseur des États-Unis, que ses réserves sont énormes et qu’elles se trouvent en Amérique du Nord.  

 

Mardi 25 mars 2003 

Michael Kergin, ambassadeur du Canada auprès des États-Unis 

L’ambassadeur Kergin présente au comité un aperçu général des relations entre le Canada et les États-Unis. Il commence par les comparer avec les Grands Lacs. Dans les deux cas, étant donné leur ampleur, un incident ne peut pas, à lui seul, leur nuire sérieusement, mais une accumulation d’événements risque de leur causer du tort. Comme les Grands Lacs, ces relations sont paisibles et le calme n’est troublé que par des remous occasionnels, comme le conflit sur le bois d’œuvre ou la guerre en Irak, qui risquent d’avoir des effets dévastateurs pour leurs protagonistes.  

L’ambassadeur laisse entendre que les difficultés du Canada dans les sphères politiques de Washington sont dues à un certain nombre de mythes et de réalités. Le mythe voulant que certains des terroristes du 11 septembre soient entrés aux États-Unis par le Canada persiste et on continue à croire erronément que la frontière canadienne est « poreuse ». Les Américains sont également très déçus que le Canada ne fasse pas partie de la « coalition de volontaires » et demeurent insatisfaits de la taille de notre armée et de notre budget de défense.  

La Maison Blanche a exprimé son mécontentement devant le refus du Canada de participer à la guerre, mais elle est parfaitement au courant de sa contribution à la lutte contre le terrorisme. Les membres du Congrès connaissent moins bien le Canada, mais ils n’en ont pas une opinion très négative. Néanmoins, la vive opposition à la guerre en Irak exprimée par certains partisans ou membres du gouvernement et rapportée par les médias pourrait modifier cette opinion. La progression de la guerre déterminera l’attitude que le Congrès adoptera vis-à-vis du Canada de même que vis-à-vis de la France et de l’Allemagne pour leur opposition au sein du Conseil de sécurité. Le Congrès reproche au Canada de ne pas dépenser suffisamment pour son armée, mais il est conscient de la qualité des Forces canadiennes et de la difficulté de les maintenir.  

À propos de la sécurité du territoire, l’ambassadeur Kergin fait remarquer que l’administration est certaine de la coopération canadienne et n’ignore pas que ses propres organismes et ministères ont souvent moins de problèmes à coopérer avec leurs homologues canadiens comme le Service canadien du renseignement de sécurité, la GRC, les douanes, l’immigration, etc., qu’avec les services américains.  

Le Congrès demeure toutefois un problème. Les mythes au sujet du 11 septembre persistent et ont contribué à faire croire que l’attaque est venue de l’étranger. Les médias insistent sur le fait que la menace émane du Canada alors que le problème est dû à l’insuffisance des ressources du côté américain de la frontière. Néanmoins, comme le public américain, le Congrès est nerveux et redoute vivement une nouvelle attaque si bien qu’il préfère penser que le danger vient de l’étranger plutôt que de l’intérieur du pays.  

Les Républicains et Démocrates ont des divergences de vue sur un certain nombre de sujets. Le plus important est le budget de la défense du territoire auquel il manquerait 10 milliards de dollars selon les Démocrates. Les Démocrates de New York comme le sénateur Clinton redoutent particulièrement une nouvelle attaque contre Manhattan et s’inquiètent donc de l’insuffisance des ressources affectées à la frontière septentrionale.  

La création du nouveau ministère de la Défense du territoire a intensifié le sentiment de vulnérabilité. Les voies normales de planification, de communication et de prise de décision entre les organismes compétents ont été complètement bouleversées. L’ambassade a eu de la difficulté à établir des contacts avec le nouveau personnel de la sécurité du territoire parce que les joueurs ne sont plus les mêmes. L’ambassade a l’intention d’inviter un certain nombre de sous-ministres et de sous-ministres adjoints des ministères clés du gouvernement canadien à venir lancer la coopération avec le nouveau ministère. Le Canada pourrait faciliter la mise en œuvre du Patriot Act en enregistrant les sorties dans le cadre de son contrôle des douanes et de l’immigration. Malheureusement, c’est la pagaille au sein du nouveau ministère et ce n’est pas avant plusieurs années qu’il atteindra son niveau d’efficacité maximum.  

L’ambassadeur va retourner à Ottawa pour « accélérer » la planification canadienne de la reconstruction de l’Irak après la guerre. Les États-Unis sont prêts à le faire seuls, mais ils apprécieraient l’aide de leurs amis. L’administration a apprécié l’appui discret de l’Allemagne à la guerre en Irak et a exprimé sa déception au sujet de la décision du Canada de ne pas y participer ou de ne pas l’appuyer.  

 

Amiral Brian Peterman, directeur principal, Sécurité des frontières et des transports, Conseil de la sécurité du territoire

M. John Maisto, directeur principal, Affaires de l’hémisphère occidental, Conseil de la sécurité du territoire

Chris Hornbarger, directeur, Conseil de la sécurité du territoire

Una Brien, directrice, Conseil de la sécurité du territoire

Lisa Bobbie Schreiber Hughes, directrice, Conseil de la sécurité du territoire

M. John McGowan, directeur, Conseil de la sécurité du territoire

M. Sam Brock, directeur, Affaires de l’hémisphère occidental, Conseil de la sécurité du territoire  

Le sénateur Kenny ouvre la réunion en indiquant qu’aux yeux des Canadiens le 11 septembre était une attaque à la fois contre les États-Unis et le Canada et que, pour cette raison, les Canadiens participent à la guerre contre le terrorisme. Le comité a déjà publié un rapport sur la défense des côtes d’Amérique du Nord et a l’intention de produire un nouveau rapport sur le sujet.  

L’amiral Peterman fait remarquer que le Patriot Act n’est qu’une de quatre ou cinq mesures législatives qui ne seront pas entièrement mises en œuvre avant quatre ou cinq ans. Quand ce sera chose faite, les documents de voyage seront informatisés et intégreront un système d’identification biométrique. Les États-Unis ont déjà entamé des pourparlers avec le Canada au sujet de l’application des dispositions du Patriot Act qui exigent un document de sortie et la possibilité que les douanes canadiennes contrôlent les sorties pour le compte des États-Unis.  

M. Hornbarger caractérise les relations canado-américaines de très pragmatiques et se dit d’avis que les deux pays trouveront le moyen de coopérer à la mise en œuvre des exigences législatives du Patriot Act. Il en est convaincu, car il n’est pas vrai que les intérêts des États-Unis se situent strictement sur le plan de la sécurité et ceux du Canada, purement sur le plan du commerce. En réalité, les deux pays ont un vif intérêt tant pour le commerce que pour la sécurité.  

La coopération canadienne à l’opération Bouclier de la liberté pour protéger les États-Unis pendant la guerre contre l’Irak a été jugée excellente. Le Canada a renforcé son contrôle à la frontière et ses hélicoptères ont été autorisés à faire le plein de carburant aux États-Unis. Néanmoins, pour le moment, aucune attaque terroriste imminente n’a été signalée par les services de renseignement.  

L’amiral Peterman déclare que le Commandement du Nord a deux missions :

  • Défendre les États-Unis 

  • Mettre des moyens militaires à la disposition du ministère de la Défense du territoire et des intervenants de première ligne  

Au cours de la discussion avec les membres du comité, l’amiral Peterman a convenu qu’aux États-Unis comme au Canada il y avait un problème de communication au sein des administrations civiles et militaires et entre ces dernières. Le téléphone cellulaire est souvent le mode de communication le plus efficace et les membres des EISN s’en servent souvent pour parler entre eux. Le NORAD a donné aux deux pays un excellent modèle de coopération qui pourrait s’appliquer au Commandement du Nord.  

En réponse à une observation concernant la situation délicate du gouvernement canadien face à une opinion publique divisée au sujet de la guerre en Irak, l’ambassadeur Maisto fait valoir que les États-Unis jugent la menace bien réelle et sont déçus de constater que certains de leurs amis les plus proches ne voient pas les choses de la même façon. Il comprend les difficultés politiques que le Canada pourrait éprouver au Québec, mais il fait remarquer que d’autres pays sont restés fidèles à leurs principes et ont fait preuve de leadership et de courage politique. À son avis, la question irakienne n’exige pas le soutien militaire, mais plutôt le soutien politique du Canada. Il ajoute que si la tragédie du 11 septembre n’avait pas eu lieu, l’administration américaine aurait quand même jugé nécessaire de résoudre la situation en Irak parce qu’elle craignait que la situation ne dégénère (en raison de la prolifération des armes de destruction massive).  

L’ambassadeur estime qu’en raison des liens d’amitié étroits entre le Canada et les États-Unis, ces derniers ne peuvent pas comprendre pourquoi le Canada ne les soutient pas quand ils ont besoin d’aide. Il souligne que la guerre en Irak ne se compare pas à Kyoto, aux mines terrestres ou à d’autres questions de principe; il s’agit plutôt de défendre sa « famille ». L’ambassadeur Cellucci a tenu le même genre de propos dans un discours qu’il a prononcé au Canada à peu près à la même époque.  

Le sénateur Kenny et les membres du comité répondent que les États-Unis n’ont pas réussi à convaincre l’opinion publique canadienne que l’Irak représentait une menace à ce point imminente qu’il fallait intervenir unilatéralement plutôt qu’au niveau multilatéral sous les auspices des Nations Unies. Le sénateur Kenny souligne que le Canada préfère le multilatéralisme à l’unilatéralisme pour résoudre les crises internationales. Suite au 11 septembre, le Canada a adopté une législation draconienne pour resserrer la procédure d’accueil des immigrants et des réfugiés, il a investi des milliards dans le renforcement de la sécurité aux frontières et a largement augmenté le budget de ses services de renseignement et de son armée. Toutes ces politiques ainsi que la décision récente de déployer des forces de combat en Afghanistan témoignent de l’engagement du Canada dans la guerre contre le terrorisme.  

M. Hornbarger rétorque que, même s’il n’y avait pas eu le 11 septembre, Saddam Hussein et le gouvernement irakien auraient continué à se doter d’armes de destruction massive; cela aurait eu, pour les États-Unis, des conséquences encore beaucoup plus coûteuses que le 11 septembre. Les États-Unis ne sont tout simplement pas prêts à attendre qu’une nouvelle attaque cause 30 000 ou 300 000 victimes.  

Le sénateur Kenny rappelle l’engagement du Canada et son soutien à la guerre contre le terrorisme notamment grâce à la présence continue de navires et d’avions canadiens dans la région du Golfe.  

M. Stephen McHale, sous-secrétaire adjoint de la sécurité des transports, Bureau de la sécurité du territoire 

Dans sa déclaration liminaire, le sénateur Kenny attire l’attention sur les rapports que le comité a produits sur la défense côtière, les ports maritimes et les aéroports ainsi que son intention d’étudier le rôle de la Garde côtière canadienne.  

M. McHale fait remarquer que l’administration de la sécurité des transports est l’élément le plus important du nouveau ministère de la défense du territoire. C’est à la suite du 11 septembre qu’on a eu l’idée de réunir tous les organismes reliés à la sécurité des transports. Le but visé était de mieux leur permettre de prévenir une nouvelle attaque en évitant les erreurs. Le plan national de sécurité des transports à partir duquel ont été établis des plans d’action pour le transport maritime, terrestre, aérien, ferroviaire, routier, etc., repose sur les principes du plan de sécurité du territoire. L’administration de la sécurité des transports devra travailler en collaboration étroite avec les organismes de réglementation pour protéger les réseaux de transport contre les attaques.  

M. McHale déclare au comité que les États-Unis comptent environ 350 ports et que les 50 principaux ports ont des commissions de sécurité. Le Congrès a chargé la Garde côtière américaine d’établir une norme de sécurité pour les ports et les navires. À l’heure actuelle, les ports américains, comme leurs homologues canadiens, sont placés sous l’autorité de diverses administrations dont la police locale, la Garde côtière, l’administration portuaire locale, etc. Les États-Unis investissent 195 millions dans la sécurité portuaire, sur deux ans. Les ports sont indépendants et il n’y a pas de vérification uniforme des antécédents de la main-d’œuvre portuaire à l’échelle du pays. On a donc proposé un système de vérification à deux niveaux comportant à la fois une enquête de sécurité et la vérification du casier judiciaire. Le crime organisé pose un problème, mais une condamnation pour certains actes criminels interdit automatiquement l’accès à certains secteurs du port. Aucun des ports américains n’est clôturé de façon hermétique.  

M. McHale aborde le problème des conteneurs en provenance d’outre-mer. Il explique que les États-Unis ne vident pas systématiquement un pourcentage donné de conteneurs, mais qu’ils font plutôt un « ciblage intelligent ». Les États-Unis ont décidé de poster des agents des douanes américains dans une vingtaine de grands ports internationaux pour mieux savoir ce qui se trouve dans les conteneurs à destination des États-Unis. On cherche également une meilleure façon de suivre la trace des conteneurs grâce à la technologie. Interrogé sur le  ciblage systématique des conteneurs, M. McHale répond que l’industrie s’est vivement opposée à cette solution.  

Les navires de croisière soumettent les passagers et le fret à un contrôle plus strict. En ce qui concerne le fret, on s’efforce par tous les moyens d’éviter les dédoublements. Les bagages sont enregistrés à l’aéroport et transportés à bord du navire par des moyens sécurisés. Les bagages qui doivent être déchargés du navire sont inspectés et envoyés par des moyens sécurisés à l’aéroport.  

La décision d’inspecter la totalité des bagages placés dans la soute des avions transportant des passagers a posé des problèmes, au moins à certains égards. Plusieurs aéroports n’étaient tout simplement pas conçus pour accueillir les machines volumineuses nécessaires et il a fallut installer de l’équipement dans des halls. Le courrier n’est pas examiné, mais ce problème est moins grave du fait qu’une règle interdit aux avions transportant des passagers d’accepter du courrier pesant plus de 16 onces. Le personnel des aéroports doit faire l’objet d’une vérification des antécédents (enquête de sécurité plus casier judiciaire), mais il n’est pas prévu de le soumettre à une fouille à l’entrée ou à la sortie des zones à accès réglementé.  

Makan Delrahim – avocat principal et directeur du personnel, Comité judiciaire du sénat américain  

Le sénateur Kenny, K. McDonald et M. LaRocco rencontrent M. Delrahim.  

Ce dernier déclare que le comité vient de terminer ses audiences sur « la technologie pour la sécurité des frontières » (toutes les frontières et pas seulement celle du Nord) qui se rapportaient aux diverses lois récemment adoptées en matière de sécurité. (Enhanced Border Security Act, Patriot Act, Department of Homeland Security Act, etc.) Il ajoute que les États-Unis cherchent à élaborer une « base de données » détaillée et complète sur toutes les personnes qui entrent dans leur territoire.  

À propos du contrôle des entrées et des sorties et de ses répercussions possibles sur le commerce entre les deux pays, M. Delrahim déclare que la Chambre cherche peut-être à marquer des points politiques plutôt que d’agir de façon souhaitable et logique.  

Il précise que les États-Unis n’envisagent AUCUNE nouvelle loi si ce n’est, peut-être, une mesure relative aux « travailleurs invités » à moins qu’il ne soit absolument nécessaire de résoudre un problème particulier.  

Le Comité judiciaire ne s’intéresse pas particulièrement à la « mise en œuvre d’une loi » à moins qu’un organisme ayant des intérêts particuliers n’exerce des pressions dans ce sens.  

M. Delrahim ne s’attend pas non plus à une nouvelle loi sur les ports avant un certain temps. Il déclare que le Sénat doit réorganiser son système de comités avant de pouvoir continuer à légiférer en matière de sécurité. Le Sénat n’a PAS de comité de la sécurité du territoire comparable au nouveau comité constitué à la Chambre et il doit donc se réorganiser pour constituer un comité ou sous-comité spécialement mandaté. Il y a actuellement trop de comités sénatoriaux qui abordent un aspect limité de la question chacun de leur côté.  

La réunion porte brièvement sur les nouveaux pouvoirs du FBI de placer sur table d’écoute les agents de gouvernements étrangers, y compris les « loups solitaires » qui piratent les réseaux informatiques, définition qui comprend maintenant le personnel militaire participant à des programmes d’échange, etc.

Mercredi 26  mars 2003  

Comité spécial de la Chambre sur le renseignement

Onze membres du Comité spécial de la Chambre sur le renseignement participent à un petit déjeuner de travail avec le comité. Le président, Porter Goss (Républicain – Floride) et Robert Cramer (Démocrate – Alabama) dirigent la discussion pour le comité de la Chambre et c’est le sénateur Kenny qui la dirige pour le comité sénatorial canadien.

Porter Goss fait d’abord remarquer que l’échange de renseignements entre les cinq puissances (Canada, États-Unis, Grande-Bretagne, Australie et Nouvelle-Zélande) est excellent. Néanmoins, pour ce qui est de parvenir à une coopération parfaite entre les services de renseignement américains, ce n’est pas pour demain.

Peter Hoekstra mentionne que le 11 septembre a montré que le FBI avait de sérieux problèmes sur le plan de l’échange de renseignements et de la technologie. Ces attaques ont soulevé la question de savoir si le FBI devait continuer d’assumer la responsabilité de l’application de la loi d’une part et de la sécurité nationale et du renseignement d’autre part. Les États-Unis songent sérieusement à séparer les deux fonctions. Le Congrès et l’administration doivent se demander s’il est possible pour le FBI de passer d’une culture de la répression à une culture fondée sur l’échange de renseignements.

En réponse à une question quant aux moyens de vérifier s’il y a échange de renseignements, Porter Goss précise que le personnel du Comité de la Chambre a des sources au sein des services de renseignement qui lui ont permis de constater un manque de coopération. Cela confirme l’importance pour les comités d’avoir du personnel qui a déjà travaillé pour des services de renseignement et qui a conservé des contacts dans ce milieu.

Le Counter Terrorism Centre était chargé de filtrer les renseignements étrangers et de transmettre les données pertinentes au Ministère de la défense du territoire. On a toutefois constaté que ce centre était moins « solide » qu’on ne le pensait pour ce qui est de la fusion entre l’information et le renseignement.  

La discussion porte alors sur le fait que le Canada n’a pas de service de renseignements extérieurs et doit compter sur ses alliés. Porter Goss mentionne que l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont un meilleur réseau de renseignement en Asie que les États-Unis. Le Canada n’a pas besoin d’agents dans tous les pays, mais il devrait choisir les régions les plus importantes pour ses intérêts. Il demande : « Le Canada veut-il continuer à se fier à ses alliés pour obtenir des renseignements dans des domaines essentiels pour sa sécurité? »  

Le sénateur Kenny fait remarquer que le directeur du SCRS a déclaré à de nombreuses reprises au comité qu’il disposait d’un réseau de renseignement à l’étranger.  

À propos de la sécurité aux frontières, Peter Hoekstra déclare au comité qu’au cours des six derniers mois, la coopération entre les États-Unis et le Canada a permis d’accélérer la circulation des personnes et des marchandises. Le sénateur Kenny souligne l’importance d’améliorer l’infrastructure des deux côtés de la frontière, car son engorgement ralentit NEXUS et le programme EXPRES. Cela soulève la question du Patriot Act et de la nécessité d’enregistrer les sorties aussi bien que les entrées. Le sénateur Kenny mentionne que la solution pourrait consister à exempter les citoyens canadiens de cette exigence et à charger les autorités canadiennes de recueillir les données sur les sorties et de les transmettre aux États-Unis.  

La discussion porte alors sur la nécessité d’améliorer l’infrastructure des deux côtés de la frontière et l’inutilité de dépenser des milliards supplémentaires à mettre en place des installations similaires de part et d’autre au lieu de construire et de se partager un même immeuble. Jane Harmon, la doyenne démocrate, fait valoir que le simple bon sens exige que la frontière intelligente repose sur des installations communes.  

Peter Hoekstra aborde toutefois les conséquences de la décision du Canada de ne pas soutenir publiquement la guerre en Irak. En réponse à une observation selon laquelle les Canadiens ont de la difficulté à relier l’Irak au terrorisme international sur la foi des renseignements rendus publics, il déclare qu’il a constaté chez ses concitoyens du Michigan de l’amertume vis-à-vis du Canada. Il serait donc très difficile de les convaincre que le contrôle de la frontière doit être unifié. Pour le moment, bien des gens préféreront faire cavalier seul, sans le Canada.  

Les membres du comité répondent en soulignant que le Canada préfère le multilatéralisme à l’unilatéralisme pour résoudre les crises internationales. Les États-Unis n’ont pas réussi à convaincre le public canadien que la menace irakienne était immédiate. Depuis le 11 septembre, le Canada a largement participé à la guerre contre le terrorisme. Il a adopté une législation draconienne pour resserrer la sélection des immigrants et des demandeurs d’asile, il a investi des milliards dans le renforcement de la sécurité aux frontières et a largement augmenté le budget de ses services de renseignement et de son armée. Tout récemment, le Canada a annoncé son intention de déployer des troupes de combat en Afghanistan.

 

Kelly Ryan, secrétaire adjointe déléguée, Bureau de la population, des réfugiés et des migrations, Département d’État

Nan Kennelly, agent de politique sur les migrations, Bureau de la population, des réfugiés et des migrations, Département d’État  

Kelly Ryan commence par souligner que le ministère de la Justice du Canada a été le premier à contacter ses homologues américains suite aux événements du 11 septembre. Elle ajoute que l’accord sur le pays tiers sûr a été retardé par la réorganisation du Ministère de la défense du territoire parce que les problèmes de compétence n’ont pas encore été résolus. La rédaction du règlement d’application de l’accord est presque terminée. Quand ce sera chose faite, le public sera invité à dire ce qu’il en pense. Le gouvernement considère que le processus progresse rapidement, mais il faut compter des mois et non pas des semaines.  

Mme Ryan mentionne que certains demandeurs d’asile refoulés à la frontière canadienne seront détenus aux États-Unis. Ils seront traités comme ils le seraient dans n’importe quel port d’entrée, comme s’ils ne se trouvaient pas aux États-Unis. S’ils n’ont pas de document, leur renvoi pourrait être accéléré, mais s’ils demandent asile, ils seront renvoyés vers l’autorité compétente qui examinera leur cas. Le réfugié pourra se reposer 48 heures et contacter le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies avant l’audience. La loi des États-Unis exige que le demandeur d’asile soit détenu jusqu’à ce que la validité de sa revendication du statut de réfugié soit établie. Des exceptions sont toutefois faites à cette règle au cas par cas. Ces personnes seront détenues dans des camps de détention en plein air, des établissements carcéraux et des prisons privées.  

Un membre du comité faisant observer que les Canadiens considèrent les faux réfugiés comme des resquilleurs qui cherchent à passer avant les immigrants, elle répond que cela ne préoccupe pas vraiment le public américain. Par ailleurs, les systèmes canadien et américain sont très similaires si ce n’est que les États-Unis accordent le statut de réfugié avec davantage de circonspection et que le Canada offre davantage de recours avant le renvoi. Les États-Unis ont toutefois appris du Canada qu’il était important de disposer de renseignements à jour pour l’examen des demandes d’asile. Aux États-Unis, il est possible de coordonner le renvoi et la procédure judiciaire si bien qu’une fois sa peine purgée, le détenu est renvoyé vers son pays au lieu d’être libéré et arrêté de nouveau.  

L’arrivée massive de demandeurs d’asile à la frontière canadienne résulte de la peur de mesures sévères contre les personnes qui ont excédé la durée de leur visa et d’une mésinformation au sujet de l’accord sur le pays tiers sûr. Un grand nombre de ces demandeurs d’asile ont de la famille au Canada et auraient donc le droit de présenter une demande au Canada plutôt qu’aux États-Unis. Quoi qu’il en soit, ces personnes ne sont ni des terroristes ni des criminels et ne constituent pas un risque pour la sécurité de l’un ou l’autre des deux pays.  

Mme Ryan a dit que son pays apprécie beaucoup le fait que le Canada établisse des dossiers sur les réfugiés potentiels. Elle estime toutefois que le processus canadien est trop long, parfois aux dépens du demandeur d’asile. Elle donne l’exemple d’un Colombien que les autorités canadiennes considéraient comme un réfugié potentiel et qui a été tué avant que les formalités canadiennes ne soient terminées.  

 

CATO Institute

Gene Healy, rédacteur principal

Daniel T. Griswold, codirecteur, Center for Trade Policy Studies

Patrick Basham, attaché supérieur de recherche, Center for Representative Government  

À propos de l’évolution de la situation, les représentants de CATO déclarent au comité que la suggestion de militariser les frontières des États-Unis avec le Canada et le Mexique en y stationnant en permanence des gardes nationaux, sous prétexte de fermer la porte aux terroristes, n’est qu’une façon détournée de réduire le nombre d’immigrants illégaux.  

Ils considèrent que diverses mesures législatives comme le Patriot Act et le Entry Reform Act resserreront la frontière en obligeant les organismes américains à échanger leurs renseignements, en recueillant davantage de données aux postes frontières, en adoptant une identification biométrique et en utilisant de façon générale les données électroniques plutôt que les documents papier pour le contrôle des voyageurs et des marchandises. Mais il n’en reste pas moins que le commerce qui passe par le pont Ambassador est plus important que l’ensemble des échanges commerciaux entre les États-Unis et le Japon. 

À bien des égards, un périmètre de sécurité commun pour l’Amérique du Nord, un modèle que laissent entrevoir le NORAD et l’Union européenne, semble tout à fait logique. Le sénateur Kenny répond à cela que l’harmonisation va se faire sur de nombreux plans, mais que ce sera étape par étape.  

Les membres du comité discutent des moyens de faire comprendre au public américain que le Canada participe à la guerre contre le terrorisme et qu’il a pris de nombreuses mesures pour resserrer la frontière depuis le 11 septembre. Le Canada dispose d’un avantage du fait que ses services de police et de renseignement sont beaucoup mieux coordonnés que ceux des États-Unis. Les représentants de CATO répondent que les États-Unis ont rendu l’accès à leur pays beaucoup plus difficile pour les jeunes hommes des pays musulmans âgés de 16 à 25 ans, une politique que le Canada ne pourrait pas adopter. On mentionne que, même si le Canada a pris les mesures qui s’imposaient depuis le 11 septembre, il est resté beaucoup trop discret quant à sa contribution à la sécurité des États-Unis. Le sénateur Kenny réplique que, de leur côté, les États-Unis n’ont pas su justifier l’« axe du mal » et la guerre en Irak aux yeux du public canadien.  

En ce qui concerne la politique à l’égard des immigrants et des réfugiés, les représentants de CATO font valoir que le Canada ne devrait pas être considéré comme un pays qui accepte des réfugiés ou des immigrants représentant une menace terroriste pour les États-Unis. Il est beaucoup plus facile de refouler les indésirables que de les retracer et de surveiller leurs activités une fois qu’ils sont à l’intérieur du pays. Ils font toutefois remarquer que 16 des 19 terroristes qui ont participé aux attaques du 11 septembre n’avaient pas de casier judiciaire ni d’antécédent qui les désignait comme des terroristes potentiels. Comment peut-on déceler des intentions haineuses ou mauvaises? Il est donc nécessaire de se fier à d’autres caractéristiques comme le groupe ethnique, la religion, la nationalité, etc.  

Les représentants de CATO font remarquer que la Maison Blanche est généralement mieux disposée que le Congrès envers le Canada et les intérêts canadiens. Les commentaires peu flatteurs au sujet de l’administration ont un effet négatif. Le sénateur Banks répond que les médias américains ont beaucoup insisté sur les épithètes de « moron » et « bastard », mais qu’ils n’ont tenu aucun compte d’un discours important que le Premier ministre Chrétien a prononcé à Chicago.  

 

Caucus congressionnel sur la frontière nord

L’honorable George R. Nethercutt (R-Washington), l’honorable Bart Stupak (D-Michigan), l’honorable Mark Souder (R-Indiana)  

Le comité a eu une réunion beaucoup trop brève avec les membres du caucus congressionnel sur la frontière nord, un groupe d’une cinquantaine de membres de la Chambre des représentants qui s’intéressent à la libre circulation des personnes et des marchandises de part et d’autre de la frontière. George Nethercutt Jr. commence par mentionner que les deux pays ont d’excellentes raisons de développer leurs relations malgré les difficultés actuelles. Il voit deux principales sources de tensions

  • le refus du Canada d’appuyer la guerre en Irak

  • les observations de l’ambassadeur Cellucci au sujet du budget de défense du Canada  

Le sénateur Kenny répond en insistant sur la contribution du Canada dans le Golfe persique et en Afghanistan et les efforts qu’il a déployés pour trouver une solution à la crise irakienne et en mentionnant également l’échange de renseignements et le renforcement de la sécurité dans les ports. Le public canadien n’est tout simplement pas encore prêt à appuyer la guerre : les États-Unis n’ont pas su les convaincre qu’une action unilatérale immédiate était préférable à la poursuite d’une action multilatérale sous les auspices des Nations Unies, la solution que privilégie le Canada.  

Tout le monde est d’accord pour la mise en œuvre de l’Accord sur la frontière intelligente. Un représentant américain fait remarquer que le côté canadien est beaucoup plus avancé sur le plan de l’informatisation et que l’effectif américain vient seulement d’être porté de 350 agents à 750 alors que 9 000 agents surveillent la frontière sud.  

Les représentants des États-Unis s’inquiètent vivement de certaines activités canadiennes, surtout du film récemment diffusé par les médias canadiens montrant des soldats américains capturés ou exécutés pendant la guerre contre l’Irak (ils reconnaissent que certains médias américains ont montré le même film) et les propos déplacés qui ont été tenus par des personnalités politiques éminentes. Ils sont convaincus que les dirigeants doivent rapidement se dissocier de tels propos. La délégation canadienne répond que les auteurs de ces commentaires ont démissionné ou ont été marginalisés au sein du parti libéral.  

Vers la fin de la réunion, un représentant parle ouvertement de l’opposition à la guerre en Irak. Selon lui, cette opposition est beaucoup plus explosive qu’elle ne l’était dans le cas du Vietnam parce que les États-Unis se sentent directement menacés par le terrorisme. Il craint surtout que cela n’entraîne un sentiment anti-canadien comparable au sentiment anti-français.  

En raison du ressentiment actuel contre la France, le Canada est encore peu visé. TOUTEFOIS si le Canada continue à agacer les États-Unis (par exemple si nos politiciens tiennent d’autres propos anti-américains), le sentiment anti-canadien pourrait s’amplifier. On continue à s’en prendre au Canada dans certaines émissions de la télévision américaine. (Par exemple, le dimanche 30 mars 2003, le magazine de nouvelles Dateline, de la chaîne NBC, a commencé son reportage sur la porosité de la frontière Canada-États-Unis en déclarant que « deux jours après le 11 septembre, on apprenait que deux des terroristes étaient entrés aux États-Unis en profitant du manque de contrôle à la frontière canadienne).  

La discussion se termine sur les « bonnes nouvelles », le comité américain s’engageant à visiter le Canada pour poursuivre les « discussions bilatérales » dans un proche avenir.  

 

Jeudi 27 mars 2003  

Comité judiciaire de la Chambre

James Sensenbrenner Jr. (R-Wisconsin) président

Howard Coble, président, Sous-comité du crime, du terrorisme et de la sécurité du territoire (R-Caroline du Nord)

John N. Hostettler, président, Sous-comité du crime, du terrorisme et de la sécurité du territoire (R-Indiana)

Sheila Jackson Lee (D-Texas), doyenne, Sous-comité de l’immigration, de la sécurité des frontières et du crime

Le comité a eu une réunion très fructueuse avec trois des membres du Comité judiciaire. Le président Sensenbrenner entame la discussion en disant que l’accord sur les pays tiers sûrs une fois mis en œuvre supprimerait un irritant important et qu’il ne voit « pas d’objection » à exempter les citoyens canadiens et américains des dispositions du Patriot Act concernant l’entrée et la sortie. Il ajoute que le Canada a entièrement coopéré aux efforts visant à sécuriser davantage le passage des voyageurs et des marchandises par les ports et les aéroports du Canada, une coopération qui peut servir d’exemple au reste du monde. En réponse à une question, il a ajouté qu’il n’avait entendu aucune critique au sujet de la protection des agents américains qui travaillent sans arme dans les ports et aéroports canadiens.  

La coopération étroite du Canada et des États-Unis pour le prédédouanement des passagers et des marchandises dans les ports et aéroports des deux pays peuvent, selon lui, servir d’exemple au monde entier. La sécurité portuaire demeure une menace importante, mais la sécurité dans les aéroports a été améliorée depuis le 11 septembre. Le sénateur Kenny fait valoir les principaux points du dernier rapport du comité, mais surtout, les recommandations voulant que le personnel à terre soit soumis aux mêmes contrôles que les passagers et l’équipage et que le cockpit soit protégé par des doubles portes, ce qui réduirait la nécessité d’avoir des policiers à bord.  

M. Sensenbrenner réplique que les États-Unis n’ont pas l’intention, dans l’immédiat, de soumettre le personnel à terre à ces contrôles ou à doubler la porte du cockpit. Quand il est nécessaire d’ouvrir la porte du cockpit l’équipage de cabine bloque le couloir avec un chariot. La fédéralisation a beaucoup amélioré le contrôle dans les aéroports des États-Unis. On a beaucoup plus confiance dans le professionnalisme et les antécédents des agents de sûreté. Auparavant, près de 60 p. 100 d’entre eux étaient des étrangers sans document.  

Selon M. Sensenbrenner, les États-Unis sont en train d’améliorer leurs bases de données et de les relier entre elles. Il s’est rendu personnellement outremer pour vérifier les bases de données des bureaux des douanes américaines. Une quantité beaucoup plus importante de renseignements apparaît maintenant sur les écrans des ordinateurs dans les ports d’entrée des États-Unis. Il faudra se servir de la technologie pour enregistrer les entrées et les sorties. La plupart des 30 millions d’illégaux ont simplement prolongé indûment leur séjour. Il se dit pour une coordination avec le Canada pour le contrôle des non-Canadiens qui traversent la frontière.  

M. Sensenbrenner croit que les cartes d’identité doivent être biométriques. Il a été très impressionné par la nouvelle carte de résident permanent du Canada qui présente des caractéristiques la protégeant des contrefaçons, mais il croit que les documents de voyage devraient intégrer deux identifications biométriques, par exemple l’empreinte digitale et l’empreinte rétinienne et qu’il faudra adopter une norme internationale commune.  

Il fait remarquer, en passant, que les États-Unis emploient une méthode qui a pour effet d’alerter les autres pays lorsqu’ils refusent d’accorder un visa. Lorsqu’une personne demande un visa, la mention « Visa demandé » est estampillée sur son passeport. Si le visa lui est accordé, il est appliqué sur ce timbre si bien que si la mention demeure visible, cela veut dire que le visa a été refusé.  

Le comité a une discussion très intéressante avec Sheila Jackson Lee au sujet de la façon dont les États-Unis traitent les Canadiens d’origine arabe, des voyageurs du Commonwealth et du respect des libertés civiles. Mme Jakson Lee souhaite que les Canadiens d’origine non européenne soient mieux traités à la frontière et ailleurs. La prise des empreintes digitales vise seulement les immigrants reçus et les résidents permanents et non pas les citoyens du Canada. Elle désire savoir si en pratique, les États-Unis respectent cette restriction aux postes frontière.  

Le sénateur Kenny mentionne que le 11 septembre a eu d’énormes répercussions sur les libertés civiles au Canada, mais que les efforts visant à soumettre à une clause d’abrogation les lois les plus rigoureuses ont échoué. La façon dont certains Canadiens sont traités à la frontière pose un sérieux problème. Un parlementaire canadien d’origine arabe se plaint régulièrement de la façon dont il est traité à la frontière malgré son passeport spécial.  

Comme avec les autres groupes, la réunion se termine sur un engagement à renouveler prochainement ces rencontres.  

 

L’honorable Paul McHale Jr., secrétaire adjoint de la défense du territoire, Ministère de la défense

Peter F. Verga, secrétaire adjoint délégué principal de la défense du territoire 

M. McHale commence par dire que des terroristes et même des individus sont désormais en mesure de détruire un pays.

Il décrit les relations entre le Ministère de la défense et le Ministère de la défense du territoire en retraçant la chaîne de commandement de l’administration locale jusqu’au niveau fédéral. Lorsque survient une crise, le gouvernement fédéral intervient au niveau de l’État avec la participation du bureau local de la Federal Emergency Management Agency. Son chef évalue la situation et, si nécessaire, il contacte l’armée par l’intermédiaire de l’officier de coordination de la défense.  

Un processus parallèle peut être entamé si le gouverneur de l’État estime que l’urgence est trop grave pour que la garde nationale suffise à la tâche. Le titre 32 prévoit que la garde nationale peut rester sous le contrôle de l’État pendant que le gouvernement fédéral paie ses dépenses, mais l’armée fédérale représente « le dernier recours ».  

Malgré la chaîne de commandement, les commandants locaux peuvent répondre à une urgence pour sauver des vies, etc. 

En réponse à une question, M. McHale précise qu’en cas d’incident à la frontière ou impliquant les deux pays, les dirigeants politiques doivent se consulter pour coordonner leur intervention. Il y a eu des pourparlers à ce sujet, mais aucun protocole d’entente n’a encore été conclu pour faire face à des situations de ce genre.  

En ce qui concerne la défense antimissile, M. McHale dit au comité que les États-Unis prendront toutes les mesures nécessaires pour se protéger contre une attaque. Les États-Unis sont prêts à discuter avec le Canada d’un système partagé, mais ce n’est pas indispensable. M. McHale déclare que les relations entre le Commandement du Nord et la défense antimissile n’ont pas encore été entièrement définies bien que ce dernier élément ait été affecté au commandement stratégique. En fin de compte, la défense antimissile devra comporter à la fois des éléments locaux et stratégiques.  

Le Commandement du Nord insiste surtout sur la défense maritime et terrestre, mais il dispose de peu de ressources militaires. M. McHale croit possible de conclure une association maritime avec le Canada sur le modèle du NORAD. Mais il faut établir une défense maritime intégrée la plus étendue et la plus loin des côtes possibles. Il faut également renforcer les moyens de renseignements et d’analyse et se doter d’une meilleure technologie. Enfin, les diverses ressources permettant d’assurer la défense côtière doivent être mieux intégrées.

 

L’honorable Michael P. Jackson, secrétaire adjoint des Transports

Jeffrey N. Shane, secrétaire adjoint délégué

David G. DeCarme, chef, Division de la facilitation, des transports de surface et maritime  

M. Jackson félicite le Canada de l’appui qu’il a accordé aux États-Unis le 11 septembre 2001 et depuis cette tragédie. Il déclare que le Canada et les États-Unis sont des voisins très proches et que les deux pays devraient pouvoir résoudre tous leurs problèmes en tant que membres d’une même famille. Il cite en exemple la question des explosifs et matières dangereuses transportées du Canada aux États-Unis qui a été rapidement réglée.  

M. Jackson aborde certaines des difficultés que les États-Unis ont éprouvées à inspecter tous les bagages enregistrés à la recherche d’explosifs. Les États-Unis ont dépensé plusieurs milliards de dollars pour équiper leurs aéroports. Certains d’entre eux exigent d’importantes transformations pour recevoir les nouvelles machines. M. Jackson déclare au comité que le nouvel équipement devrait être utilisable pendant environ trois ans. Il y a toujours un certain rapport entre le volume d’explosifs qui peut être détecté et le taux de faux résultats positifs. Si l’appareil est réglé pour détecter de très faibles quantités, il y a davantage de faux résultats positifs, mais cela vaut mieux que l’inverse. On se sert de systèmes de détection des traces d’explosifs pour vérifier les résultats.  

Des tests continus ont mis en lumière les défaillances humaines et surtout la nécessité de garder en alerte les agents qui manipulent les dispositifs d’inspection. Le problème n’est seulement réglé qu’en partie lorsqu’on les transfère d’un type de machine à un autre.  

En ce qui concerne le transport maritime, M. Jackson reconnaît que son pays n’a pas actuellement pour objectif d’inspecter un certain pourcentage de conteneurs. Il déclare que les États-Unis cherchent un moyen d’obtenir des renseignements sur le contenu des conteneurs maritimes. Certaines mesures ont été prises pour améliorer la sécurité lors du chargement et de la manutention des conteneurs, mais la sécurité portuaire demeure médiocre. Une somme de 100 millions de dollars a été consacrée à Operation Safe Commerce et 100 millions supplémentaires à la sécurité portuaire.  

Plusieurs mesures devront être prises pour accroître la sécurité dans les ports. Il s’agit notamment d’installer de meilleures clôtures, de développer des services de renseignement intégrés pour obtenir de l’information sur la cargaison et l’expéditeur, d’établir le profil des passagers pour identifier les risques élevés, d’adopter une carte d’identité pour les travailleurs des transports qui sera délivrée après contrôle des antécédents et du casier judiciaire et qui intégrera une identification biométrique et d’établir une banque de données centralisée pour empêcher les employés peu fiables d’aller simplement travailler ailleurs.

Les États-Unis ont mis au point un système informatisé pour établir le profil des passagers. Ce système est encore assez grossier, mais on est en train de l’améliorer. Un code tricolore, rouge, jaune et vert s’appliquera à tous les passagers. Les passagers qui recevront le code rouge seront dans la même situation que ceux à qui on interdit de monter à bord d’un avion et ils ne pourront pas entrer aux États-Unis.


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