Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 24 - Témoignages
OTTAWA, le jeudi 30 juin 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-23, Loi constituant le ministère des Ressources et du Développement des compétences et modifiant et abrogeant certaines lois; et le projet de loi C-22, Loi constituant le ministère du Développement social et modifiant et abrogeant certaines lois, se réunit aujourd'hui à 10 h 45 pour étudier les projets de loi.
Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, aujourd'hui nous étudions le projet de loi C-23 et le projet de loi C-22, les deux projets de loi qui scindent l'ancien ministère du Développement des ressources humaines du Canada.
Le premier projet de loi que nous allons étudier aujourd'hui est le projet de loi C-23, Loi constituant le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, et, pour reprendre le jargon juridique, modifiant et abrogeant certaines lois.
Nous accueillons tout d'abord la ministre, l'honorable ministre Stronach, Mme René de Cotret et Mme Glover. Je tiens à vous remercier de comparaître devant nous aujourd'hui. Je crois que c'est la première fois que vous avez l'occasion de comparaître devant un comité sénatorial. Nous sommes ravis d'avoir l'occasion de vous baptiser par le feu.
Je sais que vous avez une déclaration liminaire. Si vous voulez bien nous la lire après quoi nous passerons aux questions de mes collègues, en commençant par le sénateur Carstairs, qui sera suivie du sénateur Keon.
L'honorable Belinda Stronach, ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences : Honorables sénateurs, je tiens à remercier chacun d'entre vous de m'avoir conviée à votre réunion au cours de laquelle vous entreprendrez l'étude du projet de loi C-23 visant à établir le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Avant de commencer, je vous présente Mme Glover et Mme René de Cotret.
Je suis favorable à votre examen de cette loi importante au moment où nous nous efforçons d'aider les Canadiens et les Canadiennes à acquérir les compétences nécessaires à une intégration à part entière sur le marché du travail actuel. En présentant ce projet de loi, le premier ministre vise à renforcer les assises sociales du Canada et à bâtir une économie du XXIe siècle.
Le ministère est bien établi partout au Canada, et à l'aide de ses programmes et services, il influe sur la vie de millions de Canadiens et Canadiennes tous les ans. De fait, RHDCC reflète le visage humain du gouvernement du Canada dans beaucoup de collectivités partout au pays.
Le projet de loi sur lequel vous vous penchez aujourd'hui met en place le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences, définit mon mandat à titre de ministre et celui du ministre du Travail, et maintient la Commission de l'assurance-emploi du Canada. Il traduit également le lien constant qui lie RHDCC et son ministère parallèle, Développement social Canada.
Permettez-moi de prendre quelques minutes afin de vous donner un aperçu de certains points saillants du projet de loi C-23, lequel donne vie au ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences sur le plan juridique.
En ce qui concerne l'ampleur du mandat, la partie I du projet de loi énonce mes attributions ainsi que l'ampleur du mandat à titre de ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences. Ces responsabilités s'étendent à tous les domaines de compétences du Parlement liés aux ressources humaines et au développement des compétences au Canada qui ne relèvent pas d'un autre ministre. Le texte législatif poursuit en me faisant obligation d'exercer ces attributions en vue de rehausser le niveau et la qualité de vie de tous les Canadiens et Canadiennes en faisant la promotion du développement d'une main-d'œuvre hautement qualifiée et mobile, ainsi qu'un marché du travail efficient et favorable à l'intégration. Ce sont là les visées et la mission de ce nouveau ministère, ministère que je suis fière de diriger. Notre objectif quotidien consiste à nous acquitter de ce mandat.
Au-delà de ce mandat, le projet de loi donne au ministre le pouvoir formel d'établir et de réaliser des programmes qui contribuent au développement des ressources humaines au Canada et au développement des compétences des Canadiens et des Canadiennes.
Les grands secteurs d'activités au sein desquels RHDCC remplit son mandat : assurance-emploi, programmes d'emploi, compétences en milieu de travail et apprentissage, dont le Programme canadien de prêts aux étudiants et la Subvention canadienne d'épargne-études. Nous sommes ainsi en mesure de réaliser la vision de RHDCC qui consiste à offrir aux gens des occasions d'apprendre et de contribuer à la réussite du Canada en participant pleinement à un marché du travail fonctionnel et efficace.
Les fonctionnaires du ministère s'occupent également des programmes en matière de travail et visant les sans-abri, programmes qui relèvent du ministre du Travail, l'honorable Joe Fontana, dont le mandat consiste à promouvoir l'équité, la sécurité, la santé, la stabilité, la coopération et la productivité en milieu de travail.
Le fonctionnement du programme de travail est régi par d'autres lois, dont le Code canadien du travail. En fin de compte, RHDCC distribue aux Canadiens et Canadiennes plus de 20 milliards de dollars en prestations et en mesures de soutien. Environ 17 milliards sont versés directement sous forme d'assurance-emploi, de prêts aux étudiants ou de paiements de transfert prévus par la loi. Ces programmes et ces services sont assurés par téléphone, sur Internet et en personne grâce à un réseau de 320 bureaux d'un océan à l'autre.
Dans ce projet de loi, on reconnaît que, depuis la création des deux ministères, RHDCC et Développement social Canada bénéficient d'un réseau intégré de prestation de services et se fournissent mutuellement des services. Les deux ministères travaillent avec diligence à offrir, sans interruption, des services à la population canadienne partout au pays.
La première partie du projet de loi comprend un autre élément important : la question des domaines de compétence. Je rappelle que les attributions du ministre s'étendent à tous les domaines de compétence du Parlement liés aux ressources humaines et au développement des compétences au Canada. Pourtant, à l'instar de l'ancien ministère du Développement des ressources humaines, le projet de loi autorise le ministre à collaborer avec les autorités provinciales en vue de coordonner les efforts visant les ressources humaines et le développement des compétences. Ce pouvoir est très important à mes yeux et j'ai l'intention de continuer de travailler en collaboration avec mes homologues provinciaux.
Cette culture du partenariat est l'élément moteur de nos politiques et programmes et une telle culture sera maintenue dans le nouveau ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences.
Étant donné l'importance du régime d'assurance-emploi une population canadienne et la fonction de la Commission de l'assurance-emploi du Canada, le projet de loi stipule que la Commission est maintenue et garde ses attributions. Vous savez sans doute que la composition et le fonctionnement de la commission sont définis dans ce projet de loi, mais que tout ce qui concerne en particulier le régime d'assurance-emploi est régi par la Loi sur l'assurance-emploi.
J'aborderai maintenant la question du respect de la vie privée. Tous les Canadiens et toutes les Canadiennes veulent être sûrs que leurs renseignements personnels sont protégés et que leur vie privée est respectée. La quatrième partie du projet de loi met en place un nouveau code de protection des renseignements personnels, lequel assure une meilleure protection du fait de son caractère unique pour tout ce qui concerne la protection et la communication de renseignements personnels. Ce code unique assurera une plus grande cohérence dans la gestion des renseignements personnels, une plus grande transparence auprès des Canadiens et des Canadiennes, des dispositions claires et distinctes pour l'utilisation des données aux fins de la recherche et une disposition d'infraction en cas de communication de renseignements personnels en connaissance de cause qui contrevient au code.
Pour le moment, cinq lois et règlements régissent la communication de renseignements personnels par le personnel du ministère : la Loi sur l'assurance-emploi, le Règlement fédéral sur l'aide financière aux étudiants, la Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines et ses modalités reprises dans le projet de loi sur l'épargne- études, le Code canadien du travail et la Loi sur la protection des renseignements personnels.
La réunion en un seul code des diverses réglementations en vigueur en matière de communication de renseignements personnels assurera aux Canadiens et Canadiennes une meilleure transparence et facilitera les questions liées à la communication de renseignements personnels tant pour les fonctionnaires du ministère que pour la population.
Un autre élément particulier est l'article qui traite de l'utilisation et de la protection de renseignements personnels à des fins de recherche. Cet article tient compte de l'importance de l'évaluation et de la recherche dans la prestation des programmes. Cette façon de traiter les renseignements personnels, conjuguée aux strictes pratiques administratives en vigueur dans le domaine de la gestion des renseignements personnels aux fins de la recherche, aidera à accroître la transparence des pratiques liées à la recherche.
Lorsque nous avons consulté la commissaire à la protection de la vie privée, nous avons été heureux d'apprendre que le code proposé est plus avancé et meilleur que le régime en place. Ainsi, elle a déclaré publiquement que les modalités du projet de loi C-23 visant la protection de la vie privée sont conformes à la Loi sur la protection des renseignements personnels et, à plus d'un égard, forment une norme plus astreignante que celle définie dans la Loi sur la protection des renseignements personnels.
En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi assure un cadre solide aux activités du gouvernement du Canada qui veut continuer de former la main d'œuvre la plus compétente au monde. Nous avons la ferme volonté d'aider les Canadiens et les Canadiennes, y compris les moins nantis, à accéder à l'économie du savoir.
Grâce à son réseau établi au pays, le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences remplit un rôle clé dans la solidification des assises sociales au Canada au XXIe siècle. Une fois adopté par le Parlement, le projet de loi remplira ce rôle.
C'est avec plaisir que j'accepte vos questions. Les fonctionnaires du ministère sont également disponibles pour y répondre.
Le sénateur Stratton : J'irai droit au but. Dernièrement, certains articles dans les journaux ont indiqué que vous devez vous abstenir d'assister aux réunions du Cabinet à cause d'un conflit d'intérêts possible, parce que le ministère des Ressources humaines verse régulièrement des sommes d'argent importantes aux filiales de Magna, pour le développement des compétences en particulier. Étant donné que cela représente une fonction importante de votre ministère, comment gérez-vous ce problème? Je ne parle pas uniquement des réunions du cabinet, mais comment ferez- vous face à cette situation en ce qui concerne le ministère?
Mme Stronach : Je suis heureuse d'avoir l'occasion d'aborder cette question. Tout d'abord, je tiens à signaler que depuis le 20 janvier 2004, c'est-à-dire il y a un an et demi, j'ai démissionné de mes fonctions à Magna, même si techniquement, je n'étais pas obligée de le faire à l'époque; mais j'étais très consciente d'exercer une charge publique et je tenais à éviter toute perception de conflit d'intérêts. Par conséquent, c'est également une question à laquelle je suis très sensible.
J'ai rencontré le commissaire à l'éthique en compagnie de mes avocats. Nous sommes en train de procéder à une divulgation complète et avons l'intention de nous conformer pleinement aux recommandations que fera le commissaire à l'éthique. Je suis heureuse de le faire et tout à fait disposée à le faire.
Il existe un processus rigoureux de récusation et nous nous y conformons. Pour l'instant, s'il existe des domaines où il pourrait même exister une possibilité de conflit — et pas forcément de conflit même, nous en faisons une étude très attentive afin d'éviter toute situation de ce genre.
Le sénateur Straton : Je comprends les règles concernant les cabinets et les fiducies sans droit de regard. Nous avons eu ce genre d'expérience avec le premier ministre. Cette question a été abordée par les médias à plusieurs reprises. Cependant, vous êtes dans un ministère qui s'occupe de questions assez délicates de développement des ressources humaines, et même s'il est vrai que le cabinet possède des règles rigoureuses, ce qui nous préoccupe, et ce qui devrait vraiment vous préoccuper, c'est qu'en travaillant au sein de ce ministère, vous vous occuperez d'initiatives prises par ce ministère qui sont assez sensibles, en ce qui concerne les filiales de Magna.
Mme Stronach : Le processus de récusation porte également sur les questions qui intéressent le ministère. Il ne se rapporte pas uniquement au cabinet. Il se rapporte à toutes les questions dont je m'occupe et à toutes les fonctions que j'exerce. Il existe un processus parallèle établi pour le ministère afin de s'assurer que je ne m'occupe d'aucune façon des questions qui pourraient s'y rattacher.
Je suis assujettie aux mêmes critères qui sont imposés au premier ministre, c'est-à-dire à une surveillance étroite.
Le sénateur Straton : C'est malheureux.
Ce qui me préoccupe, c'est que vous ferez toutes ces démarches, mais le simple fait que des questions soient soulevées influent sur la perception à votre égard; qu'elles soient fondées ou non, cela influe sur la perception à votre égard. Cela a des répercussions sur vous, sur votre rôle et sur votre ministère. On aurait pu croire que le premier ministre aurait envisagé de vous confier un autre portefeuille qui ne traitait pas de questions aussi sensibles concernant Magna. Avez-vous discuté de votre portefeuille avec le premier ministre, d'un portefeuille moins sensible à de telles questions?
Mme Stronach : La perception est un problème qui me préoccupe moins, ce qui me préoccupe, c'est que nous agissions dans les règles et qu'il existe un processus rigoureux pour le faire. Comme je l'ai dit, je me ferai un plaisir de me conformer entièrement aux conseils que me donnera le commissaire à l'éthique. Il a pleinement accès à toute l'information et est en train de l'évaluer afin de formuler des recommandations. Nous devons attendre de prendre connaissance de ces recommandations. Le processus est en cours.
Le sénateur Stratton : Je comprends ce que vous dites. Je considère simplement que la perception n'est pas bonne. Je suis sûr que tout se fait dans les règles, mais je crois que la perception qui se rattache aux fonctions que vous exercez nuira à l'ensemble des politiciens.
Le sénateur Carstairs : Bienvenue, madame la ministre. Contrairement au collègue à ma droite, je suis ravie que vous occupiez ce poste en raison de l'expérience que vous apporterez au domaine du développement des compétences dont vous êtes responsable. Je suis particulièrement satisfaite de ce projet de loi parce que l'ancien portefeuille était extrêmement vaste. Cela permettra au ministère de se concentrer sur les questions concernant les milieux de travail, les compétences et l'apprentissage, qui ont été relativement négligées.
Ma question concerne les travailleurs qui arrivent dans notre pays avec de nombreuses compétences sans posséder toutefois de bonnes aptitudes dans l'une ou l'autre de nos langues officielles. Le ministère de l'Immigration consacre beaucoup d'argent pour former de tels travailleurs. Malheureusement, sous l'ancienne administration, ce financement a été nettement réduit et n'a jamais été rétabli.
Que pourrait faire votre ministère pour améliorer une aptitude que je considère essentielle pour tout bon travailleur, c'est-à-dire la capacité de travailler dans l'une des langues officielles du Canada?
Mme Stronach : Je conviens qu'il s'agit d'une aptitude importante, tout comme un certain nombre d'autres aptitudes, y compris l'alphabétisation, aspect sur lequel le ministère a mis l'accent. Nous voulons établir un processus plus solide, de concert avec les provinces et les territoires afin de nous assurer que les titres de compétence acquis à l'étranger peuvent être utilisés ici au Canada de façon à ce que les immigrants qualifiés puissent obtenir de bons emplois, devenir des membres productifs de la société et avoir une vie meilleure. Nous devons reconnaître les compétences de ces personnes et déterminer les lacunes que nous devons combler pour leur permettre d'obtenir de meilleurs emplois.
Mme Barbara Glover, directrice générale, Planification et responsabilité ministérielles, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Citoyenneté et Immigration Canada a obtenu une augmentation de son budget au chapitre des langues officielles; il consacre cet argent à ce domaine important afin de s'assurer que les immigrants au Canada comprennent bien l'anglais ou le français.
Mme Stronach : Service Canada relève de la responsabilité de RHDCC. Service Canada met l'accent sur les citoyens et vise à offrir aux Canadiens un service plus intégré et plus efficace.
Nous avons pris le relais du portail « Se rendre au Canada » sur le site Web du ministère; ce portail fournira désormais plus de renseignements aux personnes qui se rendent au Canada afin qu'elles soient mieux en mesure d'évaluer les débouchés qui existent ici et les compétences dont elles auront besoin lorsqu'elles arrivent au pays. Autrement dit, elles seront beaucoup plus au courant de ce qui les attend.
Service Canada est un processus en évolution. À l'heure actuelle, nous avons environ 320 sites Web et nous espérons avoir 600 points de service d'un bout à l'autre du pays d'ici la fin de l'année. Un certain nombre de sites types dont les activités débuteront plus tard cet été visent à faire du bon travail en matière de langues officielles, mais d'autres s'occuperont d'autres langues pour répondre aux besoins des collectivités en question. Nous sommes en train de mettre à l'essai et d'élargir les services pour déterminer comment ils fonctionnent pour ces collectivités. Nous tenons à être sensibles aux besoins de ces collectivités et à nous assurer que nous pouvons communiquer avec elles.
Le sénateur Carstairs : Ma deuxième question n'étonnera pas vos collaboratrices. En janvier 2004, on a établi le programme de congé de compassion dans le cadre du programme d'assurance-emploi. Même si nous avions prévu que jusqu'à 250 000 Canadiens pourraient s'en prévaloir, je crois comprendre que moins de 7 500 Canadiens ont demandé ce congé la première année où il est entré en vigueur.
Je crois comprendre que vous avez commencé à examiner la situation, qu'un rapport préliminaire a été reçu et qu'un rapport final sera prêt cet automne. Des mesures seront-elles prises pour élargir la définition d'admissibilité dans le cadre du programme de congé de compassion?
Mme Stronach : Comme vous l'avez dit, d'après les premières indications, le taux d'adhésion à ce programme n'est pas aussi élevé que celui que nous avions prévu. Nous sommes en train d'envisager d'élargir la définition, peut-être même avant la parution du rapport final, afin qu'un plus grand nombre de personnes puissent avoir accès au programme.
Le sénateur Keon : J'ai trouvé votre réponse au sénateur Carstairs intéressante. À Toronto, il existe une collectivité chinoise de 500 000 personnes, ce qui est supérieur à la population d'un grand nombre de villes canadiennes. Des représentants de cette collectivité ont indiqué à notre Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie qu'ils sont frustrés de ne pas pouvoir fonctionner dans leur propre langue. Il serait extrêmement complexe de répondre aux besoins des collectivités d'expression chinoise dans le cadre de votre initiative, étant donné qu'à l'ère de la technologie de l'information dans laquelle nous nous trouvons, il est déjà difficile de fonctionner en anglais et en français, encore moins en chinois.
A-t-on réfléchi à cette question avant de déclarer que nous répondrons à leurs besoins? J'ignore si cela est possible.
Mme Stronach : Oui, nous y avons réfléchi. Nous devons tout d'abord nous assurer de faire du bon travail dans nos deux langues officielles. Il faudra trois ans pour que les services de Service Canada soient pleinement opérationnels.
Cela dit, nous sommes en train de mettre à l'essai un programme dans diverses collectivités où, par exemple, 80 p. 100 de la collectivité parle chinois, et dans le cadre de ce programme nous fournissons certaines des caractéristiques essentielles de ce que nous tâchons de communiquer dans cette langue. Au bout du compte, cela permettra aux citoyens de mieux comprendre ce que nous tâchons de réaliser et d'avoir plus facilement accès au programme.
Nous tâchons d'adopter une approche plus axée sur le client par le biais de Service Canada. Essentiellement, Service Canada prend un certain nombre de ministères, assume les applications du soutien et rationalise certaines activités pour rendre les choses plus efficaces. Il s'agit d'un service à guichet unique à l'intention des Canadiens. Comme nous travaillerons en collaboration avec les provinces et les territoires, il sera possible un jour de s'adresser aux bureaux de Service Canada pour obtenir un permis pour votre chien, votre permis de conduire ou votre passeport. C'est ce que nous visons.
S'il existe une langue dominante dans une collectivité particulière, étant donné qu'il s'agit d'un service axé sur le client, c'est un service que nous envisagerons. Cela variera d'une collectivité à l'autre. Jusqu'à présent, la réaction a été bonne. Cela prendra un certain temps et il faudra procéder par étapes pour mener à bien cette initiative.
Le sénateur Keon : La principale question que j'ai à vous poser est banale; je suis sûr qu'elle a été posée à plusieurs reprises chaque fois qu'on restructure la fonction publique. Cependant, elle est extrêmement pertinente. Aujourd'hui, nous avons deux projets de loi devant nous : l'un qui traite de votre ministère et l'autre qui traite du ministère du ministre Dryden. Cependant, comme j'ai passé pratiquement toute ma vie à Ottawa, sauf pendant dix ans, au tout début, j'ai de nombreux amis dans la fonction publique. Chaque fois qu'il y a restructuration, il y a augmentation de l'effectif. Pouvez-vous m'indiquer au juste comment se déroulera ce processus? Dans quelle mesure va-t-on redéployer les ressources humaines existantes une fois que le ministère sera scindé en deux? Quel sera le nombre de ressources supplémentaires que l'on engagera? Dans quelle mesure vos ressources financières et humaines augmenteront-elles lorsque ces deux ministères assumeront leurs fonctions distinctes?
Mme Stronach : C'est une très bonne question. Laissez-moi vous parler de l'intention visée. Ce que nous voulons, c'est de mettre davantage l'accent sur les besoins puis d'établir le cadre qui nous permettra d'y arriver.
Lorsque l'on considère la rapidité avec laquelle le monde évolue, on peut constater que nous avons d'importantes responsabilités, par exemple, pour ce qui est d'aider les gens à obtenir un travail de meilleure qualité, d'acquérir les compétences nécessaires pour le faire, nous assurer que nous restons tournés vers l'avenir afin que les particuliers ou les entreprises disposent de la main-d'œuvre dont ils ont besoin. Ce sont d'importantes responsabilités. Lorsque des entreprises ou des investisseurs viennent dans ce pays, il est important que nous ayons un réservoir de main-d'œuvre prêt à relever le défi de cette économie concurrentielle, qui évolue rapidement.
Par la suite, nous mettrons beaucoup plus l'accent sur la formation, surtout la formation pour l'acquisition de compétences en milieu de travail, et sur la collaboration avec les provinces et les syndicats pour nous assurer que les mesures que nous prenons donnent des résultats tangibles et sont efficaces.
L'assurance-emploi fournit un revenu d'appoint temporaire, mais il y a aussi la partie II de l'assurance-emploi : des mesures acquises constituant plutôt une intervention à court terme, et l'étape suivante, où on se penche sur la façon dont nous pouvons investir dans le capital humain. Comment pouvons-nous faire fructifier le capital humain de façon à permettre aux gens de relever les défis de l'économie au XXIe siècle? Pour que le Canada soit concurrentiel et conserve un niveau de vie élevé, il nous faut veiller à avoir des citoyens et des citoyennes ayant acquis un niveau d'instruction et de capacité qui leur permet d'occuper des emplois complexes à valeur ajoutée, ceux qui mènent à des salaires élevés et, par conséquent, à une meilleure qualité de vie. Telle est notre optique.
En ce qui concerne la répartition des ressources, Mme Glover pourrait peut-être y répondre.
Mme Glover : Il y a trois raisons pour lesquelles, à mon avis, les ministères ne devraient pas grossir après leur scission. Tout d'abord, ni un ministère ni l'autre n'a bénéficié d'un octroi de fonds supplémentaire à la suite de la scission. Nos instructions étaient d'absorber le coût de la scission en restant dans la limite de nos services votés. Or, sans fonds supplémentaires, il est difficile de grossir.
La deuxième raison est d'ordre pratique : les ressources humaines, les finances, l'administration, les systèmes et les services ministériels ayant trait au développement social sont tous dans un ministère, si bien que celui des Ressources humaines et du Développement des compétences n'a pas à recréer un service des systèmes, un service des finances ou un service des ressources humaines. Cela s'est fait délibérément, précisément pour éviter le problème que vous mentionnez.
Madame la ministre a parlé plus tôt d'un réseau qui serait intégré sans faille, si bien qu'il n'y aurait pas création de nouveaux réseaux de prestations. Le réseau de prestations demeure un système intégré, ceci constituant la troisième raison.
Le sénateur Keon : Quand on se penche sur le contenu des projets de loi C-22 et C-23, on constate qu'il y a un nombre colossal de nouvelles initiatives. Avez-vous le personnel voulu pour ces nouvelles initiatives ou devrez-vous en faire venir? Allez-vous devoir rééduquer ou redéployer les membres du personnel? De quelle façon avez-vous l'intention de vous y prendre?
Mme Michèle René de Cotret, avocate-conseil, Ressources humaines et Développement des compétences Canada : Honorables sénateurs, le projet de loi que vous avez sous les yeux ne crée pas d'initiatives; il met en place les rouages du ministère de faire ce qu'il veut. La ministre a, comme il est indiqué dans le projet de loi, un mandat étendu. Néanmoins, le projet de loi n'envisage la création d'aucune nouvelle initiative.
Le sénateur Keon : La ministre a une seule raison d'être : la création de nouvelles initiatives. Elle vient de nous faire part de ses idées et de ce qu'elle comptait faire.
Mme Stronach : J'entends créer de nouvelles initiatives en envisageant l'avenir, afin de répondre aux défis qui se présente. Il s'agit aussi de faire le point sur les initiatives existantes et de les rationaliser. Certaines sont à réinventer, car elles ne fonctionnent pas. Au fil des ans, certaines ont été abandonnées. C'est le cas, par exemple, du programme Power pour les travailleurs âgés, qui a été abandonné il y a déjà plusieurs années. Vu le vieillissement de notre population et le désir de bien des gens de travailler tard dans leur vie, il nous faut veiller à ce que ces personnes aient les compétences voulues pour le faire.
Il y a une évolution et une amélioration continues, selon la dynamique changeante du marché du travail. Il ne s'agit pas nécessairement d'ajouter une couche après l'autre. Il faut se demander : comment pouvons-nous être plus efficaces? Certains programmes ne donnent-ils plus de résultats? Convient-il de les réévaluer?
Laissez-moi revenir à Service Canada. L'un de nos mandats, à Service Canada, est d'éviter le double emploi, de rationaliser et de faire les choses de façon plus efficace. C'est l'une des facettes du processus d'examen des dépenses que nous envisageons. Nous avons dit que nous comptions remplir nos engagements dans le cadre du processus d'examen des dépenses en rationalisant et en faisant les choses de façon plus efficace. Pendant la première année, il n'y a pas de mises à pied. Il faut redistribuer ces ressources également.
Le sénateur Keon : J'ai monopolisé votre temps. Merci à toutes de vos réponses. J'espère bien que vous vous engagerez à améliorer la productivité et l'efficacité, en plus d'entreprendre de nouvelles initiatives.
Mme Stronach : Vous pouvez y compter.
[Français]
Le sénateur Gill : Bienvenue, madame la ministre. Je pense que vous avez un grand défi à relever. Je suis sûr que vous avez l'expérience et les capacités pour le relever.
Ma question concerne les Premières nations. Vous savez que, depuis quelques années, le mode de vie des Premières nations du pays a changé considérablement à cause du boycott de la fourrure dans différents pays européens. Les chasseurs et les trappeurs ont presque disparu.
Il en reste quelques-uns mais très peu peuvent en vivre. Il y a donc toute une main-d'œuvre, au nord du pays — en règle générale au nord de toutes les provinces — qui est souvent assez éloignée.
Souvent, des projets de développement économique sont créés au nord, que ce soit des projets miniers, des projets hydroélectriques ou d'autres. Je soulève cette question car très souvent on importe des populations du sud vers le nord. Ces populations du sud ont besoin d'être entraînées. Il faut leur donner de la formation pour s'habituer à ce qu'il y a à faire à nord. Malheureusement, notre population pourrait être utilisée et formée au nord; je parle des Premières nations.
Très souvent, ce phénomène ne se produit pas. On pourrait le faire; on a une population en attente, en chômage et qui pourrait être très productive pour les employeurs. En fait, on importe une population du sud, on crée des villes artificielles au nord. On essaie de créer les infrastructures que ces gens ont dans le sud, alors que les Autochtones ont déjà une façon de vivre; on n'aurait qu'à entraîner ces gens au travail à faire au nord.
Cela fait plusieurs fois que je reviens sur ce sujet. Aujourd'hui, je ne m'attends pas à une réponse précise, mais je cherche surtout une détermination, une volonté pour renverser la vapeur. On a une culture au pays qui se perpétue : on pense que les Autochtones ont des problèmes. Ils pourraient devenir des solutions. Un problème pourrait être converti en solution.
Je cherche à savoir s'il y a une volonté, une détermination pour que, lorsqu'un développement quelconque arrive dans le nord, on sache immédiatement qu'il y a une population qui pourrait être entraînée, capable de faire les choses autant que des gens qu'on pourrait faire venir du sud. Je ne veux pas exclure du marché du travail les gens du sud, mais je voudrais que l'on pense aux Premières nations.
[Traduction]
Mme Stronach : Merci d'avoir posé cette question, qui est vitale. Laissez-moi d'abord dire que c'est une opinion que je ne partage pas, ni vous, à en juger par ce que vous venez de dire. Non, les Autochtones ne constituent pas un problème. La collectivité autochtone est en fait un grand atout, notamment dans un contexte où notre main-d'œuvre vieillit. Si nous travaillons de concert à mettre sur pied les programmes appropriés en matière d'instruction générale et de formation aux habilités requises sur le marché du travail, ces programmes devraient permettre aux peuples autochtones de trouver des emplois de meilleure qualité dans leurs collectivités.
J'ai parlé au ministre de l'Industrie et au ministre du Travail de la façon dont nous pouvons travailler ensemble, mais plus particulièrement au ministre de l'Industrie, parce que les choses doivent s'effectuer en partenariat. Il nous faut faire le point sur sa stratégie et la mienne. Vous parlez des collectivités autochtones du Nord. Nous devons tenir compte des ressources naturelles qu'elles peuvent exploiter, ainsi que des programmes éducatifs que nous élaborons et comptons élaborer; ensuite, il faut marier ces deux aspects afin de tirer le meilleur parti possible de ces ressources naturelles. Il nous faut une véritable stratégie dans le secteur des ressources naturelles, une stratégie qui lie la collectivité autochtone et l'éducation afin que, par exemple, on ne se contente pas simplement d'expédier du bois brut, quand on pourrait prendre ce bois, le couper en planches, et fabriquer des choses par la suite.
Que l'on parle de la collectivité autochtone ou des Canadiens dans les centres urbains, la question de la formation reste vitale, ainsi que la capacité d'appliquer ces habiletés à l'obtention d'emplois de meilleure qualité, mieux rémunérés. Le ministre de l'Industrie et moi avons amorcé une étroite collaboration, que nous comptons poursuivre dans les mois qui viennent, afin que nos deux stratégies se marient comme il faut et que, au bout du compte, nous puissions permettre aux peuples autochtones de rester dans leurs collectivités et d'avoir accès à l'éducation voulue. Je ne parle pas seulement d'habiletés recherchées sur le marché du travail ou de programmes d'apprentissage, mais aussi d'un meilleur accès aux études postsecondaires. Il faut absolument adopter une approche globale.
L'accès à large bande à Internet est un atout majeur. On ne saurait être économiquement concurrentiel sans cela. C'est essentiel si on ne veut pas rester sur la touche. C'est aussi relié à l'alphabétisation et à l'accès aux études. Il nous faut envisager les stratégies appropriées, les ressources naturelles et l'évolution de la technologie si nous voulons que l'information soit présente. Il nous faut aussi la communiquer à l'extérieur si nous voulons que nos programmes répondent aux besoins des gens, qu'il s'agisse des fondements de base de l'alphabétisation ou des habiletés poussées nécessaires pour répondre aux exigences d'une collectivité donnée. C'est un aspect qui me passionne et nous tissons un partenariat afin d'atteindre ces buts.
[Français]
Le sénateur Gill : Je suis heureux que vous parliez de l'industrie mais que vous n'ayez pas mentionné les Affaires indiennes car, règle générale, depuis des années, quand il y a une situation à régler chez les Autochtones, on se reporte toujours aux Affaires indiennes. Vous connaissez l'histoire. Je pense que c'est important que les autres ministères s'impliquent, comme vous l'avez mentionné, pour intégrer les services, pour faire en sorte que la situation change. Il n'y a pas de solutions autrement. Alors, je suis heureux que vous ayez mentionné la collaboration des autres ministères.
[Traduction]
Le sénateur Callbeck : Ma première question a trait aux prestations de maternité pour les femmes travaillant à leur compte. J'étais vice-présidente du groupe de travail du premier ministre qui a parcouru le Canada en 2003 pour parvenir à des recommandations sur la façon dont le gouvernement fédéral pouvait amener plus de femmes à devenir des entrepreneures. Parmi les questions qui revenaient sans arrêt figurait celle des prestations de maternité.
Je sais que votre ministère a conclu un accord avec le Québec, par le biais duquel la province fournira des prestations de maternité auxquelles auront accès les entrepreneures. Je crois comprendre que la mesure prendra effet en janvier 2006.
Négociez-vous une entente similaire avec d'autres provinces? Entendez-vous élargir les prestations de maternité aux entrepreneures au niveau national?
Mme Stronach : Je suis heureuse que vous ayez soulevé la question. Vous avez fort bien décrit les grandes lignes de ce qui se passe au Québec. Nous introduisons un programme pour leurs citoyens et suivrons de très près ses effets. Non, pour l'instant, nous ne négocions pas avec d'autres provinces. J'ai demandé au ministère d'entamer un examen afin de déterminer ce qui serait nécessaire pour élargir les prestations parentales aux entrepreneures. C'est un facteur important pour les entrepreneures qui ont exprimé un intérêt marqué pour la question.
D'une part, donc, nous effectuons un examen afin d'élaborer un éventuel programme pour résoudre le problème, d'autre part, nous suivons ce qui se passe au Québec, afin d'en tirer des leçons au cas où nous souhaiterions étendre le programme à l'échelle du pays. C'est une initiative à laquelle je crois, mais il faut pousser l'analyse, voir comment les choses évoluent et mettre sur pied un programme. Mais oui, la question m'intéresse beaucoup.
Le sénateur Callbeck : L'autre question que je voulais vous poser a trait à l'enseignement supérieur. Comme vous l'avez mentionné dans votre mémoire, une partie de votre mandat est liée aux habiletés et à l'apprentissage pour le marché du travail, ce qui inclut le programme de prêts aux étudiants. Votre ministère prévoit-il changer ce programme? Y a-t-il d'autres initiatives pour rendre l'enseignement supérieur plus accessible à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes?
Mme Stronach : Le projet de loi C-48 attribue 1,5 milliard de dollars à l'accès à l'éducation postsecondaire, des fonds nouveaux tirés des excédents, sur deux ans. S'y sont jointes, plus récemment, les sommes supplémentaires attribuées par le projet de loi C-43 à l'accès à l'éducation postsecondaire. Nous en sommes donc au stade où nous procédons à un examen et nous travaillons de concert avec les provinces. Ainsi, nous négocions avec l'Ontario une entente sur le développement du marché du travail où nous nous efforçons de cerner les améliorations qu'il convient d'apporter. C'est une initiative qui se poursuivra dans les mois qui viennent et qui devrait être achevée d'ici l'automne.
Là aussi, ce sont les besoins qui façonnent notre approche. Nous recherchons des solutions novatrices pour investir du mieux possible les fonds, tout en respectant le domaine de compétence provincial, cela va sans dire. L'entente sur le développement du marché du travail que nous négocions avec l'Ontario comporte une somme d'argent assez importante qui pourra être investie dans l'éducation postsecondaire : la formation liée aux compétences en milieu de travail, les programmes d'apprentissage, les centres de formation, la collaboration avec les syndicats et un investissement non seulement dans les universités mais aussi dans les collèges.
Comme je l'ai signalé plus tôt, il nous faut des programmes permettant une souplesse accrue, afin de répondre à la nature changeante du marché du travail et aux pressions économiques qui s'y font sentir — évolution et pressions auxquelles ne répondent pas, pour le moment, les parties I et II de la Loi sur l'assurance-emploi. Nous travaillons en ce moment à l'élaboration de plans pour l'éducation postsecondaire, travail qui se poursuivra avec les provinces dans les mois qui viennent.
Le sénateur Cordy : Madame la ministre, comme vous le constaterez, les programmes que votre ministère administre nous intéressent tous, si bien que nous espérons que vous aurez d'autres occasions de comparaître devant le comité.
En ce qui concerne le projet de loi d'aujourd'hui, je suis ravie que nous scindions les ressources humaines en deux ministères qui seront beaucoup moins massifs et beaucoup plus ciblés. J'espère que c'est un changement qui profitera à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes.
J'aimerais ce matin vous parler de la question de l'itinérance. Je sais qu'elle relève du ministre Fontana, mais j'estime qu'elle touche également à votre ministère. Le comité se penche depuis un certain temps sur la question de la santé mentale et de la maladie mentale, étude dans le cadre de laquelle nous parcourons le pays. Or, on ne peut parler de maladie et de santé mentales dans l'abstrait; bien d'autres problèmes y sont liés, dont l'itinérance, la pauvreté et l'éducation. Vous avez parlé plus tôt du développement des compétences. Or, bien qu'il existe de nombreux autres problèmes, nous sommes nombreux à estimer que le mouvement de désinstitutionalisation qui a eu lieu il y a un certain nombre d'années a amené un accroissement de l'itinérance et du nombre de personnes qui vivent dans la rue.
L'une des choses que nous ont dites les gens qui, d'un bout à l'autre du Canada, gèrent des programmes merveilleux pour les sans-abri, c'est que le processus nécessaire pour obtenir des fonds gouvernementaux, de l'aide à l'élaboration de programmes, devient de plus en plus pénible pour les particuliers qui doivent remplir beaucoup de paperasse. Ces personnes comprennent bien la nécessité de rendre des comptes, de ne pas obtenir de fonds sans que le gouvernement sache pleinement comment ils vont être dépensés. Elles estiment que le gouvernement va peut-être un peu trop loin. Il leur arrive, nous ont-elles dit, d'être informées d'un programme mais de se dire, après avoir pris connaissance de la documentation requise, que le jeu n'en vaut simplement pas la chandelle.
Je me demande si vous et le ministre Fontana envisagez de vous pencher sur le dossier de l'itinérance et de rendre les formalités moins complexes et plus rapides, afin que les gens n'attendent pas des mois et des mois avant d'avoir une réponse.
Mme Stronach : En tout cas, je parlerai à M. Fontana du temps qui s'écoule avant que les gens obtiennent une réponse. Je ne lui en ai pas encore parlé, mais je le ferai et je serai heureuse de vous dire ce qu'il en est.
Là encore, je vais vous parler du projet de loi C-48, qui attribue 1,6 milliard de dollars sur deux ans à l'amélioration du logement à prix modique, y compris dans les collectivités autochtones. Il y a donc une augmentation des fonds attribués à la lutte contre ce problème. Toutefois, quand je me penche sur l'itinérance, je me dis qu'il existe aussi d'autres façons d'y remédier : l'éducation et la formation, ainsi que l'accès à cette éducation et à cette formation. Sans être la réponse pour tout le monde, c'est une façon pour certaines personnes de s'assurer une meilleure qualité de vie et d'être capables, au bout du compte, de se trouver un emploi et, avec une formation continue, peut-être de se trouver un emploi de meilleure qualité.
Il est particulièrement important pour un gouvernement d'investir dans son monde et de s'assurer d'avoir les programmes voulus pour donner aux gens les capacités nécessaires à l'obtention et à la rétention d'un emploi. Ainsi, les parties I et II de la Loi sur l'assurance-emploi sont utiles quand vous avez déjà un travail, parce que l'assurance-emploi est, comme son nom l'indique, une forme d'assurance à laquelle on cotise quand on a un emploi. Cela répond à un besoin important et c'est un programme que nous examinons chaque année pour voir comment nous pouvons l'améliorer de façon continue.
Notre collaboration avec l'Ontario pour parvenir à une entente sur le développement du marché du travail constituera peut-être le modèle ou le canevas des programmes susceptibles de répondre aux besoins des différences provinces du Canada. L'optique est la suivante : développer les capacités nécessaires pour permettre aux gens d'acquérir les compétences et l'expérience voulues pour accéder au marché du travail; puis pour permettre aux gens qui en font déjà partie d'améliorer leurs compétences. En effet, comme l'a souligné le sénateur, notre premier devoir est d'aider les gens à obtenir un emploi; mais il nous faut aussi voir comment faire preuve d'innovation et améliorer notre productivité. Les gens aussi, s'ils veulent être plus productifs dans leur emploi, doivent améliorer leurs compétences; s'ils veulent garder leur emploi, dans un contexte où les entreprises doivent être toujours plus productives, ils doivent améliorer leur niveau de scolarité. Qui dit apprentissage tout au long de la vie dit capacité de continuer à améliorer ses compétences tout au long de sa carrière, et ceci à tous les stades de la vie, notamment si la personne veut rester sur le marché du travail.
Nous encourageons également les entreprises et les entrepreneurs à coinvestir et à consacrer des sommes suffisantes à la formation des travailleurs qui veulent rester sur le marché du travail. Le ministre Fontana s'occupe de l'itinérance, c'est vrai; il faut toutefois collaborer pour veiller à mettre en place les programmes voulus pour que les gens puissent entrer sur le marché du travail.
Le sénateur Cordy : Vous avez raison, car il est difficile d'entrer sur le marché du travail ou d'entamer une formation si on n'a pas de foyer. Je suis d'accord avec vous : tout s'imbrique.
Mme Stronach : Rester sur le marché du travail et s'adapter à son évolution est parfois tout un défi. Nous pouvons toutefois faire notre part pour le relever : en sachant quels sont les problèmes et en veillant, en collaboration avec les provinces, les syndicats et les employeurs, à élaborer des programmes qui soient véritablement appropriés et efficaces.
Le sénateur Cook : Je voudrais reprendre là où le sénateur Cordy s'est arrêtée.
Tout d'abord je voudrais vous féliciter sur la décision d'en finir avec le mastodonte et de créer un ministère qui, je l'espère, sera plus ciblé et plus apte à rendre des comptes.
Il existe au Canada une sous-culture d'itinérance et de pauvreté. Dans le cadre de notre étude sur la santé mentale, on n'a pas cessé de nous rabattre les oreilles avec le besoin de logements à prix modique et de refuges. Nous avons entendu le récit d'extraordinaires partenariats avec des ONG. Dans ma province de Terre-Neuve, un organisme qui avait obtenu 750 000 $ de Chevron, pour un refuge, s'est dit particulièrement frustré par les critères imposés pour l'obtention de subventions paritaires. J'espère que votre nouveau ministère, en collaboration avec le ministre Fontana, se penchera sur la sous-culture qui existe indéniablement au Canada. Si nous ne faisons pas preuve de vision, nous continuerons de voir des gens couler. Il y a beaucoup de gens qui ont besoin d'énormément d'aide; en partenariat avec les ONG, nous devrions mettre cette aide à leur portée. C'est seulement quand on tire les gens de la rue et qu'on leur donne un logement, qu'on les met dans une situation où ils peuvent acquérir certaines compétences et se trouver un emploi potable. Il est impossible de faire des études ou de se trouver un emploi correct quand on n'a pas d'endroit où dormir la nuit, pas un sou pour payer un loyer ni pour s'habiller.
Mme Stronach : Je suis tellement d'accord avec vous. En ce qui concerne l'accès, je voudrais revenir un peu sur Service Canada. Service Canada permettra aux particuliers d'avoir accès beaucoup plus facilement aux services gouvernementaux. Ces services seront disponibles dans des bureaux traditionnels de Service Canada, mais aussi par Internet et par téléphone. En mai et en juin seulement, environ 100 000 personnes sont entrées en communication avec nous pour des questions autres que les services de RHDCC. Nous avons ainsi appris que nous pouvions, en déployant nos services dans les années qui viennent, exécuter également une fonction de triage très importante.
La première étape reste de créer un climat économique d'ensemble favorable, afin que la prospérité augmente et que les gens aient accès à des emplois de bonne qualité, ainsi qu'à des logements. Le gouvernement doit fournir ces services aux Canadiens et aux Canadiennes d'une manière efficace, avec une valeur ajoutée et un accent sur l'accès. Le but de Service Canada est d'assurer un meilleur accès et un service de meilleure qualité. Quand les gens cherchent à avoir accès à un logement à prix modique ou à une formation pour avoir un bon emploi, nos services devraient être bien meilleurs et notre réaction plus rapide.
Le sénateur Cook : En ce qui concerne le développement des compétences, la théorie de Maslow veut qu'on doit répondre aux besoins humains de base avant de progresser dans la pyramide. L'acquisition de compétences se situant relativement haut dans la pyramide, j'espère que votre ministère collaborera avec d'autres ministères. Je parle ici d'un segment de la population qui a besoin de compétences humaines de base pour pouvoir aller de l'avant.
Mme Glover : En matière d'itinérance, je voulais signaler que l'Initiative nationale pour les sans-abri avait été récemment reconduite dans le budget. Elle relève de notre ministère et constitue un facteur important dans une équation complexe. L'initiative repose sur des partenariats, avec 71 ententes conclues à ce jour avec diverses collectivités du pays. En outre, la SCHL est récemment passée sous la responsabilité du ministre Fontana. Pour la première fois, l'initiative pour les sans-abri et la SCHL relèveront du même ministère. Je sais que leur priorité est la création d'un canevas de logements national, s'appuyant sur le type de partenariats dont vous parlez.
Le sénateur Cook : Je vous remercie de la précision. Toutefois, l'Initiative de partenariats en action communautaire a tendance à compliquer la vie des gens plutôt qu'à la simplifier.
Le sénateur Fairbairn : Bienvenue, madame la ministre. Je suis ravie de voir que vous avez obtenu ce portefeuille. Vos commentaires d'aujourd'hui vont trouver une résonance positive au sein du secteur de l'alphabétisation au pays, dans lequel je travaille. Le ministère a bien travaillé et a fait un travail splendide pour le volet compétences et formation de son mandat, volet qui est jugé essentiel par les études de productivité.
Le budget a fourni une occasion, pas seulement dans ce domaine mais dans un certain nombre d'autres domaines, de s'attaquer à l'enjeu déterminant que représente, au Canada, le nombre inquiétant de Canadiens qui ne peuvent accéder au travail et aux bons programmes du gouvernement et d'autres organisations, parce qu'ils ne savent pas lire ou écrire et donc ne peuvent fonctionner dans leurs tâches quotidiennes. Ce sont les gens que le gouvernement fédéral et chaque gouvernement provincial et territorial de ce pays essaient d'aider.
Outre les possibilités en ce qui concerne les compétences et l'apprentissage, le budget fournit des débouchés qui ouvriront les portes pour les peuples autochtones. De plus, pour la première fois, nous avons de bonnes initiatives pour les immigrants qui doivent franchir un certain nombre d'obstacles lorsqu'ils arrivent dans ce pays, même si leurs niveaux de compétences sont élevés.
Enfin, au cours de mon séjour apparemment interminable sur la colline du Parlement, le programme qui m'a le plus impressionnée dans tous les ministères a été celui du Secrétariat national à l'alphabétisation au sein de votre ministère, pour cette question très difficile dans l'ensemble du pays. À mon avis, c'est là que vous avez la possibilité la plus importante.
Vous avez entre les mains un rapport produit par le Parlement — c'est le seul dans l'histoire de la Chambre des communes — il y a trois ou quatre ans, lorsque le comité des ressources humaines a effectué une étude sur l'alphabétisation au Canada. Il a publié un rapport qui a touché une corde sensible dans l'ensemble du pays, y compris dans les provinces. C'est une question qui nécessite de façon absolument impérative la collaboration avec les provinces, et c'est ce que nous faisons. Elles sont très intéressées par l'une des propositions de ce rapport, qui est de signer un accord d'alphabétisation pancanadien. Vous verrez que cela peut donner lieu à des discussions positives et franches avec les collègues des différentes provinces.
Je demanderais que le ministère puisse disposer de toutes les occasions possibles pour s'occuper de cette question fondamentale. Sans cela, nous ne pouvons aller nulle part dans ce nouveau monde de la productivité. Je vous félicite, ainsi que le gouvernement, d'avoir délégué une combattante dans cette lutte, Claudette Bradshaw, qui a fait ce travail pour les sans-abri et qui va le faire pour les analphabètes. Tout ce dont elle et le Secrétariat national de l'alphabétisation ont besoin, c'est de votre bénédiction pour travailler sur le terrain, où les parents ont besoin d'apprendre, afin d'aider leurs propres enfants.
Il existe des programmes déjà en place pour cela. Nous devons continuer de les aider activement pour qu'ils puissent le faire par l'intermédiaire d'associations et par l'intermédiaire des provinces.
Mme Stronach : Merci beaucoup, sénateur. Je vous félicite de votre passion pour cette question importante et de votre dévouement indéfectible.
Je voudrais confirmer l'engagement de mon ministère, mon propre engagement et comme vous le dites l'engagement de notre combattante, la ministre Bradshaw. Pour elle, il s'agit de la priorité. Des fonds supplémentaires ont été alloués à son programme sur une période de trois ans, cinq millions de dollars cette année, pour un total de 30 millions de dollars au cours des trois prochaines années, de sorte que nous puissions réellement nous attaquer à ce problème de l'alphabétisation. Presque rien n'avait bougé en dix ans.
Vous avez raison. C'est la base. Ce sont les éléments de base dont vous avez besoin pour continuer à construire vos compétences. Si vous ne savez pas lire, alors il devient très difficile et c'est un véritable défi que d'avancer dans la vie et de faire des progrès. J'ai le même engagement que vous et la même préoccupation. La ministre Bradshaw va parcourir cet été l'ensemble du Canada. J'espère pouvoir la rejoindre dans un certain nombre des tables rondes qu'elle a organisées. Elle travaille de près avec les provinces et avec les dirigeants syndicaux. Elle se rendra dans les communautés autochtones et s'engagera auprès des entreprises également, pour s'assurer d'examiner ce problème de façon exhaustive pendant l'été. À l'automne, nous élaborerons une stratégie exhaustive pour essayer de faire des progrès en ce qui concerne ce problème.
L'engagement est là. Comme vous le dites c'est une vraie combattante et elle va s'attaquer à ce problème. Elle a tout mon soutien pour faire cela.
Le sénateur Fairbairn : Je suis contente de l'entendre. Vous pouvez compter sur moi, si je peux aider d'une façon ou d'une autre.
Mme Stronach : Nous vous invitons à y participer.
[Français]
Le sénateur Chaput : Bienvenue, madame la ministre. Je suis heureuse de vous entendre dire que les nouvelles initiatives, dans votre cas, ne sont pas nécessairement ajoutées à celles déjà existantes, mais qu'il s'agit de les réévaluer, votre but étant que ces initiatives soient encore plus efficaces.
Je veux parler de Services Canada et dire à quel point je suis heureuse de constater que, finalement, c'est RHDCC qui a la responsabilité de Services Canada.
Je vais vous expliquer pourquoi. Je représente le point de vue des francophones en situation minoritaire; je viens du Manitoba. Au Manitoba, cela fait cinq à six ans que nous travaillons très fort sur ce qu'on appelle des « one stop shop »; c'était un des dossiers dont je m'occupais avant de venir au Sénat. Nous en avons maintenant trois, établis au Manitoba, un en milieu urbain et deux en milieu rural. Pour nos communautés francophones en situation minoritaire nous appelons ces lieux des centres de services bilingues. Elles ont accès à des services des trois gouvernements, fédéral, provincial et municipal. Il y a un partage des ressources; ces centres sont bilingues. Dans le cas du Manitoba, on est sûr d'avoir le service en français.
La difficulté a toujours été, dans le passé, que Services Canada n'était pas la sous responsabilité d'un ministère fédéral. On avait à composer avec de nombreux ministères fédéraux. Maintenant c'est sous la responsabilité de Ressources humaines Canada et j'en suis très heureuse. J'espère que ces initiatives vont continuer. Lorsque vous disiez tout à l'heure que c'était peut-être une façon de livrer des services, par exemple, à une communauté chinoise dans sa langue, il y a un potentiel incroyable avec ce genre d'approche. Je suis sûre, madame la ministre, que si vous veniez au Manitoba, nous serions très fiers de vous faire visiter ces trois centres qui fonctionnent très bien.
[Traduction]
Mme Stronach : J'ai l'intention d'y aller cet été. Le mandat de Service Canada est d'offrir un guichet unique, en travaillant de très près avec les provinces. Parfois, nous en sommes très proches. Je prendrai l'exemple de l'Ontario, avec qui nous sommes sur le point de négocier un accord, où nous aurons alors Service Canada-Service Ontario. Nous allons travailler ensemble pour savoir qui peut faire quoi de la façon la plus efficace et rationaliser le tout. Cela devrait faire diminuer les coûts et libérer des ressources et, dans certains cas, là où cela n'est plus nécessaire, nous pouvons terminer ce programme.
Nous devons nous adapter constamment, que ce soit dans le secteur des affaires ou au gouvernement, à mesure que les choses changent. Notre but est un guichet unique et de meilleurs services dans les langues officielles.
Cela devrait être quelque chose de très positif dans les collectivités rurales, parce que nous disposons de 320 bureaux à l'heure actuelle. Nous allons étendre cela à 600 points de service. Cela ne signifie pas nécessairement une présence physique permanente. Dans de nombreux cas, il peut s'agir d'une unité mobile qui se déplace dans une collectivité en fonction d'un calendrier, de sorte que les gens savent que l'unité mobile sera là pour prendre les demandes de passeport et pour donner accès à Internet. Nous travaillons de concert avec Travaux publics et nous avons acheté beaucoup de temps d'antenne des satellites. Nous travaillons de concert et regroupons les ressources du gouvernement, afin de mieux fournir ces programmes et de permettre aux Canadiens d'avoir un meilleur accès à ces programmes. Je crois que cela a été très bien reçu.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je suis heureuse de voir que vous avez mentionné les communautés rurales éloignées. Cela devient une initiative très importante pour ces communautés.
[Traduction]
Le président : Madame la ministre, je vous remercie, ainsi que vos agents, d'être venues ici ce matin. Honorables sénateurs, nous allons prendre une pause de deux minutes, pour changer de groupe d'experts et nous allons accueillir le ministre Dryden comme prochain témoin.
En ce qui concerne la question de l'étude article par article du projet de loi, je pense que vous vous rappellerez qu'il y a eu un débat à la Chambre la semaine dernière pour savoir si l'étude article par article devrait être effectuée le même jour que la fin des audiences du comité. La décision définitive des deux côtés — tout du moins c'est ce que le bureau de notre leader m'a dit — est que, en l'absence d'une décision unanime pour ce faire, nous ne procéderons pas à l'étude article par article le même jour. Bien qu'ils aient eu à assister à une réunion des dirigeants, les sénateurs Stratton et LeBreton m'ont indiqué qu'ils ne voulaient pas procéder à l'étude article par article aujourd'hui.
Donc, le Sénat se réunit lundi à 16 heures. Les deux whips ont approuvé notre réunion à 15 heures pour l'étude article par article des deux projets de loi. Nous allons reporter l'examen de ces projets de loi à lundi après-midi, plutôt que de le faire cet après-midi.
Nous allons maintenant passer au projet de loi C-22 et à la comparution du ministre Dryden, afin d'établir le ministère du Développement social. Puisque le ministre est un juriste, je peux dire que les juristes, juste pour se couvrir, ajoutent toujours à la fin de ces projets de loi les termes suivants : « modifiant et abrogeant certaines lois ». Je n'ai jamais compris si c'était vraiment nécessaire, mais les juristes le font toujours.
Honorables sénateurs, nous avons avec nous le ministre Dryden, le ministre du Développement social. Avec lui, se trouvent M. Peter Hicks, Mme Julie Lalonde-Goldenberg et M. Mitch Bloom, du ministère.
Monsieur le ministre, merci d'être venu. Nous allons procéder à votre déclaration puis suivront quelques questions de la part de mes collègues.
L'honorable Ken Dryden, ministre du Développement social : Honorables sénateurs, merci de m'avoir invité à comparaître devant votre comité pour parler de la loi concernant le nouveau ministère du Développement social.
Le Sénat du Canada et les comités sénatoriaux jouent un rôle considérable pour ce qui est d'examiner des enjeux sociaux et d'aider à établir des priorités et des orientations à cet égard. À titre de ministre du Développement social je serais heureux d'avoir l'occasion de travailler avec vous.
Les Canadiens ont une certaine conception de ce qu'est être Canadien. Ce qu'on attend et exige de nous-mêmes, et ce qu'on attend et exige des autres. En tant que Canadiens, nous nous attendons à avoir une chance, une deuxième chance même. Nous souhaitons vivre une vie remplie, riche et gratifiante.
Pour certains ce n'est pas toujours facile. Parfois, la maladie, un accident, un handicap, la pauvreté, l'âge, des problèmes personnels, familiaux ou autres peuvent vous mettre hors de la course. À Développement social Canada, nous avons la responsabilité de limiter les écarts entre les conceptions et la réalité. DSC évalue la façon dont nous nous conformons à ces conceptions et collabore avec les autres pour accomplir un meilleur travail.
Développement social Canada a vu le jour il y a 18 mois, héritant d'autres ministères tout un éventail de politiques, de programmes et de services à l'intention des personnes âgées, des handicapés, des enfants, des familles, des prestataires de soins et des collectivités, ainsi que de toutes les valeurs et des motivations qui en assurent la réalisation. DSC doit s'inspirer de tout cela pour renforcer les assises et la cohésion sociales en favorisant le bien-être et la sécurité du revenu des Canadiens.
Il incombe à DSC d'aider les personnes âgées à tirer le maximum de leur vie. C'est à DSC qu'il revient de veiller à ce que les pensions publiques des aînés soient suffisantes pour vivre, en plus de veiller à ce que ces pensions soient encore disponibles l'an prochain, dans dix ans, dans 50 ans, lorsqu'ils en auront besoin, lorsque nous en aurons besoin.
Le budget de février a annoncé une augmentation du supplément de revenu garanti qui, d'ici 2007, s'élèvera à environ 400 dollars par an pour une personne âgée célibataire et à 700 dollars pour un couple. On devrait investir au cours des cinq prochaines années 2,7 milliards de dollars d'argent frais.
Toutefois, la qualité de vie des personnes âgées ne se mesure pas uniquement en termes de soutien du revenu. Elle se mesure aussi en motivation, en raison de vivre la vie au quotidien. Le programme Nouveaux Horizons pour les aînés — qui a également reçu un coup de pouce financier dans le récent budget — permet à ceux qui en sont à la deuxième partie de leur vie de partager leurs compétences, leur expérience et leur sagesse avec les autres, afin de rendre leurs collectivités meilleures et d'améliorer du même coup leur propre vie.
Pour se préparer à la population grandissante et de plus en plus diversifiée des personnes âgées au Canada, le gouvernement met en place un secrétariat national pour les aînés. Travaillant en collaboration avec les ministères, avec les autres ordres de gouvernement et avec d'autres intervenants, il s'agira du point de convergence des initiatives destinées aux personnes âgées.
[Français]
DSC se préoccupe également des personnes handicapées. Autrefois, on cachait les personnes handicapées que l'on définissait souvent par leur handicap et elles en venaient souvent à en faire autant.
Il y a plus de 20 ans, la Charte des droits et libertés a renforcé notre compréhension de l'égalité. Elle a rendu les Canadiens plus sensibles aux problèmes de discrimination. Maintenant, les personnes handicapées veulent vivre et insistent pour vivre pleinement chaque jour à l'école, au travail et dans leurs loisirs.
[Traduction]
Le gouvernement du Canada a pris des mesures importantes au fil des ans, notamment dans les secteurs de l'emploi, du revenu et de la fiscalité, pour aider les personnes handicapées à surmonter de nombreux obstacles à l'inclusion. DSC réunit l'important programme gouvernemental de soutien du revenu, la pension d'invalidité du RPC, ainsi que d'autres programmes et services offerts par le Bureau de la condition des personnes handicapées, pour favoriser l'inclusion totale des personnes handicapées dans tous les aspects liés à l'apprentissage, au travail et à la communauté.
Nous savons que nous devons faire davantage, mais nous savons aussi que nous ne pouvons pas y parvenir seuls. C'est pourquoi DSC collabore avec les provinces et les territoires et la communauté des personnes handicapées à l'élaboration d'un plan d'action de dix ans pour faire progresser l'inclusion des personnes handicapées.
Je suis au courant de l'énorme travail que le comité a accompli dans le domaine de la santé et des maladies mentales. J'ai très hâte d'en savoir davantage sur ce que vous avez appris et sur les approches et les priorités que vous recommandez pour l'avenir.
Dans les collectivités, des gens trouvent de nouveaux moyens novateurs pour s'attaquer à de vieux problèmes. À DSC, nous apportons notre aide. Une innovation de ce genre passe par l'économie sociale, à savoir des entreprises sociales communautaires, sans but lucratif. Bien que de nombreuses collectivités canadiennes aient trouvé leur propre façon de venir en aide à leurs habitants, d'autres ont plus de difficulté à le faire. En cherchant ce qui donne de bons résultats et en partageant ces stratégies avec d'autres collectivités, DSC s'emploie à soutenir les efforts communautaires qui améliorent la vie des Canadiens.
[Français]
Plus de 2,8 millions de Canadiens s'occupent de personnes âgées, d'adultes et d'enfants handicapés, ainsi que de Canadiens éprouvant des problèmes de santé graves ou à long terme.
Pour certains, ces soins sont énormément exigeants. En reconnaissance du fait que les aidants familiaux non rémunérés ont besoin d'aide et de soutien, nous avons maintenant un ministre d'État chargé de la Famille et des Aidants naturels. Développement social Canada collabore avec les provinces et les territoires. Il a demandé aux Canadiens d'exprimer leurs points de vue sur l'élaboration d'une stratégie complète sur les aidants.
[Traduction]
Dans notre planification des années à venir, Développement social Canada s'est engagé à veiller à ce que tous les enfants canadiens aient la possibilité de commencer leur vie du bon pied. Un train complet de politiques et de programmes aident les parents et facilitent et améliorent les choix et les situations offerts aux familles, comme la prestation fiscale canadienne pour enfants et le supplément de la prestation nationale pour enfants. Mais nous savons que les parents de jeunes enfants ont besoin de plus de souplesse et de choix. Dans le discours du Trône de l'automne dernier, on a donc confié à Développement social Canada le mandat d'accroître l'accès à des programmes d'apprentissage et de garde de jeunes enfants de qualité susceptibles d'aider les familles à mieux aider leurs enfants à partir du bon pied. Le budget prévoit 5 milliards de dollars sur cinq ans pour nous rapprocher de cet objectif.
Ensemble, les provinces, les territoires et le gouvernement fédéral ont élaboré une vision commune pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. J'ai travaillé avec chaque province et territoire à la conclusion d'ententes bilatérales de principe qui permettront de concrétiser cette vision. Cinq provinces ont déjà signé ces ententes et nous espérons que d'autres le feront dans les semaines et les mois à venir.
Je vais maintenant aborder quelques-uns des aspects précis de la législation. Je crois savoir que ma collègue, Belinda Stronach, la ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, vous a rencontrés plus tôt ce matin. Comme la législation proposée par ma collègue, le projet de loi relatif au ministère du Développement social est avant tout de nature administrative et respecte les décrets du 12 décembre 2003.
Les dispositions de la partie 1 de la future loi constituant le ministère du Développement social sont tirées en grande partie de l'ancienne Loi sur le ministère du Développement des ressources humaines. La section traitant des attributions du ministre, aux articles 5 à 7 de la partie 1, constitue la partie la plus importante de la nouvelle loi. On y définit les pouvoirs et les outils légaux dont j'aurai besoin, en ma qualité de ministre, pour remplir le mandat de Développement social Canada. Cette section permet au ministère de concrétiser l'engagement qu'a pris le Premier ministre au chapitre du renforcement des assises sociales du Canada, en faisant du ministère le point de convergence du développement des politiques sociales au gouvernement du Canada.
Grâce à notre nouveau mandat, nous pourrons collaborer, dans le cadre d'une structure horizontale, avec nos partenaires fédéraux, les autres ordres de gouvernement, les organismes communautaires et d'autres groupes intéressés, afin de promouvoir le développement social au Canada.
J'aimerais attirer votre attention sur le Code de protection des renseignements personnels prévu dans le projet de loi. À l'heure actuelle, la Loi sur le Régime de pensions du Canada et la Loi sur la sécurité de la vieillesse comportent un code de protection des renseignements personnels pour établir des règles transparentes de protection et de communication des renseignements personnels liés au RPC et à la SV. La nouvelle loi propose un code de protection des renseignements personnels semblable qui crée un juste équilibre entre l'autorisation de communiquer des renseignements personnels et la mise en place de mesures suffisantes pour les protéger.
Grâce à ces trois codes, le ministère disposera d'un régime global de gestion des renseignements personnels visant tous ces programmes et activités actuels et à venir.
Finalement, je voudrais vous signaler que nous nous servons du projet de loi pour recommander l'abrogation de la Loi sur la réadaptation professionnelle des personnes handicapées, qui a été adoptée en 1961 et qui est devenue désuète. Cette abrogation représente essentiellement une mesure administrative. Elle n'aura aucun effet négatif sur les personnes handicapées ni sur les accords que nous avons conclus avec les provinces et les territoires. En réalité, l'actuel cadre multilatéral pour les ententes sur le marché du travail visant les personnes handicapées, qui est plus moderne, fait en sorte que les ententes conclues en vertu de la loi désuète ne sont plus nécessaires.
En conclusion, comme je le mentionnais au début, les Canadiens ont une certaine conception de ce qu'est être Canadien. Ce qu'on attend et exige de nous-mêmes et ce qu'on attend et exige des autres. À Développement social Canada, nous n'oublierons pas cette conception que nous partageons avec les Canadiens, et nous ne permettrons pas non plus que d'autres l'oublient. Et au regard de cette conception, nous travaillerons toujours à combler l'écart entre les étapes franchies et le chemin qu'il reste à parcourir. Il s'agit d'une tâche importante. C'est pourquoi ce ministère a été créé et pourquoi ce projet de loi vous est présenté. J'espère que vous y accorderez toute votre attention.
Le président : Je ne sais pas si on pourrait appeler ça une promotion ou un avertissement préalable. Comme vous l'avez dit, au cours des six derniers mois de notre étude, nous nous concentrons sur la santé mentale et la maladie mentale. Nous avons un certain nombre de recommandations précises et concrètes à faire à votre ministère, qui vont de certains changements nécessaires à la prestation d'invalidité du RPC jusqu'à certaines questions liées à la maladie mentale chez les enfants, etc.
Contrairement à de nombreux comités parlementaires qui ont tendance à donner des recommandations générales basées sur un rapport antérieur, dans notre cas, vous devrez vous attendre à ce qu'elles soient concrètes et entièrement chiffrées. Nous sommes prêts à en discuter avec vous, parce que l'un des aspects intéressants des dépenses publiques pour ceux qui souffrent de maladies mentales est que seulement 30 p. 100 des fonds, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, viennent du ministère de la Santé. La grande majorité des fonds provient de ministères d'aide sociale ou de ministère de services sociaux, etc.
Fait intéressant, en ce qui concerne l'influence que le gouvernement du Canada a sur les Canadiens souffrant de maladies mentales, votre ministère a une bien plus grande influence que le ministère de la Santé. C'est à cause de la structuration des programmes et du fait que ces personnes ont besoin de nombreux services sociaux.
Comme commentaire, j'aimerais dire que nous sommes prêts à travailler avec vous et avec vos représentants à la fin de l'année, parce qu'il y a un nombre important de choses que vous pouvez faire pour les gens qui souffrent de maladies mentales et qui ont franchement pratiquement disparues de l'ordre du jour politique depuis trop longtemps. Comme vous l'avez dit dans votre exposé, il y a 20 ou 25 ans, nous avons commencé à faire de véritables progrès pour les handicappés physiques et il est grand temps de se lancer dans une attaque semblable pour améliorer la vie de ceux qui souffrent de maladies mentales.
Je ne sais pas si vous voulez faire un commentaire sur ce sujet. Ce que je voulais vous dire en réalité c'est que c'est l'orientation que nous avons prise et vous allez en être très affectés. C'était le but de mon commentaire.
M. Dryden : Je m'en réjouis. L'un de vos défis, je crois, à mesure que vous progressez, et cela deviendra un défi pour nous tous, sera de trouver un moyen d'expliquer la chose avec suffisamment de conviction pour qu'elle acquière une certaine actualité. C'est un défi que nous avons dans le domaine des handicaps à l'heure actuelle.
L'une des choses qui me frappent sur la manière que nous avons choisie pour raconter ces histoires, peut-être par frustration, c'est que nous le faisons maintenant à coup de chiffres, et les chiffres sont de plus en plus importants, en espérant et en supposant que devant l'ampleur du problème, le public réagira d'une façon ou d'une autre. Je ne crois pas que ce soit ce qui se passe. Nous en arrivons à un point où ces chiffres, au lieu de susciter des réactions positives, suscitent le contraire. Le défi, tant pour vous que pour nous, est de trouver un moyen d'utiliser ces chiffres, de trouver les répercussions qu'ils auront et de transmettre ces répercussions d'une manière qui exprime le véritable pouvoir et la véritable force que revêtent ces chiffres.
Le président : Nous sommes tout à fait d'accord avec vous et nous allons nous lancer fortement dans ce sujet précis, à savoir comment s'attaquer à la stigmatisation et à la discrimination qui existent dans ce pays.
Le sénateur Keon : Merci d'être venu, monsieur le ministre. Ç'est un plaisir de vous voir.
J'ai demandé à Mme Stronach, qui a comparu avant vous, comment elle envisageait de contrôler la croissance. Si l'on revient à la recommandation du comité permanent de la Chambre en 2000, on disait que DRHC, tel qu'il avait été structuré à l'époque, était fondamentalement trop lourd et trop désordonné. Cela peut sembler un peu dur, mais c'est ce qu'ont dit les membres du comité, à savoir que ce ministère devait être séparé en plusieurs composantes plus efficaces. Nous avons maintenant devant nous deux projets de loi permettant de créer deux entités distinctes.
Le directeur général a répondu que leur mandat consistait à fonctionner dans le cadre de limites financières de l'ancien DRHC, mais j'ai mentionné qu'ayant passé ma vie à Ottawa et connu de nombreux fonctionnaires, je ne crois pas que ce genre de chose se produira. Il y a du pour et du contre. Généralement, quand quelque chose de nouveau est créé, il y a croissance.
Je vais vous poser une question difficile, à laquelle vous n'avez peut-être pas eu le temps de vraiment réfléchir, mais comment voyez-vous le développement de votre nouvelle organisation à partir des ressources de l'ancienne? Vous aurez de nombreuses nouvelles initiatives. Vous ne disposerez pas, il me semble, de la spécialisation dont vous avez besoin au sein même de votre organisation pour les nouvelles initiatives. Il va vous falloir redéployer des gens. À mon avis, il va falloir faire venir de nouvelles personnes. Comment voyez-vous ce développement?
M. Dryden : Je vais commencer par votre idée du début, il me semble que c'est une bonne idée de diviser le gros ministère. Vous avez dit que l'ancien ministère était trop lourd et chaotique, et je crois que vous avez raison. À ce moment-là je le considérais la chose de l'extérieur, mais lorsque quelque chose commence à être lourd et désordonné, ces travers s'accentuent, à tel point que l'organisation à cause de sa lourdeur perd une définition claire. Une fois que ce type de définition est perdu, cela devient un peu n'importe quoi. Cela devient un endroit, où le prochain nouveau programme qui semble être très important, trouvera sa place, qu'elle lui corresponde ou non. Il peut s'y intégrer de façon marginale mieux qu'ailleurs, alors finalement il se retrouve là. La lourdeur de l'organisme et son état chaotique ne font que s'accroître.
À un certain point, l'une des difficultés avec l'ancien ministère était qu'il perdait de sa cohésion de cette façon-là. Nous commençons, chacun d'entre nous en tant que ministères individuels, avec une cohésion encore plus importante et encore plus de chance de demeurer ainsi.
Ceci dit, votre question est une bonne question et une question juste. Si les deux termes « développement social » sont compris dans leur acception réelle, notre responsabilité, comme je l'ai dit dans mon propre exposé, est de prendre ce que nous, les Canadiens, voyons comme étant ce que nous sommes, et ce que nous attendons de nous et des autres, et d'essayer de concrétiser cela en une norme de sorte que, en travaillant avec les autres, nous pouvons utiliser cette norme pour voir comment nous nous débrouillons.
À l'heure actuelle, fondamentalement, nous sommes définis par des domaines particuliers : les enfants, et les programmes que nous leur fournissons. Les personnes âgées, et les services que nous leur fournissons. Et il en va de même pour les handicapés; la communauté des bénévoles, les aidants naturels. Si nous devons faire notre travail comme il faut, il faut au moins voir au-delà de ces éléments qui séparent nos vies et de les considérer simplement comme des tranches ou des étapes d'une vie, tout en ayant soin d'en voir les liens en tant que vie.
Certainement, nous avons besoin de définir davantage les choses dans ce ministère. Advenant une croissance dans ce ministère, j'espère et je suppose, et je m'y emploierait, qu'il s'agira de la bonne sorte de croissance, celle qui découle des priorités du gouvernement et des priorités des Canadiens, afin de faire un meilleur travail dans notre expression de ce type de compréhension sociale qu'ont les Canadiens.
Le sénateur Keon : Merci de votre réponse. Je voudrais revenir à deux points. Tout d'abord, j'espère que vous accepterez un petit peu d'humour, mais je remarque qu'on parle d'agrandir le Conseil national du bien-être social, passant de 13 à 15 membres. Au cours de ma vie et, pour avoir siégé à un certain nombre de ces conseils, j'ai appris que plus ils sont nombreux, pires ils sont. Se réunir autour d'une table nécessite un certain degré critique d'intellectualisme nécessaire, mais au-delà de ce point critique, vous finissez par avoir les bureaucrates qui dirigent le président, donnant chacun la possibilité de faire son petit laïus, puis tout le monde rentre chez soi à la différence des bons conseils où les gens relèvent leurs manches et font du travail concret. J'espérais qu'au lieu d'ajouter des membres à ce conseil, vous en reviendriez aux 12 membres initiaux.
J'ai été amusé d'apprendre que l'un des plus grands conseils jamais réuni comptait 12 membres. Il a été réuni par le premier dirigeant de la communauté chrétienne et il s'en est très bien tiré pendant les 2 000 prochaines années. J'espère que vous ne l'oublierez pas.
Le sénateur Carstairs : Les résultats n'ont pas été très brillants.
Le sénateur Keon : Vous pouvez bien dire ce que vous voulez, mais ils ont fait du bon boulot.
Le sénateur Cordy : Nous en parlons toujours des années plus tard.
M. Dryden : Où en serions-nous aujourd'hui s'ils avaient été 15?
Le sénateur Keon : Il pourrait y avoir eu deux Juda.
J'aimerais revenir aux choses sérieuses et vous parler des difficultés des aînés que vous avez évoquées. Ce sont de graves difficultés, tout particulièrement pour les aînés qui ont travaillé à leur propre compte pendant toute leur carrière. Il y avait dans mon propre domaine, la profession médicale, un grand nombre de ces gens. Ils ont pris leur retraite en croyant que tout irait bien et la plupart des analystes financiers projetaient que leurs placements leur rapporteraient 8 ou 10 p. 100. Or, maintenant un grand nombre d'entre eux ont soit aucun revenu ou des revenus négatifs. Le rendement de leurs placements ne suffit pas, dans bien des cas, à rémunérer les gestionnaires financiers. Comme vous le savez fort bien, bon nombre d'entre eux ont vu leur situation financière se dégrader sérieusement à la fin des années 90 et au début des années 2000. Ils se retrouvent dans une situation vraiment catastrophique.
Les pensions des aînés ne sont pas suffisantes pour qu'ils remontent au-dessus du seuil de la pauvreté. Il faut examiner toute cette question. Il ne suffit pas de rajouter des poussières à la sécurité de la vieillesse. Nombre de ces gens vivent maintenant dans la misère. Je crains que leur situation ne continue de se dégrader.
M. Dryden : Nous prévoyons ajouter deux membres qui représenteront les deux territoires qui autrement ne seraient pas représentés. Voilà l'explication. Compte tenu de cela, ce serait plutôt difficile de passer à 16 ou à 17. Voilà où nous en sommes et le chiffre ne changera pas. Je comprends toute la difficulté qu'il y a à choisir un nombre optimal et à trouver le moyen de faire en sorte qu'ils puissent s'acquitter de leur mission.
Toute la question des aînés m'intéresse au plus haut point. Plus tôt, nous avons parlé des moyens à mettre en œuvre pour bien faire passer les messages concernant la santé mentale et l'invalidité. C'est un défi comparable d'essayer de formuler les messages à l'intention des aînés. Il faut dans un premier temps faire comprendre que nous vivons plus longtemps et que nous vivons en meilleure santé. Ces deux affirmations sont vraies et les deux sont intéressantes : je ne suis pas certain qu'elles soient suffisantes pour nous amener à voir les choses sous un autre angle.
Pour ma part, j'estime que la meilleure façon de faire passer le message c'est de dire que vu que nous vivons plus longtemps et en meilleure santé, nous passons environ le quart de nos vies dans la catégorie des aînés. Personne ne contestera que cela représente de nombreuses années. Ce n'est pas un accident. Ce n'est pas une situation qui commencera à changer dans cinq ans. Si nous passons aussi longtemps à vivre comme aînés, plus longtemps que nous ne passons à vivre comme enfants, alors cela nous amène à réfléchir à la vie des aînés.
Récemment, au Québec, il y a eu des rencontres fédérales-provinciales-terriroriales sur les aînés. La discussion a fait ressortir un certain nombre d'idées intéressantes. Bien entendu, lors de rencontres comme celle-là, nous faisons tous état de nos réalisations. Toutefois, le message essentiel reste, peu importe ce que nous avons fait jusqu'à maintenant, les efforts que nous ferons dorénavant n'en sont qu'à leur début.
Nos initiatives partent du principe que nous parlons d'une vie et non pas d'une catégorie. Notre clientèle a les motivations et les aspirations qu'ont toutes les personnes. Comme nous le savons tous, une personne qui atteint l'âge de 64 ans et 364 jours n'est pas du tout différente de ce qu'elle sera à l'âge de 65 ans plus un jour. Cette personne a toujours les mêmes ambitions et les mêmes espoirs mais dispose de moins de moyens pour les réaliser.
Quand nous parlons de qualité de vie, nous songeons au revenu et à la santé. Cependant, je crois que nous ne concevons pas très souvent la qualité de vie sous l'angle des aspirations. La plupart du temps, les aînés sont préoccupés par leur santé et leur situation financière. À quoi pensent-ils surtout? Ils se disent : « Qu'est-ce que je vais faire aujourd'hui? » C'est ce qui détermine comment ils se sentent.
J'ai été chanceux d'avoir des parents qui ont trouvé une raison de vivre après leur retraite, et ils ne le savaient pas. Ils croyaient qu'ils avaient eu une raison de vivre pendant les 60 premières années de leurs vies mais ils ont découvert que leur vraie raison de vivre, ils l'avaient trouvée pendant les 30 dernières années de leurs vies, et ils étaient très chanceux en cela.
Ce qui est merveilleux dans cette façon d'envisager ainsi la vie des aînés c'est que cela nous permet d'aborder toutes les questions que vous avez évoquées. Cela soulève la question de l'âge de la retraite obligatoire et toute une série de questions auxquelles il est très difficile de trouver des solutions ponctuelles. Toutefois, quand on replace ces questions dans le contexte d'une vie et de la qualité de vie des gens, ce sont d'excellents points de départ. J'espère pouvoir explorer plus à fond ces questions pendant la durée de mon mandat de ministre du Développement social.
Le sénateur Keon : Je crois que pour les aînés, leur situation financière est très préoccupante.
M. Dryden : Sénateur Keon, ce sera l'un des défis que nous tenterons de relever. Si vous comparez de façon réaliste nos suppléments de revenu à ceux qui sont versés dans d'autres pays, vous devez admettre que nous sommes plutôt généreux. Si nous voulons améliorer le bien-être de nos aînés, il se peut que la solution ne se trouve pas là directement mais plutôt dans les autres initiatives dont nous avons parlé il y a un instant. Nous devons chercher à mieux comprendre la nature de la vie des aînés et permettre qu'il y ait une certaine souplesse grâce à laquelle ils seront mieux en mesure d'affronter les problèmes dont vous avez parlé.
Le sénateur Keon : Je suis d'accord avec ce que vous dites et je comprends bien votre message. J'espère que vos efforts seront bien ciblés et que vous trouverez des solutions, parce que c'est important.
Le sénateur Fairbairn : Bienvenue au comité. J'ai été frappée par votre expression « voir au-delà des cloisons ». Je suis depuis longtemps les activités du ministère dont relevaient déjà vos responsabilités. La scission du ministère a été une très bonne chose puisqu'elle a accru la possibilité de se concentrer sur certains enjeux qui seraient autrement restés au second rang.
L'autre avantage que je vois dans ce nouveau ministère qui est le vôtre c'est que bon nombre de vos collègues seront aussi mobilisés puisqu'ils seront appelés à travailler sur les mêmes dossiers.
Monsieur le ministre, j'aimerais parler du développement de la petite enfance. Vous ne vous souvenez peut-être pas de ce dont je vais parler, parce que cela ne date pas d'hier. Je ne vous ai pas rencontré pour la première fois quand vous exerciez votre précédent métier. J'ai été surprise de vous voir faire la promotion de l'alphabétisation parmi les jeunes. Je n'ai jamais oublié cela. Cela me semble tout à fait approprié que vous ayez pris la relève d'un des dossiers qui compte parmi les plus importants lorsque nous parlons d'apprentissage, à savoir le développement de la petite enfance. Je me réjouis de voir que nous acceptons en fait que les petits puissent commencer à absorber de l'information et à apprendre dès l'âge de 18 mois.
Sauf vous souhaitez bon succès, je n'ai qu'une chose à ajouter et c'est que vous ne devez jamais oublier que bon nombre des enfants qui profiteront des chances dont nous parlons rentreront probablement chez eux après une merveilleuse journée au jardin d'enfants, par exemple, et retrouveront un foyer sans livre ou un foyer où les parents ne savent pas lire. Cela me préoccupe et c'est pour cela que je continue de militer pour la cause de l'alphabétisation. Le développement de la petite enfance en est un volet extrêmement important et il ne faut pas oublier qu'il y a dans notre pays des adultes qui ont des petits-enfants et qu'ils n'ont pas eu eux-mêmes la possibilité ou le goût d'apprendre.
C'est une bonne chose que les deux ministères seront scindés. Toutefois, ils devraient pouvoir communiquer au sujet de l'alphabétisation, par l'entremise du Secrétariat national à l'alphabétisation ou autrement.
Notre comité a examiné la question des soins de santé. Au début de notre étude, nous avons entendu parler énormément de ces jeunes qui souffrent d'obésité en raison des modes de vie qu'ils choisissent. Cela nous a renversé au début mais nous savons maintenant que c'est un fait bien connu.
Ce sujet m'amène à parler de votre précédente carrière, quand vous étiez sportif. Il existe un lien entre la santé, l'invalidité et les sports qui devrait être mis en relief mais qui ne l'est pas.
Je sais que des discussions sont en cours dans le but de déterminer dans quelle mesure les sports ont cessé de faire partie du développement des jeunes dans notre pays l'une des principales raisons étant la difficulté d'accès. Les collectivités qui doivent comprimer leurs dépenses coupent souvent en premier lieu le financement pour l'aréna ou le gymnase. Cette situation est encore plus préoccupante lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des enfants ou des adultes handicapés.
Je me demande si dans l'exercice de vos fonctions vous aurez des conversations avec vos collègues qui ont des responsabilités en ce qui a trait au sport. L'accès au sport est très utile parce que c'est une façon d'aider les gens à s'épanouir et à améliorer leur situation. Aucun groupe au Canada ne le prouve mieux et n'est mieux placé pour faire passer ce message que le sont nos athlètes handicapés qui participent aux Jeux paralympiques.
M. Dryden : Au début, vous avez parlé de l'exécution des programmes; nous n'avons pas dans un premier temps un grand nombre de programmes. Pour que nous puissions faire tout ce que nous voulons faire, nous devons travailler avec d'autres.
Le sénateur Fairbairn : Exactement.
M. Dryden : Nous devons essayer d'exercer une influence. Nous pouvons le faire, comme je le disais plus tôt, en faisant preuve de compréhension, de créativité, de compassion et en jouant un rôle rassembleur qui permettra de faire passer le message et d'inciter les gens à apporter leur pierre à l'édifice.
Vous avez parlé de l'apprentissage. Depuis longtemps, une chose me frustre et cela remonte sans doute à l'époque où j'étais commissaire à la jeunesse et que je m'occupais surtout de jeunes dans le début de la vingtaine qui étaient au chômage et qui avaient abandonné leurs études. Nous leur offrions essentiellement la possibilité de reprendre leur vie en main dans le cadre du programme Seconde chance. On ne peut pas dire que c'était des secondes chances extraordinaires. Elles n'étaient pas mal, c'était mieux que rien, mais ce n'était pas merveilleux.
Dans notre système scolaire, nous avons essentiellement un volet de formation général et un volet « autres ». Il ne s'agit pas d'une formation ciblée mais tout simplement « autres ». Personne ne comprend de quoi il s'agit au juste. Les enseignants, les employeurs et les parents ne savent pas ce que désigne le terme « autres ». Nous prétendons que ceux qui tombent dans cette catégorie « autres » doivent recevoir une formation, mais ce n'est pas le cas. C'est une option peu attrayante; on trouve difficilement des preneurs.
Quand nous sommes au début de la vingtaine, pour nous la formation équivaut à l'apprentissage tout au long de la vie. Cette merveilleuse expression « apprentissage tout au long de la vie » a fini par être monopolisée pour désigner un groupe particulier de personnes d'âge et de situation semblable alors que nous devrions nous réapproprier cette expression pour qu'elle reprenne son sens originel. Elle doit inclure l'apprentissage des jeunes enfants et les services de garde à la petite enfance aussi bien que l'apprentissage des gens de 40 ans, 50 ans, voire des aînés. Cette expression doit témoigner du fait que nous sommes des êtres apprenants. Ce qui distingue les êtres humains c'est que nous apprenons à toutes les étapes de notre vie.
Quant au problème de l'obésité chez les enfants, c'est un domaine dans lequel nous pouvons en profiter pour apporter des changements. Nous pouvons prendre à cet égard des initiatives, même si elles sont modestes dans un premier temps, dans le contexte de l'apprentissage des jeunes enfants et des soins de garde à la petite enfance.
Vous avez parlé de santé, d'invalidité, de sports, d'obésité et du lien qui existe entre toutes ces choses. Le sport n'est peut-être pas aussi étroitement lié à l'obésité que de nombreux autres facteurs mais je pense que les sports sont devenus une activité bien organisée et se pratiquent de cette façon ou pas du tout.
Je crois que l'obésité est le résultat d'un mode de vie et d'habitudes. Au Jeux Olympiques, nous avons des gagnants de médailles d'or qui peuvent être une source d'inspiration et qui peuvent amener les gens à changer leur mode de vie et à décider, par exemple, qu'ils veulent devenir gymnastes et qui les inciteront à faire du conditionnement physique et à adopter des modes de vie sains ce qui nous permettra de réduire la prévalence de l'obésité. Je ne crois pas qu'on puisse parler d'inspiration quand il s'agit de changer de mode de vie. Je crois que l'obésité est une habitude reproduite jour après jour. Les habitudes sont acquises très tôt dans la vie.
Je crois que l'apprentissage des jeunes enfants et les services de garde à la petite enfance rapporteront des dividendes au fil du temps. Si nous faisons bien les choses, certaines de ces bonnes habitudes seront prises dès le bas âge : mouvement, exercice, activité physique, ces choses auront une bien plus grande incidence sur l'obésité que toute autre chose.
[Français]
Le sénateur Gill : Vous avez des responsabilités dans un domaine fondamental, important, le développement social au Canada. J'aimerais savoir quelle ligne de communication vous avez avec les Affaires indiennes et le ministère de la Santé qui, en fait, a la responsabilité de transiger avec les Premières nations. Est-ce que vous avez une ligne de communication ou quel genre de relations avez-vous? J'aimerais savoir quel impact vous pouvez avoir sur le développement social des Premières nations au pays.
[Traduction]
M. Dryden : Peu importe les lignes de communication que nous avons, elles devront être améliorées.
Nous devrons notamment agir dans le cadre des initiatives pour l'apprentissage des jeunes enfants et les services de garde à la petite enfance. Sur les 5 milliards de dollars promis sur cinq ans, 100 millions de dollars iront aux Premières nations. Nous sommes convaincus, comme l'est le ministre des Affaires indiennes et du Nord que l'éducation, l'apprentissage et le développement sont essentiels si nous voulons obtenir de meilleurs résultats. Cela concerne l'apprentissage et le développement.
Il y a 10 ans environ, j'ai écrit un livre sur les écoles. Je suis retourné en classe et j'ai assisté aux cours pendant toute une année pour observer les étudiants en salle de classe. On rencontre dans une salle de classe une diversité incroyable de gens. Nous nous habituons à ces différences; elles ne nous étonnent plus. Nous ne sursautons plus face aux différences. Les enfants et les jeunes à la veille de devenir adultes auront de meilleures chances de mieux réussir à l'âge adulte parce que le monde des adultes accepte beaucoup mieux les différences que ce n'était le cas dans le passé.
Toutefois, nous devons faire mieux dès les jeunes années pour que les adultes puissent saisir toutes les chances qui s'offrent de plus en plus à eux. Il ne faut pas laisser filer ces chances. Nous devons nous acquitter de notre responsabilité envers eux et le ministère des Affaires indiennes et du Nord doit aussi travailler avec nous. C'est indispensable si nous voulons élaborer de bons programmes d'apprentissage des jeunes enfants et de services de garde à la petite enfance pour les collectivités des Premières nations. Nous savons quels seront les résultats ou les conséquences de nos choix.
Le sénateur Gill : Quand vous parlez de différences, je suppose que vous avez aussi travaillé avec les enfants non autochtones pour les éduquer sur les différences qui existent entre les gens. J'imagine qu'il faut éduquer les deux groupes.
M. Dryden : C'est exact.
Le sénateur Gill : Avez-vous aussi établi la communication avec les Premières nations elles-mêmes?
M. Dryden : Oui.
Le sénateur Gill : Vous travaillez aussi avec les Premières nations?
M. Dryden : J'ai rencontré de nombreux dirigeants des Premières nations et je vais poursuivre mes efforts en ce sens. Nous nous sommes fait des promesses mutuelles et ils se sont engagés à m'amener dans leurs collectivités pour que je constate par moi-même quelle est la situation. Je leur ai dit : « Le moment est idéal; saisissons cette chance. Montrez- moi ce que vous voulez me montrer, ce que vous devez me montrer et nous en prendrons acte ».
Le sénateur Gill : Quand vous aurez le temps, faites-moi le savoir et je vous amènerai dans ma réserve.
Le sénateur Cordy : Merci, monsieur le ministre, d'avoir accepté de venir cet après-midi. Je crois que vous êtes dans le bon portefeuille puisque vous vous passionnez certainement pour le développement social et les enjeux sociaux. C'est merveilleux.
D'abord, j'aimerais vous parler des aînés. C'est merveilleux que nous ayons maintenant un secrétariat national pour les aînés. Je me réjouis aussi du rétablissement du programme Nouveaux horizons. Il y a de cela plusieurs années, j'ai voyagé dans tout le pays avec un groupe de travail sur les aînés. Fait intéressant, ce n'était pas des programmes très ambitieux qu'ils voulaient mais le programme Nouveaux horizons. Ils nous ont dit que c'était les petites choses qu'ils voulaient, les petits programmes de financement. Quand le programme a été démantelé, il ne restait plus que des programmes ambitieux auxquels ils n'avaient pas accès parce qu'ils ne pouvaient pas verser les fonds de contrepartie. Je vous félicite. Le programme est-il déjà opérationnel? Les gens peuvent-ils déjà demander des subventions ou du financement?
Quand nous avons voyagé dans tout le pays pour examiner les questions intéressant les aînés, on nous a dit que très souvent les aînés sont isolés, particulièrement dans les régions rurales, parce que dans tout le pays les jeunes quittent les régions rurales pour aller s'installer dans les centres urbains. Compte tenu de cet isolement et du fait que de nombreux aînés n'ont plus aucun membre de leur famille qui soit en mesure de leur parler de l'existence de programmes gouvernementaux auxquels ils seraient admissibles, comment votre ministère communique-t-il avec les aînés? Déjà, vous pouviez inclure cette information dans l'enveloppe des chèques de pension, ou autre chose du genre. Toutefois, maintenant de nombreux chèques de pension sont déposés directement dans leurs comptes bancaires. Comment communiquez-vous avec les aînés qui peuvent vivre dans l'isolement et ne pas connaître l'existence des divers programmes?
M. Dryden : Je vais demander à mes fonctionnaires de répondre à votre dernière question. Quant au programme, il est opérationnel, oui, et il prend de l'expansion. Au départ, il était doté d'un budget de huit millions de dollars pour la première année et de dix millions de dollars pour la deuxième. Le budget passera maintenant à 15 millions de dollars, 20 millions de dollars et 25 millions de dollars, annoncés dans le dernier budget, puis le budget se stabilisera à 25 millions de dollars.
Pour ce qui est des projets à petite et à grande échelle, je ne crois pas que nous soyons même prêts de faire ce que nous pourrions faire avec le programme Nouveaux horizons. Nous avons parlé des aînés et de leur raison de vivre, entre autres, et le programme Nouveaux horizons permet de financer des projets de faible envergure. Il existe pour financer des projets que la collectivité locale juge importants et des projets parrainés par des aînés. Ces projets sont importants non seulement pour les collectivités mais surtout pour les aînés qui y participent. Un projet devient un point de rassemblement. Il donne aux aînés une raison de sortir, de quitter la maison, d'aller rencontrer des gens, d'avoir des conversations avec d'autres et de susciter toutes sortes de chances imprévues qui n'existent pas pour ceux qui ne quittent pas la maison.
Que pouvons-nous faire pour favoriser ces rencontres enrichissantes? Chaque fois qu'augmentera le budget du programme Nouveaux horizons au fil des ans, les normes seront relevées ainsi que la portée des projets qui pourront être financés dans les collectivités locales. Les projets seront mieux connus et il nous incombera de dire : « Voici ce que d'autres collectivités ont fait et qui pourrait vous donner des idées. La première proposition que vous nous avez fait parvenir il y a trois mois n'est qu'un début, vos prochaines propositions pourraient être encore plus créatives ».
Dans le cas des jeunes, je me suis toujours dit que les clubs pour les garçons et les filles devaient leur succès non seulement aux activités qu'ils offraient mais surtout au fait que c'était un bon endroit où se retrouver entre amis. L'essentiel, je crois, c'est de trouver un endroit où les aînés prennent plaisir à se retrouver entre eux. Quand les aînés ont un endroit où se retrouver, alors nombre des autres activités et des autres bienfaits viennent tout seul et vont bien au-delà de ce qu'on pourrait financer ou encore faire soi-même.
Pour ce qui est de votre question sur l'information au sujet de divers programmes à laquelle les aînés ont accès, je vais demander à M. Bloom de vous répondre.
M. Mitch Bloom, directeur général, Direction générale des politiques et de la législation, Développement social Canada : Votre question tombe pile! Cette semaine, j'étais au comité consultatif du Secrétariat rural et j'ai rencontré des gens de tout le pays qui m'ont dit ce que nous devons faire. Comme le ministre l'a déjà dit, nous faisons nos premiers pas. Toutefois, il y a plusieurs idées qui méritent qu'on s'y attarde.
Le ministre précédent a parlé de Service Canada. Nous insistons beaucoup sur la capacité des deux ministères d'atteindre des gens très difficiles à joindre. Il est facile de diffuser ce genre d'information à quelqu'un qui a accès à l'Internet. Nous sommes certainement conscients du fait que de nombreux aînés n'ont pas aussi facilement accès à cette source d'information; je dois procéder avec prudence, cependant, car on me rappelle que les aînés deviennent tous les jours plus habiles à utiliser l'Internet mais nous ne devons pas oublier qu'un grand nombre d'entre eux, surtout dans les collectivités isolées, ont un accès limité à l'Internet. Nous allons poursuivre nos efforts pour rééquiper le réseau de services pour pouvoir être en mesure d'atteindre ceux qui ne peuvent pas venir à nous.
Un autre volet important est celui de l'action sociale. Nous avons un réseau national de gens qui se rendent dans toutes les collectivités pour tenter de joindre les aînés. Cela nous offre de merveilleuses possibilités de communiquer avec eux. Cette année, nous mettons l'accent sur ce réseau pour faire connaître l'augmentation du supplément de revenu garanti afin de nous assurer, dans la mesure du possible, que les aînés les plus vulnérables soient informés de cette augmentation. Voilà un autre volet de nos activités.
Les partenariats revêtent aussi une importance critique. Vous nous avez interrogés au sujet de nos relations avec les Premières nations; nous savons qu'il y a des problèmes à ce niveau-là. Les Autochtones vivent aussi dans des collectivités isolées. Nous travaillons avec l'APN et d'autres pour trouver des façons de diffuser l'information à toutes les organisations autochtones. Que ce soit par l'entremise de notre propre réseau ou d'autres intermédiaires, nous essayons de diffuser l'information et j'espère que cette relation avec le Secrétariat rural nous aidera à mieux répondre aux besoins des aînés.
M. Peter Hicks, sous-ministre adjoint, Politiques et Orientations stratégiques, Développement social Canada : Outre ce qu'a dit M. Bloom, j'aimerais rappeler que nous pouvons toujours utiliser les moyens traditionnels pour communiquer avec les aînés. Nous émettons 5 millions de chèques de pension et de chèques de sécurité de la vieillesse tous les ans. Nous utilisons encore dans une grande mesure les envois postaux pour diffuser de l'information. Je crois qu'il y a encore 6 millions de transactions qui se font tous les ans, ce qui nous permet de diffuser de l'information sur papier ou par téléphone.
S'il est vrai qu'il existe de nouveaux moyens d'atteindre les gens, nous continuons d'avoir énormément recours aux moyens traditionnels, à savoir le courrier, les dépliants, les brochures et le téléphone pendant la transition vers d'autres moyens de communication. Il se fait encore énormément de communications directes.
Le sénateur Cordy : J'aimerais poser une question sur les soins de garde d'enfants mais je la poserai plus tard s'il reste du temps.
Le sénateur Carstairs : Ma question porte aussi sur les soins de garde d'enfants alors je pourrais peut-être être utile.
Monsieur le ministre, nous avons parlé d'alphabétisation et d'obésité, ce qui est intéressant. D'ailleurs, nous pourrons obtenir de nettes améliorations si nous avons des soins de garde de qualité. Nous pouvons offrir une éducation en matière de nutrition dans le cadre d'un programme de garderie de qualité. Nous pouvons faire l'apprentissage des jeunes enfants et les préparer à entrer à la prématernelle, à la maternelle et à la première année aussi bien préparés que les autres enfants. Par ailleurs, nous pouvons éloigner ces enfants de la télévision parce qu'ils seront trop occupés à courir, à s'amuser et à apprendre à la garderie.
Ceci dit, comme je sais que vous êtes d'accord avec tout cela, à quand l'adhésion des cinq autres provinces et des trois territoires?
M. Dryden : C'est une très bonne question. Avant de tenter d'y répondre, je voudrais vous remercier d'avoir parrainé le projet de loi au Sénat et d'avoir veillé à ce qu'il progresse.
Nous sommes tout près de signer un accord avec deux provinces, et d'ailleurs, avec les autres aussi. Je ne pense pas qu'il y ait de problème fondamental avec une province ou territoire en particulier. Certes, il nous reste encore des points à régler, mais les choses progressent dans le bon sens.
Parallèlement à cela, c'est-à-dire pendant que les choses progressent, personne ne sera pénalisé. Pour la première année, le financement proviendra d'un fonds en fiducie et sera versé aux provinces et territoires, et ainsi, pendant que nous réglons tous les détails, personne n'accusera de retard. Cela dit, nous devons continuer de progresser.
Les parties prenantes et autres intéressés ont été agréablement surpris de constater, à mesure que nous avons publié les accords que tous ont signés, à quel point ceux-ci sont ambitieux. Elles s'attendaient à moins. Or, nous n'avons pas perdu de vue nos objectifs, et nous continuerons d'y travailler. Un des sujets dont nous entendons parler considérablement, c'est le défi des zones rurales. C'est un défi, et nous en sommes conscients. C'est pourquoi nous nous employons à trouver des solutions, et on peut trouver davantage de solutions quand on a à sa disposition, comme c'est le cas du Manitoba, 48 p. 100 de fonds de plus pour le développement de la petite enfance et des garderies qu'auparavant. La Saskatchewan en a 95 p. 100 de plus qu'auparavant, et le Nouveau-Brunswick, 130 p. 100 de plus. Ainsi, elles peuvent s'attaquer aux problèmes les plus difficiles.
Les fonds seront toujours limités, mais quand on n'en a pas suffisamment pour satisfaire ses besoins, il s'ensuit que quand on est aux prises avec des problèmes plus gérables et plus faciles à régler, mais aussi des problèmes plus difficiles et plus coûteux, à quoi doit-on consacrer cet argent? L'argent sera probablement consacré aux problèmes qui sont plus faciles à régler. Toutefois, si on peut avoir à sa disposition un peu plus d'argent, il y a de plus fortes probabilités que l'on s'attaque aux problèmes plus difficiles.
Jusqu'au 31 mars 2006, personne n'aura à payer de prix. Je suis assez confiant que nous parviendrons à signer des accords avec tout le monde avant cette échéance.
Le sénateur Carstairs : Ma deuxième question concerne les statistiques relatives à la pauvreté. Nous avons réalisé des avancées considérables au titre de la prestation pour enfants, c'est-à-dire la prestation fiscale. Or, nous continuons d'avoir trop d'enfants dans notre pays qui vivent en deçà du seuil de la pauvreté. Quel genre de discussions avez-vous avec vos collègues au Cabinet ces temps-ci pour améliorer un peu la situation?
M. Dryden : Au-delà des solutions qu'offre la Prestation nationale pour enfants, qui sera bonifiée de quelque 10 milliards de dollars d'ici 2007, et au-delà des 5 milliards de dollars sur cinq ans affectés aux garderies et de l'effet que cela pourrait avoir, une des choses que nous devons faire, et nous avons commencé à en discuter, c'est établir des cibles. Je pense que les cibles peuvent s'avérer utiles, pourvu que nous ayons une définition communément acceptée de la nature de ces cibles. Une des difficultés auxquelles nous nous heurtons dans des domaines comme la lutte contre la pauvreté, c'est qu'il y a de nombreuses définitions différentes. Nous utilisons tous la définition la plus opportuniste, c'est-à-dire celle qui convient le mieux à nos circonstances particulières à un moment donné.
Pour ma part, j'aimerais voir si nous pouvons parvenir à une compréhension et une définition communes. En partant d'une définition commune, essayons de voir s'il est possible d'établir certaines cibles. Autrement, le problème devient insaisissable — quoique tout le monde y travaille dans les limites de ses moyens dans des circonstances particulières, et donc, le problème n'est pas vraiment insaisissable.
La question qui nous préoccupe tous est de savoir s'il y a moyen de faire mieux dans un domaine où nous souhaitons faire mieux. À moins qu'il y ait un chemin qui s'impose à nous, il faut trouver d'autres chemins à emprunter en évitant de fausses pistes.
Le président : Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier et à remercier vos fonctionnaires d'être venus. Permettez-moi de faire une observation, je n'ai pas l'habitude de tenir des propos flatteurs à l'endroit des gens, mais je n'ai jamais connu un nouveau ministre qui ait démontré une compréhension si précise et vaste de la politique de son ministère telle que vous avez fait preuve aujourd'hui, depuis 30 ou 31 ans lorsque je suis arrivé à Ottawa pour la première fois. Je crois que ce fut absolument extraordinaire. Je tiens à vous féliciter, monsieur le ministre.
Mais également, permettez-moi de vous signaler le côté négatif — parce qu'il y a toujours un côté négatif. Vous avez persuadé les membres de ce comité de votre capacité à nous faire accepter les politiques que vous avez élaborées. Quand viendra le temps pour nous de formuler des recommandations précises à l'intention de votre ministère, nous espérons que vous connaîtrez autant de succès à les faire accepter par vos collègues du Cabinet. Vous avez clairement établi une norme, nous nous attendrons à ce même rendement. Merci d'être venu.
M. Dryden : Merci à tous.
La séance est levée.