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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

DE L’OMBRE À LA LUMIÈRE
La transformation des services concernant la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada


PARTIE IV
Recherche et technologie de l’information


CHAPITRE 11:
LA RECHERCHE, L’ÉTHIQUE ET LA VIE PRIVÉE

11.1       INTRODUCTION

Une bonne information est une condition préalable à de bonnes décisions…. C’est particulièrement vrai dans le cas des troubles mentaux qui, jusqu’à tout récemment, ont été nettement négligés en tant que questions de santé publique. — Organisation mondiale de la santé[492]

La recherche est cruciale pour développer l’information de qualité nécessaire pour la planification et la prestation efficaces du spectrum complet des services de santé mentale. La recherche est nécessaire :

§         pour accroître la reconnaissance et la compréhension de la maladie mentale,

§         pour démontrer de quelle façon on peut effectuer au mieux la prévention de la maladie mentale,

§         pour fournir l’assise de stratégies d’intervention précoce dans le domaine de la maladie mentale afin de réduire la gravité de la maladie et d’aboutir à un rétablissement plus rapide,

§         pour élaborer des traitements plus efficaces; et

§         pour donner lieu à des interventions meilleures et plus rentables grâce au recours à la technologie.

Des progrès considérables ont été marqués dans tous ces domaines au cours des dernières années. La recherche menée au Canada a largement contribué, à l’échelle tant nationale qu’internationale non seulement à approfondir les connaissances sur le fonctionnement du cerveau mais aussi à mettre au point de nouveaux médicaments et de meilleures stratégies de traitement des troubles mentaux. Les personnes atteintes de maladie mentale peuvent dorénavant choisir dans un éventail beaucoup plus large d’options de traitement.

En conséquence, il est extrêmement important que le Canada consacre les ressources nécessaires à une recherche efficace, diffuse les résultats de la recherche, traduise ces résultats dans la pratique clinique, élabore un programme national de recherche et recueille les données nécessaires pour suivre la santé mentale au Canada. Les personnes ayant une maladie mentale sont particulièrement vulnérables et devraient être traitées avec un soin particulier lorsqu’elles sont des sujets de recherche. Le présent chapitre abordera successivement chacune de ces questions.

11.2      LES SOURCES DE FINANCEMENT POUR LA RECHERCHE EN SANTÉ MENTALE AU CANADA

11.2.1    Le rôle fondamental des Instituts de recherche en santé du Canada

Au Canada, la plupart des recherches sur la santé mentale et les toxicomanies sont effectuées par des chercheurs dans des universités et des hôpitaux universitaires, même si elles sont de plus en plus réalisées en collaboration avec des collègues en dehors du milieu universitaire. Le gouvernement fédéral, par le biais des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), est le principal commanditaire de ces recherches. Les IRSC ont été créés en 2000 à partir de l’ancien Conseil de recherches médicales dans le cadre de l’engagement du gouvernement fédéral de faire du Canada l’une des cinq premières nations en matière de recherche dans le monde.

Les IRSC ont divisé l’éventail des recherches en santé en 13 secteurs, chacun représenté par un institut. Ces instituts sont des réseaux stratégiques qui recoupent les disciplines et franchissent les frontières géographiques. L’un d’entre eux, l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT), est devenu la plaque tournante des recherches sur la santé mentale, les maladies mentales et les toxicomanies au Canada. Il dispose d’un mandat très large : appuyer les recherches sur le cerveau, l’esprit, la moelle épinière, les systèmes sensoriels et moteurs, ainsi que la santé mentale, la maladie mentale et toutes les formes de toxicomanies. L’INSMT collabore également avec les ministères et organismes fédéraux et provinciaux et avec des organisations non gouvernementales pour élaborer et mettre en œuvre des stratégies de recherche et de formation de chercheurs.

Comme dans le cas des recherches générales sur la santé financées par les IRSC, les recherches sur la santé mentale, la maladie mentale et les toxicomanies englobent tout le spectre d’études allant de services biomédicaux à des services cliniques et sanitaires en passant par des recherches sur la santé de la population. La plupart des témoins ont accueilli avec plaisir l’inclusion des recherches sur la santé de la population et des recherches sur les services de santé dans le mandat des IRSC, domaines d’enquête qui avaient été exclus de la recherche biomédicale qui était le point de mire du Conseil de recherches médicales.

Les recherches sur la santé de la population et les recherches sur les services de santé demeurent relativement faibles dans les domaines de la santé mentale, de la maladie mentale et des toxicomanies. Le Dr Shitij Kapur et le Dr Franco Vaccarino, du Centre de toxicomanie et de santé mentale, ont parlé aux membres du Comité de l’importance de remédier à cette situation étant donné les effets des déterminants plus vastes de la santé sur la maladie mentale et la toxicomanie.[493]

En ce qui concerne la recherche sur les services de santé, un examen de la documentation préparé pour Santé Canada en 1997 a laissé entendre qu’il y a encore beaucoup de choses à apprendre au Canada sur les meilleures pratiques en vue de dispenser des soins et d’apporter un soutien aux personnes atteintes de maladies mentales et de toxicomanies, que ce soit en matière de soins aux malades hospitalisés, de soins en clinique externe, d’interventions d’urgence, de logement, d’emploi ou d’autonomie. Même dans les domaines où nous possédons le plus de données portant sur leur efficacité, on note un besoin pressant d’approfondir les éléments qui fonctionnent le mieux auprès d’un certain groupe de la population.[494]

Un article de l’Organisation mondiale de la santé appuie cette constatation, en suggérant qu’il existe de nombreuses lacunes dans la recherche sur la santé mentale.[495] Selon l’OMS,

§         il y a eu très peu d’études de suivi à long terme sur l’efficacité;

§         les recherches sur le lien entre la santé mentale d’une population et les politiques sociales et économiques publiques font défaut;

§         la base d’éléments probants pour certains programmes et stratégies de santé mentale est limitée; et

§         les données sur les coûts et avantages relatifs des interventions en santé mentale sont rares.

Le Dr Rémi Quirion, directeur scientifique de l’INSMT, a déclaré au Comité :

Il nous manque beaucoup d'informations précises au pays, en termes d'incidence, de prévalence, de traitements, de qualité de traitement, de transfert de connaissances.[496]

Il est primordial d’effectuer davantage de recherches approfondies pour générer les résultats nécessaires en vue d’orienter les décisions concernant les destinataires et le lieu du traitement, les traitements à fournir et la façon de donner une assurance que les soins dispensés sont appropriés aux besoins particuliers des personnes ayant une maladie mentale et/ou une toxicomanie.

Le Comité reconnaît le rôle du gouvernement fédéral dans la création des IRSC et sa décision de créer l’INSMT, ainsi que les contributions du Dr Rémi Quirion, directeur scientifique de l’INSMT. Des progrès considérables ont été réalisés dans la promotion et la réalisation de recherches sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Néanmoins, les membres du Comité partagent les inquiétudes de l’INSMT à l’effet que d’importantes lacunes subsistent dans notre compréhension de la santé mentale et de la toxicomanie, lacunes qui ne peuvent être comblées que par l’augmentation des recherches.

À l’heure actuelle, l’INSMT est engagé dans un exercice d’établissement des priorités, en demandant les commentaires des intervenants pour élaborer son deuxième plan quinquennal. Aux yeux des membres du Comité, ce processus est encourageant. Les membres du Comité tiennent à faire remarquer qu’ils recommandent au Chapitre 10 du présent rapport que les IRSC élaborent un courant de financement centré sur la recherche portant sur l’autonomie et le soutien des pairs, domaines de traitement et de rétablissement relativement nouveaux et prometteurs.

11.2.2   Le financement fédéral de la recherche sur la santé mentale

Les IRSC sont le principal commanditaire public de la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie au Canada. En 2004‑2005, ils ont affecté au total 53,7 millions $ à la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie de leur budget global d’environ 700 millions $.[497] Les IRSC ont dépensé 98 millions $ de plus pour la recherche sur les neurosciences fondamentales, ainsi que sur tous les aspects de la recherche clinique, sur les services de santé et sur la population en rapport avec les maladies et les troubles neurologiques des sens.

Environ 60 p. 100 de ces fonds ont été attribués par le biais de l’INSMT; le reste ayant été affecté par l’intermédiaire d’autres instituts comme les Instituts sur la santé des autochtones, la santé des femmes et des hommes, les services et les politiques de la santé, la santé publique et des populations et la génétique. Comme dans le cas de toutes les ressources des IRSC, ces fonds ont été attribués en réponse à des demandes qui ont été financées sur la base du mérite scientifique tel qu’évalué par le processus international d’examen par les pairs des IRSC. Environ 30 p. 100 de ces fonds ont été attribués par suite d’initiatives stratégiques des IRSC.[498]

En plus des IRSC, deux autres sources de financement fédéral pour la recherche sur la santé mentale sont le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG). Le CRSH appuie la recherche dans le vaste domaine de la psychologie sociale et le CRSNG finance des projets ayant trait aux processus psychologiques fondamentaux, à leurs mécanismes neuronaux sous‑jacents, à leur développement au sein des individus et à leur contexte évolutif et écologique. Ni le CRSH, ni le CRSNG ne fournissent des fonds importants pour la recherche sur la santé mentale. Ensemble, ils ont versé environ 6 millions $ à la recherche sur la santé mentale en 2002‑2003.[499]

D’autres sources fédérales de fonds pour la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie peuvent inclure Statistique Canada, la Stratégie canadienne anti‑drogues (qui finance le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies), Santé Canada, le Service correctionnel Canada (Centre de recherche en toxicomanie) et la Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé. Le Comité n’a pas obtenu de renseignements sur les niveaux de financement fourni par ces sources.

Nous reviendrons plus loin sur la question de savoir si oui ou non le niveau de financement du gouvernement fédéral est adéquat après avoir examiné la disponibilité de fonds pour la recherche sur la santé mentale provenant d’autres sources.

11.2.3   Autres sources de financement pour la recherche sur la santé mentale

Les découvertes pharmaceutiques constituent un produit important de la recherche sur les maladies mentales, parce que les médicaments sont un élément essentiel des options de traitement des personnes atteintes d’une maladie mentale. De fait, l’industrie pharmaceutique est la plus importante source individuelle de financement pour la recherche sur la santé au Canada. En 2004, elle a investi 1,6 milliard $ en recherche et développement sur la santé, soit environ 27 p. 100 du total consacré à la recherche sur la santé au pays.[500] On ne sait pas au juste quelle part de ce financement de la recherche par l’industrie pharmaceutique au Canada va à la santé mentale et à la toxicomanie, mais on pense que c’est une somme considérable. En raison de la forte présence de l’industrie privée dans ce domaine, le gouvernement fédéral n’est pas un commanditaire important de la recherche sur les thérapies pharmaceutiques pour la maladie mentale. Cependant, reconnaissant l’importance de fournir une aide aux chercheurs pour mettre les découvertes en pratique, les IRSC offrent effectivement des fonds pour les activités de commercialisation.

Dans la plupart des provinces, les organes gouvernementaux octroient des fonds pour appuyer la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie (par ex. le Fonds de la recherche en santé du Québec, la Fondation ontarienne de la santé mentale, le Conseil manitobain de la recherche en matière de santé, le Centre de toxicomanie et de santé mentale (Toronto), etc.). Ces organismes fournissent environ 10 millions $ par an, contribution importante à la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie, mais nettement inférieure au financement des Instituts de recherche en santé du Canada.

En outre, de nombreux organismes bénévoles de santé (OBS), comme des œuvres de bienfaisance et des fondations, peuvent répondre efficacement aux besoins de soutien de différents groupes de personnes vivant avec une maladie mentale ou une toxicomanie. Cependant, ces OBS sont rarement en mesure de trouver des fonds suffisants pour commanditer des recherches sur les troubles spécifiques qu’ils ciblent.

De plus, il existe seulement deux organismes nationaux sans but lucratif ayant pour mandats spécifiques de recueillir de l’argent pour financer la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie : la Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie (environ 1,1 million $ par an) et NeuroScience Canada (160 000 $ pour la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie en 2004).[501]

D’autres OBS recueillent des fonds presque exclusivement pour le soutien et le traitement des patients. Parmi eux, la Société canadienne de schizophrénie a financé au total 11 bourses de recherche depuis 1994 grâce aux produits du fonds de dotation en capital de 1,5 million $ constitué par le don du défunt Dr Michael Smith de la moitié de sa récompense pour le prix Nobel 1993.[502]

La Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie (FCRP) a déclaré devant le Comité que le stigmate associé à la maladie mentale et à la toxicomanie dresse des obstacles importants en vue d’attirer une publicité convenable, d’obtenir des commandites corporatives et de recueillir des fonds pour le soutien de la recherche. Cette expérience contraste avec celle des autres groupes de maladies, comme le cancer et les maladies cardiovasculaires, pour lesquels les organismes respectifs de bienfaisance dans le domaine de la santé sont forts et réussissent à trouver des bailleurs de fonds et des partisans pour la recherche :

La Fondation relève un défi de taille en voulant sensibiliser la population au problème des maladies mentales et recueillir des fonds de recherche pour trouver les causes de diverses maladies mentales, leurs traitements et finalement, leurs remèdes. Malheureusement, le caractère honteux de la maladie mentale persiste. Par conséquent, des millions de personnes souffrent en silence d’un désespoir inimaginable, craignant que la révélation de leur maladie n’entraîne des conséquences néfastes sur le plan personnel. Dans ces conditions, on ne prend guère conscience des maladies mentales, on les comprend mal, les mécanismes de soutien sont peu nombreux, les fausses conceptions sont répandues et le financement essentiel à la recherche est dangereusement bas.[503]

Étant donné la difficulté rencontrée par les OBS pour recueillir des fonds, le Comité recommande :

 

 

53

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) collabore avec des organismes de santé non gouvernementaux pour développer et renforcer leur capacité de financement afin de recueillir davantage de fonds pour la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie.

 

Le gouvernement fédéral pourrait accroître le montant des fonds disponibles pour établir des partenariats stratégiques avec les secteurs privé et sans but lucratif. Patrick McGrath, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur la douleur chez l’enfant, a déclaré au Comité :

Je pense qu'il faudrait aider les IRSC [pour obtenir plus d’argent pour la recherche sur la santé mentale] à se trouver des partenaires, par exemple, pour augmenter l'enveloppe budgétaire. Il n'y a pas assez d'argent pour la recherche en santé au Canada. Même si la situation s'est beaucoup améliorée, nous sommes toujours parmi les trois pays du G8 les moins généreux à ce titre. Ce n'est pas que les IRSC ont beaucoup d'argent et qu'ils n'auraient qu'à cibler ce champ de recherche. Bien entendu, il serait bon que les IRSC réservent des fonds, mais je pense qu'il serait encore plus utile de collaborer avec les IRSC et de faire augmenter l'enveloppe budgétaire.[504]

De fait, le principal organisme sans but lucratif qui finance la recherche sur la santé mentale, la Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie, a déclaré devant le Comité qu’elle souhaite établir davantage de partenariats avec les IRSC. Le Comité est d’avis qu’on pourrait dire la même chose du secteur privé. Même si les IRSC se lancent déjà dans des activités de partenariat, elles pourraient être augmentées. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

54

Que les Instituts de recherche en santé du Canada cherchent activement d’autres possibilités de partenariats en recherche sur la santé mentale et la toxicomanie avec les secteurs privé et sans but lucratif.

 

En plus de financer la recherche, les organismes bénévoles peuvent également jouer un rôle consultatif important en matière de recherche sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie au Canada. Le Dr Quirion a déclaré au Comité que, dès la création de l’INSMT, il a recherché et favorisé la collaboration avec 60 organismes bénévoles et sans but lucratif. Ces groupes ont participé à la rédaction du plan stratégique de l’Institut et à l’élaboration d’une stratégie permettant d’aller chercher plus de financement.[505]

Des personnes ayant une maladie mentale, des membres de leur famille et des représentants d’OBS ont fait part au Comité de leur désir de prendre part au processus de recherche. Ils sont bien placés pour lutter contre le manque de compréhension persistant et la stigmatisation associés à la maladie mentale mais se sentent déconnectés du milieu de la recherche. Ainsi, ils pourraient participer, le cas échéant, à la formulation de questions de recherche et leurs représentants pourraient siéger aux comités d’examen. Cela permettrait aux chercheurs d’être mieux à même de faire les recherches les plus urgentes en santé mentale et en toxicomanie. Élément important, leur participation renforcerait l’aspect humain de la science et serait là pour leur rappeler la nécessité d’une application pratique des bienfaits de la recherche.[506] Le Comité recommande donc :

 

 

55

Que les Instituts de recherche en santé du Canada officialisent l’implication des organismes non gouvernementaux de santé, des personnes ayant une maladie mentale et des membres de leur famille dans l’établissement des priorités de recherche sur la santé mentale et au niveau de la participation aux comités d’examen par les pairs.

 

11.2.4   Un financement ciblé est nécessaire

(…) le financement actuel de la recherche en MTT est insuffisant au Canada. En termes relatifs comme absolus, cette recherche est sous-financée. Si on ajoute à ce sous-financement systémique l’impact de l’ostracisme, les limites des levées de fonds publiques des ONG dans ce domaine ainsi que le manque d’incitatifs commerciaux pour beaucoup de ces activités, le sous-financement devient encore plus criant. Comme ces contraintes sont difficiles à infléchir, il est d’autant plus essentiel que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership en garantissant un financement juste à la recherche sur la MMT. - DShitij Kapur et Dr Franco Vaccarino

La prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie est élevée au Canada et le fardeau économique est énorme. Une étude portant sur le fardeau global de la maladie mentale estime qu’elle représente 15,4 p. 100 du fardeau des maladies dans les économies de marché établies, dépassé seulement par les maladies cardiovasculaires (à 18 p. 100);[507] il y a presque autant de personnes qui luttent contre la dépression que celles qui ont des maladies cardiovasculaires. Le fardeau total direct et indirect de la maladie mentale pour l’économie canadienne a été estimé à 14,4 milliards $ en 1998.[508]

De nombreux témoins ont affirmé avec raison que l’énorme fardeau de la maladie mentale et de la toxicomanie sur la société devrait se traduire directement au niveau du financement accordé à la recherche sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Cependant, plusieurs témoins ont déclaré au Comité qu’en appliquant ce principe, le pourcentage des sommes investies dans la recherche sur la santé qui est affecté à la santé mentale, à la maladie mentale et à la toxicomanie est malheureusement inadéquat. Le Dr Quirion, directeur scientifique de l’INSMT, a déclaré devant le Comité :

Nous sommes d'accord qu'il n'y a pas suffisamment d'investissement pour la recherche en santé mentale au Canada, comparativement aux coûts socio-économiques qui sont associés à ces maladies… Si nous considérons ce que nous appelons le fardeau de la maladie, le coût qu'il représente pour la société et l'incidence des maladies mentales, le Canada, par l'intermédiaire des Instituts canadiens de recherche en santé, doit investir davantage dans la recherche en santé mentale.[509]

Le Comité est d’avis que la recherche dans ces domaines est extrêmement importante et qu’elle peut aboutir à des améliorations considérables dans la vie des gens atteints de maladie mentale et de toxicomanie au Canada. Cependant, pour réaliser des progrès il faut accorder un niveau adéquat de financement. Le Comité s’inquiète que des ressources adéquates ne sont pas accordées spécifiquement à la recherche concernant la maladie mentale et la toxicomanie, en particulier en raison de leur fardeau économique et social sur la société canadienne.

Pour résumer, les IRSC constituent la principale source de fonds disponibles au Canada pour la recherche sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie. Les fonds privés sont surtout consacrés aux innovations pharmaceutiques et les organismes provinciaux ne sont pas bien financés. En outre, en raison de la stigmatisation associée à la maladie mentale et à la toxicomanie, la capacité des organisations non gouvernementales de recueillir des fonds pour financer la recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie est nettement inférieure à celle des autres principaux domaines de la santé, comme les maladies du cœur, le cancer, le diabète et l’arthrite. Le Comité est donc fortement d’avis que le gouvernement fédéral, par le biais des IRSC, doit accorder à la recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie une priorité supérieure à celle dont elle jouit à l’heure actuelle.

Le Comité appuie fermement les travaux réalisés par les IRSC dans leur ensemble, et par l’INSMT en particulier. Même si le Comité pourrait demander aux IRSC de réaffecter des ressources à l’interne, cela signifierait prélever des ressources d’autres secteurs importants de la santé et priver potentiellement de fonds nécessaires des milieux de recherche naissants. Le Comité est plutôt d’avis qu’il faudrait accorder des fonds supplémentaires croissants aux IRSC dans le but de financer davantage de recherches sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.

L’INSMT a un mandat très large et dessert un très vaste milieu de la recherche. Le Comité s’inquiète qu’en augmentant simplement les fonds accordés à l’INSMT, on pourrait engager davantage de fonds pour appuyer la recherche dans des domaines comme les neurosciences au lieu de les consacrer à la recherche sur les domaines beaucoup moins bien financés, comme les facteurs psychologiques et sociaux associés à la maladie mentale et à la toxicomanie, qui en ont bien besoin. Le Comité est donc d’avis qu’il faudrait attribuer des sommes supplémentaires dans un fonds spécialisé, selon la même démarche que le financement de la recherche sur le VIH/sida que le gouvernement fédéral octroie déjà aux IRSC.

En outre, tel que mentionné précédemment, les domaines de la recherche clinique, de la recherche sur la santé de la population et de la recherche sur les services de santé demeurent faibles dans les secteurs de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. Il est crucial que des efforts soient déployés pour combler les lacunes importantes au niveau de notre compréhension de ces domaines, même si on doit commencer en remontant dans le processus de recherche jusqu’au recrutement et à la formation de chercheurs de haut calibre. Un autre facteur à ne pas oublier, tel que mentionné dans la section précédente du présent rapport, est l’importance d’impliquer les intervenants dans le processus décisionnel d’établissement des priorités de la recherche. Le Comité recommande donc :

 

 

56

Que le gouvernement du Canada engage 25 millions de dollars par an pour la recherche sur les aspects de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie touchant les essais cliniques, les services de santé et la santé de la population.

Que ces fonds soient administrés par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), par le biais de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies sous l’autorité d’un conseil multilatéral et en consultation avec la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16).

Que ces 25 millions de dollars s’ajoutent au financement actuellement fourni aux IRSC.

 

Le budget total des IRSC affectera également les fonds mis à la disposition de secteurs spécifiques, dont la santé mentale et la toxicomanie. Dans son rapport de 2002 sur l’état du système de soins de santé au Canada, le Comité avait demandé une augmentation de la contribution annuelle du gouvernement fédéral à la recherche sur la santé de 1 p. 100 des dépenses totales consacrées aux soins de santé.[510] Pour atteindre cet objectif cette année, il faudrait ajouter 700 millions $ au budget annuel des IRSC actuellement à 1,3 milliard $.

Même si le Comité est encouragé par les hausses importantes du financement fédéral accordé aux IRSC au début de son existence, ce soutien est essentiellement demeuré au plateau de 0,5 p. 100 du total des dépenses de santé au cours des dernières années. Le Comité réitère son appui ferme en vue d’atteindre l’objectif de 1 p. 100 et recommande :

 

 

57

Que le gouvernement du Canada, dans un laps de temps raisonnable, augmente son financement de la recherche en santé de façon à atteindre le niveau de 1 % des dépenses totales consacrées aux soins de santé.

 

Un certain nombre de mémoires présentés au Comité ont également souligné l’importance de la capacité, et certains témoins ont insisté sur le fait que des effectifs insuffisants de médecins participent à la recherche sur la santé mentale et la toxicomanie et qu’une lacune majeure demeure le fait que trop peu de cliniciens‑chercheurs sont formés pour effectuer des essais cliniques capitaux. Le Dr Quirion a déclaré devant le Comité :

Nous espérons pouvoir convaincre le CIHR [les IRSC] de réserver une partie de l'enveloppe budgétaire pour la formation, et la recherche clinique de spécialistes de la santé mentale et de la maladie mentale.[511]

Cela ne signifie pas simplement d’intéresser de jeunes chercheurs à la santé mentale mais également de s’assurer que des praticiens cliniciens auront aussi des occasions de faire des recherches. Le Comité partage ces inquiétudes et estime qu’il faudrait consacrer des fonds supplémentaires au recrutement, à l’éducation et à la formation d’un plus grand nombre de chercheurs et de cliniciens‑chercheurs afin d’accroître la capacité du Canada en vue d’effectuer des recherches de première classe en santé mentale et en toxicomanie. L’une des priorités du plan stratégique de l’INSMT pour 2001‑2005 est la création d’un plus grand nombre de débouchés de formation pour les cliniciens‑chercheurs. L’INSMT a déjà mené à bien un certain nombre d’activités dans ce domaine, comme son programme Cerveaux en tête. Cependant, le Comité estime que l’on pourrait et devrait en faire davantage. Le Comité recommande donc :

 

 

58

Que les Instituts de recherche en santé du Canada, par l’intermédiaire de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, augmentent les fonds disponibles dans le but précis de recruter et former des chercheurs et d’effectuer des recherches cliniques sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.

11.3      DIFFUSION DES RÉSULTATS DE RECHERCHE

Une importante préoccupation des chercheurs en santé mentale, maladie mentale et toxicomanie réside dans le fait qu’il n’y a actuellement pas de base de données centrale pour toutes les sources de financement. Il n’y a pas non plus de source d’information autorisée sur le sujet des enquêtes. La Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie a fait remarquer qu’il n’y avait aucune coordination entre les organismes de financement de la recherche et aucune responsabilité centrale pour la collecte des données. En conséquence, les chercheurs éprouvent des difficultés à se frayer un chemin non seulement vers les organismes gouvernementaux subventionnaires mais également vers les sources de financement du secteur privé et du secteur sans but lucratif. La mise sur pied d’une base de données centrale contribuerait non seulement à éviter la duplication et les chevauchements, mais elle faciliterait la communication entre les chercheurs. Elle aiderait également les personnes atteintes de maladie mentale, leurs familles et les organismes bénévoles de santé à connaître les recherches en cours.

Les chercheurs ne sont peut‑être pas au courant des recherches effectuées dans d’autres domaines de spécialisation qui peuvent influer sur leurs travaux, surtout étant donné que les problèmes de maladie mentale et de toxicomanie recoupent un large éventail de disciplines. La fourniture de tels renseignements pourrait encourager la collaboration, améliorer la productivité et minimiser l’impact négatif de la concurrence entre les universités et les hôpitaux. La Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie a recommandé d’établir une base de données centrale concernant les organismes subventionnaires, y compris les organisations non gouvernementales, un répertoire des sujets étudiés et des lieux de recherche, et un site pour présenter un résumé des résultats de recherche.[512]

Le Royaume‑Uni a adopté une approche novatrice pour garantir une meilleure coordination entre les chercheurs en santé mentale. En janvier 2003, le Royaume‑Uni a créé le Mental Health Research Network, qui est destiné à fournir une infrastructure pour la recherche en santé mentale.[513]Il agit comme un centre d’information et de référence, en reliant les usagers du service et les dispensateurs de soins avec les chercheurs et les professionnels de la santé mentale. Il abrite des projets de recherche à grande échelle en santé mentale qui exigent des centres multiples et effectue la majorité du travail de gouvernance et des tâches financières et administratives au nom des chercheurs. Le Réseau implique actuellement sept carrefours de recherche qui représentent différentes bases géographiques et culturelles. Les carrefours réunissent des universitaires, des cliniciens et les intervenants de la santé et des soins sociaux.

Le Réseau a été créé parce que les petites études localisées ne permettaient souvent pas aux chercheurs de tirer des conclusions générales valides. En outre, la mauvaise intégration des ressources, de l’expérience et de l’expertise limitait la capacité de certains chercheurs en santé mentale en vue d’obtenir l’appui d’importants organismes de financement. Cela faisait en sorte que les recherches n’arrivaient pas à alimenter la politique publique et manquaient de cohérence, de pertinence et de crédibilité auprès des usagers et des professionnels.

La mise sur pied d’un réseau semblable au Canada demanderait beaucoup de temps et d’efforts et devrait être adaptée aux circonstances canadiennes. Néanmoins, cela devrait demeurer un objectif à long terme.

Entre‑temps, il serait peut‑être possible d’en adopter certains éléments. En particulier, il faudrait prendre des mesures pour s’assurer que l’information concernant les possibilités de financement de la recherche soit communiquée clairement aux chercheurs, pour faciliter la coordination interdisciplinaire et la collaboration dans le milieu de la recherche et pour diffuser largement les résultats de recherche aux dispensateurs de soins de santé, aux personnes atteintes de maladie mentale et aux décideurs.

L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies s’efforce actuellement de favoriser l’échange de renseignements et de connaissances entre les chercheurs, mais pas de façon systématique. Les membres du Comité sont d’avis que le travail de diffusion serait accompli au mieux par un organisme capable de jeter des ponts entre les divers paliers de gouvernement, les organisations non gouvernementales et les établissements de recherche. Le Comité recommande donc :

 

 

59

Que le Centre d’échange des connaissances créé par la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) comprenne, entre autres choses, une base de données sur Internet d’organismes et de possibilités de financement de la recherche, dans laquelle seraient indiqués les sujets et les lieux des recherche et, sous forme résumée, les résultats de recherche de tous les ordres de gouvernement, des universités et des organisations non gouvernementales.

Que le Centre d’échange des connaissances contribue également à la mise en commun des renseignements en organisant des conférences, des ateliers et des sessions de formation sur la recherche en santé mentale.

11.4      APPLICATION DES CONNAISSANCES

L’application des connaissances consiste à transformer les connaissances obtenues par la recherche en services et en produits plus efficaces et, par exemple, en un système plus solide et plus efficace de santé mentale. Elle implique davantage que la diffusion de l’information entre les chercheurs; l’application des connaissances implique d’établir un lien entre la recherche fondamentale et la pratique clinique. Le Dr Ashok Malla, chef de la recherche à l’Hôpital Douglas (Montréal), a déclaré devant le Comité :

Nous devons définir l'axe à suivre pour transférer les connaissances en dispensant une formation appropriée. Par exemple, il nous faut effectuer des études dans le domaine de l'intervention précoce, études auxquelles devra prendre part le secteur des soins primaires afin que nous puissions enseigner à ces gens-là comment reconnaître très tôt la maladie mentale et voir si nous pouvons ensuite transférer cette connaissance de façon générale.[514]

Et Mme Downey, directrice générale de l’Organisation nationale de la santé autochtone, a souligné la nécessité d’adapter l’application des connaissances sur un plan culturel :

Le lien qui existe entre l'application des connaissances et la nécessité d'une prestation culturellement adaptée de services et de soutien est reconnu par de nombreuses communautés. Nous savons que les modes de prestation des soins de santé que l'on retrouve dans la société en général répondent à certains besoins mais pas à tous les besoins des peuples autochtones. Nous savons que les initiatives des 25 ou 30 dernières années destinées aux communautés autochtones n'ont pas produit les résultats escomptés. Nous savons en outre que certaines des données sur la santé des Autochtones sont plus navrantes que jamais auparavant…. Il est nécessaire de mener directement auprès des communautés des recherches sur l'application des connaissances afin de mesurer l'incidence de la qualité des services de soins de santé ainsi que les effets de la disponibilité et de l'utilisation de techniques de recherche de pointe pour la programmation communautaire.[515]

Sans une application effective des connaissances, les traitements inefficaces préjudiciables se poursuivent, alors que des traitements efficaces fondés sur des preuves ne peuvent pas être adoptés par les décideurs et les prestataires de services de santé mentale.

Le transfert d’une nouvelle idée ou d’une découverte vers la pratique acceptée comporte trois phases distinctes. La première est la découverte fondamentale qui identifie, par exemple, une nouvelle association génétique, une nouvelle méthode de dispenser des soins, une nouvelle façon d’engager les patients dans la thérapie ou une nouvelle idée pour utiliser un traitement établi. La deuxième phase est la validation du principe, la phase d’essais cliniques, qui implique d’appliquer cette découverte à des soins et de démontrer qu’elle fonctionne dans un cadre contrôlé. La troisième phase, celle de dissémination et d’application, implique d’incorporer la nouvelle pratique dans le continuum préexistant des soins et dans le milieu.[516]

Eric Latimer, économiste de la santé à l’Hôpital Douglas, a déclaré devant le Comité que la recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie a connu de nombreux succès au niveau des découvertes, étant donné le financement et le nombre de chercheurs impliqués, mais que la diffusion et l’application des découvertes demeurent d’importants défis qui ne seront relevés que grâce à des investissements supérieurs.[517]

L’application des connaissances constitue un volet important du mandat des IRSC. L’un de leurs objectifs, tel que mentionné dans la législation qui les crée, vise à exceller «dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d’améliorer la santé de la population canadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé au Canada, et ce par l’incitation à la diffusion des connaissances et à l’application des résultats de la recherche dans le domaine de la santé en vue d’améliorer la santé de la population canadienne».[518] L’application des connaissances est aussi l’une des trois priorités des IRSC, telles qu’énoncées dans leur Rapport sur les plans et priorités 2005‑2006.

L’une des priorités stratégiques de l’INSMT consiste à promouvoir les liens et les échanges, par le biais de programmes structurés d’application des connaissances, entre le milieu de la recherche et les paliers municipaux, provinciaux et nationaux de décideurs, ainsi que les usagers des résultats de recherche, incluant les OBS.

Des témoins ont convenu que cet objectif nécessaire et louable ne pourrait pas être atteint avec les niveaux actuels de financement. Durant son témoignage, le professeur Tousignant, du Centre de recherche et intervention sur le suicide et l’euthanasie, a suggéré que les budgets de recherche devraient contenir une part réservée à la «vulgarisation scientifique».[519] Beaucoup d’autres ont déclaré au Comité que l’application des connaissances n’est pas bien faite dans la recherche en santé mentale et en toxicomanie.

Le Comité est d’avis que l’application des connaissances est d’une importance capitale pour s’assurer que les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie aient accès aux traitements les plus efficaces identifiés par la recherche. Par conséquent, le Comité recommande :

 

 

60

Que les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), par le biais de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, accroissent considérablement leurs efforts en matière d’application des connaissances touchant la recherche sur la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.

Que les IRSC collaborent étroitement avec le Centre d’échange des connaissances proposé, afin de faciliter l’échange des connaissances entre les décideurs, les dispensateurs de soins et les groupes de consommateurs.

11.5      UN PROGRAMME NATIONAL DE RECHERCHE

La santé mentale et la maladie mentale sont de la plus haute importance, et le programme national devrait inclure la recherche de pointe. ― Rémi Quirion[520]

Le Comité a constaté que, dans le domaine de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie, il n’y a pas de politique ou de stratégie cohérente en vigueur pour produire une réponse cohérente et coordonnée aux questions pertinentes complexes. Habituellement, les troubles mentaux constituent des maladies complexes et chroniques ayant un large impact sur la société. Leurs déterminants recoupent de nombreux secteurs et leur gestion implique de nombreux et différents professionnels de la santé.

Des témoins ont souligné la nécessité de mieux coordonner les efforts actuellement déployés par les gouvernements fédéral et provinciaux, de concert avec les organisations non gouvernementales et l’industrie pharmaceutique, pour relever les nombreux défis posés par la maladie mentale et la toxicomanie. Dans leur document destiné au Comité, le Dr Kapur et le Dr Vaccarino ont déclaré :

(…) les problèmes de la maladie mentale et de la toxicomanie résistent aux solutions simples. Ces maladies ont de multiples déterminants, d’ordre biologique, psychologique et social, et une réponse acceptable exige la coordination de multiples secteurs. À l’heure actuelle, la recherche dans ces domaines est bien intentionnée mais dépourvue de coordination. Nous réclamons vigoureusement une politique ou un cadre directeur national pour jeter les bases d’un effort coordonné en recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie.[521]

Les témoins qui ont abordé les questions relatives à la recherche dans le domaine de la santé mentale et de la toxicomanie ont convenu de la nécessité d’avoir un programme national de recherche. À leur avis, un tel programme devrait s’appuyer sur l’expertise canadienne actuelle, coordonner les activités de recherche actuellement fragmentées qui sont effectuées par divers organismes (gouvernements, organisations non gouvernementales, sociétés pharmaceutiques) et garantir un équilibre entre les services biomédicaux, cliniques et sanitaires et la recherche sur la santé de la population appliquée à la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie.

Élément important, de nombreux témoins ont souligné qu’il est grand temps de s’attaquer aux problèmes cruciaux de recherche en santé mentale et en toxicomanie. En particulier, le Dr Quirion a déclaré :

En anglais, on dit souvent : «The time is now.» On a vraiment beaucoup d'expertise au Canada à cause du système de santé national. Cela permet d'avoir des collectes de données et des banques de données beaucoup plus impressionnantes que ce qu'il peut y avoir aux États-Unis. Je pense, par exemple, aux nouvelles recherches sur le génome. Je pense qu'on pourrait avoir un impact énorme et on ne devrait pas avoir peur de foncer. Si on fonce avec l'expertise qu'on a présentement, on va réussir à trouver des causes des maladies du cerveau, des maladies mentales.[522]

Le Comité est d’avis qu’une meilleure coordination des activités de recherche bénéficierait aux personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie. Il est particulièrement important que la recherche corresponde à leurs besoins. Étant donné le rôle de chef de file joué par les IRSC dans le financement de la recherche sur la santé au Canada, le Comité recommande :

 

 

61

Que les Instituts de recherche en santé du Canada, par le biais de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, collaborent étroitement avec la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16), les chercheurs, les organismes provinciaux et non gouvernementaux de financement de la recherche et les organisations représentant les personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie, afin d’élaborer un programme national de recherche sur la santé mentale, la maladie et la toxicomanie.

11.6      SURVEILLANCE

La surveillance est nécessaire si l’on veut déterminer l’étendue du problème. Les discussions que la Société canadienne d’autisme a menées avec l’Institut canadien d’information sur la santé, Statistique Canada et Santé Canada ont été frustrantes. Il est reconnu que Santé Canada a le mandat de s’occuper de la surveillance, mais il n'y a pas de volonté politique à cet égard. J’encourage fortement le comité à inciter Santé Canada à agir selon son mandat et à assurer la surveillance de tous les troubles de santé mentale et cérébraux. Ce qui est inquiétant, c'est qu’on se contente actuellement d’un projet pilote qui va utiliser des bases de données qui existent déjà, au lieu de bâtir un système permettant la collecte de données nécessaires… Il faut que le ministère fédéral de la Santé assume la responsabilité de la surveillance, ce qui facilitera une meilleure prise de décision. ― Lisa Simmermon, directrice des relations publiques, Saskatchewan Families for Effective Austism Treatment[523]

Le Canada ne dispose actuellement d’aucun cliché national de la situation de la santé mentale au pays. Cela veut dire qu’il nous manque une base d’information nationale sur la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie sous toutes leurs diverses formes. Il nous manque également le système d’information nécessaire pour mesurer la situation de la santé mentale des Canadiens et pour évaluer les politiques, les programmes et les services dans les domaines de la santé mentale, de la maladie mentale et de la toxicomanie. C’est un obstacle important en vue de déterminer le niveau des services de santé mentale et des traitements pour la toxicomanie dont les provinces/territoires et l’ensemble du pays ont besoin et pour évaluer la quantité et la qualité des services offerts actuellement.

La collecte de données de qualité fournira de meilleurs renseignements aux responsables des politiques et aux décideurs, à l’intérieur et à l’extérieur du gouvernement, ainsi qu’aux prestataires de services et aux groupes de consommateurs. Un système de surveillance fournira des mesures que les provinces pourront utiliser pour fixer des objectifs en vue d’atteindre les buts désirés en matière de santé et les résultats souhaités des programmes.

Deux témoins ont parlé au Comité de l’importance d’un système de surveillance. Le Dr Wade Junek, de l’IWK Health Centre, a insisté sur la nécessité d’avoir de meilleurs systèmes de mesure et d’information.

Si l'objectif fondamental consiste à améliorer la santé mentale de nos jeunes et de nos enfants, ou à la maintenir en l'état, il faut tout d'abord en faire l'évaluation pour déterminer si les mesures prises ont un effet. Il faut avoir des résultats et des évaluations. Deuxièmement, il faut englober cette information relative à ces évaluations dans nos décisions afin de permettre des mesures correctives.[524]

Doug Crossman, gestionnaire des Services de santé mentale à la South Shore District Health Authority en Nouvelle‑Écosse, a déclaré aux membres du Comité qu’il est important d’avoir une orientation relativement aux résultats.

Nous avons besoin de meilleurs systèmes d’information et de meilleurs systèmes de surveillance de la population pour surveiller ce que nous faisons et offrir une orientation relativement aux résultats. Souvent, nous ne parlons pas de résultats. Nous parlons d’utilisation du service, ce qui signifie que la demande de notre service a augmenté et, donc, que nous aurons besoin de plus d’argent l’an prochain pour offrir plus de services. Nous devrions nous concentrer sur ce que nous faisons pour améliorer la santé globale de la population plutôt que d’élargir l’industrie des services.[525]

Des données sur les questions de santé mentale et de toxicomanie sont recueillies en permanence par des organismes fédéraux. En voici quelques exemples.

§         L’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) recueille des renseignements sur les hospitalisations dans les établissements de soins intensifs et les centres psychiatriques.

§         Statistique Canada recueille des renseignements sur la mortalité, y compris des statistiques sur le suicide.

§         L’Enquête nationale sur la santé de la population comporte des questions sur l’alcoolisme, le stress, le soutien social, une échelle de détresse et une échelle de dépression.

§         L’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes comporte des questions sur la santé mentale et la maladie mentale pour une cohorte d’enfants à travers le pays.[526]

Même si certaines des données pourraient servir d’assise à un système de surveillance, chacune des sources de données pertinentes a ses limites. Un autre désavantage grave est leur vision étroite — elles ne fournissent pas une perspective complète sur la santé mentale et la toxicomanie au Canada.

En 2002, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, réalisée par Statistique Canada, a fourni pour la première fois les taux de prévalence de certaines maladies mentales, les troubles dus à la toxicomanie, les idées suicidaires et le jeu pathologique. Toutefois, le Canada ne recueille pas en permanence à l’heure actuelle de données sur la prévalence de la maladie mentale et de la toxicomanie chez les peuples autochtones, les sans‑abri et la population carcérale — groupes qui sont à risques plus élevés que la population en général pour les troubles mentaux. En outre, les données sur l’hospitalisation et la mortalité excluent la majorité des personnes qui vivent en dehors des hôpitaux et qui sont traitées pour leur maladie mentale ou leur toxicomanie.

L’Alliance canadienne pour la maladie et la santé mentale préconise la mise sur pied d’un système national de surveillance qui pourrait être utilisé pour planifier, mettre en œuvre et évaluer les politiques, les services et les programmes. L’Agence de santé publique du Canada a identifié récemment la santé mentale et la maladie mentale comme un domaine prioritaire et a décidé d’accroître la surveillance de la maladie mentale par l’élaboration d’un programme national de surveillance de la maladie mentale. Elle dépensera 400 000 $ au cours des deux prochaines années pour un processus de consultation et un certain nombre d’études de faisabilité et de projets pilotes. Elle vise à proposer un système national de surveillance de la maladie mentale d’ici mars 2007.[527]

Le Comité appuie les mesures initiales prises par l’Agence de santé publique. Cependant, il y a encore du pain sur la planche pour brosser un tableau complet de la situation de la santé mentale au Canada. Les membres du Comité sont très préoccupés par le fait que la portée et le rythme anticipés du projet proposé ne sont peut‑être pas suffisants. En conséquence, le Comité recommande :

 

 

 

62

Que l’Agence de santé publique poursuive ses efforts en vue d’élaborer en temps voulu un système national complet de surveillance de la maladie mentale qui incorpore les clauses appropriées en matière de protection de la vie privée.

Que l’Agence de santé publique élargisse la portée des données recueillies de concert avec d’autres organismes, comme l’Institut canadien d’information sur la santé et Statistique Canada, ainsi qu’avec d’autres ordres de gouvernement et organismes qui recueillent des données pertinentes.

Que, pour la mise sur pied d’un système national complet de surveillance de la maladie mentale, l’Agence de santé publique collabore avec la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16).

11.7      RECHERCHE SUR DES SUJETS HUMAINS

Le Comité appuie fortement la recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie parce qu’elle peut jeter les bases de progrès futurs en matière de traitement et de prévention. Cependant, la recherche impliquant des personnes pose de nombreux risques : abus, mauvais usage, exploitation, atteintes à la vie privée, confidentialité, etc. La recherche impliquant des participants humains doit être conçue et exécutée conformément aux normes scientifiques et éthiques les plus élevées et doit protéger la dignité des personnes et de leurs familles qui font cette contribution inestimable au progrès scientifique.

Le Comité reconnaît que les personnes atteintes de maladie mentale et de toxicomanie sont des sujets de recherche particulièrement vulnérables. Même si tous les sujets de recherches cliniques sont vulnérables à un certain degré, la vulnérabilité des personnes participant à des recherches cliniques sur la maladie mentale et la toxicomanie justifie une attention particulière. Il est extrêmement important de protéger les droits et le bien‑être de ces personnes qui participent à des recherches et de promouvoir une recherche responsable sur le plan déontologique.

Les progrès de la recherche ne devraient pas être poursuivis aux dépens des droits de la personne et de la dignité humaine. Les garde‑fous ne devraient pas non plus être sévères au point d’exclure potentiellement cette population vulnérable de recherches extrêmement importantes qui pourraient améliorer les connaissances scientifiques sur leurs conditions et même leur être bénéfiques en tant que personnes.

Dans le but de garantir la conduite éthique des recherches impliquant des sujets humains, les institutions recevant des fonds de recherche des trois organismes subventionnaires fédéraux — les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) et le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) — sont tenus de respecter l’Énoncé de politique de 1998 des trois Conseils sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains (ÉPTC). L’Énoncé précise que les projets de recherche devraient être examinés par un Comité d’éthique en recherche chargé de protéger la sécurité, la vie privée et la dignité des sujets de recherche. Il faut minimiser les risques concernant le bien‑être physique ou mental des participants et il faut trouver un juste équilibre entre de tels risques et les avantages pour les participants ou l’ensemble de la société.[528]

Un élément important de l’ÉPTC veut que la recherche impliquant des êtres humains doit être entreprise seulement si les sujets donnent leur consentement libre et éclairé à leur participation à la recherche.[529] Étant donné que la plupart des personnes ayant une maladie mentale fonctionnent raisonnablement bien, elles seront en mesure de donner ou de retirer en toute liberté et en toute lucidité leur consentement en vue de participer à des recherches. Toutefois, dans certaines circonstances, la capacité cognitive des personnes atteintes d’une maladie mentale peut être altérée, ce qui nuit à leur aptitude à prendre des décisions.

L’ÉPTC souligne l’importance du consentement volontaire et comporte des clauses pour les personnes qui peuvent ne pas être légalement capables de donner leur consentement. Toutefois, la capacité mentale décisionnelle des personnes ayant une maladie mentale peut exister à des niveaux différents et à des degrés divers et peut fluctuer au fil du temps. Dans la législation, il n’y a pas de degrés de capacité ou d’incapacité. Dans son mémoire adressé au Comité, l’Institut canadien catholique de bioéthique a expliqué :

Le système juridique tend à faire une distinction très nette entre les individus jugés «capables» de prendre des décisions concernant leur propre santé et ceux qui en sont incapables. Beaucoup d’individus atteints de maladies mentales comme la dépression profonde ou la schizophrénie pourraient ne pas répondre aux critères juridiques permettant de les déclarer «incapables» et, pourtant, leur capacité de comprendre leur propre état, d’évaluer leurs possibilités, de prendre des décisions judicieuses à propos de soins à recevoir et de s’en tenir à ces décisions peut être gravement compromise.[530]

La capacité de donner son consentement est une condition essentielle pour la recherche impliquant des sujets humains. Mais l’évaluation clinique de la capacité mentale des personnes souffrant de maladie mentale ou de toxicomanie est un sujet très complexe et les essais cliniques applicables pour évaluer la compétence sont controversés. La maladie peut affecter la capacité de saisir et d’évaluer convenablement les risques et les avantages de participer à la recherche, ou les étapes nécessaires pour mettre en œuvre le plan de recherche. En outre, étant donné leur vulnérabilité, les personnes ayant une maladie mentale peuvent se sentir obligées de participer.

Le Comité comprend que la recherche sur la maladie mentale et la toxicomanie peut parfois être effectuée uniquement sur des personnes ayant une maladie qui altère leur capacité à donner leur consentement. Cependant, le Comité est préoccupé parce que l’orientation actuelle de la recherche impliquant des sujets humains envisage seulement la dichotomie du consentement donné librement ou les individus qui ne sont pas légalement habiles à donner leur consentement.

Les vulnérabilités et les circonstances uniques entourant la maladie mentale et la toxicomanie méritent que l’on se penche de près sur la conception éthique, l’examen et la conduite de la recherche. Une possibilité consiste, pour les gens atteints d’une maladie mentale, à avoir un porte‑parole pour les aider au niveau des processus de participation à des recherches.

Les Instituts de recherche en santé du Canada ont entrepris des études sur l’éthique de recherche, notamment l’utilisation secondaire de renseignements personnels dans les recherches sur la santé et l’utilisation appropriée de placebos dans les essais cliniques.[531] Cependant, les membres du Comité estiment qu’il faut faire d’autres études pour élaborer de meilleures balises et des protections spéciales sur le traitement éthique des personnes atteintes de maladie mentale ou de toxicomanie comme sujets de recherche. Le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche, composé d’experts des trois organismes subventionnaires fédéraux, est chargé de surveiller l’élaboration et l’évolution de l’ÉPTC. En conséquence, le Comité recommande :

 

 

63

Que le Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche effectue une étude impliquant de vastes consultations pour savoir si l’Énoncé de politique des trois Conseils sur l’éthique de la recherche avec des êtres humains offre des protections adéquates et une orientation suffisante pour les recherches impliquant des personnes ayant une maladie mentale ou une toxicomanie. Le groupe devrait également explorer la possibilité d’utiliser les porte‑parole des patients dans le cas de personnes atteintes de maladie mentale qui participent à des recherches.


CHAPITRE 12:
LA TÉLÉSANTÉ MENTALE AU CANADA

 

Le concept de télésanté mentale (télémédecine et télépsychiatrie) a été mentionné fréquemment durant les audiences du Comité. Le terme plus général de télésanté désigne les soins de santé et autres services offerts par diverses technologies de l’information et des communications (TIC). La télésanté mentale désigne les services qui sont dispensés à distance par le biais des TIC pour les soins de santé mentale.

 

La télésanté ne se limite pas aux applications des soins cliniques. Elle englobe également l’application des TIC à la formation normale et continue. On peut utiliser la technologie de la télésanté à diverses fins dont le diagnostic, le traitement, la formation, l’éducation et la consultation.

On peut classer le spectre des applications dans deux catégories principales. La première comprend les dossiers de santé, les bases de données et les registres électroniques, qui sont tous des exemples d’applications «en mode différé» impliquant des données stockées à un endroit et envoyées à un autre endroit à des fins d’utilisation. La deuxième est la télévision interactive bidirectionnelle (IATV), qui est la communication audio‑visuelle entre au moins deux sites. Elle est également connue sous le nom de communication en temps réel, signal direct ou, plus couramment, vidéoconférence.

Les membres du Comité ont été informés que ces technologies présentent un potentiel considérable dans le domaine de la santé mentale. Le Dr Ted Callanan, président de la Psychiatric Association of Newfoundland and Labrador, a déclaré devant le Comité que :

Comparativement à toutes les autres spécialités médicales, la psychiatrie peut offrir la gamme la plus vaste de services d’une manière efficiente et adéquate par le biais de la télétechnologie.[532]

 

12.1      PROGRAMMES ACTUELS

À l’échelle nationale, l’Inforoute Santé du Canada (ISC) a été mise sur pied comme initiative stratégique des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux pour jouer le rôle de chef de file en vue d’élaborer une capacité pour la gestion pancanadienne de l’information sur la santé et pour réaliser une meilleure coordination du large éventail en évolution constante des renseignements sur la santé et des initiatives technologiques. L’ISC a pour mission de favoriser et accélérer, à l’échelle pancanadienne, l’élaboration et l’adoption de systèmes d’information électroniques sur la santé, de normes et de technologies de communication compatibles. Elle mise sur les initiatives existantes et sur des partenariats de collaboration avec tous les intervenants concernés afin de procurer des avantages tangibles à tous les Canadiens.

Les dossiers de santé électroniques constituent à l’heure actuelle la principale priorité de l’ISC, cinq des six programmes d’investissement étant centrés sur cet objectif. Le sixième programme, la télésanté, a été ajouté au mandat de l’ISC en 2003. Les programmes locaux, régionaux et provinciaux peuvent maintenant faire une demande de financement à l’ISC pour leurs initiatives en matière de télésanté. L’information obtenue auprès d’ISC par le Comité a révélé que, au moment de rédiger le présent rapport, Inforoute comptait 21 projets de télésanté approuvés en cours et en avait achevés 14 autres — soit un total de 35 projets représentant des investissements estimés à plus de 6 millions de dollars. Inforoute les considère comme l’assise d’autres investissements futurs.[533] 

Le nombre de programmes de télésanté et de projets pilotes locaux et régionaux a augmenté considérablement au cours de la dernière décennie. Néanmoins, un thème commun exprimé par les témoins précise qu’il faut davantage de ressources pour que les programmes de télésanté puissent atteindre leur plein potentiel. Certains témoins ont fait remarquer que même si de tels programmes seraient avantageux pour le bien‑être des Canadiens dans l’ensemble du pays, l’approche adoptée jusqu’à présent a été trop localisée et les initiatives de télésanté ont généralement été sous‑financées ou ont fait face à de trop nombreux obstacles réglementaires ou bureaucratiques pour être vraiment utiles au niveau des patients individuels et des prestateurs de services.

Cependant, d’autres témoins, comme la Dre Martha Donnelly, chef de la Division de la gériatrie communautaire au Vancouver General Hospital, ont mentionné que certains de ces problèmes sont en voie d’être résolus :

Par le passé, il y avait des obstacles au financement, mais aujourd’hui, on commence à les surmonter. Il pourrait y avoir des considérations médicales et juridiques… La mise en place des points d’accès pose également problème. La télésanté n’est pas gratuite… Cependant, je crois qu’on peut surmonter ces difficultés.[534]

En fait, un rapport de Santé Canada, publié en octobre 2004 sous le titre Télésanté mentale au Canada : Rapport sur la situation actuelle, renforce les témoignages entendus par les membres du Comité à propos des progrès lents mais sûrs réalisés pour surmonter certaines de ces difficultés. Selon le rapport, la télésanté mentale est l’un des services de télésanté les plus fréquemment utilisés parce que le processus de diagnostic psychiatrique n’est pas principalement un processus physique mais repose plutôt sur la conversation verbale et non verbale. De fait, le rapport mentionne que «toutes les provinces et tous les territoires ont en effet tenté diverses expériences en matière de télésanté mentale, et certains en sont déjà à la phase de la mise en œuvre des programmes.»[535] 

Cependant, le rapport mentionne également bon nombre des mêmes obstacles que les témoins ont porté à l’attention des membres du Comité, y compris les lacunes que présentent les infrastructures de télécommunications actuelles au pays, de même que les pénuries et la sous‑formation des ressources humaines. Il fait remarquer que les politiques, dans des domaines comme la prestation des soins de santé, la rémunération et l’autorisation d’exercer, conçues pour les soins dispensés en personne, devront être modifiées si on veut les adapter aux exigences des télésoins.

Le rapport de Santé Canada énonce les sept «leçons retenues» qu’il faut prendre en considération si le Canada veut faire avancer de façon efficace son programme de télésanté mentale.

1.      Une planification minutieuse est essentielle au succès des services de télésanté et de télésanté mentale.

2.      La mise en pratique se fait toujours de façon graduelle, et un projet peut prendre plusieurs années pour réaliser son plein potentiel.

3.      Le processus d'évaluation devrait être intégré à tout programme ou à toute initiative de télésanté mentale, en plus d'être adéquatement financé.

4.      En dépit du peu de données disponibles au sujet de sa rentabilité, il semble que la télésanté permette de réaliser des économies d'échelle.

5.      Il a été démontré que la télésanté mentale procure des avantages tant aux clients qu'aux dispensateurs de soins, mais les patients semblent se laisser convaincre plus facilement que les dispensateurs.

6.      La télésanté mentale propose un moyen de pallier les pénuries de professionnels de la santé mentale, mais ces mêmes pénuries risquent également de freiner sa croissance.

7.      Une stratégie de gestion du changement exhaustive à volets multiples est essentielle à la réussite des initiatives de télésanté mentale.[536]

Les avantages et les défis de la télésanté mentale font l’objet d’une discussion plus détaillée ci‑après.

12.2      AVANTAGES DE LA TÉLÉSANTÉ MENTALE

12.2.1   Accès aux soins

L’avantage le plus fréquemment cité au niveau du déploiement plus systématique de la télésanté mentale (et de tous les services de télésanté) est sa capacité à accroître l’accès aux services de santé mentale et autres dans les collectivités rurales et éloignées. La plupart des spécialistes de la santé mentale se trouvent dans les centres urbains et aux alentours; les résidents des collectivités rurales et éloignées doivent se rendre dans ces centres pour les opérations de diagnostic et de traitement, phénomène appelé par certains témoins la «thérapie Greyhound». Le coût financier considérable et les dépenses en temps et en efforts que cela implique peuvent décourager des personnes de chercher à obtenir les soins dont ils ont besoin. Par ailleurs, la télésanté mentale pourrait permettre aux gens d’obtenir un diagnostic et des soins dans leurs collectivités. Les dispensateurs de soins de santé en milieu rural auraient également accès à des psychiatres et à d’autres prestateurs de services de santé mentale dans les centres urbains et pourraient aussi consulter d’autres spécialistes par le biais des TIC.

En fournissant des services d’humble profil aux utilisateurs, la télésanté mentale offre l’avantage supplémentaire de contribuer à aborder les questions relatives au stigmate associé aux services de soins de santé mentale. De nombreuses personnes sont découragées à l’idée de rechercher l’aide dont elles ont besoin par crainte que quelqu’un apprenne qu’elles consultent un spécialiste de la santé mentale. L’accès à la télésanté mentale par le biais d’un médecin de famille fiable ou d’un autre prestateur de soins de santé primaires permettrait donc à certains résidents ruraux d’obtenir des services de soins de santé mentale qu’ils pourraient autrement avoir refusé de demander.

Par exemple, au Nouveau‑Brunswick, la régie régionale de la santé 2 a branché des terminaux de télésanté mentale dans les salles d’urgence de petites villes avec les psychiatres du Saint. John Regional Hospital qui sont en fonction 24 heures sur 24. Cette mesure a non seulement amélioré l’accès mais elle a également atténué les problèmes associés au stigmate parce que les patients n’ont plus besoin de se déplacer pour recevoir des soins. Krisan Palmer, infirmière autorisée et coordonnatrice des initiatives de télésanté de la région, a déclaré au Medical Post que les services de télésanté mentale ont «vraiment contribué à établir la confidentialité des patients.»[537] Cette initiative régionale est déployée à l’échelle de la province.

12.2.2   Améliorer le recrutement et la rétention dans les collectivités rurales

La télésanté a également le potentiel de contribuer à atténuer la pénurie de professionnels de la santé dans les régions rurales et éloignées. La concentration actuelle de psychiatres et d’autres spécialistes dans les régions urbaines a peu de chances de changer dans un avenir rapproché. Toutefois, le recours aux TIC pourrait servir d’incitatif pour attirer et retenir des professionnels de la santé dans des régions rurales et éloignées du Canada. La télésanté mentale peut à la fois contribuer à fournir le soutien clinique nécessaire et favoriser les liens entre les professionnels de la santé dans les régions éloignées et leurs pairs en milieu urbain.

Les régions rurales demeurent peu attrayantes pour de nombreux médecins et spécialistes en raison de l’isolement professionnel auquel ils font face. De nombreux praticiens sont opposés à l’interaction réduite avec leurs pairs du milieu médical, qui est un fait des milieux de travail en zones rurales et éloignées, et à l’obligation de mener leur pratique largement de leur propre initiative. La télésanté peut contribuer à redresser cette situation en donnant à ces praticiens l’accès à d’autres prestateurs de soins de santé, y compris à des professionnels de la santé mentale.

De nombreux praticiens s’inquiètent également du fait que les régions rurales offrent moins de possibilités de formation médicale continue. Ils doivent venir de loin pour assister à des conférences ou pour avoir accès à d’autres soutiens éducatifs. La télésanté mentale contribue à satisfaire ce besoin. À cet égard, Sharon Steinhauer, membre de l’Alberta Mental Health Board, a fait remarquer que les «médecins de famille… peuvent ainsi non seulement accéder immédiatement à un psychiatre et à des services psychiatriques de soutien ou autre, mais à une formation permanente dans ces domaines par le biais de sessions de télésanté mentale.»[538] En utilisant la technologie, comme les vidéoconférences, les médecins et les spécialistes peuvent améliorer leur formation et renforcer leurs connaissances en se consultant mutuellement et en participant à des conférences.

12.2.3   Soins en collaboration

Tel que mentionné précédemment dans le présent rapport, de nombreuses régies régionales de la santé encouragent la création d’équipes multidisciplinaires dans la prestation des soins de santé. Les modèles de soins en collaboration pour la prestation des soins de santé mentale sont également de plus en plus répandus.[539] La télésanté mentale facilite le modèle des soins en collaboration et la coopération entre les médecins de famille et les psychiatres.

Même s’il subsiste encore des obstacles à surmonter (dont les problèmes de financement et de rémunération décrits ci‑après), la télésanté offre un moyen de mettre en pratique un modèle de collaboration pour la santé mentale par le biais de consultations vidéo, de conférences de cas et de séances éducatives, de ressources de formation par Internet et de programmes de formation médicale continue.

En outre, le rapport de Santé Canada sur la télésanté mentale mentionne qu’il est important de chercher des moyens d’intégrer la télésanté mentale dans l’objectif plus vaste de la réforme des soins primaires, en suggérant que :

…les applications de télésanté mentale soient élaborées et mises en œuvre non pas en vase clos, mais en tant que partie intégrante du continuum des soins. Ainsi, la télésanté mentale pourrait tenir lieu de catalyseur pour d’éventuelles réformes, en particulier dans le cas des soins primaires, aux dires des informateurs clés provenant de différents provinces et territoires.

12.2.4   Collectivités autochtones

Pour de nombreuses Premières nations et collectivités inuit, il est extrêmement important que les services de télésanté mentale aient le potentiel d’améliorer l’accès aux soins dans les régions rurales et éloignées. L’accès aux soins psychiatriques est limité dans les collectivités autochtones les plus septentrionales; la majorité n’en ont actuellement aucun et, dans les autres, la pénurie est marquée.[540] Souvent, les collectivités partagent un seul professionnel de la santé qui se déplace de l’une à l’autre et que les clients doivent aller voir pour obtenir des soins. Des professionnels de la santé mentale et d’autres spécialistes ne sont généralement disponibles que très loin et les frais de déplacement associés peuvent être très élevés. Ian Potter, sous‑ministre adjoint, Direction de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, a déclaré aux membres du Comité :

Nous obtenons présentement de bons résultats dans un aspect prometteur… Il s’agit des services de télésanté mentale, qui permettent aux patients de demeurer dans la communauté où ils peuvent communiquer avec d’autres. Ainsi, grâce à un système de vidéoconférence, nous pouvons leur offrir les services psychiatriques d’établissements lointains pendant qu’ils demeurent auprès de leur famille.[541]

Une fois que la télésanté mentale sera convenablement financée et implantée, elle pourrait contribuer à fournir le niveau de service dont tant de collectivités ont si désespérément besoin.

12.3      DÉFIS

12.3.1   Questions de compétences: autorisation d’exercer et rémunération

L’une des caractéristiques les plus attrayantes de la télésanté mentale — sa capacité d’offrir des services à de grandes distances — présente également l’un des principaux défis. La pratique de la médecine est une responsabilité provinciale/territoriale; les praticiens sont autorisés à exercer dans chaque province ou territoire. Un avantage clé des activités de la télésanté résulte du fait qu’elle permet la collaboration entre les professionnels de la santé mentale de plusieurs secteurs de compétence. Cependant, la réglementation et le financement de cette pratique exigent des accords d’autorisation entre les divers secteurs de compétence dans lesquels les professionnels de la santé qui participent à la télésanté mentale, ou à la télésanté en général, se trouvent et sont autorisés à exercer.

Même si certains secteurs de compétence ont des accords d’autorisation pour la pratique transfrontière, ce n’est pas le cas pour la plupart. Les accords d’autorisation entre l’Île‑du‑Prince‑Édouard et la Nouvelle‑Écosse autorisent le partage de certains services de télépsychiatrie, mais des accords comparables n’existent pas dans la plupart des autres régions du Canada. Leur absence peut faire hésiter les professionnels de la santé à participer à des initiatives en matière de télésanté mentale.

De même, l’élaboration des bonnes politiques de rémunération représente un autre défi à relever si on veut élargir les services de télésanté. Même si l’autorisation d’exercer relève du Collège des médecins et chirurgiens de chaque province ou territoire, les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent eux‑mêmes se demander si les services de télésanté mentale seront assurés et financés à partir des régimes de santé publics.

Le rapport de Santé Canada affirme que la plupart des provinces doivent encore se pencher sérieusement sur les questions relatives aux politiques de rémunération spécifiques à leurs secteurs de compétence :

La plupart des provinces et des territoires disposent maintenant de politiques de rémunération des médecins pour les services de télésanté (y compris de télésanté mentale), mais on considère généralement que celles-ci ne réussissent pas à inciter les dispensateurs à se tourner vers la télésanté mentale. En Alberta par exemple, comme l'ont souligné les informateurs clés, les médecins touchent les mêmes honoraires pour une séance de télésanté que pour une consultation en personne. Par contre, le tarif des honoraires de la Saskatchewan tient compte des problèmes d'ordre technique que peuvent rencontrer les médecins. Or, aux dires des informateurs clés, une séance de télésanté dure en réalité plus longtemps qu'une consultation en personne. À Terre-Neuve, la pédopsychiatrie est le seul service de télésanté mentale qui prévoit une rémunération à l'acte, tandis qu'au Manitoba, la grille des honoraires ne fait aucune mention des conférences de cas. Au Québec, la loi précise clairement que la télésanté ne constitue pas un service assuré. En Colombie-Britannique et en Ontario, aucune disposition de rémunération à l'acte n'a été mise en place en ce qui a trait aux vidéo-conférences de consultation entre patients et dispensateurs. De manière à recruter des professionnels, les gestionnaires de programmes et de projets ont donc tenté d'atténuer l'effet de ces politiques inadéquates de rémunération à l'acte en ayant recours à des ententes contractuelles, en faisant appel à des médecins salariés et en réglant les coûts des séances à même les fonds affectés aux programmes et aux projets.[542]

En conséquence, le Comité recommande :

 

 

64

Que les provinces et territoires collaborent pour mettre en œuvre des accords d’autorisation et des politiques de rémunération qui permettront de développer les initiatives de télésanté mentale partout au pays.

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) collabore avec les provinces et les territoires en vue d’identifier et de résoudre tous les problèmes d’autorisation d’exercer et de rémunération qui sont en suspens.

 


12.3.2   Financement

Les activités de télésanté mentale ont débuté comme des projets temporaires ou pilotes et ont évolué vers des programmes financés à long terme. Même si certains ont obtenu le financement nécessaire pour maintenir leur niveau de fonctionnement actuel, dans bien des cas le financement est insuffisant pour les étoffer ou pour créer de nouveaux projets. Les frais de démarrage pour un site de télésanté mentale englobent le matériel de vidéoconférence, qui peut coûter jusqu’à 100 000 $ par système, tandis que la communication entre les sites exige des fonds supplémentaires pour la connexion par Internet, par réseau intégré de services (RIS) ou par satellite.

Même si le gouvernement fédéral a accordé une aide financière pour le développement de services de télésanté mentale, il ne met pas en œuvre et ne maintient pas directement ces services de santé ou d’autres, à l’exception notoire des services de santé accordés aux populations envers lesquelles le gouvernement fédéral a une responsabilité (les Premières nations et les Inuit, les anciens combattants, les détenus fédéraux, les immigrants et les réfugiés, les militaires et la Gendarmerie Royale du Canada). Pour cette raison, les services de télépsychiatrie sont généralement administrés par les gouvernements provinciaux/territoriaux, les établissements universitaires, les régies régionales de la santé ou les hôpitaux, ou par une combinaison de ces divers intervenants.

Le financement et la durabilité posent un problème important pour de nombreux programmes, en particulier dans le Nord où les frais de télécommunications sont très élevés à cause d’une plus grande dépendance vis‑à‑vis des branchements coûteux établis par satellite. La fin d’un certain nombre d’initiatives de Santé Canada a empêché l’expansion des programmes de télésanté mentale. Parmi les initiatives se rapportant à la télésanté mentale qui sont maintenant abolies, citons le Programme des partenariats pour l’infostructure canadienne de la santé (PPICS), le Programme de soutien à l’infostructure de la santé (PSIS), le Fonds pour l’adaptation des services de santé (PASS), l’Initiative de développement et d’échange des connaissances (DEC) et l’Initiative pour la recherche appliquée. Bon nombre de programmes provinciaux/territoriaux existants, qui continuent de fonctionner, ont été amorcés dans le cadre de ces programmes.

Tel que mentionné précédemment, l’Inforoute Santé du Canada a été créée pour aider à appuyer notamment l’élaboration de programmes de télésanté. Cependant, le financement de l’ISC ne couvre pas les frais d’exploitation, l’infrastructure de réseautage, ni l’entretien et l’amélioration du matériel, des logiciels et des serveurs. Le financement de tels services de télésanté mentale provient en grande partie des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Selon le rapport de Santé Canada déjà mentionné, tous les gouvernements financent certains services de télésanté mentale, mais à des degrés nettement différents. Dans certains secteurs de compétence, l’incertitude du financement constitue un obstacle important à l’expansion des services de télésanté mentale. Ian Shortall, chef de division, Programme Bridges, Health Care Corporation of St. John’s, a déclaré aux membres du Comité que «il faut recourir davantage à la technologie, à la télépsychiatrie… mais le financement a manqué pour poursuivre l’expérience.»[543]

Les membres du Comité sont d’avis qu’il est important que le gouvernement fédéral contribue au déploiement d’initiatives de télésanté mentale à travers le pays. À cet égard, le Comité prend note de l’annonce faite le 13 octobre 2005, à l’effet que le gouvernement du Canada a investi 4,62 millions de dollars visant à faire progresser la technologie du service à large bande qui permettra d’améliorer les soins de santé et les services de protection civile offerts en région rurale.[544]

Avec le temps, et une fois que les infrastructures seront en place, il devrait être possible pour les provinces et les territoires d’utiliser les économies découlant des frais réduits de transport et autres, qui seront réalisées en implantant les services de télésanté mentale, pour financer les coûts d’exploitation de ces services. Entre‑temps, dans le but d’aider à faire la transition vers cette «situation stable», le Comité recommande :

 

 

65

Que les initiatives de télésanté mentale soient admissibles à un financement par le biais du Fonds pour l’adaptation des services de santé mentale (voir le Chapitre 16).

 

En outre, Richard Alvarez, président et chef de la direction de l’Inforoute Santé du Canada, a informé les membres du Comité d’une restriction dans son accord de financement avec le gouvernement fédéral à propos de la télésanté : l’ISC ne peut couvrir que jusqu’à 50 p. 100 des coûts admissibles des projets de télésanté.[545] Cette contrainte ne s’applique pas aux autres programmes de l’ISC, dans lesquels le ratio de financement moyen atteint maintenant un ratio de 75(Inforoute):25(parrain). Le Comité est d’accord avec M. Alvarez que le fait d’étendre le même ratio de financement que les autres programmes au programme de télésanté contribuerait à accélérer les investissements et à faire progresser la télésanté au Canada. Par conséquent, le Comité recommande :


 

 

 

66

Que l’accord de financement entre l’Inforoute Santé du Canada et le gouvernement du Canada soit révisé de telle sorte que l’Inforoute Santé du Canada ne soit plus obligée de ne couvrir qu’un maximum de 50 % des coûts admissibles des projets de télésanté et puisse fixer, pour ses investissements dans les projets de télésanté, le même ratio que dans les autres projets.

 

12.3.3   Évaluation

Avant qu’un service de santé puisse être adopté comme une pratique normalisée, il doit tout d’abord faire l’objet d’une évaluation approfondie. Un obstacle important à la mise en œuvre de nouveaux programmes de télésanté mentale est l’absence de modalités d’évaluation normalisées. Puisqu’il n’existe pas de normes nationales permettant d’évaluer les projets de télésanté mentale, les études qui évaluent l’efficacité de tels projets n’utilisent pas des ensembles d’indicateurs communs et ne peuvent pas faire l’objet de comparaisons mutuelles fiables. Sans preuves cohérentes et fiables concernant la télésanté mentale comme méthode efficace de prestation de soins, les régies de la santé et les ministères provinciaux/territoriaux de la Santé sont peu enclins, et c’est compréhensible, à financer de nouveaux projets.

En conséquence, le Comité recommande :

 

 

67

Que le Centre d’échange des connaissances (voir le Chapitre 16) collabore avec les provinces et les territoires, ainsi qu’avec d’autres organismes comme l’Institut canadien d’information sur la santé, dans le but de mesurer la rentabilité de la prestation des soins de télésanté mentale comparativement aux modes de prestation traditionnels.

Que le Centre d’échange des connaissances contribue au développe­ment d’outils d’évaluation pour les services de télésanté mentale.

 

12.3.4   Ressources humaines

La pénurie de professionnels de la santé mentale dans de nombreuses régions du Canada limite gravement le développement et la mise en œuvre de services de télésanté mentale. Tel que mentionné précédemment, la télésanté mentale peut avoir une influence positive en vue d’attirer et de retenir des prestateurs de soins de santé dans les régions rurales et éloignées. Cependant, il peut s’avérer difficile de mettre sur pied et de faire fonctionner des services de télésanté mentale, surtout lorsque la concurrence est âpre pour l’utilisation des ressources humaines plutôt rares. Tel que mentionné dans le rapport de Santé Canada : «La télésanté mentale propose un moyen de pallier les pénuries de professionnels de la santé mentale, mais ces mêmes pénuries risquent également de freiner sa croissance.»

La prestation de services de santé mentale par télécommunications semble une option très prometteuse, mais elle est encore nouvelle. De nombreux prestateurs de soins de santé mentale ne sont toujours pas familiers avec la télésanté mentale, sont sceptiques quant à son utilité et, de fait, ne se sentent pas capables de l’utiliser efficacement. Même si certains prestateurs s’efforcent activement, à l’heure actuelle, d’adapter leurs ensembles de compétences en vue de dispenser des soins par la télésanté, d’autres résistent à la conversion.

En conséquence, le Comité recommande :

 

 

68

Que la Commission canadienne de la santé mentale (voir le Chapitre 16) encourage l’inclusion de cours en télésanté mentale dans les écoles de médecine et qu’elle collabore avec les provinces et les territoires, ainsi qu’avec les organismes professionnels concernés, pour offrir aux actuels fournisseurs de soins de santé de l’information sur la télésanté mentale par le biais de son Centre d’échange des connaissances.



[492]   Organisation mondiale de la santé, Programme d’action globale en santé mentale, 2002, p. 14.

[493]   Kapur, S. et F. Vaccarino. (2004) Des découvertes aux soins : favoriser la recherche sur la maladie mentale et les toxicomanies. Document commandé par le Comité, p. 5.

[494]   Unité de recherche sur les systèmes de santé, Institut psychiatrique Clarke. (1997) Examen des meilleures pratiques de la réforme des soins de la santé mentale : Document de discussion. Réseau de consultation sur la santé mentale fédérale, provinciale et territoriale, Santé Canada, pp. 27‑28.

[495]   Organisation mondiale de la santé. (Octobre 2004) Conférence européenne sur la santé mentale de l’OMS : relever les défis, trouver des solutions.

[496]   21 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/23eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[497]   Selon le Rapport sur les plans et priorités 2005‑2006 des IRSC, ses dépenses globales pour 2005‑2006 atteindront 811,7 millions $. Cependant, des dirigeants des IRSC ont déclaré devant le Comité que cela inclut les fonds de transfert pour les programmes des chaires de recherche du Canada et les réseaux de centres d’excellence.

[498]   Quirion, R. (21 juin 2005) Témoignage devant Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Voir aussi : Instituts de recherche en santé du Canada. Rapport sur les plans et les priorités 2005‑2006.

[499]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Novembre 2004) Rapport 1‑ Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, Chapitre 10, p. 221.

[500]   Statistique Canada. (Juillet 2005) Estimation des dépenses totales au titre de la recherche et du développement dans le secteur de la santé au Canada, 1988 à 2004. Statistique des sciences, Bulletin de service, No de cat. 88‑001‑XIE, Vol. 29, No 5.

[501]   Ces renseignements ont été obtenus sur les sites web des organismes : www.cprf.ca et www.neurosciencecanada.ca.

[502]   Consultez le site web de la Société canadienne de schizophrénie www.schizophrenia.ca.

[503]   Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie. (Juin 2003) Mémoire soumis au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 2.

[504]   10 mai 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/15evd‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[505]   6 mai 2003, /37/2/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/14eva‑f.htm?Language=F&Parl=37&Ses=2&comm_id=47.

[506]   Gray, J., président, Société canadienne de schizophrénie. (12 mai 2004) Mémoire soumis au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 3.

[507]   Murray, C. et A. Lopez. (1996) The Global Burden of Disease: A comprehensive assessment of mortality and disability from diseases, injuries and risk factors in 1990 and projected to 2020. Harvard University Press.

[508]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Novembre 2004) Rapport 1—Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada, Chapitre 5, p. 101.

[509]   21 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/23eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[510]   Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. (Octobre 2002) La santé des Canadiens — Le rôle du gouvernement fédéral, Vol. 6, Ch. 12.

[511]   21 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/23eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[512]   Fondation canadienne de la recherche en psychiatrie. (Juin 2003) Mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 9.

[513]   Consultez le site web du Mental Health Research Network : http://www.mhrn.info/.

[514]   16 février 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22evc‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[515]   21 avril 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/13evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[516]   Kapur et Vaccarino (2004), p. 6.

[517]   6 mai 2003, /37/2/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/14eva‑f.htm?Language=F&Parl=37&Ses=2&comm_id=47.

[518]   Loi sur les Instituts de recherche en santé du Canada, art. 4 h).

[519]   6 mai 2003, /37/2/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/14eva‑f.htm?Language=F&Parl=37&Ses=2&comm_id=47.

[520]   6 mai 2003, /37/2/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/14eva‑f.htm?Language=F&Parl=37&Ses=2&comm_id=47.

[521]   Kapur et Vaccarino (2004), p. 11.

[522]   6 mai 2003, /37/2/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/14eva‑f.htm?Language=F&Parl=37&Ses=2&comm_id=47.

[523]   3 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/42454‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[524]   10 mai 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/15evd‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[525]   9 mai 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/15evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[526]   Stewart, P. (2000) The Development of a Canadian Mental Illness and Mental Health Surveillance System: A Discussion Paper — Rapport final. Rédigé pour l’Alliance canadienne pour la maladie et la santé mentales.

[527]   Mao, Y., directeur, Agence de santé publique. (2005) Présentation à l’atelier sur l’élargissement de la surveillance de la maladie mentale au Canada, 23‑24 mars.

[528]   Conseil de recherches médicales du Canada, Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et Conseil de recherches en sciences humaines. (1998) Énoncé de politique des trois Conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains, Article 1.

[529]   Ibid., Article 2.

[530]   Institut canadien catholique de bioéthique. (20 février 2004) Mémoire présenté au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, p. 5.

[531]   Consultez le site web des Instituts de recherche en santé du Canada à l’adresse www.cihr‑irsc.gc.ca.

[532]   15 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22evb‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[533]   Alvarez, R., président et chef de la direction, ISC. (7 novembre 2005) Lettre au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[534]   8 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/20ev‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[535]   Santé Canada. (2004) Télésanté mentale au Canada : Rapport sur la situation actuelle, p. iii. Disponible en ligne à l’adresse www.hc‑sc.gc.ca/hcs‑sss/pubs/esanté‑esante/2004‑tele‑mental/index_f.html.

[536]   Ibid., p. iv.

[537]   Sylvain, M. (15 novembre 2005) Telemental health service reaches out to remote N.B. Medical Post, Volume 41, Numéro 49.

[538]   9 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/21eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[539]   Voir le Chapitre 5 pour une discussion plus détaillée portant sur les soins en collaboration.

[540]   Voir le Chapitre 14 pour une discussion plus détaillée sur les défis énormes auxquels font face les collectivités autochtones pour améliorer le bien‑être mental de leurs habitants.

[541]   20 avril 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/13eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[542]   Santé Canada. (2004) Télésanté mentale au Canada : Rapport sur la situation actuelle, p. 11.

[543]   14 juin 2005, /38/1/parlbus/commbus/senate/com‑f/soci‑f/22eva‑f.htm?Language=F&Parl=38&Ses=1&comm_id=47.

[544]   Industrie Canada (13 octobre 2005). Communiqué disponible en ligne à l’adresse  HYPERLINK "http://www.ic.gc.ca/cmb/welcomeic.nsf/d2ba51d479ae569a852564ca0064238a/85256a5d006b97208525709900678c59!OpenDocument" http://www.ic.gc.ca/cmb/welcomeic.nsf/d2ba51d479ae569a852564ca0064238a/85256a5d006b97208525709900678c59!OpenDocument.

[545]   Alvarez, R., président et chef de la direction, ISC. (7 novembre 2005) Lettre au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.


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