Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 2 - Témoignages du 14 avril 2010
OTTAWA, le mercredi 14 avril 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 19, pour étudier la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire au Canada.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte. Bienvenue aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur la question de l'accessibilité à l'éducation postsecondaire. Plus particulièrement, le thème d'aujourd'hui sera l'éducation postsecondaire et les Autochtones.
Nous accueillons deux groupes de témoins aujourd'hui. Le premier groupe compte trois personnes. Pour la première fois, nous souhaitons la bienvenue au chef national de l'Assemblée des Premières Nations, Shawn Atleo, qui est chef héréditaire de la Première nation d'Ahousaht. En juillet 2009, il a été élu pour un mandat de trois ans au poste de chef national de l'Assemblée des Premières Nations. M. Atleo a obtenu une maîtrise en éducation, enseignement aux adultes et changement mondial, de l'Université de la technologie de Sydney, en Australie, en partenariat avec l'Université de la Colombie-Britannique, l'Université de Western Cape, en Afrique du Sud et l'Université de Linköping, en Suède. En 2008, l'Université de l'île de Vancouver l'a récompensé pour son engagement dans le domaine de l'éducation en le nommant chancelier; il est devenu ainsi le premier Autochtone à se voir décerner ce titre en Colombie-Britannique.
Marc Leclair est conseiller politique senior au Ralliement national des Métis. Fondé en 1983 après la reconnaissance des Métis en tant que l'un des trois groupes autochtones distincts de la Loi constitutionnelle de 1982, le ralliement est composé de cinq organisations métisses provinciales situées en Ontario et à l'ouest de cette province. Il reçoit son mandat de membres démocratiquement élus dans les assemblées provinciales.
Notre troisième témoin aujourd'hui est Lisa Wilson, qui témoignera au nom du Gabriel Dumont Institute. Le Gabriel Dumont Institute of Native Studies and Applied Research Incorporated a été créé formellement en tant que société sans but lucratif en 1980 afin de combler les besoins éducatifs et culturels des Métis et des Indiens non inscrits de la Saskatchewan.
Avant de donner la parole à nos invités, permettez-moi de souhaiter la bienvenue aux membres substituts présents au comité aujourd'hui. Le sénateur Brazeau remplace le sénateur Demers, et le sénateur Stewart Olsen remplace le sénateur Keon. Bienvenue à vous deux. Je crois que nous allons accueillir plus tard le sénateur Dawson, au nom du sénateur Merchant, et le sénateur Nancy Ruth, au nom du sénateur Champagne.
Nous sommes prêts à nous lancer. Je vous donnerai d'abord la parole, chef Atleo. Nous vous saurions gré de présenter une déclaration liminaire qui fait au plus sept minutes.
Shawn A-in-chut Atleo, chef national, Assemblée des Premières Nations : Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs les sénateurs et membres du comité, c'est pour moi un grand honneur et un grand privilège de me retrouver parmi vous; nous apprécions au plus haut point le fait que vous portiez votre attention sur cette question.
Durant les sept minutes qui me sont allouées, je vais parcourir certains des grands enjeux, en disant d'abord ceci : discuter de l'éducation postsecondaire, en vérité, c'est discuter d'éducation au sens large.
Je lisais une correspondance remontant à 1971 entre Jean Chrétien et le premier ministre de l'époque, Trudeau. J'ai des souvenirs vagues de 1971. Au début des années 1970, le taux de diplomation se situait à 12 p. 100 dans le cas des écoles primaire et secondaire. Aujourd'hui, c'est presque 49 p. 100; on pourrait donc dire que nous avons progressé sur un long chemin, mais nous croyons en même temps que le moment est venu d'envisager à plus grande échelle le genre de changement significatif qui débouchera sur les types de succès que nous souhaitons tous et dont nous pouvons tous profiter, très clairement, en songeant au chemin que nous avons parcouru jusqu'à maintenant. Cela comprend le fait que, jusqu'à ce que la Loi sur les Indiens soit modifiée en 1951, les membres des Premières nations ne pouvaient fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.
Pour aborder la question, disons d'abord que cela ne fait pas longtemps que nous réussissons nos études postsecondaires. Nous avons vu nos premiers diplômés dans les années 1960; mon père, par exemple, est considéré comme le premier, sinon un des premiers Autochtones à détenir un doctorat, le sien provenant de l'Université de la Colombie-Britannique. Cela ne fait pas longtemps. Il a eu 71 ans la semaine dernière, il a achevé ses études à l'âge de 55 ans.
Commençons par une petite réflexion sur l'éducation et la réussite en éducation. Aux yeux de bon nombre d'Autochtones, ce que nous avons accompli est incroyable, vu les types de contraintes qui nous ont été imposés. Depuis, nous en sommes arrivés à 518 écoles dans les réserves, 45 établissements d'études supérieures autochtones, et le taux de diplomation a commencé à augmenter lentement dans le cas des écoles primaire et secondaire. Nous étions jadis une poignée d'Autochtones ayant fréquenté un établissement d'études postsecondaires, comme je l'ai dit, à commencer dans les années 1960. En 1998-1999, il y avait 27 000 Autochtones qui faisaient des études postsecondaires.
Certains d'entre vous l'avez peut-être entendu dire, nous nous sommes donné un objectif très ambitieux — avoir 65 000 Autochtones titulaires d'un diplôme d'études postsecondaires au cours des cinq prochaines années —, cela, en nous fondant sur les bons travaux d'un économiste et un rapport réalisé en 2009 pour l'Assemblée des Premières Nations. C'est le genre d'objectif qui nous permettra de combler l'écart entre le taux de réussite des Autochtones et celui du reste de la population canadienne. Voilà ce que préconisent les chefs des Premières nations de tout le pays, dont j'ai pour tâche de défendre les intérêts et qui représentent plus de 630 communautés des Premières nations au Canada.
En 2008, il y avait quelque 8 000 écoles et établissements d'enseignement contrôlés par les Premières nations du niveau élémentaire au niveau postsecondaire. Les défis à relever sont nombreux, et vous entendrez les Premières nations marteler le fait que le problème principal réside dans le sous-financement chronique des écoles primaires et secondaires des Premières nations, l'absence de soutien financier des études des Premières nations dans leur langue comme cela se fait dans les collectivités anglophones et francophones.
Pour rester dans le ton des excuses présentées par le premier ministre Harper et le reste du Parlement à l'été 2008, disons que l'héritage des pensionnats, qui ont duré plus de 100 ans, a pris la forme d'un effet préjudiciable incroyable pour nous, tout cela au nom de l'éducation, sous la bannière de l'éducation. Si l'éducation a été un instrument utilisé pour séparer les gens de leur langue et de leur culture, assurément, l'éducation devrait devenir un instrument qui permet de remettre les gens en lien avec la culture et la famille, et qui soutient la remise en lien des collectivités autochtones aussi. Les excuses étaient donc très importantes.
Pour les étudiants des Premières nations qui se battent pour réussir, le manque de moyens financiers représente le plus grand obstacle. Cela évoque un nombre effarant de questions connexes, notamment la garde des enfants, l'hébergement et la préparation aux études. Bien entendu, depuis que je suis chef national, nous sollicitons l'apport des établissements d'enseignement postsecondaire, du milieu scolaire, du système d'éducation, des districts scolaires, des associations d'enseignants et des associations étudiantes en affirmant tout haut que tous et chacun doivent s'y mettre pour s'assurer que les systèmes d'apprentissage conviennent aux apprenants des Premières nations.
En 2009, il y a eu la publication du rapport auquel je fais allusion, qui est intitulé Focusing Indian and Northern Affairs Canada's Post Secondary Education Program : Targets and Impacts. Comme je l'ai dit, ce rapport présente les objectifs en question, sous la plume de Waslander, je crois que c'est bien le nom de l'économiste en question. L'auteur du rapport signale le fait que le budget des programmes fait l'objet d'un plafonnement arbitraire depuis plus de dix ans. S'il y a bien un message à retenir à la suite de notre rencontre, c'est qu'il faut revenir aux sentiments exprimés dans la lettre signée par Jean Chrétien en 1971, où il donne à entendre qu'il faut un effort conjoint entre les Premières nations et le gouvernement. Cela nous a réjoui d'entendre dire, pendant le discours du Trône, que nous devons travailler ensemble à renforcer et à réformer — rafistoler ne sera pas utile. Ce qu'il faut, c'est que nous voyions ensemble comment il serait possible d'améliorer l'efficacité et l'efficience des programmes et faire fond sur le travail responsable des Premières nations quant à l'exécution des programmes et aux efforts que déploient les collectivités pour s'assurer que leurs citoyens, où qu'ils habitent, sont bien servis.
Je vais résumer nos recommandations. Notamment, il faudrait éliminer immédiatement le plafond annuel de 2 p. 100 imposé aux augmentations de dépenses dans le cas du programme d'éducation postsecondaire du ministère; et les accroissements de dépenses du ministère à cet égard doivent se fonder sur les coûts réels des éléments du programme sans être assujettis à des maximums discrétionnaires. Les Premières nations étaient grandement préoccupées de constater que les transferts du gouvernement fédéral vers les provinces et territoires pour les programmes d'éducation et de santé ont été protégés à un taux supérieur à 6 p. 100, comme c'est le cas dans le dernier budget, mais sans augmentation par rapport au maximum de 2 p. 100. Il y a un écart législatif énorme qui nous empêche de nous assurer que des ressources protégées et durables soient mises à la disposition des apprenants des Premières nations annuellement.
Le comité recommande que le budget ministériel pour 2007-2008 et les exercices suivants soit augmenté compte tenu des dépenses accrues provenant du fait d'accroître le financement à l'intention des apprenants inuits et des Premières nations admissibles. J'ai peut-être tort, mais je crois qu'il y a environ 10 000 étudiants qui feraient des études postsecondaires s'ils obtenaient autrement le soutien nécessaire.
Je me réjouis d'avance à l'idée d'échanger avec vous, sachant quel est le temps qui m'a été alloué pour présenter mes réflexions au départ. Je suis heureux d'être là au nom de l'Assemblée des Premières Nations. Grâce au bon travail du comité de l'éducation du chef national et de la direction de l'éducation, nous sommes bien placés pour participer avec rigueur à l'effort conjoint de renforcement et de réforme de l'éducation.
Nous sommes convaincus que cela cadre très bien avec le vieillissement de la population générale du pays. L'augmentation du nombre de jeunes Autochtones est un phénomène avec lequel nous devons composer très rapidement. Nous devons agir vite pour nous assurer que les jeunes en particuliers obtiennent le soutien nécessaire pour réussir leurs études.
C'est cet esprit-là qui fait que nous apprécions beaucoup l'invitation à comparaître aujourd'hui.
Le président : Merci beaucoup, chef, de votre contribution. M. Leclair peut y aller au nom du Ralliement national des Métis.
Marc Leclair, conseiller politique senior, Ralliement national des Métis : À l'instar du chef national, je tiens à vous remercier, tous, d'être là aujourd'hui pour nous entendre. C'est une occasion dont nous ne pouvons pas souvent profiter.
Je voudrais d'abord présenter les Métis que nous représentons. Il y a quelque 330 000 Métis qui se sont déclarés comme tels au cours du dernier recensement. En Ontario et dans l'ouest du pays, neuf sur 10 se déclarent comme tels. Cela ne veut pas dire que personne ne se déclare Métis ailleurs au pays, mais disons que c'est là que réside la majeure partie de la population. C'est une population très jeune, bien que pas aussi jeune que celle des Premières nations ou des Inuits. Tout de même, 52 p. 100 de la population a moins de 19 ans. Selon nos prévisions, au cours des 15 prochaines années, ce sont environ 80 000 à 100 000 jeunes Métis qui pourront fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire. C'est un nombre assez important. À l'heure actuelle, il y a un écart énorme entre le nombre de non- Autochtones et de Métis qui fréquentent de tels établissements. Le taux de fréquentation de la population générale du Canada s'élève à 18,2 p. 100 environ, alors que celui de notre population — même s'il s'améliore — ne fait encore que 7 p. 100 environ.
Bien entendu, nous savons que les études postsecondaires débouchent sur de meilleurs emplois, des revenus accrus et une plus grande autonomie, et qu'elles produisent un impact générationnel important. Les enfants élevés dans une famille dont les parents ont fait des études postsecondaires en font généralement eux aussi. C'est un élément très important de l'équation.
Si elle n'est pas nombreuse au sens strict, notre population est assez nombreuse en Saskatchewan et au Manitoba. Il y a à Winnipeg 55 000 personnes qui se déclarent Métisses; c'est donc une partie importante de la population et une partie très jeune de la population, qui a beaucoup à offrir aux marchés du travail des deux provinces citées, qui a besoin de notre participation.
Nous sommes plus ou moins le groupe autochtone pour lequel la responsabilité n'a pas été acceptée au niveau fédéral. Nous ne sommes pas d'accord avec l'idée que le gouvernement fédéral ne serait pas responsable de certaines choses tout au moins, dont l'éducation. Les provinces n'acceptent pas la responsabilité de la chose selon la Constitution; nous sommes donc une sorte de ballon politique. Nous passons d'un à l'autre. Nous essayons de faire valoir aux autorités fédérales et provinciales l'utilité d'investir des sommes d'argent qui, de fait, représentent le produit de nos impôts et taxes, puisque nous payons tout cela : la taxe provinciale, l'impôt fédéral, la TPS, la TVP et ainsi de suite. D'une certaine façon, nous essayons de convaincre les gouvernements de prendre nos impôts et de les investir dans nos gens, particulièrement dans le domaine de l'éducation. Nous réussissons mieux que les Premières nations selon la plupart des indicateurs, mais, en même temps, nous ne souffrons pas du même isolement géographique et de certains des problèmes qu'ils éprouvent à trouver de bons enseignants qui vont demeurer sur place, à payer les bons enseignants pour qu'ils y demeurent et ainsi de suite.
Nous recevons notre instruction dans les systèmes scolaires provinciaux et nous travaillons depuis un certain temps au Conseil de la fédération avec le chef national et d'autres personnes à faire en sorte que les provinces prennent l'éducation davantage au sérieux. Nous faisons certains progrès sur ce front-là. Ce n'est pas aussi rapide que nous le souhaiterions, à mon avis, mais, globalement, les systèmes d'éducation provinciaux servent bel et bien à instruire les Premières nations et les Métis. Dans notre cas à nous, c'est à 100 p. 100. Les résultats sont loin d'être aussi bons que nous pensons qu'ils devraient l'être. Nous voulons un taux de participation plus grand.
Le défi le plus important que nous devons relever, c'est de convaincre les deux ordres de gouvernement de prêter attention aux besoins des Métis en éducation. La dernière fois où nous nous sommes attaqués à la question, c'était à Kelowna. Nous avons fixé certaines cibles du point de vue de l'éducation et autrement. Le fait que le gouvernement ait adhéré aux cibles établies, mais pas au programme de dépenses indiquait à nos yeux qu'il voulait en arriver à un nouveau programme, mais nous ne nous sommes pas encore vraiment engagés là-dedans, même si certains progrès ont été faits.
Pour ce qui touche les études postsecondaires, nous vous demandons en fait de vous pencher sur deux grandes recommandations. La première porte sur ce que le chef national a évoqué : le soutien financier des étudiants. La disparité entre les revenus des Métis et ceux des autres personnes est très importante. Nos formations familiales sont différentes. Nous avons des familles plus nombreuses que nous fondons plus tôt. L'histoire que nous avons à l'institut Gabriel Dumont, ou GDI — et cela vaut aussi pour l'Université des Premières nations —, c'est que certaines filles, arrivées à l'âge adulte, reviennent à l'éducation des adultes pour se recycler; elles reviennent à l'école et s'en tirent très bien. De fait, un des points forts des établissements autochtones, c'est que les adultes y reviennent, puis vont trouver un emploi productif.
C'est donc une situation où il y a des gens pauvres dans un système d'éducation où le principe de l'utilisateur payeur est appliqué quelque peu. Les frais de scolarité ont augmenté au cours des dernières décennies; c'est donc une très mauvaise combinaison : être pauvre et voir les frais de scolarité augmenter. Le fait que la structure familiale diffère un peu de celle de la famille canadienne moyenne fait vraiment voir la nécessité d'un investissement public accru, car, dans les familles de travailleurs, il est très difficile de réunir les fonds nécessaires pour que quelqu'un fréquente ces établissements. Pour y arriver, nous consacrons 50 millions de dollars à la formation professionnelle tous les ans, depuis 15 ans. Nous avons dépensé 500 millions de dollars en formation professionnelle. À titre d'information seulement et non pas à titre de mémoire, j'ai déposé au comité le rapport intitulé Métis Works. Vous verrez là que la plupart de nos provinces ont créé des bourses d'études et que nous avons réussi à convaincre des établissements d'enseignement postsecondaire de verser une somme égale à celle que nous injectons dans les fonds de dotation en question. Nous vous avons demandé de recommander au gouvernement du Canada d'investir dans ces fonds de dotation. Nous essayons de préserver le capital placé dans les fonds et la fondation des bourses du millénaire, à l'époque où elle était en place, au profit des Métis et des Premières nations négligés.
Nous avons un véhicule dans lequel le Canada et les provinces peuvent investir. Nous cherchons aussi à obtenir le soutien de notre établissement d'enseignement postsecondaire, le Gabriel Dumont Institute, ou GDI. Les premiers fondateurs l'ont mis en place en 1980; c'est un établissement qui accomplit un travail phénoménal, qui est assimilé à une pratique exemplaire. Il cherche à élargir sa capacité de recherche, à accroître sa capacité de concevoir des programmes d'études. Il souhaite obtenir ce que tous les établissements d'enseignement postsecondaire tiennent quasiment pour acquis. Un financement de base élargi. Nous savons que, par le truchement des transferts sociaux, 3,4 milliards de dollars sont versés aux provinces pour le soutien des établissements d'enseignement postsecondaire. La province du Manitoba, dans le cas de l'Institut Louis Riel, fait certains investissements, tout comme c'est le cas pour le GDI. Cependant, nous souhaitons que les transferts en question se fassent avec davantage de transparence, pour nous assurer que les établissements métis obtiennent leur juste part des ressources postsecondaires.
Merci.
Le président : Merci beaucoup.
Maintenant, madame Wilson, je crois comprendre que vous voulez seulement répondre aux questions posées. Vous pouvez quand même présenter une déclaration liminaire si vous le souhaitez.
Lisa Wilson, directrice de programmes, Gabriel Dumont Institute : Je me contenterai d'un rôle de soutien.
Le président : Merci de participer à la discussion.
Chers collègues, je dois noter vos noms, pour répartir le temps alloué. Nous en avons jusqu'à 17 h 15 avec ce groupe de témoins-ci, puis il y a un autre groupe qui sera là. Tandis que nous notons vos noms, comme le veut l'usage, je vais commencer par la première équation.
Nous en sommes au troisième groupe de témoins que nous accueillons à propos de la question de l'accessibilité des études postsecondaires pour les Autochtones. C'est une question qui est très importante à nos yeux. On nous a relaté de nombreuses statistiques sur la question et révélé à quel point les Autochtones sont sous-représentés parmi les personnes qui achèvent leurs études secondaires, par rapport à la population générale. Nous savons à quel point il est capital pour la prospérité future de notre pays que les jeunes fassent leurs études secondaires et passent aux études postsecondaires.
Comme je l'ai dit, nous avons entendu trois groupes de témoins; nous en sommes au troisième groupe. Le premier groupe comptait des représentants d'Affaires indiennes et du Nord Canada, qui nous ont dit qu'ils ont commencé à examiner les programmes d'enseignement postsecondaire; c'était en décembre. Puis, dans le cadre du budget de 2010, le gouvernement fédéral a exprimé sa volonté d'appliquer une nouvelle approche au soutien des membres de Premières nations et Inuits qui font des études postsecondaires, de façon à s'assurer que les étudiants reçoivent l'appui nécessaire pour fréquenter un établissement d'enseignement postsecondaire.
Je crois que vous avez réagi quelque peu à cela tous les deux en décrivant ce que vous voudriez que le gouvernement fédéral fasse — relever les plafonds établis, par exemple —, mais avez-vous autre chose à dire là-dessus?
Permettez-moi d'ajouter un élément à la question, qui provient du dernier groupe de témoins que nous avons accueilli, la semaine dernière, où David Snow, qui était présent, avec Calvin Helin, a produit pour l'Institut Macdonald-Laurier un rapport où ils affirment que le financement des études postsecondaires — le PAENP — devrait être remis directement aux étudiants, plutôt qu'aux bandes indiennes.
Je me demande ce que vous en pensez, monsieur Atleo.
M. Alteo : Ma réponse se divise en deux parties, plus ou moins. La première partie porte sur ce que mon ami, M. Leclair, a pu évoquer, soit ce qui s'appelle le groupe de travail des ministres responsables des Affaires autochtones, qui réunit des dirigeants provinciaux et territoriaux autour d'un programme d'action où il est question d'éducation, de développement économique et de santé. Il serait exact d'affirmer que l'éducation se situe probablement au premier rang des priorités du programme d'action en question : reconnaître la nécessité de régler les problèmes intergouvernementaux que nous rencontrons, l'éducation n'étant qu'un exemple des problèmes auxquels il nous faut nous attaquer.
Certes, non seulement j'encouragerais le gouvernement fédéral à prendre toute la place qui lui revient, mais aussi j'encouragerais le Premier ministre à envisager de diriger l'exercice et à organiser une rencontre des premiers ministres qui nous permettra non seulement de surmonter les difficultés intergouvernementales qui se présentent, mais aussi de trouver des gains en efficience pour nous assurer de maximiser les ressources à notre disposition. Les chefs ont établi avec d'autres dirigeants autochtones le mandat nécessaire pour s'engager sur cette tribune-là; à mes yeux, c'est l'exemple d'un processus ou d'une approche qui pourrait déboucher sur des résultats.
Si je le propose, c'est que nous avions réformé, avec les Premières nations, l'approche particulière des revendications dont il est question; une chose que nous avons connue dans un contexte semblable — et je vous renvoie à cette lettre qui remonte à 1971. Si nous remontons au début des années 1970, de toute façon... il y a eu un mouvement en faveur du contrôle exercé par les Indiens sur l'éducation des Indiens. Nous discutons toujours du contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations et comme nous en discutons en ce moment, le compteur n'est pas à zéro. Il y a toutes sortes d'acquis sur lesquels tabler. J'ai mentionné plusieurs rapports, dont le rapport au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, qui remonte à 2007 et qui s'intitule Notre priorité la plus haute : l'éducation postsecondaire des Autochtones au Canada. Il y a eu des recommandations qui ont été formulées, et que j'ai réitérées ici : le plafonnement de 2 p. 100; la majoration des budgets en fonction de l'accroissement des dépenses; la reconnaissance du succès — bien entendu, tous les partis ont mis la main à ce rapport-là — des établissements contrôlés par les Autochtones, ce que le gouvernement devrait admettre et soutenir, et prendre pour point de départ pour construire quelque chose.
C'est un excellent exemple. Cela s'est fait aux États-Unis — une reconnaissance véritable des collèges tribaux, par exemple; c'est arrivé dans des endroits comme la Nouvelle-Zélande. Nous n'avons pas à recommencer à zéro quand il s'agit de s'assurer de renforcer et de réformer l'éducation d'une façon qui soutient les apprenants.
Il y a ici un élément important qui mène à la deuxième partie de la question, avec la mention du rapport et l'idée de soutenir les apprenants individuels. Sous le prétexte de l'éducation, les pensionnats, pendant presque 100 ans, ont servi d'instrument pour séparer les familles et les collectivités, et notamment des gens comme mon père, qui, à l'âge de quatre ans, a été enlevé de sa maison de force. Il parlait seulement notre langue et, pendant 12 ans, il a été assujetti à un système qui était imposé de l'extérieur et qui était une très grande source de division.
Si les modifications n'ont pas été apportées avant 1951 — et c'est une si courte période qu'il y a eu... —, je crois que l'éducation doit faire l'objet d'une approche qui non seulement respecte les fondements mêmes du pays, qui s'est créé avec la signature de traités et la reconnaissance et le respect réciproques entre nations, mais aussi qui fait de l'éducation l'instrument de choix aux yeux des Canadiens.
Ni les membres du comité ni les autres personnes présentes n'ont rédigé la Loi sur les Indiens — nous n'avons pas créé les pensionnats —, mais nous avons hérité des obligations qui en découlent et, je crois, de responsabilités qui nous lient les uns aux autres et qui supposent d'aider à la reconstruction des familles, des collectivités et des nations. Nous avons vécu des divisions et des conflits extraordinaires dont nous n'avons pas été la source, dans les réserves et en dehors de celles-ci, chez les Indiens inscrits et chez les autres. Nous luttons toujours devant les tribunaux, sur les terres gagnées grâce à une entente sur une revendication ou en dehors de ceux-ci.
À mes yeux, il ne s'agit pas simplement d'un instrument à employer pour soutenir la réussite individuelle d'études dans une économie de marché. C'est bien plus que cela. Il s'agit de reconnaître que l'éducation est un élément important de l'équation; mais je vois que, à des endroits comme Onion Lake en Saskatchewan et Restigouche dans les provinces de l'Atlantique, les gens trouvent les ressources voulues pour soutenir la revitalisation de leur langue même en l'absence d'un soutien financier. Les gens regardent un lieu comme l'Alberta et se demandent : pourquoi la communauté francophone y reçoit-elle 2 100 $ ou 2 300 $ par étudiant pour le soutien de sa langue, alors que ceux qui parlent la langue crie n'ont droit qu'à 215 $ ou 220 $?
Cela nous amène à la notion de conflits entre les communautés du pays, même entre les peuples autochtones eux- mêmes. Nous demandons donc que les Canadiens — par le truchement de leurs élus, par le truchement du comité réuni ici aujourd'hui — envisagent les conséquences des décisions que vous prenez. C'est pourquoi nous réitérons l'idée de travailler de près avec les peuples autochtones.
Bien entendu, nous sommes intéressés à devenir de solides partenaires de l'exercice non seulement pour renforcer la réforme, mais aussi pour nous assurer d'un fait : si, pendant 100 ans, nous avons mis tant d'argent et tant d'efforts à brimer des gens, ou encore si nous avons causé tant de torts, nous devrions mettre beaucoup de volonté politique et de moyens dans ce qui permet de reconstruire les communautés et de refaire les liens.
Voilà mes réflexions, en réaction aux deux points ainsi soulevés.
M. Leclair : La machine qui sert à administrer le soutien aux étudiants, notre machine, vaut pour l'ensemble de la province. Notre approche consiste à maximiser autant que possible l'argent que nous pouvons verser aux étudiants. C'est pourquoi nous agissons de concert avec les établissements d'enseignement postsecondaire. La clé consiste à trouver le meilleur système possible pour mettre les ressources entre les mains des étudiants au coût le plus bas possible.
Le président : Madame Wilson, avez-vous quelque chose à dire?
Mme Wilson : Le chef national Atleo soulève des points vraiment importants quand il évoque le fait que nous formons peut-être la première génération, sinon la deuxième de Métis à fréquenter l'université et à profiter des occasions en question. Dans le contexte des établissements métis qui existent en ce moment, disons que, du point de vue du renforcement de la capacité d'action, nous comptons une expérience de plus de 30 ans au service de l'éducation postsecondaire de notre communauté fondée sur une base culturelle.
Je note bien que le chef national Atleo a souligné le lien très important qui existe entre la culture et l'éducation. Selon moi, ce n'est pas du tout un hasard que les établissements métis dans l'Ouest du Canada ont été fondés non seulement pour promouvoir l'éducation, mais aussi pour ancrer l'éducation dans la culture, étant donné que la culture est absolument capitale en tant qu'elle se rapporte à l'éducation.
Je dirais une chose, soit qu'il y a une capacité qui a été créée depuis plus de 30 ans et que, à mes yeux, il y a cette assise qui existe sur laquelle il faut bâtir pour promouvoir l'éducation des Métis.
Le président : Compte tenu du temps que nous avons pris pour écouter le premier groupe et vu le nombre de personnes qui doivent poser des questions, chaque combinaison de questions et de réponses doit faire au plus cinq minutes.
Le sénateur Eaton : Comme vous pouvez le voir, nous sommes fascinés et nous tenons à faire de notre mieux à partir de ce qui est dit dans le rapport.
Chef Atleo, vous insistez certes sur une chose que nous avons constatée au comité; visiblement, votre père était très instruit. Il a fini par décrocher un diplôme d'études supérieures, un doctorat, c'est une des choses que nous avons apprises, soit que les gens sont plus susceptibles de fréquenter l'université et de terminer leurs études universitaires si leurs parents ont fréquenté l'université; visiblement, vous êtes tout à fait dans cette catégorie-là.
Vous vous êtes donné une cible, soit 65 000 diplômés au cours des cinq prochaines années. Évidemment, les jeunes Métis et les jeunes des Premières nations sont de plus en plus nombreux à se retrouver dans les centres urbains, mais il y a encore un grand nombre de collectivités très isolées. Pour que les jeunes fassent des études supérieures dans les deux cas, avez-vous un programme différent en tête? Le cas échéant, pouvez-vous nous dire quels sont les différents instruments que vous employez pour aider les gens isolés et les gens en milieu urbain?
M. Atleo : J'ai fait ma maîtrise à l'époque où j'étais directeur général d'un centre de traitement des toxicomanies à vocation familiale dans un milieu rural, près de mon village. J'ai suivi les cours des quatre universités qui ont été mentionnées. Je suis issu de la première cohorte de ce programme. Nous en sommes encore aux premiers stades de l'affaire. Mon fils faisait des recherches pour voir comment il pouvait suivre un programme pédagogique en ligne tout en travaillant au sein de la collectivité à Vancouver, où il habite.
Le sénateur Eaton : Avez-vous fait vos études en ligne?
M. Atleo : J'ai tout fait en ligne. Nous n'avons pas encore étoffé cette possibilité d'une manière qui tienne compte des réalités de la vie urbaine et de la vie rurale.
L'étude récente d'Environics sur les Autochtones en milieu urbain a été utile. Elle comportait un certain nombre d'indicateurs. Elle a permis de constater que, comme c'est le cas dans toute autre culture, les gens tiennent vraiment à préserver les liens qu'ils ont avec la famille, la culture, la langue et ainsi de suite. Le cas des Autochtones n'est pas différent. La distinction à faire ici, c'est que, grâce aux politiques gouvernementales, les écarts mentionnés perdurent. L'expérience d'une génération que nous avons connue dans ma famille constitue l'exception et non pas la règle. Je crois qu'on peut dire de bon nombre d'Autochtones qu'ils incarnent aujourd'hui la deuxième génération de réussite des études postsecondaires.
Nous ne cherchons pas tant à faire reconnaître le fait qu'il y a des Autochtones en milieu rural et des Autochtones en milieu urbain. Plutôt, nous souhaitons approfondir les raisons pour lesquelles les gens choisissent tel lieu et pourquoi ils y demeurent. Pendant 20 ans, j'ai essayé de me trouver une maison dans mon village, mais en vain. J'en ai enfin une dans mon village, mais il m'a fallu plus de 20 ans pour l'avoir. J'ai toujours voulu retourner chez moi et être chez moi, puis je me suis retrouvé à Ottawa. Allez donc comprendre.
L'important, c'est d'approfondir la question et de mieux saisir la dynamique qui mène les gens à choisir tel lieu de résidence. J'ai vécu en milieu urbain et dans une réserve, chez moi.
Le traité no 3 disait : « Donne-moi ton enfant, je te donnerai le mien, et nous les élèverons pour que l'un comprenne les manières de l'autre. » Nous n'avons pas fait cela. Il y a encore des gens qui achèvent leurs études postsecondaires sans rien savoir des traités, des peuples autochtones, de la véritable histoire du pays. Nous ne nous sommes pas rendu à nous-mêmes un grand service en ce qui concerne le soutien de l'éducation des Autochtones ou la conscientisation du Canadien moyen à propos de la relation qu'il y a avec la communauté située tout juste de l'autre côté de la rivière, du pont ou de la voie ferrée.
En réponse à votre question, il ne doit pas s'agir seulement de savoir comment administrer l'éducation en milieu rural ou urbain. Plutôt, donnons-nous une façon de faire où les collectivités aident à concevoir et à créer la chose. Ce ne sera pas une solution universelle. Il nous faut créer un cadre, reconnaître que le besoin existe, engager les Autochtones dans la conception d'une solution pour l'avenir et reconnaître que le droit à l'éducation issu des traités fait toujours partie du cadre du pays.
L'expérience ne le confirme pas. Nous avons commencé en évoquant l'idée qu'AINC procède à un examen. Comment pourrions-nous participer à la réforme ou au renforcement de l'éducation s'il y a du travail qui se fait à l'interne sans que nous y soyons partie prenante? La relation avec le gouvernement constitue un aspect important de la question, mais nous devons nous adresser aussi à la société civile, au secteur de la philanthropie et au milieu des affaires et à l'industrie. Tous ces gens ont des choses importantes à dire, comme c'est le cas pour le monde universitaire, à propos de l'administration de l'éducation, et, à mon avis, ils sont loin d'être chauds à l'idée. Je ferai valoir que, globalement, ils demandent encore aux gens de laisser leur langue et leur culture à la porte en entrant. Nous allons continuer à encourager les systèmes d'apprentissage à reconnaître le fait que, à certains égards, ils perpétuent l'héritage de l'époque des pensionnats si nous ne revenons pas à une façon de faire où l'éducation respecte et reflète les gens, de la façon dont l'Université des Premières nations du Canada l'a fait pour nos apprenants. Le processus aussi va revêtir une importance capitale.
Le sénateur Brazeau : Bienvenue à vous tous. Ma question porte précisément sur le document de travail de l'Institut Macdonald-Laurier intitulé Free to Learn.
Avant d'aborder cette question, je voudrais vous féliciter du parti pris pour l'éducation qui est le vôtre, chef national Atleo. Visiblement, pour que nos membres des Premières nations puissent se tirer du piège de la pauvreté, l'éducation revêt une importance capitale. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Le chemin que nous souhaitons prendre pour y arriver pourra varier quelque peu, mais je crois que, tout au moins, nous avons à l'esprit l'intérêt des étudiants. À mes yeux, il est plus important de savoir que les étudiants ont accès aux ressources disponibles que de savoir qui administre les ressources.
Revenons au document de travail intitulé Free to Learn, coécrit par David Snow et notre collègue autochtone Calvin Helin, qui est originaire de la Colombie-Britannique. Le document en question fait ressortir certains des problèmes touchant le programme d'éducation postsecondaire et notamment son administration, dans la mesure où certaines Premières nations ont accumulé un excédent sur le financement accordé au fil des ans et que le financement a servi à couvrir des dépenses non admissibles. Il y a eu des allégations de népotisme et de favoritisme à cet égard. Le financement de l'éducation a servi à autre chose que l'éducation. Les responsables d'AINC se sont mis d'accord là- dessus à la réunion du comité hier, où nous avons parlé aussi d'éducation postsecondaire. Soyons francs : les accords de financement de l'éducation postsecondaire comportent très peu de critères axés sur les résultats. Le fait est souligné non seulement par les auteurs du document en question, mais aussi par AINC, qui a réalisé sa propre vérification interne du programme d'éducation postsecondaire.
Je vais lire un point de la série de conclusions, qui résume ce que je veux dire :
Les autorisations de financement en usage, conjuguées au fait que les dépenses font l'objet d'un suivi limité, ne favorisent pas une gestion rigoureuse des fonds du programme.
Évidemment, il y a bien d'autres recommandations dans le rapport.
De nombreux étudiants autochtones ont aussi témoigné de ce fait, tout comme des spécialistes autochtones de l'éducation. Comme vous êtes à la tête de l'Assemblée des Premières Nations, quelles sont vos vues sur ce document de travail? C'est visiblement une tentative d'aller au-delà du statu quo. Croyez-vous que les chefs de tout le pays soutiendront ce type de modèle? Je vous entends parler de contrôle des Premières nations sur l'éducation des Premières nations, et j'entends dire que les communautés des Premières nations devraient peut-être administrer les fonds en question. À mon avis, qui serait mieux placé pour administrer les fonds que les étudiants autochtones eux-mêmes? Ce serait justement un contrôle des Premières nations sur l'éducation des Premières nations.
J'aimerais savoir ce que vous pensez du document de travail.
M. Atleo : Voici l'occasion. Sénateur, vous soulevez des points importants à propos de l'administration et de la gestion des ressources. Nous sommes d'accord pour dire qu'il y a une occasion à saisir au point où nous en sommes. Donnons-nous les genres de mesures du rendement, d'instruments de collecte des données et d'instruments de responsabilisation qui, comme M. Leclair l'a mentionné, déboucheront sur des résultats de qualité. Prenons cela pour point de départ.
Il est impératif de traiter de la question de la responsabilisation dans cette perspective : il faut mettre en contexte les façons d'utiliser et de générer les ressources, sans oublier les conséquences d'une utilisation à mauvais escient des ressources.
Quant à la gestion des finances, sur 557 vérifications réalisées par AINC en 2002 et en 2003, les vérificateurs ont trouvé un problème quelconque dans 16 cas seulement. C'est moins de 3 p. 100. Les problèmes en question allaient du plus simple, par exemple l'omission de créer une documentation parfaitement complète, aux anomalies comptables les plus graves, qui figurent parmi les problèmes dont vous parlez.
Selon le Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, 96 p. 100 des Premières nations ne présentent aucun problème de responsabilisation que ce soit, c'est-à-dire qu'elles se conforment parfaitement à l'ensemble des règles applicables. L'existence de problèmes de responsabilisation financière dans moins de 5 p. 100 des cas, voilà qui se compare favorablement à la société non autochtone dans son ensemble, qu'il s'agisse du gouvernement, des entreprises ou des particuliers.
D'abord, il faut discuter de la responsabilisation en précisant le contexte. Je suis parfaitement d'accord pour dire que la responsabilité est commune. Il y a une petite minorité qui adresse des reproches aux Premières nations sur ce point, à l'exemple de celles qui sont véhiculées par l'information dont il est question ici, à mon avis, mais il y a aussi des Premières nations qui reprochent au gouvernement son manque de responsabilité. Elles adressent un rapport à AINC sur des questions comme l'éducation tous les trois jours. Qui lit ces rapports-là? Ce sont 60 000 rapports qui arrivent sur les bureaux du gouvernement.
Plutôt que d'argumenter — un tel a dit ceci, un autre a dit cela —, nous devons nous attacher à ce que vous avez mis en valeur, soit la réussite des études. Je voulais répondre à cette question d'abord, puis je serai heureux de traiter du deuxième aspect de l'affaire.
Le président : Malheureusement, les cinq minutes sont écoulées. Ça passe vite. J'ai une horloge ici, je sais. Je m'en excuse. Nous allons peut-être pouvoir revenir à la question, sinon un de vos collègues pourrait prendre le relais pour vous.
Le sénateur Dyck : Merci des exposés que vous avez présentés. Nous apprécions cela au plus haut point. Je suis originaire de la Saskatchewan, où la population compte une forte proportion de Métis et de membres des Premières nations. Comme vous l'avez mentionné pendant votre exposé, chef Atleo, la Saskatchewan abrite la seule université contrôlée par les Premières nations qui soit, l'Université des Premières nations du Canada, qui vit des moments plutôt difficiles en ce qui concerne le financement. Selon moi, cela tient en partie à la nature du financement des établissements d'enseignement postsecondaire. D'après ce que je comprends de la vérification interne effectuée à Affaires indiennes et du Nord Canada en janvier 2009, l'Université des Premières nations du Canada est le seul établissement qui soit financé grâce au Programme d'aide aux étudiants indiens, le PAEI.
Comment contourner le problème du financement? L'Université des Premières nations connaît un revirement de situation remarquable depuis quelques mois, mais le gouvernement fédéral n'a pas rétabli entièrement le financement. Que faudrait-il faire?
M. Atleo : Je souligne le bon travail qui se fait en Saskatchewan. Mon collègue de l'exécutif national, le chef régional Lonechild s'occupe de ce dossier légitime avec l'aide énergique des étudiants. Les étudiants affirment que c'est un établissement important; il reflète et respecte ce que nous sommes. Je fais allusion au point que j'ai soulevé plus tôt — soit que nous devons renforcer la reconnaissance d'établissements comme l'Université des Premières nations du Canada et en promouvoir la viabilité à long terme.
Si on songe aux problèmes de gouvernance qu'elle a connus, il faut penser que McGill, l'Université de Toronto et même Harvard ont eu leurs problèmes de gouvernance aussi. Ce sont des établissements qui existent depuis un siècle et qui, à un moment donné, ont eu des problèmes de gouvernance. Nos établissements sont encore jeunes, en développement, et ont besoin d'être soutenus. Nous devons prendre comme position de soutenir l'Université des Premières Nations du Canada.
Il y a un lien entre cela et les questions soulevées et posées par le sénateur Brazeau à propos du rapport lui-même et de l'aide aux étudiants. Du point de vue des droits et traités, les chefs des Premières nations revendiquent le titre pour les questions où ils ont des responsabilités en matière de tutelle. À leurs yeux, l'Université des Premières nations du Canada constitue un exemple d'établissement qui est créé et qui reflète et respecte leur culture, leurs membres et leur gouvernement.
Il y a aussi l'idée de rebâtir les nations, de rebâtir les communautés et de ressouder les familles. Je ne serais certainement pas ici aujourd'hui si ce n'était de l'aide aux études décidée par mon conseil tribal, qui a non seulement facilité mes études, en s'assurant que les ressources voulues étaient disponibles, mais aussi des liens qui me ramènent à ma famille et à ma communauté.
Je sais qu'une des premières questions que m'a posées notre conseil tribal est la suivante : « Shawn, reviendras-tu une fois que tu auras ton diplôme pour aider au sein de Nuu-chah-nulth? » J'ai travaillé pendant des années au centre de traitement des toxicomanies, mais aussi à l'exécutif politique.
Rapidement, je dirais qu'il faut soutenir cela, de manière durable, à long terme. Les gouvernements doivent reconnaître de façon plus officielle la mesure dans laquelle ces établissements aident à ressouder nos familles, mais, et c'est encore plus important, à accroître le potentiel du pays, ce qui s'est révélé un échec, je crois que nous sommes tous d'accord là-dessus, dans le cas des jeunes Autochtones.
Le président : L'un ou l'autre des deux autres témoins souhaite-t-il se prononcer là-dessus?
M. Leclair : Ça nous ramène à ce que je disais plus tôt, soit le rôle que le gouvernement fédéral devrait jouer pour soutenir les établissements métis et des Premières nations qui dépendent du financement de base ou encore qui dépendent principalement des provinces pour le financement. Nous croyons qu'il convient que le gouvernement fédéral soutienne l'institut Gabriel Dumont, l'Institut Louis Riel et l'Université des Premières nations. Cela s'inscrit dans le rôle du gouvernement fédéral.
Si nous défendons cette idée, c'est que, en ce qui concerne les transferts sociaux, lorsque les 3,4 milliards de dollars sont répartis entre les provinces par habitant, l'argent voulu est censé être consacré à l'éducation postsecondaire. Rien ne nous garantit que nous obtenons notre juste part des ressources consenties par habitant. En l'absence d'un cadre de responsabilisation qui permettrait de le confirmer, je crois qu'il convient que le gouvernement fédéral fournisse les fonds directement.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci de l'exposé que vous avez présenté. Je serai très brève, et je vous demanderais de donner les réponses les plus brèves possibles, pour que tout le monde qui souhaite poser une question puisse le faire.
La situation m'inquiète un peu, et je suis tout à fait d'accord avec l'approche des études supérieures et postsecondaires dont il est question. Chef Atleo, dans votre exposé, j'aimerais voir davantage de ce qui se fait en ce moment dans les études sur l'enseignement postsecondaire chez les Métis, soit un parti pris en faveur des collèges communautaires et des programmes d'apprentis. Je m'inquiète beaucoup de la proportion d'enfants qui abandonnent leurs études à la sixième année, qui ne les poursuivent pas parce qu'ils ne voient rien devant eux. Peut-être qu'ils ne veulent pas fréquenter l'université. Nous devons trouver une autre façon pour eux d'utiliser leurs talents, comme nous le faisons partout ailleurs.
Avez-vous envisagé le cas des collèges communautaires, des programmes d'apprentis, ce genre de truc?
M. Atleo : Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Stewart Olsen : Merci.
Monsieur Leclair, c'est un livre très impressionnant que vous avez là. Je n'ai pas vraiment entendu votre réponse à la question du président, à savoir qui devrait être le destinataire du financement selon vous. Faudrait-il tenir compte de ce qui est dit dans le rapport en ce qui concerne le financement? Faudrait-il accorder le financement aux personnes plutôt qu'aux conseils de bande? Je n'ai pas entendu tout à fait ce que vous avez dit là-dessus.
M. Atleo : Il faudra un peu plus de temps pour répondre à cette question-là. Cela nous ramène à un besoin important que les Premières nations expriment depuis des décennies, soit qu'il y ait une solution dont la conception est commune. Ce qu'il importe de retenir, c'est que la solution intégrale ne correspond pas à ma seule intervention; il s'agit seulement de dire que les Premières nations doivent participer pleinement à la conception de la solution en question. Si un économiste a suggéré, après mûre réflexion, que nous nous donnions pour cible 65 000 diplômés au niveau postsecondaire durant les cinq prochaines années, disons que ce n'est qu'un point de départ.
À propos des programmes d'apprentis dont vous parlez, je vous dirai que mon frère est électricien. À propos des collèges communautaires, il n'y a pas que la cible de 65 000 diplômés qui compte. C'est un effort pédagogique de tous et de chacun qui s'impose. Il ne s'agit donc pas de savoir quelle solution l'emportera. L'idée de financer des personnes, par exemple, que quelqu'un reçoit des ressources à la naissance, voilà qui peut être un élément d'un plan de 25 ans.
Ce qu'il faut faire maintenant au pays, c'est reproduire le changement à plus grande échelle, le faire tout de suite, le faire ensemble. Je ne crois pas qu'il s'agisse d'accepter ou de rejeter une notion en particulier. Il s'agit de reconnaître que nous devons encore traduire en pratique la relation prévue dans les traités, à l'article 35 de la Constitution du Canada, aux articles 21 et 14 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, le gouvernement en place ayant manifesté sa volonté de l'adopter, ce qui comprendrait la conception d'approches qui prennent en considération la culture et la langue.
Je ne vois pas en quoi le soutien d'une personne en particulier tient compte de la complexité de la tâche qui consiste à rebâtir les nations, à remettre les personnes en lien avec la langue et la culture. Il faut discuter pleinement de ces questions-là, puisque les Premières nations en font leur objectif. C'est à cela que revient le contrôle par les Indiens de l'éducation des Indiens, et c'est à cela que revient toujours le contrôle par les Premières nations de l'éducation des Premières nations. Il faut une réflexion et une réponse mûrement réfléchies à certaines de ces questions, sauf le respect que je vous dois.
En tant que groupe, l'Assemblée des Premières Nations est tout à fait prête à participer pleinement à la recherche de solutions, comme nous l'avons démontré, par exemple en ce qui concerne des revendications particulières. Cela a donné une réforme majeure d'une chose que nous essayons de faire sans succès depuis 30 ans. Il y a ici une question semblable qui se présente; une occasion semblable à saisir.
Le sénateur Eaton : Si un fonds était créé à la naissance de chaque enfant autochtone, l'enfant pourrait fréquenter l'établissement qu'il veut plus tard. Si vous obtenez les notes qu'il faut, vous pouvez fréquenter l'Université McGill, l'Université de la Saskatchewan; vous pouvez aller où bon vous semble. Le monde est à vous. Êtes-vous d'accord avec cela ou croyez-vous qu'il faut les ramener vers leur culture autochtone, même s'ils veulent s'en aller ailleurs?
M. Atleo : S'il s'agit d'une discussion entre nations, à ce moment-là, il faut discuter avec les dirigeants des nations en question en vue de concevoir une approche qui aidera à rebâtir ces nations. Il appartient à ces nations de déterminer quels sont les genres d'instruments qui traduiront en pratique le droit à l'éducation prévu dans un traité ou si ces approches éliminent cela. C'est une décision qui revient aux chefs et aux dirigeants des nations.
Il y a un rapport qui propose quelques idées, et il y a un rapport en particulier qui en propose quelques-unes. Il y a la Commission royale sur les peuples autochtones; il y a les innombrables rapports qui remontent jusqu'aux années 1970, et je crois que le moment est venu pour les dirigeants des Premières nations et le gouvernement de travailler ensemble à trouver la meilleure façon d'aller de l'avant dans le souci d'obtenir l'avantage maximal.
Je vais mentionner encore une fois que les pensionnats découlaient d'une approche imposée de l'extérieur et conçue de façon unilatérale; ce n'était pas un effort conjoint. Nous en sentons encore les répercussions, et nous le ferons pendant des générations. Ce qui importe, maintenant, c'est que nous vivons une période où il est possible de donner effet aux excuses présentées par le premier ministre : diviser les familles comme cela, mettre la langue à distance étaient très destructeurs. Nous allons en entendre parler à la Commission de vérité et de réconciliation pour les cinq prochaines années. L'éducation doit être l'instrument qui permet de soutenir et de reconnaître cela, et, de ce fait, je recommanderais vivement que nous adoptions ce type d'approche pour favoriser la réconciliation entre les peuples.
Le sénateur Brazeau : Je ne veux pas vous manquer de respect, mais j'entends beaucoup parler de discussions entre nations, de l'idée d'honorer les traités et de façonner les nations, et je ne suis pas contre ces idées-là, mais nous parlons ici du programme d'éducation postsecondaire et de s'assurer que les étudiants autochtones ont accès aux ressources nécessaires pour s'instruire adéquatement à l'exemple des Canadiens qui ne sont pas d'origine autochtone au pays. Cela dit, je reviendrai au point de vue soulevé plus tôt à propos de ce que l'Assemblée des Premières Nations et les chefs sont prêts à faire pour s'assurer que ces étudiants ont accès aux fonds en question, puisque vous avez bien parlé de responsabilisation. Vous parliez de responsabilisation, en général.
La responsabilisation à laquelle je fais allusion, c'est le témoignage des responsables d'AINC à propos de la seule question de l'éducation postsecondaire. Ils ont admis qu'ils ne disposaient pas du personnel nécessaire pour étudier tous les rapports qui sont transmis et qu'ils n'étaient pas en position pour bien déterminer si les fonds accordés étaient dépensés correctement ou non; néanmoins, nous entendons dire : « Il nous faut plus d'argent. »
Quelle est la position de l'APN face au document de Calvin Helin et de Dave Snow? Si le temps nous manque, j'apprécierais certainement une réponse écrite que vous pourriez transmettre au comité.
M. Atleo : Je demanderai certainement aux chefs de donner une réponse pleine et entière à cette question-là, s'ils sont enclins à le faire. Ce que je peux dire sans aucune équivoque, c'est que les chefs des Premières nations et les gouvernements des Premières nations s'engagent certainement à aider tous leurs citoyens à réussir leurs études où qu'ils résident. Si les ressources étaient là, si le plafond de 2 p. 100 n'avait pas été mis en place à partir de 1996 et qu'il n'y avait pas un manque à gagner de deux milliards de dollars, les jeunes en question fréquenteraient l'école et participeraient à la reconstruction des nations, de manière à combler l'écart qui s'est creusé du fait d'une politique gouvernementale appliquée depuis 100 ans; voilà donc la position dans laquelle nous nous trouvons.
Avec tout le respect que je dois au comité moi aussi, voilà un exemple des types de questions qui ont divisé les Autochtones eux-mêmes, de sorte que nous avons des choix à faire. Allons-nous prendre des décisions qui vont perpétuer la situation et continuer à diviser les Autochtones, ou encore allons-nous créer la marge de manoeuvre voulue pour abandonner les discussions antagonistes et nous attacher à la résolution de problèmes comme ceux qui existent dans le domaine de l'éducation?
Je ferais encore valoir qu'il ne s'agit pas simplement de combler l'écart qui existe du point de vue de l'équité ou d'avoir une même éducation pour tous. Il y a des choses qui nous ont été imposées, ce que nous savons très bien tous les deux. Nous pouvons fréquenter un établissement comme les autres, nous en avons le choix. Ce que nous disent ceux qui ont fréquenté l'Université des Premières nations du Canada ou un autre établissement autochtone, c'est que l'établissement a permis de combler un fossé profond.
Ces établissements postsecondaires n'existent que depuis peu de temps. J'en ai déjà dirigé un. Un apprenant pouvait venir me voir et dire : Shawn, j'arrive à peine au Canada. J'ai grandi en Californie. Je ne sais pas où se trouve Ahousaht, j'ai entendu dire que c'est de là que je viens. » Le type est originaire de mon village, mais n'avait jamais mis les pieds au Canada. Il a fait partie de la razzia des années 1960. Voilà un exemple d'une politique gouvernementale dont nous avons hérité et qui a servi à diviser les Autochtones. Ce type-là est venu à mon établissement, il a pu renouer avec ses racines, sa communauté et sa nation, et, ainsi, il a pu faire en toute connaissance de cause un choix éclairé sur ce qu'il en est d'interagir avec sa nation d'origine. Nous sommes alors en position pour l'aider à saisir cette option-là, ce qui, jusqu'à maintenant, n'était pas possible.
Lorsque nous décidons d'adopter des solutions dans le domaine de l'éducation, en réfléchissant à fond aux conséquences, est-ce que nous perpétuons le même genre d'idées qui a servi à nous diviser historiquement? Je ferais valoir que l'idée de réconciliation est pour nous une responsabilité qui ne s'applique pas seulement aux peuples autochtones. Il s'agit des peuples autochtones du Canada et d'ailleurs.
Le président : Sénateur Martin, c'est votre tour, mais il ne me reste presque plus de temps. Si vous pouviez poser une question rapide à laquelle nous pourrions peut-être obtenir une réponse rapide, ce serait fait.
Le sénateur Martin : Je vais formuler rapidement quelques observations et vous demander peut-être de proposer des réflexions plutôt que des réponses. Vous êtes doublement exemplaires dans le sens où vous jouez le rôle de leaders dans votre communauté, vous êtes de merveilleux modèles de comportement, et puis vous faites partie du système canadien, c'est un monde à l'intérieur d'un autre monde, avec la culture et le patrimoine autochtones que vous incarnez. D'une certaine façon, j'estime être dans une position semblable, placé entre deux mondes dont je prends ce qu'il y a de mieux dans chaque cas.
Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à l'importance du partenariat. Je sais aussi que, du point de vue de l'éducation, l'argent compte, et les finances doivent être assurées. C'est important. Nous sommes tous d'accord là- dessus. En outre, nous aurions tout l'argent au monde que ce ne serait pas suffisant, si les étudiants ne peuvent compter sur un véritable réseau d'entraide.
J'aimerais beaucoup vous entendre parler des mesures que vous prenez, des ressources supplémentaires qui existent comme les programmes de mentorat, par exemple l'orientation professionnelle et le counselling familial qu'il faudra mettre en place, mais le temps nous manque. Parmi les partenaires, il faut compter aussi le chez-soi et la famille étendue, puis aussi un peu le counselling culturel. De même que les néo-Canadiens doivent s'intégrer à la culture du pays, lorsque les étudiants quittent une réserve, il importe qu'ils s'intègrent. J'aimerais entendre parler des genres de programmes que vous avez déjà mis en place, sinon, de ce que vous avez imaginé en tant que dirigeants pour que vos étudiants puissent mieux se lancer dans le vaste monde.
Soixante-cinq mille diplômés, voilà un merveilleux objectif. Comme vous l'avez dit, l'an prochain, vous allez marquer le 60e anniversaire de votre accès aux études postsecondaires. En tant que communauté, je crois que vous faites un très bon travail. En songeant à votre histoire, on s'aperçoit que ça ne fait que 60 ans que cela s'est fait. Je crois que l'effort concerté et l'approche intégrée seront très importants, et que le gouvernement est un partenaire important de ce point de vue.
Le président : Les témoins ont-ils des observations ou des réflexions à faire sur ce que le sénateur Martin a dit?
M. Leclair : J'apprécie les remarques qui ont été faites. Permettez-moi de dire qu'on fait de son mieux à partir de ce qu'on a. Je n'arrive pas à penser à un domaine dans lequel il vaudrait mieux investir que l'enseignement postsecondaire, à la fois pour les personnes et pour les établissements. C'est le gros bon sens, simplement. Nous apprécions le temps que vous avez pris de nous écouter et nous attendons impatiemment la publication de votre rapport.
M. Atleo : J'apprécie tout autant l'interaction. Je crois que nous devons élargir le cercle. Je rencontre depuis un certain temps des représentants de groupes philanthropiques, du milieu des affaires et de l'industrie. Nous devons cultiver la relation que nous avons avec le gouvernement et reconnaître son importance en sachant que ce n'est qu'une des relations que nous devons continuer à cultiver.
Nous devons aussi favoriser l'apparition d'une culture d'apprentissage et d'éducation chez nous, étant donné que c'est encore très nouveau. Vous avez tout à fait raison. Nous avons certainement besoin d'aide pour mener à bien cette initiative. Nous apprécions au plus haut point que le comité prenne du temps pour étudier la question.
Mme Wilson : Je signalerai moi aussi que j'apprécie l'intérêt que vous portez à la question de l'éducation postsecondaire des Métis et les questions que vous posez aujourd'hui.
Le président : Merci à tous les trois. Vous nous avez bien renseignés. Les informations que vous nous avez données font partie de ce que nous cherchons.
Dans le deuxième groupe de témoins, nous avons le plaisir d'accueillir Betty Ann Lavallée, chef national du Congrès des Peuples Autochtones. Jadis appelé Conseil national des Autochtones du Canada, le Congrès des peuples autochtones a été fondé en 1971. Il se décrit comme une organisation nationale vouée à la défense des intérêts de plus de 800 000 Indiens, Inuits et Métis qui habitent à l'extérieur d'une réserve, en ville, en milieu rural ou dans des régions éloignées partout au Canada.
Mme Lavallée possède une vaste expérience en administration, en transports, en affaires et en gestion du leadership. Elle a siégé à de nombreux conseils d'administration tant à l'échelle provinciale qu'à l'échelle nationale et à des comités chargés de questions intéressant les Autochtones. Membre des Forces armées canadiennes pendant environ 17 ans, elle a reçu la Décoration des Forces canadiennes, une mention élogieuse à l'échelle de la formation et la Médaille du jubilé d'or de la reine. Elle est accompagnée de Roger Hunka, qui est directeur national bilatéral du Congrès des Peuples Autochtones.
La chef Lavallée présentera des observations, et M. Hunka est là pour répondre aux questions posées.
Betty Ann Lavallée, chef national, Congrès des Peuples Autochtones : Honorables sénateurs, bonsoir. C'est un honneur pour moi de venir témoigner devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Je tiens à remercier le peuple algonquin : nous sommes assemblés sur son territoire ancestral.
Je suis Betty Ann Lavallée, chef nationale du Congrès des Peuples Autochtones. Depuis presque 40 ans, le Congrès des Peuples Autochtones défend, à titre d'organisme autochtone national, les intérêts des Autochtones vivant hors réserve — les Indiens non inscrits, les Indiens inscrits et les Métis~ — qui vivent dans les régions urbaines, rurales, éloignées et isolées, partout au Canada. Nous agissons également à titre de porte-parole national pour tous les membres et organismes affiliés qui militent pour les droits des Autochtones hors réserve du Canada et composent la grande famille du Congrès.
On l'a souvent dit, mais il vaut la peine de le répéter : les Autochtones du Canada présentent le taux de décrochage le plus élevé et le taux d'alphabétisation le plus bas du pays. Les Autochtones du Canada présentent le plus faible niveau de développement des compétences qui soit; ils ne sont nullement préparés à affronter les défis et les occasions que procure l'ère technologique que nous vivons. Les femmes autochtones ont des enfants à un plus jeune âge que les autres femmes. Les hommes et les femmes autochtones qui fréquentent un établissement d'enseignement postsecondaire se retrouvent souvent avec des responsabilités familiales accablantes. La population des Autochtones du Canada est plus jeune que le reste de la population; selon les estimations, elle croît à un rythme 2,3 fois supérieur à celui du reste de la population. Les hommes et les femmes autochtones fréquentent un établissement d'enseignement postsecondaire ou technique à un âge plus avancé; c'est chez eux la norme.
La population d'ascendance autochtone compte maintenant deux millions de personnes. Selon le recensement de 2006, les Canadiens qui se déclarent comme étant Autochtones sont au nombre de 1 172 785. L'âge médian des Autochtones du Canada est de 26,5 ans. Les enfants autochtones, les jeunes autochtones et les jeunes familles autochtones se rendent par vagues dans les agglomérations urbaines et centres ruraux, s'attendant à réaliser la promesse canadienne : une meilleure éducation, une meilleure formation, des possibilités meilleures et plus nombreuses à long terme, de meilleures conditions de vie et l'occasion de réaliser les rêves et aspirations que représentent une famille, un chez-soi et une sécurité.
Dans le contexte, il est clair que les autorités fédérales et provinciales ne doivent pas se contenter de documenter les obstacles, les défis et problèmes touchant actuellement le financement et les mécanismes de transfert du point de vue de l'accès aux études pour les Autochtones de tout le Canada. Le moment est venu de choisir des solutions communes qu'il faut mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme visant le vaste domaine de l'éducation.
Depuis des décennies, le Congrès des Peuples Autochtones est partie prenante des questions et solutions communes proposées. À preuve les mémoires présentés par le congrès, notamment à la Commission royale sur les peuples autochtones; aux tables rondes Canada-Autochtones tenues à Kelowna; la première séance sur l'apprentissage permanent : le développement de la petite enfance et l'enseignement de la maternelle à la 12e année; la deuxième séance sur l'apprentissage permanent : l'éducation postsecondaire et le perfectionnement des compétences; l'exposé au Conseil des ministres de l'Éducation du Canada; et, le dernier cas en date, notre participation et contribution volontaires aux travaux du groupe de travail sur les affaires autochtones pour la question de l'apprentissage permanent, plus particulièrement à un document préparé à l'intention de la rencontre du Conseil de la fédération en 2010. Ces documents, entre autres, reprennent les questions posées et les solutions proposées. La réforme s'impose depuis le niveau préscolaire jusqu'à l'âge adulte, celui de l'apprentissage permanent, en passant par l'élémentaire, le secondaire et le postsecondaire. Il faut travailler ensemble à faire les recherches nécessaires et concevoir les solutions qui en découleront. Les décideurs devront adopter certains éléments du point de vue autochtone sur le monde, qui en eux- mêmes permettraient d'améliorer sensiblement les piètres résultats des Autochtones aux niveaux préscolaire, élémentaire et secondaire. Je parle de l'urgente nécessité d'introduire dans les programmes d'études et les systèmes pédagogiques une appréciation des techniques de transfert de connaissance plus visibles, plus concrètes et plus verbales, qui représentent une façon relativement plus naturelle pour les enfants et adolescents autochtones d'apprendre.
En 2010, nous devons prendre du temps pour essayer de bien comprendre les obstacles qui se présentent et les solutions que l'on peut adopter pour faire tomber les obstacles. Souvent, les obstacles ne sont pas économiques; ils peuvent découler d'un déplacement physique ou d'une perte appréhendée de culture ou d'identité au moment d'apprendre ou d'être immergés dans la culture et l'environnement de la société dominante. Pour contrer de telles appréhensions, il faut recourir à un système de connexité culturel, tous les jours, sinon quelques heures par semaine. C'est cependant là une technique simple qui a été étudiée et employée partout dans le monde, mais qui ne figure pas comme norme dans le système d'éducation provincial du Canada. Si le système préscolaire, élémentaire et secondaire n'est pas réorganisé en vue de contrer quelques-uns des facteurs qui font clairement obstacle à l'accès et aux chances de succès des Autochtones au niveau secondaire, il n'y aura pas d'augmentation du nombre de diplômés autochtones au niveau postsecondaire. Il faut des diplômés autochtones du niveau secondaire en plus grand nombre et de meilleure qualité, qui pourront donc passer aux études postsecondaires ou subir une formation spécialisée quelconque, et donc améliorer sensiblement leur situation socioéconomique au sein de la fédération canadienne.
Pour un apprentissage permanent, il faut des systèmes de recherche et d'éducation qui tiennent compte des besoins pédagogiques des Autochtones. Un examen de la question de l'accessibilité des études postsecondaires pour les Autochtones du Canada commande une approche holistique. Pour examiner la question des études postsecondaires, il faut prendre en considération l'enfant à la naissance, les soins qui lui sont prodigués à la maison, l'acquisition du langage par le truchement de la mère, une bonne nutrition, un « bon départ » et l'accessibilité de l'éducation préscolaire, élémentaire et secondaire dans un contexte où la diversité de nos peuples autochtones est bien soulignée.
Pour garantir l'accès aux études et les possibilités de réussite chez les Autochtones, il faut d'abord faire les recherches qui s'imposent et adopter les mesures nécessaires pour déprendre les Autochtones du rang inférieur qu'ils occupent dans la hiérarchie socioéconomique du Canada. Une piètre situation socioéconomique empêche bon nombre de nos étudiants de faire des études postsecondaires, la raison en étant qu'ils entrevoient de piètres perspectives d'emploi ou tiennent les études pour futiles.
Nous vous accordons que les 5 p. 100 que représente la proportion des Autochtones au sein de la population canadienne ne peuvent être aussi visibles que 50 p. 100 de la population. Cependant, si 5 p. 100 des diplômés autochtones au niveau postsecondaire pouvaient réussir ou être présentés comme la preuve concrète d'une réussite, cela aiderait à créer une vague de succès et d'espoirs. Nous devons montrer à l'Autochtone que la réussite est à portée de main, dans la mesure où on a fait de bonnes études ou acquis des compétences qui sont en demande. Une approche fragmentaire ne permettra pas de régler les difficultés socioéconomiques des Autochtones du Canada. Cependant, si nous travaillons ensemble à élucider, à concevoir et à mettre en place une série de solutions au fil du temps, cela peut rapporter.
Quant à l'éducation postsecondaire, l'investissement actuellement fait dans les Autochtones à cet égard est devenu une mine d'or pour les universités et les établissements. Il n'est pas réaliste de fixer à quatre ans le nombre maximal d'années pendant lesquelles le financement est accordé. C'est comme si on insistait pour avoir un nombre nettement plus faible de diplômés du niveau postsecondaire.
Les seuls étudiants qui reçoivent actuellement une aide financière au niveau postsecondaire sont les Indiens inscrits dans le cadre du Programme d'aide aux étudiants du niveau postsecondaire dont l'administration relève du ministère des Affaires indiennes. Cependant, les problèmes de transparence et de responsabilité administrative au niveau des bandes empêchent un grand nombre d'Indiens inscrits d'accéder à l'aide financière à laquelle ils ont droit dans le contexte, ne serait-ce parce qu'ils ne résident pas sur leur réserve. Peut-être la solution réside-t-elle dans des fonds fiduciaires autonomes créés et administrés par des administrateurs impartiaux pour l'accès des Autochtones aux études postsecondaires.
La Fondation nationale des réalisations autochtones en est un bon exemple. Sous les deux aspects dont il est question, les diplômés ayant reçu l'aide de la Fondation nationale des réalisations autochtones évoquent un fait singulier : un bon modèle de comportement et l'aide consentie par la Fondation nationale des réalisations autochtones qui constituent la forme ultime d'encouragement aux études postsecondaires. C'est là un modèle qu'il est possible de reproduire et de diffuser pour un plus grand impact et de meilleurs résultats. Le secteur privé est déjà prêt à aider. Nous faisons valoir que les gouvernements provinciaux devraient commencer à investir dans un fonds fiduciaire du genre ou établir eux-mêmes un fonds fiduciaire pour l'accès aux études postsecondaires chez les Autochtones. Bon nombre d'options et de solutions existent. Nous devons les recenser, les examiner sérieusement et travailler ensemble à les mettre à exécution.
Le CPA est d'avis qu'il faut offrir une aide financière pour les études postsecondaires à tous les Autochtones, quel que soit leur statut ou leur lieu de résidence. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont une responsabilité commune et égale : comme c'est le cas pour les autres membres de la population, s'assurer de prévoir une aide financière adéquate ou des mécanismes adéquats à cet égard pour tous les Autochtones qui le méritent et qui aspirent à améliorer leur situation socioéconomique au sein de la fédération canadienne, par le truchement des études supérieures ou d'un apprentissage permanent.
Les querelles de compétence des autorités fédérales, provinciales et territoriales à propos des Autochtones doivent cesser. Le pourrissement de la situation attribuable aux interminables chicanes entre les instances a empêché la progression du dossier de l'éducation des Autochtones à tous les niveaux, plus particulièrement aux niveaux préscolaire, élémentaire, secondaire et postsecondaire.
Quelques options ont été présentées au sujet de la réforme du financement de l'éducation postsecondaire. Il est trop tôt pour déterminer laquelle des options de financement serait la mieux choisie, car il faut les examiner toutes de façon plus détaillée en consultant directement les Autochtones. L'Educational Policy Institute a exposé cinq options en guise de remplacement du PAENP : le statu quo avec transparence accrue; l'administration par un organisme régional des Premières nations du domaine de l'éducation; l'administration par une fondation pancanadienne des Premières nations; l'administration directe par Affaires indiennes et du Nord Canada; et l'administration directe par RHDCC.
Dans un rapport qui vient d'être publié, c'est un programme semblable au REEE qui est proposé. S'il est bien écrit, le rapport en question soulève tout de même certaines questions. Par exemple, il est recommandé qu'on investisse 4 000 $ à la naissance des Autochtones, pour que, une fois le jeune arrivé à l'âge de fréquenter l'université, il dispose de 20 000 $ pour ses études dans son compte. Or, c'est le coût d'un diplôme aujourd'hui même : 20 000 $. Dans 20 ans, les 20 000 $ en question ne suffiront pas. De même, le rapport ne tient pas compte de l'aide financière pour les études supérieures.
L'aide aux diplômés autochtones qui souhaitent poursuivre des études supérieures brille par son absence, qu'il s'agisse de maîtrise ou de doctorat. Les professeurs volontaires sont empêchés d'agir parce qu'ils n'ont pas accès aux fonds nécessaires pour appuyer les diplômés autochtones travaillant à la maîtrise ou au doctorat. Nous connaissons des cas de professeurs qui embauchent des étudiants autochtones, mais qui doivent fouiller les fonds de tiroir pour soutenir leurs recherches. Cela ne devrait pas se produire au Canada.
Le Programme d'aide aux étudiants du niveau postsecondaire présente des problèmes de transparence, mais c'est le seul programme d'AINC ayant fait ses preuves chez les Autochtones vivant dans une réserve et inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Peut-être nous faut-il nous pencher de plus près sur les options visant à accroître la transparence de l'exercice, pour ne pas perdre de vue le but, soit que les étudiants autochtones réalisent la promesse canadienne, quel que soit le domaine ou le champ d'activité qu'ils choisissent.
Quant au transfert de fonds du gouvernement fédéral aux provinces pour l'éducation postsecondaire, c'est au-delà de ce que nous allons pouvoir et de ce que nous pourrions examiner ici aujourd'hui. Le contrôle de l'éducation, et notamment du financement, doit représenter une responsabilité conjointe avec les Autochtones du Canada. Il faut réfléchir aux options qui permettent de transférer des fonds aux gouvernements provinciaux. D'après l'expérience que nous avons de l'administration des fonds par les provinces au CPA, il est clair que celles-ci n'ont pas acquis la maturité nécessaire pour reconnaître les besoins différents et distincts des Autochtones hors réserve. C'est parce qu'elles ont passé des années à se battre pour des questions de compétence, plutôt qu'à travailler au règlement de telles questions avec les éléments affiliés du CPA.
Quant à l'évaluation des mécanismes actuels de financement de la recherche et du développement dans des établissements d'enseignement postsecondaire, encore une fois, c'est une question qu'il faut examiner plus à fond. C'est un examen qui doit se faire de concert avec les Autochtones eux-mêmes. Réunissons les Autochtones qui ont réussi dans ce domaine et déterminons quels sont les obstacles qu'ils ont dû surmonter et comment ils s'y sont pris pour les surmonter, pour en arriver à leur situation d'aujourd'hui.
Le Congrès des Peuples Autochtones est d'accord avec l'idée que le gouvernement fédéral s'engage à examiner et à améliorer l'accessibilité des programmes d'éducation postsecondaire. C'est cependant une idée qu'il faut examiner de plus près et dont il faut discuter avec les Autochtones eux-mêmes, dans les réserves et en dehors de celles-ci. N'oublions pas : d'ici quelques mois, il y aura entre 50 000 et 75 000 Autochtones nouvellement inscrits sous le régime de la Loi sur les Indiens. Cela comprendra un grand nombre d'étudiants en herbe.
Le Canada a le devoir de consulter les Autochtones, devoir qu'il doit honorer de bonne foi en examinant la question de l'accessibilité des études postsecondaires. Le CPA et ses organismes affiliés souhaitent prendre part à l'exercice. Pour qu'il y ait vraiment réconciliation, les communications doivent être marquées par la transparence et la bonne foi.
Le CPA s'engage à travailler avec les deux ordres de gouvernement à régler cette question : à tous les niveaux, l'éducation est un élément fondamental de l'apprentissage de toute une vie qui doit permettre aux Autochtones de réaliser la promesse canadienne, qui est faite à tous les habitants du Canada.
Le président : Merci d'avoir présenté ces remarques mûrement réfléchies.
Je vous poserai la question que j'ai posée au dernier groupe de témoins, même si vous avez déjà donné des éléments de réponse. Si vous voulez approfondir la question, c'est très bien.
Nous avons déjà tenu deux réunions sur la question de l'accès des Autochtones à l'éducation postsecondaire. À la première rencontre, nous avons entendu les responsables d'AINC dire qu'ils ont commencé à examiner la question de l'éducation postsecondaire. Le fait a été réitéré par la suite, et le ministre des Finances a tenu des propos précis sur la question dans le cadre du budget. Voilà une question.
À notre dernière rencontre, on a soulevé un point dont il a beaucoup été question avec le dernier groupe de témoins, soit le rapport préparé par l'Institut Macdonald-Laurier par Calvin Helin et David Snow à propos d'un changement du mode de financement des études postsecondaires dans le cas des Autochtones. Si vous avez quelque chose à ajouter à cela, le moment est bien choisi pour le faire.
Mme Lavallée : Le CPA n'a pas participé lui-même à l'examen qui est en cours à AINC.
Le président : Il n'y a pas participé?
Mme Lavallée : Il n'y a pas participé.
Le président : Vous n'avez pas été invités à y participer?
Mme Lavallée : Non. Je ne saurais donc réagir à ce qu'on fait ou à ce qu'on ne fait peut-être pas en ce moment au ministère. J'ai vu le rapport de l'Institut Macdonald-Laurier de Calvin Helin et David Snow. De fait, les messieurs en question me l'ont envoyé pour que je puisse le lire. Dans le document, les auteurs préconisent un concept en ce qui concerne le REEE.
Le président : Vous avez dit que ce n'était pas suffisant.
Mme Lavallée : Je dirais qu'ils sont sur la bonne voie, mais que ça ne suffit pas tout à fait à régler les autres problèmes. À mon avis, si on s'assoyait avec les Autochtones et les dirigeants et qu'on explorait plus à fond le rapport en question, comme nous l'avons dit pendant notre exposé, nous dirions que ce sont de bonnes idées, que les auteurs sont sur la bonne voie en préconisant certaines d'entre elles, mais que nous devons nous asseoir, en discuter et songer à l'avenir. C'est 20 000 $ avec 4 000 $ comme point de départ. Si on se reporte 20 ans dans le futur, on constate que les 20 000 $ ne suffiront pas à couvrir les coûts. Les auteurs n'ont pas pris en considération les besoins des personnes qui souhaiteraient peut-être faire un doctorat ou une maîtrise. Les universités nous ont appelés à la recherche de ressources pour aider certains des étudiants en question, ce dont nous pourrions parler, M. Hunka et moi. M. Hunka a eu des discussions relativement plus approfondies avec le professeur qui vit cette situation particulière.
À nos yeux, certains éléments du rapport Macdonald-Laurier ont du mérite, mais, encore une fois, selon moi, il faudra débattre de la question ouvertement en gardant à l'esprit que ce ne sont pas les organismes ou les dirigeants autochtones qui sont au coeur de l'affaire; il s'agit de concevoir une mesure qui donnera à nos enfants les moyens de rivaliser dans le siècle à venir.
Le président : Pour être franc, je suis vite gagné par l'impression que ce rapport et le penchant qui y est exprimé pourraient très bien déboucher sur une discussion qui causera beaucoup de dissension au sein de la collectivité autochtone, compte tenu du contrôle exercé de tradition par les bandes indiennes. Êtes-vous de cet avis?
Mme Lavallée : Parfois, il s'agit de s'asseoir et d'écarter la politique du tableau pour en arriver à ce qui est dans l'intérêt de l'enfant. Cela n'est pas facile. Personne n'a dit que ce serait facile. Vous êtes aux prises avec des comportements acquis sur une centaine d'années. Comme c'est le cas pour tout comportement acquis, le fait de désapprendre les comportements en question et de mettre de côté ses propres désirs et son intérêt personnel devient un apprentissage.
Le président : Bien dit.
Le sénateur Brazeau : Merci d'être là. J'ai quelques questions à poser et une observation à formuler pour le compte rendu, pour commencer.
À propos de l'examen interne de la question de l'éducation postsecondaire au ministère des Affaires indiennes, aucun organisme autochtone à vocation nationale n'a été invité à participer à l'exercice. C'est un examen interne jusqu'à ce que le ministère publie un rapport dont le ministre envisagera les recommandations. Je voulais simplement le dire pour le compte rendu.
Voici mes questions. Combien de membres du CPA ont accès à des sommes d'argent pour l'éducation postsecondaire? Combien ne sont pas en mesure d'accéder à l'argent en question? Vous avez mentionné quelque chose à ce sujet durant votre exposé. Comment le CPA vient-il en aide aux personnes qui n'arrivent pas à obtenir l'aide financière voulue parce qu'ils résident hors réserve?
Mme Lavallée : Je ne peux vous donner de chiffre global, mais je peux parler du cas de ma province à moi, où j'ai été présidente et chef pendant 14 ans. Les gens qui ont accès aux sommes prévues pour l'éducation postsecondaire sont très rares, à moins d'avoir un lien de parenté avec une personne qui a accès au financement en question sur la réserve elle- même. D'habitude, c'est l'excuse qui est donnée : les gens de la réserve ont la priorité ou encore l'argent a déjà été attribué.
Pour aider nos enfants à réussir leurs études, nous arrivons à un fonds pour l'éducation. La province nous a consenti une petite subvention de 15 000 $ par année, dans laquelle nous avons puisé pour donner aux jeunes étudiants du secondaire des petites subventions de 50 $ par année pour les frais scolaires, par exemple, la location d'un casier. À ceux qui ont passé de l'école secondaire à l'université, nous avons remis une bourse de 500 $. À ceux qui fréquentaient déjà un établissement d'enseignement postsecondaire, nous remettions la bourse Mildred Nash, en reconnaissance de l'excellent travail d'un étudiant autochtone dont la moyenne pondérée cumulative représentait au moins 3,5.
Le reste de l'argent était versé à ce que nous appelons les familles à faible revenu, le critère étant d'avoir des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Elles nous remettaient les reçus pour l'achat de livres, de crayons et de vêtements pour leurs enfants. Nous appliquions alors une formule tenant compte du nombre d'enfants et du niveau de revenu. Nous avons été en mesure de les aider en leur remettant 100 $ ou 200 $ par année pour ces choses-là. Nous avons fait tout ça à partir d'une subvention annuelle de 15 000 $ provenant de la province.
Après une vingtaine d'années, on peut dire que cette petite bourse nous a donné Mme Pam Palmater, qui est maintenant professeure à Ryerson, à la tête du nouveau département d'études autochtones. Nous avons produit quelques ingénieurs aussi. Nous avons produit quatre ou cinq travailleurs sociaux. Nous avons trois comptables titulaires d'une maîtrise. Je pourrais vous donner d'autres exemples.
Le sénateur Brazeau : Tout juste avant votre témoignage, nous avons entendu celui du chef national de l'Assemblée des Premières Nations. Il a mentionné le fait que les chefs s'occupent de leurs citoyens où que ceux-ci habitent.
Sachant quel est le mandat de votre organisme, envisageons la question hypothétique qui suit. Vous avez mentionné pendant votre exposé que 50 000 à 75 000 personnes pourraient avoir le droit de voir leur statut d'Indien inscrit rétabli sous le régime de la Loi sur les Indiens. Qu'est-ce qui se passerait si, une fois toutes ces personnes rétablies comme Indiens inscrits ayant droit à l'aide financière pour les études postsecondaires, le financement est mis entre les mains des communautés dans les réserves, alors que la plupart des personnes en question vivent ailleurs? Comme votre organisme politique représente les Autochtones en dehors des réserves, quel est votre point de vue là-dessus?
Mme Lavallée : À titre de précision, vous voulez savoir ce qui se passerait probablement?
Le sénateur Brazeau : Quel serait votre point de vue? Le financement de l'éducation postsecondaire, dont vous avez déjà dit qu'il pose un problème d'accès pour les Indiens inscrits en dehors des réserves... qu'est-ce qui arrivera si l'argent en question est confié aux chefs?
Mme Lavallée : D'abord, nous savons que ça ne se produira pas, que le financement ne sera pas administré en dehors des réserves. Dans l'état actuel des choses, si l'argent n'est pas dépensé à la fin de l'exercice, nous savons qu'il est versé dans le compte général de la bande. La position que je serais probablement contrainte de prendre — dont je ne voudrais pas, mais je crois que je n'aurais pas d'autre choix — serait de contester la décision en invoquant la Loi sur les droits de la personne.
Le sénateur Callbeck : Merci de l'exposé que vous nous avez présenté. Vous proposez toutes sortes de bonnes idées. À la page 8, vous dites que l'Education Policy Institute a exposé cinq options. Le statu quo avec des améliorations et une transparence accrue, c'est-à-dire que l'argent est remis aux bandes, qui décident quels étudiants obtiendraient l'aide financière, n'est-ce pas?
Mme Lavallée : En ce moment, c'est ce qui se fait, sauf que ce n'est pas très transparent. Comme je l'ai dit, ce ne sont que des options, mais des options qu'il faut examiner de plus près et dont il faut discuter.
Le sénateur Callbeck : Je le sais. Je veux bien comprendre les cinq options.
Mme Lavallée : Est-ce que cette option-là me plaît? Non.
Le sénateur Callbeck : Quelle option vous plaît?
Mme Lavallée : J'aimerais que tous les organismes autochtones se réunissent et étudient ce qui est proposé. Mettez sur la table le document de l'Institution Laurier, l'examen interne d'AINC, le document de l'Educational Policy Institute, la documentation de la commission royale — réunissons les Autochtones qui ont fait l'expérience de l'institution ou du processus. Voyons où il pourrait y avoir un terrain d'entente, ce que nous pouvons accepter ou rejeter d'un commun accord et établissons clairement les raisons pour lesquelles nous sommes là.
Ce n'est pas l'APN, le CPA, le RNM, l'Association des femmes autochtones du Canada ou quelque autre organisme national qui est au coeur de l'exercice. Ce sont nos enfants qui sont au coeur de l'exercice. En tant que dirigeants, nous avons comme travail d'examiner toutes les options qui visent à rendre meilleure la vie de nos enfants. Cela commence dans le ventre de la mère. C'est cela, l'apprentissage permanent, ça va de la conception à la mort. On m'a toujours dit : dès qu'on cesse d'apprendre, on est mort. Voilà l'option que je retiendrai moi-même.
Le sénateur Callbeck : Il y a une option qui dit que l'administration relèverait directement d'Affaires indiennes et du Nord Canada. Est-ce que ça veut dire que c'est le ministère qui déterminerait quels étudiants reçoivent l'aide financière?
Mme Lavallée : Ça veut dire qu'il faudrait établir certains critères. Il faudrait qu'Affaires indiennes et du Nord prenne conscience du fait que sa responsabilité n'englobe plus seulement les Indiens inscrits. Le ministère doit savoir qu'il y a des Indiens non inscrits et que la question exige une pensée différente de sa part.
Le sénateur Callbeck : Toutes ces options, sauf la première, consisteraient donc à remettre l'argent directement entre les mains de l'étudiant?
Mme Lavallée : Nous l'espérons, oui.
Le sénateur Brazeau : Durant votre exposé, vous avez affirmé que les autorités fédérales et provinciales doivent cesser de parler des obstacles et des problèmes de financement. Votre organisme étant ce qu'il est et sachant quels sont les organismes provinciaux affiliés qui le composent, quelles pressions les organismes en question exercent-ils sur les gouvernements provinciaux pour s'assurer que l'argent transféré aux provinces est bel et bien consacré à l'éducation des Autochtones? Quels efforts sont déployés à cet égard?
Mme Lavallée : En ce moment, nous participons aux rencontres avec les ministres des Affaires autochtones des provinces. L'éducation figure parmi les points à l'ordre du jour. Cela s'en vient à Toronto. Nous collaborons avec les ministres canadiens de l'Éducation, et nous allons tous travailler ensemble.
Cela commence au sommet, c'est-à-dire avec moi qui m'adresse aux ministres des Affaires autochtones pour affirmer que le statu quo n'est plus acceptable. Nous sommes les représentants d'Autochtones qui paient de l'impôt et des taxes, qui ont recours à l'école publique pour la plus grande part. À plusieurs endroits, il faut payer aussi ce que l'on appelle les frais de service pour profiter de certains avantages liés aux écoles. Les gens ne peuvent plus se mettre la tête dans le sable et faire semblant que nous ne sommes pas là. Ils devront commencer à travailler avec nos organismes affiliés des provinces pour s'assurer que tous les Autochtones sont englobés dans l'initiative et que nous répondons à tous les besoins.
Ça commence avec moi, qui mets les organismes provinciaux et territoriaux dont je m'occupe en lien avec les responsables provinciaux et qui les incite à fixer des rencontres avec les divers ministres et sous-ministres ayant la responsabilité de certains des secteurs en question et qui leur fournit le soutien administratif nécessaire, qu'il s'agisse de rapports de recherche, de documents ou de conseils. Parfois, l'OPT dont il s'agit peut avoir besoin d'un petit coup de main. À ce moment-là, nous faisons en sorte que les gens puissent en venir au point où ils sont assez à l'aise pour rencontrer certains des ministères. Certains de nos dirigeants sont encore un peu timides, ou ils se sentent intimidés lorsqu'ils rencontrent certaines de ces personnes.
Le sénateur Brazeau : Qu'est-ce qui se passerait si une province décidait de ne pas collaborer avec vous?
Mme Lavallée : Il faudrait que les gens harcèlent les responsables jusqu'à les épuiser; à ce moment-là, ils vont simplement travailler avec moi pour en finir.
Le président : C'est la seule chose à faire : harceler ces politiciens.
Je vais maintenant donner la parole au sénateur Martin de la Colombie-Britannique.
Le sénateur Martin : Je n'ai pas de question à poser. Merci.
Le président : Sénateur Eaton, de l'Ontario.
Le sénateur Eaton : Éclairez-moi, madame Lavallée. Vous représentez les Autochtones en milieu urbain, mais qu'est- ce que l'APN représente?
Mme Lavallée : Les réserves.
Le sénateur Eaton : C'est elle qui obtient l'argent plutôt que vous?
Mme Lavallée : Les gens qui habitent sur les réserves sont visés par la Loi sur les Indiens. Le Congrès des Peuples Autochtones, l'ancien Conseil national des Autochtones du Canada, défend les intérêts des Autochtones hors réserve qui vivent en milieu urbain, en milieu rural, en région éloignée ou isolée, de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique.
Le sénateur Eaton : Vous êtes hors réserve?
Mme Lavallée : Oui. Certains parmi nous ne sont pas inscrits sous le régime de la Loi sur les indiens.
Le sénateur Eaton : L'argent que le gouvernement du Canada verse tous les ans au moment où le chef se présente au Sénat ne vous est pas adressé. Vous n'en obtenez pas un sou?
Mme Lavallée : Pas pour l'éducation.
Le sénateur Eaton : En obtenez-vous une part?
Mme Lavallée : Pas la même part que les réserves. Nous recevons ce qui est qualifié de financement global du bureau de l'interlocuteur fédéral. Le ministre des Affaires indiennes joue deux rôles. Il est ministre des Affaires indiennes, mais il est aussi ministre responsable du bureau de l'interlocuteur fédéral, qui s'occupe des Indiens non inscrits et des Métis du Canada. Le financement accordé pour la plupart des Autochtones du Canada correspond essentiellement à ce qui s'appelle le financement de la capacité ou le financement de la capacité organisationnelle de base, qui nous permet de créer un organisme administratif. C'est tout. Historiquement, notre financement s'est élevé à 720 000 $ par année pour l'ensemble du Canada.
Le sénateur Eaton : Éclairez-moi encore ici. Je crois que les Autochtones déménageaient par grandes vagues dans les centres urbains, surtout les jeunes Autochtones.
Mme Lavallée : C'est ce que nous disent les études. C'est le cas.
Le sénateur Eaton : Êtes-vous d'accord avec ces études?
Roger Hunka, directeur national bilatéral, Congrès des Peuples Autochtones : Oui. Les possibilités sur les réserves sont très limitées. Naturellement, un jeune ou la personne en question voudra aller en ville pour trouver un emploi ou faire des études.
Le sénateur Eaton : Vous devriez être comme quiconque vit au pays. Vous devriez pouvoir aller n'importe où, mais voilà un autre sujet de discussion.
L'argent suit-il les jeunes Autochtones hors réserve?
M. Hunka : Non.
Le sénateur Eaton : Il n'y a donc pas de mouvement proportionnel; c'est la capacité organisationnelle qui est financée, essentiellement.
M. Hunka : Oui.
Le président : Avant de poursuivre, je dirais que vous avez soulevé là une question intéressante. Je voudrais obtenir une précision sur un autre élément de l'affaire. Le mot clé, du point de vue de l'étudiant, c'est d'être un Indien « inscrit » sous le régime de la Loi sur les Indiens. Cela ne veut pas forcément dire qu'il faut vivre sur la réserve. Les gens peuvent habiter en milieu urbain s'ils sont inscrits.
Mme Lavallée : C'est cela.
Le président : Par contre, les bandes, qui sont liées aux réserves, prennent des décisions.
Mme Lavallée : Oui.
Le président : Les Indiens inscrits qui vivent en dehors d'une réserve, qui vivent en milieu urbain, disons, sont-ils nombreux à obtenir de la part des bandes l'aide prévue dans le cadre de ce programme?
Mme Lavallée : Non.
Le président : Ce qui arrive, c'est que les gens dont vous parlez présentent une demande au responsable du programme habituel, comme tout autre Canadien le ferait, le prêt d'études canadien ou je ne sais quoi?
Mme Lavallée : Pas forcément. Selon les cas, la plupart n'auraient pas droit à un prêt d'études.
Le président : Je vois. Ils sont pris; ils se retrouvent entre les mailles du filet, c'est ce que vous dites?
M. Hunka : Ce qu'il importe de retenir, c'est qu'il n'y en a pas assez pour les Indiens inscrits, peu importe de qui il s'agit. Il n'y en a tout simplement pas assez. Évidemment, en tant que communauté qui compte une certaine somme d'argent, les responsables étudieraient alors les priorités. Voilà le problème. Si vous vivez en dehors de la réserve, il se peut que vous obteniez l'aide financière, mais la plupart de ceux qui sont dans votre cas ne l'obtiendront pas. Voilà pour certaines des difficultés qui touchent le financement.
Le président : C'est un point important que vous avez soulevé. Puis-je continuer à le creuser un peu? Le sénateur Dyck veut poser une question supplémentaire aussi.
Le sénateur Dyck : Vous parlez d'une différence de statut; or, le financement est lié au statut. Par exemple, je suis un Indien inscrit; j'habite en dehors de la réserve, mais nous parlons de financement. J'aimerais voir les données qui permettent de dire vraiment combien d'Indiens inscrits admissibles au financement des Affaires indiennes vivent sur une réserve et combien vivent en dehors de la réserve. Nous avons des informations empiriques là-dessus, mais où sont les données? Vous dites que les gens n'obtiennent pas l'aide financière, mais j'en connais qu'ils l'obtiennent. Il y a des gens qui vivent sur la réserve et qui sont des Indiens inscrits. Il y a des gens qui vivent en dehors de la réserve, dont certains sont inscrits et d'autres ne le sont pas. Si le projet de loi est adopté, mon fils sera considéré comme un Indien inscrit, mais il ne demandera pas d'aide financière pour les études postsecondaires, car il en a déjà fait. Il est présumé que 65 000 personnes vont subitement s'abattre sur le système, mais ce n'est pas forcément vrai.
Le sénateur Eaton : Sénateur Dyck, qu'en serait-il s'il vivait en dehors de la réserve?
Le sénateur Dyck : Il est membre de la bande. Il serait membre de la bande. Il aurait droit à l'aide financière tant qu'il serait inscrit. Je suis membre de ma bande et j'ai le statut d'Indien inscrit. C'est compliqué.
Le sénateur Eaton : C'est très compliqué, effectivement, mais nous devrions inclure dans le rapport une annexe expliquant le statut d'Indien inscrit et d'Indien non inscrit. Si un Autochtone quitte la réserve et qu'il n'est pas membre d'une bande, est-ce qu'on s'occupe de lui?
Le sénateur Dyck : Étant donné une obligation du gouvernement fédéral, Affaires indiennes ne versera une aide financière qu'aux Indiens inscrits sous le régime de la Loi sur les Indiens. Cette façon de faire relève d'une obligation fédérale, mais si vous n'êtes pas Indien inscrit, on n'est pas obligé de vous verser une aide financière. Il n'y a pas de responsabilité fédérale à votre sujet. Voilà l'essentiel de la chose.
M. Hunka : Être admissible à l'aide financière, c'est une chose; obtenir l'aide financière, c'en est une autre. Je parle d'obstacles à l'éducation, d'obstacles à l'aide financière. Il n'y a pas assez d'argent, premièrement. Quant à la responsabilité en matière d'éducation, elle est à la fois fédérale et provinciale. Il se trouve que le gouvernement fédéral — étant donné l'étendue du territoire canadien d'est en ouest... nous avons une multitude de traités, une multitude de relations et toutes sortes d'ententes. Dans certains cas, le soutien de l'éducation est expressément prévu, et le gouvernement fédéral fournit alors des fonds. Toutefois, il n'y a pas que les fonds fédéraux, comme le dit le rapport. Les provinces doivent faire leur part.
Quant aux Indiens inscrits, habitant sur une réserve ou non, en ce moment, on peut faire le décompte des collectivités qui sont établies et qui ont des systèmes, mais disons qu'il y a 633 bandes au pays. Certaines sont bien organisées, d'autres, non. Le financement accordé à la bande, qui cherchera à l'administrer, est limité. Évidemment, vous aurez peut-être une liste de 150 personnes qui ont droit à l'aide financière. Vingt-cinq d'entre elles vivent sur place; évidemment, vous allez essayer de leur verser l'aide financière à elles, puis ensuite vous vous occuperez des autres. Il y a une liste d'attente. Ce n'est pas une question de méchanceté ou de discrimination ou de je ne sais quoi encore. C'est simplement qu'il n'y a pas suffisamment d'argent.
Une des questions que le CPA a souvent soulevées, à l'exemple d'autres intervenants, c'est que les provinces doivent commencer à faire leur part pour l'éducation des Autochtones. Il n'y a pas que le gouvernement fédéral qui est responsable.
Le sénateur Eaton : Le chef Atleo a dit une chose qui m'a paru intéressante quand il a répondu à une partie de ma question et surtout à la question du sénateur Brazeau. À propos des comptes qui seraient créés pour chaque enfant autochtone, il a dit que, oui, ce serait envisagé, mais il tenait à une bande intergouvernementale. Il m'a donné l'impression de vouloir traiter avec les chefs indiens. Il n'a pas parlé d'inclure Mme Lavallée ou d'inclure tout le monde. C'était : « Parlez aux bandes, parlez-nous sur la réserve, ne parlez pas à la communauté au sens large. » C'est l'impression que j'ai eue.
M. Hunka : C'est la réponse naturelle que donnerait le grand chef, qui est chef de l'Assemblée des Premières Nations et qui représente les 632 bandes du pays. Mme Lavallée, quant à elle, parle des personnes qui vivent en dehors des réserves. C'est là que les représentants entrent en scène. Nous ne sommes que des représentants. Nous n'avons pas l'argent administratif nécessaire pour nous occuper des gens en dehors des réserves.
Le sénateur Eaton : Je vais vous poser une question à propos de l'éducation. Vous avez parlé de l'expérience d'une vie, de la naissance à la mort. Je suis tout à fait d'accord avec ce point de vue. Mon premier travail bénévole, je l'ai fait dans une clinique rattachée à une prématernelle, où nous donnions aux femmes enceintes pauvres des renseignements sur la nutrition. Je sais l'importance de la chose.
Quelles sont les deux ou trois choses que vous demanderiez à chaque gouvernement provincial de faire au départ? Faut-il s'occuper de mentorat ou d'éducation à la petite enfance? Quels sont les deux ou trois systèmes de soutien sur lesquels vous aimeriez voir des ministres provinciaux de l'Éducation se pencher?
M. Hunka : Au niveau préscolaire, dans le cas de la mère autochtone qui a un enfant autochtone, faites qu'il y ait des éléments autochtones, par exemple un aîné ou une mère autochtone qui vient transmettre la culture et la langue. La peur de perdre son identité culturelle constitue un des plus grands obstacles. Autrement dit, que les provinces soutiennent les systèmes préscolaires et reconnaissent la diversité des Autochtones ou de quiconque au pays, mais en mettant l'accent sur l'enfance chez les Autochtones. Demandez à un grand-papa de venir raconter des histoires et dire quelques mots aux enfants. L'enfant éprouve alors un sentiment d'appartenance, il a l'impression de compter et d'être distinct du fait que son identité culturelle est cultivée comme c'est le cas à la maison. Voilà pour la première partie.
En deuxième lieu, bon nombre de provinces commencent à peine à célébrer le mois de l'histoire des divers peuples autochtones. Ça ne s'applique pas encore dans tout le Canada et à tous les Autochtones. C'est une chose très simple à réaliser. Faites que les enfants à l'école élémentaire et secondaire sachent qu'il y a une histoire autochtone. Il y a 73 nations autochtones et 53 langues autochtones au pays. C'est le genre de chose qui favorise l'estime de soi chez l'enfant.
En même temps, il faut respecter le fait qu'il y a des différences sur le plan de l'apprentissage. On dit qu'un enfant est fait pour apprendre. Non, chaque enfant apprend différemment. Il y a les visuels et il y a ceux qui apprennent mieux en écoutant, avec les traductions et les techniques verbales. Les enfants autochtones sont davantage tactiles; ils apprennent mieux par l'expérience. Faites que cela soit possible.
Aussi, lorsqu'il est question de sciences, il n'y a rien de mal à dire qu'il existe un point de vue autochtone et un point de vue scientifique sur le monde. Les deux sont d'une importance égale. Faites-en part.
Ce sont les trois choses que je ferais au niveau scolaire. À ce moment-là, une fois qu'il est arrivé au niveau postsecondaire, le jeune a déjà une bonne estime de soi, une identité culturelle bien ancrée et le sentiment de faire les choses différemment.
Le sénateur Eaton : Merci.
M. Hunka : Je n'invente rien. Tout cela est documenté.
Le président : Permettez-moi de clore la discussion en revenant à une remarque qui a été faite il y a quelques instants, chef, et qui portait sur le Programme canadien de prêts aux étudiants. Je me demande si vous pourriez éclaircir la question. Est-ce une question de prêts plutôt que de bourses, par exemple? Est-ce pour cela que les Autochtones ne présentent tout simplement pas de demande : il faut plus d'argent pour les bourses, par opposition aux prêts. Sinon, est-ce simplement qu'ils n'y ont pas droit?
Mme Lavallée : Dans la plupart des cas, les revenus des parents entrent en considération dans la demande. Dans de nombreux cas, c'est le revenu des parents qui détermine si l'enfant reçoit l'aide financière et le prêt.
Sinon, il y a l'idée d'avoir un important prêt étudiant à rembourser une fois les études terminées et le fait d'être traité différemment de ses frères et soeurs. Il y a des situations en ce moment où c'est peut-être un enfant seulement au sein d'une famille qui est inscrit et qui a accès à l'éducation postsecondaire par le truchement d'Affaires indiennes et du Nord Canada, mais c'est interdit à l'autre frère ou soeur, du fait de n'être pas inscrit.
Le président : Je vois. C'est un traitement inégal, n'est-ce pas, même à l'intérieur d'une même famille?
Mme Lavallée : Même à l'intérieur des familles.
Le président : En quoi le revenu ou les actifs des parents entrent-ils en jeu? Est-ce dire que si c'est trop faible, le prêt ne sera pas accordé?
Mme Lavallée : Si ça se situe au-dessus d'un certain seuil, l'étudiant n'a pas droit à l'aide financière.
Le président : En quoi est-ce différent de la population générale?
Mme Lavallée : Ce sont nos petits salariés. Souvent, l'étudiant dont il est question n'est pas jeune. Comme je l'ai dit, bon nombre d'Autochtones fréquentent l'école plus tard que les autres membres de la population générale et sont des assistés sociaux. Malheureusement, dans certains cas, la province déduira de la prestation d'assistance sociale toute somme versée sous forme d'aide financière à l'étudiant. Voilà un autre obstacle. C'est comme un cercle vicieux.
Le président : Je comprends. L'un d'entre vous a-t-il quelque chose à ajouter pour terminer?
M. Hunka : J'aimerais simplement donner suite à ce qui a été dit. Il y a aussi la question des perspectives. Si je m'instruis, quelles sont mes chances d'obtenir un emploi et d'être en mesure de rembourser ce prêt? Il y a encore certains points qui font que c'est difficile. Vous êtes Autochtone ou vous ne l'êtes pas, vous ne parlez pas telle ou telle langue. C'est l'ensemble de questions que nous notons à la page 5, qui dit : « Quelles sont mes perspectives? »
Le président : Bien dit. Merci beaucoup. J'apprécie le fait que vous soyez venus. Sur cela, notre séance est sur le point de se terminer. Nous allons nous pencher à nouveau demain sur la question de l'éducation postsecondaire, mais, demain ce sera du point de vue des Canadiens handicapés. Nous allons accueillir des étudiants handicapés demain.
(La séance est levée.)