Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 3 - Témoignages du 21 avril 2010


OTTAWA, le mercredi 21 avril 2010

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 16 h 23 pour examiner l'accessibilité aux études postsecondaires au Canada.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude sur l'accessibilité des études postsecondaires et nous mettons l'accent sur les immigrants et les membres de minorités visibles.

Je vous présente nos trois témoins. Robert Sweet est professeur émérite à la faculté d'éducation de l'Université Lakehead. Dans ses recherches, il s'intéresse aux liens entre le foyer et l'école, aux transitions entre l'école et le travail, à la participation scolaire et à l'intégration des étudiants immigrants. Il a publié beaucoup de textes sur les études postsecondaires, en général, et sur l'expérience des immigrants, en particulier.

Teresa Abada est professeure agrégée au département de sociologie de l'Université Western Ontario. Ses recherches actuelles portent surtout sur certains aspects des expériences des enfants et des jeunes, en particulier les expériences d'intégration des enfants d'immigrants. Actuellement, elle examine les facteurs sociaux, culturels et liés au capital humain qui influent sur l'intégration économique et sociale des enfants d'immigrants. Elle a publié plusieurs articles sur le niveau d'instruction des jeunes immigrants, y compris les différences à cet égard entre les groupes ethniques dont font partie les enfants d'immigrants au Canada.

Miles Corak, professeur à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa, n'est pas étranger au comité. Il a déjà comparu devant nous; il nous a aidés dans notre étude sur la pauvreté, le logement et le sans- abrisme. Il a publié de nombreux articles traitant de la pauvreté infantile, de l'accès aux études universitaires, de la rémunération intergénérationnelle et de la mobilité pédagogique ainsi que du chômage. Ses toutes dernières recherches portent sur la définition de la pauvreté, sur la pauvreté infantile vue par l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OSCE, ainsi que sur la situation socioéconomique des immigrants et des enfants d'immigrants.

Je vous remercie tous les trois d'être venus et vous souhaite la bienvenue. Monsieur Sweet, vous serez notre premier témoin. Si vous pouviez tous les trois prendre environ sept minutes chacun, ce serait très bien.

Robert Sweet, professeur émérite, Université Lakehead, à titre personnel : Je vais faire référence à trois études et souligner trois principaux points. Je vais commencer par les décrire généralement, et nous aurons probablement la chance d'en parler de manière plus détaillée plus tard.

Je présume que vous avez le document que je vous ai envoyé. Ce document reflète et structure les trois enjeux liés à l'accès dans le cadre d'une vie. Dans ce cadre, les études postsecondaires sont segmentées. Les deux transitions que constituent l'accès aux études postsecondaires et la diplomation marquent le début et la fin de ce cheminement.

En ce qui concerne la première transition, j'aimerais parler un peu de la première étude que nous avons récemment terminée. Nous avons examiné la variabilité des cheminements des jeunes immigrants du conseil scolaire du district de Toronto. Ce qui nous intéressait, c'était non pas nécessairement les études postsecondaires qu'ils font, mais le cheminement qu'ils adoptent après leurs études secondaires. Un grand nombre d'entre eux ne fréquentent pas l'université ni le collège, et il est aussi intéressant — voire plus intéressant — de découvrir ce que sont les antécédents et les corrélats de ces deux parcours, à savoir le décrochage et l'obtention du diplôme.

La deuxième étude porte sur les adultes et sur le rôle des titres scolaires du niveau postsecondaire dans le processus d'établissement des nouveaux arrivants très instruits. Cette étude se fonde sur l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, l'ELIC.

La troisième étude porte sur les investissements des parents immigrants dans les études postsecondaires de leurs enfants. Dans cette étude, nous étudions les stratégies d'épargne et l'utilisation d'outils comme les régimes enregistrés d'épargne- études, c'est-à-dire les REEE. On voulait déterminer comment les épargnes s'inscrivent dans une stratégie plus large d'investissement parental, que la presse a surnommée le « parentage intensif ». Je parlerai un peu de cela.

Dans la première étude, qui porte sur les cheminements des jeunes immigrants qui terminent ou qui arrêtent leurs études secondaires, la première chose à souligner est qu'il est important de désagréger la catégorie des immigrants. Un grand nombre des études disponibles comparent les immigrants et les non-immigrants. Typiquement, ces études ne révèlent aucune différence entre les deux. En moyenne, leur taux de participation aux études universitaires et leur taux de réussite dans ces études sont à peu près les mêmes, mais cela masque une véritable variabilité entre les groupes d'immigrants.

Pour faire ressortir ces différences, on examine deux dimensions. La première est la génération — immigrants de première, deuxième et troisième générations — et la seconde est la région d'origine. Nous commençons à comprendre les dimensions et les distinctions culturelles parmi les familles immigrantes.

J'ai préparé un petit tableau qui vous donne un aperçu de la variabilité dans les cheminements adoptés par les jeunes appartenant à ces différents groupes. Vous pouvez voir qu'il y a de réelles différences — par exemple, entre les Caraïbes et l'Asie orientale. Dans ce cas, la comparaison ne porte pas vraiment sur la préférence puisqu'il s'agit du décrochage et de la participation aux études universitaires; il s'agit véritablement du rendement, ce qui soulève la prochaine question importante.

Quand nous commençons à examiner la source de ces distinctions, nous comprenons qu'elles remontent à très loin. Elles remontent aux premières années de scolarité. En fait, les programmes comme le Human Early Learning Partnership, HELP, sur la côte Ouest, nous permettent de comprendre que, avant même la maternelle, dès la petite enfance, il y a des facteurs qui peuvent influer sur le futur cheminement de l'enfant. Par conséquent, il y a maintenant des études et des données qui montrent les effets à long terme d'investissements dans des programmes d'apprentissage pour la petite enfance. Ces données montrent l'incidence des indicateurs de risque sur les cheminements et les choix en matière d'études postsecondaires.

L'indicateur de risque est l'index cumulatif de la participation et de la réussite scolaires au moment où les élèves commencent leurs études intermédiaires. Il montre que le profil de l'élève ne change pas beaucoup après les études primaires. Cela est renforcé par les politiques de répartition ou de groupement par aptitudes, qui sont presque exclusivement fondées sur le rendement, et non sur les préférences ou les intérêts pour un métier ou toute autre chose.

Cette situation soulève plusieurs questions, dont celle de la vulnérabilité. La documentation à cet égard est de plus en plus riche et de plus en plus intéressante, et elle commence à mettre de l'avant des interventions et des solutions possibles pour éliminer cette vision déterministe à l'égard des jeunes qui fréquenteront ou non l'université ou le collège.

J'ai complètement perdu la notion du temps, mais je peux m'arrêter ou passer à la seconde étude.

Le président : Il vous reste une minute ou deux.

M. Sweet : Je vais peut-être passer directement à la troisième étude parce qu'elle porte davantage sur les jeunes enfants. Dans cette étude, on se penche sur l'épargne des familles immigrantes en vue des études postsecondaires de leurs enfants. Nous avons utilisé une enquête nationale, à savoir l'Enquête sur les approches en matière de planification des études, dont le questionnaire de 2002 a permis de collecter de nouveaux renseignements ou de nouvelles données.

Nous nous intéressons aux stratégies adoptées par les parents immigrants pour financer les études postsecondaires de leurs enfants. Si vous avez étudié, comme j'ai cru le comprendre, le Programme canadien de prêts aux étudiants et ce genre de choses, vous savez probablement tout ce qu'il y a à savoir sur cette étude particulière. Le système canadien d'aide financière est principalement un système de prêts. Ce système est principalement axé sur l'étudiant. Pourtant, de plus en plus, il tient compte des parents. Les crédits d'impôt et la Subvention canadienne pour l'épargne-études, la SCEE, le montrent bien. Ces mesures concernent les parents et supposent une responsabilité parentale à l'égard du financement des études postsecondaires de leurs enfants.

Il est très important d'examiner l'épargne dans le contexte d'une stratégie parentale plus large. Les parents investissent dans l'avenir de leurs enfants de bien des manières. La vulnérabilité des enfants est très étroitement liée au temps de qualité que les parents, surtout les mères, consacrent à l'éducation et au développement de leurs jeunes enfants. Les conclusions majeures des études sur le développement de la petite enfance de Keating et de ses associés, ainsi que de HELP, qui est le consortium de recherche, à Vancouver, concernent l'équilibre travail-famille et les difficultés que les femmes éprouvent dans la recherche de temps pour leurs enfants.

Je vais conclure en parlant rapidement de la question de l'investissement. La plupart des chercheurs qui ont analysé cette question de l'investissement parental se sont demandé s'il s'agissait d'une question d'argent ou d'une question de culture. Dans le deuxième de ces cas, ils font allusion au capital culturel. Selon les données auxquelles nous avons accès, la réponse est non, ou, si vous le préférez, la réponse provisoire est non. En fait, la première rangée du tableau montre que l'argument selon lequel la culture l'emporte sur le revenu, c'est-à-dire que le capital culturel est plus important que le revenu, ne fonctionne que pour le groupe de référence, qui est la population originale du Canada. Cet argument ne s'applique pas aux groupes immigrants. Cet argument est réfuté par les taux élevés d'aspirations aux études postsecondaires parmi les parents et par le fait que, en formulant cette question, nous mettons probablement trop l'accent sur la culture intellectuelle. Un grand nombre des gestes posés par les parents, particulièrement par les mères, pour investir dans les premières années d'études de leurs enfants et dans leur socialisation en tant qu'élèves n'exigent pas des niveaux de scolarité parentale élevés ni un accès à ce que l'on appelle la culture intellectuelle.

Cela soulève de nombreuses autres questions et de nombreux enjeux, mais je vais m'arrêter.

Le président : Nous pouvons en parler davantage quand les membres du comité poseront leurs questions, au moment d'ouvrir le dialogue.

Teresa Abada, professeure agrégée, département de sociologie, Université de Western Ontario, à titre personnel : L'étude dont je vais parler porte sur les différences ethniques dans les taux de diplomation universitaire des enfants d'immigrants. Les enfants visés par cette étude sont arrivés au Canada à un jeune âge, avant 12 ans, ou sont nés ici, nés de parents immigrants ou nés à l'étranger. Le postulat veut qu'ils aient été exposés aux mêmes valeurs et qu'ils aient, tout au moins, les mêmes chances de réussir que les enfants dont les parents sont nés au Canada. À cette fin, nous avons tenté de déterminer dans quelle mesure il y a des différences ethniques dans les taux de diplomation universitaire des enfants d'immigrants, ce qui explique ces variations entre les groupes et les taux de réussite des enfants par rapport à ceux de leurs parents.

Peut-on expliquer les variations entre les groupes par le niveau de scolarité des parents? Ou encore par les diverses formes de capital social, comme le fort sentiment d'appartenance à son groupe ethnique, un réseau solide d'amis du même groupe ethnique ou même les sentiments d'exclusion que certains jeunes vivent pendant qu'ils grandissent au Canada en raison de leur race ou de leur appartenance ethnique? Tous ces facteurs peuvent faciliter la poursuite d'études supérieures ou y nuire.

Il est important de tenir compte des diverses circonstances des expériences d'établissement de chacun de ces groupes et de la manière dont ces expériences les distinguent des autres groupes. Certains, par exemple, arrivent au Canada avec beaucoup de capitaux et achètent une propriété dans un quartier de classe moyenne. Les enfants de ces immigrants fréquentent donc habituellement de meilleures écoles et vivent dans de meilleurs quartiers. La situation de ces jeunes est très différente de celle d'un enfant dont les parents s'établiront dans un quartier pauvre et ne pourront obtenir que des emplois peu spécialisés et peu rémunérés. Il est important de tenir compte des expériences d'établissement de la génération des parents et de la manière dont ces avantages ou ces inconvénients sont transmis à la génération suivante.

Le tableau 1 est fondé sur l'Enquête sur la diversité ethnique et nous permet d'examiner un large éventail de facteurs liés au capital social. Par exemple, plus de 90 p. 100 des enfants d'immigrants terminent leurs études secondaires. Toutefois, quand nous examinons les taux d'obtention d'un diplôme universitaire, nous constatons qu'il y a des différences importantes entre les groupes. Environ 21 p. 100 des Hollandais de deuxième génération et près de 60 p. 100 des Chinois de cette même génération obtiennent un diplôme universitaire. Si nous examinons la mobilité intergénérationnelle à cet égard, nous pouvons constater que la plupart des jeunes démontrent une mobilité ascendante puisqu'ils dépassent les niveaux de scolarité de leur père. Ce sont les enfants d'immigrants portugais et italiens qui affichent l'amélioration la plus marquée par rapport à leur père. Les Polonais et les Chinois de deuxième génération sont deux fois plus nombreux que leurs parents à obtenir un diplôme universitaire. La plupart des groupes démontrent une mobilité ascendante, mais il y en a également qui montrent des signes de stagnation. C'est le cas, par exemple, des Noirs et des Philippins. En fait, il s'agit également des deux seuls groupes qui ne dépassent pas les niveaux de scolarité de leur père.

Qu'est-ce qui explique certaines de ces différences? Quand on tient compte de ces variations entre les groupes sur le plan des caractéristiques familiales, on constate que le niveau de scolarité des parents, surtout celui des pères, est une variable prédictive importante, tout comme le facteur du capital social que constitue la structure familiale ou le fait de grandir dans un foyer biparental. Les études montrent qu'une supervision parentale étroite peut favoriser l'obtention d'un diplôme universitaire. Certaines études américaines ont permis de tirer la même conclusion.

On constate que les caractéristiques liées aux antécédents familiaux expliquent certains des désavantages subis par quelques groupes européens. En particulier, le niveau de scolarité des parents était le facteur le plus important relativement aux taux de jeunes immigrants italiens et portugais qui obtenaient un diplôme universitaire. Cela n'est pas surprenant quand on tient compte du fait que les membres de ces groupes, surtout les immigrants portugais, sont moins nombreux à exercer une profession libérale ou de gestion. Il est encore une fois question de l'intégration économique de la génération des parents.

On a également constaté que les Asiatiques, à l'exception des Philippins, sont plus nombreux que les groupes européens à obtenir un diplôme universitaire. Nous n'avons pas pu en expliquer les causes, mais certains des facteurs liés au capital social, comme je l'ai mentionné, ont tendance à faire grimper le nombre de jeunes de minorités visibles qui obtiennent un diplôme universitaire. Toutefois, le capital ethnique, mesuré selon la rémunération moyenne moins élevée de la génération du père, a tendance à faire baisser ce taux parmi les membres des minorités visibles. De plus, les pères de ces jeunes qui sont membres de minorités visibles habitent, en majorité, dans les régions métropolitaines, ce qui a tendance à s'avérer un avantage pour eux, également.

J'aimerais revenir sur certains groupes. Une fois ces variations entre les groupes expliquées, nous avons constaté que les Noirs et les Philippins sont désavantagés par rapport au groupe de référence d'origine britannique. Ce qui est marquant, en ce qui concerne les Philippins, c'est que les parents immigrants sont parmi les plus instruits de tous les groupes d'immigrants. Pourtant, leurs enfants n'atteignent pas le même niveau de scolarité qu'eux. Cela soulève une question. Selon une étude de Philip Kelly, les Philippins présentent les modèles de professions les plus segmentés au Canada. Ils ont tendance à se cantonner dans des emplois peu spécialisés et peu rémunérés, dans les industries hôtelières, des services et des soins de santé, par exemple. On peut donc se demander dans quelle mesure les titres scolaires étrangers des parents sont dévalués et de quelle manière ce désavantage est transmis à la génération suivante. Nous ne nous sommes pas penchés sur cette question dans l'étude, mais ce sont, sans aucun doute, des questions que l'on doit se poser.

Nous nous sommes également aperçus du fait que les taux d'obtention d'un diplôme universitaire des Noirs qui sont des immigrants de deuxième génération demeurent les plus bas. Dans une certaine mesure, nous avons réalisé que le capital ethnique contribue à ces désavantages, mais nous n'avons pas pu expliquer ce désavantage dans son intégralité. Il faut que nous examinions ces communautés particulières de manière plus poussée afin de comprendre certains des désavantages, des obstacles ou des défis que doivent surmonter ces jeunes dès le début de leur parcours scolaire. Par exemple, si les taux de retour aux études des parents sont peu élevés, de quelle manière ce désavantage est-il transmis à la génération suivante? La situation soulève de nombreuses questions de ce genre.

Comme je l'ai mentionné plus tôt relativement à l'expérience d'établissement de la génération des parents, nous avons découvert que la résidence rurale de la génération des pères est le facteur le plus important qui explique les taux peu élevés d'obtention d'un diplôme universitaire parmi la deuxième génération. Il faut tenir compte du fait que les immigrants de première génération ont peut-être été recrutés pour leurs compétences en agriculture, et qu'ils se sont installés sur des terres agricoles, en Ontario et dans l'Ouest. La deuxième génération aurait bénéficié de ces entreprises agricoles viables, ce qui a peut-être rendu l'obtention d'un diplôme universitaire moins attrayante.

Pour revenir à l'avantage pédagogique dont jouissent d'autres groupes de minorités visibles, en particulier les Chinois, il faut examiner davantage les rôles des établissements sociaux ethniques, ce que nous n'avons pas pu déterminer dans le cadre de l'étude. Cependant, des études antérieures montrent que les communautés chinoises ont tendance à être mieux organisées en ce qui concerne leurs structures sociales, comme les écoles de langue. De plus, le rôle de certains de ces établissements sociaux facilite ces types de réseaux d'appui officiels pour les enfants d'immigrants. À tout le moins, ils les aident à surmonter certaines des lacunes ou des désavantages auxquels ils font face à l'école.

Miles Corak, professeur, École supérieure d'affaires publiques et internationales, Université d'Ottawa : Merci. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui. J'aimerais me servir de mes sept minutes pour vous faire connaître deux faits et vous lancer quelques avertissements. Je crois que le greffier du comité vous a distribué quelques figures tirées de mes recherches.

Premièrement, je crois que, de temps en temps, nous devrions nous arrêter pour célébrer nos réussites. En ce qui concerne l'intégration des immigrants et leurs niveaux de scolarité, le Canada compte parmi les pays les mieux positionnés dans l'OCDE. Dans la figure 1, l'axe vertical indique le niveau de scolarité d'un groupe de citoyens, selon leur lieu de naissance, en années d'études. Ainsi, douze ans correspondent approximativement à la fin des études secondaires. L'axe horizontal indique le niveau de scolarité de leurs parents, qui ne sont pas nés au Canada. Il s'agit donc d'une comparaison entre les enfants d'immigrants et leurs parents.

Le graphique comprend également deux lignes pointillées. La ligne pointillée horizontale indique le niveau de scolarité moyen des Canadiens dont les parents sont nés ici. La ligne pointillée verticale indique le niveau de scolarité de la génération précédente. Tous les carrés représentent le niveau de scolarité moyen, selon le pays d'origine. Par exemple, en moyenne, la cohorte des pères venus du Portugal a terminé moins de sept ans et demi d'études. Leurs fils nés au Canada ont, en moyenne, terminé 14 années d'études. Les nombreux carrés qui sont au-dessus de la ligne pointillée horizontale montrent que tous ces enfants d'immigrants ont fait plus d'études que le Canadien moyen dont les parents sont nés ici. Les enfants d'immigrants au Canada constituent un groupe relativement avantagé dans notre société sur le plan du niveau de scolarité.

L'autre chose qu'il est important de souligner, c'est que tous les carrés qui sont dans le coin supérieur droit indiquent que les parents sont arrivés ici avec un niveau de scolarité supérieur à la moyenne. Les gens qui ont un niveau de scolarité supérieur à la moyenne, qu'ils soient nés ici ou ailleurs, sont bien placés pour transmettre cela à leurs enfants. Cela s'applique aussi bien à ces communautés d'immigrants qu'aux personnes d'origine canadienne.

Nous choisissons un groupe de personnes qui sont relativement bien instruites. Quand elles arrivent ici, elles ont des enfants qui deviennent relativement bien instruits. En moyenne, il s'agit d'une réussite. Cela est lié au type de gens qui viennent ici, à leurs attitudes, à leurs valeurs et à leurs aspirations. Les établissements qu'ils fréquentent y sont également pour quelque chose, en particulier des systèmes d'enseignement aux niveaux primaire et secondaire. On devrait s'en réjouir. Quand on compare les pays de l'OCDE à cet égard, on constate que le Canada se démarque comme l'un des chefs de file. Cela dit, certains groupes soulèvent des inquiétudes. Ces chiffres sont assez diversifiés, et j'aimerais parler brièvement de cela, en conclusion.

Le deuxième fait que je voulais souligner est représenté à la figure 3. Ce graphique porte sur un autre groupe de personnes, qui se situent à l'autre extrême. Les membres de ce groupe arrivent ici à l'enfance, et leur situation est quelque peu différente de celle du groupe que nous venons de parler.

L'axe horizontal indique leur âge à leur arrivée ici. Cet âge varie de zéro à 17 ans. L'axe vertical indique leur taux d'abandon des études secondaires. L'encadré de gauche montre que 15 p. 100 des hommes qui sont arrivés au Canada avant l'âge de neuf ans n'obtiendront pas leur diplôme d'études secondaires. Cela équivaut plus ou moins à la moyenne canadienne. Ce qui est intéressant, c'est que, à l'intérieur de ce groupe, l'âge d'arrivée importe peu. Que l'enfant soit arrivé ici en tant que nouveau-né, à cinq ans ou à neuf ans, ses chances d'obtenir un diplôme d'études secondaires sont à peu près les mêmes.

Après neuf ans, cette relation change de façon draconienne. Dans les textes techniques, on appelle cela la courbe en bâton de hockey. Les risques d'abandonner les études secondaires augmentent progressivement, selon l'âge d'arrivée, après 10 ans. Les risques augmentent de façon marquée après cet âge.

Cela s'applique également aux femmes, bien que les niveaux soient différents. Une tendance marquée s'observe. Il serait intéressant d'en connaître les raisons. Nous pourrons en parler davantage plus tard.

En conclusion, j'aimerais répéter ce que les deux autres témoins ont laissé entendre. Selon les lectures de textes universitaires, les facteurs qui déterminent l'accès aux études postsecondaires ne sont pas, en général, monétaires. L'aide que nous offrons actuellement aux étudiants permet aux jeunes de 17 ou 18 ans de faire des études universitaires. Ce qui importe, c'est tout ce qui se passe avant cet âge et qui mène les jeunes à faire un choix éclairé. Ils ont réussi leurs études secondaires, et leurs aspirations aux études et leur motivation de continuer sont bien ancrées en eux. Compte tenu de la situation actuelle en matière d'aide financière, ce sont ces facteurs importants qui déterminent l'accès aux études postsecondaires.

Je vais m'arrêter ici. Nous pourrons explorer cette question de manière plus poussée plus tard, si vous le souhaitez.

Le président : Merci à nos trois témoins.

La Fédération canadienne des étudiantes et étudiants — Ontario, la FCEE, a récemment publié un rapport par l'intermédiaire du Groupe de travail sur le racisme dans les campus. Ce rapport traite principalement d'incidents qui ont eu lieu dans les campus et qui ont été vécus par des personnes qui étaient déjà inscrites dans un établissement d'enseignement. Aujourd'hui, nous portons toutefois notre attention sur l'accès aux études postsecondaires. Si le racisme empêche les étudiants de rester dans les établissements d'enseignement postsecondaire, il serait intéressant que vous nous en parliez.

L'élément principal des recommandations des auteurs du rapport et de leurs réflexions sur l'accès ressort dans une déclaration qu'ils ont faite. Tel qu'indiqué dans ce rapport, les obstacles financiers aux études postsecondaires se dressent, de manière disproportionnée, contre les étudiants racialisés. Les frais de scolarité élevés et le modèle d'endettement des études postsecondaires en Ontario sont discriminatoires parce que les étudiants racialisés sont moins susceptibles de pouvoir débourser les coûts initiaux des frais de scolarité. Ils finissent souvent par payer leurs études plus cher que leurs confrères qui ne sont pas racialisés, à cause des intérêts composés qui s'appliquent aux prêts étudiants.

J'aimerais savoir si vous êtes d'accord avec les auteurs et ce que vous pensez généralement de ce rapport en ce qui concerne cette question.

Compte tenu de la répartition des compétences prévue dans la Constitution de notre pays, selon vous, que peut faire le gouvernement fédéral pour aider les immigrants et les jeunes qui sont membres d'une minorité visible à accéder aux études postsecondaires?

M. Corak : Je n'ai pas lu cette étude, alors je ne la connais pas très bien.

Comme je l'ai dit au moment d'expliquer mes conclusions, il y a un large éventail de situations différentes. Certains groupes ethniques réussissent très bien. Mme Abada en a parlé. D'autres doivent surmonter des défis plus nombreux. Selon mes conclusions, tous ces groupes ont tendance à avoir un niveau de scolarité plus élevé que leurs homologues canadiens. De prime abord, je ne crois pas que des questions financières en soient la cause.

Leur expérience sur le marché du travail après l'obtention du diplôme y est pour quelque chose. Certains groupes ont de la difficulté à se tailler une place et vivent des expériences discriminatoires sur le marché du travail. Comme vous pouvez l'imaginer, s'ils déterminent que le montant de leurs épargnes est inférieur à la moyenne et que le rendement de leur investissement dans les études n'est pas suffisant, ils ne sont pas motivés à poursuivre leurs études. Je crois que ce facteur joue un rôle. Cependant, je ne crois pas que la question financière influe sur l'accès aux études.

En ce qui concerne ce que peut faire le gouvernement fédéral, j'ai deux propositions. On a fait allusion à la première quand on a dit que la famille joue un rôle essentiel. Le point de départ d'une personne est important. L'aide financière que le gouvernement fédéral fournit aux familles à faible revenu contribue à cela. L'équilibre travail-famille dont M. Sweet a parlé est un facteur important qui aide tous les Canadiens et, en particulier, les immigrants.

Il faut également comprendre que les politiques d'immigration sont également des politiques en matière d'enseignement et des politiques sociales. Nous prenons des décisions concernant les règles d'immigration et de sélection. Ces décisions ont des répercussions sur les provinces et, à moyen et à long terme, sur le système d'éducation.

Par exemple, le Programme des travailleurs étrangers temporaires m'inquiète. Nous avons parlé de l'importance de la famille. Il sera intéressant de voir comment ce grand nombre de travailleurs temporaires s'intégrera dans notre société et comment ce programme fonctionne, dans les faits.

Nous avons invité des gens au Canada temporairement et les avons probablement enlevés à leur famille. Ces mères ne sont plus là pour élever leurs enfants; elles élèvent peut-être les enfants de quelqu'un d'autre, au Canada, par exemple. Cela nuit gravement au capital familial, qui est très important. Si ces travailleurs temporaires deviennent, au bout du compte, des résidents permanents au Canada — comme ça a été le cas par le passé — ils parraineront leur famille, et leurs enfants devront affronter des temps difficiles, en conséquence.

Les données sur les programmes semblables qui ont été mis en œuvre par le passé le montrent bien. Certains immigrants jamaïcains, par exemple, l'ont vécu. Les enfants vivaient des temps beaucoup plus difficiles quand leur famille avait été divisée. Les politiques peuvent avoir des répercussions négatives imprévues à moyen ou à long terme.

Je vous encourage à réfléchir longuement aux répercussions à long terme des règles de sélection. J'ai touché à cette question dans ma deuxième figure. L'âge d'arrivée des gens modifie les taux de risque de décrochage. Il faut aborder ce problème ou offrir de l'aide de diverses manières, selon les caractéristiques des enfants d'immigrants.

Le président : C'était très utile.

Mme Abada : Pouvez-vous répéter la déclaration qui a été faite dans cette étude?

Le président : Vous avez tous dit que le niveau de scolarité des parents — qu'il s'agisse du père ou de la mère, de même que les aspects culturels ont une incidence sur la décision des enfants de poursuivre leurs études. Ce rapport de la FCEE indique que les étudiants racialisés sont touchés, de manière disproportionnée, par les obstacles financiers aux études postsecondaires. Les frais élevés et le modèle d'endettement des études postsecondaires en Ontario sont discriminatoires, parce que les étudiants racialisés sont moins susceptibles de pouvoir débourser les coûts initiaux des frais de scolarité et rembourser leurs dettes d'études. Je crois avoir lu, dans ce document, qu'il y a des difficultés liées au revenu familial, à l'aide fournie par la famille et à la capacité d'obtenir un emploi en raison de la discrimination.

Croyez-vous que cela est juste ou y a-t-il d'autres facteurs que nous devrions examiner?

Mme Abada : Je n'ai pas lu l'étude, mais j'aimerais commenter la question.

Quand les immigrants arrivent au Canada, ils ont de grandes aspirations pour leurs enfants. M. Corak en a parlé, lui aussi.

Malgré toutes ces aspirations et cet optimisme, si les jeunes n'ont pas les moyens — s'ils doivent travailler pour aider à subvenir aux besoins de la famille — cela peut avoir des répercussions sur leurs résultats scolaires.

Vous avez indiqué que les étudiants racialisés n'ont pas les moyens de faire des études postsecondaires. Cela n'est peut-être pas entièrement faux. Par exemple, il faudrait tenir compte de leur rendement dans leurs cours universitaires. Les étudiants s'arrêtent-ils après le premier cycle? Quels sont ceux qui font une maîtrise ou qui fréquentent d'autres écoles professionnelles, par la suite? Quels sont leurs résultats scolaires?

On peut également tenter de déterminer qui est plus susceptible de travailler 20, 25 ou même 30 heures par semaine. Par exemple, si on détermine que les étudiants racialisés sont plus nombreux à travailler à temps partiel et à avoir plus d'heures de travail, cela pourrait expliquer certaines choses — je ne sais pas.

Il y a également la notion de famille; par exemple, parmi les communautés d'immigrants, le fait de grandir dans un foyer biparental facilite beaucoup la poursuite d'études universitaires. Ce que M. Corak a dit sur le programme des travailleurs temporaires est pertinent. L'unité familiale est alors brisée temporairement; alors, quand les enfants arrivent enfin, ce sont des étrangers qui se retrouvent, plutôt que des membres d'une même famille. Souvent, dans ces cas, on a tendance à mettre en doute l'autorité des parents.

Par exemple, un grand nombre de ces enfants ont été élevés par des membres de la famille élargie, dans leur pays d'origine. Quand ils arrivent ici, il y a des conflits entre les parents et les enfants, ce qui nuit à leurs résultats scolaires. Je crois qu'il faut en tenir compte.

M. Sweet : Si vous me le permettez, je vais commencer par votre deuxième question, puis revenir à la première. J'ai travaillé pour l'ELIC. Cette enquête porte sur les nouveaux arrivants adultes — en fait, le groupe visé est la cohorte arrivée en 2000.

L'une des questions que nous avons commencé à examiner — et nous allons bientôt réaliser une analyse plus poussée — concerne le rôle des femmes et du niveau de scolarité sur le marché du travail. Nous aborderons peut-être les mesures que le gouvernement peut prendre pour régler un problème particulier. Chez les immigrants, le problème est peut-être davantage lié au sexe qu'à la race, à cet égard. Il y a évidemment regroupement, mais le fait de tenir compte de la race sans égard au sexe et d'envisager la famille en tant qu'unité n'est probablement pas la meilleure approche à adopter.

L'autre question concerne le rôle de la langue dans l'accès à l'enseignement et à la formation pour les femmes qui souhaitent intégrer le marché du travail. Il s'agit d'un obstacle important, selon l'information dont nous disposons actuellement. Cette constatation est appuyée par un grand nombre d'études qualitatives. Les textes féministes ont, en tout cas, qualifié cette notion de regroupement de qualitative.

L'autre mesure que peut prendre le gouvernement fédéral, c'est de ne pas seulement se pencher sur l'accès aux études postsecondaires, mais de retourner en arrière et d'examiner l'aide offerte aux familles. Quelle forme devrait prendre cette aide? De nombreuses recherches américaines et canadiennes sur les enfants et les petits-enfants d'immigrants, et sur les caractéristiques innées par rapport aux caractéristiques acquises montrent de plus en plus que l'accès aux études postsecondaires et l'aide offerte aux familles sont interreliés. Une grande partie de notre potentiel intellectuel, qui est le principal domaine d'intérêt dans nos écoles — et qui est à la base d'un grand nombre de nos attentes et de nos prévisions, que nous soyons parents ou enseignants — est une fonction de la socialisation et de conditions sociales.

Il y a des sommaires de recherche, comme celle sur le réseau et le quartier. Je ne sais pas si vous la connaissez, mais elle est en cours d'élaboration, au Canada. Elle fait référence aux travaux de J.D. Willms sur les enfants vulnérables au Canada et sa notion du gradient et du statut socioéconomiques ainsi qu'aux travaux réalisés ultérieurement par Keating et d'autres personnes. La preuve est là, et je pense que les politiques doivent vraiment être axées sur l'aide offerte aux jeunes familles, particulièrement sur la mère, parce que les rôles de la mère et du père sont vraiment très différents en ce qui concerne la socialisation de l'enfant.

Concernant votre première question au sujet de la FCEE, son argument relatif à la dimension raciale du système de prêts — principalement du système de prêts, mais également le système de subventions fondé sur les besoins — vient probablement appuyer sa critique antérieure relative au revenu, qui est un argument socioéconomique selon lequel, dans le cadre du Programme canadien de prêts aux étudiants, nous versons des sommes à des gens qui n'en ont pas besoin, tandis que ceux qui en ont véritablement besoin ne reçoivent pas une aide suffisante.

Ross Finnie a formulé la meilleure des critiques à cet égard lorsqu'il a demandé qu'une nouvelle architecture soit mise en place pour le Programme canadien des prêts aux étudiants : par souci d'équité pour les personnes à faible revenu, les sommes devraient être versées sous forme de subventions dès le début des études, au lieu d'être fournies plus tard pour rembourser une dette existante. S'il s'agit autant d'une question sociale que d'une question raciale, alors il faudrait adopter des solutions qui s'adressent à une certaine classe sociale. M. Finnie a certaines suggestions à cet égard.

Le sénateur Callbeck : Merci d'être venus aujourd'hui et merci de vos exposés. J'ai certaines questions sur ces exposés. Premièrement, monsieur Sweet, vous n'avez pas parlé de votre deuxième étude, faute de temps. Le tableau semble faire état des immigrants qui ont obtenu un diplôme universitaire dans leur pays d'origine. Toutefois, la description de la cohorte la plus importante, celle qui représente 54 p. 100 des immigrants visés par l'étude, indique que les membres de cette cohorte n'ont pas fait d'études.

M. Sweet : C'est mon erreur. Ce dont je voulais parler, c'est du type d'activités pédagogiques qu'ils entreprennent après leur arrivée au Canada. Il ne s'agit pas d'une description de leurs titres actuels en matière d'études. Un grand nombre d'entre eux — les non-participants font des études, mais ils ne le font pas pour se recycler, ou pour améliorer leurs titres de compétence. La plupart d'entre eux ont présenté leurs titres, les ont négociés sur le marché du travail et sont satisfaits du poste qu'ils occupent. Ils suivent une formation continue et informelle, tout comme le reste de l'effectif.

Le sénateur Callbeck : Un grand nombre d'entre eux ont présenté leurs titres de compétence et ne sont pas satisfaits.

M. Sweet : L'ELIC, qui s'étend sur quatre ans, montre que presque tous les membres de la vague deux avaient obtenu un emploi. Peu après leur arrivée ici, ils ont un travail, mais ils ne sont pas satisfaits du travail qu'ils font. Il n'y a pas de concordance entre l'emploi qu'ils ont et l'emploi qu'ils croient devoir exercer en raison de leurs titres de compétence.

Cependant, ils sont sur le marché du travail, et un grand nombre d'entre eux y accèdent, non par l'entremise du système d'enseignement postsecondaire, mais grâce à de la formation parrainée par l'employeur et par les moyens d'avancement courants dans le marché du travail. Les membres de cet échantillon qui choisissent de faire des études universitaires ou collégiales sont plus souvent ceux qui ne réussissent pas à mettre le pied dans la porte pour enfin grimper les échelons. Ils sont bloqués par quelque chose.

Le sénateur Callbeck : J'ai parlé à de nombreux chauffeurs de taxi, par exemple, qui sont très insatisfaits de leur travail. Les titres de compétence qu'ils ont acquis dans leur pays d'origine n'ont pas été acceptés, pour une raison quelconque. L'autre jour, j'ai parlé à quelqu'un qui était retourné au collège pendant deux ans en s'attendant à pouvoir trouver un emploi dans son domaine, ce qu'il n'a toujours pas réussi à faire. Il est ingénieur. Y a-t-il autre chose que nous pouvons faire pour ces gens?

M. Sweet : Je ne sais pas. Les études à cet égard présentent quelques idées là-dessus. Selon l'un des arguments présentés, il ne s'agit pas d'un problème qui touche seulement les immigrants. Il s'agirait d'un problème lié à notre économie, et presque tout le monde serait sous-employé. Les résultats de l'Enquête nationale auprès des diplômés fournissent certains renseignements à ce sujet. Selon David Livingston, nous ne faisons pas usage du niveau de compétence que nous sommes capables de générer au Canada.

Le président : Est-ce qu'il y a d'autres témoins qui aimeraient faire des commentaires sur cette question?

M. Corak : J'aimerais porter à votre attention une étude réalisée par un économiste de l'Université de la Colombie- Britannique, Philip Oreopoulos. Il a fait une étude de vérification dans laquelle il a demandé à ses adjoints de recherche de postuler des emplois en utilisant une série de faux curriculum vitæ. Il a envoyé des centaines de ces curriculum vitæ, et n'a changé que la consonance ou l'origine du nom de famille. Il a fait plusieurs expériences de ce genre. Il a également changé le lieu d'étude, qu'il s'agisse du Canada ou de Mumbai, enregistré le nombre de convocations à des entrevues. Son étude démontre clairement — et d'autres études réalisées en Suède et en Allemagne appuient la même conclusion — que ces détails envoient un signal. Il est très clair qu'il est plus facile de mettre le pied dans la porte quand son nom a la bonne consonance. C'est également le cas quand l'employeur connaît l'établissement d'enseignement indiqué dans le curriculum vitæ. Il pourrait s'agir de discrimination flagrante, mais il pourrait également y avoir un problème de réseau et d'information. Il est également clair que ces types de problèmes seront d'autant plus graves durant des périodes où l'économie n'est pas propice à l'emploi.

De plus, dans certains secteurs, il y a des obstacles très clairs. Vous avez mentionné l'ingénierie. Je crois que le gouvernement fédéral a entrepris des négociations avec ces secteurs, mais il est clair que les études de médecine doivent faire l'objet d'interventions et que des normes doivent être établies. S'il s'agit d'un problème d'information, il est clair qu'il faut classer les universités étrangères selon les connaissances qu'elles dispensent. Cette information devrait être claire. Je crois que nous faisons des progrès à cet égard, mais ça ne se fait peut-être pas assez vite. Si le problème concerne l'information, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle plus important en fournissant cette information et en offrant un réseau pour un grand nombre de ces personnes. Certains obstacles qui existent dans des domaines particuliers peuvent être négociés à la baisse. En toute franchise, certains employeurs agissent d'une manière qui doit être qualifiée de discriminatoire.

Mme Abada : En France, on a également réalisé une étude sur l'assimilation segmentée, surtout chez les enfants d'immigrants. L'étude a montré que les enfants dont les noms de famille étaient étrangers étaient désavantagés sur le marché du travail. Certains de ces enfants sont de la troisième génération. Toutefois, ceux qui avaient, par exemple, des noms de famille provenant de l'Asie occidentale étaient également désavantagés, malgré le fait qu'ils soient nés en France ou que leurs parents y soient nés. Je ne sais pas dans quelle mesure cela s'applique ici.

M. Sweet : J'ai quelques points à soulever en ce qui concerne la discrimination et l'embauche. L'étude réalisée par M. Oreopoulos est intéressante. On peut la relier aux recherches historiques et traditionnelles sur la théorie de la distance sociale. Ainsi, on pourrait faire abstraction des effets parce qu'ils s'appliquent non seulement à la couleur de la peau, mais également à la taille et au sexe. Si ces facteurs ne sont pas différents, nous trouverons des distinctions encore plus subtiles pour établir des différences entre les candidats, au moment de l'embauche. La dimension qui sous-tend tout cela est la familiarité. Il s'agit d'un type de mécanisme qui est peut-être très généralisé.

L'autre chose que je voulais souligner, c'est que, si nous examinons l'embauche et l'intégration réussie au marché du travail, traditionnellement, les immigrants très instruits — et peut-être M. Corak en sait-il davantage que moi à ce sujet — s'en tiraient à merveille dans les années 1960 et 1970. L'une des raisons avancées pour expliquer les taux à la baisse relatifs à l'emploi et au revenu est la concurrence. Les jeunes qui sont nés ici ont enfin compris et se sont dit : « Je fais mieux d'aller à l'école ». Ils l'ont fait, et les jeunes d'ici ont maintenant des taux de compétence beaucoup plus élevés qu'auparavant.

Un autre facteur, qui est peut-être beaucoup plus clair, concerne la langue. Selon l'ELIC, qui s'étend sur quatre ans, lorsque les niveaux de compétence linguistique autoévalués augmentent, la relation avec le marché du travail change de façon draconienne. Elle changera pour d'autres raisons également, mais les compétences linguistiques autoévaluées sont assez importantes en ce qui concerne le changement de la situation au cours de cette période de quatre ans.

Le sénateur Merchant : Bienvenue. Je voudrais vous parler un peu de ma propre expérience. Je suis née en Grèce. Je suis arrivée ici tout de suite après avoir terminé ma sixième année en Grèce, ce qui marquait la fin de mes études primaires. Mon expérience correspond à ce que vous avez dit, et vous avez déjà répondu à certaines de mes questions. Nous nous sommes installés dans l'Ouest canadien. Nous nous sommes installés en Saskatchewan parce que nous avions de la famille là-bas, alors il existait déjà un certain soutien pour nous là-bas. À Regina, la communauté grecque était très petite par rapport à celle de Toronto. C'était une communauté très proche.

Mon expérience d'immigration a été spéciale, en partie parce que je suis venue avec ma famille. Mon père et ma mère sont venus ici avec leurs cinq enfants, et il y avait beaucoup d'autres personnes qui venaient de la même région, en Grèce. La plupart des gens qui sont arrivés à Regina à la même époque, à la fin des années 1950 et au début des années 1960, n'étaient pas beaucoup plus vieux que moi. Certains n'avaient que 17 ou 18 ans. Ils sont venus sans leur famille, pour travailler. Ces jeunes n'ont pas eu les mêmes avantages que moi, même si je n'avais que quelques années en moins, parce que ma famille était là pour m'appuyer.

Je suis allée à l'école. Il était clair que je n'allais pas travailler. La plupart des Grecs étaient dans l'industrie des services parce qu'ils ne parlaient pas la langue quand ils sont arrivés, mais il était possible pour eux de travailler dans un restaurant. Quelqu'un a dit à ma mère que je devrais vendre de la crème glacée ou faire un autre travail dans le restaurant. Ma mère lui a dit que nous sommes venus au Canada pour que je puisse faire des études. Cet appui familial était un grand avantage pour moi.

La communauté était petite et homogène, et l'Église orthodoxe grecque était au centre de la vie. C'était un avantage, mais c'était également une source de pression parce que tout le monde savait ce qui se passait et ce que je faisais. Nous avions l'impression de devoir réussir parce qu'il fallait faire plaisir à tout le monde et pas seulement à nos parents. Les yeux de tout le monde étaient braqués sur nous, et ça nous a aidés.

Vous avez parlé des noms étrangers. Quand nous sommes arrivés à l'école, j'étais en septième année. Mon enseignante était gentille, et je ne parlais presque pas l'anglais. J'avais pris des cours d'anglais, en Grèce, mais je ne le parlais pas beaucoup, et on a raccourci nos noms pour les angliciser. Cela était courant. Nous n'avions pas des noms comme ceux que vous avez mentionnés tout à l'heure. Mon nom était Panayiota, mais mon enseignante a décidé qu'on m'appellerait Pana. Mon frère, qui s'appelait Constantine, se faisait appeler Stan. Automatiquement, nous avons été libérés de ce fardeau que constitue un nom étranger. Je ne sais pas si cela m'a aidée, mais je n'ai jamais cru qu'il s'agissait de malveillance. C'est ce que la vie m'a donné. J'avais l'appui de ma famille. Mes deux parents devaient travailler, mais ils nous appuyaient beaucoup. La communauté aussi nous appuyait. Vous en avez parlé un peu.

Il a été souligné que certains des groupes dans votre tableau parlent l'anglais quand ils arrivent ici. Ils viennent de pays où l'anglais est la langue parlée. Le sort des enfants d'immigrants varie-t-il beaucoup en fonction de la langue parlée par leurs parents à leur arrivée? Avez-vous des comparaisons entre les immigrants anglophones et les immigrants non anglophones?

Vous avez soulevé la question du sexe, monsieur Sweet, mais y a-t-il des études qui montrent des différences entre le sort des étudiantes immigrantes et celui de leurs homologues masculins?

M. Sweet : Il est clair que, si vous parlez déjà anglais quand vous arrivez en Ontario ou en Colombie-Britannique, ou si vous parlez déjà français avant d'arriver au Québec, c'est un avantage. Toutefois, ce n'est pas le seul facteur qui compte, et la situation des élèves anglophones des Caraïbes qui étudient à la Commission scolaire du district de Toronto le montre bien. Leur région d'origine et les différences culturelles semblent faire contrepoids à ce que nous considérons comme un avantage linguistique. Cela sert donc d'avertissement, car nous sommes très excités par le rôle de programme d'apprentissage de l'anglais, langue seconde. Pourtant, il est clair qu'il s'agit d'un investissement nécessaire et que cet apprentissage devrait probablement se faire plus tôt, de manière plus poussée ou même être poursuivi plus longtemps.

La langue devient une difficulté lorsque les élèves arrivent à l'école intermédiaire et secondaire parce qu'ils choisissent de ne pas poursuivre le programme d'anglais langue seconde. Les données en Colombie-Britannique montrent que, lorsqu'ils quittent le programme, leurs notes baissent. Ils quittent le programme pour des raisons très intéressantes. Dans certains groupes ethniques, les jeunes quittent le programme en raison de la pression exercée par leurs parents. Les parents ne veulent pas que leurs enfants demeurent dans le programme d'anglais langue seconde parce qu'ils croient que c'est une perte de temps. Ils veulent que leurs enfants suivent les cours des matières principales, comme les mathématiques et les sciences, parce qu'ils veulent les voir avancer et acquérir le bagage d'études nécessaire aux études universitaires.

J'ai certaines informations sur la différence entre les sexes qui entrent dans la lignée du débat fondamental parmi les Canadiens d'origine sur la sous-performance des garçons ou la surperformance des filles, même s'il est vrai que l'on ne peut pas vraiment surperformer. Je crois que mes collègues ont peut-être plus d'information à ce sujet que moi.

Mme Abada : J'aimerais faire un commentaire sur votre expérience en Saskatchewan et sur les communautés ethniques homogènes. On peut observer la même chose au sein de certaines communautés vietnamiennes. Une étude réalisée en Nouvelle-Orléans a montré qu'une collectivité très unie se caractérisait par un sentiment de solidarité plus fort, par une vigilance soutenue à l'égard des membres du groupe et par la capacité de faire en sorte que ces membres répondent aux attentes de la communauté.

J'ai rédigé un document sur les différences entre les sexes dans la réussite scolaire parmi les enfants d'immigrants en m'appuyant sur l'Enquête sur la diversité ethnique, ou l'EDE. Nous avons remarqué certaines différences très intéressantes entre les sexes. Par exemple, le capital social, comme la structure familiale et le fait de grandir au sein d'une famille biparentale, jouait un rôle plus important chez les filles que chez les garçons. Cette constatation est également conforme à une étude semblable qui a été réalisée aux États-Unis. Les filles d'immigrants semblent plus proches de leur famille, ce qui fait en sorte que les parents sont capables de les surveiller de plus près et de les superviser davantage, ce qui explique que leur niveau de réussite scolaire est supérieur à celui des garçons. L'étude américaine a eu les mêmes résultats.

Nous avons également constaté que les filles d'immigrants qui avaient grandi au Canada et qui avaient vécu l'exclusion en raison de leur race, de leur origine ethnique ou de leur religion, étaient plus nombreuses à faire des études universitaires. Chez les hommes, cette expérience avait moins d'importance et avait tendance à leur faire adopter une voie négative. Pour une raison quelconque, ce sentiment d'exclusion chez les filles qui grandissent au Canada favorise la poursuite d'études supérieures.

M. Corak : J'ai apprécié votre histoire, madame, et je suis certain qu'il y a eu des histoires semblables dans de nombreuses communautés au Canada, y compris la mienne. En ce qui concerne les différences linguistiques, il s'agissait d'une des hypothèses principales que nous voulions explorer dans le cadre d'une autre étude afin de déterminer si cette tendance relative à l'augmentation des risques après un certain âge était liée à l'acquisition de la langue. Les psychologues affirment qu'il est beaucoup plus facile d'apprendre une nouvelle langue à un jeune âge que plus tard dans la vie. Certaines personnes ont établi des liens entre la capacité d'apprendre une deuxième langue et le début de la puberté, car cet apprentissage semble être un peu plus difficile après cet âge.

Nous avons catégorisé ces données par langue et par pays d'origine. En fait, cette tendance ne s'applique pas aux gens qui arrivent de pays anglophones, comme les États-Unis ou le Royaume-Uni, ou tout autre pays anglophone, qu'il soit riche ou pauvre. Ces tendances sont propres aux communautés pour lesquelles il est difficile d'apprendre la nouvelle langue. Si cet apprentissage se fait dans les premières années de vie de l'enfant, il n'y a pas de problème.

Selon ces statistiques, il semblerait que vous étiez au seuil de ce phénomène; et la langue en fait partie. Les adolescents vivent beaucoup de changements, ce qui modifie les niveaux de risque.

En ce qui concerne la question des sexes, je répète que les filles d'immigrants sont véritablement un modèle de réussite. Dans notre société, les personnes les plus instruites sont des filles d'immigrants venus de l'Asie orientale. Leur groupe est le plus instruit de tous. La majorité de la cohorte la plus récente a un diplôme universitaire.

Les garçons, pour leur part, représentent un réel défi. Les garçons noirs des Caraïbes sont moins nombreux. Cela ne s'applique pas seulement aux études. Même s'ils réussissent dans le système scolaire, ils rencontrent des problèmes lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail. Même si nous réglons le problème de l'accès aux études, le problème à plus long terme que constitue la discrimination dans le marché du travail persistera.

Le sénateur Martin : Je trouve la séance très intéressante parce que beaucoup de choses que vous dites me rappellent ma propre expérience. Je voudrais mettre à l'essai certaines des observations que j'ai faites en tant que jeune immigrante qui a grandi à Vancouver. Je suis née en Corée, et nous sommes arrivés au Canada quand j'avais sept ans.

J'ai eu une conversation intéressante avec un ami francophone qui habitait en Colombie-Britannique. Il m'a expliqué qu'on ne remarquait sa différence jusqu'à ce qu'il ouvre la bouche. Il a un accent français. Les gens lui demandent s'il vient du Québec ou de la France. Pour ma part, les gens me remarquent si je ne dis rien. Cependant, dès que je commence à parler, les gens pensent que je suis née au Canada. Nous avons comparé ces différentes perceptions des gens selon ce qu'ils entendent et selon ce qu'ils voient. Nous sommes des minorités visibles parce que notre différence se voit.

En ce qui concerne la différence entre les sexes, il semble y avoir deux groupements dans les tableaux et les statistiques que vous avez fournis : les minorités visibles ou les immigrants qui doivent clairement affronter des obstacles pour accéder aux études postsecondaires, d'une part, et la grande majorité des immigrants pour qui le problème est non pas l'accès aux études postsecondaires, mais l'accès au marché du travail. Il ne s'agit pas tant d'une question de surperformance ou de sous-performance.

J'ai eu l'occasion d'observer les hommes de ma communauté culturelle. Ils travaillent dur, mais ils affirment — y compris mon propre frère — que la tolérance ou les normes sociétales varient. Les femmes qui font partie d'une minorité visible sont moins souvent victimes de discrimination que les hommes. J'ai vu certains des hommes avec qui j'ai grandi mener un combat beaucoup plus dur contre la discrimination.

Êtes-vous d'accord avec moi? Qu'avez-vous observé dans vos études sur les différences entre les sexes?

Mme Abada : Nous n'avons pas étudié les différences entre les sexes sur le marché du travail. Dans une étude de Statistique Canada — je ne me souviens pas du nom de l'auteur —, on se penche sur le revenu des filles d'immigrants; elles ont tendance à avoir un revenu plus élevé que leurs homologues masculins.

Pour revenir sur ce que M. Corak a dit, vous avez raison de dire que les filles d'immigrants ont des niveaux de scolarité élevés, particulièrement celles d'origine asiatique. En ce qui concerne les répercussions sur leur acceptation sur le marché du travail, les recherches indiquent que les immigrantes ont des taux d'acculturation plus élevés que les immigrants. Je ne sais pas ce qui cause cela; il faudrait que j'examine la question en tenant compte des statistiques sur le marché du travail.

À l'égard de la discrimination, je suis d'accord avec vous, mais je n'ai pas étudié la question de manière systématique.

Le sénateur Martin : Ma mère disait toujours que les femmes étrangères n'avaient pas souvent le droit de parole dans une culture plus patriarcale. Même si les femmes étaient aussi instruites que les hommes, moins de possibilités s'offraient à elles. Quand elles arrivent au Canada, les femmes ont soudainement plus de possibilités, tandis que les hommes perdent du terrain. Ma mère et d'autres femmes m'ont dit qu'elles avaient trouvé leur voix au Canada.

Je voulais simplement vous faire part de cette observation parce qu'elle est intéressante.

Mme Abada : Vous avez peut-être raison de dire que le fait de grandir dans un foyer patriarcal favorise la surperformance. Il pourrait s'agir d'un moyen de prévenir la production sociale de la culture et, peut-être, d'échapper à certaines de ces normes culturelles.

M. Sweet : Je pense qu'il est vrai que les jeunes immigrantes qui vont à l'école au Canada découvrent souvent qu'elles peuvent s'exprimer. Les enseignants d'anglais langue seconde du primaire et du secondaire connaissent bien ce phénomène.

Une explication possible — et elle est hypothétique — de l'accueil plus chaleureux que reçoivent les femmes sur le marché du travail concerne les rôles sexuels. La masculinité est définie par la culture. Une femme qui porte un sari est peut-être plus facilement acceptée dans un bureau qu'un homme qui porte un turban ou une barbe. Ces marqueurs de sexe sont extraculturels; ils peuvent rendre les choses plus difficiles pour les hommes que pour les femmes.

L'autre argument est lié aux préférences. L'un de nos groupes à Vancouver, composé de Marie Adamuti-Trache et Lesley Andres, a fait une étude sur les champs d'étude que choisissent les femmes. L'article est intitulé : « You've come a long way, baby? » et a été publié dans un numéro récent de Canadian Public Policy. Les femmes continuent de choisir des domaines d'étude non scientifiques, comme les sciences sociales, les humanités et les beaux-arts. La seule preuve contradictoire que nous avions découlait d'un travail antérieur que nous avions fait, qui montrait que les jeunes immigrantes étaient beaucoup plus fortes en mathématiques et avaient plus souvent tendance à faire des études en génie et dans des domaines semblables que les femmes nées ici.

La question intéressante du sexe et de l'appartenance ethnique est peut-être également liée à votre question. La déclaration de Mme Abada selon laquelle les filles sont plus facilement acculturées que les garçons fait partie de cela.

Si l'on se penche sur la question de l'obéissance, il est clair qu'il est important de faire ses devoirs à l'école. Les devoirs ont des effets positifs sur le rendement scolaire, sous certaines conditions et à certains niveaux, particulièrement à l'école secondaire; les filles consacrent beaucoup de temps à leurs devoirs de sciences.

Nous avons fait une étude en utilisant les données sur les sciences du Programme d'indicateurs du rendement scolaire ou le PIRS; les filles sont récompensées par leurs enseignants. Elles reçoivent des notes de A et de A+ dans leurs devoirs de sciences. Puis, elles passent les épreuves du PIRS, et les garçons réussissent beaucoup mieux qu'elles. Ce n'est tout simplement pas juste; comment est-ce possible? Les garçons mènent une vie très différente à l'extérieur de l'école; les situations et les contextes liés à leurs loisirs favorisent le raisonnement quantitatif, ce qui les avantage.

Les différences entre les sexes sont très compliquées. Le sexe des étudiants a un rôle à jouer dans le programme d'études, et le sexe des travailleurs influe sur les pratiques d'embauche dans le marché du travail. Il est très difficile de comprendre cette question dans toute sa complexité.

Le sénateur Martin : Je vais poser une question et je vais peut-être demander à seulement l'un des témoins d'y répondre. Ma question porte sur les minorités visibles dans les villes et celles à l'extérieur des villes, dans les régions plus isolées. Des parents m'ont demandé si leur enfant réussirait mieux dans une région isolée où ils seraient obligés de s'intégrer plus rapidement. Est-ce que le niveau d'acculturation influe sur le niveau de réussite finale, qu'il s'agisse de l'obtention de diplômes postsecondaires ou de l'accès au marché du travail? Je suis curieuse de savoir comment les membres de minorités visibles qui sont entourés de gens comme eux dans les grandes villes se distinguent de ceux dans les régions rurales.

Mme Abada : Quand ils se retrouvent dans un endroit où il y a très peu de gens du même groupe ethnique qu'eux, les jeunes immigrants sont très stratégiques, qu'ils s'en rendent compte ou non. Ils choisissent les caractéristiques qu'ils peuvent afficher et se débarrassent de celles qui leur seront peut-être plus défavorables. Je pense qu'ils sont obligés de s'assimiler à leur milieu plus rapidement en se débarrassant de certaines de leurs caractéristiques ethniques pour être acceptés.

Cette situation n'est peut-être pas celle des jeunes qui vivent dans de grandes métropoles. Dans le cadre de notre étude, nous avons découvert que les membres des minorités visibles qui vivent dans de grandes régions métropolitaines ont tendance à tirer profit de leur situation. Ils sont exposés à leur nouveau milieu par l'entremise d'un groupe ethnique. Le fait de vivre avec d'autres personnes comme vous peut très bien être un avantage par rapport au fait de vivre dans une plus petite ville, où vous n'êtes pas exposé à des gens du même groupe ethnique.

Le sénateur Cordy : Je vais poser mes deux ou trois questions tout en même temps, pour que le président me laisse continuer.

Madame Abada, dans votre exposé, vous avez parlé — et vous y avez seulement fait allusion — du fait qu'il est avantageux pour les jeunes — du point de vue des études universitaires, d'avoir des amis du même groupe ethnique. Pour les jeunes immigrants en particulier, cela leur donne-t-il le sentiment d'appartenir à une communauté et d'être acceptés? Est-ce qu'il s'agit là du facteur qui leur permet de poursuivre leurs études postsecondaires?

Mme Abada : Oui; je ne crois pas qu'il s'agisse du seul facteur, mais il est, à coup sûr, lié à une question beaucoup plus large. Les réseaux des parents et le sentiment d'appartenance à une communauté sont vraiment très importants.

Une étude réalisée aux États-Unis montre que, si les parents savent que leurs enfants fréquentent les enfants de leurs amis, ils sont beaucoup plus en confiance. Cela favorise les sentiments d'appartenance à une communauté. Compte tenu de cela, quand les parents font partie de cette communauté, ils peuvent créer des attaches avec d'autres personnes de leur groupe ethnique et leur faire part de leurs aspirations concernant leurs enfants. Il s'agit donc d'une question très large liée à l'appartenance à une communauté particulière et au fait de pouvoir tirer profit de certaines des ressources utiles de cette communauté.

Le sénateur Cordy : Lorsque je suis allée en Israël, j'ai eu l'occasion de visiter ce que j'appellerais une « école d'immigrants » — je ne sais pas trop comment on l'appelle — et c'était très intéressant. Ce qui était bien, c'est que tous les immigrants provenaient d'Afrique, de la même région, et ils parlaient tous la même langue.

Il y avait une école pour les parents et les enfants, où on leur apprenait la langue — ils suivaient des cours de langue toute la journée — et d'autres choses culturelles. Ils n'étaient pas obligés d'adopter l'autre culture, mais cette école visait à les aider à s'intégrer. On leur apprenait des choses simples sur leur communauté, comme la manière de faire l'épicerie et la manière de cuisiner les aliments qu'ils trouveraient au supermarché.

Prenons-nous assez de mesures de ce genre pour garantir que les gens ne sont pas laissés pour compte quand ils arrivent au Canada? S'ils ont de la famille ou des amis ici, ils ont certainement une longueur d'avance.

Mme Abada : Certaines communautés s'organisent naturellement, qu'elles obtiennent de l'aide de la communauté plus large ou non. Vous avez fait allusion à des institutions sociales ethniques quand vous avez mentionné l'école de langue. Cela est très populaire aux États-Unis, où les parents font partie de toutes les classes sociales. Ceux qui font partie des groupes à faible revenu peuvent tirer profit des familles à revenu plus élevé en leur demandant, par exemple, ce qu'ils doivent faire pour envoyer leurs enfants à l'école.

Cela peut prendre la forme d'une école de langue. Dans la communauté coréenne, par exemple, l'église est le point d'ancrage de la communauté immigrante. Les structures sociales fournissent un lieu pour l'enregistrement des connaissances et la reconstruction de liens sociaux. Cela peut prendre la forme d'autres associations ou de clubs sportifs.

Cela va au-delà de l'enseignement de leur langue maternelle ou de leur culture parce que c'est aussi pour les parents. Il y a un avantage indirect puisque les parents peuvent également apprendre des choses.

En fait, une étude américaine montre que ces écoles de langue ethniques n'existent pas uniquement pour les enfants. Par exemple, les parents peuvent participer à des séminaires sur les investissements dans le marché boursier; c'est un exemple du rôle joué par ces communautés ethniques.

Le sénateur Cordy : Monsieur Sweet, j'ai été enseignante au primaire. Vos commentaires sur l'importance de l'école primaire m'ont donc beaucoup intéressée. On ne peut pas soudainement demander aux élèves en 11e et en 12e années ce qu'ils vont faire. On doit investir dans l'alphabétisation des jeunes enfants.

L'autre jour, j'ai assisté à un déjeuner avec la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, et j'ai eu une longue discussion à ce sujet avec la présidente du Syndicat des enseignants de la Nouvelle-Écosse. Nous avons parlé des études postsecondaires et du fait qu'il est de plus en plus reconnu que nous devons commencer à déployer des efforts avant l'école secondaire.

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la nécessité d'investir dans l'apprentissage des jeunes enfants et sur l'importance des investissements relativement aux études postsecondaires?

M. Sweet : Un grand nombre des documents, des arguments et des débats à ce sujet tournent autour de la nécessité d'améliorer le sort des familles à faible revenu. Les enfants ciblés par les programmes visant à contrer la pauvreté juvénile en sont un exemple. Nous étions censés réduire le taux de pauvreté chez les enfants avant l'an 2000. C'était une politique majeure adoptée il y a de nombreuses années. Il s'agit de l'une des caractéristiques les plus durables du paysage social.

Ce qui a changé, c'est que les avancées dans les recherches biologiques ont fait baisser l'âge auquel nous devons commencer. Des programmes préscolaires avaient été conçus pour aider ces enfants. Il est maintenant clair que nous devons commencer beaucoup plus tôt, dès les premières années de vie. Les résultats sont bien meilleurs lorsque l'on investit dans les enfants en très bas âge au lieu d'investir seulement dans les jeunes au niveau secondaire, par exemple. Nous devons maintenant nous demander comment il faut procéder. Cela entraîne la question d'une politique parentale. Quel est le rôle de l'État? Il y aura beaucoup de résistance si l'on dit aux gens comment ils doivent élever leurs enfants.

On doit commencer quand les enfants sont très jeunes, surtout chez les immigrants ou les nouveaux arrivants. J'ai été enseignant à la maternelle. J'ai fait mes débuts à ce niveau. On n'a commencé à enseigner les mathématiques, les langues ou les arts que lorsque l'enfant était heureux, et qu'il se sentait à l'aise et accepté. La notion de l'inclusion était essentielle pour l'enfant, et elle l'est probablement pour les groupes aussi.

Il y a deux notions liées à l'immigration : celle du regroupement et celle de la construction des ponts entre les groupes. Dans les écoles, et cela est lié à votre question sur les enclaves ethniques et l'enrichissement scolaire — par exemple, quand il y a 80 p. 100 des élèves qui parlent le mandarin, devrions-nous favoriser le regroupement ou la création de ponts? Le regroupement est-il un problème? En fait, on devrait favoriser les deux. Il y a un large éventail de répertoires. Ce que l'on doit faire en ce qui concerne les tout-petits dans les programmes préscolaires ou au primaire, c'est d'établir une distinction entre la réussite scolaire et l'engagement social. Les programmes parascolaires font partie de l'engagement social. Ils ne sont pas superflus. C'est pourtant dans ce domaine que l'on coupe en premier. À Vancouver, on coupe actuellement les programmes de musique parce qu'on n'a plus d'argent pour les poursuivre.

Ces programmes parascolaires permettent à l'enfant de se reconnaître dans les normes et les valeurs de l'école. C'est là que tout commence parce que les enfants ont un sentiment d'appartenance à l'égard de leur équipe de football, de l'harmonie ou de quelque autre groupe que ce soit, ils s'identifient aux enfants avec qui ils font ces activités et ils se reconnaissent dans les principes qui sous-tendent la participation scolaire — la persistance, la concentration, l'assiduité et la gratification dans l'immédiat. Ces activités permettent aux parents d'établir des liens entre la maison et l'école. Il s'agit d'une boucle nécessaire à l'attachement et à la réussite.

Le sénateur Dyck : Ma première question s'adresse à M. Corak. Vous n'avez pas pu nous parler de la figure 2, qui présente une comparaison des années d'études réalisées par les fils et les filles d'immigrants.

M. Corak : C'est vrai.

Le sénateur Dyck : J'ai peut-être mal compris, mais il me semble qu'il y a des différences importantes entre les sexes pour certains pays, dont ceux compris dans la catégorie des autres pays de l'Asie orientale. Les filles font, en moyenne, 14 années d'études, tandis que les garçons en font 16, en moyenne. Du point de vue stratégique, devrions-nous nous préoccuper de telles différences? Y a-t-il des études qui expliquent ce phénomène? J'ai été très surprise. Je pensais que la situation serait l'inverse et que les filles auraient un niveau de scolarité plus élevé, selon ce que le sénateur Martin a dit. Souvent, dans les systèmes scolaires, c'est du moins le cas de ma génération, les garçons étaient beaucoup plus souvent victimes d'intimidation et de discrimination que les filles. Ils étaient deux fois victimes, en quelque sorte. Est-ce que j'ai bien interprété les graphiques?

M. Corak : Les graphiques disent deux choses. L'une de ces choses est très globale. Nous devrions célébrer le fait que, en moyenne, les choses se passent bien. L'autre chose est celle que vous avez soulignée, c'est-à-dire que, malgré les moyennes, les expériences varient beaucoup. Nous avons parlé de l'importance du sentiment d'appartenance à une communauté, à une culture et à une famille. On peut très bien imaginer comment ce patrimoine se manifeste dans la réalité canadienne et interagit avec elle. Les scénarios sont très différents, selon la communauté. La communauté grecque n'a pas la même expérience que les communautés taïwanaise ou jamaïcaine. Ces graphiques visent également à attirer votre attention sur des communautés particulières qui doivent être ciblées. Vous avez un bon œil et avez décelé quelque chose que je n'avais même pas remarqué au premier coup d'œil.

J'aimerais saisir l'occasion pour vous dire qu'il y a certains groupes problématiques, malgré la moyenne. Je reconnais que le rôle du comité est de parler de l'accès aux études, mais, je le répète, il faut également tenir compte de l'expérience sur le marché du travail. La vraie menace pour notre société est la même que celle qui pèse sur la France. Il s'agit du niveau de réussite scolaire des immigrants et des attentes que cela soulève, lesquelles sont déçues dans le niveau de vie que l'on considère comme acceptable. C'est ce qui a provoqué les émeutes dans les banlieues de Paris, il y a quelques années. L'un des objectifs de l'étude était de voir ces moyennes d'un œil critique et d'attirer l'attention sur les communautés qui ont le plus de difficulté.

Aucune de ces communautés ne nous préoccupait en ce qui concerne le sort des filles. Globalement, il s'agit d'un modèle de réussite. Mais quand nous avons adopté le point de vue des garçons, nous avons constaté qu'il y a des communautés dans lesquelles le revenu moyen des pères était inférieur à la moyenne malgré le fait qu'ils ont, comme leurs fils, un niveau de scolarité plus élevé; malheureusement, ces pères voient leurs enfants vivre la même situation qu'eux.

Il faut considérer l'expérience d'un immigrant. Il vient ici dans l'espoir d'une vie meilleure pour lui-même, bien évidemment, mais dans une plus grande mesure, pour ses enfants. Ses titres de compétence, pour une raison quelconque, n'ont pas été reconnus. Il conserve des espoirs pour ses enfants. Ses enfants, après tout, sont nés ici et ont réussi dans le système canadien. Ils ont même eu des résultats supérieurs à la moyenne. Toutefois, le marché du travail leur met des bâtons dans les roues, et leur revenu est inférieur à la moyenne. Les membres de ces communautés qui sont arrivés à la génération précédente viennent de la Barbade, de la Colombie, de la Grenade, de la Guinée, d'Haïti, de la Jamaïque, de Sainte-Lucie, de la Trinité et de l'Afrique de l'Ouest. Ce qu'ils ont en commun, c'est la couleur de leur peau.

Cela dit, nous sommes obligés d'examiner ces études générationnelles en regardant en arrière. J'examine les acquis de ces personnes une fois qu'elles sont adultes. Notre défi, c'est de reconnaître les nouvelles communautés que nous devrions cibler et de déterminer comment elles s'en tirent. Nous en voyons peut-être un peu les effets. Il y en a eu des éclats à Montréal. La communauté haïtienne n'est pas la seule. Les communautés arabes ont également été touchées. Il faut porter attention à ces communautés dès les premières années de vie des enfants. En moyenne, nous devrions être fiers de ce que nous avons accompli. Nous nous démarquons à l'échelle internationale pour l'expérience positive vécue par nos immigrants. Cependant, certains groupes ont du chemin à faire. Cela est dû, en partie, aux antécédents familiaux. Toutes ces expériences, si vous m'avez bien écouté, nous en apprennent autant sur nous-mêmes que sur les communautés immigrantes. Pourquoi les titres de compétence ne sont-ils pas reconnus, et qui sont les groupes capables de protéger les nouveaux arrivants et de leur nuire? Pourquoi la couleur de peau et les noms ont-ils encore de l'importance? Ça va vraiment dans les deux sens.

Le sénateur Dyck : Au sujet des noms et de la couleur de la peau, selon vous, est-il possible que ces facteurs soient exacerbés durant une récession? Quand l'économie ne va pas bien et que les emplois sont plus difficiles à trouver, les employeurs ont-ils tendance à embaucher des gens qui leur ressemblent?

M. Corak : Il est assez clair que c'est le cas. Si nous revenons en arrière, à la récession des années 1990, qui a été très longue et qui s'est principalement concentrée en Ontario, le groupe qui s'en est le moins bien tiré est celui des nouveaux arrivants. Ces gens ont été redirigés, en raison du manque d'emplois, vers des professions qu'ils n'auraient pas acceptées, autrement. Cela les a marqués pendant longtemps. Nous sommes très chanceux parce que la récession actuelle ne sera pas aussi longue. Toutefois, quand la file est longue à l'usine et que le nombre d'emplois est limité, le niveau de compétence n'est peut-être pas le seul critère d'embauche.

Le président : Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait répondre à la question du sénateur Dyck? J'ai une question complémentaire de la part du sénateur Champagne.

Le sénateur Champagne : La reconnaissance des diplômes au Canada est un problème considérable pour les immigrants. Je connais un homme marocain qui a fait des études en France. Il est médecin et a un diplôme français. Il a immigré au Québec parce qu'il pensait qu'il n'aurait pas de problèmes avec la langue, puisqu'il parle français. Il est arrivé depuis deux ans et demi et il a dû retourner à l'université pendant un an, ce qui a été très difficile puisqu'il a une femme et un enfant.

Que pouvons-nous faire pour faciliter la transition des gens bien instruits qui arrivent ici? Dieu sait que nous avons besoin de médecins de famille. Pouvez-vous suggérer quelque chose? Les provinces ont leur mot à dire en ce qui concerne la sélection des immigrants, mais le gouvernement fédéral pourrait-il faire quelque chose pour favoriser de meilleures pratiques? Je suis certaine qu'il y a de nombreux immigrants qui conduisent un taxi au lieu de travailler dans une clinique de médecine familiale. Avez-vous des suggestions?

M. Corak : J'ai l'impression que le gouvernement fédéral travaille à ce dossier. Une partie du problème est le manque d'information et l'absence d'un système de classification des diplômes étrangers. Il faudrait que cette information soit communiquée aux milieux de travail de manière plus efficace.

Comme nous l'avons dit, la rigidité de notre marché du travail et les groupes d'intérêt qui se sont formés pour empêcher ces nouveaux arrivants de se tailler une place font partie du problème. À cet égard, la médecine est souvent mentionnée. Je ne sais pas trop quel rôle le gouvernement fédéral pourrait jouer relativement à cette question. Ces titres, qui ne sont pas nécessaires, tiennent les immigrants à l'écart. Je sais qu'il s'agit d'une situation urgente, mais je ne crois pas être bien placé pour vous offrir des suggestions.

Le sénateur Champagne : Si cet homme pouvait pratiquer la médecine, il ferait de l'argent, et ses enfants, qu'il a amenés du Maroc de même que le plus petit, qui est né ici, iraient, tôt ou tard, à l'université. C'est un cercle vicieux, à mon avis.

M. Corak : Je ne veux pas surestimer les conséquences intergénérationnelles de cette situation. Même si ce parent se voit imposer des contraintes, ses enfants réussiront bien parce qu'il leur transmettra d'autres choses qui comptent. Au bout du compte, les choses semblent s'arranger. Ce n'est toutefois pas une consolation.

La personne est moins souvent en cause que la structure de notre marché du travail.

Le sénateur Champagne : J'espère que nous pouvons aider.

Le président : L'une des choses sur lesquelles nous devons nous pencher est l'accès aux études postsecondaires pour les Autochtones. On nous a dit que les Autochtones qui obtiennent un diplôme d'études secondaires ont autant de chances d'accéder aux études postsecondaires que le reste de la population. Le problème est que leur taux de décrochage aux niveaux primaire et secondaire est très élevé.

Je sais que les immigrants sont confrontés à de nombreux obstacles. Cependant, y a-t-il des modèles de réussite que nous pouvons appliquer à la population autochtone?

M. Sweet : Je ne suis pas spécialiste des Autochtones. Mais dans le cadre de mes études sur les immigrants dans les régions métropolitaines, j'ai remarqué que de plus en plus d'organisations, comme Metropolis, doivent maintenant également se pencher sur la situation des Autochtones.

Il y a certaines ressemblances. Une étude récente réalisée par le groupe de recherche Environics — vous l'avez peut- être lue — dresse un tableau plus optimiste que certaines des analyses précédentes des Autochtones. Entre autres, une enquête a révélé que les jeunes Autochtones aspirent beaucoup aux études postsecondaires, ce qui est très intéressant. Je considère cela comme le véhicule de mobilité sociale qui leur permettra de s'établir. C'était le résultat clé de l'enquête. Les questions liées à l'accès et à la vulnérabilité sont importantes. Les taux de décrochage de certains groupes ethniques que nous avons étudiés dans la Commission scolaire du district de Toronto s'approchent des taux de décrochage des Autochtones ou les dépassent. Il y a probablement beaucoup de points communs en ce qui concerne la réaction de ces groupes aux institutions.

Le président : Y a-t-il d'autres questions? Sinon, je vous remercie d'être venus aujourd'hui. L'information que vous avez fournie nous sera très utile. La séance est levée.

(La séance est levée.)


Haut de page